internet-et-droit

Quel cabinet d’avocat contacter en cas de concurrence déloyale ?

Si vous êtes atteint par un acte de concurrence déloyale qui affecte fortement vos affaires, c’est le moment d’intervenir par la voie des tribunaux pour faire entendre votre mécontentement et dénoncer cet abus. Pour ce faire, solliciter l’expérience d’un avocat en droit de la concurrence est nécessaire.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire !

 Maître Murielle-CAHEN, avocate spécialisée en droit de la propriété intellectuelle ainsi qu’en droit de la concurrence, vous prodigue des conseils et vous accompagne dans toutes vos démarches tendant à la réparation du préjudice que vous avez subi ou que vous subissez du fait de cette pratique illicite.

La liberté de la concurrence est tempérée par l’idée qu’il existe, d’après les usages, certaines règles du jeu dont la transgression constitue un acte de concurrence déloyale. Pour le professeur Roubier, ce qui est sanctionné par l’action en concurrence déloyale, c’est la transgression d’un « devoir social » résultant des mœurs et des usages et issu naturellement de la vie en société de ne pas employer des moyens déloyaux à l’encontre de ses concurrents (v. P. Roubier, Théorie générale de l’action en concurrence déloyale, RTD com.1948).

La concurrence déloyale est l’ensemble des actes, procédés et comportements contraires aux usages honnêtes du commerce, effectués par un commerçant et portant préjudice à un autre.

Dans un arrêt en date du 27 septembre 2023, la chambre commerciale a rappelé que constitue un avantage concurrentiel indu, le fait de ne pas respecter une réglementation en vigueur. Par conséquent, cet irrespect peut être qualifié d’acte de concurrence déloyale. (7)

La concurrence déloyale n’interdit pas l’activité concurrentielle, mais réprime l’abus dans la liberté d’entreprendre. En matière de concurrence interdite, c’est l’exercice même de la concurrence ou de certaines pratiques qui est interdit soit par la loi (concurrence illégale), soit par le contrat (concurrence anti-contractuelle). Le non-respect d’une réglementation ou d’une convention, sanctionné par la loi ou par la responsabilité contractuelle, peut également être constitutif d’une manœuvre déloyale justifiant, à titre subsidiaire, une action sur le fondement de la concurrence déloyale.

La théorie de la concurrence déloyale a été développée par la jurisprudence sur les bases du droit commun de la responsabilité civile (Code civil article 1240). Elle s’applique entre opérateurs économiques, à la différence des pratiques commerciales déloyales appréhendées par le droit de la consommation (Code de la consommation article L. 120-1).


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrefaçon ?

Téléphonez – nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez – nous en cliquant sur le lien


Le rattachement de la concurrence à la responsabilité civile impose donc de se référer aux conditions d’application des articles 1240 et suivants du Code civil. La constatation d’un élément intentionnel n’est pas requise.. IL en résulte que la concurrence suppose la réunion de trois éléments : des agissements déloyaux constitutifs d’une faute ; un préjudice ; un rapport de causalité entre les agissements déloyaux et le préjudice.

Les agissements de concurrence déloyale sont des délits ou quasi-délits civils. Concrètement, ils sont sanctionnés par une action en responsabilité civile fondée également sur les articles 1240 et 1241 du code civil. Les conditions d’exercice de cette action sont, par voie de conséquence, celles des actions civiles en responsabilité.

En l’absence de textes réglementant la concurrence déloyale, la jurisprudence a déterminé un certain nombre d’agissements la caractérisant : les imitations susceptibles d’entraîner une confusion dans l’esprit du public, le dénigrement sur la solvabilité du concurrent ou sur la qualité de ses services ou produits, le débauchage abusif des salariés du concurrent.

Dans un arrêt en date du 8 février 2023 (CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 9 févr. 2023, no 22/06714), la cour d’appel d’Aix-en-Provence a précisé que le tribunal judiciaire est compétent pour connaître des actions civiles et demandes relatives aux marques, et ce, quand bien même elles sont connexes à la concurrence déloyale. Le tribunal de commerce est ainsi incompétent pour connaître d’un litige concernant deux sociétés commerciales, dès lors que leur demande est fondée uniquement sur des actes de concurrence déloyale et de parasitisme. (8)

Un avocat pour constater le préjudice causé par le dénigrement de l’entreprise et/ou de ses produits par le concurrent  

La concurrence déloyale peut résulter d’allégations trompeuses avantageant celui qui les avance, au détriment de ses concurrents même sans les désigner de manière particulière.

 Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur les produits, l’entreprise ou la personnalité d’un concurrent pour en tirer un profit (P. Roubier, Le droit de la propriété industrielle : Sirey 1952, tome1, page206). Il s’agit ainsi de « porter atteinte à l’image de marque d’une entreprise ou d’un produit désigné ou identifiable afin de détourner la clientèle en usant de propos ou d’arguments répréhensibles ayant ou non une base exacte, diffusés ou émis en tout cas de manière à toucher les clients de l’entreprise visée, concurrente ou non de celle qui en est l’auteur » (Cour d’appel de Versailles, 9 septembre 1999). Il porte atteinte, en effet, aux intérêts particuliers de l’opérateur économique qui en est la victime, mais le dénigrement peut affecter aussi l’existence et la vivacité de la concurrence sur le marché en ayant pour résultat d’éliminer un concurrent.

Le dénigrement ne constitue un acte de concurrence déloyale que si la clientèle est en mesure de reconnaître le commerçant ou le groupe de commerçants qui en est victime. Si le commerçant n’est pas nommément désigné, il suffit que l’étroitesse du marché permette de reconnaître celui auquel s’adressent les critiques. Il doit être clairement identifiable. À l’inverse, celui qui dévoile qu’un concurrent a fait l’objet d’une condamnation, par le biais d’informations malveillantes se rend coupable de concurrence déloyale par dénigrement  Le fait de porter le discrédit sur les qualités professionnelles du concurrent et de mettre en cause sa probité est dénigrant. Ainsi en va-t-il de propos diffamatoires mettant en cause l’honnêteté d’un concurrent.

Constitue un acte de dénigrement destiné à jeter le discrédit sur son concurrent et sur les produits qu’il fabrique, le fait pour une entreprise de diffuser auprès des centrales d’achat d’un tableau comparatif comportant des indications erronées, tendancieuses ou non démontrées relatif au processus de fabrication de la société concurrente (Cour d’appel de Versailles, 30 janvier 1997).

Il en est également de la condamnation de la campagne publicitaire lancée par un producteur de phosphates dénigrant les lessives sans phosphates, dès lors que, par des formules outrageusement simplificatrices et au mépris de toute objectivité, il y a dépassement du droit d’informer et volonté de ruiner ces produits dans l’esprit du consommateur (Cour d’appel de Versailles, 1er février 1990).

Le dénigrement concerne enfin les consommateurs qui sont les destinataires des messages dénigrants. À ce titre, la loi du 3 janvier 2008 qui transpose la directive du 11 mai 2005 est venue renforcer la poursuite des actes de dénigrement par les consommateurs et les associations de consommateurs à travers, notamment, les articles L. 121-1 et L. 121-1-1 du code de la consommation.

Dans un arrêt en date du 21 septembre 2022 (CA Paris, 5-1, 21 sept. 2022 no 20/13834), la cour d’appel de Paris a jugé qu’un ancien collaborateur d’une agence d’architecte prétendant auprès des commanditaires être le seul auteur de l’œuvre alors que les droits sur celle-ci étaient reconnus à l’agence, se rend coupable de dénigrement. (9)

Pour finir, lorsque les agissements déloyaux nuisent à un groupe de commerçants, voire à l’ensemble d’une profession, les syndicats professionnels ont qualité pour agir sur le fondement de l’article L. 470-7 du code de commerce.

Le rôle de l’avocat sera d’accompagner son client devant la juridiction compétente afin de constater que ce dernier a subi un préjudice du fait du dénigrement de son concurrent et en demander la réparation au titre la concurrence déloyale par dénigrement.

Un avocat pour prouver la désorganisation de l’entreprise (détournement de salaries, de fichiers et captation d’un savoir-faire) du fait des actes illicites du concurrent de son client.

Par principe le débauchage n’est pas déloyal. Seules les circonstances dans lesquelles il est réalisé peuvent permettre de conclure en la déloyauté. La jurisprudence témoigne de son souci de rechercher, dans chaque espèce, si le débauchage  s’accompagne de circonstances particulières qui lui impriment un caractère déloyal.

Dans la lutte concurrentielle, le personnel de l’entreprise représente un élément fondamental. L’accès qu’il a pu avoir aux secrets de l’entreprise, les relations nouées avec la clientèle ou encore sa connaissance de l’organisation et du fonctionnement de l’entreprise font que souvent l’employeur souhaite que son personnel demeure dans l’entreprise. Le principe de la liberté du travail conduit, cependant, à reconnaître au salarié la faculté de mettre fin à son engagement pour exercer une activité pour le compte d’un nouvel employeur.

Cela étant, la jurisprudence a considéré qu’un débauchage constituait un acte de concurrence déloyale parce qu’ayant désorganisé une entreprise concurrente dans les hypothèses suivantes : départ brutal d’employés qualifiés ayant une certaine ancienneté, envoi d’agents recruteurs et emploi de manœuvres frauduleuses, offre à des cadres de salaires supérieurs ayant entraîné un départ massif en période de congés payés.

En outre, « l’appropriation, par des procédés déloyaux, par l’intermédiaire d’un ancien salarié, d’informations confidentielles relatives à l’activité d’un concurrent, constitue un acte de concurrence déloyale ».

Ainsi, lorsqu’il apparaît que la désorganisation est l’objectif recherché, une condamnation est prononcée

Dans cette décision, la Cour d’appel avait mis en évidence la volonté de désorganisation en indiquant que le départ simultané de l’équipe commerciale visait à empêcher la société de résister efficacement à l’offensive de sa nouvelle concurrente. D’autant que les commerciaux débauchés conservaient le même salaire pour une mission limitée à l’installation de la marchandise, à sa mise en valeur et au renseignement de la clientèle.

L’intervention de l’avocat spécialisé en droit de la concurrence sera de recourir aux services d’un huissier de justice qui établira un constat (d’huissier). À l’appui de ce constat, l’avocat pourra démontrer le rôle illicite voire la responsabilité du concurrent dans la désorganisation de l’entreprise de son client.

Un avocat pour dénoncer le risque de confusion dans l’esprit du public dû à l’imitation des produits de l’entreprise concurrente.

L’un des cas les plus fréquents de concurrence déloyale consiste à utiliser la réputation d’un concurrent en créant une confusion avec ce dernier, afin d’en capter la clientèle. La déloyauté repose ici, le plus souvent, sur une imitation. Cette imitation vise à créer une confusion entre deux entreprises concurrentes, ou entre les marchandises ou les services qu’elles produisent ou distribuent, parfois les deux.

L’imitation en l’absence de risque de confusion n’est toutefois pas, en elle-même, condamnable. Ainsi que le rappellent nos juridictions, invoquant le principe fondamental de la liberté du commerce et de l’industrie, une entreprise est en droit d’offrir à sa clientèle des prestations identiques à celles d’un concurrent.

La copie ou l’imitation d’un bien ou d’un signe non protégé par un droit privatif est en principe licite. Le simple fait de copier un produit concurrent qui n’est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale, la recherche d’une économie au détriment d’un concurrent n’est pas en tant que telle fautive mais procède de la liberté du commerce et de la libre concurrence, sous réserve de respecter les usages loyaux du commerce.

Dans un arrêt en date du 2 février 2023, la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 2 févr. 2023) a rappelé que pour que la concurrence soit qualifiée de déloyale et donc fautive, il faut caractériser des agissements contraires aux règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques. (10)

L’usage de cette liberté devient déloyal, donc fautif, lorsque cette imitation est de nature à engendrer un risque de confusion ou d’association, dans l’esprit du consommateur.

L’appréciation de l’existence d’un risque de confusion relève du pouvoir souverain des juges du fond qui jugent l’imitation fautive in concreto, par référence au standard du « consommateur moyen ». Pour apprécier le risque de confusion, les juges tiennent compte des ressemblances entre l’original et la reproduction et non des différences, ainsi que d’autres critères tels que « le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée ».

La condition préalable, nécessaire à la caractérisation du risque de confusion, est l’antériorité de la commercialisation des produits ou de l’usage du signe  par le demandeur à l’action en concurrence déloyale.

Dans un arrêt en date du 28 juin 2023, la chambre commerciale a précisé que ne sont pas prises en compte, dans le cadre de l’appréciation d’un risque de confusion entre deux signes enregistrés à titre de marques, les conditions d’exploitation. L’appréciation doit être globale, par référence au contenu de l’enregistrement de la marque. (11)

En définitive, l’avocat spécialisé en droit de la concurrence devra démontrer l’imitation servile des produits d’un concurrent portant atteinte au droit de son client justifiant une condamnation pour concurrence déloyale sans qu’il soit nécessaire de prouver une faute intentionnelle du responsable.

Pour lire un version plus complète de l’article quel avocat choisir en cas de concurrence déloyale, cliquez sur le lien

SOURCES :

  1. Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 janvier 2001, 98-23.101 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007423449/
  2. Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 juin 2001 , 99-13.870 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007046579/
  3. Article « Adieu les doutes. Bonjour les certitudes » https://www.doctrine.fr/inscription?redirect_to=%2Fd%2FCA%2FParis%2F2016%2FINPIM20160029&require_login=false&sourcePage=Decision&kind=decisions
  4. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 février 2017, 15-14.846 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034045421/
  5. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 juin 2018, 07-12.437 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000018948607/
  6. Cour de cassation, Chambre commerciale, 21 mars 2000, 98-12.219 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007405514/
  7. Cour de cassation, chambre commerciale, 27 septembre 2023, no21-21995 https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CC-27092023-21_21995
  8. Cour d’appel Aix-en-Provence, ch. 3-1, 9 février 2023, no22/06714 https://www.doctrine.fr/d/CA/Aix-en-Provence/2023/CAP2994A8F0B9EACD597E2D
  9. Cour d’appel  de Paris, 5-1, 21 septembre 2022, no20/13834 https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CA_PARIS_2022-09-21_2013834
  10. Cour d’appel  Aix-en-Provence, ch. 3-1, 2 févr. 2023, no19/13293 https://www.doctrine.fr/d/CA/Aix-en-Provence/2023/CAP036E4AB975E942CBC682
  11. Chambre commerciale, 28 juin 2023, n°22-107159 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000047781244

 

Y a t–il responsabilité du directeur de la publication même en cas d’externalisation ?

Le responsable de la communication est le garant de la ligne éditoriale d’un média. En cas de délit de communication, sa responsabilité pénale peut être engagée, car il est le représentant de l’actionnaire. Le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication suppose donc de redéfinir et de préciser les contours de ses fonctions et ses responsabilités. La Cour de cassation est récemment venue préciser le sort de la responsabilité du directeur de la publication en cas d’externalisation d’un service de modération sur un espace de contribution personnelle en ligne.

Le directeur de publication est la personne chargée au sein d’une entreprise de communication de rendre le contenu éditorial public. Il est donc responsable pénalement de tout ce qui est publié. Cette responsabilité est incontournable.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de responsabilité en passant par le formulaire !

Initialement, le rôle de directeur de publication était cantonné à la presse écrite, puis il s’est entendu à l’audiovisuel (loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle), et enfin au numérique (loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004). Il doit désormais veiller sur de nouveaux contenus, c’est le cas des espaces de contributions personnelles en ligne.

Dans le cas d’un site web ou d’un blog, l’éditeur est considéré comme directeur de publication. Il doit donc assumer la responsabilité du contenu.
Devant l’afflux des contributions, certaines entreprises externalisent leurs services de modération afin de mieux contrôler les commentaires diffamatoires ou injurieux.

C’est notamment le cas du site lefigaro.fr. Après avoir pris en compte différents facteurs, la Cour de cassation a estimé dans un arrêt du 3 Novembre 2015, que malgré l’externalisation du service de modération, la responsabilité du directeur de publication devait être engagée dans la mesure où il pouvait exercer son devoir de surveillance.

Dans un arrêt en date du 6 juillet 2023, la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 6 juill. 2023, no 19/17688) a jugé que l’obligation contractuelle d’inclure l’intégralité des contributions écrites n’incombe pas aux directeurs de publications d’actes de colloque. (11)

Cette conception stricte de la responsabilité du directeur de publication mérite d’être questionnée.


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de responsabilité ?

Téléphonez nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez nous en cliquant sur le lien


I – La responsabilité du directeur de publication d’un site internet

L’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle modifiée par la LCEN indique que  » Tout service de communication au public par voie électronique est tenu d’avoir un directeur de la publication.  » Le directeur de publication exerce de lourdes responsabilités. Il est pénalement responsable de toutes les publications du service qu’il dirige.

Il ressort des articles 42 et 43 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qu’un délit de presse suppose une responsabilité en cascade où le responsable de premier rang est le directeur de publication. La simple démonstration de la qualité de responsable de publication conduit donc à admettre sa responsabilité, de sorte qu’il est quasiment impossible pour lui de s’en exonérer.

Le directeur de la publication est obligatoirement le représentant légal de la personne morale éditrice d’une publication, il n’a pas à être nommé.

Dans un arrêt du 22 janvier 2019, la Cour de Cassation précise que, lorsque le service de communication est fourni par une personne morale, alors le directeur des publications est, soit le représentant légale ou le représentant statutaire (si association), à défaut de toutes indications contraires.

Alors qu’en droit pénal, seul l’auteur d’une infraction est punissable, le régime de responsabilité pesant sur le directeur de publication fait exception et est très strict. Il est défini par l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982.

La chambre criminelle a jugé, le 29 novembre 2022 (Cass. crim., 29 nov. 2022, no 22-81814) qu’en matière d’infraction de presse, le rappel à la loi n’a pour effet la suspension du délai de prescription qu’entre la date de décision du ministère public d’y recourir et la date de la notification dudit rappel à la personne concernée. Elle ajoute que le soit-transmis du procureur de la République aux fins d’enquêtes n’a pour effet l’interruption du délai de prescription qu’à condition qu’il s’articule et qualifie les faits. (12)

Par cette disposition le législateur a écarté les difficultés relatives à l’identification des auteurs de propos illicites en faisant peser la responsabilité pénale sur une personne désignée et donc facilement identifiable.

La personne qui a subi un préjudice du fait d’un contenu litigieux sur un site internet a le droit à ce qu’il soit réparé, dans ces cas là il faut clairement identifier sur qui repose la responsabilité du commentaire fautif. Dans le cas d’un site web ou d’un blog, cela nécessite un travail de qualification de l’auteur pour différencier le directeur de publication, de l’éditeur et de l’hébergeur.

En principe le premier responsable est le directeur de publication puis à défaut, l’éditeur et enfin l’auteur du propos fautif. Ce principe a été confirmé dans un arrêt du 14 mars 2017 qui dispose qu’en « qualité de directeur de la publication du site, [il ]a lui-même procédé à la mise en ligne des textes incriminés, lesquels avaient donc fait l’objet d’une fixation préalable à leur communication au public, de sorte que le prévenu doit répondre comme auteur principal des infractions qu’ils contiennent ». Le directeur de la publication engage donc sa responsabilité puisqu’il existait une présomption de connaissance des contenus mis en ligne, envers le directeur de la publication.

La LCEN a instauré un nouveau régime, celui de la communication au public en ligne. Cette loi permet notamment de ne pas systématiquement assimiler un hébergeur de site à un éditeur.

Les hébergeurs de site internet ne sont pas tenus à une obligation générale de surveillance. Ils pourront dans certains cas s’exonérer de leur responsabilité civile et pénale. L’engagement de la responsabilité est étroitement lié à la notion de contrôle. C’est ce qu’il ressort de l’article 6-I-2 de la LCEN. L’hébergeur n’est ainsi pas responsable d’un contenu illicite lorsqu’il n’en a pas eu  » effectivement connaissance « .

Dans un arrêt en date du 15 septembre 2022 (TJ Marseille, 1re ch., 15 sept. 2022, M. X c/ M. Y & Art Majeur), le tribunal judiciaire de Marseille a précisé que la plateforme de publication d’images, en tant qu’hébergeur, ne peut être responsable de contrefaçon si une fois avertie elle a supprimé le contenu litigieux. (13)

Toutefois, la simple prise de connaissance par quelque moyen que ce soit suffit à engager sa responsabilité civile et pénale. Il doit alors réagir  » promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible  » (Art. 6-I-2 LCEN). Cette « connaissance des faits litigieux est présumée acquise  » (Art.. 6-I-5 de la  LCEN) lorsqu’elle est notifiée par toute personne lésée ou intéressée.

II – L’affaire lefigaro.fr : Une conception stricte de la responsabilité pénale du directeur de publication d’un site internet

Le site du quotidien  » Le Figaro  » a mis en place la possibilité d’alerter en temps réel un service de modération sur le contenu des messages déposés dans son espace de contributions personnelles. Ce service est géré par un prestataire externe. Pour que le commentaire soit validé et publié par les modérateurs, il doit être conforme à la charte d’utilisation du service.

En l’espèce, une personne avait alerté le service de modération d’un commentaire diffamatoire à son encontre. Le service de modération lui avait garanti le retrait du commentaire litigieux. Deux jours plus tard, le commentaire apparaissait toujours sur le site. La personne diffamée a alors réitéré sa notification. Le message n’ayant pas été retiré de suite, elle a porté plainte.

Le 26 janvier 2021, (Cass. crim., 26 janv. 2021, no 19-85762)  la chambre criminelle a rappelé le principe selon lequel lorsque des poursuites sont engagées contre des expressions injurieuses, indissociables d’imputation diffamatoires et non poursuivies, contenues dans le texte dans lequel elles figurent, la qualification de diffamation prime.  Cette absorption justifie la relaxe du chef d’injure. (14)

La Cour a estimé que le directeur de la publication n’avait pas retiré suffisamment rapidement le message diffamatoire alors qu’après deux alertes de la personne concernée, il aurait pu le faire. Le directeur de publication était ainsi en mesure d’exercer son devoir de surveillance. Il ne pouvait pas  » utilement se prévaloir, ni de ce que ladite fonction de modération aurait été externalisée, ni du bénéfice des dispositions régissant la responsabilité pénale des hébergeurs du site « .

Le fait d’externaliser un service de modération ne permet donc pas de déroger au régime institué par l’article 93-3 de la loi sur la communication audiovisuelle modifiée, alors même que le dysfonctionnement était imputable à un prestataire externe. C’est une décision particulièrement protectrice des victimes que la haute juridiction a rendu dans un arrêt du 3 novembre 2015.

Pour nuancer ce principe, la Cour de Cassation va, dans un arrêt du 7 mai 2018, considérer que l’exemption de bonne foi admise au profit de l’auteur, bénéficie également au directeur des publications. Ce bénéfice de la bonne foi vaut, bien que le directeur des publications avait connaissance des contenus de la publication.

Pour lire une version plus complète de cet article, cliquez sur ce lien

SOURCES :

  1. Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=74A3E29B4848B8A1111167705A68CCE6.tpdila15v_3?cidTexte=JORFTEXT000000880222&dateTexte=20151228
  2. Loi n°2024-575 du 21 juin 2004 pour la confiance l’économie numérique http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000801164
  3. Cour de cassation, criminelle, chambre criminelle, 3 novembre 2015, n°13-82.645 http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000031449831
  4. Site Legalis http://www.legalis.net/spip.php?page=breves-article&id_article=4802
  5. , 14 mars 2017, 15-87.319 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034214327
  6. , 22 janvier 2019, 18-81.779 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038091419/
  7. Tribunal judiciaire de Marseille, ordonnance de référé du 23 septembre 2020 https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-judiciaire-de-marseille-ordonnance-de-refere-du-23-septembre-2020/
  8. CJUE, 24 septembre 2019, C‑136/17 https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=218106&doclang=FR
  9. Décision Conseil d’État 27 mars 2020, N° 399922 https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000041782236
  10. , 7 mai 2018, n° 17-82.663 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036930201/
  11. CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 6 juill. 2023, no19/17688 https://www.doctrine.fr/d/CA/Aix-en-Provence/2023/CAP8BB4FEDDB7F9257A3327
  12. Chambre criminelle, criminelle, 29 nov. 2022, no22-81814) https://www.courdecassation.fr/decision/6385aee775a08105d473ccdf
  13. TJ Marseille, 1re, 15 sept. 2022, M. X c/ M. Y & Art Majeur https://iredic.fr/2022/11/10/tribunal-judiciaire-de-marseille-1ere-chambre-civile-15-septembre-2022-m-x-c-m-y-art-majeur/
  14. crim., 26 janv. 2021, no19-85762 https://www.courdecassation.fr/en/decision/601427e85b34856017551fd5

 

Comment protéger une base de données selon la loi ?

La notion de base de données qui s’est imposée vient du droit de l’Union européenne (Directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil 11 mars 1996 : JOCE n° L 77, 27 mars). La directive (article 1, § 1) a retenu la définition suivante : « La base de données est un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou d’une autre manière. » L’article L. 112-3, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle a repris cette définition si ce n’est qu’il a substitué in fine l’expression « par tout autre moyen » à celle « d’une autre manière ».

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire et un avocat enverra une lettre de mise en demeure !

La loi du 1er juillet 1998 a transposé dans le code de la propriété intellectuelle la directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données. Les enjeux en la matière sont importants : investissements humains, techniques et financiers considérables, développement d’un marché de l’information dans la Communauté sans parler des déséquilibres communautaires, de la distorsion dans la concurrence. Ils ont une dimension internationale : il suffit de citer les services de bases de données en ligne. La loi, comme la directive, répond à des préoccupations toujours présentes en matière de créations informatiques.

La création est difficile et chère alors que la reproduction est facile et peu onéreuse. Les créateurs ressentent donc logiquement un besoin de protection étendue. L’objectif a été d’assurer un niveau de protection approprié (et homogène au niveau communautaire) des bases de données afin de garantir la rémunération de l’auteur ou du producteur de la base de données. La directive du 11 mars 1996 avait pour intérêt principal de prévoir, le droit d’auteur étant considéré comme « une forme appropriée de droits exclusifs des auteurs de bases de données », des mesures additionnelles afin « d’empêcher l’extraction et/ou la réutilisation non autorisées du contenu d’une base de données en l’absence d’un régime harmonisé concernant la concurrence déloyale ou de jurisprudence en la matière ».


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrefaçon ?

Téléphonez – nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez – nous en cliquant sur le lien


Dans un arrêt en date du 22 décembre 2023, (TJ Paris 3e chambre, 22 décembre 2023, n°22/03126), le tribunal judiciaire de Paris a précisé que la réalisation d’investissements dans le cadre de la création d’un logiciel lié à un système de gestion d’une base de données ne peut conférer la qualité de producteur de base de données si ces investissements ne sont pas en lien avec le contenu des bases constitué par les utilisateurs du logiciel. (4)

Il s’agira donc de voir dans un premier temps le mécanisme de protection des bases de données (I) et dans un second temps, les enjeux économiques et juridiques de la protection des bases de données (II).

 I. Mécanismes de protection des bases de données

Deux régimes juridiques de protection des bases de données ont été superposés. La protection des bases de données est assurée d’une part, par le droit d’auteur (A) et d’autre part, par le droit sui generis encore appelé le droit des bases de données (B).

A) Protection par le droit d’auteur

La protection par le droit d’auteur est assurée aux bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles propres à leurs auteurs. Cette protection est consacrée et harmonisée par les trois principaux traités internationaux.

Cette protection n’est accordée aux bases de données qu’à la condition qu’elles soient originales. Or, le seuil d’originalité requis pour l’application de la protection conférée par le droit d’auteur diffère d’un pays à l’autre aboutissant à protéger une même catégorie de bases de données dans certains États et non dans d’autres États. Le niveau de créativité requis pour cette protection par le droit d’auteur n’est pas déterminé à l’échelle internationale.

S’il est admis communément que la multiplication des droits spéciaux au sein du droit d’auteur affaiblit la condition d’originalité, la directive a essayé d’harmoniser le seuil « d’originalité ». De ce fait au sein des États membres de l’Union européenne, le Royaume Uni et l’Irlande ont dû abandonner la protection des bases de données dites originales en application du critère dit du « travail investi » (the sweat of the brow), spécifique au copyright.

De telles bases de données ne présentent pas un caractère créatif au sens traditionnel du droit d’auteur ne révélant pas l’empreinte de la personnalité de leurs auteurs. Ces bases de données s’appuient sur un certain niveau d’effort ou d’investissement et ne relèvent plus de la protection du droit d’auteur. C’est également la raison pour laquelle la protection par le droit sui generis a été introduite comme une forme entière et nouvelle de propriété intellectuelle.

Ainsi, pour être protégeable au titre du droit d’auteur, une base de données doit donc refléter l’empreinte de la personnalité de l’auteur par le travail de sélection, de présentation et de classement des informations qui y sont contenues. La protection doit être limitée à ce qui est considéré comme original dans la base de données.

En général, la logique contraignante de l’ordre alphabétique, ne permet pas de justifier de la réalité d’un apport intellectuel caractérisant une création originale. Le choix arbitraire opéré par l’auteur pour la disposition des matières et la présentation des informations doit traduire l’empreinte de sa personnalité et permet, alors de caractériser l’originalité ; dès lors, la protection revendiquée au titre du droit d’auteur ne saurait être déniée.

La contrefaçon au titre du droit d’auteur doit s’apprécier en comparant l’œuvre originale à celle prétendument contrefaisante afin d’en dégager des ressemblances. Si la base de données n’est pas originale, l’action en contrefaçon au titre du droit d’auteur doit être écartée, mais la réunion d’informations sans justifier d’efforts et d’investissements constitue un agissement traduisant la volonté de profiter, à moindre coût, du travail de recherche des informations et de vérification qui est constitutif d’une faute. Néanmoins, la reprise de l’essentiel des informations contenues dans la base de données constitue une atteinte au droit moral de l’auteur lorsqu’elle s’est faite sans citer son nom et sa qualité.

En outre, la création du droit sui generis tient également au fait que les dispositions spéciales insérées dans le droit d’auteur soulèvent de délicats problèmes de frontières. Il est d’ailleurs surprenant que les juridictions nationales n’aient pas eu à délimiter le champ d’application des dispositions spécifiques applicables aux bases de données et celui relevant des logiciels.

Dans un arrêt du 16 décembre 2021, la cour d’appel de Lyon (CA Lyon, 1re ch., 16 déc. 2021, no 16/05564) a jugé que le fait de sélectionner des fiches techniques au sein d’une bibliothèque informatique selon un agencement propre à l’auteur, est protégeable par le droit d’auteur. (7)

Il résulte de l’étude de la jurisprudence que la protection des bases de données au titre du droit d’auteur n’est que rarement appliquée faute pour les producteurs de solliciter cette protection et/ou de justifier de l’exigence d’originalité devant les juridictions. De ce fait, la protection par le droit sui generis est souvent invoquée devant les juridictions (B).

B. Protection par le droit sui generis ou droit du producteur de bases de données

Lorsque les bases de données ne sont pas originales mais assurent une compilation d’informations ou de données générales, elles peuvent bénéficier d’une nouvelle forme de protection par le droit sui generis c’est-à-dire un droit de « propriété » spécifique aux bases de données lié à l’investissement substantiel nécessaire à leur constitution. Ce droit confère, alors, aux producteurs une protection efficace contre les extractions et réutilisations substantielles des données incorporées dans la base.

  • La notion d’investissement substantiel

Le législateur a entendu prendre en considération tant l’investissement financier que l’investissement matériel ou humain. En règle générale, ces trois types d’investissements ont été cumulativement consentis lors de l’élaboration d’une base. La notion d’investissement financier n’appelle pas de commentaire particulier si ce n’est qu’elle pose évidemment la question de l’évaluation de son caractère substantiel.

L’investissement matériel a cette ambiguïté qu’il est une forme d’investissement financier. Quant à l’investissement humain, il était envisagé, dans la directive, par la formule selon laquelle, il pouvait « consister dans la mise en œuvre de moyens financiers et/ou d’emploi du temps, d’efforts et d’énergie ». L’emploi du temps, les efforts et l’énergie renvoient logiquement à la prestation du personnel réalisant la base de données. Devant les tribunaux, un tel investissement est assez facilement démontré par l’existence de salariés ou de prestataires spécifiquement affectés à la constitution et à la vérification des bases.

Dans un arrêt du 5 octobre 2022,(Cass. 1re civ., 5 oct. 2022, no 21-16307)  la première chambre civile a confirmé la possibilité pour le producteur d’une base de données d’interjeter l’appel fondé sur une sous base de données, à la condition que les investissements réalisés portent sur l’obtention, la vérification et la présentation du contenu de cette sous-base contre celui qui a extrait toutes les données de la sous-base. (5)

  • Les effets de la protection par le droit sui generis

Le producteur dispose donc du droit d’interdire toute extraction ou réutilisation des données comprises dans sa base. Cependant, dans les cas où les producteurs de base de données ont, eux-mêmes, produit les données pour les besoins de leur activité principale, le droit sui generis leur confère un monopole quasi exclusif sur les informations, voire les produits ou services dérivés, s’opposant au droit de la concurrence.

  • La notion de partie substantielle

Les actes d’extraction correspondent à un transfert du contenu d’une base de données sur un autre support et les actes de réutilisation à la mise à disposition du public de la base de données.

Si ces actes portent sur la totalité ou une partie substantielle du contenu de la base de données l’autorisation de celui qui a constitué la base est obligatoire. L’autorisation est requise, même s’il a rendu sa base accessible en tout ou en partie au public ou s’il a autorisé un ou des tiers déterminés à diffuser celle-ci auprès du public. Les dispositions contractuelles deviennent alors essentielles et les juges les appliquent avec rigueur.

Par exemple, la Cour de justice a eu à se prononcer sur la notion de partie substantielle du contenu d’une base de données qui doit s’apprécier quantitativement ou qualitativement.

Ainsi, pour estimer si les actes d’extraction ou de réutilisation portent sur une partie substantielle appréciée quantitativement, il faut se référer au volume de données extraites et/ou réutilisées par rapport au volume du contenu de la base. C’est ainsi que le tribunal de commerce de Rennes a estimé que « les extractions opérées ne sont pas contraires, par leur quantité et leur qualité, aux dispositions de l’article L. 342-2 du Code de la propriété intellectuelle ». En revanche, l’extraction et la réutilisation d’une base de données correspondent souvent à une reproduction quantitativement substantielle ; en fait, l’importance des actes d’extraction et de réutilisation dépend de l’appréciation des juges.

Pour déterminer si les actes d’extraction ou de réutilisation portent sur une partie substantielle appréciée qualitativement, il faut prendre en compte l’importance de l’investissement lié à l’obtention, à la vérification ou à la présentation de la partie des données affectée par les actes d’extraction et ou de réutilisation. Les extractions par des moteurs de recherche, à partir de sites Internet de petites annonces, d’informations telles que le prix et la localisation de logements ou encore l’intitulé d’offres d’emplois, ont été jugées qualitativement substantielles.

Toutefois, le producteur d’une base de données n’a pas à faire figurer une mention de l’interdiction d’extraction et/ou de réutilisation de la base de données pour bénéficier de la protection du droit sui generis.

La cour d’appel de Paris a précisé dans un arrêt en date du 8 septembre 2023 (CA Paris, P. 5, ch. 2, 8 sept. 2023, no 21/15589) que l’extraction quantitativement et qualitativement substantielle d’une base de données, permettant la reprise d’informations essentielles contenues dans les annonces publiées sur un site internet, présente un risque pour l’amortissement des investissements d’un producteur de base de données. (6)

  • Le monopole du producteur, créateur des données

Lorsque le producteur est également le créateur des données, la compilation de données dans les bases est le résultat plus ou moins automatique d’autres activités et notamment de l’activité principale (de telles bases de données portent en anglais le nom de spin-off data base ou spun-off data base).

Il en va ainsi, par exemple, des compagnies de transports qui établissent pour les besoins de leur activité principale les horaires et les lieux de départ et de destination, accorder à ces dernières un droit exclusif sur les données comprises dans l’indicateur « horaires » leur confère un monopole contraire au principe de libre concurrence. Les producteurs de telles données emploient le droit sui generis pour obtenir un monopole sur le marché dérivé de l’information. Même les organismes publics invoquent le droit sui generis pour se créer un pouvoir sur le marché et protéger les rentrées d’argent dues à l’exploitation des données du secteur public.

Pour sanctionner de telles pratiques abusives dans certains États, les juridictions nationales ont appliqué le droit de la concurrence. D’ailleurs, le considérant 47 de la directive prévoit que les dispositions de la présente directive sont sans préjudice de l’application des règles de la concurrence, qu’elles soient communautaires ou nationales. Le droit exclusif d’exploitation accordé aux titulaires de droits de propriété intellectuelle et aux producteurs de bases de données par le droit sui generis conduit à s’interroger sur leur compatibilité avec le droit de la concurrence.

L’application du droit de la concurrence aux « créations utilitaires » est susceptible d’entraîner une première conséquence qui est celle de restreindre la portée du droit exclusif. Certaines juridictions se sont basées uniquement sur le droit sui generis en interprétant de façon restrictive la notion d’investissement substantiel et ont écarté la protection pour les bases de données issues d’une activité principale. Cette position revient à sacrifier les droits de propriété intellectuelle et notamment le droit sui generis sans considération des effets pour le producteur, à des fins d’efficience des marchés de l’information.

Pour que le droit exclusif accordé aux titulaires de droits de propriété intellectuelle et aux producteurs de bases de données soit compatible avec le droit de la concurrence, les conditions d’exercice des droits de propriété intellectuelle et du droit sui generis ne doivent pas entraver les règles de la concurrence communautaire ou nationale. C’est notamment le cas lorsque les titulaires de ces droits sont amenés à exercer leur droit exclusif dans des conditions qui caractérisent un abus de position dominante ou une entente illicite.

Cependant lors de « circonstances exceptionnelles », l’acquisition de nouveaux droits de propriété intellectuelle est susceptible d’entraîner l’application du droit de la concurrence portant ainsi atteinte à l’existence des droits de propriété intellectuelle. Dans le domaine des bases de données, l’entrave au principe de libre concurrence s’opère lorsque le producteur de la base de données se trouve en position dominante sur un marché et refuse l’accès à ce marché à des concurrents.

En conclusion, seuls les investissements dédiés à la construction de la base doivent être évalués, et non ceux qui sont effectués par un organisme pour assurer sa mission principale. Cet investissement jugé « substantiel » permet au producteur de la base de données de bénéficier du droit spécifique. Par ailleurs, la piraterie de telles bases de données, non protégées, pourrait être encouragée en vue de constituer une nouvelle base de données et de favoriser ainsi une forme de concurrence. Les enjeux économiques et juridiques liés à la protection des bases de données ne sont certes pas négligeables (II).

II. Les enjeux économiques et juridiques de la protection des bases de données

L’évaluation de la Commission européenne a essentiellement pour objet d’examiner l’impact économique et juridique suite à l’introduction du droit sui generis et de vérifier s’il est opportun de maintenir cette protection. L’évaluation a été réalisée à partir de deux sources principales d’information : une enquête en ligne réalisée par la Commission en août et septembre 2005 auprès de l’industrie européenne des bases de données et le Gale Directory of Databases (GDD).

Le but est de savoir si l’introduction du droit sui generis a généré une augmentation du taux de croissance de l’industrie européenne des bases de données et de la production de bases de données. Elle examine également si le champ d’application ou l’étendue du droit vise des domaines dans lesquels l’Europe doit encourager l’innovation.

Au niveau économique, la Commission a constaté que l’adoption de la directive et plus particulièrement l’impact économique du droit sui generis avait eu peu d’effets sur le développement de l’industrie des bases de données en Europe. D’ailleurs, la Commission souligne le retard pris par rapport aux États-Unis au cours de ces dernières années dans ce secteur.

Cependant, l’industrie européenne de la publication fait valoir que la protection par le droit sui generis est cruciale pour le succès et le maintien de ses activités car il a apporté une sécurité juridique, réduit les coûts liés à la protection, créé des opportunités commerciales et facilité la commercialisation des bases de données.

De son côté, l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle a constaté qu’un grand nombre de ces bases de données ne sont disponibles qu’au sein de l’Union européenne car la protection du droit sui generis garantit aux producteurs de bases de données un environnement juridique sûr pour la commercialisation de leurs produits et sans cette garantie juridique, ils seraient peu disposés à les commercialiser.

Sur le plan juridique, la Commission observe que les termes de la directive sont trop vagues et ont entraîné une incertitude juridique même si depuis les décisions de la Cour de justice, la portée de cette protection a été limitée pour les bases de données « non originales ». Dès lors, quatre options sont, selon la Commission, possibles :

A. L’abrogation de la directive

Cette abrogation opèrerait un retour au droit des contrats pour concéder l’utilisation d’une base de données et développerait les mesures techniques et les systèmes de contrôle d’accès pour la protection des bases de données non originales qui sont en ligne. Mais, l’abrogation aurait pour principal inconvénient d’empêcher une harmonisation de la protection par le droit d’auteur des bases de données « originales ».

B. Le retrait des dispositions relatives à la protection par le droit sui generis du texte de la directive

Ce retrait présente l’avantage de conserver l’harmonisation de la protection par le droit d’auteur des bases de données « originales ». Cependant, il est impossible d’interdire aux États de common law de revenir à l’application du critère « du travail investi » ou sweat of the brow pour protéger les compilations « non originales ». De surcroît, les producteurs de bases de données « non originales » continueraient à protéger celles-ci en recourant au droit des contrats ou aux mesures techniques de protection.

C. L’amendement des dispositions relatives à la protection par le droit sui generis

Un amendement du texte de la directive permettrait de redéfinir la portée de cette protection et d’y inclure les cas où la création des données est concomitante à leur obtention et à leur présentation. L’amendement pourrait également préciser si le droit sui generis peut s’appliquer aux données publiques, aux compilations ayant une source unique et aux bases de données correspondant à une activité secondaire (c’est-à-dire une spin-off de leur activité principale).

Selon la Commission, ce serait également l’occasion de préciser ce que constitue exactement un investissement substantiel dans l’obtention, la vérification ou la présentation du contenu d’une base de données.

D. Le maintien du statu quo

La Commission précise que l’adoption de nouvelles mesures relatives à la protection juridique des bases de données pourra être plus coûteuse que le fait de maintenir la directive en l’état. Par ailleurs, les décisions de la Cour de justice ont clairement limité ce droit sui generis aux seuls producteurs « primaires » de bases de données.

Des professeurs d’université ont présenté un rapport le 12 juillet 2022 devant le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, relatif à la réforme européenne du droit sui généris des bases de données. Constatant l’absence de révision de la directive relative aux bases de données (directive 96/9 du CE du Parlement européen du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données)  (8) ces derniers ont adressé des propositions de rédactions alternatives et des nouveaux mécanismes contractuels légaux  favorisant une ouverture des bases de données. (9)

En conclusion, l’industrie et les autres parties intéressées devaient répondre à ce rapport et préciser dans quelle mesure le droit des bases de données affecte leurs activités avant le 12 mars 2006. Le résultat de cette enquête n’est pas encore connu.

Pour lire l’article sur la protection des bases de données plus détaillé, cliquez

SOURCES :

  1. Directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000889132
  2. Art L112-3 du Code de la propriété intellectuelle https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006278879&cidTexte=LEGITEXT000006069414
  3. Loi n°98-536 du 1er juillet 1998 portant transposition dans le code de la propriété intellectuelle de la directive 96/9/ CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données
  4. TJ Paris, 3e, 22 déc. 2023, no22/03126 https://www.doctrine.fr/d/TJ/Paris/2023/TJP0A6AAE143F514B659B72
  5. 1re civ., 5 oct. 2022, no21-16307)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046389113
  6. CA Paris, P. 5, ch. 2, 8 sept. 2023, no21/15589 https://www.labase-lextenso.fr/sites/lextenso/files/lextenso_upload/d_ca_paris_8_septembre_2023_2115589.pdf
  7. CA Lyon, 1re, 16 déc. 2021, no16/05564 https://www.doctrine.fr/d/CA/Lyon/2021/C028511157C68D861E624
  8. Directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A31996L0009
  9. Mission du CSPLA sur la réforme européenne du droit sui generis des bases de données https://www.culture.gouv.fr/Nous-connaitre/Organisation-du-ministere/Conseil-superieur-de-la-propriete-litteraire-et-artistique-CSPLA/Travaux-et-publications-du-CSPLA/Missions-du-CSPLA/Mission-du-CSPLA-sur-la-reforme-europeenne-du-droit-sui-generis-des-bases-de-donnees

 

Contrats de propriété intellectuelle : comment les utiliser ?

Il n’existe pas de définition conceptuelle de la propriété intellectuelle en droit positif. Le Code qui y est consacré ne fait qu’énumérer les éléments qui la composent. On pourrait être tenté de dire que la caractéristique principale de la propriété intellectuelle est qu’elle a pour objet la pensée, les choses de l’esprit, de l’intelligence.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire !

Pourtant, il est des propriétés intellectuelles qui ne sont pas issues du travail intellectuel. L’exemple le plus saisissant est celui de l’appellation d’origine, mais il est également des marques ou des noms commerciaux, pour lesquels la part de créativité est réduite. La grande diversité des droits concernés et l’existence de nombreux concepts voisins expliquent donc l’imprécision du langage juridique en la matière.

Malgré tout, quelques principes communs aux droits de propriété intellectuelle peuvent être dégagés. Cette branche du droit ne protège pas les idées qui sont de libre parcours, mais leur forme d’expression que l’on nomme création. Cette création se détache du support matériel dans lequel elle s’inscrit. Ainsi, l’acquéreur du support n’est investi que des prérogatives que l’auteur ou l’inventeur ont entendu lui accorder, ces derniers conservant des droits quand bien même l’objet matériel a été cédé.

En outre, la plupart des contrats portant sur la propriété intellectuelle relèvent de régimes spécifiques dont le formalisme et le contenu sont définis par le Code de la propriété intellectuelle : licences de logiciels, cession de droit d’auteur, etc.

Cependant, dès lors que le contrat ne porte pas sur la cession ou la concession d’un droit de propriété intellectuelle, le contrat relève du louage d’ouvrage, c’est-à-dire du contrat d’entreprise, puisqu’il s’agira pour le titulaire d’effectuer en toute indépendance un ouvrage. Le résultat du marché de prestation intellectuelle pourra donner lieu à la création d’une œuvre ou d’une invention pouvant être protégée par le droit de la propriété intellectuelle.


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrefaçon ?

Téléphonez nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez nous en cliquant sur le lien


Pour le reste, la propriété intellectuelle suscite de nombreux contrats : cession, licence, communication de savoir-faire…. Les contrats de propriété intellectuelle, tels les contrats d’édition, les contrats de licence de brevet, de marque ou de logiciel sont dominés par un intuitus personae bilatéral.

Dans un arrêt en date du 7 avril 2023 (TJ Paris, 3e ch., 7 avr. 2023, no 20/00009), le tribunal judiciaire de Paris a précisé que l’écrit n’était pas requis pour rapporter la preuve de l’existence d’un contrat d’édition : celle-ci peut être rapportée par un simple aveu de l’auteur. (5)

I. Différents types de contrat

Pour présenter les différents types de contrats, il va falloir distinguer selon que la gestion de la propriété intellectuelle est individuelle (A) ou selon qu’elle est collective (B).

A) La gestion individuelle de la propriété intellectuelle.

Lorsqu’elle est individuelle, l’on peut citer comme type de contrat la cession des droits de propriété intellectuelle ou la licence des droits de propriété intellectuelle.

  • En ce qui concerne la licence des droits de propriété intellectuelle:

Les licences peuvent notamment porter sur l’utilisation de technologie, brevets, logiciels, marques, contenus média (vidéo, musique, etc.), formulation pharmaceutique, franchises. Celles qui constituent un droit d’accès à la propriété intellectuelle telle qu’elle va évoluer sur toute la durée de la licence du fait des actions futures du concédant.

Ces licences sont appelées « licences dynamiques » ou « droits d’accès » et le revenu qui y est associé est reconnu de façon étalée sur la durée de la licence ; et celles qui constituent un droit d’utiliser la propriété intellectuelle « figée », tel qu’il existe à la date à laquelle la licence est attribuée. Ces licences sont appelées « licences statiques » ou « droits d’utilisation » et le revenu qui y est associé est reconnu à une date donnée.

Conditions à remplir pour qu’une licence soit une licence dynamique. La norme définit les trois conditions cumulatives suivantes pour qu’une licence soit qualifiée de licence dynamique :

  1. Le contrat prévoit, ou bien le client s’attend raisonnablement (sur la base des pratiques établies de l’entité), à ce que l’entité effectue des actions qui affecteront la propriété intellectuelle sur laquelle le client a des droits ;
  2. Les droits accordés par la licence exposent directement le client aux effets positifs et négatifs des actions menées par l’entité et visées au point a. ci-avant ;
  3. Ces actions n’aboutissent pas au transfert d’un bien ou d’un service au client quand elles interviennent. Elles ne constituent donc pas en tant que telle une obligation de performance.

Si au moins l’un des trois critères d’identification d’une licence dynamique n’est pas rempli, la licence est considérée comme statique. Le revenu de la licence est reconnu entièrement à la date à laquelle elle est accordée, qui ne peut être antérieure à la date à partir de laquelle le client peut commencer à utiliser la licence et à en bénéficier.

Dans un arrêt en date du 6 mars 2024, (Cass. com., 6 mars 2024, no 22-23657)  la chambre commerciale a précisé que lorsque la copie d’un logiciel est mise à disposition via téléchargement et qu’un contrat de licence d’utilisation est conclu afin de rendre cette copie utilisable de façon permanente par le client, cela implique le transfert du droit de propriété de cette copie. (6)

  • En ce qui concerne les contrats de cession de propriété intellectuelle:

Le contrat de cession des droits de propriété intellectuelle est la convention par laquelle, le titulaire des droits de propriété intellectuelle (le cédant) transfert le droit sur son œuvre ou son invention au cessionnaire, moyennant le versement d’une contrepartie en argent.

Dans un arrêt en date du 8 février 2022 (TJ Paris, 3e ch., 8 févr. 2022, no 19/14142), le tribunal judiciaire de Paris a précisé que la cession de droits de propriété intellectuelle réalisée sans contrepartie onéreuse constitue une donation portant sur des droits incorporels. (7)

Par ailleurs, l’article L. 131-3, alinéa1er, du Code de la propriété intellectuelle dispose que « la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ».

Les parties ne peuvent donc pas se contenter d’inscrire, de manière large, un principe de cession dans leur contrat, mais doivent en déterminer précisément les contours.

En outre, le cédant doit être titulaire des droits de propriété intellectuelle et doit avoir la capacité de passer des actes de disposition. Le cessionnaire peut être toute personne juridique ayant la capacité d’acquérir à titre onéreux.

Enfin, le contrat de cession des droits de propriété intellectuelle entraîne le transfert des droits au profit du cessionnaire et la naissance d’obligations à la charge des parties.

B) La gestion collective

Il y a copropriété lorsque la propriété du bien est organisée en indivision entre plusieurs personnes, physiques ou morales. La copropriété de brevet est régie par les articles L. 613-29 à L. 613-32 du code de la propriété intellectuelle. Il faut distinguer deux cas : la copropriété contractualisée et le droit supplétif. La copropriété peut être l’effet des conditions de création d’un bien intellectuel, mais il peut aussi s’agir des effets d’un contrat. Il y a co-inventeurs lorsque plusieurs personnes physiques ont créé ensemble l’invention. Il s’agit uniquement d’une situation originelle visant à identifier les personnes ayant produit l’effort créatif. La copropriété peut avoir comme objet le brevet délivré, le droit de priorité, la demande de brevet, un portefeuille de brevets… La copropriété peut aussi porter sur l’invention, hors appropriation par brevet. Le régime de copropriété du code de la propriété intellectuelle doit alors être écarté au profit d’une application du droit commun des biens.(1)

Le législateur encourage les copropriétaires d’un brevet à organiser leurs rapports juridiques. À tout moment, les copropriétaires peuvent établir un règlement de copropriété. Sous réserve de l’ordre public, tous les aménagements contractuels sont envisageables, que ce soit pour les modalités d’exploitation, le partage des revenus, les actions en contrefaçon, la cession, la concession, le transfert de la quote-part de propriété, etc.

En droit des brevets, un pool de brevets est un consortium d’au moins deux sociétés acceptant de concéder sous licence des brevets relatifs à une technologie particulière.

Enfin, il faut noter les contrats de coopération des droits de la propriété intellectuelle qui nécessitent un partage des coûts pour le développement d’une ou des inventions ou innovations.

 C) Insertion des clauses

Le bénéficiaire de la cession doit ainsi être particulièrement vigilant lors de la rédaction de la clause de cession, car tout usage ultérieur qui serait fait du logiciel en dehors des droits expressément énumérés pourrait être constitutif d’actes de contrefaçon.

Inversement, s’agissant des droits conservés par le prestataire, il est tout autant prudent de bien clarifier l’étendue des prérogatives qui lui restent dévolues : peut-il, par exemple, « commercialiser » auprès d’un tiers le logiciel développé, ou simplement « redévelopper » à partir de ce logiciel un nouveau produit qu’il sera libre de commercialiser ?

Dans un arrêt en date du 27 avril 2023, (CJUE, 27 avr. 2023, no C-686/21), la Cour de justice de l’Union européenne a précisé que la question de savoir si une décision unanime ou majoritaire des copropriétaires est requise pour l’octroi ou la résiliation d’une licence d’utilisation d’une marque nationale ou de l’Union européenne relève du droit national applicable. (8)

Il y aura donc autant de clauses de propriété intellectuelle qu’il peut y avoir d’accord entre les parties concernant l’exploitation des droits de propriété intellectuelle.

II. Contrefaçon des droits de propriété intellectuelle et sanction de la contrefaçon

A) Contrefaçon des droits de propriété intellectuelle

Les contrefaçons portant atteinte aux différents droits de propriété littéraire, artistique ou industrielle sont définies et sanctionnées par le code de la propriété intellectuelle.

Bien qu’elles comportent des points communs, le législateur les a réglementées séparément pour chacun des droits concernés :

Droits d’auteur et droits voisins (Code de propriété intellectuelle., art. L. 335-2 et s.), l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif opposable à tous (Code de propriété intellectuelle., art. L. 111-1) ;

Logiciels (Code de propriété intellectuelle., art. L. 335-3) ; depuis la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, est également un délit de contrefaçon toute captation totale ou partielle d’une oeuvre cinématographique ou audiovisuelle en salle de spectacle cinématographique (L. n° 2009-669, 12 juin 2009) ;

Brevets d’invention (Code de propriété intellectuelle., art. L. 615-8 et s.). L’ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet, prise pour assurer la compatibilité du code de la propriété intellectuelle aux deux règlements relatifs à la protection unitaire conférée par un brevet du 17 décembre 2012 (Ord. n° 2018-341, 9 mai 2018 : JO, 10 mai), entrera en vigueur à la même date que celle de l’entrée en vigueur de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet.

L’ordonnance modifie le code de la propriété intellectuelle : ainsi l’article L. 615 est modifié pour permettre au licencié non exclusif d’engager une action en contrefaçon si le contrat de licence le prévoit expressément et sous réserve de l’information préalable du titulaire de droits. De même, la validité d’un brevet ne pourra pas être contestée au cours d’une action en contrefaçon engagée par le licencié si le titulaire du brevet n’est pas partie à l’instance. En ce qui concerne la prescription, la durée du délai de prescription de l’action en contrefaçon est fixée à 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant d’exercer l’action en contrefaçon (Code de propriété intellectuelle., art. L. 615-8) ;

Dessins et modèles (Code de propriété intellectuelle., art. L. 515-1). La loi du 29 octobre 2007 relative à la lutte contre la contrefaçon a précisé que toute atteinte portée aux droits du propriétaire d’un dessin ou modèle constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur. Les faits postérieurs au dépôt, mais antérieurs à la publication de l’enregistrement du dessin ou modèle ne peuvent être considérés comme ayant porté atteinte aux droits qui y sont attachés (Code de propriété intellectuelle., art. L. 521-1). Toutefois, lorsqu’une copie de la demande d’enregistrement a été notifiée à une personne, la responsabilité de celle-ci peut être recherchée pour des faits postérieurs à cette notification, même s’ils sont antérieurs à la publicité de l’enregistrement ;( Marques de fabrique (Code de propriété intellectuelle., art. L. 716-1 et s.).

Le 31 janvier 2023, la cour d’appel de Bordeaux (CA Bordeaux, 31 janv. 2023, no 20/01139) que le défaut d’inscription au registre des marques du contrat de licence dont bénéficie le licencié l’empêche d’agir en contrefaçon. (9)

B) Sanction des droits de propriété intellectuelle

La mise en jeu de la responsabilité civile du contrefacteur conduit au prononcé de sanctions civiles qui confinent à des peines privées. La victime privilégie le plus souvent la voie civile, ce qui explique la pauvreté du contentieux en matière pénale. Le plaignant peut également porter son action civile devant le juge pénal. Dans tous les cas, il dispose des procédures spécifiques de saisie-contrefaçon auxquelles il peut recourir avant d’engager une action au fond, devant le juge civil ou pénal.

Les marchandises soupçonnées de porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle peuvent être détruites lorsque les conditions suivantes sont remplies :

Le demandeur a confirmé par écrit et par une expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai de 10 jours ouvrables, ou de 3 jours ouvrables en cas de denrées périssables, à compter de la notification de la retenue, le caractère contrefaisant des marchandises ;

Le demandeur a confirmé par écrit aux autorités douanières qu’il consent à la destruction des marchandises, sous sa responsabilité ;

Le détenteur des marchandises a confirmé par écrit aux autorités douanières dans un délai de 10 jours ouvrables, ou de 3 jours ouvrables en cas de denrées périssables, à compter de la notification de la retenue, qu’il consentait à la destruction des marchandises.(4)

Le 22 mars 2023, la chambre commerciale (Cass. com., 22 mars 2023, no 21-21467) a rappelé que la procédure non contradictoire en saisie contrefaçon est ouverte au titulaire d’une marque, quand bien même une instance est en cours et indépendamment donc de la possibilité de recourir à la procédure contradictoire du droit d’information. (10)

Pour lire une version plus complète de cet article sur la propriété intellectuelle, cliquez

SOURCES :

  1. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 décembre 2010, 10-30.034 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000023226014/
  2. Cour de cassation, Assemblée plénière, 17 février 2012, 10-24.282 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000025380161/
  3. Cour de cassation, Chambre criminelle, du 21 septembre 2004, 04-80.585 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007606797/
  4. Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 6 avril 2016, 14-87.858 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032382043/
  5. Tribunal judiciaire de Paris, 3e, 7 avril 2023, no20/00009 https://justice.pappers.fr/decision/44f5874788d8dc8816987cf1803051657f2128af
  6. Cour de cassation, chambre commerciale., 6 mars 2024, no22-23657, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049261474?init=true&page=1&query=22-23.657&searchField=ALL&tab_selection=all
  7. Tribunal judiciaire de Paris, 3e, 8 févier. 2022, no19/14142 https://www.doctrine.fr/d/TJ/Paris/2022/U6278FB27CC176D9D719C
  8. CJUE, 27 Avril. 2023, noC-686/21 https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=272970&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=23056519
  9. Cour d’appel de Bordeaux, 31 janv. 2023, no20/01139 https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=CA_BORDEAUX_2023-01-31_2001139
  10. Cour de cassation, chambre commerciale., 22 mars 2023, no21-21467 https://www.courdecassation.fr/decision/641aaaa00c73d704f5348260