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L’ACCESSIBILITÉ DES CONDITIONS GÉNÉRALES DE VENTE ET LE CONTRAT EN LIGNE

En cette nouvelle ère du numérique, l’accessibilité des conditions générales de vente et le contrat en ligne occupent une place importante dans les relations commerciales. En effet, un bon nombre de contrats sont conclus via internet. Cependant, le souci de protection du consommateur demeure. Un moyen de protéger le consommateur a donc vu le jour et il s’agit des conditions générales de vente.

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Ces conditions générales de vente se retrouvent essentiellement avec les contrats en ligne. Il faut savoir que la particularité des contrats à distance exige une meilleure information du client/consommateur. Dès lors, l’accessibilité des conditions générales de vente et le contrat en ligne ne doivent pas être difficiles à trouve ainsi que difficiles à conclure. Il en va de la liberté de commerce et d’industrie ainsi que de la liberté de contracter. La combinaison de l’accessibilité des conditions générales de vente et le contrat en ligne doit être faite de telle sorte que les intérêts des commerçants ainsi que ceux des consommateurs soient respectés.

La vente à distance en application est encadrée par le droit interne et le droit communautaire. Elle touche à la question sensible de la communication des conditions générales de vente qui prend une tournure particulière lorsqu’il s’agit d’un contrat à distance et plus encore avec les contrats électroniques. Un dernier rebondissement est dû à la Cour de justice de l’Union européenne qui jette un pavé dans la marre en modifiant sensiblement la forme que doit prendre la communication des conditions générales pour le e-commerce.


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Dans un arrêt du 31 août 2022 (Cass. 1re civ., 31 août 2022 no 21-13080), la première chambre civile, a précisé que le régime spécifique des contrats à distance est applicable aux contrats conclus dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de service fourni en ligne. (8)

La décision de la CJUE concernant l’accessibilité des conditions générales de vente et le contrat en ligne, les conditions strictes, protectrices des consommateurs restent d’actualité, ainsi que leur formalisme de base. Néanmoins, une petite modification sera faite sur celle-ci. L’accessibilité des conditions générales de vente et le contrat de vente devront donc être étudiés et démystifiés.

Lorsqu’il s’agit de services, les conditions générales de vente, ou d’utilisation, encadrent la négociation commerciale lorsqu’il s’agit de rapports entre commerçants ou à l’inverse les ventes liées ou contrats d’adhésion. Avec un contrat électronique, elles encadrent cette négociation avec les spécificités qui s’y attachent. Le vendeur observe, par exemple, une obligation d’information des clients renforcée.

Le vendeur n’est pas obligé de procéder à la rédaction de ses conditions générales, mais s’il le fait, il doit se conformer au formalisme imposé par les textes qui prévoient plusieurs mentions obligatoires. De même, il est tout à fait envisageable d’établir des conditions spécifiques qui dérogeront alors aux conditions générales ou encore d’établir des conditions en fonction des catégories d’acheteurs.

L’importance de la communication des conditions générales de ventes ou d’utilisation résulte entre autres du devoir d’information du vendeur envers l’acheteur, devoir qui est donc renforcé lorsque l’acheteur est un particulier. Les différents textes imposent un support « durable » ou « standard », une mise à disposition « claire et non ambiguë » ou encore qu’une simple demande de l’acheteur suffît à fonder l’obligation.

En effet, la réglementation en termes de conditions générales est éparpillée entre plusieurs sources : le code de commerce, le code de la consommation ou encore la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 et, bien entendu, une directive communautaire. C’est la loi pour la confiance dans l’économie numérique qui s’applique au commerce en ligne, ainsi que la directive communautaire du 20 mai 1997. La directive 97/7/CE a été abrogée par la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs.

Cette dernière a été modifiée par la directive (UE) 2019/2161 en élargissant le champ d’application de la directive 2011/83/UE pour couvrir les contrats en vertu desquels le professionnel fournit ou entreprend de fournir un service numérique ou un contenu numérique au consommateur, et le consommateur fournit ou entreprend de fournir des données à caractère personnel. Elle a été transposée, récemment, en droit français avec l’Ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021 relative à une meilleure application et une modernisation des règles de l’Union en matière de protection des consommateurs. (1)

Aujourd’hui, encore en pratique les conditions générales de vente ou d’utilisation sont accessibles et acceptées, lors d’un achat en ligne, au moment de la commande sous forme d’un double clic, afin de pouvoir apporter la preuve que le client a pris connaissance et accepté les conditions.

Dans un arrêt du 9 juin 2021 (Cass. 1re civ., 9 juin 2021, no 20-15356,), la première chambre civile a précisé que la clause d’attribution de compétence prévue dans des CGV est applicable lorsque le contractant a accepté le contrat renvoyant expressément à ces CGV, dont il était en mesure d’en prendre connaissance. (11)

Rendu le 5 juillet 2012, l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne met un terme aux divergences qui pouvaient exister aussi bien dans l’ordre interne qu’entre les États membres. La Cour infirme l’interprétation des textes fournie par le juge français en estimant qu’un simple renvoi par lien hypertexte à une page internet contenant les conditions générales, malgré la technique du double clic, ne constitue pas un support durable au sens de la directive de 1997. Le juge européen a estimé qu’il aurait fallu que le consommateur puisse stocker les conditions générales de ventes et qu’elles lui soient directement présentées.

Issue de l’article 1369-5 ancien (devenu l’article 1127-2 du Code civil) du Code civil et confirmé notamment par la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 25 novembre 2010 , la technique du double clic, , est alors vouée à changer. Le Code civil dans sa rédaction issue de la loi pour la confiance dans l’économie numérique était pourtant assez strict sur la forme que devaient prendre le consentement au contrat électronique et l’acceptation des conditions générales. Ce ne sera finalement plus suffisant.

Cet arrêt de la Cour de justice est marque un épisode à toute une série de décisions relatives aux conditions générales. Les contrats en ligne consistant généralement en des contrats d’adhésion, les juges ont souvent à statuer sur la légalité des clauses des conditions générales, comme à l’occasion du jugement du Tribunal de grande instance de Bobigny du 21 mars 2006 où l’UFC-Que Choisir invoquait plusieurs clauses abusives dans les conditions générales d’une agence de voyages en ligne.

Une meilleure accessibilité des conditions générales de vente ou d’utilisation permettra-t-elle une plus grande protection du consommateur sans pour autant pourtant limiter le professionnel dans son activité ?

Le formalisme qui s’impose aux contrats informatiques semble avoir pris encore un peu plus d’importance. Avant de s’interroger sur ses nouveaux aspects, il convient de revenir sur l’état du droit en matière de conditions générales (I). L’évolution ira vers un formalisme plus poussé (II) en application de l’arrêt du juge européen.

I – L’état du droit en matière de conditions générales de vente avant l’arrêt du 5 juillet 2012

Le moteur du travail du juge concernant le commerce électronique est le souci de la protection du consommateur. Les problématiques posées par les conditions générales de vente sont d’autant plus sensibles qu’elles contiennent bon nombre de clauses contraignantes pour le particulier sans pour autant qu’elles soient bien comprises. Cependant, alors que le consensualisme est le principe, le commerce électronique fait application de l’exception protégeant certes le consommateur, mais aussi le professionnel, la preuve étant facilitée. Le droit français relatif au commerce en ligne (A) se conformait plutôt fidèlement à un droit communautaire protecteur (B).

A – Le droit relatif au commerce en ligne

L’accès aux conditions générales de vente ou d’utilisation est chose ancienne, notamment grâce à la vente à distance. Une distinction fondamentale s’opère, en dehors du commerce en ligne, selon que la relation commerciale a lieu entre commençants ou entre un commerçant et un particulier.

Lorsqu’il s’agit de deux commerçants, la communication et l’accès aux conditions générales étaient prévus par l’article L441-6 du Code de commerce, au sein du livre relatif à la liberté des prix et de la concurrence. Il apparaît très vite qu’un équilibre est opéré entre les obligations pesant sur le fournisseur et sa liberté de commercer. Le texte prévoyait classiquement que « la communication [des conditions générales de vente] s’effectue par tout moyen conforme aux usages de la profession ». Désormais, c’est le nouvel article L441-1 du Code de commerce qui encadre ce point. Cet article dispose que la communication « s’effectue par tout moyen constituant un support durable ».

Une limite vient protéger le commerçant puisqu’il n’est pas obligé de communiquer ses conditions générales à quelqu’un qui ne serait pas partie au contrat. De même, lorsque les conditions diffèrent en fonction du type de clientèle, ce qui est tout à fait envisageable, le vendeur peut ne communiquer que les conditions propres au type auquel appartient le client. Un client n’appartenant pas à la même catégorie pourra demander les conditions générales se rapportant à sa propre catégorie, mais pas celles d’une autre catégorie.

Dans un arrêt en date du 14 mars 2024, la cour d’appel de Limoges (CA Limoges, 14 mars 2024, no 23/00495) a rappelé la possibilité pour les entreprises de refuser de communiquer leur CGV à un revendeur avec lequel elles ne souhaitent pas contracter. (9)

L’acheteur peut saisir le juge des référés, en cas de non-respect de cette condition, pour faire exécuter l’obligation et obtenir ainsi la communication des conditions retenues. Les procédures d’urgence sont sans doute adaptées à de tels rapports puisque la rapidité des relations commerciales justifie une protection de l’acheteur efficace en termes de délai.

L’ancien article L441-6 du Code de commerce imposait finalement un formalisme relativement souple, trahissant une approche libérale des obligations entourant les relations entre commerçants. Les éléments apparaissant nécessairement dans les conditions de vente sont assez restreints : « [ils] comprennent : les conditions de vente ; le barème des prix unitaires ; les réductions de prix ; les conditions de règlement ». Bien que l’article soit sensiblement plus long, il n’en dit guère plus sur les éléments constitutifs de l’obligation. L’article L441-1 du Code de commerce dispose, désormais, que : « Les conditions générales de vente comprennent notamment les conditions de règlement, ainsi que les éléments de détermination du prix tels que le barème des prix unitaires et les éventuelles réductions de prix. […] ». (2)

S’agissant des relations entre commerçants et consommateurs, toujours en dehors du commerce électronique, ce sont les articles L111-1 et L111-2 du Code de la consommation qui énoncent les modalités de communication des conditions générales de vente ou d’utilisation qui doit se faire de façon « claire et non ambiguë ». L’article L 111-1 fait surtout porter sur le vendeur la charge de la preuve de son obligation de « mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien ». L’article liste quant à lui les éléments qui apparaissent impérativement dans les conditions générales de vente et qui sont, là, beaucoup plus nombreux.

A l’image des obligations pesant sur les commerçants entre eux, l’article prévoit également quatre informations supplémentaires qui peuvent être communiquées au consommateur à sa demande. Cette communication se fait là aussi de droit à partir du moment où le consommateur en fait la demande.

Qu’en est-il enfin des conditions générales de ventes dans le cadre du commerce en ligne ? La loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 harmonise les régimes en prévoyant à l’article 19 que, peu important le type de relation, doit être assuré « un accès facile [aux conditions générales de vente], direct et permanent utilisant un standard ouvert ». En tout, ce sont six mentions qui sont obligatoires et qui recoupent celle de l’article 111-2 du code de la consommation. La distinction entre les relations des commerçants et des consommateurs demeure en ce que l’article 19 énonce également qu’il s’applique en plus des obligations prévues par les autres textes. Enfin, comme évoqué en introduction, l’exécution de l’obligation pesant sur le vendeur est garantie par le système du double clic.

La loi du 21 juin 2004 semblait faire une application assez fidèle de la directive européenne du 20 mai 1997 relative à la protection des consommateurs en matière de contrat à distance, le régime qu’elle prévoit étant similaire au nôtre.

B – Une application fidèle d’un droit communautaire protecteur

L’article 5 de la directive européenne du 20 mai 1997 relative à la protection des consommateurs en matière de contrat à distance est le point sur lequel porte le récent arrêt du juge communautaire. L’article prévoit en effet la communication au consommateur d’un ensemble d’informations soit par écrit soit à l’aide d’un support durable, auquel il doit en plus avoir accès. Cet article prévoit en réalité que cette obligation constitue la confirmation d’informations auxquelles le consommateur doit déjà avoir eu accès avant même la conclusion du contrat. Ces informations sont listées au précédent article qui détermine ces informations préalables et nécessaires.

Dans un arrêt du 28 juin 2023 (Cass. 1re civ., 28 juin 2023, no 22-12424,), la première chambre civile a précisé que seul le consommateur qui a agi en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d’ordre professionnel et dans l’unique but de satisfaire à ses propres besoins de consommation privée peut se prévaloir du régime particulier prévue en matière de protection du consommateur. (10)

Combinés, ces deux articles revêtent une importance non négligeable puisqu’ils conditionnent la suite de l’exécution du contrat, notamment dans le cas d’un contrat électronique. Remarquons également que la directive leur a aménagé un champ d’application assez large puisque ces deux dispositions concernent tous les contrats à distance et pas seulement les contrats électroniques ou les contrats à distance traditionnels. Là réside sans doute la raison de la proximité du régime du Code de la consommation et de la loi du 21 juin 2004.

Cette proximité de rédaction entre le droit interne et le droit de l’Union amènera sans doute le juge français à revoir sa copie à la suite de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, qui ne va pas sans poser un certain nombre de questions.

II – Vers un formalisme plus poussé

La conséquence directe de l’arrêt Content Services Ltd / Bundesarbeitskammer qu’a rendu la Cour le 5 juillet 2012 est l’exigence d’un formalisme plus poussé quant au devoir d’information du commerçant envers le consommateur au moment de la communication des conditions générales de vente ou de distribution. La question se pose maintenant de l’application pratique qu’il faudra faire de l’arrêt : que faut-il entendre par l’expression « support durable » ? (A). Quelles sont les conséquences pour le commerçant (B), notamment au regard de l’applicabilité de l’article 1369-5 ancien du Code civil dont est issue la technique du « double clic » ?

A – La détermination du « support durable »

Cet arrêt a été rendu à la suite d’une question préjudicielle posée par une juridiction autrichienne statuant sur litige qui opposait Content Services, société britannique basée en Allemagne, à l’organisation autrichienne chargée de la protection des consommateurs, la Bundesarbeitskammer. Cette dernière contestait la pratique de Content Services qui consistait à communiquer à ses clients un lien hypertexte renvoyant aux conditions générales de vente au moment de la commande ainsi que par un courrier électronique de confirmation. La question que posait la juridiction autrichienne se résumait simplement à savoir si le fait de rendre accessible les conditions générales d’utilisation par un simple lien hypertexte renvoyant au site de la société était suffisant au regard des exigences de l’article 5 de la directive du 20 mai 1997.

La Cour de justice de l’Union européenne a répondu négativement en estimant que « l’article 5, paragraphe 1, de la directive 97/7/CE […] du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance, doit être interprété en ce sens qu’une pratique commerciale qui consiste à ne rendre accessibles les informations prévues à cette disposition que par un hyperlien sur un site internet de l’entreprise concernée ne satisfait pas aux exigences de ladite disposition » et la Cour de rajouter que ces informations n’étaient en l’espèce « ni « fournies » par cette entreprise ni « reçues » par le consommateur [ …] et qu’un site internet […] ne peut être considéré comme un « support durable ».

Il ne serait de décision plus claire s’il était précisé ce qu’il faut entendre par « support durable » fourni par l’entreprise et reçu par le consommateur. Il est clair toutefois que l’envoi d’un écrit, une version imprimée par exemple, peut suffire à remplir la condition d’accessibilité des conditions générales. De plus, dans sa réponse, la Cour précise qu’il aurait fallu que le consommateur puisse consulter directement ces conditions, avant même de conclure le contrat : s’il existe bien une alternative entre la version écrite et le « support durable », il faut tout de même observer la condition cumulative de l’accessibilité directe au moment de conclure le contrat électronique.

En outre, la Cour de justice de l’UE précise dans un autre arrêt que le support durable doit garantir au consommateur la possession des informations exigées, de manière similaire à un support papier, afin de lui permettre, éventuellement, de faire valoir ses droits. (3)

Concrètement, il semble que les entreprises dont les sites de commerce en ligne sont à destination du public communautaire doivent dorénavant soumettre à la consultation directe du client leurs conditions générales de ventes , avant la conclusion du contrat, sans passer par un lien hypertexte. De plus, une fois le contrat conclu et dans un délai qui se veut court, elles devront envoyer ces mêmes conditions par l’intermédiaire d’un écrit ou d’un fichier, comme par exemple un pdf, et ce par mail. L’intérêt d’un fichier pdf est la pérennité du format et l’impossibilité de modification sans atteindre l’intégrité du document. Il serait alors loisible au client de conserver ce document, d’en tirer lui-même une version écrite ou même, pourquoi pas, de ne pas le conserver.

La Cour, en cherchant à protéger au maximum le consentement du consommateur,  donne davantage de valeur au contrat électronique, rendant en même temps les éventuels recours contre ces contrats plus difficiles.

B – Les conséquences pour le commerçant

La décision présente un intérêt pour le commerçant dans la mesure où lui sera facile de prouver qu’il a bien envoyé ses conditions générales de vente. La Cour aurait pu exiger de la part du consommateur qu’il en accuse réception, mais fort heureusement la décision est claire : selon elle, « un comportement passif de ces consommateurs suffit » à ce moment de l’accord. La preuve incombant au commerçant portera donc seulement sur l’envoi de ses conditions sur un support durable à destination du consommateur.

L’alternative laissée à l’appréciation du commerçant entre le support écrit, que la Cour définit elle-même comme une version physique, autrement dit un papier, et le « support durable » appelle aussi une remarque. Il serait possible de déduire de la décision que, pour des questions de sécurité juridique et de facilité, l’envoi d’un écrit serait préférable.

Toutefois, en ne définissant pas précisément l’expression « support durable », la Cour laisse le champ libre pour trouver un format dématérialisé qui aurait une valeur équivalente à un écrit. Le format pdf présente là encore l’intérêt d’être relativement fiable.

Cela étant, force est de constater que la décision et la directive présentent l’inconvénient de ne pas définir précisément qui est concerné, notamment du côté du commerçant. La directive à l’article 2 définit simplement le fournisseur comme « toute personne physique ou morale qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit dans le cadre de son activité professionnelle ».

Les textes français sont là beaucoup plus détaillés. La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique délimite son champ d’application à l’article 14 qui s’entend même des moteurs de recherches, des fournisseurs de boîtes de courrier électronique ou des hébergeurs de blogs , même lorsque leurs services ne sont pas soumis à rémunération de la part de l’utilisateur. En clair, même pour s’inscrire sur un réseau social, l’utilisateur recevra un courrier électronique avec les conditions générales d’utilisation en confirmation de son inscription. Il est certain qu’à ce rythme, ces conditions seront encore moins consultées par les consommateurs

Sources  :

  1. Information du consommateur, droit de rétractation et autres droits du consommateur https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=LEGISSUM:0904_4&from=EN
  2. Article L441-1 du Code de commerce https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038414469/
  3. CJUE 9 novembre 2016 C42/15 Home Credit Slovakia a.s. contre Klára Bíróvá https://juricaf.org/arret/CJUE-COURDEJUSTICEDELUNIONEUROPEENNE-20161109-C4215
  4. Directive 97/7/CE du Parlement et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A31997L0007
  5. CJUE, 5 juillet 2012, Content Services Ltd/Bundesarbeitskammer C-49/11 https://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?num=C-49/11&language=FR
  6. Opposabilité des CGV accessibles par un lien : un site n’est pas support durable  legalis.net
  7. Site dalloz dalloz.fr
  8. 1re civ., 31 août 2022, no21-13080, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046259010?init=true&page=1&query=21-13080&searchField=ALL&tab_selection=all
  9. CA Limoges, 14 mars 2024, no23/00495 https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CA_LIMOGES_2024-03-14_2300495
  10. 1re civ., 28 juin 2023, no22-12424, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047781227?init=true&page=1&query=22-12.424&searchField=ALL&tab_selection=all&utm_campaign=Legalchain&utm_source=hs_email&utm_medium=email&_hsenc=p2ANqtz-8tcG_TJGAZISEwFCI4tEYKJvHyg6CPtBVYq9CpIk5xiDtkvOekNHX9Xb_UH6zRE4S_acin
  11. 1re civ., 9 juin 2021, no20-15356, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043658751?init=true&page=1&query=20-15356&searchField=ALL&tab_selection=all

UNE MARQUE DÉCHUE POUR NON USAGE EST ELLE TOUJOURS VALABLE ?

L’action en contrefaçon est une procédure judiciaire ayant pour objet de mettre fin à la reproduction, l’imitation ou l’utilisation totale ou partielle d’un droit de propriété intellectuelle, sans l’autorisation de son titulaire. 

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Se pose alors la difficulté de l’action en contrefaçon lorsque la marque est déchue du fait de son non-usage pendant une période de cinq ans. Cependant, une hypothèse toute particulière a fait d’l’objet d’un litige devant les juridictions françaises menant à une décision de la Cour de Justice de l’Union européenne en date du 26 mars 2020 (CJUE, 5e ch., 26 mars 2020, aff. C-622/18), considèrent que le titulaire d’une marque déchu de ses droits pour absence d’usage sérieux de la marque conserve le droit de réclamer l’indemnisation du préjudice subi en raison de l’usage, par un tiers, antérieurement à la date d’effet de la déchéance, d’un signe similaire.

Dans un arrêt en date du 30 juin 2023 (CA Paris, P. 5, ch. 2, 30 juin 2023, no 21/08131), la cour d’appel de Paris a rappelé que constitue une fin de non-recevoir, un défaut d’usage sérieux d’une marque française et d’une marque de l’Union européenne.(5)


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I. L’action en contrefaçon de marque

Selon l’article L716-1 du Code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon d’une marque consiste à reproduire, à imiter ou à utiliser une marque déposée sans l’autorisation préalable expresse de son titulaire. En effet, la marque permet aux entreprises de protéger leurs produits et services, et de les distinguer de ceux de la concurrence. Ainsi, une personne qui distribue publiquement peu importe la manière, le produit ou le service d’un autre va à l’encontre des droits de propriété intellectuelle et peut être considéré comme un contrefacteur. De même, l’acheteur d’un produit contrefait reste passible de sanctions pénales.

Cependant, pour qu’une contrefaçon soit considérée comme telle, trois conditions s’imposent :

  • Il y a contrefaçon lorsque le produit ou le signe utilisé est identique ou similaire ;
  • La marque est déposée en fonction des catégories de produits. Ainsi, une imitation de produits hors de sa catégorie première ne constitue pas une contrefaçon ;
  • La contrefaçon concerne uniquement les marques valablement déposées à l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).

En cas de l’utilisation d’une marque sans autorisation par un tiers, l’entreprise propriétaire peut agir pour faire cesser la contrefaçon, et obtenir des dommages et intérêts. Elle peut ainsi agir devant le tribunal judiciaire dans un délai de 5 ans après la connaissance de la contrefaçon. Elle peut également solliciter le service des douanes afin de retirer du marché ou de détruire le produit contrefait.

Par l’action en contrefaçon, le demandeur pourra solliciter :

    • Une indemnisation pour le préjudice résultant de la contrefaçon,
    • La cessation des actes de contrefaçon
    • Le retrait des produits de contrefaçon du marché
    • Publication de la condamnation dans la presse

La CJUE dans une décision du 8 juin 2023 (CJUE, 8 juin 2023, no C-654/21, LM c/ KP), a rappelé que les tribunaux des marques de l’Union européenne saisis d’une action en contrefaçon d’une marque européenne sont compétents pour statuer sur une demande reconventionnelle en nullité pour l’ensemble des droits que le titulaire titre de l’enregistrement litigieux. (6)

II. Que faire en cas d’actes contrefaçon sur une marque déchue pour non-usage ?

A) Les actes de contrefaçon sont postérieurs à la déchéance de la marque pour non-usage

Un arrêt de l’usage d’une marque pendant 5 ans ou plus permet à tout tiers intéressé d’en demander en justice la déchéance pour non-usage. En conséquence, le titulaire perdra ses droits sur la marque pour l’avenir, qui pourra être utilisée par quelqu’un d’autre.

Le défaut de protection par le droit de la propriété intellectuelle permet ainsi généralement au défendeur d’échapper, logiquement, à une condamnation pour contrefaçon, mais également pour concurrence déloyale ou parasitisme, à moins qu’il n’ait commis des faits distincts de l’imitation.

B) Les actes de contrefaçon sont antérieurs à la déchéance de la marque pour non-usage

La Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt du 26 mars 2020, considère que le titulaire d’une marque qui a été frappée de déchéance peut agir en contrefaçon pour la période antérieure à la date d’effet de la sanction.

L’affaire à l’origine de cet arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne est issue des juridictions françaises et fait suite au renvoi préjudiciel de la Cour de cassation par une décision du 26 septembre 2018 (Com., 26 sept. 2018, n° 16-28.281)

Le titulaire d’une marque doit en faire un usage sérieux en l’absence duquel il peut encourir la déchéance de ses droits. Au niveau national, l’article L. 714-5, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle dispose, en effet, qu’encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’État.

Ce principe est également posé au plan européen par le biais de l’article 10 de la directive 2008/95/CE rapprochant les législations des États membres sur les marques.

Saisie du pourvoi du titulaire déchu de ses droits, la Cour de cassation a posé à la Cour de justice la question préjudicielle suivante : le titulaire d’une marque déchu de ses droits à l’expiration du délai de cinq ans à compter de son enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage sérieux dans l’État membre concerné pour les produits ou les services pour lequel elle avait été enregistrée conserve-t-il le droit de réclamer l’indemnisation du préjudice subi en raison de l’usage, par un tiers, antérieurement à la date d’effet de la déchéance, d’un signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires prêtant à confusion avec sa marque ?

La Cour de justice précise que le législateur européen a laissé toute latitude au législateur national pour déterminer la date à laquelle la déchéance d’une marque pouvait produire ses effets. Elle note que le législateur français a fait le choix de faire produire les effets de la déchéance d’une marque pour non-usage à compter de l’expiration d’un délai de cinq ans suivant son enregistrement.

Le titulaire peut se prévaloir, après l’expiration du délai de grâce, des atteintes portées, au cours de ce délai, au droit exclusif conféré par cette marque, même si ce titulaire a été déchu de ses droits sur celle-ci.

Toutefois, cette absence d’exploitation, si elle n’est pas contraire à l’action en contrefaçon, pourra certainement jouer dans la décision relative à la réparation du préjudice subi. En effet la Cour de justice ajoute, et c’est là la clé de la décision, que « si l’absence d’usage d’une marque ne fait pas obstacle, par elle-même, à une indemnisation liée à la commission de faits de contrefaçon, cette circonstance n’en demeure pas moins un élément important à prendre en compte pour déterminer l’existence et, le cas échéant, l’étendue du préjudice subi par le titulaire et, partant, le montant des dommages et intérêts que celui-ci peut éventuellement réclamer ».

Par conséquent, l’action en contrefaçon en tant que telle est possible lorsque les actes contrefacteurs ont eu lieu avant la déchéance de la marque pour non-usage.

Dans un arrêt en date du 1er décembre 2023 (TJ Paris, 3e ch., 1er déc. 2023, no 23/11158), le tribunal judiciaire de Paris, a précisé que l’incorporation d’une marque antérieure distinctive à une marque ombrelle pour désigner des produits similaires constitue une contrefaçon à condition que la marque intégrée puisse conserver une position distinctive autonome et qu’il existe un risque de confusion. (7)

En revanche, l’une des finalités de l’action en contrefaçon est notamment d’obtenir pour la victime des dommages et intérêts afin d’indemniser son préjudice. En effet, l’action en contrefaçon engage la responsabilité civile délictuelle de l’auteur de la contrefaçon. Le montant de l’indemnisation peut prendre en compte le préjudice commercial subi, le préjudice financier ainsi que le préjudice moral subi par le titulaire de la marque contrefaite et le préjudice moral causé à ce dernier.

C’est sur ce point qu’il va être difficile de prouver un préjudice amenant à une indemnisation alors que la marque en question ne fait plus l’objet d’aucun usage de la part de son titulaire depuis 5 années, ce qui à donner lieu justement à la déchéance de la marque.

Cependant, si cela paraît difficile, cela n’est pas impossible et il reviendra au demandeur de l’action en contrefaçon de prouver le préjudice réellement subit afin d’obtenir une indemnisation.

En outre, la seconde finalité d’une action en contrefaçon réside dans la cessation des actes de contrefaçon. Sur ce point également, une incohérence peut être soulevée dès lors que la marque, au jour du jugement intervenant donc après sa déchéance, ne devrait pas avoir à exiger la cessation des actes illicites de contrefaçon puisque par nature ils ne se trouvent plus être illicites, la marque étant déchue.

Ainsi, la condamnation du contrefacteur pourrait être purement symbolique et consisterait donc en une simple publication du jugement.

Pour lire une version plus détaillée de cet article sur la validité d’une marque échue, cliquez ici

SOURCES :

  1. Article 716-1 du Code de la propriété intellectuelle https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039381689
  2. Cour de justice de l’Union européenne, 26 mars 2020, C-622/18 https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=224732&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=728488
  3. Article L714-5 du Code de la propriété intellectuelle https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039381616
  4. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 26 septembre 2018, 16-28.281 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037474111/
  5. Cour d’appel de Paris, P. 5, ch. 2, 30 juin 2023, no21/08131 https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CA_PARIS_2023-06-30_2113981
  6. Cour de justice de l’Union européenne, 8 juin 2023, noC-654/21, LM c/ KP https://curia.europa.eu/juris/document
  7. TJ Paris, 3e, 1erdéc. 2023, no 23/11158 https://www.doctrine.fr/d/TJ/Paris/2023/JURITEXT000049130308

La déchéanche de la marque

La procédure en nullité ou en déchéance à l’encontre d’une autre marque appartenant à un tiers permet aux acteurs économiques à compter du 1er avril 2020 de faire valoir leurs droits plus simplement, plus rapidement et à moindre coût, en simplifiant des actions ouvertes auparavant dans le seul cadre d’un contentieux judiciaire.

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Instruite à l’INPI par une équipe de juristes spécialisés, la procédure permet de rendre disponibles des marques non exploitées pour permettre à d’autres acteurs de les utiliser et de supprimer des marques en cas de défaut de validité ou d’atteinte à l’ordre public.

Le propriétaire d’une marque française a l’obligation de l’exploiter pour les produits et services désignés dans son dépôt. Il risque sinon de la perdre.

La déchéance d’une marque est prononcée par l’INPI ou par les tribunaux, sous certaines conditions. Elle peut être demandée par toute personne, si son propriétaire :

N’a pas commencé à exploiter sa marque alors qu’elle est enregistrée depuis 5 ans au moins

Ou s’il a abandonné l’exploitation de sa marque depuis plus de 5 ans.


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La déchéance d’une marque peut être totale ou partielle, c’est à dire pour tout ou partie des produits et services désignés au dépôt.

C’est au regard des preuves d’exploitation apportées par le propriétaire que l’INPI ou les juges apprécieront si la marque a été sérieusement exploitée.

I. Conditions de fond de l’action en déchéance pour cause de dégénérescence

A. La dégénérescence s’applique quand la marque est devenue après son enregistrement

Selon l’article L.714-6 du Code de la propriété intellectuelle, encourt la déchéance de ses droits le titulaire d’une marque devenue de son fait :

1.La désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service

En fait, les plaideurs qui ont eu recours à l’action en déchéance pour cause de dégénérescence ne se sont pas attaqués exclusivement à des marques qui étaient devenues la désignation usuelle du produit ou du service au sens de l’ancien article 12 de la directive (ce qui créait finalement un certain lien avec la notion de marque notoire, lien factuel). Ils ont aussi tenté d’obtenir la déchéance de marques composées de termes qui ne remplissaient pas ou plus les conditions minimales de la distinctivité d’une marque au regard des autres causes exposées à l’ancien article L. 712-2.

Une telle demande apparaît de prime abord comme étant contraire au texte même de la directive, du règlement et de la loi française, alors applicables, qui limitent les possibilités d’application de la dégénérescence au cas de la marque devenue la désignation usuelle du produit ou du service.

En effet, seule la marque devenue la désignation usuelle d’un produit ou d’un service est apte à paralyser l’intervention des autres opérateurs économiques sur le marché considéré. Les autres causes de refus d’enregistrement ou de nullité de la marque sont, sur ce plan, un peu moins contraignantes pour les concurrents.(7)

La société Candia a déposé la nuance de couleur Rose Pantone 212 à titre de marque pour désigner des produits laitiers. Elle assigne en contrefaçon les sociétés BSA et Lactel, qui utilisent une nuance très proche, le rose fuchsia, sur des produits identiques ; celles-ci répliquent en invoquant la dégénérescence de la marque au motif que cette nuance est devenue usuelle dans le domaine des produits laitiers.

La cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 23 mars 2006, n° 04/08055 : JurisData n° 2006-311182 ; PIBD 2006, n° 831, III, p. 403 ; Propr. industr. 2006, comm. 93, P. Tréfigny) fait droit à cette demande :

[…] les sociétés appartenant à l’activité laitière font usage de la couleur « rose fuchsia » qui sans être toujours identique à la couleur « rose pantone 212 » est une nuance très proche ne permettant pas à un consommateur d’attention moyenne d’opérer une distinction ; […] cette nuance de rose qui est une modernisation de la couleur rose layette ou rose buvard qui identifiait autrefois les produits infantiles est devenue usuelle pour les sociétés commercialisant les produits laitiers.

La société Lactel avait exercé des actions en contrefaçon, dont elle se prévaut pour démontrer qu’elle a tenté d’empêcher la dégénérescence de son signe. La cour estime qu’elle n’a pas pris « des mesures suffisantes pour éviter cette généralisation de l’emploi par des tiers de sa marque déposée rose pantone 212 et éviter la banalisation de celle-ci ». La cour de Lyon rappelle la solution retenue par la Cour de cassation dans l’arrêt Pina Colada du 28 avril 2004.

La chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé contre cette décision dans un arrêt du 10 juillet 2007. Elle confirme donc qu’une marque figurative peut faire l’objet d’une action en déchéance pour dégénérescence et que l’usage par des tiers de signes similaires et non pas identiques à cette marque ne fait pas obstacle à la déchéance, dès lors que le consommateur d’attention moyenne ne peut pas les distinguer.(2)

2. Propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service

L’article L. 714-6, b) dispose qu’encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait « propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service » (v. aussi dir., art. 12, § 2, b) et RMC, art. 51, § 1, c)) 1350. Par hypothèse, la marque n’était, au jour de son dépôt, pas trompeuse à l’égard des produits ou services visés dans la demande et a donc été valablement enregistrée.

Le Tribunal de l’Union européenne dans un arrêt du 29 juin 2022 (Trib. UE, 29 juin 2022, no T-306/20, Hijos de Moisés Rodríguez González c/ EUIPO) a précisé que le caractère trompeur d’une marque justifiant sa nullité doit être apprécié au moment de son dépôt. Cette nullité peut néanmoins être obtenue postérieurement au dépôt sur le fondement de la mauvaise foi du déposant.  (10)

Mais elle est devenue trompeuse en raison des circonstances de son exploitation par son titulaire ou un tiers autorisé ou, comme dit la directive, « par suite de l’usage qui en est fait par le titulaire ou avec son consentement ». Si l’enregistrement est refusé, ou la marque enregistrée susceptible d’être annulée, lorsque le signe était trompeur au moment du dépôt, il est assez logique que le droit de marque puisse disparaître si le signe devient trompeur en raison de l’usage qui en est fait dans le commerce. L’idée est que nul ne doit avoir de droit exclusif sur l’instrument d’une tromperie.

Cette action sanctionne, par hypothèse, une marque dont le vice n’est pas originel. M. Colombet avait précisé dans son rapport (Rapp. devant l’Assemblée nationale au nom de la Commission des lois, n° 1301, annexe au procès-verbal de la séance du 26 avr. 1990) qu’il s’agit de « (…) l’hypothèse où une marque, pendant le cours de la protection, devient trompeuse.

Le tribunal de l’Union européenne a précisé dans trois décisions rendues le même jour (Trib. UE, 1er mars 2023, no T-38/22 ; Trib. UE, 1er mars 2023, no T-37/22 ; Trib. UE, 1er mars 2023, no T-36/22), que le titulaire d’une marque nationale n’ayant pas fait l’objet d’un enregistrement ne peut agir en nullité d’une marque de l’Union européenne s’il ne prouve pas que le droit national prévoit la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. (12, 13, 14)

Il peut en être ainsi lorsque, compte tenu de la transformation des esprits ou des usages une marque non déceptive à l’origine devient ultérieurement trompeuse ». Lors de son dépôt, ou lors d’une action en nullité, la déceptivité de la marque est appréciée par rapport au libellé du dépôt, en tenant strictement compte des produits et services visés. Lors d’une action en déchéance, c’est la déceptivité de la marque, telle qu’elle est utilisée, au moment où l’action en déchéance est introduite, qui est examinée (sur ce point, V. RLDI 2006, p. 6, B. Humblot. – Et B. Humblot : « de la nécessité de ne pas confondre marque trompeuse et marque trompeuse » : RLDI 2015, n° 121, p. 40). L’INPI n’a pas, lors du renouvellement de la marque, la possibilité de relever un vice qui affecterait la marque. C’est pourquoi il est important de prévoir la déchéance d’une marque qui serait devenue trompeuse.

B. Du fait de l’activité ou de l’inactivité de son titulaire

La déchéance (« perte d’un droit, encourue à titre de sanction (…) pour incurie », Vocabulaire Cornu) pour défaut d’exploitation.

L’« usage sérieux » doit ainsi s’entendre d’un usage qui n’est pas effectué à titre symbolique, aux seules fins du maintien des droits conférés par la marque. Il doit s’agir d’un usage conforme à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine d’un produit ou d’un service, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance.

Il en résulte qu’un « usage sérieux » de la marque suppose une utilisation de celle-ci sur le marché des produits ou des services protégés par la marque et pas seulement au sein de l’entreprise concernée. La protection de la marque et les effets que son enregistrement rend opposables aux tiers ne sauraient perdurer si la marque perdait sa raison d’être commerciale, consistant à créer ou à conserver un débouché pour les produits ou les services portant le signe qui la constitue, par rapport aux produits ou aux services provenant d’autres entreprises.

L’usage de la marque doit ainsi porter sur des produits et des services qui sont déjà commercialisés ou dont la commercialisation, préparée par l’entreprise en vue de la conquête d’une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires, est imminente. Un tel usage peut être le fait tant du titulaire de la marque que, comme le prévoit l’article 10, paragraphe 3, de la directive, d’un tiers autorisé à utiliser la marque.

Dans un arrêt en date du 22 juin 2022 (Cass. com., 22 juin 2022, no 21-10051), la chambre commerciale a rappelé que l’usage d’une marque dans le cadre d’un contrat de parrainage sportif différait de l’usage de cette marque pour une activité sportive ou culturelle organisée par un tiers. (11)

L’article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle dispose qu’encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’État.

Le délai de cinq ans visé au texte doit être considéré comme commençant à courir lorsque la procédure d’enregistrement est achevée, soit à compter de la publication de l’enregistrement au BOPI (Paris, 4e ch., 5 juin 2002,

Le délai de cinq ans est un délai ininterrompu qui doit être considéré indépendamment des faits d’exploitation qui ont pu exister avant et après (Paris, 2 juill. 1975 : Ann. propr. ind. 1976, 57).

Des constats d’huissiers établissant une utilisation ponctuelle de la marque ne suffisent donc pas à établir l’exploitation continue requise au texte (Cour de cassation, chambre commerciale, 9 mars 2010, Alimex : PIBD 2010, 917, III, 272).

Dès lors qu’un usage sérieux de la marque a été repris plus de trois mois avant la demande de déchéance, celle-ci ne peut être prononcée (Cour de cassation, chambre commerciale 9 juin 2009, Armand Thierry : PIBD 2009, 901, III, 1273).

La déchéance est normalement encourue pour tous les produits, ou services, qui n’ont pas été effectivement exploités (Paris, 4e ch., 14 avr. 1995 : PIBD 1995, 592, III, 354). Si seul un produit fait l’objet d’une exploitation, la déchéance doit être prononcée pour les autres produits ou services (Paris, 4e ch., 26 janv. 2001, Azzaro : PIBD 2001, III, 313).

Le prononcé de la déchéance de la marque n’empêche évidemment pas que puissent être toujours poursuivis les actes de contrefaçon antérieurs à celle-ci (Paris, 4e ch., 5 juin 1998, n° 94/28160 : JurisData n° 1998-022799 ; PIBD 1998, 661, III, 465) ou ceux auxquels peut être opposée la marque dans la mesure où celle-ci n’a été que partiellement déchue (Cour de cassation, chambre commerciale 6 nov. 2007)

II. Conditions procédurales de l’action en déchéance pour cause de dégénérescence

A. Compétence

D’un point de vue procédural il convient tout d’abord de relever qu’auparavant les tribunaux judiciaires français avait compétence exclusive pour déclarer une marque française déchue pour cause de non-usage.

Désormais, en vertu de certaines dispositions de la loi PACTE (entrées en vigueur le 1er avril 2020), une nouvelle compétence est attribuée à l’Institut national de la propriété intellectuelle (« INPI »), pour statuer en la matière.

D’un point de vue procédural il convient tout d’abord de relever qu’à ce jour les tribunaux de grande instance français ont compétence exclusive pour déclarer une marque française déchue pour cause de non-usage.

La demande de déchéance pour cause de non-usage d’une marque française peut être formée devant une juridiction française à titre principal ou à titre reconventionnel (en réponse à une action en contrefaçon). La très grande majorité des dossiers de déchéance résulte de demandes reconventionnelles dans le cadre d’actions en contrefaçon. Le mécanisme des 3 mois de la période suspecte permet en effet d’éviter bon nombre d’actions à titre principal, favorisant le rachat de marque ou la négociation d’un accord de coexistence, sous la pression d’une action en déchéance.

La déchéance peut être invoquée pour la première fois en appel sans pour autant constituer une demande nouvelle (par exemple, CA Paris, 14 avr. 1995 : PIBD 1995, III, p. 354). En effet, la déchéance, en tant que moyen de défense à l’action en contrefaçon, ne constitue pas une demande nouvelle au sens des articles 564 et 565 du Code de procédure civile.

La situation est différente lorsque la déchéance est demandée à titre principal. La Cour de cassation a refusé en ce cas d’accepter une demande en déchéance d’une marque de l’Union européenne pour la première fois en appel, alors même que cette marque de l’Union européenne était identique à la marque française objet de la demande en déchéance principale.

La compétence est dédoublée concernant les demandes de déchéance mises en œuvre à l’encontre des marques de l’Union européenne.

En effet, l’article 58-1, a) du règlement (UE) 2017/1001 dispose que l’EUIPO est compétent pour connaître des demandes en déchéance pour cause de non-usage à titre principal.

B. Intérêt à agir

Toute personne qui y a un intérêt peut agir en déchéance (Paris, 4e ch., 20 mars 1998 : JurisData n° 1998-021898), et ce tant au regard de ses activités principales que de ses activités accessoires (Paris, pôle 5, 1re ch., 27 févr. 2013, Soc. Swinger International Spa : Propr. ind. 2013, comm. 13, note Tréfigny).

Le demandeur en déchéance justifie d’un intérêt à agir lorsque sa demande tend à lever une entrave à l’utilisation du signe dans le cadre de son activité économique (Cass. com., 18 mai 2010 : D. 2010, act. p. 1343 ; D. 2011, étude 913, obs. Durrande.  Paris, 4e ch., 6 déc. 1990 : JurisData n° 1990-025848 ; PIBD 1991, 501, III, 350). Il en va particulièrement ainsi quand les deux entreprises en cause exercent leur activité dans le même secteur (Paris, 4e ch., 27 nov. 1990 : PIBD 1991, 501, III, 348).

Mais ne justifie pas d’un intérêt à agir celui qui ne pourrait pas procéder à la réservation du signe éventuellement libéré en raison d’un risque de confusion potentiel avec la dénomination sociale et le nom commercial de l’entreprise titulaire de la marque (Orléans, ch. com. et fin., 17 oct. 2002, Sté Inter Service : JCP E 2003, chron. 1468, n° 12, obs. Boespflug ; RD propr. intell. 2003, n° 151, p. 9 ; Propr. intell. 2003, n° 7, p. 212, obs. Buffet-Delmas ; Propr. ind. 2003, comm. 4, note Tréfigny).(5)

« La règle “Nemo auditur” n’a pas d’incidence sur le droit à agir en déchéance d’une marque, ce droit étant reconnu à toute personne intéressée par l’article L. 714-5, CPI » ( Paris, pôle 5, 2e ch., 18 nov. 2011, préc.).

C. Preuve

1.Type de preuve

En déchéance devant un tribunal français – La question du type de preuve pouvant être apporté ne soulève guère de difficulté, car, en matière civile, la preuve des faits juridiques est, en principe, libre. D’ailleurs, en la matière, l’article L. 714-5, alinéa 5, du Code de la propriété intellectuelle précise expressément que la preuve peut être apportée par tous moyens. Par conséquent, tout mode de preuve de nature à emporter la conviction du tribunal est acceptable.

L’appréciation des preuves soumises relève de l’appréciation souveraine des juges du fond (Cass. com., 7 oct. 1986 : Bull. civ. 1986, IV, n°  192). Autre principe classique en la matière : la déchéance de la marque pour défaut d’exploitation doit être prononcée si les éléments versés aux débats à titre de preuves d’exploitation ne sont pas datés (TGI Paris, 25 nov. 1994 : PIBD 1995, n° 401, III, p. 128) ou encore « que tous les documents non datés ou portant des dates qui ne se situent pas dans la période de référence ou qui font état d’une exploitation à l’étranger sont dénués de toute pertinence » (CA Paris, 26 janv. 2001 : PIBD 2001, n° 722, III, p. 312).

Les preuves d’usage en question doivent montrer un usage tourné vers l’extérieur comme le rappelle le tribunal de grande instance de Paris le 10 octobre 2008(PIBD 2008, n° 885, III, p. 660) :

Qu’en revanche, les documents intitulés (…) ne sauraient être utilement invoqués pour faire la démonstration d’une telle exploitation pour les autres produits concernés dès lors qu’ils constituent, ainsi que le souligne justement la société défenderesse, des documents internes destinés aux seuls franchisés, en vue de l’agencement des vitrines et de la mise en valeur des articles de linge de maison commercialisés sous la marque.

En déchéance à titre principal devant l’EUIPO – Les moyens de preuve de l’usage sérieux dans les procédures devant la division d’annulation sont les mêmes que ceux qui s’appliquent à l’examen de la preuve de l’usage des marques communautaires dans la procédure d’opposition. Il convient dès lors de se référer aux dispositions détaillées contenues dans la partie 6 de la directive relative à la procédure d’opposition (revue en date du 01/10/2017 par l’EUIPO).

Cette directive interne à l’EUIPO s’avère être une source d’information d’une particulière richesse et il convient évidemment de s’y référer pour de plus amples détails à ce sujet. La règle 10 du règlement délégué (UE) 2017/1430 de la Commission du 18 mai 2017 portant modalités d’application du règlement (UE) du Conseil sur la marque de l’Union européenne est le texte de base fixant le type de document en principe acceptable devant l’EUIPO :

  • les indications et les preuves à produire afin de prouver l’usage de la marque comprennent des indications sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ces indications devant être fournies, preuves à l’appui, conformément au paragraphe 4 (pour un exemple, Trib. UE, 5 oct. 2010, aff. T-92/09, Stratégi Group LTD c/ OHMI (Strategic c/ Strategies), pts 41 à 43) ;
  • les preuves sont produites conformément aux règles 55, paragraphe 2, 63 et 64 et se limitent, en principe, à la production de pièces justificatives comme, par exemple, des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, point f) du règlement (UE) 2017/1001. Le nouveau règlement délégué (UE) 2017/1430 introduit aussi des exigences de forme en matière de présentation et de structuration des preuves, qui doivent être clairement identifiées et indexées.

Dans une décision en date du 19 octobre 2022 (Trib. UE, 19 oct. 2022, no T-275/21, Louis Vuitton Malletier c/ EUIPO), le tribunal de l’Union européenne a précisé que la preuve de l’acquisition de la distinctivité par l’usage dans l’ensemble du territoire de l’Union doit être rapportée par le titulaire d’une marque de l’Union dépourvue de caractère distinctif intrinsèque. (8)

2. Charge de la preuve

En déchéance devant un tribunal français – La charge de la preuve est inversée, car ce n’est pas au demandeur à la déchéance (par voie d’action ou d’exception) de prouver que le propriétaire n’a pas exploité, mais au titulaire de la marque, défendeur de prouver qu’il a effectivement exploité. L’article L. 714-5, alinéa 5, du Code de la propriété intellectuelle, le précise expressément.

Ce renversement de la charge de la preuve s’impose par le fait que conserver la règle traditionnelle actori incumbit probatio (CPC, art. 6 et 9) conduirait à solliciter du demandeur l’administration d’une preuve négative (absence d’exploitation), par définition très difficile, voire impossible, à rapporter.

En déchéance à titre principal devant l’EUIPO – La règle 19 du règlement (UE) 2017/1430 de la Commission du 18 mai 2017 portant modalités d’application du règlement (UE) 2017/1001 du Conseil sur la marque de l’Union européenne impose au titulaire de la marque de l’Union européenne contestée d’apporter la preuve de l’usage de la marque au cours de la période indiquée. Si la preuve n’est pas apportée dans le délai imparti, la déchéance de la marque de l’Union européenne est prononcée.

Dans un arrêt en date du 4 mai 2022, le tribunal de l’Union européenne (Trib. UE, 4 mai 2022, no T-117/21) a rappelé que l’enregistrement d’une marque européenne lui confère une présomption de validité. Par conséquent, la charge de la preuve de l’absence de la distinctivité de la marque repose sur le demandeur en nullité. (9)

Il en va de même de la preuve de l’existence de justes motifs pour le non-usage. Le rôle de l’EUIPO consiste à apprécier les preuves qui lui sont présentées à la lumière des moyens des parties. Il n’appartient pas à l’EUIPO de recueillir lui-même des éléments de preuve d’usage.

Pour lire une version plus détaillé de cet article sur la déchéance de marque , cliquez

Sources :

  1. Code de la propriété intellectuelle, chapitre 1er: « les éléments constitutifs d’une marque » https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006069414/LEGISCTA000006161690?init=true&page=1&query=L.711-1+&searchField=ALL&tab_selection=all&anchor=LEGIARTI000039381546#LEGIARTI000039381546
  2. Cour de Cassation, Chambre commerciale, 10 juillet 2007, 06-15.593 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007525749?init=true&page=1&query=06-15.593+&searchField=ALL&tab_selection=al
  3. Cour de Cassation, civile, Chambre commerciale, 5 juillet 2017, 13-11.513 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000035149079?init=true&page=1&query=13-11.513&searchField=ALL&tab_selection=all
  4. Directive (UE) 2015/2436 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32015L2436
  5. Code de la propriété intellectuelle https://www.legifrance.gouv.fr/codes/texte_lc/LEGITEXT000006069414/
  6. Règlement (UE) 2007/1001 du Parlement européen et du conseil du 14 juin 2007 sur la marque de l’Union européenne https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32017R1001&from=FR
  7. Nullité et déchéance (annulation) https://euipo.europa.eu/ohimportal/fr/invalidity-and-revocation?TSPD_101_R0=089375ec4aab20008b6fbe66ddeeb52c5d0c79471c5ec0f1787568ee3820de7d8c192a5cbf656918089ffd179b14300070152924036c4fbc27039c851e5cb5fdfb5f798d8b5709c265bccae05517efeb87905d25dc82f3da517d4294c75ca564
  8. Tribunal de l’UE,, 19 oct. 2022, noT-275/21, Louis Vuitton Malletier c/ EUIPO https://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?lgrec=fr&td=%3BALL&language=fr&num=T-275/21&jur=T
  9. UE, 4 mai 2022, noT-117/21 https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=258786&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=3272104
  10. UE, 29 juin 2022, noT-306/20, Hijos de Moisés Rodríguez González c/ EUIPO, https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=261882&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=10051
  11. com., 22 juin 2022, no21-10051 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045967893?isSuggest=true
  12. UE, 1ermars 2023, noT-38/22 https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=270791&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=11360419
  13. UE, 1ermars 2023, noT-37/22 https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=270790&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=11360419
  14. UE, 1ermars 2023, noT-36/22 https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=270789&pageIndex=0&doclang=RO&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=11360419

Contrefaçon : point de départ de la prescription

Quel est le point de départ quand la contrefaçon est continue ?

En 1985, l’artiste Frédéric Jager avait conçu pour le Musée du cheval vivant aux Grandes écuries de Chantilly, une sculpture monumentale de trois mètres de hauteur représentant trois chevaux dans une demi-vasque circulaire intitulée « Fontaine aux chevaux » ou « La Prueva ».

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Après avoir eu connaissance de l’existence de reproductions illicites de son œuvre, l’artiste a lancé une procédure afin de déterminer leur origine et localisation.

C’est ainsi qu’a été découverte une reproduction exposée dans le Potager des Princes à Chantilly. Son caractère contrefaisant a été définitivement reconnu par arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 décembre 2008.


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En 2021, à la suite d’une tentative de règlement amiable infructueuse, l’artiste a finalement assigné la société le Potager des Princes et son gérant, en référé, afin de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de l’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle.

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille ayant fait droit à ses demandes, la société Le Potager des Princes a interjeté appel devant la Cour d’appel de Douai. La Cour a infirmé l’ordonnance du juge des référés et rejeté l’ensemble des demandes de l’artiste au motif que son action était prescrite.

C’est dans ce contexte que Frédéric Jager a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Pour démontrer que l’action n’était pas prescrite, il a soutenu qu’en présence d’un délit continu (en l’occurrence constitué par la détention et l’exposition de l’exemplaire contrefait), le point de départ du délai de prescription se situait au jour de la cessation des actes contrefaisants.

La société Le Potager des Princes soutient quant à elle que le délai de prescription commençait à courir au jour où l’artiste a eu connaissance de la contrefaçon : au plus tard, le 15 octobre 2008. L’action était donc prescrite depuis le 16 octobre 2013.

En réponse, la Cour de cassation dans son arrêt du 15 novembre 2023 rappelle d’abord l’article 2224 du Code civil selon lequel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

La Cour reconnait que la présence de la statue litigieuse dans le Potager des Princes a été connue de l’artiste dès le dépôt du rapport d’expertise du 3 septembre 2004 et que son caractère contrefaisant a définitivement été reconnu par arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 décembre 2008.

Ainsi, elle fixe le point de départ du délai au 17 décembre 2008 ; son expiration est donc intervenue le 17 décembre 2013.

L’auteur est désormais impuissant pour faire cesser l’exposition de cette statue contrefaisante dans le Potager des Princes.

C’est le lieu de rappeler qu’En droit français, la question de la contrefaçon et de la prescription en cas de délit continu suscite un intérêt juridique crucial. La contrefaçon, en tant qu’acte de reproduction ou d’utilisation non autorisée de biens protégés par des droits de propriété intellectuelle, soulève des interrogations complexes quant à la durée de la prescription.

Lorsqu’un délit est considéré comme continu, c’est-à-dire qu’il perdure dans le temps, la détermination du point de départ de la prescription devient un enjeu majeur pour les parties impliquées. Dans ce contexte, l’analyse des textes de loi, des jurisprudences et des doctrines spécialisées s’avère essentielle pour appréhender les spécificités de la prescription en matière de contrefaçon. Cette dynamique juridique exige une compréhension approfondie des mécanismes temporels et des principes fondamentaux régissant la prescription en droit français, afin d’appréhender de manière adéquate les implications et les conséquences de la perpétuation d’un délit de contrefaçon.

I. Qu’est-ce que la contrefaçon ?

A. Définition de la contrefaçon

La contrefaçon en droit français se réfère à la violation des droits de propriété intellectuelle tels que les droits d’auteur, les brevets, les marques, les dessins et modèles.  Voici un aperçu de ce que couvre généralement la définition de la contrefaçon en droit français :

  1. Contrefaçon en matière de droit d’auteur :

– La reproduction, la représentation ou l’exploitation d’une œuvre protégée sans l’autorisation de l’auteur.

– Cela peut inclure la reproduction totale ou partielle, la traduction, l’adaptation ou la distribution de l’œuvre sans consentement.

  1. Contrefaçon en matière de marques :

– L’usage non autorisé d’une marque identique ou similaire pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux protégés par la marque enregistrée.

  1. Contrefaçon en matière de brevets :

– La fabrication, l’utilisation, la vente ou l’importation d’un produit ou d’un procédé breveté sans l’autorisation du titulaire du brevet.

  1. Contrefaçon en matière de dessins et modèles :

– L’imitation ou la reproduction non autorisée d’un dessin ou modèle enregistré. En général, la contrefaçon est considérée comme une violation des droits de propriété intellectuelle et est sujette à des sanctions civiles et pénales.

Les tribunaux peuvent ordonner des dommages-intérêts, la cessation des actes de contrefaçon, voire des peines d’emprisonnement en cas de contrefaçon grave.

B. Importance du délai de prescription dans les affaires de contrefaçon

Il est essentiel de comprendre l’importance du délai de prescription dans les affaires de contrefaçon.

Le délai de prescription est le laps de temps pendant lequel une partie peut intenter une action en justice pour une infraction. Dans le contexte de la contrefaçon, il joue un rôle crucial pour garantir la protection des droits de propriété intellectuelle et la poursuite des contrevenants.

  1. Protéger les droits de propriété intellectuelle : Le délai de prescription permet de protéger les droits de propriété intellectuelle des entreprises. Les entreprises investissent des ressources considérables dans la création et le développement de produits originaux, et la contrefaçon peut gravement compromettre leur rentabilité. En fixant un délai de prescription, les lois sur la propriété intellectuelle permettent aux entreprises de prendre des mesures légales contre les contrefacteurs et de faire valoir leurs droits en justice.
  2. Encourager la répression de la contrefaçon : Un délai de prescription adéquat encourage la répression de la contrefaçon en permettant aux entreprises de prendre des mesures légales rapidement. La contrefaçon peut se propager rapidement et causer des dommages considérables en peu de temps. En limitant le délai de prescription, les tribunaux peuvent traiter les affaires de contrefaçon de manière plus efficace, dissuader les contrefacteurs potentiels et minimiser les pertes subies par les entreprises.
  3. Préserver l’intégrité du marché : Le délai de prescription joue également un rôle crucial dans la préservation de l’intégrité du marché. En prenant des mesures rapides contre les contrefacteurs, les entreprises peuvent protéger la réputation de leurs marques et éviter la confusion des consommateurs. Un délai de prescription approprié permet de maintenir un environnement commercial équitable et de garantir que les entreprises qui respectent les lois sur la propriété intellectuelle sont protégées contre les pratiques déloyales.

Le délai de prescription est crucial car il détermine la période pendant laquelle le titulaire des droits peut engager des poursuites pour contrefaçon.

C. Bases légales du délai de prescription en droit français

  1. Référence aux articles pertinents du Code de la propriété intellectuelle

Les articles du Code de la propriété intellectuelle français qui réglementent le délai de prescription en matière de contrefaçon sont les suivants :

– Article L. 716-4 : Cet article énonce que l’action en contrefaçon se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

– Article L. 716-6 : Cet article concerne les cas où l’infraction de contrefaçon est dissimulée. Il stipule que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire du droit d’auteur ou du droit voisin a eu connaissance de l’infraction ou aurait dû en avoir connaissance, même si cette connaissance intervient après l’expiration du délai de cinq ans.

– Article L. 716-7 : Cet article traite des cas d’actions en contrefaçon exercées par un ayant droit postérieur au titulaire initial du droit d’auteur ou du droit voisin. Il énonce que l’action en contrefaçon se prescrit par cinq ans à compter du jour où l’ayant droit postérieur a eu connaissance de l’existence de son droit et de l’identité du contrefacteur.

– Articles L. 716-8 à L. 716-11 : Ces articles fournissent d’autres précisions et dispositions relatives au délai de prescription en matière de contrefaçon, notamment en ce qui concerne les cas spécifiques liés aux droits voisins.

Il est important de se référer à ces articles pour comprendre les dispositions légales relatives au délai de prescription en matière de contrefaçon en droit français.

  1. Explication du principe de prescription en droit français

En droit français, le principe de prescription désigne la durée au-delà de laquelle une action en justice ne peut plus être engagée. Il vise à garantir la sécurité juridique en empêchant les litiges de ressurgir de manière indéfinie.

Les délais de prescription varient en fonction de la nature de l’action en justice (civile, pénale, commerciale, etc.) et sont prévus par la loi. Une fois le délai de prescription écoulé, le droit d’agir en justice est éteint.

 

II. Délai de prescription de l’action en contrefaçon

A. Durée du délai de prescription

En France, le délai de prescription de l’action en contrefaçon est de cinq ans.

L’article 2224 du Code civil dispose que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Cela signifie que, sauf exceptions prévues par la loi, les actions personnelles se prescrivent au bout de cinq ans à partir du moment où la personne concernée a eu connaissance des faits lui permettant d’agir en justice.

  1. Moment à partir duquel le délai commence à courir

Ce délai commence à courir à partir du jour où le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

L’article 2224 du Code civil dispose que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

  1. Cas particuliers et exceptions

Des cas particuliers peuvent modifier le point de départ ou la durée de ce délai, notamment en cas de contrefaçon continue ou de dissimulation de l’infraction.

Dans ce cas, la prescription ne commence à courir qu’à partir du jour où la contrefaçon a cessé. Par exemple, si une œuvre protégée par le droit d’auteur est continuellement reproduite sans autorisation, la prescription de l’action en contrefaçon ne commence qu’à partir du jour où la reproduction cesse.

Toutefois, selon la Cour de cassation dans son arrêt du 15 novembre 2023 qui rappelle d’abord l’article 2224 du Code civil selon lequel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. », reconnait que la présence de la statue litigieuse dans le Potager des Princes a été connue de l’artiste dès le dépôt du rapport d’expertise du 3 septembre 2004 et que son caractère contrefaisant a définitivement été reconnu par arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 décembre 2008.

Ainsi, elle fixe le point de départ du délai au 17 décembre 2008 ; son expiration est donc intervenue le 17 décembre 2013.

Il existe enfin des exceptions à la prescription de l’action en contrefaçons. Par exemple, dans certains pays, il n’y a pas de prescription pour les contrefaçons de marques. Cela signifie que le titulaire de la marque peut engager des poursuites même après de nombreuses années. De même, il peut y avoir des exceptions pour les contrefaçons intentionnelles ou répétées, où la prescription peut être prolongée.

Il est également important de souligner que la prescription de l’action en contrefaçons peut varier d’un pays à l’autre et dépendre des lois nationales en matière de propriété intellectuelle. Il est donc essentiel de consulter les lois spécifiques de chaque pays pour connaître les délais de prescription applicables.

B. Conséquences du dépassement du délai de prescription

  1. Perte du droit d’agir en contrefaçon

En droit français, le dépassement du délai de prescription en matière de contrefaçon peut entraîner la perte du droit d’agir en justice. En général, l’action en contrefaçon se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, conformément à l’article 2224 du Code civil. Si le titulaire d’un droit d’auteur, par exemple, découvre une contrefaçon plusieurs années après les faits, il peut se voir opposer la prescription et perdre son droit d’agir en justice contre le contrefacteur.

  1. Impact sur les recours disponibles pour le titulaire des droits

Lorsque le délai de prescription est dépassé, cela a un impact significatif sur les recours disponibles pour le titulaire de droits. En général, le dépassement du délai de prescription entraîne la perte du droit d’engager une action en justice pour faire valoir ses droits.

Tout d’abord, il est important de comprendre que le délai de prescription varie en fonction du pays et du type de droit en question. Par exemple, en matière de propriété intellectuelle, les délais de prescription peuvent varier pour les droits d’auteur, les marques commerciales, les brevets, etc. Lorsque le délai de prescription est dépassé, le titulaire de droits n’est généralement plus en mesure de demander des réparations financières pour la violation de ses droits. Cela signifie qu’il ne peut plus réclamer de dommages-intérêts ou de compensation financière pour le préjudice subi.

De plus, le dépassement du délai de prescription peut également entraîner la perte du droit d’obtenir d’autres mesures, telles que l’injonction pour faire cesser la violation des droits, la saisie des produits contrefaits ou même la suppression des contenus en ligne.

Il est donc essentiel pour le titulaire de droits de prendre des mesures dès qu’il a connaissance de la violation de ses droits, afin de respecter les délais de prescription et de pouvoir exercer pleinement ses recours en justice. Cela peut inclure l’envoi d’une mise en demeure à l’auteur de la violation, le dépôt d’une plainte ou la recherche de conseils juridiques spécialisés.

En résumé, le dépassement du délai de prescription a un impact significatif sur les recours disponibles pour le titulaire de droits. Il peut entraîner la perte du droit d’obtenir des réparations financières et d’autres mesures pour faire valoir ses droits. Il est donc important d’agir rapidement et de respecter les délais de prescription pour protéger ses intérêts.

Pour lire une version plus courte de cet article sur les délais de départ de la prescription en matière de contrefaçon, cliquez

Sources :

  1. Délai de prescription de l’action en contrefaçon : la Cour de cassation ne lâche pas la bride – TAoMA Partners (taoma-partners.fr)
  2. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-23.266, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  3. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 octobre 2009, 08-12.270, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  4. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 10 septembre 2013, 12-20.489, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  5. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 octobre 2021, 18-11.805, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  6. Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 28 mars 2006, 05-11.686, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)