contrefacteurs;

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ET DROIT D’AUTEUR

L’intelligence artificielle fait partie de notre quotidien, qu’il s’agisse de la reconnaissance vocale sur nos téléphones portables, des suggestions personnalisées de films sur des plates-formes de streaming (certes, plus ou moins convaincantes…) ou des systèmes de reconnaissance d’images permettant de « taguer » des visages ou de filtrer des contenus violents ou pornographiques publiés sur les réseaux sociaux.

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Le statut des créations issues de l’intelligence artificielle est nettement plus délicat. Le Petit Robert définit l’intelligence artificielle comme « la partie de l’informatique qui a pour but la simulation des facultés cognitives afin de suppléer l’être humain pour assurer des fonctions dont on convient, dans un contexte donné, qu’elles requièrent de l’intelligence ». Nous basculons de la création assistée par ordinateur vers la création générée par ordinateur. Or les créations de ces machines intelligentes (que d’aucuns aiment à qualifier de robots sont très nombreuses dans la littérature, spécialement de science-fiction.

L’on se souvient, par exemple, des belles sculptures de lumière réalisées par le majordome robot de Madame Lardner (Max) dans la nouvelle de Asimov, Light Verse, œuvres que le propriétaire du robot s’approprie indûment. Ces créations, accidentelles, cesseront lorsque John Semper Trevis réparera malencontreusement le robot créateur.


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Les créations de ces machines intelligentes ne sont plus aujourd’hui accidentelles et la Commission juridique du Parlement européen a invité le 12 janvier 2017 la Commission européenne à soumettre une directive envisageant « la création d’une personnalité juridique spécifique aux robots, pour qu’au moins les robots autonomes les plus sophistiqués puissent être considérés comme des personnes électroniques dotées de droits et de devoirs bien précis » et définissant « des critères de création intellectuelle propres applicables aux œuvres protégeables par droit d’auteur créés par des ordinateurs ou des robots » – ce qui est riche d’un implicite sur lequel nous reviendrons.

Les défenseurs de cette position soulignent qu’une telle protection stimulerait ainsi la création dans ces domaines et conférerait à l’Europe un avantage concurrentiel.

I – la protection du droit d’auteur appliquée aux œuvres générées à partir d’une l’intelligence artificielle

A – les limites invoquées à l’application du droit d’auteur

  1. L’auteur, personne physique

Traditionnellement, le droit d’auteur français protège l’auteur d’une « œuvre de l’esprit ». Les dispositions de l’article L. 112-1 du CPI prévoient en ce sens que : « Les dispositions du présent Code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. »

Dès lors, comment concevoir qu’une œuvre générée par une IA, c’est-à-dire à partir d’un ou plusieurs algorithmes, soit considérée comme une « œuvre de l’esprit » et protégée en tant que telle par le droit d’auteur ?

En effet, la jurisprudence admet que l’auteur d’une œuvre de l’esprit ne peut être qu’une personne physique, et la Cour de cassation juge à cet égard qu’une personne morale ne peut avoir la qualité d’auteur.

Dès lors, si le collectif Obvious à l’origine du Port rait de Belamy signe le tableau avec la formule de l’algorithme, il ne s’agit là bien entendu que d’un clin d’œil dans la mesure où, à ce jour, aucune personnalité juridique n’est reconnue à une IA qui ne peut dès lors se voir reconnaître la titularité des droits d’auteur.

L’idée d’une personnalité juridique propre aux robots a bien été promue, notamment et de façon étonnante par le Parlement européen dans une résolution du 16 février 2017, ce qui a donné lieu à de nombreuses critiques, en partie reprises par les auteurs du récent rapport pour qui cette option serait « largement impraticable » (cf. rapport p. 36).

  1. La condition de l’originalité

Par construction jurisprudentielle, la protection par le droit d’auteur suppose que la création soit originale. Cette condition ne ressort pas des dispositions du Code de la propriété intellectuelle, qui ne s’y réfère pas, sauf pour protéger le titre des œuvres (cf. article L. 112-4). L’originalité est ainsi appréciée par les juges, au cas par cas, comme l’expression, l’empreinte ou le reflet de la personnalité de l’auteur.

Cette conception impliquant de nouveau une intervention humaine, il apparaît difficile de qualifier d’originale une œuvre générée par une IA : comment celle-ci pourrait-elle, en effet, matérialiser le reflet de la personnalité de son auteur s’il s’agit d’une machine ? Du moins tant que les machines ne seront pas douées de conscience ou d’esprit et qu’une personnalité juridique ne leur sera pas reconnue…

Ces difficultés résultent d’une conception traditionnelle et classique du droit d’auteur français qui ne conçoit la création que comme l’apanage de l’humain et qui place toujours l’auteur, personne physique, au centre de la protection.

Toutefois, comme le relève un récent rapport déposé auprès du CSPLA le 27 janvier 2020, les difficultés ainsi soulevées ne devraient pas être « insurmontables ». Ainsi, sans remettre en cause le lien entre l’auteur et son œuvre qui fonde notre droit d’auteur, ce droit « semble suffisamment souple pour recevoir ces créations » et « l’attribution des droits au concepteur de l’IA semble de nature à apporter des solutions pertinentes ».

B – les solutions offertes par l’application du droit d’auteur

  1. Le rapport « Intelligence artificielle et culture »

Le 25 avril 2018, la Commission européenne, dans sa communication « Une intelligence artificielle pour l’Europe », a invité les États membres à réfléchir aux conséquences de l’intelligence artificielle sur la propriété intellectuelle. Dans ce contexte, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) a confié aux professeures Alexandra Bensamoun et Joelle Farchy une mission sur les enjeux juridiques et économiques de l’intelligence artificielle dans les secteurs de la création culturelle, qui a donné lieu au dépôt, le 27 janvier 2020, d’un rapport intitulé « Intelligence artificielle et culture ».

Selon les auteures de ce rapport, il importe de rappeler en premier lieu que le droit d’auteur et sa mise en œuvre ne peuvent se passer de la présence humaine. Toutefois « une analyse renouvelée des conditions d’accès à la protection (création, originalité, auteur) pourrait permettre de recevoir ces réalisations culturelles au sein du droit d’auteur ».

  1. Quelle solution ?

Ledit rapport écarte ainsi dans ses conclusions toute intervention législative, en retenant qu’il importe d’abord « d’éprouver le droit positif et d’être prêt à intervenir si un éventuel besoin de régulation se révélait à l’avenir » alors que « le droit positif devrait pour l’heure pouvoir être appliqué, dans une lecture renouvelée des critères d’accès à la protection ».

Avec prudence, il est toutefois rappelé qu’il ne peut être exclu, compte tenu de la technique en constant développement, que « l’outil [de l’intelligence artificielle] gagne en autonomie, en réduisant le rôle de l’humain ».

Il ne faut donc pas complètement exclure qu’à l’avenir, une intervention du législateur soit rendue nécessaire et « une voie intéressante pourrait alors être, au vu des différentes positions et analyses, celle de la création d’un droit spécial du droit d’auteur ».

C’est alors le régime appliqué au logiciel ou celui appliqué à l’œuvre collective qui pourrait, selon les auteures du rapport « Intelligence artificielle et culture » déposé au CSPLA, servir de modèle à la création d’un droit spécial, notamment en adaptant les articles L. 113-2 et L. 113-5 du CPI pour y intégrer les créations générées par une IA.

En effet, selon le Code de la propriété intellectuelle, « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée » (article L. 113-1 du CPI).

Ainsi, dans le cas de l’œuvre collective créée à l’initiative d’une personne physique ou morale qui la divulgue et dans laquelle la contribution de chaque auteur y ayant participé se fond dans un ensemble sans qu’il soit possible d’identifier la contribution de chacun (cf. article L. 113-2 du CPI), il est prévu par l’article L. 113-5 du CPI que cette œuvre « est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur ».

Il est donc admis qu’une personne morale, si elle ne peut pas être l’auteur d’une œuvre de l’esprit, peut en revanche être titulaire des droits d’auteur existant sur cette œuvre.

L’arsenal juridique de l’œuvre collective et du logiciel semble donc offrir des pistes de solutions intéressantes.

La matière étant, à l’évidence, en constante évolution, la prudence semble de mise, étant rappelé que toute issue législative devra naturellement « s’opérer dans un cadre international, a minima européen ».

 

II- Une protection alternative adaptée aux créations de l’intelligence artificielle

A – L’adaptation du droit d’auteur à l’intelligence artificielle

Si l’œuvre est considérée comme protégée par le droit d’auteur, la question de la paternité de l’œuvre est centrale. Certaines législations étrangères comme Hong Kong, l’Inde, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande ou le Royaume-Uni, ont choisi d’attribuer cette paternité au concepteur du programme.

En France, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) recommande, dans son rapport intitulé « Mission Intelligence artificielle et Culture » du 27 janvier 2020, de s’inspirer des mécanismes existants en droit d’auteur. Une première piste résiderait dans l’aménagement de la notion d’originalité afin de qualifier la création de l’intelligence artificielle en œuvre de l’esprit, comme ce fut le cas pour le logiciel, où l’empreinte de la personnalité de l’auteur a été remplacée par l’apport intellectuel de son créateur. S’agissant de la titularité, « la désignation du concepteur de l’intelligence artificielle apparaît comme la solution la plus respectueuse du droit d’auteur » selon le rapport du CSPLA. Une autre possibilité serait d’appliquer les règles de l’accession par production de l’article 546 du Code civil pour permettre au propriétaire de l’intelligence artificielle d’acquérir les accessoires que produit sa chose (les œuvres étant les fruits de l’intelligence artificielle).

Cependant, cela ne signifie nullement que la titularité des droits revienne toujours à la personne physique. En effet, l’instigateur de la technologie pourrait être récompensé sur le modèle de l’œuvre collective qui, selon l’article L. 113-2, alinéa 3, du CPI, est « une œuvre crée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et en son nom ».

Par ailleurs, un droit spécifique, sorte de droit voisin, pourrait être créé pour attribuer des prérogatives patrimoniales à celui qui communique l’œuvre au public. La disposition serait alors intégrée à l’article L. 123-4 du CPI, in fine, en ces termes : « Celui qui prend les dispositions nécessaires en termes d’investissement pour communiquer au public une création de forme générée par une intelligence artificielle et assimilable à une œuvre de l’esprit jouit d’un droit d’exploitation d’une durée de X années à compter de la communication ». Pour permettre plus de souplesse, le CSPLA suggère de privilégier les solutions contractuelles en ajoutant en début de disposition « sauf stipulations contraires ».

Derrière l’identification du titulaire, des créations se pose également la question cruciale de la responsabilité en cas de dommages provoqués par l’intelligence artificielle. En effet, la proposition de règlement de la Commission européenne du 21 avril 2021 place le fournisseur d’un système d’intelligence artificielle comme acteur central. Il est défini comme la personne physique ou morale, l’agence ou tout autre organisme qui développe ou possède un système d’intelligence artificielle, sous son propre nom ou sa propre marque, à titre onéreux ou gratuit. Cette désignation simplifiée du responsable n’est d’ailleurs pas sans rappeler la responsabilité du producteur du fait d’un produit défectueux puisqu’est également désignée comme producteur la « personne qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ».

B – Les modes alternatifs de protection des créations de l’intelligence artificielle

Au-delà du droit d’auteur , le Parlement européen recommande de privilégier une évaluation sectorielle et par type des implications des technologies de l’intelligence artificielle en prenant notamment en compte « le degré d’intervention humaine, l’autonomie de l’IA , l’importance du rôle et de la source des données et des contenus protégés par le droit d’auteur utilisés, ainsi que l’éventuelle intervention d’autres facteurs ; rappelle que toute démarche doit trouver le juste équilibre entre la nécessité de protéger les investissements en ressources et en efforts et celle d’encourager la création et le partage ».

Pour sa part, le CSPLA suggère de s’inspirer du droit accordé au producteur de bases de données en introduisant un droit sui generis visant à protéger les efforts financiers, humains ou matériels des intervenants au processus créatif développé par l’intelligence artificielle.

Appliqué à l’intelligence artificielle, ce droit sui generis permettrait un retour sur investissement, déjouant ainsi les tentatives d’appropriation de valeur et encourageant du même coup l’investissement dans le domaine de l’intelligence artificielle. La proposition pourrait être intégrée dans la première partie du code de la propriété intellectuelle, à la suite du droit des bases de données : « Le producteur d’une intelligence artificielle permettant la génération de créations assimilables à des œuvres de l’esprit bénéficie d’une protection sur ces créations lorsque celles-ci résultent d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel ».

En tout état de cause, d’autres modes de protection existent. Ainsi, le programmateur de la technologie peut se faire rémunérer en concédant une licence d’utilisation de son logiciel. De plus, la directive n° 2016/943 du 8 juin 2016 sur le secret des affaires, transposée à l’article L. 151-1 du CPI, permet au concepteur de s’opposer à la divulgation illicite du savoir-faire technologique et l’appropriation de son investissement. Enfin, une action sera toujours possible sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile extracontractuelle contre les actes de concurrence déloyale ou les agissements parasitaires.

Pour lire un article plus complet sur l’intelligence artificielle et la protection des contenus, cliquez

Sources :
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 janvier 2015, 13-23.566, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
Cour de cassation, Assemblée Plénière, du 7 mars 1986, 83-10.477, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

Droit d’auteur : l’originalité est uniquement un moyen de défense

Dans un contentieux, l’éditeur d’une photothèque en ligne de photographies culinaires réalisées par des professionnels reprochait à une société d’avoir utilisé sans autorisation une photographie et l’a assignée devant le tribunal pour obtenir sa condamnation et des dommages-intérêts.

Avant tout débat au fond, la société mise en cause a fait signifier des conclusions d’incident. Elle invoquait le fait que la condition de la protection n’était pas réunie, la photo n’étant pas originale.

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( T.J. Marseille, 1ère ch. – cab. 1, ordonnance d’incident, 3 mai 2022, Sté. Sucré Salé c./ Sté. Gaillet et Sté. Azur Technologie groupe, Legalis)

Le juge de la mise en l’état précise qu’« il ne résulte d’aucun texte que l’originalité des œuvres éligibles à la protection au titre du droit d’auteur est une condition de recevabilité de l’action en contrefaçon. Si la démonstration d’une telle originalité est bien exigée, elle est une condition du bien-fondé de l’action et constitue un moyen de défense au fond ».

Il avait rappelé que l’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme étant tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugé.

La question de savoir si la contestation de l’originalité en droit d’auteur est une fin de non-recevoir ou défense au fond est importante depuis la dernière réforme de la procédure civile dans la mesure où le juge de la mise en état est désormais exclusivement compétent pour trancher les fins de non-recevoir.

Ainsi s’il s’agit d’une fin de non-recevoir, cela implique la saisine du juge de la mise en état dans chaque litige relatif au droit d’auteur et par conséquent l’allongement de la procédure.

Les juridictions sont divisées. Pour la Cour d’appel de Paris, l’originalité serait considérée comme une défense au fond si l’on se réfère à la position du Tribunal judicaire de Paris : « L’argument selon lequel la combinaison des éléments dont se prévaut la demanderesse résulterait d’une pratique courante et d’une mise en scène largement antériorisée, qui vise à combattre l’originalité alléguée, ne peut en application des principes rappelés plus haut s’analyser en une fin de non-recevoir » (TJ Paris, JME, 23 oct. 2010).


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En revanche, le Tribunal judicaire de Nanterre a retenu la qualification de fin de non-recevoir : « Ainsi, l’originalité, qui doit d’ailleurs être explicitée dès l’assignation à peine de nullité de celle-ci au sens de l’article 56 2º du code de procédure civile, est une condition d’existence du droit d’auteur et son défaut emporte l’inexistence de la qualité d’auteur et du droit d’auteur. En conséquence, quand bien même X conteste l’originalité du titre pour justifier le rejet au fond de l’action de Y, il convient, dès lors que ce moyen conditionne le droit d’agir de la demanderesse, de l’examiner comme une fin de non-recevoir en application de l’article 122 du code de procédure civile » (TJ Nanterre, 11 févr. 2021).

I. Notion d’œuvre de l’esprit

La loi française ne définit pas l’œuvre de l’esprit. L’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle se contente d’énumérer des œuvres susceptibles d’être protégées. La liste, qui n’est pas limitative, est longue, mais elle n’offre pas de piste sérieuse pour conceptualiser. La Cour de justice en a fait une notion autonome de droit de l’Union (CJUE, gr. ch., 13 nov. 2018, aff. C-310/17, Levola Hengelo, pt 33), pour dire que la qualification suppose d’une part, que « l’objet concerné soit original » (pt 36), d’autre part que la protection soit « réservée aux éléments qui sont l’expression d’une telle création intellectuelle ». En vérité, la première condition, relative à l’originalité, concerne les qualités de l’œuvre, et non pas la notion même. Reste la seconde qui peut être décomposée en deux propositions : l’œuvre de l’esprit est 1) une création intellectuelle 2) se concrétisant dans une forme.

A. Création intellectuelle

Il est communément admis que l’œuvre de l’esprit doit procéder d’une activité créative. Cela exclut la simple révélation d’une œuvre préexistante (la découverte d’un archéologue, par exemple), ou le résultat exclusif d’un simple savoir-faire (V. pour la prestation d’un réalisateur d’émissions de télévision constituant « la mise en œuvre d’une technique », travail de transformation d’anciennes carrières pour en faire un lieu de spectacles audiovisuels), ou du pur hasard. Cela explique aussi l’impossibilité de protéger à ce titre un nom patronymique.

La Cour de justice de l’Union européenne a évoqué l’hypothèse, à vérifier par le juge national, où des rapports de situation militaire pourraient constituer des documents purement informatifs, dont le contenu est essentiellement déterminé par les informations qu’ils contiennent, ce qui devrait conduire à leur refuser le bénéfice du droit d’auteur (CJUE, grde ch., 29 juill. 2019, aff. C-469/17, Funke Medien, pt 24).

B. Création de forme

L’œuvre ne peut donner prise au droit d’auteur qu’à partir du moment où elle quitte le monde de la spéculation pour entrer dans le monde sensible de la forme. C’est la conséquence du principe fondamental du droit de la propriété intellectuelle selon lequel les idées sont de libre parcours et ne peuvent donc être appropriées. La règle est souvent appliquée en jurisprudence à propos des idées publicitaires ou des « concepts » de jeux télévisés ou d’œuvres audiovisuelles.

Elle n’exclut pas la protection de l’art conceptuel, comme cela a été jugé dans l’affaire de l’inscription du mot « Paradis » au-dessus de la porte des toilettes de l’ancien dortoir des alcooliques d’un hôpital, la Cour de cassation retenant que « l’œuvre litigieuse ne consiste pas en une simple reproduction du terme “Paradis”, mais en l’apposition de ce mot en lettres dorées avec effet de patine et dans un graphisme particulier, sur une porte vétuste, à la serrure en forme de croix, encastrée dans un mur décrépi dont la peinture s’écaille », et que « cette combinaison implique des choix esthétiques traduisant la personnalité de l’auteur », pour approuver l’arrêt attaqué d’avoir ainsi fait « ressortir que l’approche conceptuelle de l’artiste, qui consiste à apposer un mot dans un lieu particulier en le détournant de son sens commun, s’était formellement exprimée dans une réalisation matérielle originale ».

Cette exigence de concrétisation n’implique pas l’achèvement de l’œuvre (CPI, art. L. 111-2, visant : « la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur ») ni sa fixation (CPI, art. L. 112-1, 2°, citant les « conférences, allocutions, sermons, plaidoiries et autres œuvres de même nature »).

II. Caractéristiques indifférentes de l’œuvre de l’esprit

A. Indifférence du genre

L’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle interdit de prendre en considération le genre des œuvres. Selon Desbois (H. Desbois, Le droit d’auteur en France : Dalloz, 3e éd., 1978, n° 1), la notion de genre renvoie à la distinction traditionnelle entre les œuvres littéraires, artistiques et musicales. Le mot peut également être pris dans un sens plus restrictif, conduisant par exemple à opposer à l’intérieur de la catégorie des œuvres littéraires la poésie et la prose, ou, parmi les œuvres artistiques, la peinture et la sculpture. L’essentiel, sur quoi tout le monde s’accorde, est que la faveur du législateur n’est pas réservée à une catégorie d’œuvres ni d’auteurs. C’est ce qui explique que, comme il a été dit haut, la liste de l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle n’ait qu’un caractère indicatif. Cependant, la Cour de cassation n’a pas hésité à ériger en principe que : « la fragrance d’un parfum, qui procède de la simple mise en œuvre d’un savoir-faire, ne constitue pas […] la création d’une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection des œuvres de l’esprit par le droit d’auteur ».

Tout en maintenant la solution, un arrêt postérieur a fondé le refus de la protection sur une autre motivation « le droit d’auteur ne protège les créations dans leur forme sensible qu’autant que celle-ci est identifiable avec une précision suffisante pour permettre sa communication ; la fragrance d’un parfum, qui, hors son procédé d’élaboration, lequel n’est pas lui-même une œuvre de l’esprit, ne revêt pas une forme présentant cette caractéristique, ne peut dès lors bénéficier de cette protection par le droit d’auteur »).

La Cour de justice a semblé s’inspirer de ce raisonnement en disant pour droit que la directive 2001/29 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que la saveur d’un produit alimentaire soit protégée par le droit d’auteur au titre de cette directive (CJUE, grde ch., 13 nov. 2018, aff. C-310/17, Levola Hengelo). Elle a, en effet, pris appui sur l’article 2.1 de la convention de Berne (à laquelle elle affirme avoir l’obligation de se conformer), sur l’article 2 du WCT et sur l’article 9.2 de l’Accord ADPIC (pts 38 et 39), pour en déduire que la notion d’œuvre « implique nécessairement une expression de l’objet de la protection au titre du droit d’auteur qui le rende identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité, quand bien même cette expression ne serait pas nécessairement permanente » (pt 40).

Le principe selon lequel la protection d’une œuvre n’est pas subordonnée à l’appartenance à une catégorie, nommée ou non par la loi, n’empêche pas que certaines œuvres obéissent à des règles propres. Tel est le cas, notamment, pour les œuvres audiovisuelles et les logiciels. Cela pose, inévitablement, un problème de qualification, qui n’est pas toujours facile à régler. Ainsi, l’œuvre multimédia peut comporter des éléments audiovisuels, mais la Cour de cassation a mis en doute qu’elles puissent répondre en elles-mêmes à la définition de l’œuvre audiovisuelle, en raison du fait que celle-ci renvoie, aux termes de l’article L. 112-2, 6°, du Code de la propriété intellectuelle, à l’existence d’une « séquence ». Quant à la composante logicielle, la même Cour s’est prononcée en faveur d’une application distributive ; « un jeu vidéo est une œuvre complexe qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelle que soit l’importance de celle-ci, de sorte que chacune de ses composantes est soumise au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature »).

La Cour de justice a, par ailleurs, précisé que l’interface graphique d’un programme d’ordinateur ne participait pas de la nature de celui-ci et n’était donc pas soumise aux règles spécifiques le régissant (CJUE, 22 déc. 2010, aff. C-393/09, BSA). Elle a également dit pour droit que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive du 14 mai 1991(directive « consolidée » par dir. 2009/24/CE, 23 avr. 2009) doit être interprété en ce sens que ni la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur ni le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions ne constituent une forme d’expression de ce programme et ne sont, à ce titre, protégés par le droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur au sens de cette directive (CJUE, 2 mai 2012, aff. C-406/10, SAS).

B. Indifférence de la forme d’expression

Le même article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de la forme d’expression. Pour Desbois, la forme d’expression s’entend de la manière dont les créations sont communiquées au public, ce qui inclut la forme écrite comme la forme orale. Elle peut également s’entendre dans un sens différent, permettant par exemple d’opposer les compositions musicales avec ou sans paroles, et, dans le domaine des arts plastiques, le dessin, la peinture, la sculpture, etc.

C. Indifférence du mérite

Le principe de l’indifférence du mérite a été posé pour la première fois par la loi du 11 mars 1902. L’interdiction, reprise par l’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle, vaut d’abord pour l’opinion formulée sur la valeur esthétique de l’œuvre pour des dessins. Sous cet aspect, elle se justifie facilement. Il n’y aurait plus aucune sécurité juridique si l’on devait faire dépendre l’application de la loi du bon vouloir d’un juge érigé en critique. De façon plus générale, l’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle exclut tout jugement de valeur sur le contenu de l’œuvre. Ainsi, la protection légale ne pourra être refusée sur la base de considérations d’ordre moral, naturellement étrangères au droit d’auteur. Pas davantage il ne devra être tenu compte de la banalité ou du caractère contestable des thèses développées dans un ouvrage, ce qui va également de soi puisque le monopole ne porte pas sur les idées.

D. Indifférence de la destination

La loi précitée du 11 mars 1902 a posé le principe que la protection légale est indépendante de la destination. La solution a été consacrée par la loi n° 57-298 du 11 mars 1957, dont l’article 3 (CPI, art. L. 122-2, 10°) comprend expressis verbis dans la liste des œuvres protégeables celles relevant des « arts appliqués ». Entre-temps, la loi du 14 juillet 1909 était venue organiser pour les dessins et modèles une protection spécifique cumulable avec celle résultant du droit d’auteur (CPI, art. L. 511-1 s., articles réécrits par Ord. n° 2001-670, 25 juill. 2001 , transposant la directive 98/71/CE du 13 octobre 1998).

Ainsi a triomphé la théorie dite de l’unité de l’art, réclamée par l’industrie, selon laquelle il faut traiter de façon identique, au regard du droit de la propriété littéraire et artistique, les créations relevant de l’art pur et celles relevant des arts appliqués. Ont par exemple été protégées par le droit d’auteur des œuvres aussi modestes qu’un panier à salade, un décapsuleur, des dessins illustrant les brochures techniques éditées par un constructeur automobile à l’intention des revendeurs, des normes relatives à la sécurité des jouets (Trib. UE, 14 juill. 2021, aff. T-185/19 : LEPI nov. 2021, p. 2, obs. S. Carre).

La question essentielle est de savoir comment déterminer si la fonction utilitaire est séparable de la forme, qui seule peut être monopolisée par le droit d’auteur. Elle est particulièrement délicate et a donné lieu à une abondante jurisprudence difficile à synthétiser. Certaines décisions appliquent plus ou moins ouvertement la théorie de la multiplicité des formes selon laquelle la condition est réputée remplie lorsqu’il est établi que plusieurs formes pouvaient procurer le résultat recherché.

D’autres, plus nombreuses semble-t-il, tendent à considérer que la protection résultant de la loi relative aux dessins et modèles (et par conséquent de la loi sur le droit d’auteur) doit être écartée en l’absence de caractéristiques ornementales nettement dissociables des caractéristiques fonctionnelles.

L’ordonnance précitée du 25 juillet 2001 ne semble pas avoir modifié les données du problème. La Cour de justice, quant à elle, a précisé que la protection du droit d’auteur était seulement subordonnée à la condition d’originalité, sans que puisse être exigé un effet esthétique spécifique (CJUE, 12 sept. 2019, aff. C-683/17, Cofemel ) et sans exclure que la création soit partiellement dictée par des considérations techniques (CJUE, 11 juin 2020, aff. C-833/18, Brompton).

III. Originalité de l’œuvre de l’esprit

A. Source de l’exigence

L’exigence d’originalité n’est pas formulée de manière expresse par le législateur français, sauf pour les titres des œuvres (CPI, art. L. 112-4), où elle est d’ailleurs d’application délicate. Mais la jurisprudence s’y réfère constamment depuis des décennies.

Notion d’originalité – L’originalité s’entend traditionnellement en droit français de l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Elle s’oppose ainsi à la notion objective de nouveauté, qui renvoie à l’absence d’antériorité. C’est sur la base de cette distinction que la Cour de cassation a censuré, au visa des articles L. 112-1 et L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle , l’arrêt qui avait déduit l’originalité d’un ouvrage sur la Corse de la conjonction de caractéristiques éditoriales tenant notamment au format adopté, à la couleur et à la qualité du papier choisi et à l’apposition de simples légendes, caractéristiques qui se trouvaient pour la première fois réunies, en lui reprochant d’avoir ainsi fondé sa décision sur l’absence d’antériorité de toutes pièces et le caractère nouveau des choix opérés, sans caractériser en quoi ces choix, pour arbitraires qu’ils soient, portaient l’empreinte de la personnalité de ses auteurs.

Une approche plus objective a toutefois été retenue par la Cour de justice dans l’affaire Infopaq où la notion d’originalité a été érigée en notion autonome de droit de l’Union et l’œuvre originale définie comme la « création intellectuelle propre à (son) auteur » (CJCE, 16 juill. 2009, aff. C-5/08, pt 35).

Œuvres techniques – L’approche subjective de l’originalité n’est pas très facile à concilier avec l’accès à la protection des œuvres de caractère technique. La difficulté a surtout été relevée pour les logiciels. La loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 les a ajoutés à la liste des œuvres protégeables, mais s’est bien gardée de préciser en quoi peut consister cette originalité. La directive 91/250/CEE du 14 mai 1991 (« consolidée » par la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009), transposée en droit français par la loi n° 94-361 du 10 mai 1994, ne jette aucune lumière dans ce débat en définissant le programme original comme celui qui est « la création intellectuelle propre à son auteur » (art. 1.3).

Œuvres premières et œuvres dérivées – L’œuvre peut répondre à la condition d’originalité tout en empruntant à une œuvre préexistante des éléments donnant prise au droit d’auteur. L’article L. 112-3 du Code de la propriété intellectuelle admet ainsi au bénéfice de la protection les « traductions, adaptations, transformations ou arrangements » (V. pour une traduction, relevant « l’existence d’un dialogue intime » avec l’œuvre première, CA Paris, pôle 5-1, 7 juin 2016, n° 15/03475 : Propr. intell. 2016, p. 428, 2e esp., obs. J.-M. Bruguière. – Mais V. pour une traduction non originale, témoignant seulement du savoir-faire et de l’érudition du traducteur, CA Paris, pôle 5-1, 29 juin 2021, n° 18/21198 : LEPI janv. 2022, p. 2, obs. A. Zollinger), de même que les « anthologies et recueils d’œuvres diverses », « le caractère relatif de l’originalité n’est pas exclusif de l’empreinte de la personnalité »), ce qui, bien sûr, n’empêche pas l’œuvre seconde d’être contrefaisante si son auteur n’a pas obtenu l’autorisation de l’auteur de l’œuvre première.

Pour la même raison, l’emprunt à des éléments du domaine public n’empêche pas l’œuvre seconde d’être originale. On en déduit par exemple, dans le domaine musical, que l’œuvre peut être inspirée du folklore (V. pour des improvisations du guitariste Manitas de Plata : Cass. 1re civ., 1er juill. 1970) et que peuvent être protégées des partitions permettant de faire revivre, à partir de sources lacunaires ou altérées, les œuvres du « maître de musique » français Michel-Richard de Lalande.

Copies et restaurations d’œuvres graphiques ou plastiquesLa Cour de cassation n’a pas hésité à ériger en principe que : « les copies d’œuvres d’art plastique jouissent de la protection instituée par le Code de la propriété intellectuelle, dès lors, qu’exécutées de la main même de leur auteur, elles portent l’empreinte de sa personnalité ». On rapprochera cette jurisprudence de celle admettant la protection par le droit d’auteur de la « reconstitution » de sculptures de la façade du château de Versailles, de la restauration du « grand parterre central de broderies » du parc de Vaux-le-Vicomte (CA Paris, 4e ch., 11 févr. 2004, n° 2002/10230), et de la « restructuration » dans le style classique de l’orgue de chœur de la cathédrale de Strasbourg construit en 1878 dans le style romantique (CE, 14 juin 1999, n° 181023).

B. Preuve de l’originalité

L’originalité ne pouvant s’attacher à un genre, elle doit être constatée cas par cas, décidant que l’obligation d’apprécier l’originalité de chaque photographie, objet du litige, n’interdit pas de « les regrouper, en fonction de leurs caractéristiques », admettant que la reconnaissance de la contrefaçon d’une masse d’œuvres n’oblige pas le juge pénal à les identifier précisément, ni même à caractériser leur originalité individuellement,.

Le juge ne saurait exclure l’originalité d’une œuvre, qui doit être appréciée dans son ensemble, au seul motif que les éléments la constituant sont banals. C’est normalement à celui qui se prévaut du monopole d’auteur de démontrer que l’œuvre remplit les conditions pour être investie de la protection légale, ce qui suppose qu’il la verse aux débats.

Il faut bien voir cependant que pour la plupart des œuvres, l’originalité coule de source et ne donne lieu à aucune contestation, de sorte que tout se passe en pratique comme si l’œuvre bénéficiait d’une présomption d’originalité. Ainsi, l’originalité des dessins, peintures, sculptures, gravures, lithographies et illustrations visés par l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle se déduit nécessairement de la paternité et elle est rarement discutée. C’est seulement dans les cas limites où la nature de l’œuvre fait douter de la possibilité de la protection, que le débat sur l’originalité revient au premier plan et que les règles de droit commun sur la charge de la preuve reçoivent application.

Tel est le cas pour les logiciels, dont l’originalité est, dans la pratique, établie à partir de rapports d’expertise, pour les œuvres des arts appliqués. Pour les photographies dites « de plateau », qui servent notamment à fournir des repères lors du montage d’un film. Toutefois, si l’assignation doit décrire et identifier l’œuvre revendiquée, elle n’a pas à établir son originalité.

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Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036584708?init=true&page=1&query=15-28.352&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027303970?init=true&page=1&query=12-14.525&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007052380?init=true&page=1&query=04-12.721&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007513217?init=true&page=1&query=06-19.012&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007056062?init=true&page=1&query=02-44.718&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028329512?init=true&page=1&query=11-19.872+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007045523?init=true&page=1&query=00-20.294&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000020800632?init=true&page=1&query=07-20.387++&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007057246?init=true&page=1&query=68-90.076&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007053210?init=true&page=1&query=62-91.916+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007057117?init=true&page=1&query=72-93.686++&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007010066?init=true&page=1&query=80-15.403+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007037807?init=true&page=1&query=95-13.176&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007466968?init=true&page=1&query=01-16.415++&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007031432?init=true&page=1&query=91-17.061+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027372045?init=true&page=1&query=10-16.063&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036697003?init=true&page=1&query=16-86.881&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000025662489?init=true&page=1&query=11-10.463&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007193600?init=true&page=1&query=91-15.718&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032267140?init=true&page=1&query=15-12.321&searchField=ALL&tab_selection=all

 

Contrats de propriété intellectuelle : comment les utiliser ?

Il n’existe pas de définition conceptuelle de la propriété intellectuelle en droit positif. Le Code qui y est consacré ne fait qu’énumérer les éléments qui la composent. On pourrait être tenté de dire que la caractéristique principale de la propriété intellectuelle est qu’elle a pour objet la pensée, les choses de l’esprit, de l’intelligence.

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Pourtant, il est des propriétés intellectuelles qui ne sont pas issues du travail intellectuel. L’exemple le plus saisissant est celui de l’appellation d’origine, mais il est également des marques ou des noms commerciaux, pour lesquels la part de créativité est réduite. La grande diversité des droits concernés et l’existence de nombreux concepts voisins expliquent donc l’imprécision du langage juridique en la matière.

Malgré tout, quelques principes communs aux droits de propriété intellectuelle peuvent être dégagés. Cette branche du droit ne protège pas les idées qui sont de libre parcours, mais leur forme d’expression que l’on nomme création. Cette création se détache du support matériel dans lequel elle s’inscrit. Ainsi, l’acquéreur du support n’est investi que des prérogatives que l’auteur ou l’inventeur ont entendu lui accorder, ces derniers conservant des droits quand bien même l’objet matériel a été cédé.

En outre, la plupart des contrats portant sur la propriété intellectuelle relèvent de régimes spécifiques dont le formalisme et le contenu sont définis par le Code de la propriété intellectuelle : licences de logiciels, cession de droit d’auteur, etc.

Cependant, dès lors que le contrat ne porte pas sur la cession ou la concession d’un droit de propriété intellectuelle, le contrat relève du louage d’ouvrage, c’est-à-dire du contrat d’entreprise, puisqu’il s’agira pour le titulaire d’effectuer en toute indépendance un ouvrage. Le résultat du marché de prestation intellectuelle pourra donner lieu à la création d’une œuvre ou d’une invention pouvant être protégée par le droit de la propriété intellectuelle.


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Pour le reste, la propriété intellectuelle suscite de nombreux contrats : cession, licence, communication de savoir-faire…. Les contrats de propriété intellectuelle, tels les contrats d’édition, les contrats de licence de brevet, de marque ou de logiciel sont dominés par un intuitus personae bilatéral.

 

I. Différents types de contrat

Pour présenter les différents types de contrats, il va falloir distinguer selon que la gestion de la propriété intellectuelle est individuelle (A) ou selon qu’elle est collective (B).

A) La gestion individuelle de la propriété intellectuelle.

Lorsqu’elle est individuelle, l’on peut citer comme type de contrat la cession des droits de propriété intellectuelle ou la licence des droits de propriété intellectuelle.

  • En ce qui concerne la licence des droits de propriété intellectuelle:

Les licences peuvent notamment porter sur l’utilisation de technologie, brevets, logiciels, marques, contenus média (vidéo, musique, etc.), formulation pharmaceutique, franchises. Celles qui constituent un droit d’accès à la propriété intellectuelle telle qu’elle va évoluer sur toute la durée de la licence du fait des actions futures du concédant.

Ces licences sont appelées « licences dynamiques » ou « droits d’accès » et le revenu qui y est associé est reconnu de façon étalée sur la durée de la licence ; et celles qui constituent un droit d’utiliser la propriété intellectuelle « figée », tel qu’il existe à la date à laquelle la licence est attribuée. Ces licences sont appelées « licences statiques » ou « droits d’utilisation » et le revenu qui y est associé est reconnu à une date donnée.

Conditions à remplir pour qu’une licence soit une licence dynamique. La norme définit les trois conditions cumulatives suivantes pour qu’une licence soit qualifiée de licence dynamique :

  1. Le contrat prévoit, ou bien le client s’attend raisonnablement (sur la base des pratiques établies de l’entité), à ce que l’entité effectue des actions qui affecteront la propriété intellectuelle sur laquelle le client a des droits ;
  2. Les droits accordés par la licence exposent directement le client aux effets positifs et négatifs des actions menées par l’entité et visées au point a. ci-avant ;
  3. Ces actions n’aboutissent pas au transfert d’un bien ou d’un service au client quand elles interviennent. Elles ne constituent donc pas en tant que telle une obligation de performance.

Si au moins l’un des trois critères d’identification d’une licence dynamique n’est pas rempli, la licence est considérée comme statique. Le revenu de la licence est reconnu entièrement à la date à laquelle elle est accordée, qui ne peut être antérieure à la date à partir de laquelle le client peut commencer à utiliser la licence et à en bénéficier.

  • En ce qui concerne les contrats de cession de propriété intellectuelle:

Le contrat de cession des droits de propriété intellectuelle est la convention par laquelle, le titulaire des droits de propriété intellectuelle (le cédant) transfert le droit sur son œuvre ou son invention au cessionnaire, moyennant le versement d’une contrepartie en argent.

Par ailleurs, l’article L. 131-3, alinéa1er, du Code de la propriété intellectuelle dispose que « la transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ».

Les parties ne peuvent donc pas se contenter d’inscrire, de manière large, un principe de cession dans leur contrat, mais doivent en déterminer précisément les contours.

En outre, le cédant doit être titulaire des droits de propriété intellectuelle et doit avoir la capacité de passer des actes de disposition. Le cessionnaire peut être toute personne juridique ayant la capacité d’acquérir à titre onéreux.

Enfin, le contrat de cession des droits de propriété intellectuelle entraîne le transfert des droits au profit du cessionnaire et la naissance d’obligations à la charge des parties.

B) La gestion collective

Il y a copropriété lorsque la propriété du bien est organisée en indivision entre plusieurs personnes, physiques ou morales. La copropriété de brevet est régie par les articles L. 613-29 à L. 613-32 du code de la propriété intellectuelle. Il faut distinguer deux cas : la copropriété contractualisée et le droit supplétif. La copropriété peut être l’effet des conditions de création d’un bien intellectuel, mais il peut aussi s’agir des effets d’un contrat. Il y a co-inventeurs lorsque plusieurs personnes physiques ont créé ensemble l’invention. Il s’agit uniquement d’une situation originelle visant à identifier les personnes ayant produit l’effort créatif. La copropriété peut avoir comme objet le brevet délivré, le droit de priorité, la demande de brevet, un portefeuille de brevets… La copropriété peut aussi porter sur l’invention, hors appropriation par brevet. Le régime de copropriété du code de la propriété intellectuelle doit alors être écarté au profit d’une application du droit commun des biens.

Le législateur encourage les copropriétaires d’un brevet à organiser leurs rapports juridiques. À tout moment, les copropriétaires peuvent établir un règlement de copropriété. Sous réserve de l’ordre public, tous les aménagements contractuels sont envisageables, que ce soit pour les modalités d’exploitation, le partage des revenus, les actions en contrefaçon, la cession, la concession, le transfert de la quote-part de propriété, etc.

En droit des brevets, un pool de brevets est un consortium d’au moins deux sociétés acceptant de concéder sous licence des brevets relatifs à une technologie particulière.

Enfin, il faut noter les contrats de coopération des droits de la propriété intellectuelle qui nécessitent un partage des coûts pour le développement d’une ou des inventions ou innovations.

 C) Insertion des clauses

Le bénéficiaire de la cession doit ainsi être particulièrement vigilant lors de la rédaction de la clause de cession, car tout usage ultérieur qui serait fait du logiciel en dehors des droits expressément énumérés pourrait être constitutif d’actes de contrefaçon.

Inversement, s’agissant des droits conservés par le prestataire, il est tout autant prudent de bien clarifier l’étendue des prérogatives qui lui restent dévolues : peut-il, par exemple, « commercialiser » auprès d’un tiers le logiciel développé, ou simplement « redévelopper » à partir de ce logiciel un nouveau produit qu’il sera libre de commercialiser ?

Il y aura donc autant de clauses de propriété intellectuelle qu’il peut y avoir d’accord entre les parties concernant l’exploitation des droits de propriété intellectuelle.

II. Contrefaçon des droits de propriété intellectuelle et sanction de la contrefaçon

A) Contrefaçon des droits de propriété intellectuelle

Les contrefaçons portant atteinte aux différents droits de propriété littéraire, artistique ou industrielle sont définies et sanctionnées par le code de la propriété intellectuelle.

Bien qu’elles comportent des points communs, le législateur les a réglementées séparément pour chacun des droits concernés :

Droits d’auteur et droits voisins (Code de propriété intellectuelle., art. L. 335-2 et s.), l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif opposable à tous (Code de propriété intellectuelle., art. L. 111-1) ;

Logiciels (Code de propriété intellectuelle., art. L. 335-3) ; depuis la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, est également un délit de contrefaçon toute captation totale ou partielle d’une oeuvre cinématographique ou audiovisuelle en salle de spectacle cinématographique (L. n° 2009-669, 12 juin 2009) ;

Brevets d’invention (Code de propriété intellectuelle., art. L. 615-8 et s.). L’ordonnance n° 2018-341 du 9 mai 2018 relative au brevet européen à effet unitaire et à la juridiction unifiée du brevet, prise pour assurer la compatibilité du code de la propriété intellectuelle aux deux règlements relatifs à la protection unitaire conférée par un brevet du 17 décembre 2012 (Ord. n° 2018-341, 9 mai 2018 : JO, 10 mai), entrera en vigueur à la même date que celle de l’entrée en vigueur de l’accord relatif à une juridiction unifiée du brevet.

L’ordonnance modifie le code de la propriété intellectuelle : ainsi l’article L. 615 est modifié pour permettre au licencié non exclusif d’engager une action en contrefaçon si le contrat de licence le prévoit expressément et sous réserve de l’information préalable du titulaire de droits. De même, la validité d’un brevet ne pourra pas être contestée au cours d’une action en contrefaçon engagée par le licencié si le titulaire du brevet n’est pas partie à l’instance. En ce qui concerne la prescription, la durée du délai de prescription de l’action en contrefaçon est fixée à 5 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant d’exercer l’action en contrefaçon (Code de propriété intellectuelle., art. L. 615-8) ;

Dessins et modèles (Code de propriété intellectuelle., art. L. 515-1). La loi du 29 octobre 2007 relative à la lutte contre la contrefaçon a précisé que toute atteinte portée aux droits du propriétaire d’un dessin ou modèle constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur. Les faits postérieurs au dépôt, mais antérieurs à la publication de l’enregistrement du dessin ou modèle ne peuvent être considérés comme ayant porté atteinte aux droits qui y sont attachés (Code de propriété intellectuelle., art. L. 521-1). Toutefois, lorsqu’une copie de la demande d’enregistrement a été notifiée à une personne, la responsabilité de celle-ci peut être recherchée pour des faits postérieurs à cette notification, même s’ils sont antérieurs à la publicité de l’enregistrement ;

Marques de fabrique (Code de propriété intellectuelle., art. L. 716-1 et s.).

B) Sanction des droits de propriété intellectuelle

La mise en jeu de la responsabilité civile du contrefacteur conduit au prononcé de sanctions civiles qui confinent à des peines privées. La victime privilégie le plus souvent la voie civile, ce qui explique la pauvreté du contentieux en matière pénale. Le plaignant peut également porter son action civile devant le juge pénal. Dans tous les cas, il dispose des procédures spécifiques de saisie-contrefaçon auxquelles il peut recourir avant d’engager une action au fond, devant le juge civil ou pénal.

Les marchandises soupçonnées de porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle peuvent être détruites lorsque les conditions suivantes sont remplies :

Le demandeur a confirmé par écrit et par une expertise détaillée aux autorités douanières, dans un délai de 10 jours ouvrables, ou de 3 jours ouvrables en cas de denrées périssables, à compter de la notification de la retenue, le caractère contrefaisant des marchandises ;

Le demandeur a confirmé par écrit aux autorités douanières qu’il consent à la destruction des marchandises, sous sa responsabilité ;

Le détenteur des marchandises a confirmé par écrit aux autorités douanières dans un délai de 10 jours ouvrables, ou de 3 jours ouvrables en cas de denrées périssables, à compter de la notification de la retenue, qu’il consentait à la destruction des marchandises.

Pour lire une version plus complète de cet article sur la propriété intellectuelle, cliquez

SOURCES :