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Règlementation drones civils

À l’heure où Amazon promet des livraisons de petits colis en 30 minutes chrono, d’autres rêvent de se faire livrer des pizzas, des médicaments ou bien rêvent de réaliser des films…  Pour le simple plaisir ou pour capter des images et vidéos exceptionnelles, l’utilisation de ces drones connaît un succès aujourd’hui exponentiel.

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La commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) défini le drone au sens strict comme un appareil sans pilote à bord. Il est généralement piloté à distance par un opérateur humain, mais peut avoir un degré plus ou moins important d’autonomie (par exemple pour éviter des collisions ou gérer les conditions aérologiques). Un drone est avant tout une plateforme de capteurs mobiles. C’est un engin d’observation, d’acquisition et de transmission de données géolocalisées.

Défini par le dictionnaire Larousse comme un « petit avion télécommandé utilisé pour des tâches diverses (missions de reconnaissance tactiques à haute altitude, surveillance du champ de bataille et guerre électronique). Les drones sont aussi utilisés dans le secteur civil pour des missions de surveillance (manifestations, pollution maritime, incendies de forêt, etc.), des prises de vues et divers loisirs (la photo, notamment). »

Cette dernière référence aux drones civils qui va nous intéresser tout particulièrement. Si la définition appuie spécifiquement sur les possibilités offertes par les drones pour diverses missions, de plus en plus de ces engins sont proposés au grand public, et à des prix toujours plus accessibles.


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Si jusqu’à récemment, les drones étaient en effet surtout connus pour leur usage militaire sur lequel la France accuse d’un retard criant, leur utilisation à des fins commerciales et civiles est dorénavant en expansion croissante et touche une vaste quantité de domaines : activités civiles de loisirs dans le cadre de l’aéromodélisme, surveillance de l’environnement, sécurité des sites sensibles, lutte anti-incendie, contrôle de l’intégrité d’ouvrages d’art, inspections techniques, moyens de transport, prises de vue…

Les catégories de drones sont multiples, allant d’appareils de quelques centaines de grammes ayant un rayon et une durée de vol limités à des appareils de plusieurs dizaines voire centaines de kilos pouvant parcourir de longues distances et voler à plusieurs centaines de mètres d’altitude.

Dès lors que les engins volants pèsent moins de 150 kg, ce sont les législations et autorités nationales qui sont compétentes. Du moins, c’était le cas jusqu’à ce que le règlement (UE) 2018/1139 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2018 traitant des règles communes dans l’aviation civile n’institue une Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne (AESA) habilitée à apporter son expertise à la Commission européenne pour réglementer toutes formes de drones.

Ainsi, la France a été le premier pays à avoir instauré une réglementation spécifique par deux arrêtés de 2012 définissant une législation adéquate à des cas simples. Pour les autres drones, il a été nécessaire de faire des analyses et traitements au cas par cas afin d’assurer le développement progressif de cette nouvelle technologie ainsi que l’encadrement des pratiques des particuliers par un cadre adapté.

Ces textes relatifs d’une part à la conception, l’utilisation et aux capacités requises pour faire voler de tels engins, et d’autre part, à l’utilisation de l’espace aérien par ces aéronefs, visent à garantir la sécurité publique. Le législateur français avait introduit plusieurs catégories d’appareils volants (sauf ballons-sondes, fusées, cerfs-volants). Ainsi, pour un engin non doté d’une caméra et pesant moins de 25 kg les règles étaient plutôt permissives puisque pour la grande majorité des appareils vendus pour le loisir (catégorie A), l’arrêté obligeait seulement à ce que le drone reste en vue directe.

Cela signifie que l’appareil et son conducteur devaient rester en contact visuel et ne pas voler plus haut qu’une altitude de 150 mètres (désormais 120 mètres) ou à proximité d’une zone dangereuse ou interdite. En revanche, lorsque le drone est muni d’un appareil à captation d’images photo ou vidéos, la réglementation se durcit. Le développement de ces engins risque en effet de porter atteinte d’une part au respect de la vie privée lorsqu’ils disposent de tels dispositifs de captation d’images, et d’autre part à la sécurité lorsqu’ils transportent des matériaux dangereux ou illégaux.

S’il a donc été important pour le législateur français, au vu de la croissance phénoménale de l’utilisation des drones civils, de séparer les enjeux légaux liés à l’encadrement des drones disposant d’une caméra (I) de ceux qui n’en n’ont pas (II), c’est finalement l’Union européenne qui s’est emparée de la réglementation en la matière (III).

I- Les drones disposant d’une caméra

Concernant les drones qui permettent la captation d’images photo photo ou vidéos, la réglementation française se faisait plus stricte (A) car des atteintes à la vie privée peuvent être caractérisées (B).

A) La réglementation

Ces drones permettent la prise de clichés et de vidéos via des angles jusque-là impossibles à atteindre sans utiliser un hélicoptère. Il est ainsi possible de manier aisément un engin aux caractéristiques intéressantes en utilisant de simples commandes ou un smartphone. Mais concernant la réglementation applicable, elle s’est faite plus stricte.

En effet, une distinction entre usage personnel et professionnel a cessé d’être opérée par la loi qui énonçait que des autorisations préfectorales devaient être demandées en fonction de la zone survolée. À titre d’exemple, une autorisation était indispensable concernant des vols en agglomération ou à proximité de personnes ou d’animaux, en vue directe et à une distance horizontale maximale de 100 mètres du pilote.

De plus, s’il le souhaitait, un conducteur de drone pouvait effectuer un vol hors vue directe et en dehors d’une zone peuplée, mais à condition d’également obtenir une autorisation au plus tard 24 heures avant le vol et d’informer le ministère chargé de l’aviation civile. Le conducteur devait alors pendant le vol être accompagné d’une seconde personne étant en mesure de prendre de contrôle de l’appareil à tout moment.

Étant précisé également par l’arrêté qu’il n’était pas possible de faire évoluer un aéronef télépiloté si le conducteur était lui-même à bord d’un autre véhicule en déplacement, situation nécessitant également l’obtention d’une autorisation du ministre chargé de l’aviation civile.

Ainsi, pour ne pas avoir respecté la réglementation, un jeune homme de 18 ans avait été convoqué devant le tribunal pour « mise en danger délibérée de la vie d’autrui » pour avoir, en janvier 2014, survolé et filmé la ville de Nancy à l’aide d’un drone équipé d’une caméra GoPro, avant de diffuser son film sur internet. Nul n’étant censé ignorer la loi, il a dû répondre de ses actes devant le tribunal correctionnel.

B) Les atteintes à la vie privée

Ces drones équipés de dispositifs de captation photo, vidéo ou sonore peuvent être très intrusifs et menacer le respect à la vie privée. En effet, se posait et se pose toujours la question de certaines caméras ayant des performances techniques telles qu’elles pourraient identifier des personnes physiques à leur insu.

Plus généralement, les drones équipés peuvent collecter, stocker et transmettre des informations ainsi que surveiller les comportements et déplacements de personnes, ce qui pose de graves enjeux en matière de libertés individuelles.

Il est intéressant de remarquer dans un premier temps que lorsqu’un aéronef fixe l’image d’une personne physique, le droit à l’image a vocation à s’appliquer. L’article 9 du Code civil ainsi que la jurisprudence énoncent que toute personne a sur son image et sur l’utilisation qui en est faite un droit exclusif et peut donc s’opposer à sa diffusion sans son autorisation. Pour faire respecter ce droit à l’image, tout télépilote d’un drone qui viendrait à capter l’image d’une personne par le biais d’une vidéo ou d’une photo, pourrait ainsi, sous réserve d’obtention du consentement de la personne concernée, publier cette image.

En pratique, il s’avère cependant très difficile de retrouver la personne concernée et de recueillir son consentement. C’est pourquoi la jurisprudence a assoupli ce principe concernant les personnes se trouvant dans des lieux publics sous réserve de certaines conditions.

En effet, pour que la publication ne soit pas subordonnée à l’accord des personnes qui apparaissent sur les images, la photographie ne doit pas permettre d’individualiser une personne en particulier, l’image ne doit pas porter atteinte à la dignité humaine et dans le cas d’évènements d’actualité, la publication de l’image ne doit pas dépasser les limites du droit à l’information (par exemple lors de manifestations publiques). A défaut, les personnes photographiées ou filmées à leur insu pourraient poursuivre juridiquement l’utilisateur du drone pour atteinte au droit à l’image.

Par ailleurs, le droit à la preuve ne peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée qu’à la condition que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. Constitue ainsi une atteinte à la vie privée la prise de vue aérienne d’une propriété privée sans l’accord des propriétaires et ce, même si elle n’en montre pas ses occupants (Paris, 15 mai 2019, n°18/26775).

Ensuite, comme le rappelle le Conseil d’Etat la captation de l’image d’une personne physique par un drone équipé d’une caméra correspond à un enregistrement de données personnelles protégé par la loi informatique et Liberté (CE 13 novembre 2020, n°401214). En effet, cette loi encadre la collecte et le traitement des données à caractère personnel en faisant peser des obligations sur le responsable du traitement. Les drones opèrent un changement de paradigme en matière de captation de données personnelles.

Enfin, des atteintes peuvent surgir concernant la surveillance des personnes par les autorités publiques. Ainsi, le CISR du 2 octobre 2015 préconisait par exemple l’utilisation de drones dans le domaine de la sécurité routière.

Comme le relève le Conseil d’Etat dans une décision du 22 décembre 2020, en l’absence d’encadrement législatif, le dispositif de surveillance par drone transmettant, même après floutage des images à la préfecture de police de Paris pour un visionnage en temps réel, constitue un traitement illégal de données à caractère personnel.

Alertée en effet par les enjeux considérables en la matière, la CNIL engage depuis 2012 des réflexions prospectives au sujet de l’utilisation des drones et du respect à la vie privée. Un des axes majeurs consiste à s’assurer que les nouveaux usages n’entraînent pas de dérives en matière de surveillance.

Lors du confinement du printemps 2020, des drones équipés de caméras ont été utilisés par les forces de l’ordre afin de surveiller le respect des mesures de confinement. Après les décisions du Conseil d’État, des 18 mai et 22 décembre 2020, qui interdisent leur utilisation, c’est au tour de la CNIL de sanctionner le ministère de l’Intérieur. Dans sa délibération du 12 janvier 2021, la formation restreinte de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a sanctionné le ministère de l’intérieur à la suite de l’usage de drones équipés de caméras.

En réponse à ces décisions, le législateur a entendu donner naissance à un cadre légal à l’utilisation par les forces de l’ordre des caméras aéroportées (précisément embarquée à bord d’un drone), en adoptant la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale. Les dispositions concernées ont été censurées par le Conseil constitutionnel le 20 mai 2021, car méconnaissant le droit au respect de la vie privée (Cons. constit., 20 mai 2021, n° 12021-817 DC).

Depuis le législateur a adopté la loi n°2022-52 du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Plusieurs articles réécrivent, à la suite de la censure par le Conseil Constitutionnel, certaines dispositions de la loi du 25 mai 2021, le cadre juridique pour l’usage des caméras et des drones par les forces de l’ordre à la fois pour des finalités de police administrative et judiciaire.

Le 20 avril 2023 le décret relatif à la mise en œuvre de traitements d’images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative a été publié.

Le 20 avril 2023 le décret relatif à la mise en œuvre de traitements d’images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative a été publié. Rendue dans la foulée, une nouvelle délibération de la Cnil, enjoint que lui soient transmises les doctrines d’emploi, qui ne figurent pas dans le décret et qui devront préciser les « cas d’usage, les conditions d’emploi et les conduites à tenir », en particulier s’agissant de « l’information » du public concerné. La Commission réclame aussi un chiffrement des enregistrements « directement au niveau des caméras » pour une garantie d’intégrité et de sécurité « jusqu’à leur effacement ».

 

II- Les drones ne disposant pas d’une caméra

Si le droit français est venu réguler l’utilisation classique des aéronefs non équipés de dispositif de captation d’images (A), cette réglementation semblerait pourtant inefficace face aux utilisations illicites menaçant la sécurité des personnes (B).

A) La réglementation

Avant que la réforme européenne n’intervienne, la France opérait une classification de A à G des drones civils dépendamment de facteurs tels que leur masse, leur type de propulsion ou les types d’activités concernés. De ces catégories ainsi que de l’utilisation faite du drone découlaient des obligations contraignant la vitesse, la hauteur de vol, vol en vue ou hors vue, le type de zone survolable (selon la présence d’individus ou non), et la finalité du vol (ce que le droit définit sous l’appellation de scénario).

Ainsi, à titre d’exemple, seuls les aéronefs de moins de 25 kg comportant un seul type de propulsion et ne disposant pas de caméra et ne pouvant voler qu’en vue directe, ce qui correspondait à la catégorie A, étaient dispensés de document de navigabilité et ne requéraient aucune condition particulière à propos des capacités du télépilote pour l’autoriser à voler.

En revanche, pour toutes les autres catégories d’aéronefs et toujours dépendamment de l’utilisation qui est faite du drone, une autorisation délivrée par le ministre chargé de l’aviation civile et l’installation sur l’aéronef de dispositifs spécifiques pouvait être requise. Il était exigé pour le télépilote d’avoir une certaine maîtrise en pilotage et de détenir certains documents spécifiques.

B) Les atteintes à la sécurité

Bien que l’utilisation des drones civils soit réglementée, elle reste problématique sur certains points. D’abord, en matière de sécurité, l’état actuel de la technologie des aéronefs civils ne permet pas de leur prêter une confiance totale. Un rapport du Congrès américain mettait en exergue, à ce titre, en septembre 2012, que n’étant pas technologiquement capables d’éviter d’éventuels objets volant à basse altitude, les drones civils présentent un dangereux risque de collision avec des ULM, hélicoptères ou avions en phase de décollage ou d’atterrissage par exemple. C’est d’ailleurs pour cette raison que sont en ce moment développées par les constructeurs des technologies de détection et d’évitement dites de « sense and avoid ».

De plus, ces appareils émettant entre autres des ondes WiFi présentent également un risque d’être piratés et donc de pouvoir être détournés de leur mission initiale, et ce, par de potentielles personnes mal intentionnées. À ce titre, dans le cadre de protestations contre la surveillance excessive de la société civile, le Parti pirate allemand avait en septembre 2013 fait atterrir un drone aux pieds de la chancelière allemande Angela Merkel. La farce de mauvais goût aurait alors, entre de mauvaises mains telles que celles d’États ou de groupes hostiles, pu facilement tourner au drame national si un terroriste avait fait atterrir le même drone avec une charge explosive déclenchée à l’atterrissage. Un risque d’utilisation de drones à des fins terroristes est à prendre en compte, voire à anticiper, bien que, fort heureusement, aucun accident de la sorte ne soit à ce jour à déplorer.

Par ailleurs, concernant le problème du transport de matériaux illégaux, là où le directeur d’Amazon voit dans les drones le futur de la livraison de petits colis, des délinquants pourraient également à terme faire usage de ce mode de livraison dans le cadre de trafic de stupéfiants. C’est à ce titre qu’un Australien de 28 ans a été arrêté pour avoir tenté de livrer par drone un stock de drogues dans une prison de Melbourne.

Appareils pilotables à distance, aux capacités de chargement croissantes et aux prix sans cesse plus accessibles pour tout un chacun, il est fort probable que les drones élargissent durablement le champ de la criminalité.

En 2021, les craintes d’une utilisation détournée se sont confirmées lorsqu’un drone, de type « professionnel », d’une envergure de 4,3 mètres et d’une autonomie de vol de 7 heures a été saisi par les agents de la Policia Nacional dans le cadre d’une affaire de lutte contre le trafic de stupéfiants entre l’Espagne et la France.  

Plus récemment en France, un drone a été utiliser pour voler 150.000 euros d’un distributeur de billets.

Bien que ces cas restent isolés, ils soulèvent de nombreuses questions sur l’utilisation et les potentielles atteintes qui pourraient en découler.

C’est en toute conscience de ces enjeux que la Commission européenne s’est alors saisie de la question en créant en 2013 un groupe de travail ayant eu pour mission de penser et proposer l’intégration sécurisée des drones civils dans le système d’aviation européen dès 2016.

III- La nouvelle réglementation européenne pour les UAS

Si la nouvelle réglementation européenne présente des enjeux de taille aux conséquences diverses (A), elle engendre à court terme de multiples répercussions au sein du droit national (B).

A) La réglementation

La Commission, le Parlement ainsi que le Conseil européens se sont accordés pour donner à l’Union européenne la compétence de la réglementation relative à la sécurité des drones et ce, quelle que soit leur masse. Dans cette logique elle a d’abord adopté le règlement du 4 juillet 2018 qui étend aux drones l’essentiel des dispositions applicables aux autres catégories d’aéronefs.

Dans la foulée, la Commission a procédé à l’élaboration de deux règlements visant à harmoniser en Europe le statut des drones.

D’une part, le règlement délégué (UE) 2019/945 de la Commission du 12 mars 2019 relatif aux systèmes d’aéronefs sans équipage à bord (ci-après UAS, acronyme de l’anglais « Unmanned Aerial Systems ») et aux exploitants, issus de pays tiers, d’UAS, et d’autre part, le règlement d’exécution (UE) 2019/947 de la Commission du 24 mai 2019 concernant les règles et procédures applicables à l’exploitation d’aéronefs sans équipage à bord.

Ainsi, la catégorie « ouverte » désignant les opérations à faible risque au cours desquelles l’UAS vole en vue et à faible hauteur se distingue de la catégorie « spécifique » désignant les opérations à risque modéré au cours desquelles l’aéronef vole à vue ou hors vue dans des conditions différentes de la catégorie précédente, elle-même se distinguant de la catégorie « certifiée » qui désigne les opérations hautement risquées nécessitant une importante fiabilité dans l’aéronef, et impliquant par exemple de transporter des personnes ou des marchandises dangereuses.

Les règlements européens précités sont d’application directe dans les États membres et doivent se substituer à la réglementation nationale dès leur entrée en vigueur le 31 décembre 2020.

Cependant, les exigences de la réglementation nationale et européenne sont parfois incohérentes. Ainsi, malgré l’application de la réglementation européenne sur les drones, la gestion de l’espace aérien relève toujours du droit français, à l’exception de certaines spécificités comme des restrictions ou conditions de pénétration dans les ex-catégories loisirs et autres activités particulières désormais régies par la nouvelle catégorisation européenne.

Par ailleurs, le droit français motive ses réglementations par des considérations de sûreté publique (telle la compétence nationale sur les dispositifs de signalement électronique), tandis que la réglementation européenne porte quant à elle sur des questions de sécurité aérienne.

Afin de permettre tout de même une transition progressive vers la nouvelle réglementation européenne, certains textes nationaux sont maintenus. C’est par exemple le cas de la nouvelle catégorie « spécifique » au moyen de laquelle il est encore possible de voler selon des scénarios standard nationaux jusqu’au 2 décembre 2023 au plus tard, après quoi il y aura obligation de voler selon l’un des scénarios standards européens (STS).

B) Les répercussions dans le droit national

Le droit français visant donc à modifier a minima la réglementation actuelle dans le but de répondre aux nouvelles exigences européennes, plusieurs arrêtés ont alors été publiés au JORF du 10 décembre 2020.

L’un, relatif aux dispositions transitoires de reconnaissance de la formation et des titres des pilotes à distance, crée des modalités de reconnaissance des compétences actuelles des télépilotes pour la catégorie « ouverte » limitée.

Cependant, les drones de cette catégorie, marqués ‘CE’ depuis la réglementation européenne et pouvant être utilisés depuis le 31 décembre 2020, présentent l’inconvénient de ne pas encore être disponibles sur le marché. C’est pourquoi des drones pourtant non conformes à la nouvelle réglementation européenne pourront voler jusqu’au 1er janvier 2023 s’ils sont utilisés selon une catégorie « ouverte » dite « limitée ». Leurs utilisateurs devront néanmoins finir par acquérir un drone avec mention de classe pour pouvoir voler sans trop de problèmes.

Un deuxième arrêté, relatif à l’exploitation d’aéromodèles au sein d’associations d’aéromodélisme, autorise ces associations à pouvoir continuer d’exercer suivant les mêmes règles qu’avant la réforme, et ce jusqu’au 1er janvier 2023, la nouvelle réglementation européenne donnant la possibilité aux États membres de définir leur propre réglementation pour les clubs et associations d’aéromodélisme.

Un troisième arrêté concerne cette fois la définition des scénarios standard nationaux et fixe les conditions applicables aux missions d’UAS exclues du champ d’application du règlement (UE) 2018/1139 du 4 juillet 2018, précité, relatif aux règles communes dans le domaine de l’aviation civile (et instituant l’AESA).

Cet arrêté reprend trois des scénarios standard nationaux (S1, S2, S3) pour qu’ils puissent continuer d’être utilisés en catégorie « spécifique » jusqu’au 2 décembre 2023. Il inclut également des exigences spécifiques applicables aux exploitants de drones qui n’entrent pas dans le champ de la nouvelle réglementation européenne, à savoir pour des missions de secours, de police ou encore de lutte contre les incendies par exemple.

Un quatrième arrêté permanent relatif aux exigences applicables aux pilotes à distance dans le cadre d’opérations relevant de la catégorie « ouverte » fixe l’âge minimal de 14 ans pour les pilotes de drones dans cette catégorie. En effet, si la réglementation européenne fixe pourtant l’âge minimal à 16 ans dans cette catégorie, elle laisse en fait également aux États membres le choix de réduire cet âge minimum.

Cinquièmement, un arrêté permanent relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs sans équipage à bord fait entre autres passer la hauteur de vol maximale de 150 mètres à 120 mètres afin de se conformer avec la nouvelle réglementation européenne bien que la France demeure compétente en la matière, s’agissant de la gestion de l’espace aérien.

Enfin, un sixième arrêté relatif aux exigences applicables aux opérations conduites sur certains aéronefs captifs visés à l’annexe I du même règlement (UE) 2018/1139 précité, régit la conception, production, maintenance et exploitation de certains UAS captifs énumérés à l’alinéa 2 de cette même annexe.

Pour conclure, la réglementation européenne des aéronefs sans équipage à bord entrée en application le 31 décembre 2020 vient remplacer, notamment au terme d’une période de transition, la réglementation nationale en matière de sécurité aérienne et opère une classification des drones sous un angle différent, non plus selon la finalité de l’opération, mais selon le niveau de risque qu’elle présente.

Face au développement des usages, la Commission a adopté le 29 novembre 2022 une nouvelle stratégie intitulée « Drone 2.0 ». Ce texte défini les objectifs des institutions européennes d’ici à 2030 en matière de développement, de l’exploitation commerciale des drones à grande échelle, qu’il s’agisse des services d’urgence, de la cartographie, l’imagerie, l’inspection et la surveillance dans le respect du cadre légal applicable, ainsi que la livraison urgente de petits envois, tels que des échantillons biologiques ou des médicaments ou encore les taxis aériens.

Toutefois, le droit européen n’a pas vocation à se substituer à la réglementation nationale dont certaines dispositions continueront d’être applicables. Tel est le cas pour tout ce qui concerne la sûreté, la gestion de l’espace aérien ainsi que les drones utilisés par l’État dans le cadre d’activités miliaires, de douanes, de police, de recherche et sauvetage, de lutte contre l’incendie, de contrôle aux frontières et de surveillance côtière qui relèvent d’un régime particulier.

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Sources :
http://www.village-justice.com/articles/essor-utilisation-drones-usage-civil,16348.html
http://vision-du-ciel.com/images_vierges/tableau-synthese-aeronefs-telepilotes.pdf
http://www.numerama.com/magazine/28431-drones-civils-ce-que-dit-la-loi-en-france.html
Communiqué de la Commission européenne, 19 juin 2013 « Les drones stimulent l’innovation et créent des emplois »
Règlement (UE) 2018/1139 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2018
Règlement délégué (UE) 2019/945 de la Commission du 12 mars 2019
Règlement d’exécution (UE) 2019/947 de la Commission du 24 mai 2019
Laurent Archambault et Cassandra Rotilly, Dalloz IP/IT : 2021 (Dalloz, 22 mars 2021) N° 3 p.163
Décret n° 2023-283 du 19 avril 2023 relatif à la mise en œuvre de traitements d’images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047464659

L’anonymat sur Internet

« Si je regarde suffisamment vos messages et votre localisation, et que j’utilise une intelligence artificielle, je peux prévoir où vous allez vous rendre. Montrez-nous 14 photos de vous et nous pourrons vous identifier. Vous pensez qu’il n’y a pas quatorze photos différentes de vous sur Internet ? Il y en a plein sur Facebook ! » le PDG de Google, Eric Schmidt, a estimé, que l’anonymat sur Internet était voué à disparaître et serait remplacé par une  » transparence totale « .

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L’anonymat sur internet fait référence à la possibilité pour les utilisateurs d’utiliser des services en ligne sans révéler leur véritable identité.

Avec le développement des activités numériques sur le web, le terme  » anonyme  » prend une nouvelle orientation. Ainsi, des millions d’internautes naviguent sur le web de façon anonyme, du moins le croient-ils, en consultant des sites d’information ou d’e-commerce. Dans le même temps, d’autres millions d’internautes ont ouvert des comptes personnels sur des réseaux sociaux en se cachant derrière un pseudonyme. Alors qu’on utilise de plus en plus Internet, qu’on y laisse toujours plus de données et qu’il est de plus en plus facile de savoir qui y fait quoi, l’inquiétude quant à l’utilisation de ces données grandit chaque jour.

En toute hypothèse, sur le web, la sensation d’anonymat est décuplée par la distance qui existe entre l’internaute et le serveur auquel il accède pour y consulter des informations ou pour y créer des données (donner une opinion, écrire un texte, uploader un document, etc.). Et la sensation d’anonymat s’accroit chez de nombreux internautes à partir du moment où ils se cachent derrière un écran et un pseudonyme.

Dans la pratique, moins de 5% des internautes mettent en place des pratiques d’offuscation de leurs traces sur le web en utilisant notamment des services tels que les réseaux privés virtuels (VPN), des navigateurs anonymes et des services de messagerie anonymes

On notera le caractère ambigu de l’anonymat : d’un côté, c’est ce qui est sans nom, sans valeur, parfois menaçant ; de l’autre, c’est une stratégie de protection, de préservation, porteuse d’égalité (dans le cas par exemple, de l’anonymat du vote en France). Cette dualité se retrouve également sur internet.

 

I. L’anonymat, principe nécessaire à la protection de la vie privée sur internet

A. Anonymat et vie privée sur internet

Anonymat et vie privée sont très souvent associés, et pour cause. Le premier est un moyen de préserver la seconde. La vie privée est la raison pour laquelle on peut recourir à des techniques d’anonymisation. Internet bouleverse la manière dont nous gérons notre vie privée.

L’anonymat en ligne offre de nombreux avantages, notamment la possibilité de protéger ses données personnelles, de contourner les restrictions géographiques imposées par certains services, et de protéger son identité lors de la participation à des débats politiques ou sociaux


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La vie privée ne peut se comprendre qu’en termes de contrôle de ce qu’on laisse sur internet. Elle consiste à conserver le contrôle d’une information personnelle et ne pas la laisser sortir d’un cadre dans lequel elle a été rendue publique.

La notion de vie privée se rapporte principalement à la capacité de contrôler les informations personnelles que l’on partage sur Internet, afin de préserver leur caractère confidentiel et de les empêcher de se propager au-delà du cadre dans lequel elles ont été rendues publiques.

Sur internet, cet ensemble d’informations personnelles aussi appelées données constitue ce que l’on nomme « l’identité numérique ». Elle se compose à la dois des traces personnelles, des traces liées à notre activité sur les plateformes et des traces commerciales.

Sur internet, l’utilisateur ne laisse pas seulement des traces volontairement et de manière visible. S’il existe bien des traces visibles et intentionnelles (commentaire sur un blog, photo sur les réseaux sociaux), les traces invisibles et non intentionnelles sont d’autant plus nombreuses (l’adresse IP quand on se connecte à un site internet, requête dans les archives d’un moteur de recherche). Il y a également les cookies placés sur le navigateur ou le tracker, qui est un petit programme présent sur les sites web qui enregistre certaines activités à des fins publicitaires, présent sur les sites de e-commerce.

Un très grand nombre d’informations peuvent être collectées sur internet : l’historique de connexions et de visites, l’adresse IP, les recherches Google, les favoris et l’historique complet, les emails etc..

Par ailleurs, avec l’arrivée des objets connectées d’autres types de données sont à présents la cible des entreprises.

B. L’encadrement juridique de la protection des données collectées sur internet

S’il est aisé d’imaginer que nous sommes tous fichés par l’Etat et les organismes qui lui sont rattachés (sécurité sociale, fisc, police à travers la carte nationale d’identité, la préfecture lors de l’établissement de la carte grise, le Pôle emploi, le médecin, etc.), par son employeur, par des associations indépendantes (club de sport, association à laquelle on fait un don, forum de discussion ou chat, etc.) ou encore par des sociétés commerciales (banque, assureurs, téléphonie, fichiers clients des commerces, etc.), on imagine moins être fichés par des sociétés que l’on ne connaît pas. Et pourtant, les données personnelles circulent facilement soit contre rémunération pour le titulaire du fichier, soit de manière involontaire en cas notamment de piratage informatique ou de détournement de la finalité d’un fichier.

C’est pour cela qu’en France, la CNIL, la Commission nationale informatique et libertés veille à ce que la loi Informatique et libertés de 1978 et les autres textes qui protègent ces données personnelles, soient respectés, afin d’éviter les abus et les atteintes aux droits fondamentaux.

En 2014, la CNIL affirme que près de 35% des recruteurs avouent avoir déjà écarté un candidat à un emploi à cause d’une e-réputation négative. négative.

En France, le texte fondateur en matière de protection des données est la Loi informatique et liberté du 6 janvier 1978 qui définit les principes à respecter lors de la collecte, du traitement et de la conservation des données personnelles. Elle renforce les droits des personnes sur leurs données, prévoit une simplification des formalités administratives déclaratives et précise les pouvoirs de contrôle et de sanction de la CNIL.

La loi « Informatique et Libertés » est applicable dès lors qu’il existe un traitement automatisé ou un fichier manuel, c’est-à-dire un fichier informatique ou un fichier  » papier  » contenant des informations personnelles relatives à des personnes physiques.

Depuis le 25 mai 2018, la réglementation européenne à la protection des données a étendu les pouvoirs de la CNIL et la protection des données sur le plan européen.

En 2018, plusieurs associations actives dans le domaine de la protection des données personnelles ainsi qu’un opérateur de télécoms ont saisi le Conseil d’État de recours contre les décrets qui prévoient la conservation des données de connexions et qui organisent leur traitement pour les besoins du renseignement et des enquêtes pénales.

À cette occasion, le Conseil d’État a saisi, en 2018, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) pour l’inviter à préciser la portée des règles issues du droit européen (directive 2002/58, dite « vie privée et communications électroniques » et règlement général sur la protection des données – RGPD). Plusieurs juridictions d’autres États membres de l’Union ont, elles aussi, saisi la CJUE dans le même but. Par trois décisions rendues le 6 octobre 2020, la CJUE a détaillé les limites posées à ses yeux par le droit européen

Dans un arrêt rendu le 6 octobre 2020, la CJUE a précisé que le droit de l’UE s’oppose à ce qu’une « réglementation nationale permettant à une autorité étatique d’imposer, aux fins de la sauvegarde de la sécurité nationale, aux fournisseurs de services de communications électroniques la transmission généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et des données de localisation aux services de sécurité et de renseignement ».

Toutefois, elle a nuancé sa position en rajoutant que, dans des situations dans lesquelles un État membre fait face à une menace grave pour la sécurité nationale qui s’avère réelle et actuelle ou prévisible, ce dernier peut déroger à l’obligation d’assurer la confidentialité des données afférentes aux communications électroniques en imposant, par des mesures législatives, une conservation généralisée et indifférenciée de ces données pour une durée temporellement limitée au strict nécessaire, mais renouvelable en cas de persistance de la menace.

Contrairement à toute attente, par rendu un arrêt rendu le 21 avril 2021, le CE avait autorisé la conservation généralisée des données de connexion, et ce, en dehors des situations exceptionnelles d’état d’urgence sécuritaire. Cette décision contraire aux exigences de la jurisprudence précédente de la CJUE (6 octobre 2020) a été possible grâce à une réinterprétation de la notion de « sécurité nationale » pour inclure des infractions au-delà de la lutte contre le terrorisme telles que l’organisation de manifestations non-déclarées ou encore le trafic de stupéfiants.

En outre, il relevait à cette occasion, la possibilité d’accéder à ces données pour la lutte contre la criminalité grave permet, à ce jour, de garantir les exigences constitutionnelles de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions pénales. En revanche, il ordonnait au Gouvernement de réévaluer régulièrement la menace qui pèse sur le territoire pour justifier la conservation généralisée des données et de subordonner l’exploitation de ces données par les services de renseignement à l’autorisation d’une autorité indépendante.

II. L’anonymat, principe menacé par les développements technologiques

A. Le Big Data au détriment de l’anonymat

Littéralement, le terme de  » Big Data  » signifie métadonnées, grosses données ou encore données massives. Ils désignent un ensemble très volumineux de données qu’aucun outil classique de gestion de base de données ou de gestion de l’information ne peut vraiment travailler. En effet, nous procréons environ 2,5 trillions d’octets de données tous les jours. Ce sont les informations provenant de partout : messages que nous nous envoyons, vidéos que nous publions, informations climatiques, signaux GPS, enregistrements transactionnels d’achats en ligne et bien d’autres encore. Ces données sont baptisées Big Data ou volumes massifs de données. Les géants du Web, au premier rang desquels Yahoo (mais aussi Facebook et Google ), ont été les tous premiers à déployer ce type de technologie.

L’analyse des données est capable d’extraire des informations très précises sur les individus en croisant des données anonymes. Par exemple, les signaux de géolocalisation des portables, la démarche d’un passant filmée par vidéosurveillance, le choix de films téléchargés forment autant d’indicateurs sur les habitudes, les intérêts et les activités des personnes.

Le cas Cambridge Analytica dévoilé en 2018, fait échos aux risques que font courir la collecte et la manipulation des données personnelles à grande échelle.

Actuellement, la tendance est à la convergence des différentes données disponibles. Data en ligne et hors ligne, structurées ou non structurées rassemblées et consolidées, accord entre Facebook et des courtiers de données : les algorithmes n’ont pas fini de générer de plus en plus de sources lucratives sur le marché des Big Data. Plus encore : il est possible de prédire où se trouvera une personne d’ici 80 semaines sur la base de données de géolocalisation issues de son GPS. Finalement, rester non identifié devient une gageure.

B. Une pression croissante de l’État

Depuis une dizaine d’années, les initiatives de la part des gouvernements pour tenter de réguler et de contrôler internet se sont multipliées. Rappelons les révélations d’Edward Snowden en 2013, qui ont montré que les collectes massives d’informations par la NSA, concernant des citoyens du monde entier, dépassaient le cadre de la lutte nécessaire contre le terrorisme ou contre les autres risques géopolitiques.

La France n’est pas en reste, puisque son service de renseignement extérieur, la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure), a également à sa disposition un système d’interception massif d’Internet, sans compter sa proximité avec l’opérateur Orange. Au delà des services de renseignement, ces dernières années, le législateur français a été particulièrement attentif à la régulation d’internet :  LCEN (loi pour la confiance en l’économie numérique) ; DADVSI (loi relative aux droits d’auteur et droits voisins dans la société d’information) , LOPPSI 2 (loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure), Hadopi (loi Création et Internet de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet) ou encore les lois antiterroristes qui accroissent la surveillance du réseau à la recherche de potentiels terroristes.

Cette pression croissante des gouvernements à des fins de contrôle, de régulation et de surveillance peut se faire au détriment de l’anonymat des utilisateurs d’internet.

Le 15 novembre 2001, la France a adopté la loi sur la sécurité quotidienne, dont l’article 29 oblige les fournisseurs d’accès à internet à conserver les identifiants de connexion de leurs abonnés. Ses mesures, dont l’article 29, auraient dû arriver à expiration fin décembre 2003. Cependant un amendement de la loi sur la sécurité intérieure du 21 janvier 2003, a pérennisé les mesures de conservation des identifiants et les a séparées du motif terroriste, leur raison d’être de l’adoption de la première loi. Ces mesures sont désormais présentes dans l’article 34-1 du Code des postes de communications électroniques.

À partir de la loi de 2004 et de la loi pour la confiance en l’économie numérique, la conservation des identifiants de connexion, qui devait être effectuée uniquement par les opérateurs de télécommunications, donc les fournisseurs d’accès à internet, concerne également les hébergeurs, c’est à dire, tous les sites qui mettent à disposition du public un service de  » stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature  » (sites d’informations, services de vidéo type Dailymotion ou Youtube, Wikipédia…). Le décret précisant les modalités n’est intervenu que le 1er mars 2012.

Le 30 juillet 2021, la loi n° 2021-998 relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement a été adoptée. Ce texte, par le biais de son article 17, a  modifié l’article L34-1 du Code des postes et des communications électroniques ainsi que l’article 6-II de la LCEN.

Ce texte révise la loi sur le renseignement du 24 juillet 2015 notamment pour tenir compte de l’évolution des technologies et des modes de communication utilisés par les terroristes. Les services de renseignement disposent de nouveaux moyens de contrôle, en particulier la possibilité à titre expérimental d’intercepter des communications satellitaires.

  1. Les limites dans le cadre des enquêtes pénales

Par une série de quatre arrêts rendus le 12 juillet 2022 par la chambre criminelle, la Cour de cassation tire les conséquences des décisions rendues par la Cour de justice de l’Union européenne relatives à la conservation des données de connexion et à l’accès à celles-ci dans le cadre de procédures pénales (Crim. 12 juill. 2022, FS-B+R, n° 21-83.710 ; Crim. 12 juill. 2022, FS-B, n° 21-83.820 ; Crim. 12 juill. 2022, FS-B, n° 21-84.096 ; Crim. 12 juill. 2022, FS-B, n° 20-86.652).

D’une part, la Cour de cassation énonce que les données de connexion ne peuvent être obtenues que dans le cadre d’enquêtes pénales relatives à des infractions d’une certaine gravité. A ce propos, la loi n° 2022-299 du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire avait déjà limité une telle possibilité aux enquêtes relatives à une infraction punie d’au moins 3 ans d’emprisonnement en application notamment du nouvel article 60-1-2 du Code de procédure pénale.
L’appréciation du caractère grave de la criminalité par les juridictions est également effectuée au regard de la nature des agissements de la personne mise en cause, de l’importance du dommage qui en résulte, des circonstances de la commission des faits et de la durée de la peine encourue.

D’autre part, la Cour de cassation précise que la délivrance de réquisitions relatives aux données de connexion doit faire l’objet d’un contrôle préalable par une juridiction ou une autorité administrative indépendante au sens où l’entend la Cour de justice de l’Union européenne.

La Cour de cassation en conclut que les articles 60-1, 60-2, 77-1-1 et 77-1-2 du Code de procédure pénale n’étaient pas conformes au droit de l’Union européenne. Selon elle, les règles actuelles du Code de procédure pénale, qui permettent au procureur de la République ou à un enquêteur d’accéder à ces données, sont contraires au droit de l’Union car elles ne prévoient pas un contrôle préalable par une juridiction ou une entité administrative indépendante. Bien que la Cour valide la compétence du juge d’instruction en la matière, elle considère en revanche que le procureur de la République, en ce qu’il incarne une autorité de poursuite, ne peut pas ordonner de telles mesures d’investigation.

Par le passé, la Cour de justice de l’Union européenne avait en effet jugé, par un arrêt de sa Grande chambre du 2 mars 2021, H. K. et Prokuratuur, C-746/18, que « l’article 15, paragraphe 1, de la directive 2002/58, telle que modifiée par la directive 2009/136, lu à la lumière des articles 7, 8 et 11 ainsi que de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale donnant compétence au ministère public, dont la mission est de diriger la procédure d’instruction pénale et d’exercer, le cas échéant, l’action publique lors d’une procédure ultérieure, pour autoriser l’accès d’une autorité publique aux données relatives au trafic et aux données de localisation aux fins d’une instruction pénale. »

La Cour de cassation a toutefois jugé que les éléments de preuve ainsi obtenus ne peuvent être annulés que si une telle irrégularité portait concrètement atteinte aux droits de la personne poursuivie. Cette interprétation permet de limiter les cas dans lesquels la nullité des actes serait encourue et de sauvegarder la plupart des procédures pénales en cours.

Pour lire une version plus complète de cet article sur l’anonymat sur internet, cliquez sur ce lien

Sources :

Sources :

https://books.google.fr/books?id=zSsTBQAAQBAJ&pg=PR18&lpg=PR18&dq=anonymat+sur+internet+mémoire&source=bl&ots=1x_SHNL5q8&sig=YwazYsBgPmSWpV-Tqbi1hwnlvMc&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjksqHopafLAhUGVxoKHWTYAggQ6AEIOTAF#v=onepage&q=anonymat%20sur%20internet%20mémoire&f=false
http://www.journaldunet.com/ebusiness/le-net/1169618-vers-un-reglement-europeen-sur-la-protection-des-donnees-qui-vise-les-plateformes-us/
http://www.zdnet.fr/actualites/etat-d-urgence-le-gouvernement-n-interdira-pas-le-wi-fi-public-et-tor-39829552.htm
http://rue89.nouvelobs.com/blog/oh-my-code/2016/03/05/respect-de-la-vie-privee-apple-ou-surveillance-generalisee-fbi-vous-de-choisir-235245

Le droit au déréférencement : droit à l’oubli et droit à la vie privée

 » Le juste équilibre entre la protection de la vie privée des individus et le droit au public à accéder aux informations  » c’est ce qu’essaie de concilier Google lors de l’évaluation des demandes d’effacement qui lui parviennent via un formulaire dédié à la suppression des liens faisant état de la vie privée des internautes et que ces derniers souhaitent voir disparaître.

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Le formulaire de désindexation

Google a mis en place un formulaire de demande de désindexation qui a eu un grand succès dès le début (12 000 demandes le premier jour, mais aujourd’hui ces demandes sont d’environ 1 million par jour) (1).

La procédure est donc simple. Il suffit de renseigner le formulaire en y annexant une copie de sa pièce d’identité valide et les liens litigieux. Si le lien ne reprend pas le nom de la personne (exemple : une image) alors l’internaute doit justifier le motif de la demande de suppression. Une fois signé et envoyé, toutes les cartes sont entre les mains de Google qui est seul à décider de la pertinence de la demande, des critères d’évaluation de cette pertinence et du délai qu’il juge nécessaire à l’étude de la demande.

Ce délai est légalement encadré en France. Google dispose de deux mois pour répondre à la demande de désindexation. En l’absence de réponse tout comme en cas de refus de désindexation, une plainte peut être déposée auprès de la CNIL


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La situation actuelle

Bien que certains cas de saisine, ne posent pas de difficultés concernant le motif légitime des plaignants ce qui était le cas des images violant le droit à l’image protégé par l’article relatif à la vie privée (article 9 du code civil). En effet, ces images ont été publiées sur des sites en l’absence d’autorisation de l’objet des images. Bien que les photos publiées sur les liens liti-gieux soient celles d’un personnage public (en l’espère, un ex-mannequin), le TGI de Paris par une ordonnance de référé du 12 mai 2017 a fait droit à ses demandes de déréférencement des liens sur le moteur de recherche Google.

Ceci dit, ce droit au déréférencement n’est pas systématiquement accueilli par les autorités. Et récemment, dans une décision du 24 février 2017, le Conseil d’État a posé plusieurs questions préjudicielles d’interprétation à la Cour européenne relatives à quatre saisines de la CNIL.

Dans chaque affaire, le plaignant avait effectué une recherche à partir de son nom pour constater :
– dans le premier cas, un lien renvoyant à un photomontage satirique mis en ligne à l’occasion de la campagne électorale et mettant en scène la directrice de cabinet du maire évoquant ses relations particulières avec ce dernier qui avait d’ailleurs changé de fonction depuis.
– dans le second, un lien renvoyant à un article du quotidien relatif au suicide d’un adepte de l’Église de scientologie dans laquelle le requérant cité avait été responsable des relations publiques.
– dans la troisième affaire, un lien renvoyant à des articles de presse relatifs à la mise en examen en 1995 du plaignant pour financement du parti républicain qui avait obtenu par la suite un non-lieu
– Enfin, dans la dernière affaire, un lien renvoyant vers deux articles relatifs à la condamnation pour agressions sexuelles sur mineur mentionnant plusieurs détails intimes révélés lors du procès.

Même en se référant à l’arrêt Google Spain de 2014, le Conseil d’État a considéré que ce dernier n’était pas suffisant pour lui permettre de prendre sa décision et a préféré demander des éclaircissements à la CJUE afin de pouvoir traiter ces cas concrets.

Le Conseil d’État demande si l’interdiction de traiter des données sensibles au sens de l’article 8 de la directive 95/46/CE sous réserve des exceptions s’applique au moteur de recherche ?

Et si l’application de cette interdiction de traiter des données sensibles et relatives aux infractions devait obliger le moteur de recherche Google à faire droit à la demande de déréférencement ?

Quand bien même certains de ces liens renvoient vers des articles de presse ou d’expression artistique ou littéraire donc ont pour objet l’information du public.

D’autres questions concernaient l’influence de la licéité ou de l’illicéité du contenu du site indexé, mais aussi de l’influence du caractère incomplet, inexact ou obsolète de ces informations…

La réponse de la Cour est d’autant plus attendue étant donné qu’un an nous sépare de l’entrée en vigueur du nouveau règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE.

Notons que quand bien même ces liens seraient condamnés à disparaître, cette disparition se limiterait pour le moment aux versions européennes de Google. Ce qui signifie qu’il suffit de se rendre sur une autre version de ce moteur de recherche pour retrouver les résultats supprimés, même suite à une décision judiciaire.

Deux arrêts de la CJUE du 24 septembre 2019, vont venir compléter cette jurisprudence de l’obligation de déréférencement et du droit à l’oubli. Après avoir rappelé l’existence de cette obligation de déréférencement à l’égard des exploitants de moteurs de recherche, la CJUE va venir limiter les cas où la responsabilité de ces exploitants va être engagée.

En effet, bien que le principe reste l’obligation de déréférencement, mais la responsabilité des moteurs de recherche ne va pas être engagée si les contenus illicites ont été manifestement rendus publics par la personne concernée.

De même, dans le cas où ces contenus sont nécessaires à la constatation, à l’exercice ou à la défense d’un droit en justice, ou encore dans le cas où ces contenus sont « strictement nécessaires pour protéger la liberté d’information des internautes (…) à avoir accès à cette page web au moyen d’une telle recherche ». Un contrôle de proportionnalité peut être fait pour s’assurer que cette exception du droit à l’information à l’internaute est nécessaire, de même cette exception prend fin, une fois que le contenu ne correspond plus à la situation actuelle. Ces exceptions sont conditionnées à traitement licite des contenus ainsi qu’à l’absence d’exercice du droit d’opposition de la personne concernée.

Concernant la portée du déréférencement, ces arrêts de la CJUE précisent que cette obligation ne porte pas sur l’ensemble des versions du moteur de recherche. Par ailleurs, le déréférencement n’a pas vocation à s’étendre au niveau mondial, mais la CJUE ne vient pas interdire ce déréférencement mondial. L’importance étant que les exploitants de moteurs de recherche remplissent « toutes les exigences légales et avoir pour effet d’empêcher ou, à tout le moins, de sérieusement décourager les internautes dans les États membres d’avoir accès aux liens en cause à partir d’une recherche effectuée sur la base du nom de cette personne ».

Pour lire une version plus complète de cet article sur le déréférencement, il faut cliquer sur le mot déréférencement

Sources :
(1)https://www.nextinpact.com/news/89364-google-recoit-desormais-million-demandes-dereferencement-par-jour.htm
CJUE 24 septembre 2019, C-136/17
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=C79A640026AB3A4E4C65E98489F26D6B?text=&docid=218106&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=1821952
CJUE 24 septembre 2019, C-507/17
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=218105&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=1822270