13 Jan 2015
La preuve de l’antériorité du droit d’auteur
Le droit d’auteur est un droit essentiel pour la protection des œuvres, cependant une condition doit être remplie afin que l’œuvre soit protégée : l’antériorité de l’œuvre, or la preuve de l’antériorité n’est pas chose simple.
La preuve de l’antériorité du droit d’auteur Lorsqu’il y a conflit sur l’existence d’un droit, la question principale qui se pose est de savoir qui a la charge de la preuve. Il existe un principe fondamental du droit selon lequel c’est à celui qui invoque l’existence ou l’absence d’un droit de le prouver : « actori incombit probatio ».
Dans certaines hypothèses, la loi a admis l’existence de présomptions légales (l’admission d’un fait par la loi à partir d’un autre fait qui fait présumer l’existence du premier). Il y a alors renversement de la charge de la preuve.
Il appartiendra au défendeur de prouver le contraire de ce qui est admis par la présomption. Le droit français fait une très large place à la prévention, en matière civile. La loi a prévu une présomption de la qualité d’auteur (art. L 113-1). La qualité d’auteur appartient sauf preuves contraires à celui ou ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée.
Cette présomption peut être invoquée par tous les autres auteurs dont le nom a été porté à la connaissance du public d’une manière quelconque. Elle peut être combattue par tout moyens. La preuve de la qualité d’auteur est libre, les juges peuvent tenir compte de toutes présomptions. En jurisprudence, la qualité d’auteur est caractérisée par un apport spécifique de création intellectuelle qui ne se conçoit pas sans une forme matérialisée.
Le droit d’auteur désigne l’ensemble des droits dont jouissent les créateurs sur leurs oeuvres littéraires et artistiques. En droit français, l’œuvre est protégée du seul fait de sa création. L’article L.111-1 du CPI dispose « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ». Le mot « œuvre » étant un terme juridiquement assez faible, il y a très peu de cas où cette qualité a été refusée en jurisprudence.
Les oeuvres protégées par le droit d’auteur comprennent notamment les oeuvres littéraires (romans, poèmes, pièces de théâtre, ouvrages de référence, journaux et logiciels), les bases de données, les films, les compositions musicales et chorégraphiques, les oeuvres artistiques telles que les peintures, dessins, photographies et sculptures, architecture, et les créations publicitaires, cartes géographiques et dessins techniques. Dès lors que l’œuvre est mise en forme, son originalité est présumée. Le problème va se poser en terme de preuve : qui a l’antériorité de la création de l’œuvre ?
En théorie, il n’y a donc aucune formalité à remplir pour faire valoir ses droits. En pratique, il est essentiel de déposer l’œuvre pour pouvoir, en cas de litige, faire la preuve de son antériorité. Le dépôt offre l’avantage d’apporter une date certaine. En effet, le dépôt donne la preuve qu’à la date où il a été effectué, le déposant était en possession de l’œuvre, objet du dépôt.
Il permet en cas de conflit de faire jouer une antériorité de création devant un juge et aide à démontrer qu’un tiers à divulgué l’œuvre sans autorisation. Toutefois, certaines oeuvres sont soumises au dépôt légal, tant pour constituer et enrichir un patrimoine culturel, pour assurer l’information de certaines autorités administratives que pour offrir à l’auteur lui-même un moyen de preuve d’antériorité.
Le régime du dépôt légal est organisé par la loi 92-546 du 20.6.92 et le décret 93-1429 du 31.12.93. Il est applicable aux documents imprimés, graphiques, photographiques, sonores, audiovisuels, multimédia, quel que soit leur procédé technique de production, d’édition et de diffusion, dès lors qu’ils sont mis à la disposition du public.
L’obligation du dépôt légal incombe aux personnes physiques et morales qui éditent, produisent ou importent les documents visés. On est en présence d’un dépôt administratif, obligatoire, à la bibliothèque nationale, au centre national de la cinématographie ou à l’institut national de l’audiovisuel et concerne » tous documents » « dès lors qu’ils sont mis à la disposition d’un public ».
Pour les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, il existe un registre spécial, le registre public de la cinématographie et de l’audiovisuel qui avait été initialement créé par une loi du 22 février 1944. Pour protéger sont droit il est indispensable de mettre en place une procédure visant à conserver des preuves matérielles de l’antériorité de la marque, de la création ou des modèles : enregistrement des dates de création par voie d’huissier, conservation des documents datés liés à l’objet à protéger (factures, extraits de presse, correspondance commerciale, etc.).
Ce dépôt permet d’avoir la date précise de la création de l’œuvre. Les dépôts les plus utilisés sont.:
I. Le dépôt auprès d’une société d’auteur (Société des Compositeurs et des Auteurs Multimédias, Société des Auteurs Compositeurs Dramatiques, Société Nationale des Auteurs Compositeurs).
Aucune société d’auteurs n’est pas investie d’un pouvoir d’apporter « preuve certaine » au même titre qu’un officier ministériel (huissier ou notaire). C’est en fait un service que rendent les sociétés d’auteurs à leurs membres (ou non membres). Mais sur un plan juridique il s’agit d’une preuve simple, tout aussi contestable en cas de litige devant un juge que toute autre.
Elle n’a aucune force supérieure. L’intérêt de ces dépôts, réside en ce que l’on peut déposer des documents parfois volumineux. En cas de dépôt d’œuvres de collaboration, il convient de bien mentionner tous les auteurs, et de préciser que le manuscrit ne pourra être retiré que par une démarche conjointe des coauteurs, ceci afin d’éviter que l’un des coauteurs ne retire seul le dépôt et supprime ainsi la preuve de la collaboration.
II. Dépôt auprès d’un notaire ou huissier.
Ce mode de dépôt est possible, mais il a l’inconvénient d’être onéreux.
III. L’envoi à soi même d’un courrier recommandé cacheté.
Il s’agit d’envoyer à des personnes de confiance et/ou à soi-même par la poste et en objet recommandé un exemplaire de l’œuvre créée. Il convient à sa réception de ne pas ouvrir l’enveloppe.
En cas de contestation de paternité (c’est-à-dire dans la plupart des cas, d’antériorité de preuve) on fera ouvrir l’enveloppe restée inviolée devant huissier. La date de la poste faisant foi, sauf à prouver une complicité avec un agent des postes, cette preuve acquiert date quasi-certaine.
IV. Le système de l’enveloppe Soleau.
Il est fondé sur le décret du 10 mars 1914 et avait pour but à l’origine, d’établir la date de création de dessins et modèles, selon la loi du 14 juillet 1909 et l’arrêté du 9 mai 1986. Mais, rapidement, les inventeurs l’ont utilisée pour établir la date certaine de conception de leur invention en attendant qu’elle soit suffisamment au point pour permettre le dépôt d’un brevet.
L’enveloppe Soleau est envoyée par poste à l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). Il s’agit d’un mécanisme pratique, peu onéreux et qui a l’avantage d’offrir une garantie étatique au dépôt, dans la mesure où il consiste en un dépôt géré par l’INPI.
Il est effectué au moyen d’une enveloppe double que l’on achète à l’INPI, ou auprès des greffes des tribunaux de commerce. On insère dans chacun des volets de l’enveloppe le document que l’on entend protéger (maximum de 7 pages) et on l’envoie à l’INPI par la poste en recommandé avec accusé de réception. L’enveloppe est perforée à son arrivée à l’INPI, et se voit octroyer un numéro d’ordre. L’un des volets est renvoyé au déposant, l’autre est conservé par l’INPI pendant une période de cinq années, qui peut être prorogée.
En cas de problème, le volet conservé à l’INPI est transmis au juge chargé de statuer sur le conflit. L’INPI renvoie un des volets au demandeur et conserve l’autre pendant 5 ans, renouvelables une fois par paiement d’une nouvelle taxe de 10 €. Après 10 ans, le premier volet est restitué au demandeur qui doit le conserver intact (de même que le second volet), car sa valeur de preuve serait encore acceptable par un Tribunal en cas de litige.
L’ensemble de ces droits est codifié en France dans le Code de la Propriété Intellectuelle (partie législative: loi 92-597 du 1.7.92, partie réglementaire: décret 95-385 du 10.4.95) qui abroge et remplace les lois du 11.3.57 et du 3.7.85. Les autres méthodes utilisées par des auteurs pour prouver l’antériorité de leur œuvre sont : le visa des documents par la Gendarmerie ou le Commissariat de Police ; la gravure sur CD-ROM ou DVD-ROM non-réenregistrable ; l’enregistrement à date certaine de microfilms ou microfiches par les services de l’Enregistrement de la D.G.I. (Direction Gén. des Impôts) et une demande de brevet déposée puis retirée avant publication, conservée en archives à l’I.N.P.I., (normalement pendant 25 ans).
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