responsabilité

Quelle est la responsabilité des hébergeurs en cas de contrefaçon ?

Un hébergeur web est à une société qui héberge des sites web conçus et gérés par des tiers. Il permet l’accès à l’ensemble des internautes, au contenu de ces sites. De quoi est-il responsable ?

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L’activité principale de l’hébergeur consiste à installer ses serveurs, sécuriser l’environnement relatif aux serveurs, procéder à la mise à jour afin d’éviter toute forme de cyber attaque et permettre la réparation de ceux-ci en cas de dysfonctionnement.

La définition de l’hébergeur est donnée par l’article 6, I, 2 de la loi LCEN.

L’hébergeur est toute personne physique ou morale qui assure, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services, sans qu’un contrôle soit exercé sur les contenus fournis par ces destinataires.

L’hébergement de sites internet a évolué très rapidement ces dernières années, c’est notamment devenu une trace de nécessité pour la sécurité des différents services, conseils et service de support, mise à disposition par le prestataire de services de ressources.

Les besoins en hausse constante de bande passante et le coût relatif à la gestion des informations des serveurs expliquent le recours pour la majorité des entreprises à l’hébergement de leur site web par un hébergeur professionnel.
Il existe de nombreuses formes d’hébergement sur internet, la forme variera en fonction des besoins en bande passante.


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L’expression « d’hébergeur technique » est ainsi associée au régime de responsabilité civile et pénale dérogatoire tel que consacré par l’article 6, I, 2 et 3 de la loi LCEN, récemment modifié par l’article 17 de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020 visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

Selon l’article, les hébergeurs « ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d’un destinataire [des services d’hébergement s’ils] n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère manifestement illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ».

L’hébergeur a l’obligation de procéder au retrait des contenus dont il a connaissance du caractère manifestement illicite ou qui lui sont signalés comme tels. Cette obligation a encore été rappelée dernièrement par le tribunal judiciaire de Paris (tribunal judiciaire de Paris, 25 mai 2021, n° 18/07397), ayant précisé que la notification par un ayant droit réputait acquise la connaissance du caractère illicite du contenu visé.

Comme dans toute activité il existe un risque, dans le cas suivant l’engagement de la responsabilité de l’hébergeur en cas de contrefaçon.

La cybercontrefaçon a été rendue facile par l’essor des différents sites internet et leur facilité d’accès, en effet les contrefacteurs aujourd’hui ont accès à de nouveaux réseaux de distribution permis par internet, l’anonymat ainsi que le sentiment d’impunité offerte par le numérique permet une facilité de pratique du commerce de produits contrefaits.

La contrefaçon peut-être vendue directement à des professionnels de la vente sur internet plusieurs cas de jurisprudence ont notamment pu être observés ces dernières années, la responsabilité des hébergeurs en matière de contrefaçon est donnée par la loi LCEN. L’hébergeur est associé aux intermédiaires prévus par la LCEN, voir sa responsabilité engagée peut être problématique à bien des égards, l’honnête professionnel, ignorant tout ou partie du contenu publié ne s’assure que du stockage ou la mise à disposition du contenu, ainsi il n’exerce pas un rôle actif dans l’infraction relié à la contrefaçon.

Dans quelle mesure l’hébergeur peut-il voir sa responsabilité engagée dans le cadre de la contrefaçon en ligne ?

Dans un premier temps il sera nécessaire d’opérer à une distinction entre l’hébergeur et l’éditeur (I) et afin de déterminer la responsabilité de chacun en matière de contrefaçon (II)

I. La distinction entre éditeur et hébergeur

La distinction entre éditeur et hébergeur se doit d’être précisée, l’éditeur à un rôle fondamentalement différent (A) il convient donc de préciser dans un second temps la notion d’hébergeur (B)

A) L’éditeur

Sur internet, la détermination des responsabilités est un exercice complexe. La responsabilité sera essentiellement liée à la qualité de la personne.

Un éditeur de site internet est une personne ou une Société qui publie, ayant vocation la mise à disposition au public des pages sur internet dont il sélectionne les contenus, procède à l’assemblage, effectue la hiérarchie et la mise en forme afin de les publier sur un support de communication en ligne.

Le statut de l’éditeur n’est pas défini dans la loi, mais par la jurisprudence, celle-ci précise que l’éditeur correspond à la personne ayant « joué un rôle actif dans le choix des contenus mis en ligne sur le site ».
le site doit avoir été créé par l’éditeur ou il doit en être à la charge pour disposer du statut d’éditeur.

Les blogueurs sont considérés comme éditeurs, ayant le contrôle du contenu éditorial, de par la publication d’articles, ils sont considérés comme des articles en revanche il convient de distinguer les situations de modération des commentaires ou non, car la responsabilité variera en fonction du rôle jouer dans la modération.

De par son rôle actif, l’éditeur a une « parfaite » connaissance du contenu publié sur son site, il doit à ce titre exercer un contrôle du contenu, il intervient dans la création ou dans la sélection de la diffusion de celui-ci. L’éditeur a une obligation de surveillance du site, il doit donc faire en sorte d’opérer à un contrôle et empêcher la diffusion de tout contenu illicite ou contrefait. (

B) Le régime juridique de l’hébergeur

Le statut de l’hébergeur est considéré comme la personne fournissant une prestation de stockage du contenu, sans choix des contenus.

L’article 6-1-2 de la loi LCEN définit l’hébergeur comme une entité ayant pour vocation d’assurer la « mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournie par des destinataires de ces services ». (1)

L’hébergeur est donc une personne physique ou morale qui exerce une activité professionnelle ou à titre gratuit permet le stockage d’informations diverses fournies par les utilisateurs de son service, à ce titre il n’exerce pas de contrôle sur ces informations. La loi LCEN intègre par extension les réseaux sociaux, les plateformes de partage de vidéos, de forums ou de blogs comme hébergeur.

L’hébergeur n’a pas connaissance du contenu publié et assure simplement le stockage ou la mise à disposition du contenu. Ainsi, compte tenu de son rôle passif purement technique, l’hébergeur n’a pas d’obligation générale de surveillance.

L’hébergeur engage sa responsabilité civile et pénale et sa connaissance de l’hébergeur est également un élément pris en compte lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction par les juges du fonds.

II. Les régimes distincts de responsabilités

L’éditeur dispose d’un rôle actif. À ce titre il dispose d’un régime de responsabilité spécifique (A) contrairement à l’hébergeur ayant un rôle passif disposant ainsi d’un régime de responsabilité limitée (B)

A) Le régime de responsabilité des éditeurs

Au titre de leur rôle actif dans la création, gestion de contenus la responsabilité des éditeurs est plus stricte que celle des hébergeurs. L’éditeur est considéré comme responsable de tous les contenus figurant sur le site internet. Il peut donc être responsable pour ces écrits, mais également lorsque son rôle de modération n’est pas limité voir sa responsabilité engagée pour les écrits ou commentaires des visiteurs ou adhérant au site internet.

L’éditeur dispose par extension d’une obligation de vigilance lorsqu’il dispose des pleins pouvoirs de modération c’est-à-dire, la modération a priori et a posteriori. La modération a priori s’entend comme le fait de pouvoir contrôler les publications avant leur publication donc de pouvoir les supprimer avant leur publication. Le pouvoir a posteriori permet de les supprimer après leurs publications.

Il sera pleinement responsable lorsqu’il disposera du pouvoir de modération a priori en revanche sa responsabilité pourra varier lorsque cela sera a posteriori, car en fonction du contexte des fréquences de ses contrôles, le temps mis entre la publication et le retrait de celui-ci, la prise en compte d’une notification sur le caractère illicite ou contrefait de la publication.

L’article93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle précise qu’« Au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal ,lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public. » (2)

B) Une responsabilité limitée pour les hébergeurs

Les hébergeurs disposent d’un rôle passif à ce titre leur responsabilité s’en retrouve limitée. Les hébergeurs n’ont pas l’obligation générale de surveillance des contenus présents sur leurs sites internet.

Les hébergeurs ne sont pas responsables pénalement et civilement des contenus publiés sur internet. En revanche lorsque l’hébergeur est notifié d’un contenu illicite ou contrefaisant s’il ne retire pas celui-ci il peut-être responsable.
La procédure de notification est prévue à l’article 6-1-5 de la LCEN. (3)

Le régime est applicable dès lors que l’hébergeur dispose d’un rôle actif dans la connaissance ou le contrôle de données stockées, une décision de la CJUE du 23 mars 2010 Google Adwords a considéré le service de référencement n’était ni contrefacteur, ni complice d’actes de contrefaçon. (4)

La sélection des contenus, le choix et la mise en ligne ainsi, que la vérification et détermination du contenu permettent de différencier le rôle actif ou passif de l’hébergeur pour engager la responsabilité des hébergeurs.

Dans un arrêt rendu par la cour de cassation du 17 février 2011 arrêt Dailymotion, la haute juridiction a permis d’identifier l’hébergeur actif comme jouant un rôle dans la rationalisation de l’organisation du service dans le but d’en faciliter l’accès. (5)
Il faut en déduire que le fait de mettre en évidence certains contenus autrement que par un algorithme permettant le classement automatique basé sur des critères neutres alors il pourra risquer de voir sa responsabilité engagée en étant de fait considéré comme éditeur.

L’hébergeur peut ainsi, être tenu responsable dès lors qu’il avait connaissance du contenu hébergé, qu’il en connaissait le caractère manifestement illicite et que malgré tout cela il ne retire pas ce contenu après notification.

Un arrêt rendu récemment par le Tribunal de grande instance de Paris en date du 28 juin 2019, a estimé que la plateforme Cdiscount consacrée au e-commerce, ne tenait pas un rôle actif dans la gestion des annonces publiées et leur contenu. Le TGI de paris a considéré que Cdiscount avait le statut d’hébergeur. (6)

En l’espèce en 2016 la société JAC avait envoyé deux lettres de mise en demeure à Cdiscount avant l’assignation en contrefaçon et concurrence déloyale après la découverte de sacs à dos en provenance de Chine et présentés sur le site Cdiscount comme des modèles « Padded » de la marque Eastpak.

Le site Cdiscount ayant immédiatement retiré les annonces litigieuses suite aux mises en demeure de la société JAC, ne pouvait voir engager pour ne pas avoir retiré ou rendu impossible l’accès aux contenus illicite ou contrefait en cause après notification.

La situation des hébergeurs pourrait être amenée à évoluer dans les prochaines législations imposant ainsi davantage d’obligation plus active permettant la protection des consommateurs, mais également les titulaires de droits de propriété intellectuelle contre la promotion, commercialisation et diffusion de contenus et de produit contrefaisants.

C) La responsabilité de l’hébergeur en cas de contrefaçon d’un dessin ou modèle 

La question de la responsabilité de l’hébergeur a été traité dans un jugement du 15 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Marseille a refusé de mettre en œuvre la responsabilité d’une plateforme qui avait hébergé un photomontage contrefaisant deux logos déposés à l’Inpi en tant que dessins : l’auteur aurait dû alerter la plateforme du contenu illicite hébergé avant de procéder à la saisie-contrefaçon.

La société Art Majeur propose un service de plateforme de publication d’images dont elle ne contrôle pas le contenu. Un artiste amateur y avait publié un photomontage réalisé en mêlant son portrait, des drapeaux américains et deux logos protégés en tant que dessins, déposés à l’Inpi. Une saisie-contrefaçon a été pratiquée par l’ayant-droit mais ce dernier n’a pas alerté la plateforme qu’il s’agissait d’une copie, avant d’effectuer cette opération.

Dès lors, la société Art Majeur, en qualité d’hébergeur, n’encourt aucune responsabilité civile du fait de la publication sur sa plateforme du photomontage contenant un logo contrefait. Il aurait dû adresser un message ou un courrier recommandé contenant tous les éléments prévus par l’article 6 I.5 de la loi du 21 juin 2004 à la société Art Majeur dont les coordonnées figuraient dans les mentions légales du site

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SOURCES :

https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2004/6/21/ECOX0200175L/jo/article_6
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?cidTexte=JORFTEXT000000880222&idArticle=LEGIARTI000006420092&dateTexte=&categorieLien=cid
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006070722&idSectionTA=LEGISCTA000006089707&dateTexte=&categorieLien=cid
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;jsessionid=36D9E92BD0FD0FE56B91B1DD6FA4D229.tplgfr31s_1?idArticle=LEGIARTI000037526491&cidTexte=LEGITEXT000005789847&dateTexte=20191120
http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9E1F11AA9236B31077AA35C7831563F6?text=&docid=83961&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=2948030
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/165_17_19033.html
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-paris-3eme-ch-2eme-sec-jugement-du-28-juin-2019/
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-paris-3eme-ch-2eme-sec-jugement-du-28-juin-2019/
https://www-dalloz-fr.bibelec.univ-lyon2.fr/documentation/Document?ctxt=0_YSR0MD1yZXNwb25zYWJpbGl0w6kgZGVzIGjDqWJlcmdldXJzwqd4JHNmPXNpbXBsZS1zZWFyY2g%3D&ctxtl=0_cyRwYWdlTnVtPTHCp3MkdHJpZGF0ZT1GYWxzZcKncyRzb3J0PSNkZWZhdWx0X0Rlc2PCp3Mkc2xOYlBhZz0yMMKncyRpc2Fibz1UcnVlwqdzJHBhZ2luZz1UcnVlwqdzJG9uZ2xldD3Cp3MkZnJlZXNjb3BlPUZhbHNlwqdzJHdvSVM9RmFsc2XCp3Mkd29TUENIPUZhbHNlwqdzJGZsb3dNb2RlPUZhbHNlwqdzJGJxPcKncyRzZWFyY2hMYWJlbD3Cp3Mkc2VhcmNoQ2xhc3M9&id=ENCY%2FCIV%2FRUB000315%2F2013-10%2FPLAN080
https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-judiciaire-de-marseille-1ere-ch-civile-jugement-du-15-septembre-2022https://www-dalloz-fr.bibelec.univ-lyon2.fr/documentation/Document?ctxt=0_YSR0MD1yZXNwb25zYWJpbGl0w6kgZGVzIGjDqWJlcmdldXJzwqd4JHNmPXNpbXBsZS1zZWFyY2g%3D&ctxtl=0_cyRwYWdlTnVtPTHCp3MkdHJpZGF0ZT1GYWxzZcKncyRzb3J0PSNkZWZhdWx0X0Rlc2PCp3Mkc2xOYlBhZz0yMMKncyRpc2Fibz1UcnVlwqdzJHBhZ2luZz1UcnVlwqdzJG9uZ2xldD3Cp3MkZnJlZXNjb3BlPUZhbHNlwqdzJHdvSVM9RmFsc2XCp3Mkd29TUENIPUZhbHNlwqdzJGZsb3dNb2RlPUZhbHNlwqdzJGJxPcKncyRzZWFyY2hMYWJlbD3Cp3Mkc2VhcmNoQ2xhc3M9&id=DZ%2FPRAXIS%2FCYBERDROIT%2F2019%2FL06-T62-C622%2FPLAN%2F0002

 

LES MOTEURS DE RECHERCHE SONT-ILS RESPONSABLES DE LEURS CONTENUS ?

L’arrivée d’internet, a bouleversé les habitudes des Français, mais pour permettre une bonne utilisation de ces nouveaux outils, il a fallu mettre en place des moteurs de recherche afin de faciliter la navigation sur la toile.

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Le principe d’un moteur de recherche est qu’il parcourt systématiquement les pages en accès public, que l’on appelle « le crawling ». Ensuite, il indexe ces pages, c’est-à-dire qu’il extrait des mots clés de chacune des pages, et en conserve une copie, ce qu’on appelle le cache. Il faut savoir que chaque moteur de recherche a ses propres règles pour classer les pages.

Ainsi, la popularité d’une page, le « page ranking », dépend de plusieurs critères : le nombre d’internautes cliquant sur ce lien lorsqu’il leur est proposé, le nombre de pages pointant vers cette page, et éventuellement de la monétarisation d’un mot clé. En effet, une entreprise peut acheter auprès du moteur de recherche, un ou plusieurs mots clés de manière à améliorer son classement, et par conséquent, avoir plus de visibilité.

Les moteurs de recherches conservent des informations sur les dates de vos visites, les mots-clés que vous entrez et les liens sur lesquels vous cliquez. De ce fait, ils conservent ces informations pour une durée minimum de 6 mois, pour toutes vos recherches et pour tous les internautes (1).


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Cependant ces moteurs de recherches peuvent nous conduire vers des sites non désirés sur lesquels des infractions ou encore des crimes sont commis. La particularité, c’est que ces contenus illicites sont visibles sur les moteurs de recherche, à l’inverse des sites présents sur le darkweb.

Le Dark Web est, selon le site bigdata.fr, la partie cachée du web, sur laquelle s’organise un vaste trafic de biens et services illégaux. Le web est divisé en deux parties : d’abord la partie visible sur les moteurs de recherche, qui ne représente que 3 à 4% des informations disponibles sur internet, ensuite, la seconde partie, appelée « Deep Web » ou « Dark Web », et l’on y trouve le contenu qui n’est pas indexé sur les moteurs.

En effet,  internet regorge de plusieurs sites, populaires ou non, désirés ou pas. Dans la vie  » réelle « , lorsqu’un délit ou un crime sont commis nous recherchons toujours un responsable. Lorsque ces infractions ou crimes sont commis en ligne nous faisons de même : nous recherchons toujours des responsables afin que ces crimes ou infractions cessent tout d’abord et que les auteurs de ceux-ci soient punis. Les moteurs de recherche sont-ils responsables de leur contenu ?

I – Les cas où la responsabilité du moteur de recherche peut être engagée

TGI Paris, référé, 12 mai 2003, Lorie c/ M. G.S. et SA Wanadoo Portails

Au cas présent, la demanderesse, Mademoiselle LP, dite Lorie, assigne Monsieur GS et la société Wanadoo pour son moteur de recherche « Voilà.fr ».

La demanderesse se base sur l’article 9 du code civil pour, d’abord, demander la fermeture du site de Monsieur GS dans lequel figure des poses obscènes et dégradantes d’elle. Ensuite, elle souhaite demander le déréférencement du site sur le moteur de recherche Voilà.fr. En effet, la problématique étant que ces moteurs de recherche peuvent indexer des pages au contenu illicite. Peut-on engager la responsabilité d’un moteur de recherche ? Sur quels fondements peut-on l’engager ?

Google, comme tous les autres intermédiaires, ne sont juridiquement pas responsables tant qu’ils restent neutres. L’Union européenne a adopté un texte concernant les intermédiaires techniques, au travers de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, qui a été transposée en droit français grâce à la loi pour la confiance dans une économie numérique, du 21 juin 2004 (la « LEN »).

C’est toujours ces textes qui s’appliquent pour Google, Facebook, Twitter, etc. En matière d’intermédiaires sur Internet, la loi a posé le principe selon lequel l’éditeur est responsable du contenu (texte, images, etc.) du contenu (site, forum, serveur, etc.) qu’il gère.

Par ailleurs, l’intermédiaire technique n’est pas responsable du contenu qu’il héberge ou traite, ou transporte, sauf si un tiers lui notifie valablement un contenu illicite. En effet, un intermédiaire technique est celui que l’on connaît, aujourd’hui, comme « l’hébergeur ». Ce dernier est une personne physique ou morale qui assure, la mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournit par des destinataires de ces services (2).

Depuis la loi AVIA de 2020, les hébergeurs et les FAI sont responsables s’ils ont pris connaissance du contenu illicite et qu’il n’y a pas eu de retrait. La sanction peut aller jusqu’à 250000 euros d’amende.

Il faut savoir qu’en droit français il existe un droit à l’effacement numérique ou un droit à l’oubli. C’est le droit de demander à un organisme la suppression d’une donnée à caractère personnel vous concernant. Ce droit est différent du droit au déréférencement. En effet, selon une décision en date du 13 mai 2014 (CJUE Google Spain c/ AEPD du 13 mai 2014, la Cour de Justice a considéré qu’une personne physique pouvait obtenir le déréférencement de certains liens vers des pages web de la liste des résultats obtenue à partir d’une recherche sur le moteur de recherche de Google à partir de son nom, auprès de la société du même nom, responsable d’un traitement de données personnelles résultant de l’activité de son moteur de recherche. En vertu de cette décision, la demande de déréférencement doit être adressée au responsable du traitement qui en examine le bien-fondé et le cas échéant procède à l’effacement demandé. Si le responsable du traitement ne donne pas suite, la personne concernée peut saisir l’autorité judiciaire

Ici, Lorie a mis en demeure la société Wanadoo de déréférencer le site. Bien que connaissant l’auteur du site, elle n’a agi que vis-à-vis du moteur de recherche. La société Wanadoo a déréférencé le site dès la connaissance du contenu du site litigieux. Le tribunal énonce que le professionnel est à la charge d’une obligation de surveillance et de « suppression de la référence au site dès lors qu’elle n’a pu qu’avoir eu connaissance du caractère manifestement illicite de son contenu ».

Concernant le droit à l’effacement numérique, le tribunal judiciaire de Paris (ancien tribunal de grande instance) a fait condamner Google à supprimer l’affichage dans Google Images , pendant cinq ans, neuf photos attentatoires à la vie privée du demandeur.

En l’espèce, le demandeur demandait le retrait, et la cessation de l’affichage sur les pages de résultats du moteur de recherche Google Images de neuf images extraites d’une vidéo représentant le demandeur dans des scènes d’intimité sexuelle, et antérieurement publiées par un journal britannique. La diffusion de ces images avait donné lieu à trois condamnations judiciaires en France et au Royaume-Uni. Ensuite, Google, qui avait fait droit aux premières demandes de retrait, avait refusé de supprimer les images qui réapparaissaient quotidiennement. Google estimait que les mesures d’interdiction et de surveillance sollicitées se heurtent aux exigences de l’article 10 de la CEDH.

Le Tribunal soutient que la mesure sollicitée de retrait et d’interdiction pour l’avenir des neuf clichés photographiques provenant d’un délit pénal et déjà jugés attentatoires à la vie privée du demandeur, entre largement dans le cadre de la responsabilité des intermédiaires techniques. En ce sens, le tribunal observe que la condition de proportionnalité est « parfaitement remplie », au regard de l’obligation positive qui pèse sur la France de faire respecter le droit du demandeur au respect de sa vie privée et, d’autre part, de l’impossibilité où se trouve celui-ci de faire respecter ce droit en n’usant que des seules procédures mises à sa disposition par Google.

Par ailleurs, la mesure sollicitée est jugée poursuivre un « but légitime » en ce qu’elle vise sinon à supprimer les atteintes au moins à en réduire sensiblement leur portée, et « nécessaire dans une société démocratique » au sens de l’art. 10 par. 2 CEDH, l’illicéité des images ayant été judiciairement constatées

En conséquence, le tribunal  a fait injonction, sous astreinte, à Google de retirer et de cesser l’affichage sur Google Images, accessible en France, des neuf images litigieuses pendant cinq ans à compter de l’expiration d’un délai de deux mois suivants la signification du jugement (3).

Par ailleurs, selon la doctrine, la responsabilité du moteur de recherche peut, également, être engagée dans l’hypothèse où les mots « suspects » seraient écartés dans l’indexation effectuée par le robot. Donc, les pages web contenant ce terme seraient écartées, seulement, les sites qui traiteraient éventuellement des problèmes ou apporteraient des solutions, par exemple pour lutter contre certains phénomènes seraient également écartés (si le moteur élimine les pages contenant le mot « pédophile », il écarte alors automatiquement les sites d’associations luttant contre ce fléau).

Techniquement, il est possible pour un robot d’être programmé pour exclure certains termes. Cependant, il lui est impossible de prendre connaissance du contenu du site. Certains auteurs sont « pour » que les moteurs de recherche retirent « tous les mots clefs illicites à connotation pédophiles, racistes… ». Ils proposent même une sorte de filtre tout comme les logiciels de filtrage parental.

II – Les cas où la responsabilité du moteur de recherche est exclue

Les hébergeurs ne sont juridiquement pas responsables tant qu’ils restent neutres. En effet, l’article 14 de la directive 2000/31 précise que les hébergeurs ne sont pas responsables dès lors qu’ils n’avaient pas connaissance des contenus illicites publiés sur leurs sites et dès lors qu’ils ont agi promptement pour retirer ces contenus manifestement illicites. La raison de cette irresponsabilité de principe est qu’un intermédiaire ne peut pas tout surveiller et tout vérifier. Ainsi, Google ne peut pas vérifier la validité et la licéité de tous les sites que son robot référence.

C’est en ce sens que la Cour d’appel de Paris a , par un arrêt du 19 mars 2009, rappelé l’irresponsabilité des moteurs de recherche dès lors qu’ils sont neutres. En l’espèce, une société avait assigné Google et Yahoo en se plaignant du référencement naturel d’un site la dénigrant, leur reprochant de ne pas avoir vérifié le contenu du site. Les moteurs se sont défendus en soulignant qu’ils procédaient un référencement de manière automatique, sans aucun contrôle a priori sur leurs robots, et ne pouvaient en conséquence maîtriser le référencement.

La Cour a rejeté la responsabilité de Google et Yahoo en précisant que ces moteurs n’avaient pas à vérifier le contenu de chaque site et à assurer de leur conformité à la loi.

La Cour a, ainsi conclu que le caractère automatique des résultats affichés et l’absence de toute analyse de contenu excluent une intention de nuire ou délictueuse, que ce soit de diffamer ou de dénigrer. En conséquence, le caractère automatique du référencement naturel et la neutralité de celui-ci permettent d’échapper à toute responsabilité naturelle. Ce principe d’irresponsabilité n’a pas été remis en cause, de manière significative, depuis près de 20 ans.

Dans une autre affaire, et suivant cette même logique, une personne qui avait été impliquée dans une affaire de corruption de mineure avait assigné le moteur de recherche Google en diffamation au motif que lorsqu’il effectuait une recherche sur son patronyme par le biais des fonctionnalités « Suggest et Recherches associées », apparaissaient les termes « viol », « condamné », « sataniste » ou « prison » associés à ses noms et prénom. Infirmant le jugement de première instance, la cour d’appel a fait bénéficier le directeur de la publication de Google Inc. de l’excuse de bonne foi et l’a débouté de toutes ses demandes.

L’intéressé a formé un pourvoi en cassation. La Cour rejette le pourvoi, estimant que c’est à bon droit que les critères de prudence dans l’expression et de sérieux de l’enquête se trouvaient réunis au regard d’un procédé de recherche dont la fonctionnalité se bornait à renvoyer à des commentaires d’un dossier judiciaire publiquement débattu. De même, la cour d’appel a relevé que la société Google France sollicitait à bon droit sa mise hors de cause dès lors qu’elle n’avait pas de responsabilité directe dans le fonctionnement du moteur de recherche ni dans le site google.fr et qu’elle n’était pas concernée par l’élaboration des items incriminés.

Par ailleurs, un moteur de recherche qui insère un avertissement dans ses résultats ne peut pas être responsable. Ne constitue pas un trouble illicite le fait, par un moteur de recherche qui a détecté que la visite d’un site peut endommager un ordinateur (virus, espiogiciel…), d’en avertir ses utilisateurs.

En l’espèce, le moteur américain avait détecté que, lors de la connexion à certaines pages des sites exploités par les sociétés demanderesses, pouvait se déclencher automatiquement l’installation d’un logiciel destiner à couper la connexion d’un internaute à son insu, pour le diriger vers des numéros téléphoniques surtaxés. Dès lors, le moteur était attaqué pour avoir choisi de faire figurer divers avertissements sur ce risque en regard des liens menant vers ces sites. Le moteur pouvait-il faire des avertissements sur ce risque ?

Le juge a répondu qu’il n’existe pas de caractère illicite du trouble allégué. En d’autres termes, le moteur pouvait librement faire des avertissements, c’est le résultat de leur liberté éditoriale, comme l’a reconnu implicitement le Conseil de la concurrence (9 juin 2000).

De la même façon qu’ils peuvent librement référencer ou non des sites existants, ils peuvent avertir les utilisateurs -sauf bien sûr à engager, en cas d’excès, leur responsabilité sur le fondement du droit de la presse, ou du droit commun. La Cour estime, donc, que le contenu stigmatisé par le moteur présentait un caractère à tout le moins douteux. Aussi est-il estimé qu’il n’était pas fautif d’assortir le lien vers un tel contenu d’un avertissement.

Pour lire une version plus complète de cet article sur la responsabilité des moteurs de recherche, cliquez

SOURCES :

  • https://www.cnil.fr/fr/les-moteurs-de-recherche
  • Art 6 al I. 2 loi 21 juin 2004 pour la confiance dans une économie numérique + Article 14 de la directive 2000/31
  • Tribunal de Grande Instance de Paris, 6 novembre 2013, n° 11/07970).
  • Paris, 14e ch. B, 25 janvier 2008, RG n° 07/13334

Rupture des relations commerciales

La rupture brutale de relations commerciales établies constitue une pratique restrictive de concurrence spécialement sanctionnée en droit français depuis une loi du 1er juillet 1996 dite « loi Galland ».

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Depuis l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, elle est visée à l’article L. 442-1, II du Code de commerce, lequel reprend, pour l’essentiel, les règles légales et jurisprudentielles établies en application de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce. Ces règles sont d’ordre public. La principale innovation issue de l’ordonnance du 24 avril 2019 tient dans l’instauration d’un délai de protection au bénéfice de l’auteur de la rupture : sa responsabilité ne peut désormais être engagée dès lors qu’il a respecté un délai de préavis de 18 mois.

L’auteur de la rupture engage sa responsabilité, non pas en raison de la rupture elle-même, mais du fait de la brutalité de cette dernière. Est donc sanctionnée la rupture qui intervient sans préavis, ou avec un préavis insuffisant au regard la durée de la relation et des autres circonstances. La responsabilité encourue est une responsabilité de nature délictuelle. Cependant, dans les litiges internationaux, les règles de conflit sont dans certains cas résolus à la lumière des dispositions applicables à la matière contractuelle.

Le contentieux relatif à la rupture brutale de relations commerciales établie relève en première instance de juridictions spécialisées et, en cause d’appel, de la seule Cour d’appel de Paris. En autres sanctions, l’auteur de la rupture brutale peut être condamné à réparer le préjudice subi par la victime du fait de la brutalité de la rupture ainsi qu’au paiement d’une amende civile sur demande du ministre chargé de l’Économie ou du ministère public.


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I. Conditions relatives à l’objet de la rupture

A) Existence d’une relation

La relation dont il est ainsi question est en effet « une notion plus économique que juridique » Cour de cassation, chambre commerciale du 9 mars 2010: décision jugeant que « des relations commerciales entre deux sociétés peuvent être établies même si elles ne sont pas liées par un contrat ou qu’elles peuvent se prolonger après la cessation de leur contrat ».

La relation au sens de ce texte s’entend de tout contrat à durée indéterminée, d’une succession de contrats à durée déterminée, d’une succession de contrats à exécution instantanée, la relation ne pouvant être d’ailleurs exclue du seul fait que les contrats sont indépendants les uns des autres et qu’ils ne s’inscrivent pas dans la mise en œuvre d’un accord-cadre.

Peut entrer dans le champ d’application du texte la rupture de relations précontractuelles. Ainsi en a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 mai 2009 dans une hypothèse de rupture de négociations en vue de la conclusion d’un contrat d’agent commercial si, en l’espèce, aucune relation contractuelle n’avait été définitivement nouée, les juges du fond ont néanmoins relevé que l’auteur de la rupture avait largement profité des prospections fructueuses de l’agent pendant 17 mois et que pendant cette période il l’avait occasionnellement présenté comme son « agent » et rupture abusive des pourparlers, celle-ci pouvant seule servir de fondement à la responsabilité de l’auteur de la rupture dès lors que les parties ne se sont pas accordées sur les éléments essentiels du partenariat (Cour de cassation, chambre commerciale du 15 mars 2017, n° 15-17.246 relevant notamment, pour juger que la victime de la rupture ne pouvait légitimement et raisonnablement anticiper la continuité de la relation dans l’avenir, que celle-ci s’inscrivait dans le cadre de pourparlers ayant pour objet de convenir de la nature et des modalités de la coopération entre les deux sociétés).

Dans un arrêt du 20 juin 2019, la Cour d’appel de Paris avait précisé que le caractère établi d’une relation est présumé dès lors que ce dernier n’est pas contesté par la victime présumée de la rupture des relations commerciales. Cette jurisprudence confirme ainsi l’existence d’une présomption quant au caractère « établi » des relations commerciales tant que la partie concernée n’a pas soulevé d’objections. (3)

B) Existence d’une relation commerciale

Selon la lettre de l’article L. 442-1, II du Code de commerce, seule la rupture d’une « relation commerciale » entre dans le champ d’application du texte. Ce critère peut être envisagé et appliqué de plusieurs manières. Dans la conception la plus stricte, la relation commerciale ferait écho à la commercialité au sens du Code de commerce. La relation commerciale serait alors celle qui se noue, de manière objective, autour de la conclusion d’un ou plusieurs des actes de commerce par nature visés aux 1 ° à 8 ° de l’article L. 110-1 du Code de commerce.

De manière subjective, la relation commerciale embrasserait les actes de commerce par accessoire au sens de l’article L. 110-1, 9 ° du même Code, la question se posant alors encore de savoir si l’auteur et la victime de la rupture doivent avoir tous deux la qualité de commerçant ou si la notion de relation commerciale peut appréhender les actes mixtes.

Cette acception littérale et étroite de la notion de relation commerciale pouvait déjà être assouplie à la lecture du premier alinéa de l’ancien article L. 442-6, I du Code de commerce qui disposait que les pratiques restrictives de concurrence sanctionnées par ce texte concernent celles dont l’auteur était « tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ». C’est donc une dimension subjective qui est ici mise en avant et qui plus est une dimension subjective qui dépasse la qualité de commerçant pour embrasser des acteurs tels que les artisans ou les agriculteurs qui, par essence, exercent une activité de nature civile.

Cette lecture de la notion de relation commerciale est entérinée par le nouvel article L. 442-1, II du Code de commerce, qui vise désormais « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ». La Cour de cassation avait déjà affirmé, précisément au double visa des articles L. 410-1 et L. 442-6 du Code de commerce, qu’une société d’assurance mutuelle dont l’activité est expressément qualifiée de non commerciale par l’article L. 322-26-1 du Code des assurances, pouvait être l’auteur d’une rupture brutale de relation commerciale établie et plus largement d’une pratique restrictive de concurrence. En effet, selon la Haute Juridiction, « le régime juridique des sociétés d’assurances mutuelles, comme le caractère non lucratif de leur activité, n’est pas de nature à les exclure du champ d’application des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence dès lors qu’elles procèdent à une activité de service ».

Sans attendre le nouveau texte, les prestataires de service avaient déjà fait leur entrée, par le soupirail de jurisprudence, dans la liste des auteurs susceptibles d’être convaincus de rupture brutale. Pour rejeter le pourvoi formé contre un arrêt d’appel qui avait écarté l’application de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce au profit d’une association, la Cour ne s’est pas fondée sur l’activité de celle-ci. Elle a en effet relevé qu’était inopérant le moyen du pourvoi reprochant à la Cour d’appel d’avoir rejeté la demande sur ce fondement alors qu’il n’était « pas allégué que l’Institut technique exerçât une activité de producteur, de commerçant, d’industriel ou de prestation de services, ou qu’il fût immatriculé au répertoire des métiers » et que, dès lors, il ne saurait être fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir écarté la responsabilité de ladite association sur la base de ce texte. La référence spontanée à l’activité de prestation de services s’inscrivait dans cette logique d’extension.

Il y a relation commerciale établie dans le « cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial ». Selon la Cour de cassation, le caractère établi est révélé par « la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale ».

Une certaine durée de la relation est un élément essentiel, mais non suffisant pour caractériser une relation établie. Corrélativement, une durée trop courte peut naturellement être disqualifiante. La Cour de cassation a ainsi jugé que n’était pas établie au sens de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce une relation qui n’avait duré que « quelques mois ». Il en va de même, a fortiori, d’une relation qui a été rompue d’au bout d’un mois (CA Paris, 13 mai 2016, n° 14/06140.

La  Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 31 mars 2021, a énoncé qu’un fournisseur de matériel dentaire ne peut pas bénéficier des dispositions relatives à la rupture brutale des relations commerciales dans ses relations avec un cabinet de chirurgiens-dentistes.

En l’espèce, un cabinet de chirurgiens-dentistes avait rompu ses relations commerciales avec un fournisseur de matériel dentaire. Ce dernier, s’estimant lésé, se fonde sur l’article L.442-6 du Code de commerce dans sa demande en paiement de dommages et intérêts devant le tribunal.

La Cour rappelle, en premier lieu, que l’article L.442-6 sanctionne et engage la responsabilité de tout commerçant, industriel, producteur ou personne immatriculée au répertoire des métiers ayant rompu brutalement une relation commerciale établie. Or, la Cour rajoute en second lieu, qu’en vertu de l’article R. 4127-215 du code de la santé publique, la profession dentaire « ne doit pas être pratiquée comme un commerce »

De ce fait, aucune relation commerciale n’existe entre les deux parties et, par conséquent, l’article L.442-6 du Code de commerce n’est pas applicable.

II. Conditions relatives aux circonstances de la rupture

A) Rupture brutale

En sanctionnant le fait « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie », l’article L. 442-1, II du Code de commerce a un domaine d’application très vaste. La rupture peut tout d’abord, bien entendu, être totale. Il en est ainsi de la résiliation d’un contrat à durée indéterminée, de la résiliation anticipée d’un contrat à durée déterminée ou encore au non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée arrivé à terme.

Mais la rupture contrôlée sur le fondement de ce texte peut donc, ensuite, n’être que partielle. Cette hypothèse nourrit l’essentiel de la jurisprudence sur la question. Il s’agit alors, dans le cadre d’une relation commerciale qui, par ailleurs, perdure, de déterminer les évènements qui constituent une rupture partielle de ladite relation. Autrement dit, la difficulté réside ici dans l’identification du seuil à partir duquel la décision unilatérale de l’une des parties, sans mettre un terme pur et simple à la relation commerciale, bouleverse à ce point son économie générale qu’elle est constitutive d’une rupture, fusse-t-elle simplement partielle. Cette idée de seuil s’exprime parfois à travers l’exigence d’une modification qu’ils qualifient de « substantielle ».

De surcroît, la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 mars 2019, affirme que : « l’absence de stabilité de la relation, exclusive d’une croyance légitime en leur continuité » entrave à la qualification de la relation commerciale d’établie et ne permet donc pas de sanctionner l’auteur de la dénonciation du contrat sur le fondement de la rupture brutale.

Ainsi, la seule baisse des chiffres d’affaires de la victime de la rupture des relations commerciales n’est pas suffisante à caractériser le caractère brutal de ladite relation. En effet, le demandeur doit démontrer dans quelle mesure cette rupture est brutale. (2)

B) Rupture brutale injustifiée

Il est des circonstances qui peuvent, en amont, écarter la qualification de rupture brutale. Tel est le cas, on l’a expliqué, de la baisse ou de l’interruption des commandes qui, loin d’être délibérée, ne sont que la résultante, par ricochet, de la propre diminution d’activité du donneur d’ordre. Puis il en est d’autres qui, la rupture brutale étant pourtant avérée sont, telles des causes d’exonération de responsabilité et alors que les conditions de cette dernière sont pourtant réunies, de nature à écarter la responsabilité de l’auteur de la rupture. Ces causes d’exonération sont, elles, d’origine légale. L’article L. 442-1, II du Code de commerce énonce en effet deux circonstances dans lesquelles une rupture sans préavis ne peut être sanctionnée.

Selon le texte en effet, « les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. La victime peut ainsi se voir opposer sa propre faute ou la force majeure. On relèvera d’ailleurs ici que, contrairement au droit commun. La faute de la victime — qui réside ici dans l’inexécution de l’obligation — sera d’une certaine manière totalement exonératoire de responsabilité sans avoir à réunir les caractéristiques de la force majeure.

Il convient de citer à cet effet, l’arrêt de la Cour de cassation du 27 mars 2019 cité précédemment, dans lequel la Cour avait énoncé également que le non-paiement des factures de son partenaire constituait un manquement suffisamment grave qui justifie ainsi la rupture immédiate des relations commerciales, et ce, sans préavis. (2)

Pour ce qui est de l’exigence d’un manquement grave – Bien que le texte ne mentionne que l’inexécution par l’autre partie de ses obligations, la jurisprudence a considéré que cette circonstance devait être entendue strictement, sauf à vider le mécanisme de sa substance. La rupture brutale ne peut en effet intervenir sans préavis qu’à la condition que le manquement reproché au partenaire évincé soit un manquement d’une certaine gravité. S’il s’agit d’un contrat en cours d’exécution, la gravité du manquement doit être telle qu’elle justifie la résiliation unilatérale et immédiate du contrat. Au surplus, dès lors que les manquements reprochés ont déjà fait l’objet d’une réparation, les juges du fond doivent rechercher si cette réparation n’est pas de nature à retirer à ces manquements leur caractère de gravité.

La qualification de l’inexécution est d’autant plus essentielle que l’exigence relative à la gravité du manquement est à double tranchant. Si le manquement est grave, la rupture brutale n’engage pas la responsabilité de son auteur. En revanche, si le manquement en cause n’atteint par le seuil de gravité requis, il ne peut être pris en considération notamment pour diminuer le délai de préavis dû à la victime, reprochant à la Cour d’appel d’avoir privé sa décision de base légale en s’abstenant de rechercher “s’il n’y avait pas de manquement grave [de la victime] à ses obligations contractuelles justifiant la rupture des relations commerciales sans préavis ou si, en l’absence d’un tel manquement, un délai de préavis de trois mois était suffisant”. L’appréciation de la gravité du manquement relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Il n’en demeure pas qu’ils doivent, dans leur motivation, caractériser la gravité du manquement. Une Cour d’appel ne peut ainsi se fonder sur la seule circonstance qu’un objectif de chiffre d’affaires n’a pas été réalisé, sans préciser en quoi cela constitue un manquement suffisamment grave.

En ce qui concerne la cause d’exonération – L’article L. 442-1, II du Code de commerce dispose ensuite, que la force majeure constitue, conformément au droit commun de la responsabilité — la précision peut donc paraître surabondante — exonérer l’auteur de la rupture. Il faut alors traditionnellement que l’évènement soit imprévisible, irrésistible et extérieur à la personne qui s’en prévaut. L’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile propose, dans son article 1253, une définition autonome et souple de la force majeure en matière extracontractuelle, matière sous l’angle de laquelle les juges français appréhendent traditionnellement ce contentieux.

Selon ce texte, “en matière extracontractuelle, la force majeure est l’événement échappant au contrôle du défendeur ou de la personne dont il doit répondre, et dont ceux-ci ne pouvaient éviter ni la réalisation ni les conséquences par des mesures appropriées”.

Il est important de préciser que la jurisprudence a produit une liste de critères permettant d’évaluer la durée nécessaire de préavis. Ces critères se résument au volume du chiffre d’affaires réalisé, à la notoriété du client, au secteur en question, à la durée de la relation commerciale entre les parties, à l’absence de dépendance économique du fournisseur, au caractère saisonnier du produit, au temps nécessaire à la reprise des relations commerciales avec un tiers et à la durée minimale des préavis par référencement aux usages de commerce. (4)

III. Sanctions de la responsabilité

A) Cessation de la pratique

Toute personne justifiant d’un intérêt, autrement dit la victime, ainsi que le ministre chargé de l’Économie et le ministère public peuvent solliciter du juge la cessation de la pratique illicite.

La continuation de la relation, le cas échéant en référé et sous astreinte. Rapportée à l’hypothèse de la rupture brutale, cette cessation consiste dans le maintien de la relation commerciale nonobstant sa rupture. Cette continuation est le plus souvent sollicitée en référés.

L’ancien article L. 442-6, IV du Code de commerce prévoyait que le juge des référés pouvait, au besoin sous astreinte, ordonner la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire. La formule est reprise dans le nouvel article L. 442-4, II, alinéa 3. Même en présence d’une contestation sérieuse (CPC, art. 873), le président du Tribunal peut donc ordonner la continuation de relation commerciale, et ce sous astreinte dès lors qu’il existe un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite.

B) Réparation

L’impérativité de l’article L. 442-1 nouveau du Code de commerce n’interdit pas aux parties de transiger sur les conséquences de la rupture brutale. Ainsi, selon la Cour de cassation, “si l’article L. 442-6 I 5 ° institue une responsabilité d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent renoncer, il ne leur interdit pas de convenir des modalités de la rupture de leur relation commerciale, ou de transiger sur l’indemnisation du préjudice subi par suite de la brutalité de cette rupture”.

Auteur de la demande de réparation – Depuis l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 et la nouvelle rédaction de l’article L. 442-4 du Code de commerce, seule la personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander réparation du préjudice subi du fait de rupture brutale. Contrairement à ce que prévoyait l’ancien article L. 442-6, III du Code de commerce, le ministre chargé de l’Économie et le ministère public ne peuvent donc plus formuler une telle demande de réparation.

Conditions de la réparation. Preuve d’un préjudice en lien direct avec la brutalité de la rupture – La brutalité de la rupture d’une relation commerciale établie n’ouvre pas nécessairement droit à réparation au profit de la victime. Encore faut-il que cette dernière rapporte la preuve que le préjudice existe, et qu’il entretient un lien direct avec le fait générateur de responsabilité délictuelle, à savoir la brutalité de la rupture et non la rupture elle-même.

Preuve d’un préjudice – La rupture brutale de relations commerciales établies, bien qu’illicite, ne crée pas nécessairement un préjudice pour le partenaire délaissé. Il revient donc à ce dernier, en premier lieu, de rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice. Doit être ainsi rejetée la demande en réparation de la société qui ne démontre ni le montant du chiffre d’affaires perdu depuis la rupture ni l’atteinte à son image de marque.

La réparation a vocation à compenser le dommage subi non du fait de la rupture elle-même, mais du fait de la brutalité de la rupture. Ainsi, selon la Cour de cassation, “seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non la rupture elle-même”. Plus encore, le dommage doit être la conséquence directe de la brutalité de la rupture.

Dès lors, les dommages qui résultent de la rupture elle-même ne sont pas réparables sur le fondement de l’article L. 442-1 du Code de commerce. Ainsi du coût des licenciements économiques consécutifs de la perte d’un marché ou encore de la perte partielle d’un fonds de commerce. Si le préjudice souffert est consécutif à la rupture elle-même, les plaideurs devront alors à agir non sur le fondement de l’article L. 442-1, II du Code de commerce, mais sur le terrain du droit commun de la responsabilité contractuelle pour rupture abusive pour peu la rupture soit fautive.

Pour lire une version plus détaillée de cet article sur la rupture des relations commerciales, cliquez

SOURCES :

  • (1) : Cass. com., 31 mars 2021, nº 19-16.139
    (2) : Cass. com., 27 mars 2019, 17-18.047
    (3) : CA Paris, 20 juin 2019, n° 17/0274
    (4) : Cass, com., 20 juin 2018, n° 16-24.163 ; Cass, com., 24 octobre 2018, n° 17-16.011, n° 17-21.807

Traitement civil et pénal du bitcoin

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Depuis quelques temps, les monnaies virtuelles et surtout le Bitcoin sont de plus en plus utilisées comme moyen de paiement ou comme instruments de spéculation. Les pouvoirs publics se saisissent depuis peu de cette question qui implique des croisements entre divers domaines du droit. Si la nature juridique des monnaies virtuelles est incertaine, les dangers qu’elles engendrent sont nombreux.

 Les monnaies virtuelles, à l’instar du bitcoin créé en 2009 par une équipe de programmeurs (sous le pseudonyme de Satoshi Nakatomo), connaissent un essor rapide. Il s’agit d’une unité de compte virtuelle stockée sur un support électronique permettant aux utilisateurs d’échanger entre eux des biens et des services sans avoir à recourir à la monnaie légale. Les bitcoins sont acquis soit gratuitement en contrepartie d’une participation au fonctionnement du système, soit à titre onéreux sur des plateformes internet créées afin de permettre l’achat et la vente de bitcoins contre de la monnaie ayant cours légal. Ces plateformes d’échanges permettent ainsi  aux usagers n’ayant pas participé au processus de création d’acquérir cette monnaie.

Les monnaies virtuelles sont ainsi une réalité. Elles ont d’abord un intérêt pratique, car elles offrent des possibilités de transactions à coût plus faible que les services de paiement classiques. Mais leur statut légal peine à voir le jour (I) tant leur utilisation s’avère risquée (II).

I. L’appréhension des monnaies virtuelles

Malgré une définition juridique dont les contours semblent flous (A) le traitement du bitcoin à travers les voies du droit commun s’impose (B).

A) Une qualification juridique indéterminée

L’expression « monnaie virtuelle », même largement utilisée, n’a pas de contenu juridique. En droit, ne peut être une monnaie que celle créée par l’État ou sous son autorité. Elle se caractérise par son pouvoir libératoire, qui permet d’éteindre les obligations libellées en monnaie.

La Banque de France a réalisé une note en date du 5 décembre 2013 qui a le mérite de commenter le statut juridique du bitcoin en droit français. Elle relève que la qualification de monnaie électronique ne peut être retenue, en l’état des textes, car elle ne représente pas une créance sur l’émetteur, elle n’est pas émise contre la remise de fonds, au sens de la directive monnaie électronique 2 (DME2) du 16 septembre 2009 et elle n’est pas assortie d’une garantie légale de remboursement. Les monnaies virtuelles ne sont pas non plus des instruments de paiement tels que définis par l’article L.133-4 c) du code monétaire et financier même si elles peuvent en remplir la fonction économique sur une base conventionnelle et privée. Par ailleurs, les monnaies virtuelles n’entrent également dans aucune des catégories des instruments financiers telles définies par l’article L.211-1 du code monétaire et financier.


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En France, seul l’euro bénéficie d’une reconnaissance légale en vertu de l’article L. 111-1 du Code monétaire et financier. La monnaie virtuelle ne dépend pas d’un État ou d’une banque centrale, mais relève d’un réseau décentralisé. Son effet libératoire n’est que conventionnel et il n’est pas possible d’imposer un paiement en bitcoin en dehors de la communauté d’utilisateurs.

Cela étant, la loi récente du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) a introduit un premier cadre juridique pour les crypto-actifs en France. Le nouvel article L. 54-10-1 du Code monétaire et financier reconnait les actifs numériques que ce soit sous forme de cryptomonnaie ou de jetons.

En outre, une décision récente du Tribunal de commerce de Nanterre, rendue le 26 février 2020, introduit de nouveaux éléments inhérents à la qualification juridique du bitcoin. Sachant que le bitcoin n’est pas une monnaie légale, la première question qui se posait aux juges était de savoir si le bitcoin pouvait faire l’objet d’un prêt. La seconde question portait sur la qualification du prêt (soit un prêt à la consommation, soit un prêt à usage) dans l’hypothèse d’une réponse positive à la question précédente.

En effet, la qualification du prêt est inhérente à la nature du bitcoin.

Le tribunal a jugé que : « le BTC étant fongible et consomptible, la qualification juridique des 3 contrats de prêt de BTC signés […] est donc bien celle de prêt de consommation ». En d’autres termes, les juges qualifient les bitcoins de biens fongibles et consomptibles. (1)

En outre, le 24 septembre 2020, la Commission Européenne a proposé un premier règlement sur les actifs numériques (« Digital Finance Package»). Ce règlement dit MiCA s’inscrit dans le contexte des « crypto-monnaies » utilisant la technologie blockchain. Cette dernière délimite la notion des crypto-actifs, organise la régulation du secteur et installe des prestataires de services sur ce type de biens. (2)

Cette proposition de règlement prévoit, dans son article 3, une définition large du « crypto-actif » comme étant « une représentation numérique d’une valeur ou de droits pouvant être transférée et stockée de manière électronique, au moyen de la technologie des registres distribués ou d’une technologie similaire ». Cela dit, la définition consacrée par l’article L. 54-10-1 du Code monétaire et financier demeure plus explicite. Cet article dispose qu’ils comprennent les jetons qui sont définis, au sens de l’article L. 552-2 du même code, comme

« tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien » et les crypto-monnaies.

Le règlement est axé autour du projet MiCA qui instaure plusieurs règles qui concernent plusieurs aspects tels que la surveillance et l’autorisation des fournisseurs de services d’actifs numériques et des émetteurs de jetons référencés à l’actif et des émetteurs de jetons de monnaie électronique et la prévention des abus de marché afin de garantir l’intégrité des marchés d’actifs cryptographiques. (3)

Pour l’heure, le bitcoin relève avant tout d’une forme de troc en version numérique. Il n’a force légale dans aucun espace souverain déterminé, même si des États comme l’Allemagne lui reconnaissent le statut de « monnaie privée ».  Ainsi, si le bitcoin n’est ni une monnaie légale, ni une monnaie électronique, on pourra retenir que le bitcoin est d’abord et avant tout un mode de paiement qui doit être accepté par les utilisateurs.

B) Le traitement civil et fiscal du bitcoin

 À défaut d’un statut légal défini du bitcoin, il convient de continuer à tester le recours aux catégories du droit existantes et d’appliquer dans la mesure du possible le droit commun. Au regard du droit civil, le bitcoin peut être considéré comme un bien meuble incorporel valorisable, utilisé comme outil spéculatif, plus précisément d’un bien meuble par détermination de la loi. Ainsi, l’absence de qualification juridique permet l’application par défaut du droit commun des biens « ordinaires » notamment en terme de protection des consommateurs, d’escroquerie et de litiges commerciaux. De fait, l’absence de qualification juridique ne signifie pas qu’il existe un vide juridique.

Par ailleurs et conformément aux dispositions de l’article L. 110-1 du Code de commerce qui répute acte de commerce toute acquisition de biens meubles aux fins de les revendre, l’achat-revente de bitcoin exercée à titre habituel et pour son propre compte constitue une activité commerciale par nature dont les revenus sont taxés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC ;  art. 34 du Code général des impôts (CGI)). Les unités de compte virtuelles stockées sur un support électronique entrent dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF ; CGI, art. 885 E) et doivent ainsi figurer dans la déclaration annuelle d’ISF des redevables qui en possèdent. Enfin, les transmissions à titre gratuit (donation, succession) d’unités de compte virtuelles stockées sur un support électronique sont également soumises aux droits de mutation à titre gratuit, sous réserve de l’application de conventions internationales (CGI, art. 750 ter).

Ainsi, l’Allemagne a reconnu officiellement en août 2013 la monnaie virtuelle comme « monnaie privée ». Grâce à ce statut juridique, tous les « échanges multilatéraux » pourront être réalisés dans cette devise virtuelle en Allemagne.

En 2019, l’Allemagne a procédé à la mise en œuvre de la 5e directive anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme (5AMLD) et a défini, sa loi bancaire, la crypto-monnaie. Successivement, en 2020, les banques allemandes peuvent détenir et vendre des crypto-monnaies pour leurs clients De plus, l’administration fiscale peut désormais prélever une taxe sur toutes les transactions qui échappaient jusqu’alors à l’impôt. Les prélèvements se font à hauteur de 25% sur les bénéfices de la première année. Cela fonctionne ainsi comme la taxation sur les plus-values immobilières et les entreprises doivent intégrer un taux de TVA dans toutes leurs transactions en bitcoin.

Cela dit, depuis de la loi de finances de 2019, l’imposition des transactions en actifs numériques opère une distinction selon qu’il s’agisse d’un investisseur particulier ou professionnel. Si l’investisseur est un professionnel, il pourrait être soumis à un taux d’imposition de 70% sur la plus-value. Tandis que s’il s’agit d’un particulier, le taux d’imposition n’est que de 30%. Le législateur français a adopté un régime fiscal spécifique aux actifs numériques qui couvre les crypto-monnaies ainsi que les jetons numériques. A cet égard, la fiscalité des plus-values de cession de crypto-monnaies est en substance alignée sur la fiscalité du capital. (4)

II. La régulation des monnaies virtuelles

Même si l’utilisation des monnaies virtuelles est risquée (A) l’appréhension pénale de ces monnaies tend à se renforcer (B).

A) Une utilisation économique risquée

L’Autorité bancaire européenne (ABE) a publié un avertissement le 12 décembre 2013 concernant les risques liés aux monnaies virtuelles. En effet, selon l’Autorité, une monnaie virtuelle est une forme de monnaie numérique qui n’est pas régulée, qui n’est ni émise, ni garantie par une banque centrale. Un des risques majeurs consiste dans l’absence de protection juridique spécifique en cas de défaut ou de perte d’argent de la part de la plate-forme d’échange, ou encore d’escroquerie . De plus, les portefeuilles virtuels peuvent faire l’objet de piratage par des tiers, et leur contenu peut être volé comme pour un portefeuille classique. L’ABE attire l’attention sur le fait qu’en cas de vol, il y a peu d’espoir de pouvoir un jour récupérer les fonds perdus. Aussi, elle alerte sur  la forte volatilité du cours des monnaies virtuelles qui sont dépourvues de garantie de stabilité de leur valeur. Enfin, elle pointe le fait que l’anonymat des détenteurs de monnaie virtuelle sert de couverture à des activités illicites. En cas d’enquêtes judiciaires sur des plates-formes d’échange impliquées dans ces transactions délictueuses, celles-ci peuvent être fermées, empêchant les autres détenteurs d’avoirs de récupérer leur argent.

À ce titre, l’ABE a proposé trois piliers de stratégie visant à réguler les monnaies virtuelles. Le premier volet, « encadrement et utilisation » préconise de limiter et plafonner l’utilisation des monnaies virtuelles en tant que méthodes de paiement, de limiter et contrôler les flux espèces/monnaies virtuelles et de limiter l’anonymat des utilisateurs de monnaies virtuelles. Le second volet « régulation et coopération » met en avant la nécessité d’adapter le dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme aux risques posés par les monnaies virtuelles et les activités les utilisant ainsi que l’harmonisation de la régulation au niveau européen et international. Enfin, le dernier volet « connaissance et investigation » souligne le besoin de disposer de ressources et d’outils d’analyses adaptés ainsi que la nécessité d’effectuer un suivi des risques et des opportunités, notamment par des échanges avec les professionnels du secteur.

En outre, la cellule de renseignement financier TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers Clandestins) a aussi invité récemment les autorités à renforcer la régularisation des monnaies virtuelles et à suivre les risques qu’elles génèrent. Parmi les pistes avancées figure le plafonnement des montants susceptibles d’être réglés via une monnaie virtuelle, comme cela existe pour le numéraire, et l’obligation de communiquer son identité lors de l’ouverture d’un compte en crypto-monnaie. Les flux espèces/monnaies virtuelles pourraient être également assortis d’un contrôle d’identité. Ces préconisations ont été reprises par le ministre des Finances et devraient être mises en œuvre rapidement après un échange avec les professionnels.

B) Le traitement pénal des monnaies virtuelles

Le bitcoin a été créé pour remplir  les trois fonctions traditionnelles de la monnaie : 1) il représente une unité de compte (c.-à-d. une unité standardisée qui permet de mesurer la valeur des flux et des stocks de biens, de services ou d’actifs), 2) il facilite les transactions commerciales et 3) il permet de stocker une valeur pouvant être utilisée dans le futur.

Pour autant, le bitcoin ne peut être qualifié de monnaie ayant cours légal dans la mesure où il est possible de le refuser en paiement sans contrevenir aux dispositions de l’article R642-3 du Code pénal, qui sanctionne le refus d’accepter les billets et les pièces libellés en euros ayant cours légal. Sa mise en circulation ne violerait donc pas le monopole d’émission de la monnaie ayant cours légal des banques centrales.

L’anonymat des transferts de bitcoin, ou l’utilisation des données personnelles constituent avant tout un risque d’utilisation de cette monnaie virtuelle à des fins criminelles (vente sur internet de biens ou services illicites) ou à des fins de blanchiment ou de financement de terrorisme. S’il n’est pas possible de réguler l’émission des monnaies virtuelles, l’activité de change de bitcoin en devises ayant cours légal entre dans le champ de la réglementation. Or, la jurisprudence analyse cette activité de conversion comme la fourniture de services de paiement nécessitant un agrément d’établissement de paiement.

De façon large, l’exercice illégal, car sans agrément, de la profession de prestataire de services de paiement est réprimé par les articles L. 521-1, L.521-2 et L. 572-5 du Code monétaire et financier. Par ailleurs, ceux-ci impliquent notamment l’application des règles relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La commission des finances du Sénat suggère ainsi d’assujettir explicitement les plateformes d’échange aux dispositions de lutte anti-blanchiment.

Il existe diverses catégories d’infractions impliquant le bitcoin. La première sorte est celle où les délinquants commettent des infractions à l’aide de bitcoin ou pour s’en procurer. Cela peut ainsi viser les actes susceptibles d’être poursuivis sur le terrain de l’escroquerie visant à délester les utilisateurs de leurs bitcoin en s’attaquant à leur portefeuille électronique, et ceci, en commettant des délits informatiques divers, notamment des accès frauduleux à un système informatique (C. pén., art. 323-1) ou des entraves ou modifications frauduleuses de données (C. pén., art. 323-2 et 323-3) ou des manœuvres frauduleuses commises pour inciter les utilisateurs de bitcoins à transférer ces derniers sans réelle contrepartie.

Enfin, on peut penser à l’utilisation des monnaies virtuelles pour faire l’acquisition des biens interdits à la commercialisation. Aux États unis, en 2013, une action judiciaire conduite par le FBI et ayant mené à des arrestations a été engagée contre des fournisseurs de plates-formes de conversion soupçonnés de blanchiment d’argent et de fraude fiscale. Le 2 octobre de la même année, les autorités judiciaires américaines ont ainsi fermé le site internet SilkRoad, site d’acquisition des produits narcotiques en ligne et anonyme.

 Le second type de cas envisageable est celui dans lequel la monnaie virtuelle sert à blanchir le produit d’autres infractions classiques, notamment le trafic de stupéfiants qui produit de très nombreuses liquidités difficiles à intégrer dans l’économie légale. Ainsi, un réseau extrêmement important de blanchiment a été découvert aux États-Unis en 2013, via Liberty Reserve, société établie en 2001 au Costa Rica et qui fut à l’évidence créée pour offrir aux délinquants un outil de blanchiment efficace.

Toutefois, les monnaies virtuelles décentralisées ne sont guère de bons outils de blanchiment : certains des risques qui leur sont attachés constituent en effet des faiblesses plutôt dissuasives pour les blanchisseurs, notamment les risques de contrepartie et de liquidité, et donc de très forte volatilité (cette « monnaie » passant de 1200 dollars en octobre 2013 à 500 dollars au printemps 2014).

Le 9 décembre 2020, l’ordonnance n° 2020-1544 (prise sur le fondement de la loi PACTE) renforçant le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT) applicable aux actifs numériques a été adopté. Cette ordonnance a fait évoluer le régime juridique mis en place par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE). Elle précise les dispositions applicables aux actifs numériques dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et met conformité le cadre réglementaire national relatif aux actifs numériques avec les recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) concernant la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT) ainsi que le renforcement des mesures de lutte dans les transactions en actifs numériques contre l’anonymat. La loi PACTE complétée par l’ordonnance n°2020-1544 permettent d’assujettir professionnels du secteur des crypto-actifs aux obligations de prévention du blanchiment.(5)

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Sources :