A propos de Murielle Cahen

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Avocat à la cour (Paris 5eme arrondissement) J'interviens principalement en droit de la propriété intellectuelle, droit des nouvelles technologies, droit civil & familial, droit pénal, droit de l'immobilier, droit du travail, droit de la consommation Consultation juridique en ligne - Réponse en 24/48h max. (€100 TTC) Titulaire du certificat de spécialisation en droit de l'informatique et droit de l'internet. Editrice du site web : Avocat Online depuis 1999. Droit de l'informatique, du logiciel et de l'Internet. Propriété intellectuelle, licence, presse, cession, transfert de technologie. droit d'auteur, des marques, négociation et arbitrage... Cabinet d'avocats à Paris. Droit internet et droit social, droit des affaires spécialisé dans les nouvelles technologies et lois internet...

Articles de Murielle Cahen:

LA PROTECTION DU LOGICIEL PAR LE DROIT D’AUTEUR

11Le logiciel occupe aujourd’hui une place importante de l’économie numérique, en effet, celui-ci est embarqué dans de nombreuses machines, il est devenu indispensable. C’est pourquoi il est apparu nécessaire de savoir quelle protection était accordée au logiciel, or la réponse à cette question n’était pas évidente, puisque l’on pouvait hésiter entre une protection accordée via le droit des brevets, le droit d’auteur, ou encore créer un régime propre au logiciel. C’est finalement la protection par le droit d’auteur qui a été choisie.

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Le Code de la propriété intellectuelle n’apporte pas de définition arrêtée en la matière, mais la Commission de terminologie française a apporté des précisions quand au terme de logiciel, dans des travaux publiés au journal officiel du 17 janvier 1982. Ainsi, le logiciel est un ensemble de programmes, procédés et règles, et éventuellement de la documentation, relatif au fonctionnement d’un ensemble de traitement de données.

Un logiciel est un produit actif qui se caractérise principalement par ses fonctionnalités, ou sa structure externe, alors qu’un programme informatique se caractérise par sa structure interne et peut ne consister qu’en un listing de données. La loi française est une des rares avoir opté pour le terme de « logiciel », alors que les législations étrangères (Royaume-Uni, Japon, Allemagne ou les États-Unis) ont préféré celui de « programme informatique ». La directive européenne, qui vise les programmes d’ordinateur, pose dans son préambule que le terme « programme d’ordinateur » comprend les travaux préparatoires de conception du logiciel aboutissant, ainsi, au développement d’un programme, à condition qu’ils soient de nature à permettre la réalisation d’un programme à un stade ultérieur.

Dans un arrêt en date du 6 octobre 2021, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 6 oct. 2021, no C-13/20), a précisé la possibilité pour un acquéreur de programme d’ordinateur d’effectuer une décompilation de tout ou partie de celui-ci pour corriger des erreurs affectant son fonctionnement, y compris dans la situation où la correction implique la désactivation d’une fonction perturbant le bon fonctionnement de l’application contenant le programme. (12)

On sait, par ailleurs, que le droit d’auteur recoupe l’ensemble des droits moraux et patrimoniaux dont dispose l’auteur d’une « œuvre de l’esprit » (de sa création, somme toute) sur celle-ci. Le Code de la propriété indique cette fois-ci, en son article L112-2, les œuvres encadrées par la protection accordée par le droit d’auteur, parmi lesquelles on compte les logiciels.


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En France, le logiciel est protégé par le droit d’auteur, même si le législateur hésitait entre la protection par le droit des brevets, une protection par le droit d’auteur, ou une protection par un droit intellectuel spécifique. En effet, le logiciel fait appel à plusieurs notions. D’abord, à des notions de brevets par son aspect technique, ensuite au droit d’auteur, en ce qu’il constitue une œuvre du langage. Même si le législateur a choisi le droit d’auteur pour assurer la protection du logiciel, celui-ci a été adapté au logiciel de façon à appréhender l’aspect technique de la notion de logiciel.

I / Le choix de la protection par le droit d’auteur

A / Les raisons de l’exclusion du droit des brevets

En France, le débat a été tranché dès 1968 avec l’adoption de la loi du 2 janvier 1968 qui expliquait le refus de l’application du droit des brevets au logiciel par son inaptitude à remplir le caractère industriel exigé pour les inventions brevetables.

En effet, pour qu’une invention soit brevetable, elle doit remplir plusieurs conditions cumulatives, à savoir : une invention nouvelle, une invention impliquant une activité inventive, une invention licite, et enfin, une invention susceptible d’application industrielle. En vertu de l’article L. 611-15 du code la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme susceptible d’application industrielle si son objet peut être fabriqué ou utilisé dans tout genre d’industrie, y compris l’agriculture.

Par ailleurs, le législateur a opté de ne pas choisir la protection par le droit des brevets pour des motifs économiques et techniques. Il craignait que les États Unis inondent le marché français de demande de brevet et qu’ils bloquent ainsi la recherche française. En somme, les praticiens auraient eu plus de difficulté à apprécier l’état de la technique antérieure en matière de logiciel.

Toutefois l’exclusion de brevetabilité n’est pas absolue. En effet l’article L 611-10 CPI n’exclut le logiciel de la brevetabilité « qu’en tant que tel ». Cela signifie que le logiciel ne peut pas être déposé que s’il est revendiqué en tant que tel, mais qu’il devient brevetable lorsqu’il est intégré à une invention plus globale.

Ainsi, bien qu’un algorithme ou un logiciel ne soit pas brevetable, en tant que tel, il le devient s’il constitue une étape importante dans un processus industriel et/ou dans le fonctionnement d’un système. Ce principe a été consacré, en matière de logiciel, dans l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris dans l’affaire « Schlumberger ».

La loi exclut donc de la brevetabilité les logiciels en tant que tels et non les machines ou les systèmes, dont une ou plusieurs étapes sont mises en œuvre par un logiciel, comme le précisent les directives de l’Office européen des brevets (OEB).

Enfin l’avantage de la protection par le droit d’auteur est que celle-ci est acquise sans aucune formalité de dépôt, contrairement au brevet qui implique un dépôt entraînant un certain coût, soit auprès de l’Institut national de la propriété intellectuelle, soit auprès de l’Office européen des brevets (OEB).

B / La notion de logiciel

Il faut se référer à la jurisprudence pour délimiter les contours de la notion de « logiciel ». Du point de vue technique le logiciel se définit comme un processus comprenant deux phases, à savoir une phase d’analyse et une phase de programmation. La phase de programmation consiste enfin à rédiger des instructions dans un langage informatique, ce qui se concrétise par le passage du code source au code objet, qui permet de passer à une version automatisable par l’ordinateur de la solution donnée.

On distingue le logiciel d’application du logiciel d’exploitation. Leur différence tient dans leur nature et leur fonctionnalité. En effet, le logiciel d’exploitation permet l’utilisation et organise le fonctionnement de la machine, tandis que le logiciel d’application ne sera qu’une fonctionnalité incluse dans l’ordinateur, sachant qu’il doit être compatible avec le logiciel d’exploitation et avec l’ordinateur sur lequel il sera installé.

II / L’adaptation du droit d’auteur au logiciel

A / Les éléments du logiciel protégeables par le droit d’auteur

Selon un célèbre adage attribué à Henri Debois, « les idées sont par essence et par destination de libre parcours ». Les idées doivent librement circuler dans nos esprits. L’exclusion de la protection des idées se justifie par la volonté de ne pas bloquer la création ni entraver la libre concurrence. Or certains éléments du logiciel sont assimilés aux idées (les algorithmes et les fonctionnalités du logiciel).

Toutefois, il convient de noter que la Cour de Justice de l’Union européenne a précisé, dans une décision, que « ne sont pas protégeables des fonctionnalités de logiciel (CJUE, SAS Institue c/ World Programming).

Un des éléments protégeables par le droit d’auteur est d’une part le matériel de conception préparatoire. L’article L 111-2 du CPI dispose en effet que la protection est accordée au logiciel y compris son matériel de conception préparatoire. Cela recouvre l’ensemble des travaux de conception aboutissant au développement d’un programme de nature à constituer un logiciel à un stade ultérieur. C’est dans ce concept de « matériel de conception préparatoire » que se situent les analyses fonctionnelles et organiques, qui sont donc protégées.

Le deuxième élément du logiciel protégé est son programme. Les programmes recouvrent le code source et le code objet du logiciel. Par programme source, on entend la liste des instructions qui composent le logiciel. Pour déterminer s’il y a contrefaçon d’un programme source, les experts le comparent avec celui du logiciel contrefaisant afin d’établir le nombre de lignes identiques des deux programmes.

Concernant le programme objet, la jurisprudence n’a jamais douté de l’application du droit d’auteur aux programmes objet, c’est-à-dire à l’enregistrement ou à la transcription en code binaire, sur bande, disque ou disquette magnétiques ou à l’intérieur d’une mémoire de type « ROM », du programme source d’un logiciel. Le droit d’auteur protège le œuvres quelle que soit leur forme, et la doctrine et la jurisprudence française ne voient dans le programme objet qu’une traduction du programme source en langage codé magnétiquement.

Le troisième élément protégé est la documentation d’utilisation. Le statut du cahier des charges, et des informations qu’il contient, est normalement réglés par les dispositions du contrat de développement de logiciel.

Dans un arrêt en date du 6 mars 2024, (Cass. com., 6 mars 2024, no 22-23657,) la chambre commerciale a précisé que lorsqu’un logiciel est mis à disposition par téléchargement accompagné de la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation permettant au client d’utiliser cette copie de manière permanente, en contrepartie d’un paiement, cela implique un transfert de la propriété de cette copie. (14)

Mais, même en l’absence de dispositions contractuelles, commets un acte de concurrence déloyale la SSII ou le constructeur qui utilise pour son compte un cahier des charges ou d’autres informations techniques qui lui ont été communiquées par un client dans le cadre de relations contractuelles. Cependant, le réalisateur demeure libre d’utiliser le « savoir-faire général » acquis par l’étude du cahier des charges, mais par prudence, il aura intérêt à le mentionner spécifiquement dans le contrat de commande.

Le quatrième élément du logiciel bénéficiant de la protection est la page-écran. Elle consiste en la manifestation graphique du logiciel, passant par des dessins, des icônes, etc.

Enfin, d’autres éléments du logiciel pouvant faire l’objet d’une protection par le droit d’auteur sont : les interfaces techniques et fonctionnelles, le manuel d’utilisation et documents commerciaux, le titre des logiciels, etc.

B / Les droits moraux et patrimoniaux du créateur

Concernant les droits patrimoniaux, l’article L 122-6 du CPI prévoit trois prérogatives au bénéfice de l’auteur d’un logiciel, à savoir un droit de reproduction, de modification et de mise sur le marché.

La première prérogative, à savoir, le droit de reproduction permet à l’auteur d’avoir un monopole sur la fixation de l’œuvre sur tout support qui en permet la communication au public. Ce droit implique pour l’auteur du logiciel d’être protégé à la fois contre la reproduction permanente de son logiciel, mais aussi contre toute reproduction provisoire.

Le droit de modification permet quant à lui à l’auteur du logiciel de s’opposer à la traduction, l’adaptation, l’arrangement ou toute autre modification de son logiciel. Ces actes nécessitent en effet l’autorisation de l’auteur du logiciel, sous peine d’être déclarés contrefacteur.

Enfin le droit de mise sur le marché est totalement étranger au droit d’auteur classique. Cela signifie que l’auteur dispose du droit de mettre son logiciel sur le marché à titre onéreux ou gratuit. Il existe toutefois une limite à ce droit dans la mesure où la première vente d’un logiciel dans un État membre de la communauté européenne, par l’auteur ou avec son consentement, épuise le droit de mise sur le marché de cet exemplaire dans tous les États membres. Le logiciel étant considéré comme une marchandise, il est logique qu’on lui applique le principe communautaire de libre circulation des marchandises.

La location reste cependant réservée à l’auteur même lorsqu’il y a eu une première vente dans un État membre.

Concernant les droits moraux, là aussi le droit d’auteur s’est adapté au logiciel notamment en paralysant certaines attributions qui font en principe partie des attributions de l’auteur au titre de ses droits moraux. La finalité de la limitation est d’éviter un exercice débridé de ces droits, notamment parce qu’ils sont perpétuels alors que les droits patrimoniaux courent jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur, puisse nuire à la commercialisation des logiciels.

L’auteur du logiciel conserve le droit de divulgation et le droit à la paternité de l’œuvre. Selon un arrêt rendu par la Cour d’appel de Douai, « le droit moral du programmeur, par interprétation a contrario de l’article L. 127-7 du CPI, se réduit en matière de logiciel au droit au nom . ». Cela sous-entend qu’il suffit que le nom de l’auteur soit crédité sur l’écran de l’ordinateur lors de la mise en route du logiciel, pour que son droit au respect soit respecté. Le nom de l’auteur doit donc être mentionné.

Concernant le droit au respect de son œuvre, il est limité dans la mesure où un auteur ne peut pas s’opposer à la modification du logiciel par le cessionnaire des droits patrimoniaux si elle n’est pas préjudiciable à son honneur ou à sa réputation. Ce droit consiste pour l’auteur à pouvoir s’opposer à une dénaturation de son œuvre. En droit d’auteur classique, il n’est pas nécessaire de prouver une atteinte à son honneur ou à sa réputation pour pouvoir invoquer son droit au respect de l’œuvre.

Enfin le droit de retrait, ou droit de repentir, est totalement paralysé en matière de logiciel. Ce droit consiste au fait que l’auteur peut en principe à tout moment décider d’arrêter la divulgation de son œuvre.

III / Protection des logiciels autres que par le droit d’auteur

A – Protection par le droit des dessins et modèles

Un logiciel peut bénéficier de la protection par le droit des dessins et modèles, dans son aspect télévisuel si l’on suit la logique du Livre V du CPI (an. L. 14 juill. 1909). Toutefois, sont exclus de la protection accordée par le Livre V les dessins dont la forme est inséparable de leur fonction par leur fonction. Enfin, ne sont protégés que les dessins « nouveaux » : ainsi, la protection de la loi a été refusée à un jeu vidéo ayant le même aspect télévisuel que des jeux existants antérieurement.

B – Protection des logiciels par le droit des marques

La marque fait l’objet d’une protection autonome qui élargit l’arsenal juridique à la disposition des créateurs de logiciels. Par exemple : en cas de piratage par des distributeurs, il y aura également contrefaçon de marque. Mais le dépôt de la marque ne confère que des droits sur celle-ci et non sur le logiciel lui-même.

C – Protection des logiciels par le droit pénal

L’appropriation frauduleuse d’un logiciel est susceptible de tomber sous le coup d’une large variété de lois pénales (vol, abus de confiance, corruption active ou passive d’employé, violation de secret professionnel, divulgation de secret de fabrique). D’ailleurs, il a déjà été jugé que constituait :

« Le délit de vol prévu par le Code pénal la copie d’un logiciel spécifique par un employé à l’insu de son employeur. »

Dans un arrêt en date du 9 mars 2021, (Cass. crim., 9 mars 2021, no 20-90034) la chambre criminelle a considéré qu’était dénuée de caractère sérieux la question prioritaire de constitutionnalité concernant la conformité de l’article L335-3 alinéa 2 du CPI au principe de légalité des délits et des peines. Cet article dispose : « Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit. » (15)

IV / Sanctions de la contrefaçon de logiciels

L’alinéa 1er de l’article 6 de la directive européenne sur la protection juridique des programmes d’ordinateur dispose que : « Le fait d’importer, de posséder ou de prendre en charge une copie illicite d’un programme d’ordinateur en sachant ou en ayant de bonnes raisons de croire qu’il s’agit effectivement d’une copie illicite constitue une infraction aux droits exclusifs de l’auteur sur ce programme. »

En matière pénale, la contrefaçon est punie par l’article L. 335-2 du CPI qui, depuis la loi du 29 octobre 2007, prévoit une peine d’emprisonnement de trois ans et 300 000 euros d’amende.

En matière civile, le contrefacteur peut être condamné non seulement à la confiscation des logiciels contrefaits, à celui du matériel utilisé pour la contrefaçon, à la publication du jugement dans diverses revues professionnelles, mais surtout au paiement de dommages et intérêts destinés à compenser le préjudice subi.

L’attribution de dommages et intérêts est généralement effectuée d’une manière stricte, sur le fondement du gain manqué ou de la perte du chiffre d’affaires, compte tenu des éléments commerciaux fournis par le demandeur.

Dans un arrêt en date du 8 décembre 2023 (CA Paris, P. 5, ch. 2, 8 déc. 2023, no 21/19696), la cour d’appel de Paris a précisé que l’éditeur d’un logiciel peut agir en contrefaçon contre son cocontractant pour bénéficier des garanties de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 tenant à l’évaluation des dommages et intérêts et à la saisie réelle des marchandises prétendument contrefaisantes. (13)

Pour lire une version plus complète de cet article sur la contrefaçon de logiciel, cliquez

Sources :

  1. Le Stanc, « Exclusions de brevetabilité règles relatives au logiciel » J.-cl. brevets, fasc. 155 J.-P. Martin, « La < protection > des < logiciels > informatiques : droit d’auteur ou brevet d’invention ?
  2. CA Paris, 4e ch., 15 juin 1981
  3. 3 juin 1986, no 84-16.97
  4. CA Douai, 1re ch., 1er juill. 1996, PIBD 1993, III, 129 qui alloue l’équivalent de 3 000 euros pour l’atteinte portée au droit au nom de l’auteur.
  5. corr. Nanterre, 15e ch., Coreland c/ Fama
  6. TGI Paris, 3e ch., 9 mars 1984
  7. CA Versailles, 3e ch., 21 avr. 1989, Rigoult c/ Verveer, Juris-data no 43864
  8. -L. Goutal, « La < protection > pénale des < logiciels > », Exp. 1986, no 80, p. 2
  9. TGI Montbéliard, 26 mai 1978, Peugeot c/ X, Exp. 1978.
  10. TGI Paris, 31e ch., 19 mars 1990 GST c/ E., Cah. dr. Auteur 1990
  11. TGI Paris, 3e ch., 13 févr. 1989, Sisro c/ Ampersand, Exp. 1989.
  12. CJUE, 6 oct. 2021, noC-13/20 https://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&td=ALL&num=C-13/20
  13. CA Paris, P. 5, ch. 2, 8 déc. 2023, no21/19696 https://www.courdecassation.fr/decision/657412aed0916383187adcd2?search_api_fulltext=21/19696&op=Rechercher&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=all&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=1
  14. com., 6 mars 2024, no22-23657, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049261474?init=true&page=1&query=22-23.657&searchField=ALL&tab_selection=all
  15. crim., 9 mars 2021, no20-90034 https://juricaf.org/arret/FRANCE-COURDECASSATION-20210309-2090034

 

La déchéanche de la marque

La procédure en nullité ou en déchéance à l’encontre d’une autre marque appartenant à un tiers permet aux acteurs économiques à compter du 1er avril 2020 de faire valoir leurs droits plus simplement, plus rapidement et à moindre coût, en simplifiant des actions ouvertes auparavant dans le seul cadre d’un contentieux judiciaire.

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Instruite à l’INPI par une équipe de juristes spécialisés, la procédure permet de rendre disponibles des marques non exploitées pour permettre à d’autres acteurs de les utiliser et de supprimer des marques en cas de défaut de validité ou d’atteinte à l’ordre public.

Le propriétaire d’une marque française a l’obligation de l’exploiter pour les produits et services désignés dans son dépôt. Il risque sinon de la perdre.

La déchéance d’une marque est prononcée par l’INPI ou par les tribunaux, sous certaines conditions. Elle peut être demandée par toute personne, si son propriétaire :

N’a pas commencé à exploiter sa marque alors qu’elle est enregistrée depuis 5 ans au moins

Ou s’il a abandonné l’exploitation de sa marque depuis plus de 5 ans.


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La déchéance d’une marque peut être totale ou partielle, c’est à dire pour tout ou partie des produits et services désignés au dépôt.

C’est au regard des preuves d’exploitation apportées par le propriétaire que l’INPI ou les juges apprécieront si la marque a été sérieusement exploitée.

I. Conditions de fond de l’action en déchéance pour cause de dégénérescence

A. La dégénérescence s’applique quand la marque est devenue après son enregistrement

Selon l’article L.714-6 du Code de la propriété intellectuelle, encourt la déchéance de ses droits le titulaire d’une marque devenue de son fait :

1.La désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service

En fait, les plaideurs qui ont eu recours à l’action en déchéance pour cause de dégénérescence ne se sont pas attaqués exclusivement à des marques qui étaient devenues la désignation usuelle du produit ou du service au sens de l’ancien article 12 de la directive (ce qui créait finalement un certain lien avec la notion de marque notoire, lien factuel). Ils ont aussi tenté d’obtenir la déchéance de marques composées de termes qui ne remplissaient pas ou plus les conditions minimales de la distinctivité d’une marque au regard des autres causes exposées à l’ancien article L. 712-2.

Une telle demande apparaît de prime abord comme étant contraire au texte même de la directive, du règlement et de la loi française, alors applicables, qui limitent les possibilités d’application de la dégénérescence au cas de la marque devenue la désignation usuelle du produit ou du service.

En effet, seule la marque devenue la désignation usuelle d’un produit ou d’un service est apte à paralyser l’intervention des autres opérateurs économiques sur le marché considéré. Les autres causes de refus d’enregistrement ou de nullité de la marque sont, sur ce plan, un peu moins contraignantes pour les concurrents.(7)

La société Candia a déposé la nuance de couleur Rose Pantone 212 à titre de marque pour désigner des produits laitiers. Elle assigne en contrefaçon les sociétés BSA et Lactel, qui utilisent une nuance très proche, le rose fuchsia, sur des produits identiques ; celles-ci répliquent en invoquant la dégénérescence de la marque au motif que cette nuance est devenue usuelle dans le domaine des produits laitiers.

La cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 23 mars 2006, n° 04/08055 : JurisData n° 2006-311182 ; PIBD 2006, n° 831, III, p. 403 ; Propr. industr. 2006, comm. 93, P. Tréfigny) fait droit à cette demande :

[…] les sociétés appartenant à l’activité laitière font usage de la couleur « rose fuchsia » qui sans être toujours identique à la couleur « rose pantone 212 » est une nuance très proche ne permettant pas à un consommateur d’attention moyenne d’opérer une distinction ; […] cette nuance de rose qui est une modernisation de la couleur rose layette ou rose buvard qui identifiait autrefois les produits infantiles est devenue usuelle pour les sociétés commercialisant les produits laitiers.

La société Lactel avait exercé des actions en contrefaçon, dont elle se prévaut pour démontrer qu’elle a tenté d’empêcher la dégénérescence de son signe. La cour estime qu’elle n’a pas pris « des mesures suffisantes pour éviter cette généralisation de l’emploi par des tiers de sa marque déposée rose pantone 212 et éviter la banalisation de celle-ci ». La cour de Lyon rappelle la solution retenue par la Cour de cassation dans l’arrêt Pina Colada du 28 avril 2004.

La chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cette décision dans un arrêt du 10 juillet 2007. Elle confirme donc qu’une marque figurative peut faire l’objet d’une action en déchéance pour dégénérescence et que l’usage par des tiers de signes similaires et non pas identiques à cette marque ne fait pas obstacle à la déchéance, dès lors que le consommateur d’attention moyenne ne peut pas les distinguer.(2)

2. Propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service

L’article L. 714-6, b) dispose qu’encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait « propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service » (v. aussi dir., art. 12, § 2, b) et RMC, art. 51, § 1, c)) 1350. Par hypothèse, la marque n’était, au jour de son dépôt, pas trompeuse à l’égard des produits ou services visés dans la demande et a donc été valablement enregistrée.

Le Tribunal de l’Union européenne dans un arrêt du 29 juin 2022 (Trib. UE, 29 juin 2022, no T-306/20, Hijos de Moisés Rodríguez González c/ EUIPO) a précisé que le caractère trompeur d’une marque justifiant sa nullité doit être apprécié au moment de son dépôt. Cette nullité peut néanmoins être obtenue postérieurement au dépôt sur le fondement de la mauvaise foi du déposant.  (10)

Mais elle est devenue trompeuse en raison des circonstances de son exploitation par son titulaire ou un tiers autorisé ou, comme dit la directive, « par suite de l’usage qui en est fait par le titulaire ou avec son consentement ». Si l’enregistrement est refusé, ou la marque enregistrée susceptible d’être annulée, lorsque le signe était trompeur au moment du dépôt, il est assez logique que le droit de marque puisse disparaître si le signe devient trompeur en raison de l’usage qui en est fait dans le commerce. L’idée est que nul ne doit avoir de droit exclusif sur l’instrument d’une tromperie.

Cette action sanctionne, par hypothèse, une marque dont le vice n’est pas originel. M. Colombet avait précisé dans son rapport (Rapp. devant l’Assemblée nationale au nom de la Commission des lois, n° 1301, annexe au procès-verbal de la séance du 26 avr. 1990) qu’il s’agit de « (…) l’hypothèse où une marque, pendant le cours de la protection, devient trompeuse.

Le tribunal de l’Union européenne a précisé dans trois décisions rendues le même jour (Trib. UE, 1er mars 2023, no T-38/22 ; Trib. UE, 1er mars 2023, no T-37/22 ; Trib. UE, 1er mars 2023, no T-36/22), que le titulaire d’une marque nationale n’ayant pas fait l’objet d’un enregistrement ne peut agir en nullité d’une marque de l’Union européenne s’il ne prouve pas que le droit national prévoit la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. (12, 13, 14)

Il peut en être ainsi lorsque, compte tenu de la transformation des esprits ou des usages une marque non déceptive à l’origine devient ultérieurement trompeuse ». Lors de son dépôt, ou lors d’une action en nullité, la déceptivité de la marque est appréciée par rapport au libellé du dépôt, en tenant strictement compte des produits et services visés. Lors d’une action en déchéance, c’est la déceptivité de la marque, telle qu’elle est utilisée, au moment où l’action en déchéance est introduite, qui est examinée (sur ce point, V. RLDI 2006, p. 6, B. Humblot. – Et B. Humblot : « de la nécessité de ne pas confondre marque trompeuse et marque trompeuse » : RLDI 2015, n° 121, p. 40). L’INPI n’a pas, lors du renouvellement de la marque, la possibilité de relever un vice qui affecterait la marque. C’est pourquoi il est important de prévoir la déchéance d’une marque qui serait devenue trompeuse.

B. Du fait de l’activité ou de l’inactivité de son titulaire

La déchéance (« perte d’un droit, encourue à titre de sanction (…) pour incurie », Vocabulaire Cornu) pour défaut d’exploitation.

L’« usage sérieux » doit ainsi s’entendre d’un usage qui n’est pas effectué à titre symbolique, aux seules fins du maintien des droits conférés par la marque. Il doit s’agir d’un usage conforme à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine d’un produit ou d’un service, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance.

Il en résulte qu’un « usage sérieux » de la marque suppose une utilisation de celle-ci sur le marché des produits ou des services protégés par la marque et pas seulement au sein de l’entreprise concernée. La protection de la marque et les effets que son enregistrement rend opposables aux tiers ne sauraient perdurer si la marque perdait sa raison d’être commerciale, consistant à créer ou à conserver un débouché pour les produits ou les services portant le signe qui la constitue, par rapport aux produits ou aux services provenant d’autres entreprises.

L’usage de la marque doit ainsi porter sur des produits et des services qui sont déjà commercialisés ou dont la commercialisation, préparée par l’entreprise en vue de la conquête d’une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires, est imminente. Un tel usage peut être le fait tant du titulaire de la marque que, comme le prévoit l’article 10, paragraphe 3, de la directive, d’un tiers autorisé à utiliser la marque.

Dans un arrêt en date du 22 juin 2022 (Cass. com., 22 juin 2022, no 21-10051), la chambre commerciale a rappelé que l’usage d’une marque dans le cadre d’un contrat de parrainage sportif différait de l’usage de cette marque pour une activité sportive ou culturelle organisée par un tiers. (11)

L’article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle dispose qu’encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’État.

Le délai de cinq ans visé au texte doit être considéré comme commençant à courir lorsque la procédure d’enregistrement est achevée, soit à compter de la publication de l’enregistrement au BOPI (Paris, 4e ch., 5 juin 2002,

Le délai de cinq ans est un délai ininterrompu qui doit être considéré indépendamment des faits d’exploitation qui ont pu exister avant et après (Paris, 2 juill. 1975 : Ann. propr. ind. 1976, 57).

Des constats d’huissiers établissant une utilisation ponctuelle de la marque ne suffisent donc pas à établir l’exploitation continue requise au texte (Cour de cassation, chambre commerciale, 9 mars 2010, Alimex : PIBD 2010, 917, III, 272).

Dès lors qu’un usage sérieux de la marque a été repris plus de trois mois avant la demande de déchéance, celle-ci ne peut être prononcée (Cour de cassation, chambre commerciale 9 juin 2009, Armand Thierry : PIBD 2009, 901, III, 1273).

La déchéance est normalement encourue pour tous les produits, ou services, qui n’ont pas été effectivement exploités (Paris, 4e ch., 14 avr. 1995 : PIBD 1995, 592, III, 354). Si seul un produit fait l’objet d’une exploitation, la déchéance doit être prononcée pour les autres produits ou services (Paris, 4e ch., 26 janv. 2001, Azzaro : PIBD 2001, III, 313).

Le prononcé de la déchéance de la marque n’empêche évidemment pas que puissent être toujours poursuivis les actes de contrefaçon antérieurs à celle-ci (Paris, 4e ch., 5 juin 1998, n° 94/28160 : JurisData n° 1998-022799 ; PIBD 1998, 661, III, 465) ou ceux auxquels peut être opposée la marque dans la mesure où celle-ci n’a été que partiellement déchue (Cour de cassation, chambre commerciale 6 nov. 2007)

II. Conditions procédurales de l’action en déchéance pour cause de dégénérescence

A. Compétence

D’un point de vue procédural il convient tout d’abord de relever qu’auparavant les tribunaux judiciaires français avait compétence exclusive pour déclarer une marque française déchue pour cause de non-usage.

Désormais, en vertu de certaines dispositions de la loi PACTE (entrées en vigueur le 1er avril 2020), une nouvelle compétence est attribuée à l’Institut national de la propriété intellectuelle (« INPI »), pour statuer en la matière.

D’un point de vue procédural il convient tout d’abord de relever qu’à ce jour les tribunaux de grande instance français ont compétence exclusive pour déclarer une marque française déchue pour cause de non-usage.

La demande de déchéance pour cause de non-usage d’une marque française peut être formée devant une juridiction française à titre principal ou à titre reconventionnel (en réponse à une action en contrefaçon). La très grande majorité des dossiers de déchéance résulte de demandes reconventionnelles dans le cadre d’actions en contrefaçon. Le mécanisme des 3 mois de la période suspecte permet en effet d’éviter bon nombre d’actions à titre principal, favorisant le rachat de marque ou la négociation d’un accord de coexistence, sous la pression d’une action en déchéance.

La déchéance peut être invoquée pour la première fois en appel sans pour autant constituer une demande nouvelle (par exemple, CA Paris, 14 avr. 1995 : PIBD 1995, III, p. 354). En effet, la déchéance, en tant que moyen de défense à l’action en contrefaçon, ne constitue pas une demande nouvelle au sens des articles 564 et 565 du Code de procédure civile.

La situation est différente lorsque la déchéance est demandée à titre principal. La Cour de cassation a refusé en ce cas d’accepter une demande en déchéance d’une marque de l’Union européenne pour la première fois en appel, alors même que cette marque de l’Union européenne était identique à la marque française objet de la demande en déchéance principale.

La compétence est dédoublée concernant les demandes de déchéance mises en œuvre à l’encontre des marques de l’Union européenne.

En effet, l’article 58-1, a) du règlement (UE) 2017/1001 dispose que l’EUIPO est compétent pour connaître des demandes en déchéance pour cause de non-usage à titre principal.

B. Intérêt à agir

Toute personne qui y a un intérêt peut agir en déchéance (Paris, 4e ch., 20 mars 1998 : JurisData n° 1998-021898), et ce tant au regard de ses activités principales que de ses activités accessoires (Paris, pôle 5, 1re ch., 27 févr. 2013, Soc. Swinger International Spa : Propr. ind. 2013, comm. 13, note Tréfigny).

Le demandeur en déchéance justifie d’un intérêt à agir lorsque sa demande tend à lever une entrave à l’utilisation du signe dans le cadre de son activité économique (Cass. com., 18 mai 2010 : D. 2010, act. p. 1343 ; D. 2011, étude 913, obs. Durrande.  Paris, 4e ch., 6 déc. 1990 : JurisData n° 1990-025848 ; PIBD 1991, 501, III, 350). Il en va particulièrement ainsi quand les deux entreprises en cause exercent leur activité dans le même secteur (Paris, 4e ch., 27 nov. 1990 : PIBD 1991, 501, III, 348).

Mais ne justifie pas d’un intérêt à agir celui qui ne pourrait pas procéder à la réservation du signe éventuellement libéré en raison d’un risque de confusion potentiel avec la dénomination sociale et le nom commercial de l’entreprise titulaire de la marque (Orléans, ch. com. et fin., 17 oct. 2002, Sté Inter Service : JCP E 2003, chron. 1468, n° 12, obs. Boespflug ; RD propr. intell. 2003, n° 151, p. 9 ; Propr. intell. 2003, n° 7, p. 212, obs. Buffet-Delmas ; Propr. ind. 2003, comm. 4, note Tréfigny).(5)

« La règle “Nemo auditur” n’a pas d’incidence sur le droit à agir en déchéance d’une marque, ce droit étant reconnu à toute personne intéressée par l’article L. 714-5, CPI » ( Paris, pôle 5, 2e ch., 18 nov. 2011, préc.).

C. Preuve

1.Type de preuve

En déchéance devant un tribunal français – La question du type de preuve pouvant être apporté ne soulève guère de difficulté, car, en matière civile, la preuve des faits juridiques est, en principe, libre. D’ailleurs, en la matière, l’article L. 714-5, alinéa 5, du Code de la propriété intellectuelle précise expressément que la preuve peut être apportée par tous moyens. Par conséquent, tout mode de preuve de nature à emporter la conviction du tribunal est acceptable.

L’appréciation des preuves soumises relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. com., 7 oct. 1986 : Bull. civ. 1986, IV, n°  192). Autre principe classique en la matière : la déchéance de la marque pour défaut d’exploitation doit être prononcée si les éléments versés aux débats à titre de preuves d’exploitation ne sont pas datés (TGI Paris, 25 nov. 1994 : PIBD 1995, n° 401, III, p. 128) ou encore « que tous les documents non datés ou portant des dates qui ne se situent pas dans la période de référence ou qui font état d’une exploitation à l’étranger sont dénués de toute pertinence » (CA Paris, 26 janv. 2001 : PIBD 2001, n° 722, III, p. 312).

Les preuves d’usage en question doivent montrer un usage tourné vers l’extérieur comme le rappelle le tribunal de grande instance de Paris le 10 octobre 2008(PIBD 2008, n° 885, III, p. 660) :

Qu’en revanche, les documents intitulés (…) ne sauraient être utilement invoqués pour faire la démonstration d’une telle exploitation pour les autres produits concernés dès lors qu’ils constituent, ainsi que le souligne justement la société défenderesse, des documents internes destinés aux seuls franchisés, en vue de l’agencement des vitrines et de la mise en valeur des articles de linge de maison commercialisés sous la marque.

En déchéance à titre principal devant l’EUIPO – Les moyens de preuve de l’usage sérieux dans les procédures devant la division d’annulation sont les mêmes que ceux qui s’appliquent à l’examen de la preuve de l’usage des marques communautaires dans la procédure d’opposition. Il convient dès lors de se référer aux dispositions détaillées contenues dans la partie 6 de la directive relative à la procédure d’opposition (revue en date du 01/10/2017 par l’EUIPO).

Cette directive interne à l’EUIPO s’avère être une source d’information d’une particulière richesse et il convient évidemment de s’y référer pour de plus amples détails à ce sujet. La règle 10 du règlement délégué (UE) 2017/1430 de la Commission du 18 mai 2017 portant modalités d’application du règlement (UE) du Conseil sur la marque de l’Union européenne est le texte de base fixant le type de document en principe acceptable devant l’EUIPO :

  • les indications et les preuves à produire afin de prouver l’usage de la marque comprennent des indications sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ces indications devant être fournies, preuves à l’appui, conformément au paragraphe 4 (pour un exemple, Trib. UE, 5 oct. 2010, aff. T-92/09, Stratégi Group LTD c/ OHMI (Strategic c/ Strategies), pts 41 à 43) ;
  • les preuves sont produites conformément aux règles 55, paragraphe 2, 63 et 64 et se limitent, en principe, à la production de pièces justificatives comme, par exemple, des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, point f) du règlement (UE) 2017/1001. Le nouveau règlement délégué (UE) 2017/1430 introduit aussi des exigences de forme en matière de présentation et de structuration des preuves, qui doivent être clairement identifiées et indexées.

Dans une décision en date du 19 octobre 2022 (Trib. UE, 19 oct. 2022, no T-275/21, Louis Vuitton Malletier c/ EUIPO), le tribunal de l’Union européenne a précisé que la preuve de l’acquisition de la distinctivité par l’usage dans l’ensemble du territoire de l’Union doit être rapportée par le titulaire d’une marque de l’Union dépourvue de caractère distinctif intrinsèque. (8)

2. Charge de la preuve

En déchéance devant un tribunal français – La charge de la preuve est inversée, car ce n’est pas au demandeur à la déchéance (par voie d’action ou d’exception) de prouver que le propriétaire n’a pas exploité, mais au titulaire de la marque, défendeur de prouver qu’il a effectivement exploité. L’article L. 714-5, alinéa 5, du Code de la propriété intellectuelle, le précise expressément.

Ce renversement de la charge de la preuve s’impose par le fait que conserver la règle traditionnelle actori incumbit probatio (CPC, art. 6 et 9) conduirait à solliciter du demandeur l’administration d’une preuve négative (absence d’exploitation), par définition très difficile, voire impossible, à rapporter.

En déchéance à titre principal devant l’EUIPO – La règle 19 du règlement (UE) 2017/1430 de la Commission du 18 mai 2017 portant modalités d’application du règlement (UE) 2017/1001 du Conseil sur la marque de l’Union européenne impose au titulaire de la marque de l’Union européenne contestée d’apporter la preuve de l’usage de la marque au cours de la période indiquée. Si la preuve n’est pas apportée dans le délai imparti, la déchéance de la marque de l’Union européenne est prononcée.

Dans un arrêt en date du 4 mai 2022, le tribunal de l’Union européenne (Trib. UE, 4 mai 2022, no T-117/21) a rappelé que l’enregistrement d’une marque européenne lui confère une présomption de validité. Par conséquent, la charge de la preuve de l’absence de la distinctivité de la marque repose sur le demandeur en nullité. (9)

Il en va de même de la preuve de l’existence de justes motifs pour le non-usage. Le rôle de l’EUIPO consiste à apprécier les preuves qui lui sont présentées à la lumière des moyens des parties. Il n’appartient pas à l’EUIPO de recueillir lui-même des éléments de preuve d’usage.

Pour lire une version plus détaillé de cet article sur la déchéance de marque , cliquez

Sources :

  1. Code de la propriété intellectuelle, chapitre 1er: « les éléments constitutifs d’une marque » https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006069414/LEGISCTA000006161690?init=true&page=1&query=L.711-1+&searchField=ALL&tab_selection=all&anchor=LEGIARTI000039381546#LEGIARTI000039381546
  2. Cour de Cassation, Chambre commerciale, 10 juillet 2007, 06-15.593 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007525749?init=true&page=1&query=06-15.593+&searchField=ALL&tab_selection=al
  3. Cour de Cassation, civile, Chambre commerciale, 5 juillet 2017, 13-11.513 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000035149079?init=true&page=1&query=13-11.513&searchField=ALL&tab_selection=all
  4. Directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32015L2436
  5. Code de la propriété intellectuelle https://www.legifrance.gouv.fr/codes/texte_lc/LEGITEXT000006069414/
  6. Règlement (UE) 2007/1001 du Parlement européen et du conseil du 14 juin 2007 sur la marque de l’Union européenne https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32017R1001&from=FR
  7. Nullité et déchéance (annulation) https://euipo.europa.eu/ohimportal/fr/invalidity-and-revocation?TSPD_101_R0=089375ec4aab20008b6fbe66ddeeb52c5d0c79471c5ec0f1787568ee3820de7d8c192a5cbf656918089ffd179b14300070152924036c4fbc27039c851e5cb5fdfb5f798d8b5709c265bccae05517efeb87905d25dc82f3da517d4294c75ca564
  8. Tribunal de l’UE,, 19 oct. 2022, noT-275/21, Louis Vuitton Malletier c/ EUIPO https://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?lgrec=fr&td=%3BALL&language=fr&num=T-275/21&jur=T
  9. UE, 4 mai 2022, noT-117/21 https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=258786&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=3272104
  10. UE, 29 juin 2022, noT-306/20, Hijos de Moisés Rodríguez González c/ EUIPO, https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=261882&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=10051
  11. com., 22 juin 2022, no21-10051 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045967893?isSuggest=true
  12. UE, 1ermars 2023, noT-38/22 https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=270791&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=11360419
  13. UE, 1ermars 2023, noT-37/22 https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=270790&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=11360419
  14. UE, 1ermars 2023, noT-36/22 https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=270789&pageIndex=0&doclang=RO&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=11360419

Quel cabinet d’avocat contacter en cas de concurrence déloyale ?

Si vous êtes atteint par un acte de concurrence déloyale qui affecte fortement vos affaires, c’est le moment d’intervenir par la voie des tribunaux pour faire entendre votre mécontentement et dénoncer cet abus. Pour ce faire, solliciter l’expérience d’un avocat en droit de la concurrence est nécessaire.

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La liberté de la concurrence est tempérée par l’idée qu’il existe, d’après les usages, certaines règles du jeu dont la transgression constitue un acte de concurrence déloyale. Pour le professeur Roubier, ce qui est sanctionné par l’action en concurrence déloyale, c’est la transgression d’un « devoir social » résultant des mœurs et des usages et issu naturellement de la vie en société de ne pas employer des moyens déloyaux à l’encontre de ses concurrents (v. P. Roubier, Théorie générale de l’action en concurrence déloyale, RTD com.1948).

La concurrence déloyale est l’ensemble des actes, procédés et comportements contraires aux usages honnêtes du commerce, effectués par un commerçant et portant préjudice à un autre.

Dans un arrêt en date du 27 septembre 2023, la chambre commerciale a rappelé que constitue un avantage concurrentiel indu, le fait de ne pas respecter une réglementation en vigueur. Par conséquent, cet irrespect peut être qualifié d’acte de concurrence déloyale. (7)

La concurrence déloyale n’interdit pas l’activité concurrentielle, mais réprime l’abus dans la liberté d’entreprendre. En matière de concurrence interdite, c’est l’exercice même de la concurrence ou de certaines pratiques qui est interdit soit par la loi (concurrence illégale), soit par le contrat (concurrence anti-contractuelle). Le non-respect d’une réglementation ou d’une convention, sanctionné par la loi ou par la responsabilité contractuelle, peut également être constitutif d’une manœuvre déloyale justifiant, à titre subsidiaire, une action sur le fondement de la concurrence déloyale.

La théorie de la concurrence déloyale a été développée par la jurisprudence sur les bases du droit commun de la responsabilité civile (Code civil article 1240). Elle s’applique entre opérateurs économiques, à la différence des pratiques commerciales déloyales appréhendées par le droit de la consommation (Code de la consommation article L. 120-1).


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Le rattachement de la concurrence à la responsabilité civile impose donc de se référer aux conditions d’application des articles 1240 et suivants du Code civil. La constatation d’un élément intentionnel n’est pas requise.. IL en résulte que la concurrence suppose la réunion de trois éléments : des agissements déloyaux constitutifs d’une faute ; un préjudice ; un rapport de causalité entre les agissements déloyaux et le préjudice.

Les agissements de concurrence déloyale sont des délits ou quasi-délits civils. Concrètement, ils sont sanctionnés par une action en responsabilité civile fondée également sur les articles 1240 et 1241 du code civil. Les conditions d’exercice de cette action sont, par voie de conséquence, celles des actions civiles en responsabilité.

En l’absence de textes réglementant la concurrence déloyale, la jurisprudence a déterminé un certain nombre d’agissements la caractérisant : les imitations susceptibles d’entraîner une confusion dans l’esprit du public, le dénigrement sur la solvabilité du concurrent ou sur la qualité de ses services ou produits, le débauchage abusif des salariés du concurrent.

Dans un arrêt en date du 8 février 2023 (CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 9 févr. 2023, no 22/06714), la cour d’appel d’Aix-en-Provence a précisé que le tribunal judiciaire est compétent pour connaître des actions civiles et demandes relatives aux marques, et ce, quand bien même elles sont connexes à la concurrence déloyale. Le tribunal de commerce est ainsi incompétent pour connaître d’un litige concernant deux sociétés commerciales, dès lors que leur demande est fondée uniquement sur des actes de concurrence déloyale et de parasitisme. (8)

Un avocat pour constater le préjudice causé par le dénigrement de l’entreprise et/ou de ses produits par le concurrent  

La concurrence déloyale peut résulter d’allégations trompeuses avantageant celui qui les avance, au détriment de ses concurrents même sans les désigner de manière particulière.

 Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur les produits, l’entreprise ou la personnalité d’un concurrent pour en tirer un profit (P. Roubier, Le droit de la propriété industrielle : Sirey 1952, tome1, page206). Il s’agit ainsi de « porter atteinte à l’image de marque d’une entreprise ou d’un produit désigné ou identifiable afin de détourner la clientèle en usant de propos ou d’arguments répréhensibles ayant ou non une base exacte, diffusés ou émis en tout cas de manière à toucher les clients de l’entreprise visée, concurrente ou non de celle qui en est l’auteur » (Cour d’appel de Versailles, 9 septembre 1999). Il porte atteinte, en effet, aux intérêts particuliers de l’opérateur économique qui en est la victime, mais le dénigrement peut affecter aussi l’existence et la vivacité de la concurrence sur le marché en ayant pour résultat d’éliminer un concurrent.

Le dénigrement ne constitue un acte de concurrence déloyale que si la clientèle est en mesure de reconnaître le commerçant ou le groupe de commerçants qui en est victime. Si le commerçant n’est pas nommément désigné, il suffit que l’étroitesse du marché permette de reconnaître celui auquel s’adressent les critiques. Il doit être clairement identifiable. À l’inverse, celui qui dévoile qu’un concurrent a fait l’objet d’une condamnation, par le biais d’informations malveillantes se rend coupable de concurrence déloyale par dénigrement  Le fait de porter le discrédit sur les qualités professionnelles du concurrent et de mettre en cause sa probité est dénigrant. Ainsi en va-t-il de propos diffamatoires mettant en cause l’honnêteté d’un concurrent.

Constitue un acte de dénigrement destiné à jeter le discrédit sur son concurrent et sur les produits qu’il fabrique, le fait pour une entreprise de diffuser auprès des centrales d’achat d’un tableau comparatif comportant des indications erronées, tendancieuses ou non démontrées relatif au processus de fabrication de la société concurrente (Cour d’appel de Versailles, 30 janvier 1997).

Il en est également de la condamnation de la campagne publicitaire lancée par un producteur de phosphates dénigrant les lessives sans phosphates, dès lors que, par des formules outrageusement simplificatrices et au mépris de toute objectivité, il y a dépassement du droit d’informer et volonté de ruiner ces produits dans l’esprit du consommateur (Cour d’appel de Versailles, 1er février 1990).

Le dénigrement concerne enfin les consommateurs qui sont les destinataires des messages dénigrants. À ce titre, la loi du 3 janvier 2008 qui transpose la directive du 11 mai 2005 est venue renforcer la poursuite des actes de dénigrement par les consommateurs et les associations de consommateurs à travers, notamment, les articles L. 121-1 et L. 121-1-1 du code de la consommation.

Dans un arrêt en date du 21 septembre 2022 (CA Paris, 5-1, 21 sept. 2022 no 20/13834), la cour d’appel de Paris a jugé qu’un ancien collaborateur d’une agence d’architecte prétendant auprès des commanditaires être le seul auteur de l’œuvre alors que les droits sur celle-ci étaient reconnus à l’agence, se rend coupable de dénigrement. (9)

Pour finir, lorsque les agissements déloyaux nuisent à un groupe de commerçants, voire à l’ensemble d’une profession, les syndicats professionnels ont qualité pour agir sur le fondement de l’article L. 470-7 du code de commerce.

Le rôle de l’avocat sera d’accompagner son client devant la juridiction compétente afin de constater que ce dernier a subi un préjudice du fait du dénigrement de son concurrent et en demander la réparation au titre la concurrence déloyale par dénigrement.

Un avocat pour prouver la désorganisation de l’entreprise (détournement de salaries, de fichiers et captation d’un savoir-faire) du fait des actes illicites du concurrent de son client.

Par principe le débauchage n’est pas déloyal. Seules les circonstances dans lesquelles il est réalisé peuvent permettre de conclure en la déloyauté. La jurisprudence témoigne de son souci de rechercher, dans chaque espèce, si le débauchage  s’accompagne de circonstances particulières qui lui impriment un caractère déloyal.

Dans la lutte concurrentielle, le personnel de l’entreprise représente un élément fondamental. L’accès qu’il a pu avoir aux secrets de l’entreprise, les relations nouées avec la clientèle ou encore sa connaissance de l’organisation et du fonctionnement de l’entreprise font que souvent l’employeur souhaite que son personnel demeure dans l’entreprise. Le principe de la liberté du travail conduit, cependant, à reconnaître au salarié la faculté de mettre fin à son engagement pour exercer une activité pour le compte d’un nouvel employeur.

Cela étant, la jurisprudence a considéré qu’un débauchage constituait un acte de concurrence déloyale parce qu’ayant désorganisé une entreprise concurrente dans les hypothèses suivantes : départ brutal d’employés qualifiés ayant une certaine ancienneté, envoi d’agents recruteurs et emploi de manœuvres frauduleuses, offre à des cadres de salaires supérieurs ayant entraîné un départ massif en période de congés payés.

En outre, « l’appropriation, par des procédés déloyaux, par l’intermédiaire d’un ancien salarié, d’informations confidentielles relatives à l’activité d’un concurrent, constitue un acte de concurrence déloyale ».

Ainsi, lorsqu’il apparaît que la désorganisation est l’objectif recherché, une condamnation est prononcée

Dans cette décision, la Cour d’appel avait mis en évidence la volonté de désorganisation en indiquant que le départ simultané de l’équipe commerciale visait à empêcher la société de résister efficacement à l’offensive de sa nouvelle concurrente. D’autant que les commerciaux débauchés conservaient le même salaire pour une mission limitée à l’installation de la marchandise, à sa mise en valeur et au renseignement de la clientèle.

L’intervention de l’avocat spécialisé en droit de la concurrence sera de recourir aux services d’un huissier de justice qui établira un constat (d’huissier). À l’appui de ce constat, l’avocat pourra démontrer le rôle illicite voire la responsabilité du concurrent dans la désorganisation de l’entreprise de son client.

Un avocat pour dénoncer le risque de confusion dans l’esprit du public dû à l’imitation des produits de l’entreprise concurrente.

L’un des cas les plus fréquents de concurrence déloyale consiste à utiliser la réputation d’un concurrent en créant une confusion avec ce dernier, afin d’en capter la clientèle. La déloyauté repose ici, le plus souvent, sur une imitation. Cette imitation vise à créer une confusion entre deux entreprises concurrentes, ou entre les marchandises ou les services qu’elles produisent ou distribuent, parfois les deux.

L’imitation en l’absence de risque de confusion n’est toutefois pas, en elle-même, condamnable. Ainsi que le rappellent nos juridictions, invoquant le principe fondamental de la liberté du commerce et de l’industrie, une entreprise est en droit d’offrir à sa clientèle des prestations identiques à celles d’un concurrent.

La copie ou l’imitation d’un bien ou d’un signe non protégé par un droit privatif est en principe licite. Le simple fait de copier un produit concurrent qui n’est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale, la recherche d’une économie au détriment d’un concurrent n’est pas en tant que telle fautive mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce.

Dans un arrêt en date du 2 février 2023, la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 2 févr. 2023) a rappelé que pour que la concurrence soit qualifiée de déloyale et donc fautive, il faut caractériser des agissements contraires aux règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques. (10)

L’usage de cette liberté devient déloyal, donc fautif, lorsque cette imitation est de nature à engendrer un risque de confusion ou d’association, dans l’esprit du consommateur.

L’appréciation de l’existence d’un risque de confusion relève du pouvoir souverain des juges du fond qui jugent l’imitation fautive in concreto, par référence au standard du « consommateur moyen ». Pour apprécier le risque de confusion, les juges tiennent compte des ressemblances entre l’original et la reproduction et non des différences, ainsi que d’autres critères tels que « le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée ».

La condition préalable, nécessaire à la caractérisation du risque de confusion, est l’antériorité de la commercialisation des produits ou de l’usage du signe  par le demandeur à l’action en concurrence déloyale.

Dans un arrêt en date du 28 juin 2023, la chambre commerciale a précisé que ne sont pas prises en compte, dans le cadre de l’appréciation d’un risque de confusion entre deux signes enregistrés à titre de marques, les conditions d’exploitation. L’appréciation doit être globale, par référence au contenu de l’enregistrement de la marque. (11)

En définitive, l’avocat spécialisé en droit de la concurrence devra démontrer l’imitation servile des produits d’un concurrent portant atteinte au droit de son client justifiant une condamnation pour concurrence déloyale sans qu’il soit nécessaire de prouver une faute intentionnelle du responsable.

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SOURCES :

  1. Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 janvier 2001, 98-23.101 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007423449/
  2. Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 juin 2001 , 99-13.870 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007046579/
  3. Article « Adieu les doutes. Bonjour les certitudes » https://www.doctrine.fr/inscription?redirect_to=%2Fd%2FCA%2FParis%2F2016%2FINPIM20160029&require_login=false&sourcePage=Decision&kind=decisions
  4. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 février 2017, 15-14.846 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034045421/
  5. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 juin 2018, 07-12.437 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000018948607/
  6. Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 mars 2000, 98-12.219 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007405514/
  7. Cour de cassation, chambre commerciale, 27 septembre 2023, no21-21995 https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CC-27092023-21_21995
  8. Cour d’appel Aix-en-Provence, ch. 3-1, 9 février 2023, no22/06714 https://www.doctrine.fr/d/CA/Aix-en-Provence/2023/CAP2994A8F0B9EACD597E2D
  9. Cour d’appel  de Paris, 5-1, 21 septembre 2022, no20/13834 https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CA_PARIS_2022-09-21_2013834
  10. Cour d’appel  Aix-en-Provence, ch. 3-1, 2 févr. 2023, no19/13293 https://www.doctrine.fr/d/CA/Aix-en-Provence/2023/CAP036E4AB975E942CBC682
  11. Chambre commerciale, 28 juin 2023, n°22-107159 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047781244

 

Y a t–il responsabilité du directeur de la publication même en cas d’externalisation ?

Le responsable de la communication est le garant de la ligne éditoriale d’un média. En cas de délit de communication, sa responsabilité pénale peut être engagée, car il est le représentant de l’actionnaire. Le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication suppose donc de redéfinir et de préciser les contours de ses fonctions et ses responsabilités. La Cour de cassation est récemment venue préciser le sort de la responsabilité du directeur de la publication en cas d’externalisation d’un service de modération sur un espace de contribution personnelle en ligne.

Le directeur de publication est la personne chargée au sein d’une entreprise de communication de rendre le contenu éditorial public. Il est donc responsable pénalement de tout ce qui est publié. Cette responsabilité est incontournable.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de responsabilité en passant par le formulaire !

Initialement, le rôle de directeur de publication était cantonné à la presse écrite, puis il s’est entendu à l’audiovisuel (loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle), et enfin au numérique (loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004). Il doit désormais veiller sur de nouveaux contenus, c’est le cas des espaces de contributions personnelles en ligne.

Dans le cas d’un site web ou d’un blog, l’éditeur est considéré comme directeur de publication. Il doit donc assumer la responsabilité du contenu.
Devant l’afflux des contributions, certaines entreprises externalisent leurs services de modération afin de mieux contrôler les commentaires diffamatoires ou injurieux.

C’est notamment le cas du site lefigaro.fr. Après avoir pris en compte différents facteurs, la Cour de cassation a estimé dans un arrêt du 3 Novembre 2015, que malgré l’externalisation du service de modération, la responsabilité du directeur de publication devait être engagée dans la mesure où il pouvait exercer son devoir de surveillance.

Dans un arrêt en date du 6 juillet 2023, la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 6 juill. 2023, no 19/17688) a jugé que l’obligation contractuelle d’inclure l’intégralité des contributions écrites n’incombe pas aux directeurs de publications d’actes de colloque. (11)

Cette conception stricte de la responsabilité du directeur de publication mérite d’être questionnée.


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I – La responsabilité du directeur de publication d’un site internet

L’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle modifiée par la LCEN indique que  » Tout service de communication au public par voie électronique est tenu d’avoir un directeur de la publication.  » Le directeur de publication exerce de lourdes responsabilités. Il est pénalement responsable de toutes les publications du service qu’il dirige.

Il ressort des articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qu’un délit de presse suppose une responsabilité en cascade où le responsable de premier rang est le directeur de publication. La simple démonstration de la qualité de responsable de publication conduit donc à admettre sa responsabilité, de sorte qu’il est quasiment impossible pour lui de s’en exonérer.

Le directeur de la publication est obligatoirement le représentant légal de la personne morale éditrice d’une publication, il n’a pas à être nommé.

Dans un arrêt du 22 janvier 2019, la Cour de Cassation précise que, lorsque le service de communication est fourni par une personne morale, alors le directeur des publications est, soit le représentant légale ou le représentant statutaire (si association), à défaut de toutes indications contraires.

Alors qu’en droit pénal, seul l’auteur d’une infraction est punissable, le régime de responsabilité pesant sur le directeur de publication fait exception et est très strict. Il est défini par l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982.

La chambre criminelle a jugé, le 29 novembre 2022 (Cass. crim., 29 nov. 2022, no 22-81814) qu’en matière d’infraction de presse, le rappel à la loi n’a pour effet la suspension du délai de prescription qu’entre la date de décision du ministère public d’y recourir et la date de la notification dudit rappel à la personne concernée. Elle ajoute que le soit-transmis du procureur de la République aux fins d’enquêtes n’a pour effet l’interruption du délai de prescription qu’à condition qu’il s’articule et qualifie les faits. (12)

Par cette disposition le législateur a écarté les difficultés relatives à l’identification des auteurs de propos illicites en faisant peser la responsabilité pénale sur une personne désignée et donc facilement identifiable.

La personne qui a subi un préjudice du fait d’un contenu litigieux sur un site internet a le droit à ce qu’il soit réparé, dans ces cas là il faut clairement identifier sur qui repose la responsabilité du commentaire fautif. Dans le cas d’un site web ou d’un blog, cela nécessite un travail de qualification de l’auteur pour différencier le directeur de publication, de l’éditeur et de l’hébergeur.

En principe le premier responsable est le directeur de publication puis à défaut, l’éditeur et enfin l’auteur du propos fautif. Ce principe a été confirmé dans un arrêt du 14 mars 2017 qui dispose qu’en « qualité de directeur de la publication du site, [il ]a lui-même procédé à la mise en ligne des textes incriminés, lesquels avaient donc fait l’objet d’une fixation préalable à leur communication au public, de sorte que le prévenu doit répondre comme auteur principal des infractions qu’ils contiennent ». Le directeur de la publication engage donc sa responsabilité puisqu’il existait une présomption de connaissance des contenus mis en ligne, envers le directeur de la publication.

La LCEN a instauré un nouveau régime, celui de la communication au public en ligne. Cette loi permet notamment de ne pas systématiquement assimiler un hébergeur de site à un éditeur.

Les hébergeurs de site internet ne sont pas tenus à une obligation générale de surveillance. Ils pourront dans certains cas s’exonérer de leur responsabilité civile et pénale. L’engagement de la responsabilité est étroitement lié à la notion de contrôle. C’est ce qu’il ressort de l’article 6-I-2 de la LCEN. L’hébergeur n’est ainsi pas responsable d’un contenu illicite lorsqu’il n’en a pas eu  » effectivement connaissance « .

Dans un arrêt en date du 15 septembre 2022 (TJ Marseille, 1re ch., 15 sept. 2022, M. X c/ M. Y & Art Majeur), le tribunal judiciaire de Marseille a précisé que la plateforme de publication d’images, en tant qu’hébergeur, ne peut être responsable de contrefaçon si une fois avertie elle a supprimé le contenu litigieux. (13)

Toutefois, la simple prise de connaissance par quelque moyen que ce soit suffit à engager sa responsabilité civile et pénale. Il doit alors réagir  » promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible  » (Art. 6-I-2 LCEN). Cette « connaissance des faits litigieux est présumée acquise  » (Art.. 6-I-5 de la  LCEN) lorsqu’elle est notifiée par toute personne lésée ou intéressée.

II – L’affaire lefigaro.fr : Une conception stricte de la responsabilité pénale du directeur de publication d’un site internet

Le site du quotidien  » Le Figaro  » a mis en place la possibilité d’alerter en temps réel un service de modération sur le contenu des messages déposés dans son espace de contributions personnelles. Ce service est géré par un prestataire externe. Pour que le commentaire soit validé et publié par les modérateurs, il doit être conforme à la charte d’utilisation du service.

En l’espèce, une personne avait alerté le service de modération d’un commentaire diffamatoire à son encontre. Le service de modération lui avait garanti le retrait du commentaire litigieux. Deux jours plus tard, le commentaire apparaissait toujours sur le site. La personne diffamée a alors réitéré sa notification. Le message n’ayant pas été retiré de suite, elle a porté plainte.

Le 26 janvier 2021, (Cass. crim., 26 janv. 2021, no 19-85762)  la chambre criminelle a rappelé le principe selon lequel lorsque des poursuites sont engagées contre des expressions injurieuses, indissociables d’imputation diffamatoires et non poursuivies, contenues dans le texte dans lequel elles figurent, la qualification de diffamation prime.  Cette absorption justifie la relaxe du chef d’injure. (14)

La Cour a estimé que le directeur de la publication n’avait pas retiré suffisamment rapidement le message diffamatoire alors qu’après deux alertes de la personne concernée, il aurait pu le faire. Le directeur de publication était ainsi en mesure d’exercer son devoir de surveillance. Il ne pouvait pas  » utilement se prévaloir, ni de ce que ladite fonction de modération aurait été externalisée, ni du bénéfice des dispositions régissant la responsabilité pénale des hébergeurs du site « .

Le fait d’externaliser un service de modération ne permet donc pas de déroger au régime institué par l’article 93-3 de la loi sur la communication audiovisuelle modifiée, alors même que le dysfonctionnement était imputable à un prestataire externe. C’est une décision particulièrement protectrice des victimes que la haute juridiction a rendu dans un arrêt du 3 novembre 2015.

Pour nuancer ce principe, la Cour de Cassation va, dans un arrêt du 7 mai 2018, considérer que l’exemption de bonne foi admise au profit de l’auteur, bénéficie également au directeur des publications. Ce bénéfice de la bonne foi vaut, bien que le directeur des publications avait connaissance des contenus de la publication.

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SOURCES :

  1. Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=74A3E29B4848B8A1111167705A68CCE6.tpdila15v_3?cidTexte=JORFTEXT000000880222&dateTexte=20151228
  2. Loi n°2024-575 du 21 juin 2004 pour la confiance l’économie numérique http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000801164
  3. Cour de cassation, criminelle, chambre criminelle, 3 novembre 2015, n°13-82.645 http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000031449831
  4. Site Legalis http://www.legalis.net/spip.php?page=breves-article&id_article=4802
  5. , 14 mars 2017, 15-87.319 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034214327
  6. , 22 janvier 2019, 18-81.779 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038091419/
  7. Tribunal judiciaire de Marseille, ordonnance de référé du 23 septembre 2020 https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-judiciaire-de-marseille-ordonnance-de-refere-du-23-septembre-2020/
  8. CJUE, 24 septembre 2019, C‑136/17 https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=218106&doclang=FR
  9. Décision Conseil d’État 27 mars 2020, N° 399922 https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000041782236
  10. , 7 mai 2018, n° 17-82.663 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036930201/
  11. CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 6 juill. 2023, no19/17688 https://www.doctrine.fr/d/CA/Aix-en-Provence/2023/CAP8BB4FEDDB7F9257A3327
  12. Chambre criminelle, criminelle, 29 nov. 2022, no22-81814) https://www.courdecassation.fr/decision/6385aee775a08105d473ccdf
  13. TJ Marseille, 1re, 15 sept. 2022, M. X c/ M. Y & Art Majeur https://iredic.fr/2022/11/10/tribunal-judiciaire-de-marseille-1ere-chambre-civile-15-septembre-2022-m-x-c-m-y-art-majeur/
  14. crim., 26 janv. 2021, no19-85762 https://www.courdecassation.fr/en/decision/601427e85b34856017551fd5