Le droit au déréférencement : droit à l’oubli et droit à la vie privée

 » Le juste équilibre entre la protection de la vie privée des individus et le droit au public à accéder aux informations  » c’est ce qu’essaie de concilier Google lors de l’évaluation des demandes d’effacement qui lui parviennent via un formulaire dédié à la suppression des liens faisant état de la vie privée des internautes et que ces derniers souhaitent voir disparaître.

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Le formulaire de désindexation

Google a mis en place un formulaire de demande de désindexation qui a eu un grand succès dès le début (12 000 demandes le premier jour, mais aujourd’hui ces demandes sont d’environ 1 million par jour) (1).

La procédure est donc simple. Il suffit de renseigner le formulaire en y annexant une copie de sa pièce d’identité valide et les liens litigieux. Si le lien ne reprend pas le nom de la personne (exemple : une image) alors l’internaute doit justifier le motif de la demande de suppression. Une fois signé et envoyé, toutes les cartes sont entre les mains de Google qui est seul à décider de la pertinence de la demande, des critères d’évaluation de cette pertinence et du délai qu’il juge nécessaire à l’étude de la demande.

Ce délai est légalement encadré en France. Google dispose de deux mois pour répondre à la demande de désindexation. En l’absence de réponse tout comme en cas de refus de désindexation, une plainte peut être déposée auprès de la CNIL


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La situation actuelle

Bien que certains cas de saisine, ne posent pas de difficultés concernant le motif légitime des plaignants ce qui était le cas des images violant le droit à l’image protégé par l’article relatif à la vie privée (article 9 du code civil). En effet, ces images ont été publiées sur des sites en l’absence d’autorisation de l’objet des images. Bien que les photos publiées sur les liens liti-gieux soient celles d’un personnage public (en l’espère, un ex-mannequin), le TGI de Paris par une ordonnance de référé du 12 mai 2017 a fait droit à ses demandes de déréférencement des liens sur le moteur de recherche Google.

Ceci dit, ce droit au déréférencement n’est pas systématiquement accueilli par les autorités. Et récemment, dans une décision du 24 février 2017, le Conseil d’État a posé plusieurs questions préjudicielles d’interprétation à la Cour européenne relatives à quatre saisines de la CNIL.

Dans chaque affaire, le plaignant avait effectué une recherche à partir de son nom pour constater :
– dans le premier cas, un lien renvoyant à un photomontage satirique mis en ligne à l’occasion de la campagne électorale et mettant en scène la directrice de cabinet du maire évoquant ses relations particulières avec ce dernier qui avait d’ailleurs changé de fonction depuis.
– dans le second, un lien renvoyant à un article du quotidien relatif au suicide d’un adepte de l’Église de scientologie dans laquelle le requérant cité avait été responsable des relations publiques.
– dans la troisième affaire, un lien renvoyant à des articles de presse relatifs à la mise en examen en 1995 du plaignant pour financement du parti républicain qui avait obtenu par la suite un non-lieu
– Enfin, dans la dernière affaire, un lien renvoyant vers deux articles relatifs à la condamnation pour agressions sexuelles sur mineur mentionnant plusieurs détails intimes révélés lors du procès.

Même en se référant à l’arrêt Google Spain de 2014, le Conseil d’État a considéré que ce dernier n’était pas suffisant pour lui permettre de prendre sa décision et a préféré demander des éclaircissements à la CJUE afin de pouvoir traiter ces cas concrets.

Le Conseil d’État demande si l’interdiction de traiter des données sensibles au sens de l’article 8 de la directive 95/46/CE sous réserve des exceptions s’applique au moteur de recherche ?

Et si l’application de cette interdiction de traiter des données sensibles et relatives aux infractions devait obliger le moteur de recherche Google à faire droit à la demande de déréférencement ?

Quand bien même certains de ces liens renvoient vers des articles de presse ou d’expression artistique ou littéraire donc ont pour objet l’information du public.

D’autres questions concernaient l’influence de la licéité ou de l’illicéité du contenu du site indexé, mais aussi de l’influence du caractère incomplet, inexact ou obsolète de ces informations…

La réponse de la Cour est d’autant plus attendue étant donné qu’un an nous sépare de l’entrée en vigueur du nouveau règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE.

Notons que quand bien même ces liens seraient condamnés à disparaître, cette disparition se limiterait pour le moment aux versions européennes de Google. Ce qui signifie qu’il suffit de se rendre sur une autre version de ce moteur de recherche pour retrouver les résultats supprimés, même suite à une décision judiciaire.

Deux arrêts de la CJUE du 24 septembre 2019, vont venir compléter cette jurisprudence de l’obligation de déréférencement et du droit à l’oubli. Après avoir rappelé l’existence de cette obligation de déréférencement à l’égard des exploitants de moteurs de recherche, la CJUE va venir limiter les cas où la responsabilité de ces exploitants va être engagée.

En effet, bien que le principe reste l’obligation de déréférencement, mais la responsabilité des moteurs de recherche ne va pas être engagée si les contenus illicites ont été manifestement rendus publics par la personne concernée.

De même, dans le cas où ces contenus sont nécessaires à la constatation, à l’exercice ou à la défense d’un droit en justice, ou encore dans le cas où ces contenus sont « strictement nécessaires pour protéger la liberté d’information des internautes (…) à avoir accès à cette page web au moyen d’une telle recherche ». Un contrôle de proportionnalité peut être fait pour s’assurer que cette exception du droit à l’information à l’internaute est nécessaire, de même cette exception prend fin, une fois que le contenu ne correspond plus à la situation actuelle. Ces exceptions sont conditionnées à traitement licite des contenus ainsi qu’à l’absence d’exercice du droit d’opposition de la personne concernée.

Concernant la portée du déréférencement, ces arrêts de la CJUE précisent que cette obligation ne porte pas sur l’ensemble des versions du moteur de recherche. Par ailleurs, le déréférencement n’a pas vocation à s’étendre au niveau mondial, mais la CJUE ne vient pas interdire ce déréférencement mondial. L’importance étant que les exploitants de moteurs de recherche remplissent « toutes les exigences légales et avoir pour effet d’empêcher ou, à tout le moins, de sérieusement décourager les internautes dans les États membres d’avoir accès aux liens en cause à partir d’une recherche effectuée sur la base du nom de cette personne ».

Pour lire une version plus complète de cet article sur le déréférencement, il faut cliquer sur le mot déréférencement

Sources :
(1)https://www.nextinpact.com/news/89364-google-recoit-desormais-million-demandes-dereferencement-par-jour.htm
CJUE 24 septembre 2019, C-136/17
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=C79A640026AB3A4E4C65E98489F26D6B?text=&docid=218106&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=1821952
CJUE 24 septembre 2019, C-507/17
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=218105&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=1822270

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