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Traitement civil et pénal du bitcoin

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Depuis quelques temps, les monnaies virtuelles et surtout le Bitcoin sont de plus en plus utilisées comme moyen de paiement ou comme instruments de spéculation. Les pouvoirs publics se saisissent depuis peu de cette question qui implique des croisements entre divers domaines du droit. Si la nature juridique des monnaies virtuelles est incertaine, les dangers qu’elles engendrent sont nombreux.

 Les monnaies virtuelles, à l’instar du bitcoin créé en 2009 par une équipe de programmeurs (sous le pseudonyme de Satoshi Nakatomo), connaissent un essor rapide. Il s’agit d’une unité de compte virtuelle stockée sur un support électronique permettant aux utilisateurs d’échanger entre eux des biens et des services sans avoir à recourir à la monnaie légale. Les bitcoins sont acquis soit gratuitement en contrepartie d’une participation au fonctionnement du système, soit à titre onéreux sur des plateformes internet créées afin de permettre l’achat et la vente de bitcoins contre de la monnaie ayant cours légal. Ces plateformes d’échanges permettent ainsi  aux usagers n’ayant pas participé au processus de création d’acquérir cette monnaie.

Les monnaies virtuelles sont ainsi une réalité. Elles ont d’abord un intérêt pratique, car elles offrent des possibilités de transactions à coût plus faible que les services de paiement classiques. Mais leur statut légal peine à voir le jour (I) tant leur utilisation s’avère risquée (II).

I. L’appréhension des monnaies virtuelles

Malgré une définition juridique dont les contours semblent flous (A) le traitement du bitcoin à travers les voies du droit commun s’impose (B).

A) Une qualification juridique indéterminée

L’expression « monnaie virtuelle », même largement utilisée, n’a pas de contenu juridique. En droit, ne peut être une monnaie que celle créée par l’État ou sous son autorité. Elle se caractérise par son pouvoir libératoire, qui permet d’éteindre les obligations libellées en monnaie.

La Banque de France a réalisé une note en date du 5 décembre 2013 qui a le mérite de commenter le statut juridique du bitcoin en droit français. Elle relève que la qualification de monnaie électronique ne peut être retenue, en l’état des textes, car elle ne représente pas une créance sur l’émetteur, elle n’est pas émise contre la remise de fonds, au sens de la directive monnaie électronique 2 (DME2) du 16 septembre 2009 et elle n’est pas assortie d’une garantie légale de remboursement. Les monnaies virtuelles ne sont pas non plus des instruments de paiement tels que définis par l’article L.133-4 c) du code monétaire et financier même si elles peuvent en remplir la fonction économique sur une base conventionnelle et privée. Par ailleurs, les monnaies virtuelles n’entrent également dans aucune des catégories des instruments financiers telles définies par l’article L.211-1 du code monétaire et financier.


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En France, seul l’euro bénéficie d’une reconnaissance légale en vertu de l’article L. 111-1 du Code monétaire et financier. La monnaie virtuelle ne dépend pas d’un État ou d’une banque centrale, mais relève d’un réseau décentralisé. Son effet libératoire n’est que conventionnel et il n’est pas possible d’imposer un paiement en bitcoin en dehors de la communauté d’utilisateurs.

Cela étant, la loi récente du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) a introduit un premier cadre juridique pour les crypto-actifs en France. Le nouvel article L. 54-10-1 du Code monétaire et financier reconnait les actifs numériques que ce soit sous forme de cryptomonnaie ou de jetons.

En outre, une décision récente du Tribunal de commerce de Nanterre, rendue le 26 février 2020, introduit de nouveaux éléments inhérents à la qualification juridique du bitcoin. Sachant que le bitcoin n’est pas une monnaie légale, la première question qui se posait aux juges était de savoir si le bitcoin pouvait faire l’objet d’un prêt. La seconde question portait sur la qualification du prêt (soit un prêt à la consommation, soit un prêt à usage) dans l’hypothèse d’une réponse positive à la question précédente.

En effet, la qualification du prêt est inhérente à la nature du bitcoin.

Le tribunal a jugé que : « le BTC étant fongible et consomptible, la qualification juridique des 3 contrats de prêt de BTC signés […] est donc bien celle de prêt de consommation ». En d’autres termes, les juges qualifient les bitcoins de biens fongibles et consomptibles. (1)

En outre, le 24 septembre 2020, la Commission Européenne a proposé un premier règlement sur les actifs numériques (« Digital Finance Package»). Ce règlement dit MiCA s’inscrit dans le contexte des « crypto-monnaies » utilisant la technologie blockchain. Cette dernière délimite la notion des crypto-actifs, organise la régulation du secteur et installe des prestataires de services sur ce type de biens. (2)

Cette proposition de règlement prévoit, dans son article 3, une définition large du « crypto-actif » comme étant « une représentation numérique d’une valeur ou de droits pouvant être transférée et stockée de manière électronique, au moyen de la technologie des registres distribués ou d’une technologie similaire ». Cela dit, la définition consacrée par l’article L. 54-10-1 du Code monétaire et financier demeure plus explicite. Cet article dispose qu’ils comprennent les jetons qui sont définis, au sens de l’article L. 552-2 du même code, comme

« tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien » et les crypto-monnaies.

Le règlement est axé autour du projet MiCA qui instaure plusieurs règles qui concernent plusieurs aspects tels que la surveillance et l’autorisation des fournisseurs de services d’actifs numériques et des émetteurs de jetons référencés à l’actif et des émetteurs de jetons de monnaie électronique et la prévention des abus de marché afin de garantir l’intégrité des marchés d’actifs cryptographiques. (3)

Pour l’heure, le bitcoin relève avant tout d’une forme de troc en version numérique. Il n’a force légale dans aucun espace souverain déterminé, même si des États comme l’Allemagne lui reconnaissent le statut de « monnaie privée ».  Ainsi, si le bitcoin n’est ni une monnaie légale, ni une monnaie électronique, on pourra retenir que le bitcoin est d’abord et avant tout un mode de paiement qui doit être accepté par les utilisateurs.

B) Le traitement civil et fiscal du bitcoin

 À défaut d’un statut légal défini du bitcoin, il convient de continuer à tester le recours aux catégories du droit existantes et d’appliquer dans la mesure du possible le droit commun. Au regard du droit civil, le bitcoin peut être considéré comme un bien meuble incorporel valorisable, utilisé comme outil spéculatif, plus précisément d’un bien meuble par détermination de la loi. Ainsi, l’absence de qualification juridique permet l’application par défaut du droit commun des biens « ordinaires » notamment en terme de protection des consommateurs, d’escroquerie et de litiges commerciaux. De fait, l’absence de qualification juridique ne signifie pas qu’il existe un vide juridique.

Par ailleurs et conformément aux dispositions de l’article L. 110-1 du Code de commerce qui répute acte de commerce toute acquisition de biens meubles aux fins de les revendre, l’achat-revente de bitcoin exercée à titre habituel et pour son propre compte constitue une activité commerciale par nature dont les revenus sont taxés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC ;  art. 34 du Code général des impôts (CGI)). Les unités de compte virtuelles stockées sur un support électronique entrent dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF ; CGI, art. 885 E) et doivent ainsi figurer dans la déclaration annuelle d’ISF des redevables qui en possèdent. Enfin, les transmissions à titre gratuit (donation, succession) d’unités de compte virtuelles stockées sur un support électronique sont également soumises aux droits de mutation à titre gratuit, sous réserve de l’application de conventions internationales (CGI, art. 750 ter).

Ainsi, l’Allemagne a reconnu officiellement en août 2013 la monnaie virtuelle comme « monnaie privée ». Grâce à ce statut juridique, tous les « échanges multilatéraux » pourront être réalisés dans cette devise virtuelle en Allemagne.

En 2019, l’Allemagne a procédé à la mise en œuvre de la 5e directive anti-blanchiment et contre le financement du terrorisme (5AMLD) et a défini, sa loi bancaire, la crypto-monnaie. Successivement, en 2020, les banques allemandes peuvent détenir et vendre des crypto-monnaies pour leurs clients De plus, l’administration fiscale peut désormais prélever une taxe sur toutes les transactions qui échappaient jusqu’alors à l’impôt. Les prélèvements se font à hauteur de 25% sur les bénéfices de la première année. Cela fonctionne ainsi comme la taxation sur les plus-values immobilières et les entreprises doivent intégrer un taux de TVA dans toutes leurs transactions en bitcoin.

Cela dit, depuis de la loi de finances de 2019, l’imposition des transactions en actifs numériques opère une distinction selon qu’il s’agisse d’un investisseur particulier ou professionnel. Si l’investisseur est un professionnel, il pourrait être soumis à un taux d’imposition de 70% sur la plus-value. Tandis que s’il s’agit d’un particulier, le taux d’imposition n’est que de 30%. Le législateur français a adopté un régime fiscal spécifique aux actifs numériques qui couvre les crypto-monnaies ainsi que les jetons numériques. A cet égard, la fiscalité des plus-values de cession de crypto-monnaies est en substance alignée sur la fiscalité du capital. (4)

II. La régulation des monnaies virtuelles

Même si l’utilisation des monnaies virtuelles est risquée (A) l’appréhension pénale de ces monnaies tend à se renforcer (B).

A) Une utilisation économique risquée

L’Autorité bancaire européenne (ABE) a publié un avertissement le 12 décembre 2013 concernant les risques liés aux monnaies virtuelles. En effet, selon l’Autorité, une monnaie virtuelle est une forme de monnaie numérique qui n’est pas régulée, qui n’est ni émise, ni garantie par une banque centrale. Un des risques majeurs consiste dans l’absence de protection juridique spécifique en cas de défaut ou de perte d’argent de la part de la plate-forme d’échange, ou encore d’escroquerie . De plus, les portefeuilles virtuels peuvent faire l’objet de piratage par des tiers, et leur contenu peut être volé comme pour un portefeuille classique. L’ABE attire l’attention sur le fait qu’en cas de vol, il y a peu d’espoir de pouvoir un jour récupérer les fonds perdus. Aussi, elle alerte sur  la forte volatilité du cours des monnaies virtuelles qui sont dépourvues de garantie de stabilité de leur valeur. Enfin, elle pointe le fait que l’anonymat des détenteurs de monnaie virtuelle sert de couverture à des activités illicites. En cas d’enquêtes judiciaires sur des plates-formes d’échange impliquées dans ces transactions délictueuses, celles-ci peuvent être fermées, empêchant les autres détenteurs d’avoirs de récupérer leur argent.

À ce titre, l’ABE a proposé trois piliers de stratégie visant à réguler les monnaies virtuelles. Le premier volet, « encadrement et utilisation » préconise de limiter et plafonner l’utilisation des monnaies virtuelles en tant que méthodes de paiement, de limiter et contrôler les flux espèces/monnaies virtuelles et de limiter l’anonymat des utilisateurs de monnaies virtuelles. Le second volet « régulation et coopération » met en avant la nécessité d’adapter le dispositif de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme aux risques posés par les monnaies virtuelles et les activités les utilisant ainsi que l’harmonisation de la régulation au niveau européen et international. Enfin, le dernier volet « connaissance et investigation » souligne le besoin de disposer de ressources et d’outils d’analyses adaptés ainsi que la nécessité d’effectuer un suivi des risques et des opportunités, notamment par des échanges avec les professionnels du secteur.

En outre, la cellule de renseignement financier TRACFIN (Traitement du Renseignement et Action contre les Circuits Financiers Clandestins) a aussi invité récemment les autorités à renforcer la régularisation des monnaies virtuelles et à suivre les risques qu’elles génèrent. Parmi les pistes avancées figure le plafonnement des montants susceptibles d’être réglés via une monnaie virtuelle, comme cela existe pour le numéraire, et l’obligation de communiquer son identité lors de l’ouverture d’un compte en crypto-monnaie. Les flux espèces/monnaies virtuelles pourraient être également assortis d’un contrôle d’identité. Ces préconisations ont été reprises par le ministre des Finances et devraient être mises en œuvre rapidement après un échange avec les professionnels.

B) Le traitement pénal des monnaies virtuelles

Le bitcoin a été créé pour remplir  les trois fonctions traditionnelles de la monnaie : 1) il représente une unité de compte (c.-à-d. une unité standardisée qui permet de mesurer la valeur des flux et des stocks de biens, de services ou d’actifs), 2) il facilite les transactions commerciales et 3) il permet de stocker une valeur pouvant être utilisée dans le futur.

Pour autant, le bitcoin ne peut être qualifié de monnaie ayant cours légal dans la mesure où il est possible de le refuser en paiement sans contrevenir aux dispositions de l’article R642-3 du Code pénal, qui sanctionne le refus d’accepter les billets et les pièces libellés en euros ayant cours légal. Sa mise en circulation ne violerait donc pas le monopole d’émission de la monnaie ayant cours légal des banques centrales.

L’anonymat des transferts de bitcoin, ou l’utilisation des données personnelles constituent avant tout un risque d’utilisation de cette monnaie virtuelle à des fins criminelles (vente sur internet de biens ou services illicites) ou à des fins de blanchiment ou de financement de terrorisme. S’il n’est pas possible de réguler l’émission des monnaies virtuelles, l’activité de change de bitcoin en devises ayant cours légal entre dans le champ de la réglementation. Or, la jurisprudence analyse cette activité de conversion comme la fourniture de services de paiement nécessitant un agrément d’établissement de paiement.

De façon large, l’exercice illégal, car sans agrément, de la profession de prestataire de services de paiement est réprimé par les articles L. 521-1, L.521-2 et L. 572-5 du Code monétaire et financier. Par ailleurs, ceux-ci impliquent notamment l’application des règles relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. La commission des finances du Sénat suggère ainsi d’assujettir explicitement les plateformes d’échange aux dispositions de lutte anti-blanchiment.

Il existe diverses catégories d’infractions impliquant le bitcoin. La première sorte est celle où les délinquants commettent des infractions à l’aide de bitcoin ou pour s’en procurer. Cela peut ainsi viser les actes susceptibles d’être poursuivis sur le terrain de l’escroquerie visant à délester les utilisateurs de leurs bitcoin en s’attaquant à leur portefeuille électronique, et ceci, en commettant des délits informatiques divers, notamment des accès frauduleux à un système informatique (C. pén., art. 323-1) ou des entraves ou modifications frauduleuses de données (C. pén., art. 323-2 et 323-3) ou des manœuvres frauduleuses commises pour inciter les utilisateurs de bitcoins à transférer ces derniers sans réelle contrepartie.

Enfin, on peut penser à l’utilisation des monnaies virtuelles pour faire l’acquisition des biens interdits à la commercialisation. Aux États unis, en 2013, une action judiciaire conduite par le FBI et ayant mené à des arrestations a été engagée contre des fournisseurs de plates-formes de conversion soupçonnés de blanchiment d’argent et de fraude fiscale. Le 2 octobre de la même année, les autorités judiciaires américaines ont ainsi fermé le site internet SilkRoad, site d’acquisition des produits narcotiques en ligne et anonyme.

 Le second type de cas envisageable est celui dans lequel la monnaie virtuelle sert à blanchir le produit d’autres infractions classiques, notamment le trafic de stupéfiants qui produit de très nombreuses liquidités difficiles à intégrer dans l’économie légale. Ainsi, un réseau extrêmement important de blanchiment a été découvert aux États-Unis en 2013, via Liberty Reserve, société établie en 2001 au Costa Rica et qui fut à l’évidence créée pour offrir aux délinquants un outil de blanchiment efficace.

Toutefois, les monnaies virtuelles décentralisées ne sont guère de bons outils de blanchiment : certains des risques qui leur sont attachés constituent en effet des faiblesses plutôt dissuasives pour les blanchisseurs, notamment les risques de contrepartie et de liquidité, et donc de très forte volatilité (cette « monnaie » passant de 1200 dollars en octobre 2013 à 500 dollars au printemps 2014).

Le 9 décembre 2020, l’ordonnance n° 2020-1544 (prise sur le fondement de la loi PACTE) renforçant le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC-FT) applicable aux actifs numériques a été adopté. Cette ordonnance a fait évoluer le régime juridique mis en place par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE). Elle précise les dispositions applicables aux actifs numériques dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et met conformité le cadre réglementaire national relatif aux actifs numériques avec les recommandations du Groupe d’action financière (GAFI) concernant la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT) ainsi que le renforcement des mesures de lutte dans les transactions en actifs numériques contre l’anonymat. La loi PACTE complétée par l’ordonnance n°2020-1544 permettent d’assujettir professionnels du secteur des crypto-actifs aux obligations de prévention du blanchiment.(5)

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Sources :

Site non conforme : qui est responsable ?

Pour être conforme, le site internet doit obéir à certaines obligations législatives telles que les obligations d’information imposées par l’article 19 et l’article 6.III de la LCEN (loi pour la confiance dans l’économie numérique), celles imposées par les articles du code de commerce ou encore par la loi «Informatique et liberté ».

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Cependant, un vide juridique a conduit au recours à d’autres obligations qui viennent alourdir la conformité de certains sites internet. Ce sont les obligations contractuelles. Ces obligations contractuelles obéissent au régime juridique des droits des obligations, mais s’adaptent au contrat informatique.

Comme dans tout contrat, on retrouve l’obligation relative à la formation du contrat qui fait peser sur les parties une obligation de loyauté ainsi qu’une phase de pourparlers, mais les obligations sont plus lourdes dans la phase d’exécution du contrat qui fait peser plusieurs obligations sur les parties (A) dont les conséquences (B)peuvent s’avérer lourdes.

I- Obligations des parties


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Il convient d’étudier d’abord les obligations pesant sur le professionnel (A) puis de détailler celles relatives au client (B).

A- Les obligations du professionnel :

Pèse sur le professionnel plusieurs obligations :

Obligation de délivrance conforme:

Le fournisseur ou prestataire est tenu d’une obligation de délivrance conforme. Cette obligation consiste à livrer au client une solution en état de marche et sans défaut apparent. Existe un référentiel de conformité se basant sur des données techniques et fonctionnelles précises. Ces données sont souvent constituées par un cahier de charge fourni par le client.

Ce cahier de charge permet de définir les besoins du client ainsi que ses exigences relatives au bien ou service attendu. La conformité du bien ou service s’apprécie non seulement au regard de cet élément, mais les juges prennent aussi en considération le comportement des parties. Cette obligation de conformité qui pèse sur le prestataire peut être prouvée par tout moyen.

Un arrêt du 9 décembre 2020 vient appliquer cette obligation de délivrance conforme, en effet, la Cour de Cassation considère que cette obligation consiste en la livraison d’un objet conformément à ce qui a été convenu entre les parties, ou conformément à l’usage pour lequel l’objet était destiné.

Obligation de conseil, de renseignement et de mise en garde

Cette obligation diffère dans son appréciation du niveau de connaissances du client en matière informatique. Ce devoir de conseil pesant sur le prestataire est d’autant plus important si le client est profane en la matière.

L’obligation de renseignement et de conseil fut l’objet d’un contentieux, dans un arrêt du 27 novembre 2019, où la Cour de Cassation considère que le fait pour le professionnel de s’être abstenue, avant la vente, de communiquer à son client, le mode d’emploi du logiciel et de lui avoir donné des informations inexactes sur les fonctionnalités de ce produit, constitue un manquement à l’obligation de renseignement et de conseil imputable au professionnel, envers son client profane.

De même dans un arrêt du 5 septembre 2019, la Cour d’appel a condamné un manquement à l’obligation de renseignement, le montant des dommages-intérêts étant de 12 000 euros.

Cette obligation diffère selon que le délai est indicatif ou impératif. En matière informatique, fournir une solution peut nécessiter du temps. Selon les exigences du client ou encore la nature du système à fournir, un temps de travail peut néanmoins être envisagé. Le respect de ce délai est très important.

B- Obligations du Client :

Le devoir de collaboration

Le projet émanant généralement du client fait peser sur ce dernier certaines obligations. Ce dernier doit informer le professionnel sur ces besoins et se maintenir à sa disposition afin de l’éclairer sur sa volonté tout au long du projet. Cette collaboration peut nécessiter la rédaction d’un cahier de charge de la part du client afin d’y définir le projet et d’informer le professionnel de ses recommandations.

Obligation de recette

La recette appelée aussi test d’acceptation est une procédure permettant la vérification de la conformité du produit, son fonctionnement. Cette phase du développement du projet permet la validation du livrable par le client.

Cette procédure nécessite deux étapes :
On a tout d’abord, la recette « provisoire » ou encore « recette utilisateur » au courant de laquelle le client vérifie le bon fonctionnement (VBF) de la solution informatique. La seconde étape est la recette « définitive » ou le client opère la vérification du service régulier (VSR)

Obligation de payer le prix :

Cette obligation relative à tout contrat nécessite que les parties se soient entendues sur un prix déterminé ou déterminable.

Une décision du 28 octobre 2019 du tribunal de commerce de Lyon est venue rappeler que la signature du procès-verbal de recette enclenche l’obligation de paiement mais fait également disparaitre le droit d’opposer au prestataire une anomalie bloquante, qui aurait dû être remarqué au moment de la recette.

II- Conséquences relatives au manquement aux obligations contractuelles :

Le manquement à une obligation contractuelle peut engager la responsabilité de la partie défaillante (A) et mener à la résiliation ou la résolution du contrat (B)

A- Responsabilité contractuelle des parties :

Parmi les manquements aux obligations contractuelles, il y a celles qui engagent la responsabilité exclusive d’une ou l’autre des parties. La prononciation d’une condamnation aux torts exclusifs par les juges est la conséquence d’un manquement manifeste aux obligations contractuelles par l’une des parties.

Cependant, certains engagements nécessités d’opérer une distinction entre obligation de moyens et obligations de résultat. Cette distinction relative aux obligations qui pèsent sur le professionnel est très importante et déterminante dans la mise en œuvre de la responsabilité.

La charge de la preuve diffère selon l’obligation retenue. Cette distinction est d’autant plus importante, car le régime juridique qui en découle est sévère vis-à-vis des parties. C’est pourquoi, en matière informatique, la jurisprudence a mis en place une obligation générale de moyens renforcée. Cette obligation permet un équilibre entre les parties en matière de la charge de la preuve puisqu’elle permet à chaque partie d’apporter la preuve de la matérialité de ce qui est reproché.

Le manquement à une obligation contractuelle permet outre que d’engager la responsabilité de la partie défaillante, mener à la résolution ou la résiliation du contrat.

B- les conséquences sur le contrat :

Plusieurs manquements peuvent justifier la résiliation ou la résolution d’un contrat informatique. La résiliation du contrat met fin au contrat pour l’avenir alors que la résolution de ce dernier annule le contrat et replace les parties dans l’état ou il était avant la conclusion du contrat.

Le cas contraire est également envisageable, comme dans un arrêt du 17 janvier 2019, où la Cour d’appel d’Amiens a refusé une demande en résolution judiciaire du contrat de maintenance de logiciel. Aux motifs, que l’étendue du grief n’avait pas été démontrée de manière suffisante et que le retard dans la mise en œuvre du système n’était pas imputable au professionnel, car résultait très largement de conditions de fonctionnement interne de la société cliente. La Cour refuse la demande de résolution et incite la société cliente à remplir son obligation contractuelle, qui est l’obligation de paiement.

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Sources :
Cour de cassation, 9 décembre 2020, n° 19-10.119
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042708785?tab_selection=all&searchField=ALL&query=19-10119&page=1&init=true
Cour de cassation, 27 novembre 2019, n° 18-15.104
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042195324?init=true&page=1&query=18-15.104&searchField=ALL&tab_selection=all
Tribunal de commerce de Lyon, jugement du 28 octobre 2019
https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-de-commerce-de-lyon-jugement-du-28-octobre-2019/
Cour d’appel de Grenoble, 30 septembre 2019
Cour d’appel d’Amiens, 17 janvier 2019

« Parasitisme « entre deux sociétés

Ces dernières années, le domaine d’action du parasitisme a connu une expansion significative. À titre d’exemple, nous avons vu le parasitisme s’appliquer dans des litiges relatifs au logiciel informatique (Cass, 1ère civ. 13 décembre 2005), mais également à des signes distinctifs, à l’image de la panthère symbole de la Maison Cartier (Cour d’appel de Paris, 25 octobre 2015).

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Le parasitisme est souvent classé dans la catégorie des actes de concurrence déloyale, mais en pratique, il s’agit de deux actions bien distinctes. Le parasitisme a pour fondement la responsabilité civile délictuelle, tout comme la concurrence déloyale, mais ils ne sont pas soumis aux mêmes critères d’application.

À la différence de la concurrence déloyale, afin de caractériser le parasitisme, il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve d’un risque de confusion entre les produits ou les entreprises (souvent difficile à rapporter), ni d’un rapport de concurrence entre ces dernières.

Lorsque l’on est en présence de droits de propriété intellectuelle, le parasitisme est systématiquement invoqué concomitamment avec l’action en contrefaçon (II). Néanmoins, un fait délictuel préjudiciable subit par une entreprise peut être réprimé sur le fondement unique du parasitisme (I)


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I. La constitution du parasitisme :

Face au silence du législateur, c’est la jurisprudence qui s’est chargée de définir la notion du parasitisme (A) et à mettre en place les critères constitutifs (B)

A) Définition de la notion de parasitisme

Le parasitisme est « l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire » (Cass. com. 26 janvier 1999 n° 96-22.457).

Il est fondé sur l’ancien l’article 1382 du code civil (nouvel article 1240 depuis 1 octobre 2016) et nécessite donc la réunion de trois éléments :

une faute,
un préjudice,
un lien de causalité entre les deux.
Selon un jugement du 28 septembre 2015 du Tribunal de commerce de Paris, la faute sanctionnée au titre du parasitisme est caractérisée par « la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ».

Récemment, la jurisprudence est venue définir, de nouveau, les actes de concurrence parasitaire comme « l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire engagent la responsabilité de leur auteur. ». Le TGI de Nancy dans cette décision du 6 décembre 2019 a également précisé que pour caractériser le parasitisme il faut démontrer l’existence d’une faute ainsi que d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle.

B- L’élément matériel du parasitisme

Le parasitisme portant sur le travail et investissement d’autrui :
Le but est de réprimer ceux qui détournent à leur profit, le travail et les investissements réalisés par un concurrent. L’utilisation du travail d’autrui sans son consentement constitue donc un agissement parasitaire.

Certes, le travail en soi est détourné, mais au côté de ce critère existe celui de non-investissement.

C’est ainsi que le parasitisme n’est pas retenu dans le cas où aucune information concernant les investissements consacrés n’a été fournie. Il est donc nécessaire de prouver un réel travail intellectuel. Ce travail doit donc avoir nécessité un certain investissement, une intellection.

Ce travail doit être quantitatif, il doit pouvoir représenter une valeur économique. Cette valeur économique que le parasite a économisée en usurpant le travail d’autrui. C’est donc l’appropriation du travail d’autrui « sans bourse délier » (TGI Paris, 3e ch. Sect 4, 28 mai 2009) qui est condamnée. D’où l’importance de rapporter la preuve des investissements consentis.

La responsabilité délictuelle est alors engagée lorsqu’un « Qu’un tel comportement parasite, qui consiste à s’approprier à bon compte le travail et les investissements d’autrui » (CA Paris, 4e ch. 16 février 1994), mais pas seulement, car le parasitisme peut se traduire par une volonté de profiter illégalement d’une notoriété d’un concurrent.

Le parasitisme portant sur la notoriété d’une entreprise :
Il convient dans ce cas de rechercher si la société n’a pas cherché à se placer dans le sillage d’une société concurrente afin de tirer profit de « sa gloire ». Le but étant l’exploitation de la renommée du concurrent.

Le parasitisme portant sur la notoriété a été consacré à l’article L.713-5 du Code de la Propriété intellectuelle. Mais également par la jurisprudence, comme dans l’arrêt du 31 janvier 2018, où la Cour de cassation a caractérisé les actes parasitaires, considérant que la société parasitaire a indéniablement profité des efforts économiques de la société parasitée, que cette dernière avait déployée au fil des années pour construire sa notoriété

II. Le parasitisme : une action qui tend vers l’autonomie

Au travers des stratégies de défense, on remarque que le parasitisme est souvent invoqué en complément de la concurrence déloyale ou encore de la contrefaçon (A). Mais la tendance jurisprudentielle a tendance à évoluer afin d’en faire un fondement à part entier (B).

A) Le parasitisme : une action annexe/complémentaire

L’un des reproches que l’on peut faire au parasitisme, c’est qu’au fil des années, il est devenu une sorte de catégorie « fourre-tout ». Il est souvent invoqué par les entreprises qui ne sont pas titulaires de droits de propriété.

C’est pourquoi il convient de distinguer deux situations :

Dans la première, lorsque la société demanderesse est titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, elle a tendance à agir tant sur le fondement de la contrefaçon que celui du parasitisme.

Dans l’autre situation, en l’absence de droit de propriété, la société ne peut se fonder que sur le parasitisme.

Par le passé, la jurisprudence a longtemps été très accueillante dans la caractérisation du parasitisme en tant que fait distinct. Les juges avaient alors condamné sur le fondement du parasitisme «car indépendamment de la contrefaçon de l’image publicitaire […] la société poursuivie avait profité à moindre coût des efforts de conception et réalisation publicitaires de la société concurrente et les avait ainsi dévalorisés » Cass. 1ère civ., 19 octobre 2004.

La distinction citée ci-dessus se base sur le «fait distinct » qui est une notion assez floue de la jurisprudence et qui est désormais utilisé afin d’éviter le cumul des deux actions à savoir la contrefaçon et le parasitisme (Cass. Com., 19 janvier 2010).

Le principe du fondement distinct a également été repris dans un arrêt du 24 octobre 2018, la Cour de cassation considère que « la commercialisation d’une même gamme de produits est insuffisante à caractériser la commission d’actes de concurrence déloyale distincts de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon ». Il convient donc de bien distinguer les actes de concurrence déloyale et les actes de contrefaçon, à défaut la Cour de cassation considère qu’il y a une violation de l’article 1240 du Code civil.

B) Le parasitisme : une action autonome

Le parasitisme, loin de faiblir, fait l’objet d’une application autonome par la Jurisprudence.

Dans son arrêt du 13 décembre 2005 de la première chambre civile de la Cour de cassation, concernant un logiciel, la Cour écarte la contrefaçon au motif que la protection par le droit d’auteur ne joue pas lorsqu’il s’agit d’une idée, mais confirme l’arrêt de la Cour d’appel en condamnant la société pour parasitisme.

La Jurisprudence ne traite plus le parasitisme comme une action complémentaire à la contrefaçon. Les demandeurs fondent désormais leur défense (rarement, mais cela tend à croître) uniquement sur la base juridique du parasitisme (Cour d’appel de Paris du 25 octobre 2015).

La jurisprudence a également rappelé que l’action en parasitisme n’est pas subordonnée à l’exigence que l’objet de l’action soit protégé par un droit de propriété intellectuelle. En effet, un arrêt du 4 juillet 2019 est venu rappeler que l’action en parasitisme est une action autonome, fondée sur l’article 1240 du Code civil, soit sur la responsabilité délictuelle.

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Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007397671&fastReqId=781988466&fastPos=1
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006437044

E-commerce : pas de concurrence déloyale pour la reproduction de photos de bouquets

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000021734255
TGI de Nancy, pôle civil – sec. 7 civile, jugement du 6 décembre 2019
Cour de cassation, 31 janvier 2018 / n° 15-28.352
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036584708
Cour de cassation, 24 octobre 2018, 16-23.214
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037556171
Cour de cassation, 4 juillet 2019, 18-21.554
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038762769?init=true&page=1&query=18-21.554&searchField=ALL&tab_selection=all

Absence de responsabilité des hébergeurs en cas d’injures postés sur des forums

La Cour européenne des droits de l’homme s’est prononcée le 2 février 2016 sur le sort des propos injurieux ou grossiers laissés sur un forum. La CEDH a jugé que les hébergeurs de forum sur internet n’étaient pas responsables de tels propos s’ils ne contenaient pas de discours de haine ou d’appel à la violence, alors même que le site en question avait été condamné par la juridiction nationale hongroise. Par cette affaire, la CEDH précise sa jurisprudence établie en juin dernier sur le sort de commentaires injurieux laissés sur le forum d’un site internet. 

Le web 2.0 a permis aux internautes de contribuer à l’échange d’informations et d’interagir facilement. Depuis le début des années 2000, les forums fleurissent sur la toile et n’importe quel internaute peut contribuer à leur contenu de façon injurieuse ou non . En effet, internet est un outil favorisant la liberté d’expression et la communication.
Face à ces nouvelles possibilités d’expression, de nombreux pays ont introduit de nouvelles dispositions dans leur législation pour tenir compte du développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication et définir un régime de responsabilité adéquat en cas de contenu inapproprié.

Dès l’année 2000, l’Union européenne à travers la directive  » Commerce Electronique  » a adopté un certain nombre de mesures adaptées au développement des nouvelles technologies. Cette directive qui a été transposée en France en 2004 par la loi sur la confiance en l’économie numérique (LCEN) a notamment mis en place un régime de responsabilité atténué des hébergeurs de sites internet. Les hébergeurs ne sont ainsi pas responsables des informations stockées par un utilisateur lorsqu’ils n’ont pas eu connaissance de l’activité ou de l’information en cause. S’il s’avère qu’ils en ont eu connaissance, ils doivent alors agir promptement afin de retirer ou de rendre inaccessible le contenu litigieux (injurieux par exemple).

Confrontées à ces situations, les juridictions nationales doivent opérer un juste équilibre entre la protection de la liberté d’expression qui est appréciée différemment selon les pays, et la sanction relative au contenu litigieux.

Dans l’Union Européenne, la liberté d’expression est régie par l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’homme et des libertés fondamentales. Alors que le 1er paragraphe énonce les principes généraux, le second prévoit certaines restrictions :

1.  » Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations « .

2.  » L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire « .
Par un arrêt du 2 février 2016, la Cour européenne des droits de l’homme, à l’appui de l’article 10 du CEDH, est venue préciser sa jurisprudence concernant les commentaires injurieux postés sur internet.

 

I – L’analyse des faits principaux

L’affaire soumise à la CEDH concerne les responsabilités de l’organe d’autorégulation des fournisseurs hongrois (MTE) et de la société Index, propriétaire de l’un des principaux portails d’information de Hongrie à la suite des commentaires grossiers et choquants postés sur leurs sites web.

En 2010, MTE avait publié sur sa page web un avis critiquant la pratique commerciale de deux sites web immobiliers. Dans cet avis, elle faisait part des pratiques trompeuses exercées par les deux sites web et dénonçait leur offre  » gratuite pendant 30 jours « , qui ne précisait pas que l’inscription devenait automatiquement payante ensuite. Le portail d’information hongrois s’est par la suite exprimé au sujet de cet avis et l’avait publié dans son intégralité sur son site web, ce qui suscita des commentaires choquants et grossiers sur les sites de MTE et d’Index.
Considérant que la publication de l’avis et les commentaires qu’il avait engendrés avaient porté atteinte à sa réputation commerciale , la société responsable de la gestion des deux sites web immobiliers avait engagé une procédure civile à l’encontre des deux organismes. L’ouverture de cette procédure avait conduit MTE et Index à retirer immédiatement les commentaires litigieux.
Pour leur défense les requérantes avançaient que de par leur qualité d’éditrices intermédiaires, elles ne pouvaient être tenues responsables du contenu des commentaires postés par les internautes. Elles arguaient également que les critiques émises dans l’avis étaient justifiées au vu du nombre de plaintes et d’actions d’usagers déclenchées par les pratiques commerciales de la société gestionnaire des deux sites web immobiliers.

Les juridictions hongroises ont considéré que les commentaires en cause étaient choquants, injurieux, humiliants et dépassaient les limites de la liberté d’expression. MTE et d’Index ont été tenus pour responsables du seul fait qu’elles avaient permis aux internautes de réagir.
La décision de la juridiction nationale particulièrement protectrice des destinataires des contenus injurieux, fait écho à une récente décision de la Cour de cassation  concernant le site lefigaro.fr. La Haute juridiction avait alors tenu pour responsable le directeur de publication concernant la publication des propos diffamatoires qui n’avaient pas été promptement retirés alors même que le service de modération avait été externalisé.

Dans cette affaire, pour les requérantes la décision de la juridiction nationale portait atteinte à la substance même de la liberté d’expression puisqu’elle les obligeait de facto à modérer la teneur des commentaires laissés par les internautes. Invoquant l’article 10 du CEDH, les requérantes saisirent la Cour européenne qui leur a donné raison en considérant qu’elles n’étaient pas responsables des propos injurieux laissés sur le forum.
Pour autant, comme nous allons le voir, la récente décision de la CEDH démontre qu’en matière de responsabilité des commentaires postés sur internet, la réponse de la juridiction européenne n’est pas automatique et dépend essentiellement des faits.

 

II – L’analyse de la décision de la Cour : La primauté de la liberté d’expression

S’agissant d’une liberté fondamentale, la Cour européenne opère un contrôle de proportionnalité classique pour rendre sa décision et met en balance les deux intérêts pour savoir si une restriction de la liberté d’expression pouvait être justifiée.
Pour la Cour européenne, les juges hongrois n’ont pas mis en balance l’intérêt à préserver la liberté d’expression sur Internet d’une part et le droit au respect de leur réputation commerciale des sites immobiliers d’autre part.

En effet par leur décision les juges hongrois ont imposé aux requérantes des responsabilités qui auraient pu les pousser à supprimer complètement la possibilité pour les internautes de laisser des commentaires en ligne.

De plus la Cour a considéré que « bien qu’injurieux et même tout à fait grossiers « , ces commentaires « n’étaient pas des déclarations de fait diffamatoires, mais l’expression de jugements de valeur ou d’opinions « , et ne constituaient donc pas « des propos clairement illicites ».
A l’appui de leur décision, les magistrats européens ont également signalé que les requérantes avaient mis en place une procédure destinée à modérer le contenu des commentaires déplacés grâce au signalement des internautes, ce qui était suffisant pour protéger les intérêts des destinataires de commentaires litigieux.

Cette décision vient préciser la jurisprudence de la Cour européenne DELFI, le principal portail d’information estonien. En effet, dans l’affaire DELFI de 2015, très critiquée par les défenseurs de la liberté d’expression, les magistrats européens avaient considéré que la condamnation en Estonie d’un site de presse en ligne à raison de commentaires postés par les internautes ne constituait pas une violation du droit à la liberté d’expression.

La différence entre les deux décisions peut s’expliquer par le fait que dans l’affaire DELFI, les propos litigieux contenaient des discours de haine et des appels à la violence. Les magistrats européens ont également pu prendre en compte pour rendre leur décision le fait que MTE était une association à but non lucratif.
Les défenseurs de la liberté d’expression, et en particulier de la liberté d’expression sur internet seront sûrement rassurés par cette décision de la Cour européenne favorable aux hébergeurs de forum qui pourront ainsi laisser les lecteurs s’exprimer librement sans la crainte d’une sanction automatique.

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SOURCES :

http://www.droit-technologie.org/actuality-1766/responsabilite-d-un-forum-de-discussion-sur-internet-la-cedh-relativ.html
Communiqué de presse de la CEDH du 27/01/2016
AFP