contrefaçon

Qu’est-ce-que la concurrence déloyale ?

La souplesse de la responsabilité pour faute, jumelée à son universalité, lui permet de s’adapter aux évolutions des données et d’intervenir dans tous les domaines de l’activité sociale, en complément ou en suppléance de la loi. C’est le cas dans le monde des affaires où la responsabilité pour faute occupe une place si importante qu’elle y reçut une appellation spécifique, celle de concurrence déloyale.

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L’expression rappelle que la concurrence doit être loyale entre les divers concurrents. La loyauté est le point de rencontre entre la déontologie et la concurrence. Sans doute serait-il possible de reconnaître un principe général du droit imposant une obligation de loyauté entre les entreprises. En tout cas, chaque commerçant comme chaque entreprise doit s’abstenir de certains actes et de certaines pratiques, peut-être profitables, mais contraires à la loyauté dans la concurrence, et qui bafouent la confiance devant gouverner les rapports d’affaires.

En effet, la concurrence déloyale permet de condamner le commerçant qui inflige à ses confrères une concurrence contraire à la morale des affaires et cause ainsi un trouble commercial. La morale spéciale des affaires est la somme des contraintes légales et des usages commerciaux sanctionnés par le droit. Autrement dit, la concurrence illégale est elle-même déloyale.

Il se déduit de l’ensemble des observations précédent que la loyauté prise en considération n’est plus la loyauté du concurrent mais bien une loyauté dans la concurrence, constituant une approche objective permettant de fonder des normes de comportement.


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Le droit de la concurrence déloyale constitue fondamentalement le droit commun de la concurrence. Le principe de l’action en concurrence déloyale semble avoir été rendu par la Cour d’appel de Paris le 8 Avril 1842 : « … Attendu que si la libre concurrence est permise au commerce, cela ne peut s’entendre que d’une concurrence loyale, et non de celle qui tendrait à nuire à l’industrie des autres par des moyens que réprouveraient la délicatesse et la probité commerciale ».

Enfin, la concurrence déloyale protège indirectement, même si cela n’est pas son principal objectif, l’intérêt des consommateurs, tout en assurant une certaine régulation des marchés en prévenant et réprimant les dommages concurrentiels, comprenant tant les troubles causés aux agents économiques que les atteintes à la concurrence.

Notre étude consistera à définir les actes de concurrence déloyale dans un premier temps (I) et dans un second temps, à énoncer les sanctions de cet acte déloyal (II).

 

I. L’acte de concurrence déloyale

Les actes de concurrence déloyale se présentent essentiellement comme des pratiques suivies par des entrepreneurs peu scrupuleux ou malhonnêtes. Ils échappent, en conséquence, à toute définition générale et abstraite.

Cela explique sans doute que les tribunaux se soient efforcés de rattacher la concurrence déloyale à la responsabilité civile. Ils considèrent généralement la concurrence déloyale comme un abus de droit constituant une faute, un préjudice et lien de causalité au sens de l’article 1240 du code civil (ex-art. 1382) et engageant de ce fait la responsabilité civile de son auteur.

A) Faute

  • Le parasitisme : En dépit de débats nourris et d’une jurisprudence parfois confuse reposant sur des subtilités sémantiques parfois difficiles à comprendre, il convient de garder à l’esprit que le parasitisme est un acte de concurrence déloyale, lui-même constitutif d’un comportement susceptible d’engager la responsabilité de son auteur sur le fondement de l’article 1240 du code civil (ancien art. 1382).

Le parasitisme puise sa définition dans de multiples sources. La première, d’origine doctrinale, peut être attribuée à Yves Saint-Gal. La doctrine et la jurisprudence se réfèrent également fréquemment à la formulation proposée par Philippe Le Tourneau dans sa chronique Le parasitisme dans tous ses états : « Quiconque, à titre lucratif et de façon injustifiée, s’inspire sensiblement ou copie sans nécessité absolue une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un effort intellectuel et d’investissements, commet un agissement parasitaire fautif ».

La Cour de cassation a donné plusieurs définitions du parasitisme, chacune apportant un enseignement utile sur cette notion, mais la définition de référence est celle selon laquelle le parasitisme est « l‘ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire » .

Dans un autre arrêt, la Cour de cassation a défini le parasitisme comme le fait de « tirer indûment profit du savoir-faire et des efforts humains et financiers consentis par une entreprise, victime des agissements de la personne qui usurpe la notoriété acquise par ce concurrent ».

Il a également été jugé que le parasitisme est établi « par la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements »

Les critères essentiels du parasitisme ont été rappelés plus récemment dans un arrêt selon lequel « le parasitisme consiste, pour un acteur économique, à se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment de sa notoriété ou de ses investissements, indépendamment de tout risque de confusion »

  • Dénigrement: Le plus souvent le dénigrement est direct, par les critiques malveillantes. Mais il n’est parfois qu’indirect. Il en est ainsi du dénigrement par omission, consistant pour une entreprise, à prétendre être la seule à posséder telle ou telle qualité en cherchant à détourner la clientèle d’un concurrent.

C’est aussi les actes par lesquels un commerçant cherche à discréditer un concurrent, afin de détourner sa clientèle. Le discrédit peut être obtenu par le dénigrement de sa personne en mettant en cause son honorabilité, son habilité, sa compétence, sa solvabilité, son importance ou, plus largement « son image de propriété intellectuelle ».

Cela étant, le dénigrement peut être constitué même en l’absence d’une situation de concurrence. Cela a été affirmé par un arrêt du 4 mars 2020 de la Cour de cassation qui précise que : « même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure ».

  • Confusion: Lorsqu’un commerçant tente de se faire passer pour son concurrent, son objectif est d’introduire la confusion dans l’esprit du public. La confusion peut porter sur la présentation, sur les produits eux-mêmes, sur la publicité, sur les signes distinctifs, voire sur un signe symbolisant l’aptitude d’un produit à une certaine utilisation.

Elle est appréciée par rapport au consommateur moyen, qui n’a pas les deux éléments en même temps sous les yeux, de sorte que seules comptent les ressemblances d’ensemble et non les différences de détail.

Lorsque la similitude des produits n’est pas le fruit du hasard, des tendances de la mode, ni dictée par des impératifs techniques, et qu’elle crée un risque de confusion, elle constitue un acte de concurrence déloyale. La confusion est souvent recherchée entre : les produits ; une gamme de produits ; ou leur provenance.

  • Désorganisation: A défaut d’admettre une obligation générale de non concurrence et en l’absence de clause statutaire ou contractuelle de non concurrence, les associés sont tenus de respecter les usages normaux du commerce et ils sont personnellement responsables, dans les conditions du droit commun ( Code civil, article 1240) des fautes qu’ils commettent en se livrant à des actes de concurrence déloyale (détournement de clientèle, dénigrement, débauchage de salariés, etc.) vis-à-vis de la société.

À notre connaissance, aucune décision ne consacre une définition générale de ce qu’il faut entendre par « désorganisation » de l’entreprise victime. La jurisprudence ne pallie donc pas l’absence de définition légale. Même si l’appréciation d’un effet de désorganisation implique un examen au cas par cas, il nous paraît possible d’esquisser une proposition de définition autour d’éléments susceptibles de former le squelette de la notion.

La désorganisation pourrait correspondre à la situation dans laquelle, du fait du départ d’un ou de plusieurs salariés, l’entreprise affectée par ce mouvement de départ(s) est perturbée au point de ne plus être en mesure d’opérer normalement sur le marché, d’honorer les obligations qu’elles avaient contractées (en particulier vis-à-vis de ses clients) et, plus généralement, de mettre en œuvre la stratégie qu’elle avait conçue.

Dans un arrêt rendu le 06 décembre 2017, la Cour de cassation affirme que le caractère massif du débauchage qui engendre un préjudice à la société est en soi un indice permettant de présumer un acte de concurrence déloyale. Par ailleurs, peu importe que le démarchage soit systématique ou massif,  le détournement du fichier clientèle d’un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal.

Pour exister, la désorganisation implique donc un degré élevé dans la gêne suscitée par un ou plusieurs départ(s) de salarié(s). Cette idée d’intensité dans la gêne générée par le débauchage apparaît dans certaines décisions, qui opèrent une distinction entre désorganisation et « simple perturbation »

Les agissements d’un commerçant qui désorganise une entreprise concurrente constituent des actes de concurrence déloyale. Ainsi, le fait d’obtenir et de divulguer les secrets de fabrication et le savoir-faire, de piller le savoir-faire ; de dissimuler la publicité d’un concurrent ou de détourner des commandes, sont des actes de concurrence déloyale.

B) Préjudice

La concurrence déloyale ayant le plus souvent pour effet de détourner les clients du commerçant, le préjudice consiste avant tout en une perte de clientèle. Peu importe que les clients aient été ou non détournés au profit du coupable. La perte de quelques clients suffit à caractériser le préjudice ; cette perte peut même ne pas être encore réalisée. « Mais le préjudice doit être réel et il ne suffit pas à la victime d’établir uniquement une perte de clientèle »

La perte de clientèle ne peut être effective s’il n’existe pas entre l’auteur des actes déloyaux et la victime un rapport de concurrence. Leurs activités sur les marchés doivent être comparables ou, au moins, suffisamment proches pour se recouper (Cour de cassation, 1re civile du 3 mars 1982).

Le préjudice résultant d’une concurrence déloyale est avant tout la perte d’une clientèle (v. nos 49 et 51) mais d’autres dommages peuvent être pris en considération.

La réparation du préjudice moral résultant des actes déloyaux est admise. Par ailleurs, lorsque le concurrent s’est livré à des agissements parasitaires, le préjudice matériel est souvent difficile à établir.

La jurisprudence a alors recours à la notion de trouble commercial (Cour cassation, Chambre commerciale du 10 janvier 1989). Cette notion permet de couvrir le préjudice résultant des obstacles au développement, l’utilisation illégitime des investissements ou l’atteinte à la réputation.

Un dommage futur peut être indemnisé dès lors qu’il apparaît certain. La réponse devient, en revanche, délicate lorsqu’il s’agit de sanctionner des agissements déloyaux dont les conséquences sont purement éventuelles ou quasiment nulles.

Toutefois la Cour de cassation a rappelé que le préjudice soumis à réparation doit correspondre à ce dernier et ne saurait être appréciée de manière forfaitaire (Cour de cassation, Chambre commerciale du 12 juill. 2017, n° 15-18.688).

C) Lien de causalité

Les causes susceptibles de réduire l’activité d’une entreprise sont fort variées : conjoncture économique difficile, manque de dynamisme, manque de formation du personnel… Aussi est-il souvent difficile, voire impossible, d’établir avec certitude qu’une perte de clientèle est le résultat des agissements dolosifs imputés au concurrent. « Cette difficulté conduit la jurisprudence à manifester un grand pragmatisme lorsqu’il s’agit d’établir le lien pouvant exister entre les agissements du concurrent et le préjudice subi par l’entreprise ». Il en résulte que si elle n’est pas ignorée, l’exigence du rapport de causalité est, dans la plupart des cas, assez aisément satisfaite.

Il appartient au demandeur d’établir que les conditions d’existence d’une concurrence déloyale sont réunies. Cette preuve peut être apportée par tous moyens. Toutefois, s’il peut paraître assez simple d’établir l’existence d’actes déloyaux, la preuve du préjudice et du rapport de causalité se heurte à de graves obstacles. Le demandeur se trouve, en ce qui les concerne, conduit à multiplier les éléments susceptibles de justifier sa prétention. Heureusement pour lui, lorsqu’il s’agit du préjudice ou du rapport de causalité, la jurisprudence se montre assez libérale.

 

II. Les sanctions punissant les actes de concurrence déloyale

Les agissements de concurrence déloyale sont des délits ou quasi-délits civils. Concrètement, ils sont sanctionnés par une action en responsabilité civile fondée sur les articles 1240 et 1241 du code civil. Les conditions d’exercice de cette action sont, par voie de conséquence, celles des actions civiles en responsabilité.

En certains cas, une action rapide apparaît nécessaire. En effet, la concurrence déloyale résulte souvent d’agissements répétés que la victime a intérêt à faire cesser rapidement. C’est pourquoi la jurisprudence admet qu’en plus de l’action principale tendant à la réparation du préjudice qui lui a été causé, la victime peut exercer une action en référé destinée à faire cesser les actes déloyaux de concurrence.

En vertu de l’article 873 du Code de procédure civile, le juge des référés a la faculté de prendre toutes les mesures nécessaires afin de faire cesser le trouble occasionné. En outre, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige », il peut ordonner des mesures d’instruction selon de l’article 145 du Code de procédure civile.

Pour lire l’article sur la concurrence déloyale, de façon plus détaillée, cliquez

SOURCES :

Rapport entre dénigrement et concurrence déloyale et contrefaçon

Quels rapports entretiennent le dénigrement, la concurrence déloyale et la contrefaçon ?

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Le dénigrement peut être défini comme une affirmation malveillante dirigée contre un concurrent dans le but de détourner sa clientèle ou plus généralement de lui nuire dans un esprit de lucre (Cour d’Appel de Lyon, 21 mai 1974 : JCP éd. G 1974, IV, p. 336). Concrètement, il désigne toute action exercée auprès du public en vue de jeter le discrédit sur un commerçant, sur le fonctionnement de son entreprise ou sur ses produits.

En ce qui concerne la concurrence déloyale, c’est le fait, dans le cadre d’une concurrence autorisée, de faire un usage excessif de sa liberté d’entreprendre, en recourant à des procédés contraires aux règles et usages, occasionnant un préjudice.

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S’agissant de la contrefaçon, c’est l’atteinte portée à un droit de propriété intellectuelle. Une action en justice permet de la sanctionner et d’y mettre un terme, l’action en contrefaçon.

Pour faire la différence entre ces trois notions, il y a lieu de les étudier chacune et de faire ressortir les rapports qu’elles entretiennent juridiquement entre elles.

  • I. Rapport entre dénigrement et concurrence déloyale et contrefaçon

La contrefaçon est caractérisée lorsqu’une personne reproduit, voire utilise, sans l’autorisation de son titulaire, une œuvre protégée, un logiciel, un brevet d’invention, un dessin ou modèle, une marque de fabrique…

En propriété littéraire et artistique, la contrefaçon sera retenue en cas, par exemple, de reproduction d’une photographie dans un livre sans l’autorisation du photographe ou de diffusion d’une chanson via le réseau Internet sans l’accord du compositeur et de l’interprète.

Les exemples d’actes contrefacteurs dans le domaine de la propriété industrielle sont nombreux et variés et concernent parfois des marchés très importants, notamment, dans le secteur du luxe ou du médicament.

La contrefaçon peut être définie comme toute atteinte à un droit de propriété intellectuelle. Cette atteinte peut être constituée par la reproduction totale ou partielle d’un élément protégé, sa diffusion, ou encore sa représentation. La définition et le régime juridique de la contrefaçon diffèrent selon le droit concerné. Seront brièvement exposés ici les actes constitutifs de contrefaçon pour le droit d’auteur, le brevet et la marque.

Le monopole d’exploitation de l’auteur comprend essentiellement le droit de reproduction et le droit de représentation, mais aussi toute autre modalité d’exploitation. En conséquence, toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon tout comme toute représentation, toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur, ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon sans qu’il soit besoin d’établir la mauvaise foi du contrefacteur (Code de la Propriété intellectuelle art. L. 335-2 et L. 335-3).

Il en va de même pour la traduction, l’adaptation, la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque (Code de la Propriété intellectuelle art. L. 122-4).

Toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu’ils sont définis aux articles L. 613-3 et L. 613-6, constitue une contrefaçon (Code de la Propriété intellectuelle article L. 615-1). Il peut s’agir de :

– la fabrication, l’offre, la mise dans le commerce, l’utilisation ou bien l’importation ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ;

– l’utilisation d’un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l’utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l’offre de son utilisation sur le territoire français ;

-l’offre, la mise sur le marché, l’utilisation, l’importation, l’exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet;

– l’offre, la mise dans le commerce ou l’utilisation ou bien l’importation ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet.

Pour la marque, on distingue les actes de contrefaçon constitués sans qu’il existe un risque de confusion avec la marque protégée des actes pour lesquels la preuve d’un tel risque doit être nécessairement rapportée.

Selon l’article L. 713-2 du Code de la propriété intellectuelle, il est interdit, sans l’autorisation du titulaire de la marque de, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services d’un signe :

  • identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée.
  • identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.

En revanche, aux termes de l’article L. 713-3 du même code, est interdit l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d’un signe identique ou similaire à la marque jouissant d’une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice, et ce, sans l’autorisation du titulaire de la marque.

La preuve de la contrefaçon incombe, en principe, au titulaire du droit de propriété incorporelle auquel il a été porté atteinte (auteur d’un ouvrage, breveté, créateur d’un modèle, propriétaire d’une marque). Toutefois, lorsqu’il s’agit de la contrefaçon d’un brevet ayant pour objet un procédé d’obtention d’un produit, l’article L. 615-5-1 du code de propriété intellectuelle autorise le tribunal saisi de la procédure à renverser la charge de la preuve en ordonnant au défendeur d’établir que le procédé utilisé pour obtenir un produit identique est différent du procédé breveté. Faute pour le défendeur d’apporter cette preuve, tout produit identique fabriqué sans le consentement du titulaire du brevet sera présumé obtenu par le procédé breveté dans les deux cas suivants :

– le produit obtenu par le procédé breveté est nouveau ;

– la probabilité est grande que le produit identique a été obtenu par le procédé breveté, alors que le titulaire du brevet n’a pas pu, en dépit d’efforts raisonnables, déterminer quel procédé a été en fait utilisé.

En ce qui concerne la concurrence déloyale, à défaut de pouvoir avoir recours à l’action en contrefaçon, réservée aux seuls éléments de la Propriété intellectuelle déposés, il est possible de protéger par exemple en droit des marques les signes distinctifs, quels qu’ils soient, par l’action en concurrence déloyale.

Fondée sur les articles 1240 et suivants du Code civil qui régissent l’action en responsabilité civile, l’action en concurrence déloyale permet de sanctionner des actes de déloyauté ou de parasitisme (usurpation ou atteinte à un signe distinctif). Conformément au droit commun de la responsabilité, cette action ne peut aboutir que si les 3 conditions suivantes sont réunies :

– l’auteur de l’atteinte au signe distinctif doit avoir commis une faute ;

– la victime doit avoir subi un préjudice ;

– il doit exister un lien de causalité entre la faute et le préjudice.

Quant au dénigrement, il ne constitue un acte de concurrence déloyale et ne peut être poursuivi que si la clientèle est en mesure de reconnaître le commerçant ou le groupe de commerçants qui en est victime. Si le commerçant n’est pas nommément désigné, il suffit que l’étroitesse du marché permette de reconnaître celui auquel s’adressent les critiques (Cour de cassation, chambre commerciale du 5 octobre 1982 : D. 1983, IR, p. 210, obs. Gavalda et Lucas de Leyssac Cour d’Appel de Versailles, 12 février 1990 : D. 1990, jurispr., p. 264, note Serra).

Il doit être clairement identifiable. A l’inverse, celui qui dévoile qu’un concurrent a fait l’objet d’une condamnation, par le biais d’informations malveillantes, se rend coupable de concurrence déloyale par dénigrement. Tel est la solution rendue par la Cour de cassation, chambre commerciale, 9 janvier 2019, 17-18.350.

Par un arrêt rendu le 4 mars 2020, la Cour de cassation précise que : « même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement, à moins que l’information en cause ne se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure ».

En d’autres termes, il est à noter que le dénigrement peut être constitué même en l’absence d’une situation de concurrence.

  • II. Arrêt Cour de cassation, civile, Chambre commerciale du 9 janvier 2019, 17-18.350 : Dénigrement fautif d’un partenaire commercial

La dénonciation faite à la clientèle d’une action en justice, n’ayant pas donné lieu à une décision de justice, constitue un dénigrement fautif.

La divulgation par une personne d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par une autre, constitue un acte de dénigrement, et ce même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre ces personnes.

Le dénigrement ne sera pas constitué en revanche si l’information en cause se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, sous réserve que cette information soit exprimée avec une certaine mesure.

C’est ce que rappelle un arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 janvier 2019 dans une affaire où l’action en contrefaçon d’une société à l’encontre d’un tiers avait été divulguée par un agent commercial en charge de vendre ses produits. Considérant que la divulgation de l’existence d’une action en justice lui avait fait perdre des clients, le tiers a assigné la société en paiement de dommages et intérêts pour concurrence déloyale.

On rappellera que le dénigrement désigne toute action exercée auprès du public en vue de jeter le discrédit sur un commerçant, sur le fonctionnement de son entreprise ou sur ses produits.

Mais le dénigrement ne constitue un acte de concurrence déloyale et ne peut être poursuivi que si la clientèle est en mesure de reconnaître le commerçant ou le groupe de commerçants qui en est victime, ce dernier devant être clairement identifiable.

Dans l’affaire jugée le 9 janvier dernier, la demande du tiers est rejetée en appel, la cour relevant au vu des pièces produites que la dénonciation en question manquait d’objectivité, était excessive et soulignant que n’était pas démontré  » le caractère non objectif, excessif ou dénigrant, voire mensonger, des informations communiquées visant le tiers ou celui menaçant des propos tenus à l’égard des distributeurs, seul susceptible de caractériser un procédé déloyal ».

C’est au visa des articles 1382 (devenu 1240) du Code civil et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés Fondamentales, que la chambre commerciale casse l’arrêt : la divulgation à la clientèle d’une action en contrefaçon n’ayant pas donné lieu à une décision de justice,  » dépourvue de base factuelle suffisante en ce qu’elle ne reposait que sur un seul acte de poursuite engagé par le titulaire des droits » constituait bien un dénigrement fautif.  

Pour lire une version plus complète de cet article sur le dénigrement , cliquez

SOURCES :

Responsabilités du fait des liens

Avec l’arrivée du web 2.0 une nouvelle possibilité s’est ouverte par le biais des liens hypertextes. Ceux-ci permettent de créer un lien d’un site vers un autre, d’un contenu vers un autre contenu, c’est alors un outil qui apparait aujourd’hui indispensable pour naviguer sur le net. Mais le problème c’est que ces liens peuvent permettre de s’approprier le travail d’autrui. En mettant en place un lien hypertexte, est-il possible d’engager sa responsabilité ?

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I. LES PROBLEMES SOULEVES PAR LES LIENS

La nétiquette conseille d’avertir le propriétaire du site qu’on aimerait lier à son site. C’est une règle qui est un peu tombée en désuétude. Le propriétaire du site référencé voit sa notoriété augmenter au fil des liens . Mais il faut qu’il puisse être identifié !! En effet, les liens peuvent aussi servir à s’approprier le travail d’autrui. Il y a différentes façons de créer des liens d’un site vers un autre qui peuvent s’apparenter à de la contrefaçon .

A) le framing

Cette méthode permet d’afficher n’importe quel document disponible sur Internet dans l’une des fenêtres de sa page personnelle. Cette technique substitue donc l’adresse du site principal à celle du site lié, dans la barre du navigateur.

Les oeuvres n’ont pas été à proprement parlé reproduites, elle sont été simplement appelé par un code informatique. Néanmoins, l’auteur du site lié peut rappeler que selon l’article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, le simple fait de « représenter « des oeuvres sans le consentement de l’auteur est répréhensible.

B) liens hors-contexte

Les auteurs de sites font souvent de liens vers des sites qui eux font de la contrefaçon.Y a- t- il alors délit de contrefaçon ? Non, même s’ il y a passage dans la mémoire cache de l’ordinateur.


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Si le lien pointe vers une page secondaire du site, il peut y avoir atteinte à l’intégrité du site et donc contrefaçon.

Si des liens sont fait vers un site d’une grande marque, il peut aussi y avoir contrefaçon. Ainsi si un site d’un petit fabriquant de vêtement pointe vers le site de Channel, ce lien pourrait constituer une contrefaçon par utilisation et usage parasitaire.. Ce ne serait pas le cas d’un lien vers le site de Channel partant d’un site sur les différentes tendances de la mode.

Le tribunal de Commerce de Paris s’est prononcé le 26 décembre 2000 sur le deep-linking et a décidé qu’il constituait un  agissement déloyal et parasitaire condamnable sur le fondement de l’article 1382 du Code civil français.

Des liens hypertexte peuvent aussi faire l’objet de dénigrement si ces liens vers un site concurrent sont accompagnés de commentaires désobligeants.

Ce type de liens pourrait été considéré comme de la concurrence déloyale par dénigrement.

Les liens vers des sites d’entreprises concurrentes peuvent être considéré comme de la publicité comparative illicite .

C) liens hors la loi

Si vous placez des liens de votre site vers un site révisionniste ou à connotation pédophile êtes vous coupable de cette infraction par complicité ?

En fait, s’il s’agit d’un lien direct, l’infraction est constituée et le code pénal français pourrait s’appliquer.

S’il s’agit de liens indirects, il n’y a pas de responsabilité pénale, sauf à prouver que l’auteur des liens avait connaissance du fait que les liens de son site renvoyaient indirectement à de sites illicites .(Un lien indirect est une succession de liens pointant de sites en sites .)

Il vaut donc toujours mieux avoir un accord écrit, même si uniquement par mel, de l’auteur du site vers lequel un lien est crée.

 

II. LES SOLUTIONS FRANCAISES

Les tribunaux français n’ont rendu de décision, pour le moment, que dans des hypothèses de liens vers des sites jugés illégaux :

Le tribunal correctionnel d’Epinal a rendu une décision le 24 octobre 2000 : un site Internet mettait à la disposition des visiteurs des fichiers MP3 en violation des droits d’auteurs. L’auteur du site condamné à 4 mois de prison avec sursis et à 20.000 € de dommages-intérêts. Le site ne proposait cependant que des liens vers ces sites illicites et n’hébergeait pas les fichiers mp3 eux- mêmes.

Le tribunal correctionnel de Saint-Etienne avait rendu le 6 décembre 1999 le même type de décision.

En outre, la Cour de cassation a rendu, le 01 septembre 2020, aborde la question de la responsabilité pénale de l’auteur d’un lien hypertexte.

La Cour de cassation avait cassé l’arrêt de la Cour d’appel dans lequel elle reproche à celle-ci d’avoir reconnu la culpabilité de l’auteur du lien hypertexte sans examen préalable des modalités et du contexte en vertu desquelles avait été inséré le lien hypertexte qui renvoie au contenu diffamatoire.

Force est de constater, à cet égard, que la Cour tient à accorder aux juges plus de pouvoir d’appréciation souverain s’agissant du contexte inhérent au partage du lien hypertexte en question.

 

III. LES SOLUTIONS ETRANGERES

A) Les questions de propriété intellectuelle

USA l’affaire »Total News« : en utilisant la technique du « framing« , la société Total News profitait du contenu de nombreux sites journalistiques. Les parties ont conclu un accord obligeant Total News à mentionner la source des documents liés .

Pays-Bas : Une société exploitait un site web  » Kranten.com  » sur lequel on trouvait essentiellement une sélection de titre d’articles de journaux.

Un éditeur hollandais de quotidiens , PCM, a saisi la justice, s’estimant lésé par l’activité de deep-linking de  » Kranten.com « . Il invoquait le fait que l’accès aux articles par deep-linking lui était préjudiciable dans la mesure ou les visiteurs ne passaient plus par la page d’accueil . En conséquence, l’espace publicitaire situé sur cette page était moins rentable car la page était moins fréquentée.

Les juges ont conclu le 22 août 2000 à la légalité du deep-linking dans cette hypothèse, en se basant sur une disposition néerlandaise proche de l’exception de revue de presse française.

B) Les cas de liens vers des sites jugés illicites

Belgique : Le tribunal de commerce de Bruxelles a condamné, le 2 novembre 1999, un hébergeur à retirer de ses serveurs des liens hypertextes placés sur certaines pages hébergées au motif qu’ils renvoyaient vers des fichiers illégaux (MP3).

Belgique : Le tribunal de première instance d’Anvers a condamné, le 21 décembre 1999, le propriétaire d’un site qui comprenait plus de 25.000 liens vers des fichiers MP3 illégaux, sur la base de l’article 1382 du code civil belge qui est le même que celui du code civil français.

Allemagne : Une décision du 12 mai 1998 d’un tribunal de Hambourg a retenu la responsabilité délictuelle d’une personne qui avait établi une compilation de liens hypertextes vers des informations en ligne portant atteinte à l’honneur d’une autre personne.

Etats-Unis : Dans l’affaire  » Ticketmaster Corp. v. Tickets.com « , la federal district court de Los Angeles a considéré, le 27 mars 2000, qu’un lien hypertexte ne pouvait pas en tant que tel violer le droit d’auteur d’autrui. Dans ce cas ce lien serait assimilable à une référence bibliographique indiquant uniquement le lieu de l’œuvre recherchée.

Etats-Unis : Dans des affaires où des sites offrait des liens vers un programme permettant de décrypter les protections des DVD, des solutions contradictoires ont été rendues en fonction des états : la cour supérieure de Californie a refusé, le 20 janvier 2000, d’interdire ces liens, et la cour du district sud de New-York a interdit ces liens le 17 août 2000, en se basant sur le Digital Millennium Copyright Act de 1998.

Canada : La Cour suprême du Canada, dans l’affaire Crookes v Newton de 201, avait statué qu’un lien hypertexte qui renvoie vers un site, dans lequel un contenu protégé a été légalement partagé, n’est pas une reproduction en soi et par conséquent ne porte pas atteinte aux droits d’auteur. Elle rajoute également qu’un hyperlien en soi ne constitue pas une publication de matériel diffamatoire, et que la poursuite en diffamation de Crookes devrait être rejetée parce que les hyperliens sur le site Web de Newton vers d’autres contenus prétendument diffamatoires n’étaient pas une « publication » de matériel diffamatoire.

CONCLUSION On observe que dans l’ensemble, les solutions françaises et étrangères sont relativement cohérentes, les Etats-Unis se situant un peu à part notamment car ils ne reconnaissent pas en tant que tel le droit d’auteur.

Mais les décisions semblent toutes aller vers une responsabilité de l’auteur du lien, que ce soit un lien vers un site illégal ou bien un lien vers des pages en violation du droit d’auteur.

Ces techniques peuvent être contournée néanmoins sans difficulté aucune par la cible , tout au moins en ce qui concerne celui qui subit le framing : il suffit de rajouter les lignes suivantes de code dans le corps de la page htm, après la balise Body :

SCRIPT LANGUAGE= »JavaScript » if (top.frames.length!=0) {top.location=self.document.location;} /SCRIPT(en refermant bien les parenthèses des balises)

Sources :
crim., 1er septembre 2020, n°19-84.505
https://digitalcommons.wcl.american.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1107&context=ipbrief

https://globalfreedomofexpression.columbia.edu/cases/crookes-v-newton/

La reconnaissance d’un droit au sample

Le  » sampling  » consiste en l’utilisation d’un extrait musical d’une première oeuvre pour créer une seconde oeuvre. Si dans un premier temps, le droit a cherché à protéger la propriété des auteurs sur leurs oeuvres, les juridictions ont tendance aujourd’hui à reconnaitre un droit au  » sample « .

Une nouvelle méthode de création musicale est appelée  » sampling « , ou  » échantillonnage  » en français. Elle consiste à intégrer un court l’échantillon d’une première oeuvre musicale dans une seconde.

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Défini également par la CJUE, le « sampling », est « la technique de l’« échantillonnage », qui consiste, pour un utilisateur, à prélever, le plus souvent à l’aide d’équipements électroniques, un échantillon d’un phonogramme, et à l’utiliser aux fins de la création d’une nouvelle œuvre ».

Souvent, les artistes empruntent l’extrait sans demander à l’auteur, et sont alors susceptibles d’être attaqués sur le fondement du droit d’auteur.

C’est le cas de Michael Jackson qui en 2008 se fit attaquer par Manu Dibango devant le Tribunal de Grande Instance de Paris pour avoir  » samplé  » une de ses chansons sans son autorisation.

La musique populaire actuelle utilise de plus en plus le  » sample « , c’est pourquoi s’est greffé au débat juridique une véritable composante économique et culturelle.

La doctrine, elle, se demande même si le  » sample  » est une oeuvre musicale à part entière ou non. Les enjeux sont importants. En effet, si le  » sample  » revêt la qualification d’oeuvre musicale, il pourra prétendre à la protection du droit d’auteur. Sinon, sa protection sera plus faible.

Le droit français n’emploie pas le mot  » sample « , mais certains textes ont permis de l’appréhender malgré tout.


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C’est pourquoi dans un premier temps, le  » sample  » a été considéré comme contrefaisant (I.). L’enjeu économique et culturel du  » sample » a néanmoins participé à modifier le droit applicable au  » sample « , jusqu’à des hypothèses de reconnaissance d’un droit au  » sample  » (II.).

 

I. Le rejet du droit au  » sample « 

 A. La doctrine française classique

La doctrine française classique a tendance a vouloir protéger au maximum le droit de propriété de l’auteur. Ainsi, il rejette le droit au  » sample  » de deux manières.

La première est celle du droit de citation (www.murielle-cahen.com/publications/page2160.asp). L’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle le décrit comme une exception au droit d’auteur. Il dispose aussi que cette citation doit être courte, et justifiée  » par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées « . Enfin, doivent être  » indiqués clairement le nom de l’auteur et la source « .

Le  » sample  » étant un extrait, il pourrait être compris comme une citation musicale. C’est par exemple ce qu’avait fait valoir la radio NRJ dans l’affaire SCPPF et UPPFI c/ Chérie FM et NRJ, que le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris avait tranché le 15 mai 2002.

Cependant, le  » sample  » tel qu’on l’entend dans cet article ne saurait répondre à la qualification de citation, dans la mesure où il ne remplit pas le critère de l’information.

En plus de la citation, la doctrine considère que le  » sample  » peut dénaturer l’oeuvre originelle et ainsi porter préjudice au droit moral de l’auteur sur son oeuvre. Dans ce droit moral, on trouve le droit au respect de l’oeuvre . L’article L.121-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que  » L’auteur jouit du droit au respect (…) de son oeuvre « .

Ainsi, au même titre que les ayants droit d’Hergé avaient fait cesser une représentation d’un Tintin drogué et bisexuel, on peut très bien imaginer que les ayants droit d’Edith Piaf ne veuillent pas être associés à une chanson insultant les forces de l’ordre.

Le TGI de Paris avait notamment disposé que  » la superposition d’un bruitage à l’interprétation d’un chef d’orchestre peut, dans certaines circonstances, porter atteinte au droit au respect de cette interprétation  » le 10 janvier 1990, au sujet d’un remix.

 B. La jurisprudence américaine

Les Etats-Unis donnent une importance toute particulière au droit de propriété privée, si bien que leur Constitution la protège dans deux amendements : le Vème et le XIVème. Ainsi, dès lors que l’oeuvre est devenue une propriété, c’est à dire qu’elle a été déposée et enregistrée au Copyright Office, elle bénéficiera d’une protection étendue.

Ainsi, dans l’affaire Grand Upright Music Ltd c. Warner Bros. Records Inc. jugée en 1991 par la District Court de New-York, la Cour avait retenu que  » le  » sampling  » non-autorisé peut-être qualifié de contrefaçon « .

En effet, l’auteur à l’origine du  » sample  » a bien un droit de propriété sur l’oeuvre musicale dont est issu le  » sample « , et donc a fortiori sur le  » sample  » lui-même. Il convient donc, comme pour toute autre utilisation d’une oeuvre, de demander l’autorisation de son propriétaire, d’autant plus quand elle utilisée dans un but lucratif.

Le droit français requiert lui aussi de demander une autorisation à l’auteur pour utiliser publiquement son oeuvre, qu’elle soit musicale, dramatique ou littéraire. C’est d’ailleurs sur ce fondement que Manu Dibango avait attaqué Michael Jackson dans l’affaire citée en introduction.

II. Vers la reconnaissance d’un droit au sample

 A. La reconnaissance en droit interne

Si on vient de voir la position américaine des années 90, une décision récente a semble t-il changé la donne.

Le 2 juin 2016, dans une décision concernant la chanteuse Madonna, le juge américain a utilisé le critère du  » grand public  » pour déterminer si l’auteur originel avait le droit a des royalties. Ce critère se base sur la capacité du grand public à discerner l’origine du  » sample « . S’il ne le peut pas, l’auteur originel n’aura aucun droit sur la nouvelle oeuvre.

Le juge américain a semble t-il voulu favoriser la création face à la propriété par cette décision, et permet une avancée certaine vers la reconnaissance d’un droit au  » sample « .

Cette solution pourrait s’appliquer en droit français. L’article L.511-4 du Code de la propriété intellectuelle, s’il concerne les  » dessins et modèles « , utilise le critère de l’  » observateur averti  » pour déterminer l’originalité ou la banalité d’un dessin ou modèle.
Par analogie, ce critère de  » l’observateur averti  » pourrait être appliqué au droit des oeuvres musicales, et notamment au droit du  » sample « .

D’ailleurs, le TGI de Paris avait rendu le 5 juillet 2000 un arrêt dans lequel ils ont utilisé le  critère du  » caractère reconnaissable de l’emprunt par un auditeur moyen  » pour déterminer si un sample était ou non constitutif d’une contrefaçon.

De surcroît, les juges de cassation se sont prononcés également, dans un arrêt du 15 mai 2015, portant sur les œuvres composites. Il est à noter que cette décision sera applicable également au droit au sample. Il s’agissait, dans cette affaire, de l’incorporation par un peintre d’une photographie en tant qu’œuvre première dans son tableau constituant la seconde œuvre. Le photographe saisit le juge en justice pour réparation de son préjudice en se prévalant de ses droits d’auteur, et considérant qu’il s’agissait d’une contrefaçon.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel qui donnait raison au photographe en considérant qu’il s’agit d’une violation de son droit de propriété. En effet, les juges ont tranché en faveur du peintre qui se prévalait de l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme traitant de la liberté d’expression et englobant la liberté de création artistique. Ainsi, il est notable que les juridictions françaises ont tendance à privilégier la liberté d’expression sur les droits d’auteur. (1)

 B. Vers une reconnaissance européenne ?

Enfin, on peut se demander si le droit au  » sample  » ne pourrait pas être reconnu au niveau européen, notamment en utilisant la qualification d’  » oeuvre composite « .

La cour de cassation avait, le 15 mai 2015, rendu un arrêt concernant l’incorporation par un peintre d’une photographie dans son tableau. Le photographe avait alors attaqué le peintre en se prévalant de son droit d’auteur et en estimant que le peintre avait commis une contrefaçon. La Cour d’appel lui avait donné raison.

Le peintre se prévalait de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme sur la liberté d’expression, et la Cour de cassation lui a donné raison.

En effet, on considère que fait partie de la liberté d’expression , la liberté de création. Ainsi, comme la Cour d’Appel des Etats-Unis dans l’affaire concernant Madonna, la Cour de cassation utilise la technique de la  » balance des intérêts  » qui consiste à rechercher quel droit mérite le plus d’être protégé : le droit d’auteur, ou la liberté de création ?

Cette solution est applicable au droit du  » sample « , qui peuvent être considérées comme des oeuvres composites dans le sens où elles sont un emprunt à une oeuvre préexistante.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée, le 29 juillet 2019, sur la licéité du « sampling » dans une affaire portant sur les droits des producteurs d’un phonogramme. Un groupe de musique électronique allemand nommée Kraftwerk reprochait à la société Pelham le recours au sampling afin de copier deux secondes d’une séquence rythmique prélevée sur l’un de leurs phonogrammes, et ce, pour l’intégrer dans leur titre.

D’abord, La CJUE a réaffirmé que, en vertu de l’article 2 de la directive 2001/29 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, la reprise par un utilisateur d’un échantillon sonore prélevé d’un phonogramme, et ce, sans l’autorisation du titulaire des droits concernés, constitue effectivement une reproduction partielle de ce phonogramme.

La CJUE a rajouté, toutefois, qu’il ne s’agissait pas d’une « reproduction » du moment que l’échantillon sonore prélevé sur un phonogramme afin de l’intégrer dans un autre phonogramme est sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute. Force est de constater que cette position jurisprudentielle européenne est en parfaite concordance avec la jurisprudence française en droit interne en la matière (TGI Paris, 5 juillet 2000, Cooper c/ Sté Ogilvy & Mathe). (2)

Ainsi, les juridictions européennes ont une tendance actuelle à privilégier la liberté d’expression au droit d’auteur. On peut donc s’attendre à une reconnaissance plus formelle du droit au sample dans un futur proche.

Pour l’article en version plus complète, cliquez sur ce lien sur le droit au sample

Sources :

– http://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2009/06/article_0007.html
– http://www.datasecuritybreach.fr/droit-sample-sampling-madonna/#axzz4AuRYlpVR
–  » Propriété Littéraire et Artistique « , Pierre-Yves Gautier, PUF
– C.Cass, Civ. 1er, 15 mai 2015, , n° 13-27.391 ; https://www.dalloz-actualite.fr/flash/droit-d-auteur-recherche-du-juste-equilibre-entre-monopoles#.YiJGSy3pO8V
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=008F49034EE10EE7234E1D0220120009?text=&docid=216552&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=14184794