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La concurrence déloyale et l’économie de partage

À l’heure où l’économie de partage prend une place considérable dans la vie des consommateurs, il est nécessaire de s’interroger sur l’application des règles de concurrence à ces nouvelles industries.

Le droit de la libre concurrence est un ensemble de règles tendant à ordonner une compétition économique fondée sur des échanges de biens et de services.
En droit européen et français, la concurrence est considérée comme un moyen et non comme une finalité en soi. C’est pourquoi tout ce qui nuit à la libre concurrence ne sera pas forcement interdit. La libre concurrence pourra être sacrifiée s’il existe un autre moyen de satisfaire la collectivité, c’est ce que l’on appelle les mécanismes d’exemption.

Les pratiques considérées comme anticoncurrentielles pouvant faire l’objet d’une sanction sont principalement les ententes anticoncurrentielles et les abus de positions dominantes.
Toutefois, certains ordres juridiques nationaux, comme la France et l’Allemagne, prohibent également les comportements déloyaux. Il s’agit de s’intéresser directement aux comportements des opérateurs indépendamment de la notion de  » marché « .

En droit français, les comportements déloyaux sont sanctionnés sur le fondement de la responsabilité civile (Art 1382 et Art 1383). En effet, tout acte fautif et préjudiciable engage la responsabilité de son auteur. Dès lors, en l’absence de droits exclusifs reconnus par la loi, l’ordre public économique exige des relations loyales et des pratiques régulières entre les acteurs.

La jurisprudence définit l’acte de concurrence déloyale comme  » l’abus de liberté du commerce, causant volontairement ou non, un trouble commercial  » (com, 22 octobre 1985).

 » La concurrence déloyale est une forme particulière de responsabilité civile. Elle suppose seulement la démonstration d’un fait fautif générateur de préjudices  » (Com 12.02.2008 n°06-17. 501).

Les règles de la concurrence déloyale sont elles applicables à l’économie participative ?

I. La qualification de concurrence déloyale

L’article 120-1 du code de la consommation consacre l’interdiction des pratiques commerciales déloyales.

 » Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service « .

La concurrence déloyale est définie comme un moyen de nuire à un concurrent afin de détourner sa clientèle par le biais de procédés contraires aux usages loyaux du commerce.
Afin qu’un comportement soit qualifié de déloyal, plusieurs conditions doivent être réunies, l’existence d’un rapport concurrentiel et une faute caractérisant la déloyauté.

A)La nécessité d’un rapport concurrentiel

La mise en œuvre de l’action en concurrence déloyale est subordonnée à l’existence d’une situation de concurrence.
Cette situation de concurrence signifie que deux parties offrent des produits ou des services similaires à une clientèle commune. Il s’agit du principe de spécialité de l’action en concurrence.
L’activité des parties doit donc être de même nature, analogue ou similaire et viser la même clientèle.
La première condition n’est pas sans rappeler l’exigence de détermination d’un marché de référence en matière de libre concurrence.
La seconde condition relative à l’exigence d’une clientèle commune disparaît peu à peu dans la jurisprudence, l’action étant désormais ouverte aux syndicats professionnels et associations.
En effet, à l’origine, l’action en concurrence déloyale avait pour but de protéger la clientèle d’une entreprise contre les moyens déloyaux utilisés par un concurrent. Cet objectif de protection individuelle nécessite de mettre en exergue une situation de concurrence. Cependant, à l’heure actuelle, la finalité recherchée a été déplacée vers une protection plus générale du processus concurrentiel, c’est à dire en incluant tous les partenaires économiques en cause.
Ainsi s’il n’existe pas réellement de relation concurrentielle entre l’auteur du comportement déloyal et la victime, l’action peut être admise.

B)Un comportement déloyal

La jurisprudence sanctionne les comportements visant à affaiblir un concurrent dans la compétition autrement que par l’exercice de ses propres mérites.
Il peut s’agir de dénigrement, d’imitation, de débauchage, de parasitisme ou encore d’une faute d’imprudence ou de négligence.
Lorsqu’il s’agit d’une simple imprudence ou négligence, la victime est dispensée de démontrer l’intention de nuire de l’auteur.

Le dénigrement est une affirmation malicieuse dirigée contre un concurrent dans le but de détourner sa clientèle. Il s’agit notamment de discréditer les produits, le travail ou la personne directement. Le discrédit peut être direct ou indirect. En d’autres termes, soit il vise clairement à critiquer le concurrent, soit il suggère des qualités manquantes aux produits ou services des entreprises concurrentes.
En tout état de cause, le dénigrement doit être public (TGI Paris, 10.12.1963).

L’imitation consiste à créer une confusion avec la réputation d’un concurrent afin de capter sa clientèle. Le risque de confusion dans l’esprit des consommateurs doit être exprès pour que l’imitation soit caractérisée.

Le parasitisme englobe l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin d’en tirer profit. Il s’agit de la volonté de s’approprier le travail, le savoir-faire ou encore les recherches d’autrui ayant une valeur économique.

Ces règles sont elles applicables aux industries de l’économie participative ?

II. La concurrence déloyale et l’économie participative

La mise en place de l’économie participative déstabilise tout le système économique actuel et bouleverse des secteurs entiers d’activité.
Ce bouleversement est particulièrement symbolisé, aujourd’hui, par des start-ups comme Uber ou AirBnB.
De nombreux professionnels touchés par l’essor de ces industries demandent leur interdiction ou la mise en place d’une régulation.
Les pouvoirs publics édictent donc, peu à peu, des nouvelles règles de conduite afin de faire coexister la consommation interpersonnelle et le commerce des professionnels.

La question phare, à laquelle les autorités publiques sont amenées à répondre, est de savoir si ces industries se rendaient coupables de concurrence déloyale.

L’analyse de l’offre de location prévue par AirBnB et les offres présentées par l’hôtellerie démonte bien qu’il existe une similitude d’activité.
Afin de qualifier une concurrence déloyale, il est nécessaire de prouver un lien concurrentiel et une déloyauté.

A)Existence d’un lien concurrentiel

Pour qu’il y ait concurrence entre deux acteurs économiques, ces derniers doivent offrir des produits ou services substituables sur le même marché.
Les produits ou services sont substituables dès lors que le consommateur les juge équivalents dans leur nature, utilisation et/ou prix.
Le secteur de l’hôtellerie agit sur le marché des séjours de courte durée. L’autorité de la concurrence avait déjà admis qu’il existait un marché différent entre l’hébergement en hôtel et en chambre d’hôte par exemple (Décision n° 06-D-06 du 17 mars 2006 et Décision n° 15-D-06 du 21 avril 2015).
AirBnB permet aux voyageurs de séjourner dans des endroits atypiques, pour de longues durées. Il est, ainsi, possible de définir le marché pertinent comme étant le même que celui des gîtes ou des chambres d’hôte.
Néanmoins, AirBnB propose également à la location des séjours à la nuitée. Ainsi, pour ce service précis, le marché est identique à celui des hôtels.
En conclusion, la concurrence entre les deux entreprises est partielle.

Il est dont nécessaire de vérifier si une faute a été commise de nature à caractériser comportement déloyal.
Néanmoins, AirBnB ne fait que mettre en relation des particuliers, mais ne loue pas directement les logements. Dès lors, il ne peut exister, de la part de la société, de comportement déloyal a proprement parler.

Le particulier pourra être sanctionné sur le fondement de la concurrence déloyale.

B)Existence d’un comportement déloyal

En effet, le particulier pourra être considéré comme exerçant une activité professionnelle dans certaines conditions.
Les juges peuvent être amenés à qualifier de professionnel un particulier qui exerce une activité de manière fréquente et régulière. C’est à dire pas de manière occasionnelle.
Ils détermineront ensuite si l’intention du particulier est de tirer des revenus de cette activité. Toutefois, l’absence de revenus suffisants pour vivre n’est pas un élément suffisant pour prouver le caractère non professionnel d’une activité.

Ces critères de qualification ont été consacrés dans les années 2000, à la suite de contentieux entre des professionnels et des vendeurs particuliers sur Ebay.

Lorsque ces critères sont réunis, le particulier peut être condamné au titre de concurrence déloyale.

 

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SOURCES

http://www.lefigaro.fr/societes/2015/10/22/20005-20151022ARTFIG00338-les-hoteliers-accusent-airbnb-de-concurrence-deloyale-et-tromperie.php

http://www.lexpress.fr/actualites/1/societe/airbnb-souhaite-cooperer-avec-la-ville-de-paris_1655866.html

Les consommateurs et la loi Hamon

La loi Hamon, du 17 mars 2014, relative à la consommation rééquilibre les pouvoirs entre consommateurs et entreprises. Pour certains, cette loi est une véritable innovation qui vise à rendre «1,5 milliard d’euros de pouvoir d’achat aux Français, mais contribuera aussi à créer plus de 10 000 emplois dans les années à venir ».

L’idée de protection du consommateur née avec la volonté d’établir un véritable marché unique européen. C’est en 1992, lors du traité de Maastricht que les Etats de l’Union Européenne en font une politique à part entière. La garantie « d’un niveau élevé de protection des consommateurs » est, alors, inscrite au sein même du TFUE.

Depuis ce jour, cette garantie ne fait que croître avec la mise en place de protections spécifiques et déterminées.

La protection des consommateur est, pour l’Union européenne, le moyen d’exploiter au mieux le potentiel du marché unique. En effet, le bon fonctionnement du marché est conditionné à une libre concurrence (entraînant des prix bas et permettant l’innovation) et aux mesures de protection des consommateurs (garantissant une qualité et une sureté des produits ou services proposés).

Néanmoins, le droit de la consommation est un droit partagé entre l’Union et les Etats membres. Ce partage entraine de grandes disparités de protection.

Alors même que la libre circulation des biens et services exige l’adoption de règles communes, ou du moins similaires, une grande disparité au sein des différentes législations étatiques persiste.

En 2011, les institutions européennes ont souhaité une harmonisation en matière de protection des consommateurs. La directive 2011/83/UE ne pourra faire l’objet de transpositions nationales plus strictes ou plus souples.

En France, c’est la loi Hamon  protégeant les consommateurs qui transpose, quasi mot pour mot, cette directive. De nombreux volets étaient très attendus dont la vente à distance, le démarchage, les assurances et les garanties favorisant la durabilité des produits.

Loi Hamon et vente à distance

 Afin de sécuriser les ventes par internet la loi Hamon prévoit de nouvelles mesures pour protéger les consommateurs.

Les cybercommerçant devront mettre en œuvre une meilleure information pour le client avant la passation de commande, rendre effectif et renforcer le droit de rétractation, et enfin protéger les clients contre les ventes forcées.

Toutes ces nouvelles mesures vont entraîner des modifications importantes de rédaction des CGV des e-commerces.

Une information claire et précise des clients est indispensable pour accroître la confiance des cyber-acheteurs dans les nouveaux modes de consommation.

Dès lors, les professionnels de la vente en ligne devront afficher les caractéristiques essentielles du bien ou service proposé, le prix total TTC et les frais supplémentaires éventuels ainsi que l’existence de garanties légales et d’un éventuel SAV.

Le consommateur pourra, à présent, exercer son droit de rétractation dans un délai de 14 jours (contre 7 avant la loi) sans avoir à justifier de motifs ni à payer de pénalités (exception faite des frais de retour).

De plus, la politique de rétractation est formalisée et doit faire l’objet d’un formulaire type de rétractation accessible directement sur le site.

L’exercice de ce droit de rétractation met fin à l’obligation des parties d’exécuter le contrat, le consommateur est donc tenu de restituer le bien et le professionnel de rembourser la totalité des sommes versées, tout ça dans un délai de 14 jours.

Les sanctions à l’égard du professionnel sont beaucoup plus dissuasives qu’auparavant.

La pénalité peut aller jusqu’à 50% dès le 60ème jours de retard contre une simple majoration au taux d’intérêt légal avant l’adoption de la loi (taux de 0,04% en 2014).

La dernière principale modification des e-commerces concerne la vente forcée.

Certains sites utilisent la méthode du « pré-cochage » automatique pour vendre des options supplémentaires aux internautes.

Cette méthode est donc, le plus souvent, le moyen de vendre des produits ou services sans réel consentement de l’internaute.

Le pré-cochage est désormais interdit pour tous les sites de commerce en ligne.

Le démarchage à domicile ou « hors établissement » pâtit des mêmes modifications.

Ces ventes « hors établissement » consistent à proposer un contrat de vente, de location ou de prestation de service directement au domicile du consommateur ou sur son lieu de travail.

Toutefois, les ventes en foires, salons ou manifestations commerciales n’ont pas fait l’objet d’une modification de régime et n’ouvrent pas droit à un délai de rétractation. Le professionnel devra, néanmoins, informer le consommateur, par écrit et avant la signature du contrat, de cette absence de droit à rétractation.

 

Loi Hamon et démarchage téléphonique

 Le démarchage téléphonique est un sujet d’actualité essentiel.

En effet, certaines pratiques à vocations commerciales non souhaitées sont de plus en plus agressives et de nombreuses personnes contractes des engagements sans s’en apercevoir.

Avant l’entrée en vigueur de la loi de consommation, des listes « orange » existaient afin de ne plus recevoir d’appels de prospection commerciale.

Cependant, cette inscription n’était pas effective, les professionnels n’étaient pas tenus de consulter ces listes « anti-prospection ».

Aujourd’hui, une nouvelle liste d’opposition est créée interdisant tout professionnel de démarcher les consommateurs y étant inscrits sous peine d’amende.

 

Loi Hamon et assurance

 Un des volets très attendu de la loi Hamon est la résiliation infra-annuelle des contrats d’assurance (multi risque habitation, automobile) sans frais ni pénalités.

La plupart des contrats d’assurance sont annuels et tacitement reconductibles. La liberté des consommateurs d’en changer est restreinte (une fois par an) à un laps de temps très court.

Or, une telle situation porte atteinte à la libre concurrence, entraîne une hausse anormale des prix (hausse des primes d’assurance 2 à 3 fois supérieure à l’inflation) et augmente le risque de non-assurance.

L’objectif de la nouvelle loi est de permettre à l’assuré de mieux faire jouer la concurrence et la compétitivité afin aboutir, in fine, à la baisse des prix du marché.

Pour résilier son contrat, le client doit prévenir son assureur par courrier simple ou par mail. Il n’est redevable que de la fraction de la cotisation d’assurance à la période couvrant le risque jusqu’à la date de prise d’effet de la résiliation.

Pour les assurances automobiles, le droit de résiliation est plus encadré afin d’éviter tout risque de non-assurance.

L’assuré ne pourra l’exercer que s’il fournit la preuve d’une souscription à une nouvelle assurance.

Une nouveauté touche également les cas de multi-assurances. De plus en plus de produits offrent aux consommateurs des assurances contre des risques pour lesquels ils se trouvent déjà couvert.

La loi Hamon permet de restreindre ces cas. Dès lors que le client souscrit un nouveau contrat qui couvre un risque pour lequel il est déjà assuré, la résiliation est possible dans les 14 jours.

 

Loi Hamon et garantie pour la durabilité de produits

Les garanties légales sur les produits achetés sont allongées à 2 ans (contre 6 mois avant la loi).

À l’achat d’un produit, le vendeur doit garantir le client contre ses défauts de conformités (défaut d’usage, défaut de qualité…). Le bien livré doit être identique à celui prévu par le contrat.

Cette garantie est une garantie légale qui existe et peut être mise en œuvre pour tous les produits achetés. Elle s’applique indépendamment de toutes garanties commerciales spécifiques.

Elle comprend la garantie contre les vices cachés et le défaut de conformité.

En d’autres termes, tout défaut qui apparaît dans un délai de 2 ans sera considéré comme existant au moment de la vente et sera donc soumis à la garantie légale.

Le consommateur n’a pas à apporter la preuve de l’existence du défaut au moment de la livraison.

«Le consommateur n’aura pas à souscrire une garantie payante complémentaire pour se voir protégé des éventuelles défaillances du produit qu’il aura acheté».

De surcroît, avant tout achat, le consommateur doit connaître la durée de disponibilité des pièces détachées nécessaires au bon fonctionnement du bien.

En pratique, le fabriquant doit informer les consommateurs sur la durée de fabrication et de commercialisation de ces pièces. Cette information est ensuite transmise au client par le vendeur et confirmée par écrit au moment de la conclusion du contrat.

SOURCES

http://www.lesnumeriques.com/l-etonnante-loi-hamon-consequences-sur-nos-achats-high-tech-a1816.html
http://www.economie.gouv.fr/dgccrf/Publications/Vie-pratique/Fiches-pratiques/Les-Garanties
http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F11094.xhtml
http://www.economie.gouv.fr/files/DP-pdl-conso-web.pdf
http://www.economie.gouv.fr/loi-consommation/mesure/e-commerce
http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F11094.xhtml

Signature électronique

Aujourd’hui beaucoup de contrats se concluent sur internet, c’est ainsi qu’une loi de mars 2000 a précisé que les écrits électroniques ont une valeur probante, de même la validité de la signature électronique a été reconnue. En effet, il a fallu aménager des moyens de sécurisation, de preuve afin de pouvoir contracter librement et sereinement sur internet.

La « signature électronique sécurisée » consiste en  » une signature électronique qui utilise outre un procédé fiable d’identification, qui est propre au signataire, qui est créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif, et qui garantit avec l’acte auquel elle s’attache un lien tel que toute modification ultérieure de l’acte soit détectable« .

Telle est la définition donnée par le décret d’application de la loi portant adaptation du droit de la preuveaux technologies de l’information et relative à la signature électronique.

Publiée au Journal Officiel le 13 mars 2000, la loi prévoit notamment que les écrits électroniques ont une valeur probante devant un tribunal, les contractants peuvent d’élaborer leurs propres règles de preuve privées, la validité de signature électronique est reconnue au même titre qu’une signature manuscrite si  » elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache » et « la fiabilité du procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat« .

Le Gouvernement avait préparé ce projet de décret qu’il a soumis à consultation publique à la fin de l’année 2000. Ce texte avait suscité beaucoup de commentaires, lesquels mettaient en exergue deux soucis majeurs à savoir celui d’assurer un certain niveau de sécurité et celui d’éviter un encadrement trop rigide.

Publié le 31 mars 2001 au Journal Officiel, le décret prévoit que  » la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée jusqu’à preuve contraire lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique sécurisée, établie grâce à un dispositif sécurisé de création de signature électronique et que la vérification de cette signature repose sur l’utilisation d’un certificat qualifié « .

 

I. Un dispositif sécurisé de création de signature électronique

Un dispositif de création de signature électronique (matériel ou logiciel) sera réputé sécurisé si un certain nombre de garanties sont prévues en ce qui concerne les données de création.

lles doivent être établies une seule fois, leur confidentialité doit être assurée, elles ne peuvent pas être déduites, elles ne peuvent pas être falsifiées, elles sont protégées par le signataire contre toute utilisation par des tiers. De plus, le dispositif ne doit pas altérer le contenu de l’acte à signer et ne pas faire obstacle à ce que le signataire en ait une connaissance exacte avant de le signer.

Pour attester de la sécurisation du dispositif de création de signature électronique, celui-ci devra être évalué et certifié conforme

(1) soit par les services du Premier ministre chargés de la sécurité des systèmes d’information conformément à un arrêté à venir (probablement, la Direction Centrale des Systèmes de Sécurité et de l’Information, la DCSSI)

(2) soit par des organismes qui seront agrées par ces services,

(3) soit par un organisme européeen assimilé. Les services délivreront un certificat de conformité. Le contrôle de la mise en oeuvre de ces procédures d’évaluation et de certification sera assuré par un Comité directeur de la certification, prochainement institué par un arrêté du Premier ministre.

 

II. Un dispositif de vérification de signature électronique

Un dispositif de vérification de signature électronique (c’est-à-dire les éléments, tels que les clés publiques, utilisés pour vérifier la signature électronique) doit être évalué et peut également être certifié conforme. Ce dispositif devra  » permettre de garantir l’exactitude de la signature électronique, de déterminer avec certitude le contenu des données signées, de vérifier la durée et la validité du certificat électronique utilisé, l’identité du signataire etc. « . La vérification de la signature repose sur des certificats électroniques qualifiés.

Pour garantir l’identité du signataire, les certificats électroniques qualifiés devront d’une part comprendre un certain nombre de mentions obligatoires comme notamment  » l’identité du prestataire, le nom du signataire, la période de validité du certificat, les conditions d’utilisation du certificat etc.  » et d’autre part être délivrés par un prestataire de service de certification (PSC), lequel doit offrir un certain nombre de services (annuaire, révocation, horodatage des certificats etc.) et s’engager sur un certains nombre de garanties (délivrance, fiabilité et prévention contre la falsification des certificats, utilisation de systèmes, produits, procédures sécurisés, conservation des données, personnel qualifié etc.).

Un décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 ( JO du 19 avril 2002) a crée une procédure de certification de la sécurité des produits et des systèmes des technologies de l’information.

Elle est effectuée selon les standards internationalement reconnus et s’appuie sur des centres d’évaluation agréés, qui effectuent des contrôles et des tests et rendent compte des résultats obtenus. Au vu de ces résultats, le certificat est délivré par le Premier ministre.

Un arrêté est paru le 31 mai 2002 désignant le Centre français d’accréditation (Cofrac) pour accréditer les sociétés qui évalueront, pour deux ans, les prestataires de certification électronique. Une liste à jour des organismes accrédités sera à la disposition du public. L’évaluation effectuée par ces organismes sera payé par le prestataire de services.

En conclusion, on pourra souligner que ces textes ne sont pas forcément limpides et laissent planer quelques zones d’incertitudes.

Par exemple, qu’entend-on par la notion de « vérificateur » ou n’aurait-on pas plutôt par définir cette notion dès l’introduction, les limitations de responsabilité et de garantie de ces prestataires seront-t-elle possibles en ce qui concerne les certificats, comment se concilie cette réglementation avec celle sur la protection des données personnelles etc. Tant de questions que la pratique mettra rapidement en exergue.

ARTICLES EN RELATION

Le spamming

Le spamming consiste en l’envoi massif de courriers électroniques non sollicités, le plus souvent il revêt un caractère publicitaire. Le spamming suppose alors la collecte préalable d’adresses mails. Comment le droit régit-il le spamming ?

I. Définition et position du problème

Défini par la CNIL comme  » l’envoi massif – et parfois répété- de courriers électroniques non sollicités, le plus souvent à caractère commercial, à des personnes avec lesquelles l’expéditeur n’a jamais eu de contact et dont il a capté l’adresse électronique dans les espaces publics de l’Internet : forums de discussion, listes de diffusion, annuaires, sites Web, etc. « , le spamming, ou  » pollupostage « , constitue une dérive du marketing en ligne qui permet aux entreprises de  » toucher  » rapidement, directement et massivement les internautes par le biais de leur boite aux lettres électronique, et de réduire ainsi considérablement l’ensemble des frais qu’il leur faut engager.

Cependant, utilisée massivement depuis 1997, une telle pratique suppose que les entreprises aient préalablement collectées les adresses, auxquelles elles envoient ces courriers non sollicités, conformément aux dispositions des législations de protection des données (loi  » Informatique et liberté  » du 6 janvier 1978, directives européennes du 25 octobre 1995, du 20 mai 1997 et du 15 décembre 1997).

En effet, l’adresse électronique constitue une donnée personnelle au sens de ces législations. Or, bien souvent, cette collecte se fait de façon sauvage au moyen de  » logiciels aspirateurs  » d’adresses présentes sur les listes de diffusion ou les forums de discussion.

La pratique du spamming pose donc deux problèmes au regard des règles relatives à la protection des données personnelles que constituent les adresses e-mail :

– celui des conditions de collecte et d’utilisation de ces données personnelles à des fins de prospection, notamment quand cette collecte a lieu dans les espaces publics de l’Internet

– celui de l’appréciation des moyens mis en œuvre pour permettre aux personnes prospectées de s’y opposer ( » opt-in  » et  » opt-out « )

 

II. Typologie et conséquences du spamming

Le spamming est susceptible d’affecter trois types de ressources Internet : les forums de discussion, lesmoteurs de recherche et le courrier électronique.

Dans le premier cas, il peut consister en des pratiques de multipostage abusif, Excessive Multi-posting (EMP) et Excessive Cross Posting (ECP), qui vont perturber le fonctionnement des forums de discussion.

Ces pratiques peuvent être identifiées et quantifiées à l’aide d’outils spécifiques, outils permettant de prendre la mesure de la nocivité des envois réalisés en nombre sur les groupes de discussion.

Ainsi, l’envoi d’un même message à plusieurs groupes identifiés pendant une période de 45 jours conduit à retenir la qualification de spamming.

Mais précisons que ce seuil n’est qu’indicatif car d’autres paramètres, tels que la méthode employée ou la quantité de messages envoyés, sont également pris en compte.

Dans une seconde hypothèse, le spamming peut correspondre à une indexation abusive dans les moteurs de recherche. On parle alors d’engine spamming ou de spamdexing.

Pour lutter contre une telle menace, les principaux moteurs de recherche ont mis en place de nombreuses solutions techniques.

A titre d’illustration, le moteur de recherche d’Infoseek procède au déclassement automatique de tout site contenant plus de sept mots identiques.

Enfin, le spamming peut se manifester au travers du courrier électronique qui est devenu le principal vecteur commercial des entreprises actives sur le réseau Internet.

La raison tient simplement au fait que contrairement à la prospection traditionnelle (effectuée par voie postale, téléphonique ou par télécopie) qui faisait peser la totalité des frais de prospection sur l’expéditeur, le courrier électronique ne présente qu’un très faible coût.

Ces entreprises recourent à des techniques aussi diverses que les lettres d’information contenant des hyperliens ou que les messages d’alerte.

En matière de courrier électronique, la qualification de spamming dépendra généralement de deux critères :

– le caractère non sollicité du message envoyé (dont l’objet publicitaire le transforme en message promotionnel non sollicité),

– les charges que ces courriers génèrent au détriment du destinataire et du fournisseur d’accès ( » cost-shifting « ).

Ces spams vont avoir pour conséquences d’engorger le réseau, d’augmenter les délais de connexion lors de la réception des messages et donc les frais supportés par les fournisseurs d’accès forcés de mettre en place un filtrage adapté.

Ceux-ci se retrouvent dans l’obligation de répercuter les coûts sur les offres d’abonnement.

Ainsi, selon une étude commandée par la Commission européenne, les abonnés à l’Internet paieraient, à leur insu, un montant estimé à 10 milliards d’euros par an en frais de connexion, cela uniquement pour recevoir des messages non sollicités.

On comprend donc la nécessité d’une réglementation efficace du spamming.

Le publipostage électronique peut s’effectuer à l’égard de clients ou de visiteurs d’un site web, à l’égard de prospects grâce à des listes d’e-mails fournies par un tiers ou collectées dans les espaces publics de l’Internet.

Seule cette dernière hypothèse pose réellement problème.

Dans le premier cas, la collecte est directe puisque le fichier d’adresse est constitué à partir des mails des internautes avec lesquels le prospecteur s’est trouvé en contact direct. Les règles de protection des données personnelles autorisent alors l’envoi de courriers électroniques de prospection à condition de respecter le droit de chaque internaute de s’opposer à en recevoir ; ceci suppose qu’il ait été informé et mis en mesure d’exercer son droit d’opposition lors de la collecte initiale de ses données personnelles.

Dans le cas où le publipostage se fait à partir de listes d’adresses fournies par un tiers, la collecte est indirecte. L’internaute a communiqué son e-mail à un site qui a ensuite cédé son fichier de mails à un tiers aux fins de prospection.

Là encore, si l’internaute a été informé lors de la collecte initiale de ses données personnelles de cette possibilité et qu’il a été mis en mesure de s’y opposer, alors la collecte sera considérée comme licite.

La dernière hypothèse suppose que l’e-mail de l’internaute ait été capturé dans un espace public (forums de discussion, listes de diffusion…) sans que celui-ci ou le responsable de l’espace diffusant les données n’en ait eu connaissance. Cette collecte déloyale rendrait illicite toute les opérations de traitement ultérieures.

Précisons que la réglementation du spamming est envisagée à travers  » l’opt-in  » (opter pour) et  » l’opt-out  » (opter contre).

L’opt-in oblige les prospecteurs à obtenir le consentement des internautes à recevoir des sollicitations préalablement à tout envoi de courrier électronique.

Quant à  » l’opt-out « , elle est plus avantageuse pour les prospecteurs car ils peuvent directement démarcher les internautes qui ne peuvent s’opposer à l’envoi de sollicitations qu’ a posteriori.

Rappelons les principales législations adoptées en Europe et aux Etats-Unis ainsi que les droits qu’elles accordent aux internautes et obligations qu’elles mettent à la charge des prospecteurs.

 

III. La réglementation : état des lieux et perspectives

Depuis 1997 la réflexion juridique relative au spamming a beaucoup évolué.

La directive CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des données personnelles ne traite pas spécifiquement de la prospection électronique, mais elle s’applique toutefois aux traitements des données personnelles mis en œuvre sur Internet.

Elle reprend en partie le contenu de la loi de janvier 1978 et pose plusieurs principes relatifs à la finalité et à la loyauté de la collecte, à la légitimité du traitement, à l’information des personnes ainsi qu’au droit d’opposition dont elles bénéficient.

Ainsi, son article 6.1(a et b) prévoit que  » les données à caractère personnel doivent être collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités « , c’est à dire de façon loyale et licite.

Son article 7 précise qu’un traitement de données ne peut être légitime qu’à la double condition d’être nécessaire au but légitime poursuivi par son responsable et que la personne concernée ait  » indubitablement  » donné son consentement. Ces deux conditions sont appliquées en matière de prospection électronique.

La nature de l’information délivrée aux personnes dans les hypothèses de collecte directe ou indirecte et les droits attachés à chaque type de collecte sont rappelés : finalité et caractère facultatif ou obligatoire de la collecte, destinataires des données collectées, existence d’un droit d’accès et de rectification, existence d’un droit gratuit et sur demande de s’opposer au traitement de ses données à des fins de prospection, possibilité de refuser toute communication ou utilisation de ses données par des tiers.

La directive du 15 décembre 1997 (article 12) complète le dispositif de la directive de 1995 en imposant un consentement préalable exprès des consommateurs pour l’utilisation d’automates d’appels ou de télécopieurs dans des opérations de prospection directe.

Quant aux opérations de prospections autres que celles recourant à des automates d’appels, il appartient aux Etats de choisir entre l’exigence d’un consentement préalable et exprès du destinataire (opt-in) ou un droit d’opposition de la part du destinataire, avec possibilité d’une inscription dans un registre spécifique (opt-out).

Lorsque le choix se porte vers  » l’opt-out « , la directive du 8 juin 2000 impose que des mesures d’accompagnement soient adoptées : identification claire et non équivoque, par l’expéditeur des communications commerciales, de la personne pour le compte de laquelle ces communications sont faites ; identification de la nature commerciale des messages dès leur réception par le destinataire.

La directive européenne du 20 mai 1997, dite  » directive vente à distance « et qui devait être transposée avant ?, consacre le système de  » l’opt-out  » en son article 10 (l’internaute doit choisir de ne pas recevoir de mails), tout en laissant la possibilité aux Etats membres de choisir  » l’opt-in « .

C’est ainsi que l’Allemagne, l’Italie, la Finlande, l’Autriche et le Danemark ont consacré  » l’opt-in  » pour réglementer la pratique du spamming sur leur territoire.

La France n’a d’ailleurs transposé partiellement cette directive que par une ordonnance du 23 août 2001.

Son article 12 introduit un nouvel article L. 121-20-5 du Code de la consommation et consacre le système de  » l’opt-out  » pour la prospection commerciale par courrier électronique non sollicité et dont les modalités d’application seront fixées ultérieurement par un décret pris en Conseil d’Etat.

Cette transposition devance et annule une disposition du projet de loi sur la société de l’information du 18 juin 2001(article 22) qui consacrait  » l’opt-out  » en insérant un nouvel article au Code de la consommation (L. 121-15-1) tout en prévoyant des mesures d’accompagnement.

Cet article 22, reprenant l’article 7 de la directive du 8 juin 2000, exige une identification claire et non équivoque des publicités non sollicitées et des offres promotionnelles adressées par courrier électronique, et cela dès leur réception par leur destinataire.

De plus, sur chaque message non sollicité, une mention doit apparaître et indiquer au destinataire qu’il existe des registres d’opposition lui permettant d’exercer son droit de refuser ces envois.

Enfin, le projet de LSI précise expressément que ces nouvelles dispositions s’appliquent également aux e-mails non sollicités à destination des professionnels.

Le 13 novembre 2001, le Parlement européen adoptait une proposition de directive « concernant le traitement de données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques  » ; il y consacrait le système de  » l’opt-in  » dans son article 13 mais uniquement pour les SMS, se prononçait contre l’emploi des cookies sans le consentement de l’internaute, mais laissait le choix aux Etats quant au système à adopter en matière d’e-mails non sollicités.

Suite à cette proposition, un rapport était rendu mais optait pour le système de  » l’opt-out  » par peur que le système de «  l’opt-in  » ne constitue une entrave au développement du commerce électronique en Europe par rapport aux autres régions du monde.

Le Conseil européen, suite aux vives critiques suscitées par la position du Parlement, a finalement adopté une position commune sur cette directive le 21 janvier 2002 et a pris position en faveur de  » l’opt-in « , les Ministres européens des télécommunications s’étant par ailleurs clairement prononcés pour  » l’opt-in  » le 6 décembre 2001.

Les Etats membres n’ont donc plus le choix entre les deux systèmes.

Selon son article 13  » l’utilisation de (…) courrier électronique à des fins de prospection directe ne peut être autorisée que si elle vise des abonnés ayant donné leur consentement préalable « .

Dès lors que l’adresse de l’émetteur n’est pas clairement précisée ou s’il s’agit d’une fausse adresse, toute communication de cette nature sera formellement prohibée.

Quant aux Etats, ils doivent veiller à ce que les personnes morales soient suffisamment protégées en ce qui concernent les communications non sollicitées.

Néanmoins, le texte prévoit que lorsque les coordonnées électroniques d’un client sont obtenues directement, c’est à dire dans le respect de la directive de 1995, par une personne dans le cadre d’un achat d’un produit ou d’un service, ladite personne peut exploiter ces coordonnées à des fins de prospection directe pour des services ou produits analogues.

Mais il existe une condition : les clients doivent avoir la faculté de s’opposer, sans frais et de manière simple, à une telle exploitation lors de leur collecte ou de chaque message.

Ce texte est le premier à différencier le régime applicable à l’utilisation du courrier électronique à des fins de prospection directe selon que les adresses ont été obtenues directement ou non par l’expéditeur des messages.

Le Parlement européen a réaffirmé le principe de l’opt-in pour l’envoi de « communications non sollicitées effectuées à des fins de prospection directe ».

Le texte doit ensuite passer devant le Conseil des ministres pour être définitivement approuvé puis, il sera publié au Journal Officiel vers fin juillet 2002. Les Etats membres disposeront alors d’un délai de 15 mois pour transposer la directive dans leur législation nationale.

Quant aux Etats-Unis, la situation n’est guère différente. Trois Etats américains (Washington loi du 25/03/1998 ; Californie li du 26/09/1998 et Névada en 1999) prohibent et sanctionnent d’une lourde peine d’amende l’envoi de courriers électroniques à caractère commercial non sollicités par leurs destinataires.

Outre le Telephone Consumer Protection Act (1991)qui prohibe la prospection non sollicitée par voie de télécopie et que certains souhaitent voir étendu aux courriers électroniques, il nous faut évoquer le Unsolicited commercial Eletronic Mail Act of 2000 (17 juin 2000) qui retient le système de  » l’opt-out « .

Notons qu’un projet de loi visant à lutter contre l’envoi de courriers non sollicités sera soumis au vote du Comité du Sénat en charge du Commerce le 16 mai 2002 ; Ce projet prévoit l’obligation pour les entreprises de e-marketing de faire figurer sur ces courriers une adresse e-mail valide, afin de permettre à leurs destinataires de proscrire le cas échéant ce type de messages, et ce sous peine de sanctions pénales.

De même, le projet se prononce en faveur de la prohibition de la pratique qui consiste à faire figurer des titres à caractère trompeur, et sans relation avec le contenu du message, afin d’inciter le destinataire à en prendre connaissance.

Il prévoit également le renforcement des pouvoirs de la Federal Trade Commission (FTC) : elle pourra infliger aux entreprises fautives des amendes pouvant aller jusqu’à $30 par e-mail envoyé, et au maximum de $1 500 000.

Quant aux Procureurs, ils pourront engager des poursuites judiciaires contre ces entreprises.

La législation américaine a décidé d’imposer une amende de 10 $US par pourriel, avec un plafond de 500 000 $US. Une proposition de loi a été votée en mai 2002 par le Sénat américain, et approuvée unanimement par les Démocrates et les Républicains.

 

IV. Jurisprudence récente

A) France

Pour la première fois en droit français la pratique du spam a été condamnée par une ordonnance de référé du TGI de Paris (15 janvier 2002).

Le juge Jean-Jacques Gomez (affaires « Yahoo » et « J’accuse » ) a estimé cette pratique  » déloyale et gravement perturbatrice  » et contrevenant ainsi au contrat passé entre l’auteur du spam et son fournisseur d’accès à internet.

En l’espèce, l’internaute spammeur avait engagé une action contre ses FAI (Free et Liberty-Surf) pour rupture unilatérale de contrat, ces derniers ayant coupé ses accès Internet devant l’importance des spams constatés. L’internaute a donc été condamné à payer la somme de 1524 euros à ses FAI pour procédure abusive.

Cette décision semble s’inscrire dans le cadre de plusieurs directives européennes qui devraient interdire ce type de pratique.

Une affaire dont les faits sont similaires avait déjà été jugée par le TGI de Rochefort sur Mer le 28 février 2001.

En l’espèce, un internaute intentait une action contre son FAI pour rupture unilatérale de son contrat.

Cette rupture faisait suite à la constatation d’un envoi massif de messages publicitaires en direction des forums de discussion, par cet internaute, et dans le but de développer ses activités commerciales; cet envoi fut d’ailleurs dénoncé par de nombreux utilisateurs.

Sommé de respecter les usages en vigueur et de stopper cette pratique sous peine de voir son contrat interrompu «  immédiatement et sans préavis « , l’internaute a pourtant persisté, pensant que le spamming à l’encontre des forums de discussion n’était pas prohibé.

Le tribunal va pourtant débouter le demandeur au motif que l’usage constitue une source de droit et qu’à ce titre il  » s’impose à celui qui se livre à une activité entrant dans son champ d’application  » ; c’est donc à bon droit que le FAI pouvait résilier de façon unilatérale le contrat le liant à son abonné.

Les juges visent l’article l’article 1135 du Code Civil qui prévoit que «  les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature « .

Notons que contrairement au TGI de Paris, l’internaute n’avait pas été condamné pour procédure abusive par le TGI de Rochefort sur Mer.

B) Etats-Unis et Canada

La Cour supérieure de l’Ontario s’est pour la première fois prononcée sur une affaire traitant du spamming en 1999 (Cour supérieure de l’Ontario, aff. 1267632 Ontario Inc. c. Nexx Online Inc, 09/07/1999).

Dans ce cas, un prestataire de services canadien (Nexx Online) prend la décision de fermer le compte d’hébergement d’une société cliente (Ontario Inc)gérant un site, au motif que ce site avait procédé à un envoi massif de courriers non sollicités (plus de 200 000 par jour) grâce aux service d’un autre prestataire.

Or, le contrat d’hébergement les liant renvoyait expressément aux règles de la  » Netiquette  » qui prohibe une telle pratique.

La société Ontario Inc décide donc de poursuivre son prestataire Nexx Online pour non respect de ses obligations contractuelles. Analysant les termes dudit contrat, le juge constate qu’aucune clause apparente n’interdisait au client de distribuer des courriers commerciaux non sollicités.

Cependant, la Cour relève l’existence de deux clauses par lesquelles le client s’engage par l’une, à respecter la  » Netiquette « , et par l’autre à accepter l’adjonction de nouvelles conditions contractuelles. Or, le prestataire de services avait informé son client, quelques mois avant la constatation de la pratique interdite, qu’il n’accepterait aucune distribution de courriers commerciaux non-sollicités à l’aide de ses services.

La  » Netiquette  » constitue un ensemble de règles de savoir vivre que se doivent de respecter les utilisateurs d’Internet, à savoir  » un code en évolution, non écrit et basé sur les principes de bon voisinage pour un développement ordonné de l’Inforoute.  »

Cette affaire a permis au juge, malgré l’absence de jurisprudence canadienne, de conférer une force juridique aux règles non-écrites de la « Netiquette » en matière de spamming en les déduisant d’un ensemble de documents, dont l’article d’un auteur américain, mais surtout de principes résultant de la jurisprudence dégagée par les tribunaux aux Etats-Unis.

Selon cette jurisprudence, l’envoi de courriers non sollicités en grand nombre s’avère contraire aux principes de la  » Netiquette « , sauf si le fournisseur de services prévoit, par contrat, un tel envoi.

Précisons que 18 Etats ont dores et déjà adopté une législation visant à lutter contre le spamming, la Californie condamnant même les auteurs de spams à une amende de 58 euros par message non sollicité envoyé.

La Cour Suprême californienne a d’ailleurs récemment confirmé que la loi anti-spam en viguer dans cet Etat ne contrevient pas à la Constitution américaine (avril 2002).

Quant à la juridiction canadienne, elle a conclu sur le fait que  » la pratique du spamming, au mépris de la déontologie en vigueur sur le Réseau, a justifié la déconnexion du site.  »

Précisons qu’en application de l’article 1434 du code civil québecois, la  » Netiquette  » pourrait s’imposer aux parties contractantes même en l’absence de clauses y faisant expressément référence.

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