relation commerciale

Rupture des relations commerciales

La rupture brutale de relations commerciales établies constitue une pratique restrictive de concurrence spécialement sanctionnée en droit français depuis une loi du 1er juillet 1996 dite « loi Galland ».

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Depuis l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, elle est visée à l’article L. 442-1, II du Code de commerce, lequel reprend, pour l’essentiel, les règles légales et jurisprudentielles établies en application de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce. Ces règles sont d’ordre public. La principale innovation issue de l’ordonnance du 24 avril 2019 tient dans l’instauration d’un délai de protection au bénéfice de l’auteur de la rupture : sa responsabilité ne peut désormais être engagée dès lors qu’il a respecté un délai de préavis de 18 mois.

L’auteur de la rupture engage sa responsabilité, non pas en raison de la rupture elle-même, mais du fait de la brutalité de cette dernière. Est donc sanctionnée la rupture qui intervient sans préavis, ou avec un préavis insuffisant au regard la durée de la relation et des autres circonstances. La responsabilité encourue est une responsabilité de nature délictuelle. Cependant, dans les litiges internationaux, les règles de conflit sont dans certains cas résolus à la lumière des dispositions applicables à la matière contractuelle.

Le contentieux relatif à la rupture brutale de relations commerciales établie relève en première instance de juridictions spécialisées et, en cause d’appel, de la seule Cour d’appel de Paris. En autres sanctions, l’auteur de la rupture brutale peut être condamné à réparer le préjudice subi par la victime du fait de la brutalité de la rupture ainsi qu’au paiement d’une amende civile sur demande du ministre chargé de l’Économie ou du ministère public.


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I. Conditions relatives à l’objet de la rupture

A) Existence d’une relation

La relation dont il est ainsi question est en effet « une notion plus économique que juridique » Cour de cassation, chambre commerciale du 9 mars 2010: décision jugeant que « des relations commerciales entre deux sociétés peuvent être établies même si elles ne sont pas liées par un contrat ou qu’elles peuvent se prolonger après la cessation de leur contrat ».

La relation au sens de ce texte s’entend de tout contrat à durée indéterminée, d’une succession de contrats à durée déterminée, d’une succession de contrats à exécution instantanée, la relation ne pouvant être d’ailleurs exclue du seul fait que les contrats sont indépendants les uns des autres et qu’ils ne s’inscrivent pas dans la mise en œuvre d’un accord-cadre.

Peut entrer dans le champ d’application du texte la rupture de relations précontractuelles. Ainsi en a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 mai 2009 dans une hypothèse de rupture de négociations en vue de la conclusion d’un contrat d’agent commercial si, en l’espèce, aucune relation contractuelle n’avait été définitivement nouée, les juges du fond ont néanmoins relevé que l’auteur de la rupture avait largement profité des prospections fructueuses de l’agent pendant 17 mois et que pendant cette période il l’avait occasionnellement présenté comme son « agent » et rupture abusive des pourparlers, celle-ci pouvant seule servir de fondement à la responsabilité de l’auteur de la rupture dès lors que les parties ne se sont pas accordées sur les éléments essentiels du partenariat (Cour de cassation, chambre commerciale du 15 mars 2017, n° 15-17.246 relevant notamment, pour juger que la victime de la rupture ne pouvait légitimement et raisonnablement anticiper la continuité de la relation dans l’avenir, que celle-ci s’inscrivait dans le cadre de pourparlers ayant pour objet de convenir de la nature et des modalités de la coopération entre les deux sociétés).

Dans un arrêt du 20 juin 2019, la Cour d’appel de Paris avait précisé que le caractère établi d’une relation est présumé dès lors que ce dernier n’est pas contesté par la victime présumée de la rupture des relations commerciales. Cette jurisprudence confirme ainsi l’existence d’une présomption quant au caractère « établi » des relations commerciales tant que la partie concernée n’a pas soulevé d’objections. (3)

B) Existence d’une relation commerciale

Selon la lettre de l’article L. 442-1, II du Code de commerce, seule la rupture d’une « relation commerciale » entre dans le champ d’application du texte. Ce critère peut être envisagé et appliqué de plusieurs manières. Dans la conception la plus stricte, la relation commerciale ferait écho à la commercialité au sens du Code de commerce. La relation commerciale serait alors celle qui se noue, de manière objective, autour de la conclusion d’un ou plusieurs des actes de commerce par nature visés aux 1 ° à 8 ° de l’article L. 110-1 du Code de commerce.

De manière subjective, la relation commerciale embrasserait les actes de commerce par accessoire au sens de l’article L. 110-1, 9 ° du même Code, la question se posant alors encore de savoir si l’auteur et la victime de la rupture doivent avoir tous deux la qualité de commerçant ou si la notion de relation commerciale peut appréhender les actes mixtes.

Cette acception littérale et étroite de la notion de relation commerciale pouvait déjà être assouplie à la lecture du premier alinéa de l’ancien article L. 442-6, I du Code de commerce qui disposait que les pratiques restrictives de concurrence sanctionnées par ce texte concernent celles dont l’auteur était « tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ». C’est donc une dimension subjective qui est ici mise en avant et qui plus est une dimension subjective qui dépasse la qualité de commerçant pour embrasser des acteurs tels que les artisans ou les agriculteurs qui, par essence, exercent une activité de nature civile.

Cette lecture de la notion de relation commerciale est entérinée par le nouvel article L. 442-1, II du Code de commerce, qui vise désormais « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ». La Cour de cassation avait déjà affirmé, précisément au double visa des articles L. 410-1 et L. 442-6 du Code de commerce, qu’une société d’assurance mutuelle dont l’activité est expressément qualifiée de non commerciale par l’article L. 322-26-1 du Code des assurances, pouvait être l’auteur d’une rupture brutale de relation commerciale établie et plus largement d’une pratique restrictive de concurrence. En effet, selon la Haute Juridiction, « le régime juridique des sociétés d’assurances mutuelles, comme le caractère non lucratif de leur activité, n’est pas de nature à les exclure du champ d’application des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence dès lors qu’elles procèdent à une activité de service ».

Sans attendre le nouveau texte, les prestataires de service avaient déjà fait leur entrée, par le soupirail de jurisprudence, dans la liste des auteurs susceptibles d’être convaincus de rupture brutale. Pour rejeter le pourvoi formé contre un arrêt d’appel qui avait écarté l’application de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce au profit d’une association, la Cour ne s’est pas fondée sur l’activité de celle-ci. Elle a en effet relevé qu’était inopérant le moyen du pourvoi reprochant à la Cour d’appel d’avoir rejeté la demande sur ce fondement alors qu’il n’était « pas allégué que l’Institut technique exerçât une activité de producteur, de commerçant, d’industriel ou de prestation de services, ou qu’il fût immatriculé au répertoire des métiers » et que, dès lors, il ne saurait être fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir écarté la responsabilité de ladite association sur la base de ce texte. La référence spontanée à l’activité de prestation de services s’inscrivait dans cette logique d’extension.

Il y a relation commerciale établie dans le « cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial ». Selon la Cour de cassation, le caractère établi est révélé par « la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale ».

Une certaine durée de la relation est un élément essentiel, mais non suffisant pour caractériser une relation établie. Corrélativement, une durée trop courte peut naturellement être disqualifiante. La Cour de cassation a ainsi jugé que n’était pas établie au sens de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce une relation qui n’avait duré que « quelques mois ». Il en va de même, a fortiori, d’une relation qui a été rompue d’au bout d’un mois (CA Paris, 13 mai 2016, n° 14/06140.

La  Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 31 mars 2021, a énoncé qu’un fournisseur de matériel dentaire ne peut pas bénéficier des dispositions relatives à la rupture brutale des relations commerciales dans ses relations avec un cabinet de chirurgiens-dentistes.

En l’espèce, un cabinet de chirurgiens-dentistes avait rompu ses relations commerciales avec un fournisseur de matériel dentaire. Ce dernier, s’estimant lésé, se fonde sur l’article L.442-6 du Code de commerce dans sa demande en paiement de dommages et intérêts devant le tribunal.

La Cour rappelle, en premier lieu, que l’article L.442-6 sanctionne et engage la responsabilité de tout commerçant, industriel, producteur ou personne immatriculée au répertoire des métiers ayant rompu brutalement une relation commerciale établie. Or, la Cour rajoute en second lieu, qu’en vertu de l’article R. 4127-215 du code de la santé publique, la profession dentaire « ne doit pas être pratiquée comme un commerce »

De ce fait, aucune relation commerciale n’existe entre les deux parties et, par conséquent, l’article L.442-6 du Code de commerce n’est pas applicable.

II. Conditions relatives aux circonstances de la rupture

A) Rupture brutale

En sanctionnant le fait « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie », l’article L. 442-1, II du Code de commerce a un domaine d’application très vaste. La rupture peut tout d’abord, bien entendu, être totale. Il en est ainsi de la résiliation d’un contrat à durée indéterminée, de la résiliation anticipée d’un contrat à durée déterminée ou encore au non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée arrivé à terme.

Mais la rupture contrôlée sur le fondement de ce texte peut donc, ensuite, n’être que partielle. Cette hypothèse nourrit l’essentiel de la jurisprudence sur la question. Il s’agit alors, dans le cadre d’une relation commerciale qui, par ailleurs, perdure, de déterminer les évènements qui constituent une rupture partielle de ladite relation. Autrement dit, la difficulté réside ici dans l’identification du seuil à partir duquel la décision unilatérale de l’une des parties, sans mettre un terme pur et simple à la relation commerciale, bouleverse à ce point son économie générale qu’elle est constitutive d’une rupture, fusse-t-elle simplement partielle. Cette idée de seuil s’exprime parfois à travers l’exigence d’une modification qu’ils qualifient de « substantielle ».

De surcroît, la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 mars 2019, affirme que : « l’absence de stabilité de la relation, exclusive d’une croyance légitime en leur continuité » entrave à la qualification de la relation commerciale d’établie et ne permet donc pas de sanctionner l’auteur de la dénonciation du contrat sur le fondement de la rupture brutale.

Ainsi, la seule baisse des chiffres d’affaires de la victime de la rupture des relations commerciales n’est pas suffisante à caractériser le caractère brutal de ladite relation. En effet, le demandeur doit démontrer dans quelle mesure cette rupture est brutale. (2)

B) Rupture brutale injustifiée

Il est des circonstances qui peuvent, en amont, écarter la qualification de rupture brutale. Tel est le cas, on l’a expliqué, de la baisse ou de l’interruption des commandes qui, loin d’être délibérée, ne sont que la résultante, par ricochet, de la propre diminution d’activité du donneur d’ordre. Puis il en est d’autres qui, la rupture brutale étant pourtant avérée sont, telles des causes d’exonération de responsabilité et alors que les conditions de cette dernière sont pourtant réunies, de nature à écarter la responsabilité de l’auteur de la rupture. Ces causes d’exonération sont, elles, d’origine légale. L’article L. 442-1, II du Code de commerce énonce en effet deux circonstances dans lesquelles une rupture sans préavis ne peut être sanctionnée.

Selon le texte en effet, « les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. La victime peut ainsi se voir opposer sa propre faute ou la force majeure. On relèvera d’ailleurs ici que, contrairement au droit commun. La faute de la victime — qui réside ici dans l’inexécution de l’obligation — sera d’une certaine manière totalement exonératoire de responsabilité sans avoir à réunir les caractéristiques de la force majeure.

Il convient de citer à cet effet, l’arrêt de la Cour de cassation du 27 mars 2019 cité précédemment, dans lequel la Cour avait énoncé également que le non-paiement des factures de son partenaire constituait un manquement suffisamment grave qui justifie ainsi la rupture immédiate des relations commerciales, et ce, sans préavis. (2)

Pour ce qui est de l’exigence d’un manquement grave – Bien que le texte ne mentionne que l’inexécution par l’autre partie de ses obligations, la jurisprudence a considéré que cette circonstance devait être entendue strictement, sauf à vider le mécanisme de sa substance. La rupture brutale ne peut en effet intervenir sans préavis qu’à la condition que le manquement reproché au partenaire évincé soit un manquement d’une certaine gravité. S’il s’agit d’un contrat en cours d’exécution, la gravité du manquement doit être telle qu’elle justifie la résiliation unilatérale et immédiate du contrat. Au surplus, dès lors que les manquements reprochés ont déjà fait l’objet d’une réparation, les juges du fond doivent rechercher si cette réparation n’est pas de nature à retirer à ces manquements leur caractère de gravité.

La qualification de l’inexécution est d’autant plus essentielle que l’exigence relative à la gravité du manquement est à double tranchant. Si le manquement est grave, la rupture brutale n’engage pas la responsabilité de son auteur. En revanche, si le manquement en cause n’atteint par le seuil de gravité requis, il ne peut être pris en considération notamment pour diminuer le délai de préavis dû à la victime, reprochant à la Cour d’appel d’avoir privé sa décision de base légale en s’abstenant de rechercher “s’il n’y avait pas de manquement grave [de la victime] à ses obligations contractuelles justifiant la rupture des relations commerciales sans préavis ou si, en l’absence d’un tel manquement, un délai de préavis de trois mois était suffisant”. L’appréciation de la gravité du manquement relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Il n’en demeure pas qu’ils doivent, dans leur motivation, caractériser la gravité du manquement. Une Cour d’appel ne peut ainsi se fonder sur la seule circonstance qu’un objectif de chiffre d’affaires n’a pas été réalisé, sans préciser en quoi cela constitue un manquement suffisamment grave.

En ce qui concerne la cause d’exonération – L’article L. 442-1, II du Code de commerce dispose ensuite, que la force majeure constitue, conformément au droit commun de la responsabilité — la précision peut donc paraître surabondante — exonérer l’auteur de la rupture. Il faut alors traditionnellement que l’évènement soit imprévisible, irrésistible et extérieur à la personne qui s’en prévaut. L’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile propose, dans son article 1253, une définition autonome et souple de la force majeure en matière extracontractuelle, matière sous l’angle de laquelle les juges français appréhendent traditionnellement ce contentieux.

Selon ce texte, “en matière extracontractuelle, la force majeure est l’événement échappant au contrôle du défendeur ou de la personne dont il doit répondre, et dont ceux-ci ne pouvaient éviter ni la réalisation ni les conséquences par des mesures appropriées”.

Il est important de préciser que la jurisprudence a produit une liste de critères permettant d’évaluer la durée nécessaire de préavis. Ces critères se résument au volume du chiffre d’affaires réalisé, à la notoriété du client, au secteur en question, à la durée de la relation commerciale entre les parties, à l’absence de dépendance économique du fournisseur, au caractère saisonnier du produit, au temps nécessaire à la reprise des relations commerciales avec un tiers et à la durée minimale des préavis par référencement aux usages de commerce. (4)

III. Sanctions de la responsabilité

A) Cessation de la pratique

Toute personne justifiant d’un intérêt, autrement dit la victime, ainsi que le ministre chargé de l’Économie et le ministère public peuvent solliciter du juge la cessation de la pratique illicite.

La continuation de la relation, le cas échéant en référé et sous astreinte. Rapportée à l’hypothèse de la rupture brutale, cette cessation consiste dans le maintien de la relation commerciale nonobstant sa rupture. Cette continuation est le plus souvent sollicitée en référés.

L’ancien article L. 442-6, IV du Code de commerce prévoyait que le juge des référés pouvait, au besoin sous astreinte, ordonner la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire. La formule est reprise dans le nouvel article L. 442-4, II, alinéa 3. Même en présence d’une contestation sérieuse (CPC, art. 873), le président du Tribunal peut donc ordonner la continuation de relation commerciale, et ce sous astreinte dès lors qu’il existe un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite.

B) Réparation

L’impérativité de l’article L. 442-1 nouveau du Code de commerce n’interdit pas aux parties de transiger sur les conséquences de la rupture brutale. Ainsi, selon la Cour de cassation, “si l’article L. 442-6 I 5 ° institue une responsabilité d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent renoncer, il ne leur interdit pas de convenir des modalités de la rupture de leur relation commerciale, ou de transiger sur l’indemnisation du préjudice subi par suite de la brutalité de cette rupture”.

Auteur de la demande de réparation – Depuis l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 et la nouvelle rédaction de l’article L. 442-4 du Code de commerce, seule la personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander réparation du préjudice subi du fait de rupture brutale. Contrairement à ce que prévoyait l’ancien article L. 442-6, III du Code de commerce, le ministre chargé de l’Économie et le ministère public ne peuvent donc plus formuler une telle demande de réparation.

Conditions de la réparation. Preuve d’un préjudice en lien direct avec la brutalité de la rupture – La brutalité de la rupture d’une relation commerciale établie n’ouvre pas nécessairement droit à réparation au profit de la victime. Encore faut-il que cette dernière rapporte la preuve que le préjudice existe, et qu’il entretient un lien direct avec le fait générateur de responsabilité délictuelle, à savoir la brutalité de la rupture et non la rupture elle-même.

Preuve d’un préjudice – La rupture brutale de relations commerciales établies, bien qu’illicite, ne crée pas nécessairement un préjudice pour le partenaire délaissé. Il revient donc à ce dernier, en premier lieu, de rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice. Doit être ainsi rejetée la demande en réparation de la société qui ne démontre ni le montant du chiffre d’affaires perdu depuis la rupture ni l’atteinte à son image de marque.

La réparation a vocation à compenser le dommage subi non du fait de la rupture elle-même, mais du fait de la brutalité de la rupture. Ainsi, selon la Cour de cassation, “seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non la rupture elle-même”. Plus encore, le dommage doit être la conséquence directe de la brutalité de la rupture.

Dès lors, les dommages qui résultent de la rupture elle-même ne sont pas réparables sur le fondement de l’article L. 442-1 du Code de commerce. Ainsi du coût des licenciements économiques consécutifs de la perte d’un marché ou encore de la perte partielle d’un fonds de commerce. Si le préjudice souffert est consécutif à la rupture elle-même, les plaideurs devront alors à agir non sur le fondement de l’article L. 442-1, II du Code de commerce, mais sur le terrain du droit commun de la responsabilité contractuelle pour rupture abusive pour peu la rupture soit fautive.

Pour lire une version plus détaillée de cet article sur la rupture des relations commerciales, cliquez

SOURCES :

  • (1) : Cass. com., 31 mars 2021, nº 19-16.139
    (2) : Cass. com., 27 mars 2019, 17-18.047
    (3) : CA Paris, 20 juin 2019, n° 17/0274
    (4) : Cass, com., 20 juin 2018, n° 16-24.163 ; Cass, com., 24 octobre 2018, n° 17-16.011, n° 17-21.807

QUELLES SANCTIONS EN CAS DE RUPTURE ABUSIVE DES RELATIONS COMMERCIALES ?

L’article L442-6-I-5° du Code de commerce, issu de la loi Galland du 1er juillet 1996, modifié par la loi NRE du 15 mai 2001, puis par les lois du 3 janvier 2003 et du 2 août 2005, encadre la rupture d’une relation commerciale établie est désormais codifiée à article L. 442-1 du code de commerce depuis l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 simplifie et clarifie les pratiques restrictives de concurrence de l’ancien article L. 442-6.

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Désormais, le nouvel article L. 442-1, II, du Code de commerce dispose ceci : «Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé par le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. »


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En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois. Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.

I. Comment déterminer une rupture brutale des relations commerciales établies ?

La notion de relation commerciale recouvre tous types de relations entre professionnels et conduit à exclure toutes relations entre professionnels et consommateurs ainsi que les activités non commerciales.

Entre dans le champ d’application de l’article L. 442-1, II du code de commerce toute relation commerciale établie, que celle-ci porte sur la fourniture d’un produit ou d’une prestation de service. (Cass.com., 23 avril 2003, n° 01-11.664)

Cette disposition d’ordre public permet d’indemniser la partie victime d’une relation commerciale abusive et de sanctionner le partenaire économique qui méconnaît les limites d’une liberté contractuelle.

L’article L. 442-1, II du code de commerce s’applique aussi bien aux activités commerciales qu’aux relations industrielles ou aux prestations intellectuelles ; il concerne toutes les activités économiques. Il peut être mis en œuvre, quel que soit le statut juridique de la victime du comportement incriminé, notamment une association, pour peu que la loi ou des règles déontologiques n’interdisent pas la pratique du commerce, tels les médecins, les notaires ou les conseils en propriété industrielle.

L’article L. 442-1, II du code de commerce vise toutes les relations établies, qu’elles soient précontractuelles, contractuelles et même post-contractuelles ; peu importe que le contrat ait été formalisé ou non par écrit, qu’il soit à durée indéterminée ou conclue pour une durée déterminée et qu’il soit renouvelable.

La rupture brutale est un des éléments nécessaires pour pouvoir engager d’éventuelles sanctions contre le cocontractant qui rompt une relation établie.

L’article L. 442-1, II du code de commerce vise à la fois la rupture totale d’une relation commerciale établie et la rupture partielle.

La rupture totale correspond à une cessation pure et simple des relations commerciales.

La rupture partielle peut revêtir plusieurs formes telles que la réduction significative du courant d’affaires ou encore la modification des conditions tarifaires (Cass.com., 20 mai 2014, n° 13-16.398).

La brutalité de la rupture d’une relation commerciale établie peut résulter soit de l’absence de préavis, soit de l’insuffisance de la durée du préavis.

Le préavis doit être notifié par écrit. Les juges apprécient de façon générale les circonstances au moment de la notification du préavis. Communément, cette notification explicite prend la forme d’une lettre de résiliation dans laquelle le cocontractant exprime sa décision de ne pas poursuivre la relation commerciale.

Les juges prennent en considération plusieurs critères pour apprécier le caractère insuffisant ou pas de la durée du préavis :

  • Le domaine professionnel ;
  • L’importance financière de la relation commerciale ;
  • L’existence d’un accord d’exclusivité entre les parties ;
  • La possibilité pour la victime de se reconvertir vers un autre secteur d’activité ou enfin l’état de la dépendance économique qui peut s’analyser comme « un facteur aggravant ».

En tout état de cause, l’attitude de bonne foi et la loyauté marquant ou non le comportement de l’auteur de la rupture font partie des éléments pris en compte pour apprécier le caractère suffisant du préavis.

II. Les sanctions de la rupture brutale des relations commerciales établies

Les actions ouvertes à la victime de rupture brutale :

  • Assignation en référé sous astreinte pour obtenir la continuation de la relation ;
  • Assignation au fond pour se voir allouer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la victime de la rupture ;

Il faut faire également attention au non-cumul avec l’action en responsabilité contractuelle du Code civil.

Mais un fait générateur peut caractériser deux dommages distincts : l’un résultant d’un manquement contractuel et l’autre de la rupture brutale des relations commerciales (Cass. Com. 24 Octobre 2018, n°17- 25.672, Cass. Com. 27 mars 2019 n°16-24.630).

A) La responsabilité délictuelle et le paiement de dommages et intérêts

Le Code de commerce impose, à la charge de celui qui souhaite mettre fin à une relation commerciale établie, une véritable obligation de loyauté dans la rupture avec son partenaire économique.

Le juge peut prononcer la nullité du contrat ou seulement de la clause illicite, ou encore décider le paiement de dommages et intérêts.

L’auteur de la rupture qui manque à cette obligation commet donc une faute engageant sa responsabilité délictuelle et l’obligeant à réparer le préjudice subi.

Seules quelques juridictions de premier degré dont la liste figure à l’article D. 442-3 du Code de commerce peuvent entendre des contentieux de rupture brutale de relations commerciales établies. Et la cour d’appel de Paris est la seule juridiction d’appel des jugements rendus par ces juridictions spécialisées.

On peut rajouter l’amende civile que peut prononcer le ministre chargé de l’Économie ou le Ministère public, mais cette sanction est très rarement prononcée.

B) L’atteinte à la réputation de l’entreprise

L’atteinte à la réputation, qui n’est pas une sanction à proprement parlé, mais un élément de sanction découlant d’une condamnation.

Le juge peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de la décision afin que les partenaires commerciaux de la partie condamnée puissent être mis au courant des pratiques de cette dernière.

1. La demande de poursuite de la relation commerciale

Le partenaire lésé peut demander la reprise des commandes ou livraisons. À cette fin, il doit saisir soit le juge des référés en invoquant un trouble manifestement illicite, soit le juge du fond par une assignation à bref délai.

2. La faculté de résiliation sans préavis

L’auteur de la rupture peut être exonéré de sa responsabilité dans des cas précis.

Il dispose d’une faculté de résiliation sans préavis, soit en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations, soit en cas de force majeure, laquelle n’est constituée qu’en présence d’un évènement imprévisible, extérieur et irrésistible.

Cette résiliation se fait aux risques et périls de l’auteur, c’est-à-dire que la partie qui décident de résilier un contrat sans préavis et sans l’avis du juge s’expose à des sanctions a posteriori, si le juge estime que l’inexécution n’était pas d’une particulière gravité justifiant la rupture immédiate.

La prudence s’impose donc, car ce que la partie estime être une inexécution d’une particulière gravité, il se peut que le juge ne soit pas de cet avis. Le même traitement est pratiqué au sujet de la force majeure, qui ne peut être invoqué que dans des cas extrêmes de manquement d’une particulière gravité.

C) Les exceptions légales

1. En cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure

L’article L. 442-1, II du code de commerce prévoit expressément que l’auteur de la rupture brutale peut être exonéré de responsabilité « en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».

La jurisprudence confirme le fait que cette inexécution doit présenter un degré de gravité suffisant.

Ainsi, les défauts d’un produit ont justifié la rupture sans préavis d’une relation commerciale établie parce qu’ils étaient d’une gravité suffisante (CA Paris, 11 octobre 2017 n°15/03995).

2.En cas de présence d’un préavis de dix-huit mois

La principale innovation du nouvel article L. 442-1, II du Code de commerce est l’introduction d’un mécanisme qui prévoit qu’« en cas de litige entre les parties sur le préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de 18 mois ».

Par conséquent, peu importe que la relation commerciale ait duré trente ans ou plus, le préavis à respecter est désormais plafonné à dix-huit mois. En outre, c’est sur cette même durée maximum que se baseront les juges en cas de litige pour fixer l’indemnité à octroyer à la partie victime de la rupture brutale, à savoir la prise en compte du chiffre d’affaires qu’aurait réalisé cette dernière avec son partenaire commercial pendant ledit préavis s’il avait été respecté.

D’application immédiate à tous les contrats et avenants conclus à partir du 24 avril 2019 (même si l’avenant se réfère à un contrat conclu antérieurement), l’ordonnance n°2019-359 s’applique en revanche à partir du 1er mars 2020 pour les contrats pluriannuels en cours d’exécution.

III. L’appréciation du préjudice lié à la brutalité de la rupture

L’action fondée sur l’article L. 442-1, II du code de commerce permet d’obtenir réparation du préjudice causé par l’absence ou l’insuffisance de préavis. À cet égard, les juridictions rappellent fréquemment que l’action ne vise à réparer que le préjudice découlant du caractère brutal de la rupture et non celui découlant de la rupture elle-même. (CA Paris, 22 déc. 2011, RG n°10/03384)

Le principal préjudice subi lors de la rupture brutale des relations commerciales est constitué par le gain manqué du fait de la rupture. Il s’agit d’indemniser le préjudice réel qui découle de la perte du bénéfice et non de la perte du chiffre d’affaires.

L’action indemnitaire de la victime de la rupture brutale vise donc exclusivement l’indemnisation de préjudices résultant de la brutalité et non de la rupture en tant que telle.

Elle pourra ainsi solliciter l’indemnisation du manque à gagner calculé par référence à la perte de marge escomptée pendant la durée du préavis qui aurait dû être accordée.

Le recours à la marge brute en tant que base de calcul a encore été confirmé par la Cour de cassation dans un arrêt du 23 janvier 2019 : « Le recours à la marge brute, qui est une notion comptable définie comme la différence entre le chiffre d’affaires hors taxes (HT) et les coûts HT, se justifie par le fait que la victime de la rupture continue de supporter certaines charges fixe ». (Com. 23 janvier 2019, n° 17-26870)

La Cour de cassation valide ainsi la démarche des juges d’appel qui, pour évaluer le préjudice né de la rupture brutale, avaient déduit des pertes générées les frais fixes qui n’avaient pas été dépensés compte tenu de l’arrêt du contrat.

L’indemnisation du manque à gagner ne couvre toutefois pas l’ensemble du préjudice subi par la victime. Mais l’indemnisation des pertes annexes soulève un certain nombre de difficultés. En effet, ces pertes, pour être indemnisables, doivent résulter directement du caractère brutal de la rupture.

Or, l’appréciation de la causalité directe entre le fait fautif (brutalité de la rupture) et le préjudice invoqué est assez fluctuante dans la jurisprudence récente. Ainsi, le préjudice d’image n’est, en principe, pas susceptible de réparation sur le fondement de l’article L. 442-1, II du code de commerce, dans la mesure où il découle davantage de la rupture que de son caractère brutal.

La jurisprudence admet la réparation du préjudice né des investissements réalisés spécifiquement dans le cadre de la relation commerciale (CA Paris, 4 mars 2011, n°09/22982).

Par ailleurs, le comportement de la victime est également pris en compte. Ainsi, l’acceptation d’une situation de dépendance (CA Paris, 28 janv. 2011, n°08/18567) ou le manque délibéré de diversité de l’activité (CA Paris, 20 mars 2003, n°2001/08611) sont susceptibles de minorer son droit à réparation. En effet, les juges considèrent que la victime a l’obligation de minimiser son dommage en évitant de se placer volontairement dans une situation de dépendance vis-à-vis de son cocontractant.

En outre, une jurisprudence de plus en plus fournie de la Cour d’appel de Paris retient la marge sur coûts variables.

La jurisprudence relative aux préjudices indemnisables est très dépendante des spécificités de chaque espèce. En conséquence, il apparaît difficile de déterminer a priori les chefs de préjudice qui seront systématiquement indemnisés, tandis que d’autres seraient, tout aussi systématiquement, écartés.

Les juges procèdent à une véritable appréciation in concreto du préjudice subi par la victime de la rupture brutale.

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SOURCES :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000019294581&cidTexte=LEGITEXT000005634379&dateTexte=20080806
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007049228
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000038655074&cidTexte=LEGITEXT000005634379&dateTexte=20190619