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L’utilisation d’une image libre de droits ne dispense pas du respect du droit moral de l’auteur

La décision rendue par la cour d’appel de Rennes permet de rappeler qu’un écrit mentionnant qu’une photographie était libre de droits n’affranchit pas l’utilisateur du respect des prérogatives morales du photographe.

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Les faits présentés sont les suivants : un individu prétend exercer une activité de journaliste-reporter-photographe, alors qu’il ne dispose pas de carte professionnelle. Il est également le directeur et fondateur d’un journal depuis 1988. La municipalité l’avait sollicité en 2016 afin de réaliser un reportage sur la ville. Un devis de 2 500 € avait été établi le 30 juin 2016 à la suite duquel plusieurs clichés avaient été pris. La facture émise le 7 octobre 2016 et réglée, faisait état de la mention suivante : « les photographies sont libres de droits ». Au changement de municipalité, le photographe a perdu ses accréditations pour les évènements organisés par la commune. Pourtant, sur le site internet de la municipalité était publiée l’une de ses photographies, recadrée et utilisée sans son accord.

Le photographe assigne donc la municipalité en contrefaçon de droit d’auteur et en paiement de diverses sommes ; des demandes pour lesquelles les juges du fond le déboutent finalement. L’appel interjeté vise à faire reconnaître que la commune est coupable d’actes de contrefaçon et responsable du préjudice subi qui découle de l’atteinte aux droits moraux et patrimoniaux, au non-respect de l’œuvre.


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I. L’appréciation de l’originalité de la photographie

A. Source de l’exigence

L’exigence d’originalité n’est pas formulée de manière expresse par le législateur français, sauf pour les titres des œuvres (CPI, art. L. 112-4), où elle est d’ailleurs d’application délicate. Mais la jurisprudence s’y réfère constamment depuis des décennies.

Notion d’originalité – d’abord, l’appréciation de l’originalité de la photographie se situe à L’article L. 112-2 du code de la propriété intellectuelle qui dresse une liste non exhaustive des œuvres dites de l’esprit bénéficiant de la protection au titre du droit d’auteur. Figure au neuvième alinéa de cet article une mention relative aux œuvres photographiques. En ce sens, les photographies sont considérées par principe comme des œuvres de l’esprit, ce qui octroie au photographe un droit d’auteur sur ces dernières. Mais la protection de la photographie en tant que telle relève en réalité d’un contentieux particulièrement dense.

L’originalité s’entend traditionnellement en droit français de l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Elle s’oppose ainsi à la notion objective de nouveauté, qui renvoie à l’absence d’antériorité. C’est sur la base de cette distinction que la Cour de cassation a censuré, au visa des articles L. 112-1 et L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle , l’arrêt qui avait déduit l’originalité d’un ouvrage sur la Corse de la conjonction de caractéristiques éditoriales tenant notamment au format adopté, à la couleur et à la qualité du papier choisi et à l’apposition de simples légendes, caractéristiques qui se trouvaient pour la première fois réunies, en lui reprochant d’avoir ainsi fondé sa décision sur l’absence d’antériorité de toutes pièces et le caractère nouveau des choix opérés, sans caractériser en quoi ces choix, pour arbitraires qu’ils soient, portaient l’empreinte de la personnalité de ses auteurs.

Une approche plus objective a toutefois été retenue par la Cour de justice dans l’affaire Infopaq où la notion d’originalité a été érigée en notion autonome de droit de l’Union et l’œuvre originale définie comme la « création intellectuelle propre à (son) auteur » (CJCE, 16 juill. 2009, aff. C-5/08, pt 35).

Œuvres techniques – L’approche subjective de l’originalité n’est pas très facile à concilier avec l’accès à la protection des œuvres de caractère technique. La difficulté a surtout été relevée pour les logiciels. La loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 les a ajoutés à la liste des œuvres protégeables, mais s’est bien gardée de préciser en quoi peut consister cette originalité. La directive 91/250/CEE du 14 mai 1991 (« consolidée » par la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009), transposée en droit français par la loi n° 94-361 du 10 mai 1994, ne jette aucune lumière dans ce débat en définissant le programme original comme celui qui est « la création intellectuelle propre à son auteur » (art. 1.3).

Œuvres premières et œuvres dérivées – L’œuvre peut répondre à la condition d’originalité tout en empruntant à une œuvre préexistante des éléments donnant prise au droit d’auteur. L’article L. 112-3 du Code de la propriété intellectuelle admet ainsi au bénéfice de la protection les « traductions, adaptations, transformations ou arrangements » (V. pour une traduction, relevant « l’existence d’un dialogue intime » avec l’œuvre première, CA Paris, pôle 5-1, 7 juin 2016, n° 15/03475 : Propr. intell. 2016, p. 428, 2e esp., obs. J.-M. Bruguière. – Mais V. pour une traduction non originale, témoignant seulement du savoir-faire et de l’érudition du traducteur, CA Paris, pôle 5-1, 29 juin 2021, n° 18/21198 : LEPI janv. 2022, p. 2, obs. A. Zollinger), de même que les « anthologies et recueils d’œuvres diverses », « le caractère relatif de l’originalité n’est pas exclusif de l’empreinte de la personnalité »), ce qui, bien sûr, n’empêche pas l’œuvre seconde d’être contrefaisante si son auteur n’a pas obtenu l’autorisation de l’auteur de l’œuvre première.

Pour la même raison, l’emprunt à des éléments du domaine public n’empêche pas l’œuvre seconde d’être originale. On en déduit par exemple, dans le domaine musical, que l’œuvre peut être inspirée du folklore (V. pour des improvisations du guitariste Manitas de Plata : Cass. 1re civ., 1er juill. 1970) et que peuvent être protégées des partitions permettant de faire revivre, à partir de sources lacunaires ou altérées, les œuvres du « maître de musique » français Michel-Richard de Lalande.

Copies et restaurations d’œuvres graphiques ou plastiques – La Cour de cassation n’a pas hésité à ériger en principe que : « les copies d’œuvres d’art plastique jouissent de la protection instituée par le Code de la propriété intellectuelle, dès lors, qu’exécutées de la main même de leur auteur, elles portent l’empreinte de sa personnalité ». . On rapprochera cette jurisprudence de celle admettant la protection par le droit d’auteur de la « reconstitution » de sculptures de la façade du château de Versailles, de la restauration du « grand parterre central de broderies » du parc de Vaux-le-Vicomte (CA Paris, 4e ch., 11 févr. 2004, n° 2002/10230), et de la « restructuration » dans le style classique de l’orgue de chœur de la cathédrale de Strasbourg construit en 1878 dans le style romantique (CE, 14 juin 1999, n° 181023).

B. Preuve de l’originalité

L’originalité ne pouvant s’attacher à un genre, elle doit être constatée cas par cas, décidant que l’obligation d’apprécier l’originalité de chaque photographie, objet du litige, n’interdit pas de « les regrouper, en fonction de leurs caractéristiques », admettant que la reconnaissance de la contrefaçon d’une masse d’œuvres n’oblige pas le juge pénal à les identifier précisément, ni même à caractériser leur originalité individuellement.

Le juge ne saurait exclure l’originalité d’une œuvre, qui doit être appréciée dans son ensemble, au seul motif que les éléments la constituant sont banals. C’est normalement à celui qui se prévaut du monopole d’auteur de démontrer que l’œuvre remplit les conditions pour être investie de la protection légale, ce qui suppose qu’il la verse aux débats.

Il faut bien voir cependant que pour la plupart des œuvres, l’originalité coule de source et ne donne lieu à aucune contestation, de sorte que tout se passe en pratique comme si l’œuvre bénéficiait d’une présomption d’originalité. Ainsi, l’originalité des dessins, peintures, sculptures, gravures, lithographies et illustrations visés par l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle se déduit nécessairement de la paternité et elle est rarement discutée. C’est seulement dans les cas limites où la nature de l’œuvre fait douter de la possibilité de la protection, que le débat sur l’originalité revient au premier plan et que les règles de droit commun sur la charge de la preuve reçoivent application.

Tel est le cas pour les logiciels, dont l’originalité est, dans la pratique, établie à partir de rapports d’expertise, pour les œuvres des arts appliqués. Pour les photographies dites « de plateau », qui servent notamment à fournir des repères lors du montage d’un film. Toutefois, si l’assignation doit décrire et identifier l’œuvre revendiquée, elle n’a pas à établir son originalité.

II. Prérogatives accordées aux auteurs

A. Droit moral

Article L121-1 CPI L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur.

Le droit moral est dit extra-patrimonial. Il est attaché à la personne du titulaire qui, de son vivant, en a le seul exercice. En outre, il est perpétuel et inaliénable. On ne peut ni le céder, ni y renoncer. Le droit moral est également imprescriptible. Cela signifie qu’il ne s’acquiert ni ne se perd par l’écoulement du temps.

Le droit moral se définit comme le lien juridiquement protégé, unissant le créateur à son œuvre et lui conférant des prérogatives souveraines à l’égard des usagers, l’œuvre fut- elle entrée dans le circuit économique. Le code de la propriété intellectuelle décline le droit moral en quatre prérogatives : le droit de divulgation, le droit de repentir, le droit à la paternité, le droit au respect de l’œuvre. Le code de la propriété intellectuelle précise le droit moral à l’article L111-1 dans lequel il est précisé qu’outre la partie du droit du créateur et les droits patrimoniaux «  comportent des attributs d’ordre intellectuel et moral »

1) Droit de divulgation

Le droit de divulgation correspond à la phase de mise en contact de l’œuvre avec le public, celle-ci ne peut être décidée que par l’auteur « seul » sauf cas des œuvres collectives ou œuvre participative dans lesquelles les règles sont différentes. Le droit de divulgation se consomme dès son premier usage. Les conditions et les procédés choisis pour la divulgation sont aux seuls choix de l’auteur, un créancier de l’auteur ne peut pas exercer ce droit de divulgation en lieu et place de l’auteur débiteur, la divulgation de l’œuvre ne peut pas être contrainte par exécution forcée. Ainsi, le droit de divulgation correspond à un droit personnel, tous les actes postérieurs à la divulgation relèveront du droit patrimonial de l’œuvre.

Il est nécessaire lors de la divulgation d’un fait matériel de publication et un critère intentionnel démontrant la volonté de l’auteur de communiquer son œuvre au public, la remise à un tiers n’entraîne pas la divulgation. Ces deux critères sont cumulatifs pour intenter une action en divulgation.

2) Droit de repentir

Le droit de repentir correspond au droit de revenir sur son œuvre, il arrive pour un auteur de regretter une œuvre ou même de la trouvé imparfaite peu de temps après sa divulgation, ce droit de repentir prévu à l’article L121-4 du Code de la propriété intellectuelle , cet article prévoit que l’auteur a un droit de repentir même après la divulgation de son œuvre et non le support de celle-ci. Ce droit porte sur toutes les œuvres à l’exception de celles exclues expressément par certains textes spéciaux tels que pour le logiciel.

Le droit de repentir ne s’applique que dans le cadre contractuel, tel que le contrat de cession ou de licence. Afin de mettre en œuvre le droit de repentir, cela nécessite une indemnisation du cessionnaire par l’auteur les conditions relatives à l’indemnisation son prévu à l’article L121-4 du code la propriété intellectuelle.

3) Le droit à la paternité

Le droit à la paternité est une faculté accordée à l’auteur de revendiquer sa qualité d’auteur et d’exiger la figuration de son nom à côté de l’œuvre. L’auteur de l’œuvre jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit à la paternité de l’auteur est lié à la divulgation de l’œuvre.

4) Le droit au respect de l’œuvre

L’article L121-1 précise que l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur. L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires. »

B. Droits patrimoniaux

  1. La composition des droits patrimoniaux.

La nature de ces droits consiste essentiellement en un privilège exclusif reconnu à l’auteur, puis à ses ayants droit, d’une exploitation temporaire de ses oeuvres. Les droits patrimoniaux se composent de quatre attributs :

Tout d’abord le premier attribut est le droit de reproduction. Ce droit consiste dans la fixation matérielle de l’œuvre au public par tous les procédés qui permettent de la communiquer au public de manière indirecte (art. L. 122-3 CPI). Le Code cite notamment : « l’imprimerie, la photographie et tout procédé des arts graphiques et plastiques ainsi que l’enregistrement mécanique cinématographique ou magnétique ». L’autorisation de l’auteur est requise pour chaque mode d’exploitation de l’oeuvre, que la copie soit pérenne ou éphémère. L’usage est dit public lorsque la reproduction est destinée à une autre personne que celle l’ayant réalisée.

Ensuite le second attribut est le droit de représentation. La loi précise que la communication de l’oeuvre au public peut se faire « notamment » de deux façons : soit directement, par la représentation d’un spectacle vivant, la projection publique d’un film ou la diffusion publique d’un disque, par exemple, soit indirectement, en rendant l’oeuvre accessible au public par télédiffusion.

Le troisième attribut des droits patrimoniaux est le droit d’adaptation. Par ce droit, l’auteur autorise ou non l’acquéreur à procéder à une modification de l’œuvre en vue de l’adapter. À titre d’exemple, un logiciel peut s’avérer vétuste passé un délai de trois ans et nécessiter une mise à niveau en rapport avec les besoins de son utilisateur, sans toutefois avoir besoin de le remplacer. Dans le domaine musical ce droit s’appelle le droit de synchronisation mais l’on est ici à la limite du respect du droit moral de l’auteur.

Enfin les droits patrimoniaux sont composés d’un quatrième attribut, il s’agit du droit de suite. Le droit de suite est un droit qui bénéficie exclusivement aux auteurs d’œuvres graphiques ou plastiques. Ces auteurs disposent du droit inaliénable de participer au produit de la vente de leurs œuvres faites aux enchères publiques ou par l’intermédiaire d’un commerçant (art. L. 122-8 CPI).

  1. Les caractères des droits patrimoniaux

Les caractères des droits patrimoniaux sont au nombre de quatre :

D’une part il s’agit de droits universels. Dans tous les pays qui admettent le principe de la propriété littéraire et artistique, des droits pécuniaires sont reconnus aux auteurs. Ce type de droit est consacré au niveau international par les conventions de Berne1 et de Genève2.

D’autre part il s’agit de droits exclusifs. C’est-à-dire que les droits patrimoniaux appartiennent en propre à l’auteur. Lui seul peut fixer les conditions d’exploitation de son oeuvre. Avec cette conséquence, que lui revient directement ou indirectement, le produit de cette exploitation. En revanche, on remarque qu’un des quatre droits pécuniaires ne répond pas à ces règles générales, il s’agit du droit de suite, qui concerne essentiellement les auteurs d’œuvres plastiques.

Ensuite les droits patrimoniaux sont des droits cessibles. Alors que les droits moraux sont inaliénables, les droits patrimoniaux peuvent être librement cédés ou concédés à des tiers, à titre gratuit ou onéreux. Le cessionnaire ou le concessionnaire peuvent indifféremment être des personnes physiques ou morales. Toutefois des limites existent au droit de cession. À l’instar du droit moral, le droit de suite n’est pas cessible. Quant aux droits de représentation et de reproduction, des restrictions ont été adoptées concernant notamment la cession globale d’oeuvres futures.

Enfin en dernier lieu, les droits patrimoniaux sont des droits temporaires. À l’inverse du droit de propriété, qui est perpétuel, l’idée est que le monopole d’exploitation accordé à l’auteur ne doit pas devenir exorbitant par rapport au droit du public d’accéder aux œuvres. Passée une certaine durée, suivant le décès de l’auteur, les œuvres tombent dans le domaine public et deviennent de ce fait libres de droits, c’est-à-dire qu’il n’est alors plus nécessaire d’obtenir d’autorisation, ni de verser une quelconque rémunération. Sauf cas particulier, cette durée est de soixante-dix ans pour les ayants droits à compter du 1er janvier de l’année civile suivant celle du décès de l’auteur.

 

III. L’atteinte au droit moral de l’auteur

La violation du droit moral de l’auteur (par exemple quelqu’un porte atteinte au droit de divulgation ou de paternité de l’auteur, atteinte au droit au respect de l’oeuvre) ;

La violation de ses droits patrimoniaux (reproduction et/ou représentation intégrale ou partielle de l’oeuvre sans autorisation de l’auteur).

En cas de litige, la victime peut saisir le juge civil par le biais d’une assignation devant le Tribunal de Grande Instance afin d’obtenir entre autres mesures :

l’allocation de dommages et intérêts à l’auteur en réparation du préjudice subi

la cessation de l’exploitation de l’oeuvre contrefaisante

La victime peut également saisir le juge pénal par un dépôt de plainte auprès du Procureur de la République.

Ces infractions donnent lieu à des sanctions pénales (article L. 335-2 CPI : 3 ans d’emprisonnement, 300 000 euros d’amende et, le cas échéant, confiscation des recettes procurées par l’infraction ou des objets contrefaisants).

Dans le cas d’espèce cité ci-dessus, la question était de savoir si le fait d’avoir recadré et publié la photographie sans l’accord de l’auteur était constitutif à la fois d’un acte de contrefaçon et causait un préjudice moral distinct ?

La cour d’appel de Rennes considère que différents éléments illustrent l’originalité de la photographie de laquelle se déduit l’empreinte de la personnalité de son auteur. Elle ordonne que le jugement soit infirmé sur ce point. Elle admet également l’atteinte au droit moral de l’auteur, mais rejette la demande fondée sur l’atteinte au droit patrimonial puisque le devis signé faisait mention du fait que les photographies étaient libres de droits. L’auteur avait donc renoncé à sa rémunération. Enfin, elle considère qu’il n’y a pas de préjudice moral distinct du droit moral de l’auteur. En motivant ainsi sa décision, la cour d’appel de Rennes vient alimenter le contentieux en la matière et procède de façon relativement classique à l’appréciation de l’originalité de la photographie. Elle poursuit en distinguant l’atteinte au droit moral de celle du droit patrimonial, mais rejette l’existence d’un préjudice moral distinct.

Les juges ont ainsi condamné la municipalité à verser à l’auteur la somme de 500 €, en raison du recadrage de l’œuvre, et de l’absence d’apposition du nom du photographe sur le site Internet de la municipalité, et ce sans autorisation de l’auteur.

La mention libre de droit ne peut donc viser, selon la cour, que l’absence de rémunération puisque « la gratuité d’utilisation ne pouvait être confondue avec une utilisation modifiée sans autorisation et sans le nom de son auteur, le droit moral étant incessible ».

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Sources :

Cour d’appel de Rennes, 1re chambre, 17 janvier 2023, n° 20/05121 | Doctrine
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 11 février 1997, 95-13.176, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 17 février 2004, 01-16.415, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 9 novembre 1993, 91-17.061, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 avril 2013, 10-16.063 10-30.676, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 27 février 2018, 16-86.881, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 avril 2012, 11-10.463, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 12 janvier 1994, 91-15.718, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
http://www.jurizine.net/2005/09/02/11-les-droits-patrimoniaux-de-l-auteur-sur-son-oeuvre

La reconnaissance d’un droit au sample

Le  » sampling  » consiste en l’utilisation d’un extrait musical d’une première oeuvre pour créer une seconde oeuvre. Si dans un premier temps, le droit a cherché à protéger la propriété des auteurs sur leurs oeuvres, les juridictions ont tendance aujourd’hui à reconnaitre un droit au  » sample « .

Une nouvelle méthode de création musicale est appelée  » sampling « , ou  » échantillonnage  » en français. Elle consiste à intégrer un court l’échantillon d’une première oeuvre musicale dans une seconde.

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Défini également par la CJUE, le « sampling », est « la technique de l’« échantillonnage », qui consiste, pour un utilisateur, à prélever, le plus souvent à l’aide d’équipements électroniques, un échantillon d’un phonogramme, et à l’utiliser aux fins de la création d’une nouvelle œuvre ».

Souvent, les artistes empruntent l’extrait sans demander à l’auteur, et sont alors susceptibles d’être attaqués sur le fondement du droit d’auteur.

C’est le cas de Michael Jackson qui en 2008 se fit attaquer par Manu Dibango devant le Tribunal de Grande Instance de Paris pour avoir  » samplé  » une de ses chansons sans son autorisation.

La musique populaire actuelle utilise de plus en plus le  » sample « , c’est pourquoi s’est greffé au débat juridique une véritable composante économique et culturelle.

La doctrine, elle, se demande même si le  » sample  » est une oeuvre musicale à part entière ou non. Les enjeux sont importants. En effet, si le  » sample  » revêt la qualification d’oeuvre musicale, il pourra prétendre à la protection du droit d’auteur. Sinon, sa protection sera plus faible.

Le droit français n’emploie pas le mot  » sample « , mais certains textes ont permis de l’appréhender malgré tout.


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C’est pourquoi dans un premier temps, le  » sample  » a été considéré comme contrefaisant (I.). L’enjeu économique et culturel du  » sample » a néanmoins participé à modifier le droit applicable au  » sample « , jusqu’à des hypothèses de reconnaissance d’un droit au  » sample  » (II.).

 

I. Le rejet du droit au  » sample « 

 A. La doctrine française classique

La doctrine française classique a tendance a vouloir protéger au maximum le droit de propriété de l’auteur. Ainsi, il rejette le droit au  » sample  » de deux manières.

La première est celle du droit de citation (www.murielle-cahen.com/publications/page2160.asp). L’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle le décrit comme une exception au droit d’auteur. Il dispose aussi que cette citation doit être courte, et justifiée  » par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées « . Enfin, doivent être  » indiqués clairement le nom de l’auteur et la source « .

Le  » sample  » étant un extrait, il pourrait être compris comme une citation musicale. C’est par exemple ce qu’avait fait valoir la radio NRJ dans l’affaire SCPPF et UPPFI c/ Chérie FM et NRJ, que le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris avait tranché le 15 mai 2002.

Cependant, le  » sample  » tel qu’on l’entend dans cet article ne saurait répondre à la qualification de citation, dans la mesure où il ne remplit pas le critère de l’information.

En plus de la citation, la doctrine considère que le  » sample  » peut dénaturer l’oeuvre originelle et ainsi porter préjudice au droit moral de l’auteur sur son oeuvre. Dans ce droit moral, on trouve le droit au respect de l’oeuvre . L’article L.121-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que  » L’auteur jouit du droit au respect (…) de son oeuvre « .

Ainsi, au même titre que les ayants droit d’Hergé avaient fait cesser une représentation d’un Tintin drogué et bisexuel, on peut très bien imaginer que les ayants droit d’Edith Piaf ne veuillent pas être associés à une chanson insultant les forces de l’ordre.

Le TGI de Paris avait notamment disposé que  » la superposition d’un bruitage à l’interprétation d’un chef d’orchestre peut, dans certaines circonstances, porter atteinte au droit au respect de cette interprétation  » le 10 janvier 1990, au sujet d’un remix.

 B. La jurisprudence américaine

Les Etats-Unis donnent une importance toute particulière au droit de propriété privée, si bien que leur Constitution la protège dans deux amendements : le Vème et le XIVème. Ainsi, dès lors que l’oeuvre est devenue une propriété, c’est à dire qu’elle a été déposée et enregistrée au Copyright Office, elle bénéficiera d’une protection étendue.

Ainsi, dans l’affaire Grand Upright Music Ltd c. Warner Bros. Records Inc. jugée en 1991 par la District Court de New-York, la Cour avait retenu que  » le  » sampling  » non-autorisé peut-être qualifié de contrefaçon « .

En effet, l’auteur à l’origine du  » sample  » a bien un droit de propriété sur l’oeuvre musicale dont est issu le  » sample « , et donc a fortiori sur le  » sample  » lui-même. Il convient donc, comme pour toute autre utilisation d’une oeuvre, de demander l’autorisation de son propriétaire, d’autant plus quand elle utilisée dans un but lucratif.

Le droit français requiert lui aussi de demander une autorisation à l’auteur pour utiliser publiquement son oeuvre, qu’elle soit musicale, dramatique ou littéraire. C’est d’ailleurs sur ce fondement que Manu Dibango avait attaqué Michael Jackson dans l’affaire citée en introduction.

II. Vers la reconnaissance d’un droit au sample

 A. La reconnaissance en droit interne

Si on vient de voir la position américaine des années 90, une décision récente a semble t-il changé la donne.

Le 2 juin 2016, dans une décision concernant la chanteuse Madonna, le juge américain a utilisé le critère du  » grand public  » pour déterminer si l’auteur originel avait le droit a des royalties. Ce critère se base sur la capacité du grand public à discerner l’origine du  » sample « . S’il ne le peut pas, l’auteur originel n’aura aucun droit sur la nouvelle oeuvre.

Le juge américain a semble t-il voulu favoriser la création face à la propriété par cette décision, et permet une avancée certaine vers la reconnaissance d’un droit au  » sample « .

Cette solution pourrait s’appliquer en droit français. L’article L.511-4 du Code de la propriété intellectuelle, s’il concerne les  » dessins et modèles « , utilise le critère de l’  » observateur averti  » pour déterminer l’originalité ou la banalité d’un dessin ou modèle.
Par analogie, ce critère de  » l’observateur averti  » pourrait être appliqué au droit des oeuvres musicales, et notamment au droit du  » sample « .

D’ailleurs, le TGI de Paris avait rendu le 5 juillet 2000 un arrêt dans lequel ils ont utilisé le  critère du  » caractère reconnaissable de l’emprunt par un auditeur moyen  » pour déterminer si un sample était ou non constitutif d’une contrefaçon.

De surcroît, les juges de cassation se sont prononcés également, dans un arrêt du 15 mai 2015, portant sur les œuvres composites. Il est à noter que cette décision sera applicable également au droit au sample. Il s’agissait, dans cette affaire, de l’incorporation par un peintre d’une photographie en tant qu’œuvre première dans son tableau constituant la seconde œuvre. Le photographe saisit le juge en justice pour réparation de son préjudice en se prévalant de ses droits d’auteur, et considérant qu’il s’agissait d’une contrefaçon.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel qui donnait raison au photographe en considérant qu’il s’agit d’une violation de son droit de propriété. En effet, les juges ont tranché en faveur du peintre qui se prévalait de l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme traitant de la liberté d’expression et englobant la liberté de création artistique. Ainsi, il est notable que les juridictions françaises ont tendance à privilégier la liberté d’expression sur les droits d’auteur. (1)

 B. Vers une reconnaissance européenne ?

Enfin, on peut se demander si le droit au  » sample  » ne pourrait pas être reconnu au niveau européen, notamment en utilisant la qualification d’  » oeuvre composite « .

La cour de cassation avait, le 15 mai 2015, rendu un arrêt concernant l’incorporation par un peintre d’une photographie dans son tableau. Le photographe avait alors attaqué le peintre en se prévalant de son droit d’auteur et en estimant que le peintre avait commis une contrefaçon. La Cour d’appel lui avait donné raison.

Le peintre se prévalait de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme sur la liberté d’expression, et la Cour de cassation lui a donné raison.

En effet, on considère que fait partie de la liberté d’expression , la liberté de création. Ainsi, comme la Cour d’Appel des Etats-Unis dans l’affaire concernant Madonna, la Cour de cassation utilise la technique de la  » balance des intérêts  » qui consiste à rechercher quel droit mérite le plus d’être protégé : le droit d’auteur, ou la liberté de création ?

Cette solution est applicable au droit du  » sample « , qui peuvent être considérées comme des oeuvres composites dans le sens où elles sont un emprunt à une oeuvre préexistante.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée, le 29 juillet 2019, sur la licéité du « sampling » dans une affaire portant sur les droits des producteurs d’un phonogramme. Un groupe de musique électronique allemand nommée Kraftwerk reprochait à la société Pelham le recours au sampling afin de copier deux secondes d’une séquence rythmique prélevée sur l’un de leurs phonogrammes, et ce, pour l’intégrer dans leur titre.

D’abord, La CJUE a réaffirmé que, en vertu de l’article 2 de la directive 2001/29 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, la reprise par un utilisateur d’un échantillon sonore prélevé d’un phonogramme, et ce, sans l’autorisation du titulaire des droits concernés, constitue effectivement une reproduction partielle de ce phonogramme.

La CJUE a rajouté, toutefois, qu’il ne s’agissait pas d’une « reproduction » du moment que l’échantillon sonore prélevé sur un phonogramme afin de l’intégrer dans un autre phonogramme est sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute. Force est de constater que cette position jurisprudentielle européenne est en parfaite concordance avec la jurisprudence française en droit interne en la matière (TGI Paris, 5 juillet 2000, Cooper c/ Sté Ogilvy & Mathe). (2)

Ainsi, les juridictions européennes ont une tendance actuelle à privilégier la liberté d’expression au droit d’auteur. On peut donc s’attendre à une reconnaissance plus formelle du droit au sample dans un futur proche.

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Sources :

– http://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2009/06/article_0007.html
– http://www.datasecuritybreach.fr/droit-sample-sampling-madonna/#axzz4AuRYlpVR
–  » Propriété Littéraire et Artistique « , Pierre-Yves Gautier, PUF
– C.Cass, Civ. 1er, 15 mai 2015, , n° 13-27.391 ; https://www.dalloz-actualite.fr/flash/droit-d-auteur-recherche-du-juste-equilibre-entre-monopoles#.YiJGSy3pO8V
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=008F49034EE10EE7234E1D0220120009?text=&docid=216552&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=14184794