A propos de Murielle Cahen

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Avocat à la cour (Paris 5eme arrondissement) J'interviens principalement en droit de la propriété intellectuelle, droit des nouvelles technologies, droit civil & familial, droit pénal, droit de l'immobilier, droit du travail, droit de la consommation Consultation juridique en ligne - Réponse en 24/48h max. (€100 TTC) Titulaire du certificat de spécialisation en droit de l'informatique et droit de l'internet. Editrice du site web : Avocat Online depuis 1999. Droit de l'informatique, du logiciel et de l'Internet. Propriété intellectuelle, licence, presse, cession, transfert de technologie. droit d'auteur, des marques, négociation et arbitrage... Cabinet d'avocats à Paris. Droit internet et droit social, droit des affaires spécialisé dans les nouvelles technologies et lois internet...

Articles de Murielle Cahen:

SIMILITUDE DE MARQUES

L’appréciation du risque de confusion suppose la comparaison des signes en conflit, ceux-ci pouvant être identiques, similaires – à un degré faible, moyen ou fort – ou différents.

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L’article L. 713-2 sanctionne l’usage réalisé par un tiers dans la vie des affaires d’un signe identique ou similaire au signe protégé, pour des produits identiques ou similaires et sans le consentement du titulaire. Une distinction s’opère ici entre deux hypothèses :

– la double identité : il s’agit du cas dans lequel le signe litigieux est identique à la marque protégée (première identité) et qu’il désigne des produits et services identiques à ceux désignés par cette dernière (seconde identité). La Cour de justice a défini l’identité (CJCE 20 mars 2002, LTJ Diffusion : V. Dir. 2008/95/CE du 22 oct. 2008, art. 4, notes 1 à 4, App., 2e partie, Marques) comme concernant un signe qui « reproduit sans modification ni ajout tous les éléments de la marque ou qui, considéré dans son ensemble, recèle des différences si insignifiantes qu’elles peuvent passer inaperçues aux yeux d’un consommateur moyen ».


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– la similitude (hors double identité) : il est question de l’hypothèse dans laquelle un signe identique ou similaire à la marque protégée est utilisé pour désigner des produits et services identiques ou similaires (hors double identité). Dans ce cas, devra être caractérisé un risque de confusion dans l’esprit du public.

Les critères qui figurent au sein de l’article sont d’origine prétorienne. La Cour de justice (CJCE 12 juin 2008, no C-533/06, O2 Holdings : V. Dir. 2008/95/CE, art. 5, note 8) avait dit pour droit que le titulaire d’une marque enregistrée ne pouvait interdire à un tiers l’usage d’un signe identique à sa marque que si quatre conditions étaient réunies :

– un usage dans la vie des affaires ;

– sans le consentement du titulaire de la marque ;

– pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;

– et qui porte atteinte à une des fonctions de la marque.

L’application de la notion de risque de confusion à la marque de renommée soulève quelques difficultés jurisprudentielles. En droit interne, la Cour de cassation a retenu que la protection conférée aux marques jouissant d’une renommée n’est pas subordonnée à la constatation d’un risque d’assimilation ou de confusion. Il suffit que le degré de similitude entre une telle marque et le signe ait pour effet que le public concerné établit un lien entre le signe et la marque.

En droit européen, le Tribunal affirme qu’il est nécessaire de rechercher le risque de confusion pour reconnaître une atteinte à la notoriété en présence d’une marque reprenant les éléments d’une marque antérieure notoire et en y ajoutant un élément verbal créant une similitude moyenne entre les signes en conflit.

La similitude des signes ne suffit pas à conclure à l’existence d’un lien entre les marques. Les éléments plaidant en faveur de l’existence d’un lien entre les marques en conflit sont la similitude entre ces marques et l’intensité de la renommée des marques antérieures. En revanche, d’une part, l’existence de deux publics pertinents distincts et, d’autre part, la nature différente des produits et des services concernés par les marques en conflit, utilisant des canaux de distribution différents, n’étant ni interchangeables ni concurrents, ayant des finalités très différentes et n’appartenant pas non plus à de segments de marché proches, entraînent un degré de proximité très réduit entre ces produits et ces services.

Ainsi, permet de caractériser un risque de confusion le fait que le public puisse croire que les produits ou services identifiés par les deux signes proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (arrêt Canon, préc.). Le risque de confusion doit faire l’objet d’une « appréciation globale » (arrêt Sabel, préc.), de sorte qu’un faible degré de similitude entre les produits peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques et inversement (Viole l’art. L. 713-3 la Cour d’appel qui écarte le risque de confusion au vu des seules différences entre les signes sans rechercher si les ressemblances existantes ne créaient pas un risque de confusion chez un consommateur d’attention moyenne.

Enfin, le critère de l’usage dans la vie des affaires se trouve désormais consacré dans la norme légale. Au terme de l’arrêt Arsenal, la Cour de justice a énoncé que l’usage de la marque intervient dans la vie des affaires « dès lors qu’il se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant un avantage économique et non dans le domaine privé ».

Ne sont donc pas concernés les usages réalisés dans le domaine privé et les usages publics qui ne poursuivent pas d’avantage économique direct ou indirect (par exemple l’usage de la marque dans un but d’information).

I. Comparaison des signes dans leur ensemble

Une marque seconde litigieuse est identique à un signe distinctif antérieur dès lors qu’il reproduit, sans modification ni ajout, tous les éléments constituant ce signe antérieur ou lorsque, considéré dans son ensemble, il recèle des différences si insignifiantes qu’elles peuvent passer inaperçues aux yeux d’un consommateur moyen.

En cas d’absence d’identité, il importe de comparer les signes et de se fonder sur l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit. L’autorité compétente doit ainsi déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et comparer les signes dans leur ensemble.

Le raisonnement est conforme à l’idée selon laquelle, le consommateur moyen n’ayant que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe entre les marques, il faut se fier à l’image non parfaite qu’il a gardée en mémoire.

L’appréciation de la similitude entre deux marques ne revient donc pas à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à la comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans leur ensemble.

Pour autant, comme la Cour de justice l’a précisé, il est toujours possible pour l’autorité compétente de comparer les signes en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants.

Ainsi, lors de la comparaison, si les signes en conflit doivent être considérés chacun dans leur ensemble, en évitant de prendre en considération un composant d’une marque complexe pour le comparer avec une autre marque, il n’est cependant pas exclu que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par un signe complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants.

En conséquence, « il y a lieu de considérer qu’une marque complexe ne peut être considérée comme étant similaire à une autre marque, identique ou similaire à un des composants de la marque complexe que si celui-ci constitue l’élément dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque complexe (encourt la cassation un arrêt qui, pour rejeter le recours formé contre la décision du directeur général de l’INPI qui refusait d’accueillir l’opposition formée par le titulaire de la marque «Brocéliande β» contre l’enregistrement de la marque «Brocéliande authentique», n’a pas recherché si le terme «Brocéliande» ne constituait pas un élément dominant dans l’impression d’ensemble produite sur le consommateur d’attention moyenne.

Tel est le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci ». La solution s’inscrit dans la logique de l’appréciation globale, en ce qu’il revient toujours aux juges de comparer les signes dans leur ensemble, en prenant soin de distinguer, dans les marques constituées de plusieurs composants, d’une part, les éléments négligeables, indifférents et, d’autre part, l’élément dominant.

À défaut d’une telle analyse, la décision se doit d’être censurée par la Cour de cassation.

En outre, la Cour de justice a précisé que la réputation d’une marque antérieure ne devait pas être prise en compte au moment de l’examen de la similitude des signes, mais uniquement dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion.

II. Détermination du composant dominant

Il peut être malaisé de déterminer le composant dominant d’une marque. S’il apparaît que les juges retiennent le plus souvent que l’élément verbal d’une marque complexe constitue son composant dominant – voire un élément faiblement distinctif (TPICE, 13 déc. 2007, aff. T-134/06, Pagesjaunes.com, EU:T:2007:387 ; Trib. UE, 28 janv. 2014, aff. T-216/11, Imperia, EU:T:2014:34) ou descriptif pouvant constituer l’élément dominant d’une marque (CJUE, 8 nov. 2016, aff. C-43/15 P, Compressor technology c/ Kompressor, EU:C:2016:837), ce qui a conduit à une surprotection des marques faiblement distinctives (cf. sur la question : J. Monteiro, La surprotection des marques faibles dans la jurisprudence communautaire, Propr. industr. 2009, no 6, étude 12 ; J. Passa, Le risque de confusion déduit d’éléments dépourvus de caractère distinctif dans la jurisprudence européenne : l’angle mort du droit des marques, Propr. intell. 2017, no 65, p. 32).

La Cour de justice semble toutefois souhaiter revenir sur cette jurisprudence peu orthodoxe en ayant affirmé, dans arrêt en date du 18 juin 2020, que : « lorsque la marque antérieure et le signe dont l’enregistrement est demandé coïncident dans un élément de caractère faiblement distinctif au regard des produits en cause, l’appréciation globale du risque de confusion […] n’aboutit fréquemment pas au constat de l’existence de ce risque ».

En outre, si la circonstance que l’impression d’ensemble puisse être dominée par un ou plusieurs composants d’une marque complexe, il n’est pas non plus exclu que la marque antérieure conserve une position distinctive autonome dans le signe composé, sans pour autant en constituer l’élément dominant, c’est-à-dire qu’elle ne perd, dans le signe contesté, ni son individualité ni ses pouvoirs attractifs.

Dans une telle situation, il est également probable que l’impression d’ensemble produite par le signe composé conduise le public à croire que les produits ou services en cause proviennent d’entreprises liées économiquement.

La solution s’explique par la volonté de la Cour de justice d’éviter qu’une marque antérieure soit usurpée par un tiers en masquant la reproduction de celle-ci par l’adjonction du nom d’une société (comme c’était le cas dans l’affaire Medion précitée) ou d’un quelconque signe renommé.

III. Comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle

L’autorité compétente doit ainsi déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et comparer les signes dans leur ensemble. Pour ce faire, il convient de tenir compte non selon des similitudes entre les signes, mais aussi des différences.

La siilitude visuelle consiste en une similitude dans la construction, pour les marques verbales (cf. : Trib. UE, 13 juin 2012, aff. T-342/10, EU:T:2012:290, Medinette c/ Mesilette – dégré moyen de similitude visuelle ; TPICE, 17 nov. 2005, aff. T-154/03, EU:T:2005:401, Artex c/ Alrex – degré très élevé de similitude visuelle) ou la présentation, pour les marques figuratives (TPICE, 14 déc. 2006, aff. T-81/03, T-82/03 et T-103/03, EU:T:2006:397).

La similitude phonétique consiste dans une similitude dans la prononciation des marques en conflit. Il convient alors de tenir compte de l’impression phonétique d’ensemble, influencée par le nombre de syllabes, leur séquence et leur intonation particulière (Trib. UE, 14 janv. 2015, aff. T-195/13, EU:T:2015:6, Camea c/ Balea (similitude phonétique faible).

La similitude conceptuelle – ou intellectuelle – implique que les signes en conflit renvoient à des concepts ou contenus sémantiques identiques ou analogues (L’appréciation de la similitude visuelle ou conceptuelle entre les marques en présence doit s’effectuer entre les signes tels qu’ils ont été déposés indépendamment de l’exploitation qui en est faite.

Les différences conceptuelles peuvent être de nature à neutraliser dans une large mesure des similitudes visuelles et phonétiques entre des marques en conflit si au moins une des marques en cause a, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir immédiatement.

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Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034218933?init=true&page=1&query=15-25.225&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000023806470?init=true&page=1&query=09-71.990&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038426839?init=true&page=1&query=17-31.605&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037196613?init=true&page=1&query=17-13.390&searchField=ALL&tab_selection=all

https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=EB398323E09E17F2A824966C39014009?text=&docid=47877&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=2433001

https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=48154&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=2435330

https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=44270&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=2436421

https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=57061&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=2437457

https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=57061&pageIndex=0&doclang=fr&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=2439763

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038427192?init=true&page=1&query=18-10.075&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026031681?init=true&page=1&query=11-20.132&searchField=ALL&tab_selection=all

https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=227566&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=2442983

https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=60237&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=1634551

https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=43450&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=2444879

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030795784?init=true&page=1&query=14-13.011&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000035004808?init=true&page=1&query=14-20.310&searchField=ALL&tab_selection=all

LA PROTECTION DU SECRET DES AFFAIRES

La transposition de la directive européenne no 2016/943 du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites par la loi no 2018-670 du 30 juillet 2018 (ci-après, la « directive »), complétée par son décret d’application, no 2018-1126, du 11 décembre 2018, vient doter la France d’un régime général de protection du secret des affaires.

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Dans le contexte actuel de compétition économique internationale intensive, d’économie d’innovation et de dématérialisation, la protection du patrimoine économique, technologique et informationnel des entreprises représente un enjeu de grande importance, tant au niveau français qu’européen. Les savoir-faire et informations commerciales dont les entreprises entendent préserver la confidentialité, appelés « secret d’affaires », constituent pour ces dernières un outil de compétitivité.

Compte tenu de la fragmentation du marché intérieur en matière de protection juridique des secrets d’affaires et afin de lutter contre l’espionnage économique, le pillage industriel et la concurrence déloyale, l’Union européenne a entrepris l’instauration de règles visant à rapprocher les droits des États membres « de façon à garantir qu’il y ait des possibilités de réparation au civil suffisantes et cohérentes dans le marché intérieur en cas d’obtention, d’utilisation ou de divulgation illicite d’un secret d’affaires ».

La directive a été transposée a minima en droit français alors que celle-ci prévoyait que le droit interne pouvait transposer ses dispositions de façon plus large, le nouveau dispositif se limite à une transposition fidèle au texte européen. Ainsi, la directive n’imposant qu’une obligation de réparation civile en cas d’obtention, d’utilisation ou de divulgation illicite d’un secret d’affaires, la nouvelle loi ne prévoit pas de sanction pénale.


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L’article L. 151-1 du code de commerce dispose que toute information est protégée au titre du secret des affaires, si elle répond aux critères cumulatifs suivants :

  1. Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;
  2. Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;
  3. Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.

Ainsi, la définition retenue par la loi française est fidèle à celle donnée par l’article 2 (1) de la directive. Quant à la nature des informations protégées, la conception du secret des affaires, telle qu’entendue au titre de la directive et de la loi de transposition française couvre « l’ensemble de la chaîne de valeur – les procédés de fabrication, les savoir-faire, les données commerciales stratégiques ».

S’agissant de la notion de valeur commerciale, la directive précise qu’une information doit être considérée « comme ayant une valeur commerciale, par exemple lorsque leur obtention, utilisation ou divulgation illicite est susceptible de porter atteinte aux intérêts de la personne qui en a le contrôle de façon licite en ce qu’elle nuit au potentiel scientifique et technique de cette personne, à ses intérêts économiques ou financiers, à ses positions stratégiques ou à sa capacité concurrentielle ».

Au reste, le secret des affaires ne saurait être invoqué que s’il a fait l’objet de mesures de protection raisonnables. L’entreprise devra ainsi apporter la preuve des diligences mises en place pour protéger l’information : clauses contractuelles, mentions de confidentialité, mot de passe, etc.

I. Conditions de la protection du secret des affaires

A. Détention légitime et obtention licite du secret d’affaires

Les détenteurs légitimes du secret des affaires sont les personnes qui en ont le contrôle de façon licite et qui ont obtenu ce secret par l’un des moyens suivants : une découverte ou une création indépendante ; l’observation, l’étude, le démontage ou le test d’un produit ou d’un objet qui a été mis à la disposition du public ou qui est de façon licite en possession de la personne qui obtient l’information ; l’expérience et les compétences acquises de manière honnête dans le cadre de l’exercice normal de son activité professionnelle (Code du commerce, article . L. 151-2 et L. 151-3).

1° Les informations ou documents pour lesquels une demande de protection du secret des affaires est formulée ont été communiqués par la personne qui demande la protection à l’Autorité de la concurrence ou saisis auprès d’elle par les services d’instruction de l’Autorité (Code du commerce, article. R 463-13, al. 1).

En pareil cas, il revient à cette personne de demander la protection au titre du secret des affaires de chaque information, document ou partie de document en cause. La demande est faite soit par lettre recommandée AR, soit par l’intermédiaire d’une plateforme d’échanges sécurisés de documents électroniques (plateforme Hermès) (art. R 463-13, al. 1 modifié par décret 2021-715 du 2-6-2021). La personne y indique l’objet et les motifs de sa demande.

Elle fournit séparément une version non confidentielle et un résumé de chacun de ces éléments. Dans l’hypothèse où la protection au titre du secret des affaires est maintenue, seuls cette version non confidentielle et ce résumé pourront être communiqués aux autres parties. La demande de protection du secret des affaires doit parvenir à l’Autorité dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle ces éléments ont été obtenus par l’Autorité.

En cas d’urgence, ce délai peut être réduit par le rapporteur général, notamment afin de permettre l’examen d’une demande de mesures conservatoires par l’Autorité, sans pouvoir être inférieur à quarante-huit heures. Dans ce cas, la demande de protection peut être présentée par tout moyen.

2° Les informations ou documents susceptibles de mettre en jeu le secret des affaires ont été communiqués au ministre de l’Économie par la personne qui demande la protection du secret ou saisis auprès d’elle par les services du ministre (Code du commerce, article R 463-13, al. 2).

En pareil cas, cette personne est invitée à signaler par lettre, dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle les éléments ont été obtenus par le ministre, qu’elle demande la protection du secret des affaires. Quoique cela ne soit pas précisé, c’est au ministre qu’incombe la charge d’inviter les personnes dont il a obtenu des pièces à faire cette demande.

La lettre par laquelle la personne demande la protection du secret des affaires est jointe à la saisine éventuelle de l’Autorité de la concurrence par le ministre. Toutefois, la demande adressée au ministre ne vaut pas demande de protection du secret des affaires à l’Autorité de la concurrence. En pratique, et pour autant que l’auteur de la lettre ne soit pas informé de la saisine par le ministre de l’Autorité de la concurrence, il semble nécessaire, afin qu’il soit en mesure de faire usage en temps utile du droit à invoquer les dispositions de l’article L 463-4 du Code de commerce devant l’Autorité, qu’il soit invité par le rapporteur général à présenter, s’il le souhaite, une demande pour bénéficier de la protection du secret des affaires.

3° Les informations ou documents susceptibles de mettre en jeu le secret des affaires ont été communiqués à l’Autorité de la concurrence non par la personne susceptible de se prévaloir de ce secret, mais soit par des tiers, clients, fournisseurs, voire des concurrents, soit par le ministre de l’Économie dans le cadre des investigations évoquées ci-dessus 2° (Code du commerce, article R 463-13, al. 3). Ce pourrait être le cas si l’entreprise a eu connaissance de la transmission de l’information à l’Autorité et a décidé d’anticiper l’invitation du rapporteur général.

En pareil cas, les informations ou documents pouvant mettre en jeu le secret des affaires n’ont pas pu faire l’objet d’une demande de protection par une personne susceptible de se prévaloir de ce secret. Afin d’éviter qu’une partie à la procédure ne perde le bénéfice de la protection de ses secrets d’affaires, il appartient au rapporteur général d’inviter cette personne à présenter, si elle le souhaite, une demande dans les conditions de forme et de délai mentionnées à l’article R 463-13 du Code de commerce, al. 1 pour bénéficier de la protection.

La personne qui demande à l’Autorité la protection du secret des affaires devra donc lui indiquer soit par lettre recommandée AR, soit par le biais d’une plateforme d’échanges sécurisés de documents électroniques (plateforme Hermès), pour chaque information, document ou partie de document en cause, l’objet et les motifs de sa demande et fournir séparément une version non confidentielle et un résumé de chacun de ces éléments. Sa demande doit parvenir à l’Autorité dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle lesdits éléments ont été obtenus par l’Autorité.

Encore faut-il que le rapporteur général soit lui-même en mesure d’identifier, parmi les multiples pièces annexées au rapport d’enquête accompagnant la saisine par le ministre ou parmi les pièces communiquées par des tiers, dans le délai d’un mois à partir de la date à laquelle elles sont parvenues à l’Autorité, celles qui sont susceptibles de mettre en jeu le secret des affaires, pour inviter utilement la personne à demander la protection.

Or, il est matériellement impossible pour le rapporteur général de procéder à une telle sélection dans un si bref délai lorsque les pièces obtenues sont nombreuses. Par suite, il nous semble que le point de départ du délai d’un mois ne peut être que le jour où la personne a été invitée par le rapporteur général à faire une demande de protection.

Cette mission confiée au rapporteur général s’opère sous réserve que la personne susceptible de se prévaloir du secret des affaires n’ait pas déjà formé une demande de classement.

B. Obtention, utilisation et divulgation illicites du secret d’affaires

La loi précise ensuite les conditions dans lesquelles l’obtention, l’utilisation et la divulgation du secret des affaires sont illicites et sont susceptibles, en conséquence, d’engager la responsabilité civile de l’auteur de ces atteintes devant les juridictions compétentes.

En particulier, une telle obtention est illicite lorsqu’elle intervient sans le consentement de son détenteur légitime et en violation d’une ou de plusieurs des mesures suivantes prises pour en conserver le caractère secret : une interdiction d’accès à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique ou d’appropriation ou de copie de ces éléments, qui contiennent ledit secret ou dont il peut être déduit ; une interdiction ou une limitation contractuellement prévue d’obtention du secret des affaires. Il en est de même lorsque l’atteinte « résulte de tout comportement déloyal contraire aux usages en matière commerciale » (Code du commerce, article. L. 151-4 à L. 151-6).

En outre, qu’il soit prévu dans le contrat de travail ou visé dans le règlement intérieur, le respect du secret des affaires s’impose au salarié. L’utilisation ou la divulgation illicite de ce secret l’expose en conséquence à une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement.

La violation du secret des affaires sera le plus souvent caractérisée lorsqu’un salarié divulgue les informations dont il a connaissance à des personnes extérieures à l’entreprise, en particulier une entreprise concurrente.

Toutefois, il n’est pas à exclure que le salarié soit fautif en les transmettant à un autre salarié de l’entreprise non autorisé par l’employeur à les recevoir.

En effet, l’article L. 151-5 du Code de commerce prévoit que « l’utilisation ou la divulgation d’un secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime par une personne (…) qui agit en violation d’une obligation de ne pas divulguer le secret ou de limiter son utilisation ».

Et dans cette hypothèse, le salarié ayant obtenu l’information serait également passible d’une sanction disciplinaire si l’employeur démontre qu’il « savait ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que (le salarié qui lui a transmis le secret) le divulguait de façon illicite (…) ».

Qu’il soit prévu dans le contrat de travail ou visé dans le règlement intérieur, le respect du secret des affaires s’impose au salarié. L’utilisation ou la divulgation illicite de ce secret l’expose en conséquence à une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement.

La violation du secret des affaires sera le plus souvent caractérisée lorsqu’un salarié divulgue les informations dont il a connaissance à des personnes extérieures à l’entreprise, en particulier une entreprise concurrente.

Toutefois, il n’est pas à exclure que le salarié soit fautif en les transmettant à un autre salarié de l’entreprise non autorisé par l’employeur à les recevoir.

En effet, l’article L. 151-5 du Code de commerce prévoit que « l’utilisation ou la divulgation d’un secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime par une personne (…) qui agit en violation d’une obligation de ne pas divulguer le secret ou de limiter son utilisation ».

Et dans cette hypothèse, le salarié ayant obtenu l’information serait également passible d’une sanction disciplinaire si l’employeur démontre qu’il « savait ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que (le salarié qui lui a transmis le secret) le divulguait de façon illicite (…) ».

II. Dérogations à la protection du secret des affaires

A. Mesures judiciaires de protection du secret des affaires

  1. Responsabilité de l’auteur de l’atteinte au secret des affaires

La sanction qui s’attache à la divulgation d’informations couvertes par le secret des affaires n’est pas la nullité de la procédure, mais le versement éventuel d’une indemnité, dans le cas où la communication de tels documents aura été de nature à créer un préjudice direct et certain aux entreprises concernées.

Ainsi, n’encourt pas l’annulation de la procédure en raison de la violation du secret des affaires le maintien, lors de la transmission de la notification des griefs, de « fourchettes », notamment de pourcentages de remise, alors qu’une occultation de ces données avait été demandée par une entreprise mise en cause et acceptée par le président du Conseil de la concurrence, devenu l’Autorité de la concurrence (Cons. conc. 20-12-2007 n° 07-D-50, aff. « Distribution de jouets » :  RJDA 3/08 n° 328).

Le recours en annulation d’une décision de l’Autorité de publier une décision qui n’occulte pas des informations reconnues comme couvertes par le secret des affaires par le rapporteur général de l’Autorité doit être présenté devant la cour d’appel de Paris (T. confl. 5-10-2020 n° 4193, aff. « Google » :  RJDA 12/20 n° 665).

La règle est celle, classique, de la réparation intégrale du préjudice subi par la victime de l’atteinte au secret des affaires : ce préjudice doit être intégralement réparé, dans toutes ses composantes, le manque à gagner, la perte subie et le préjudice moral.

Les dommages et intérêts fixés par la juridiction doivent également prendre en considération les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte au secret des affaires, comme les économies de recherche et développement réalisées. En outre, la juridiction peut, de manière alternative et sur demande de la partie lésée, allouer une somme forfaitaire à titre de dommages et intérêts, sans que cette somme ne soit exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé.

Par ailleurs, la juridiction peut ordonner la publication de la décision judiciaire, en prenant en considération les circonstances dans lesquelles l’atteinte est intervenue.

  1. Mesures prononcées par les juridictions

S’agissant des mesures qui peuvent être prononcées par la juridiction saisie au fond de l’action, elles portent sur la prévention d’une atteinte ou l’interdiction de toute forme d’atteinte au secret des affaires, la destruction totale ou partielle de l’objet issu de la violation du secret, sa confiscation, voire sa remise totale ou partielle au demandeur.

Elles peuvent être prescrites sous astreinte, sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts. Ces mesures seront en principe ordonnées aux frais de l’auteur de l’atteinte et leur durée doit être suffisante pour éliminer tout avantage commercial ou économique injustifié.

La règle est celle, classique, de la réparation intégrale du préjudice subi par la victime de l’atteinte au secret des affaires : ce préjudice doit être intégralement réparé, dans toutes ses composantes, le manque à gagner, la perte subie et le préjudice moral. Les dommages et intérêts fixés par la juridiction doivent également prendre en considération les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte au secret des affaires, comme les économies de recherche et développement réalisées.

En outre, la juridiction peut, de manière alternative et sur demande de la partie lésée, allouer une somme forfaitaire à titre de dommages et intérêts, sans que cette somme ne soit exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé.

Par ailleurs, la juridiction peut ordonner la publication de la décision judiciaire, en prenant en considération les circonstances dans lesquelles l’atteinte est intervenue.

De plus, la loi envisage la protection du caractère confidentiel du secret des affaires sur le plan procédural, en prévoyant des mesures de protection au cours des actions en prévention, cessation ou réparation d’une atteinte au secret des affaires (Code du commerce, article. L. 153-1 et L. 153-2).

En particulier, le texte prévoit la possibilité pour le juge, d’une part, de décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée hors la présence du public, d’autre part, d’adapter la motivation de sa décision aux nécessités de la protection du secret des affaires, par dérogation aux principes de publicité des débats et des décisions.

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Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030240094?init=true&page=1&query=13-14.779&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000019966908?init=true&page=1&query=07-19.777&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007068896?init=true&page=1&query=04-80.285&searchField=ALL&tab_selection=all

Le dénigrement commercial

Le dénigrement est une pratique de concurrence déloyale qui consiste pour un salarié, un associé ou un concurrent, à jeter le discrédit sur une entreprise ou ses produits pour en tirer profit. Cette pratique, sanctionnée par le Code civil, fait l’objet de nombreuses jurisprudences.

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Elle expose son auteur à des dommages et intérêts, si la victime de ses agissements apporte la preuve d’un préjudice. Il est sanctionné sur le fondement de  l’article 1240  du Code civil selon lequel  » Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer  » et, plus particulièrement, sur le terrain de la concurrence déloyale.

Il n’y a pas de réelle définition de ces agissements étant donné qu’ils ont été dégagés par la jurisprudence, mais celle-ci exige tout de même la réunion de trois conditions : les propos doivent avoir un caractère péjoratif, être rendus publics et doivent viser une entreprise identifiable, sa marque ou ses produits. Si ces conditions sont réunies, la forme du dénigrement importe peu.

Le dénigrement se distingue de la diffamation, dans la mesure où il émane d’un acteur économique qui cherche à bénéficier d’un avantage concurrentiel en pénalisant son compétiteur (Autorité de la concurrence, décision n° 09-D-14 du 25 mars 2009). Le préjudice subi par le dénigrement commercial peut donc se placer à une autre échelle lorsqu’il s’agit d’entreprise. Il concerne l’atteinte à la réputation et à l’honneur des professionnels et personnes morales (associations, sociétés, groupements, etc) par un concurrent direct ou indirect ou par un salarié, tandis que la diffamation concerne celle des personnes physiques et morales par quiconque.


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La Cour a en effet jugé que le fait pour une société de diffuser par courriels et sur les réseaux sociaux des informations sur la condamnation d’une société concurrente pour concurrence déloyale et parasitisme constituait un acte de dénigrement dès lors qu’elle ne précisait pas que la décision intervenue n’était pas définitive et qu’un appel avait été interjeté.

Contrairement à la diffamation, le dénigrement est fautif même si la personne poursuivie apporte la preuve de l’exactitude des faits révélés.

A cet égard, un arrêt rendu le 18 septembre 2019 par la Cour de cassation a réaffirmé le principe de la nécessité d’apporter la preuve du préjudice. Les juges précisent que quand bien même qu’un acte de dénigrement constitutif de concurrence déloyale engendre un trouble commercial, la demande d’indemnisation est écartée dès lors que la démonstration de l’existence d’un préjudice fait défaut. En d’autres termes, le préjudice résultant d’un acte de dénigrement ne peut pas être présumé.

En effet, le principe de l’exception de vérité ne s’applique pas au dénigrement commercial. En d’autres termes, quand bien même les allégations jetant le discrédit sur un concurrent seraient exactes, elles constituent des actes de dénigrement qui entraînent la mise en cause de la responsabilité de leur auteur.

 

I. Notion de dénigrement commercial

Selon la jurisprudence,  » le dénigrement consiste à jeter le discrédit sur un concurrent, en répandant à son propos, ou au sujet de ses produits ou services des informations malveillantes  » (CA Lyon, 21 mai 1974). Il s’agit ainsi de  » porter atteinte à l’image de marque d’une entreprise ou d’un produit désigné ou identifiable afin de détourner la clientèle en usant de propos ou d’arguments répréhensibles, ayant ou non une base exacte, diffusés ou émis en tout cas de manière à toucher les clients de l’entreprise visée  » (CA Versailles, 9 sept. 1999)

Dans un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 4 mars 2020, les juges ont affirmé que la divulgation par une société d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par l’autre constitue un acte de dénigrement. Toutefois, la Cour précise qu’il ne s’agit pas de dénigrement si l’information en cause se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure.

A) Trois conditions

La jurisprudence exige en outre la réunion de trois conditions nécessaires à la qualification de dénigrement commercial : les propos doivent être péjoratifs, publics et doivent viser une entreprise, une marque, un produit identifiable.

Pour que l’action en concurrence déloyale aboutisse, le dénigrement doit recevoir une certaine publicité. Ce n’est pas le cas du dénigrement exposé dans des documents privés, tels que des notes de service, des circulaires internes, des argumentaires de vente à l’usage de commerciaux (CA Paris, 21 janv. 1959 ; CA Paris, 1er déc. 2004).

En outre, les propos dénigrants doivent viser une entreprise identifiable, sa marque ou ses produits. Les attaques collectives peuvent toutefois aussi constituer un dénigrement. La jurisprudence condamne ainsi certaines publicités dénigrantes qui, sans viser un commerçant nommément désigné, visent plusieurs commerçants ou des groupes de commerçants.

B) Les propos

Les propos doivent avoir un caractère péjoratif, c’est-à-dire, être de nature à dévaloriser l’image du concurrent auprès de sa clientèle. Les propos qui portent atteinte à l’honorabilité ou à l’honnêteté de l’entreprise, à la qualité de ses produits, au sérieux de son travail etc pourraient ainsi être qualifié de dénigrement. Le dénigrement est constitutif de concurrence déloyale quand bien même les critiques formulées contre les concurrents seraient fondées (Cass. Com., 12 mai 2004).

En effet, il est de jurisprudence constante que le dénigrement est sanctionné quelque soit son contenu, que l’information soit fondée ou non, la cour d’appel, n’ayant pas à rechercher si l’exactitude des informations publiées était établie (Cass. com., 23 mars 1999 ; Cass. com., 28 septembre 2010). Par conséquent, le fait de jeter le discrédit sur un concurrent en divulguant à son propos ou au sujet de ses produits ou services des informations négatives, constitue un dénigrement, même si ces informations sont exactes.

II. Dénigrement et rejet de l’exception de vérité

A) Le but

L’action en concurrence déloyale est un moyen de défense de plus en plus privilégié par les entreprises. Au delà de la divulgation en elle-même, les juges visent à sanctionner l’objectif poursuivi : nuire à la réputation d’un concurrent afin d’entraîner le retrait de la vente de ses produits.

Ainsi, la Cour de cassation a rappelé que la communication d’une information de nature à déconsidérer un concurrent, constitue un dénigrement, peu importe qu’elle soit exacte. Dans cet arrêt du 24 septembre 2013, la Cour a considéré que le dénigrement était caractérisé, malgré l’exactitude de l’information communiquée dans des termes mesurés. Contrairement à l’action en diffamation, l’exception de vérité n’est pas retenue.

De même, par un arrêt du 27 janvier 2016, la cour d’appel de Paris a qualifié la communication sur une condamnation non définitive de dénigrement. Il s’agissait d’une société qui avait envoyé des courriels aux distributeurs de son concurrent les informant qu’il avait été condamné pour concurrence déloyale, sans préciser qu’il y avait appel. Il s’est avéré que des partenaires commerciaux ont mis un terme à leur collaboration avec la société dénigrée en raison de sa mauvaise image. La cour d’appel a donc jugé que la divulgation d’une information, même exacte, de nature à jeter le discrédit sur un concurrent constitue un dénigrement.

B) Véracité de l’information

Peu importe que l’information soit vraie, si elle a été divulguée dans le but de jeter le discrédit sur une entreprise dans le but, non d’informer objectivement, mais de détourner la clientèle et les partenaires commerciaux à son profit et de lui nuire. L’exception de vérité, en matière de dénigrement, n’est donc pas applicable dans le cadre du dénigrement, rappelle la cour d’appel. Cette position est de constance chez les juges qui se sont déjà exprimés sur l’indifférence de principe de l’exactitude des critiques adressées (Cass. Com. 28 sept. 2010).

Cette position avait été réaffirmée par un arrêt récent de la Cour de cassation rendu au 27 janvier 2021. En l’espèce, une société avait adressé une mise en garde par le biais de lettres aux clients son concurrent afin de les informer d’une action en concurrence déloyale à l’encontre de la société concurrente. Cette dernière réclame une indemnisation à son tour pour dénigrement. La Cour a considéré que les propos, tenus dans les lettres, n’avaient manifestement pour but que de discréditer les produits commercialisés par la société concurrente et que cela est constitutif de dénigrement.

Par ces arrêts se trouve donc confirmé que l’exceptio veritatis n’est pas, en principe, retenue dans le cadre du dénigrement, contrairement au cas de la diffamation (Cass. Com. 12 oct. 1966) où elle est prise en compte. Il en résulte que le juge saisi d’une action en concurrence déloyale fondée sur des actes de dénigrement ne doit pas s’interroger sur le caractère exact, ou non, des propos tenus mais doit se limiter à rechercher si l’allégation litigieuse n’était pas constitutive d’un dénigrement fautif, simplement parce qu’elle avait pour but de jeter le discrédit sur un concurrent. L’intention de nuire à une société concurrente se présente ainsi comme le seul critère de la faute.

Pour lire cet article  sur le dénigrement commercial en version plus complète

Sources :
http://www.veille-reputation.com/article/prescription-diffamation-denigrement_2.htm
http://www.juritravail.com/Actualite/droit-commercial-economique/Id/99581
http://www.svp.com/article/concurrence-deloyale-denigrement-malgre-la-veracite-de-linformation-divulguee-100006179
http://www.gesica.org/le-denigrement-des-produits-dune-entreprise/
http://www.legalis.net/spip.php?page=breves-article&id_article=4899
Cass. com., 18 sept. 2019, n°18-11.678
Cass. com., 4 mars 2020, n°18-15651
Cass. com., 27 janvier 2021, n°18-21697

LE GOOGLE BOMBING EST-IL CONDAMNABLE ?

De prime abord, il faut définir la notion pour la comprendre. Le Google bombing ou « bombardement google » en français est une pratique une technique de référencement consistant pour des webmasters à se concentrer et à mettre le même lien pointant vers le même site avec le même mot-clef, pour influencer le classement d’une page dans les résultats du moteur de recherche Google.

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Cette technique de référencement a ses origines dans les années 1999 où les termes « more evil than Satan himself » étaient rattachés à la page d’accueil de Microsoft. En effet, le google bombing combine à la fois une blague de mauvais goût et une intention de nuire. Cela peut avoir comme conséquence de porter atteinte à l’honneur ou à la réputation d’une personne.

I. Définition

Il serait intéressant de se demander si une action de « Google Bombing » peut-elle être considérée comme diffamatoire et ainsi condamnable ?

 


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L’importance d’un site internet est jugée en fonction du nombre de liens hypertextes qui pointent vers ce site, c’est le principe du « PageRank ». Par exemple, lorsqu’un internaute tape le mot-clef et clique sur le « J’ai de la Chance » de Google, le site visé sera en tête du résultat de la requête. Il existe plusieurs affaires très connues de Google bombing :

  • George Bush et le mot-clé «miserable failure » à propos de l’engagement des États-Unis dans la guerre en Irak
  • Chirac et le mot-clé «magouilleur »
  • Jean Dionis – rapporteur du projet de loi sur la confiance dans l’économie numérique, qui suscitait de vifs débats chez les professionnels de l’Internet. En effet, quand un internaute tapait sur Google «député liberticide », il trouvait en tête des résultats le site de Jean Dionis.
  • Donald Trump et le mot-clé «idiot ».

Ne peut-on pas alors considérer qu’une action de Google Bombing est diffamatoire et ainsi condamnable au regard de la loi du 29 juillet 1881 ?

La diffamation est prévue à l’article 29 de ladite loi. Ainsi, elle s’entend comme « toute allégation ou imputation d’un fait portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps constitué auquel le fait est imputé ». L’intention de nuire à la personne visée est présumée.

Il convient de préciser que le délit de diffamation existe et elle n’est punissable que si le fait diffamatoire a fait l’objet d’une publicité, c’est-à-dire, porté à la connaissance du public par tous moyens.

De ce fait, la technique du « Google Bombing » semble remplir les critères posées par la loi de 1881. D’abord l’utilisation d’un mot-clef à connotation péjorative dans des hyperliens peut porter atteinte à l’honneur de la personne visée. Ensuite, l’intention de nuire peut rapidement être avérée puisque internet est un moyen de publication par voie de presse et permet, ainsi, une diffusion mondiale et rapide de l’allégation. Ainsi, des millions d’internautes peuvent avoir accès aux allégations péjoratives en 1 seul clic.

Par ailleurs, il convient de voir les sanctions encourue par l’auteur d’une diffamation via la technique du Google Bombing.

II. Sanctions de la diffamation

La diffamation, lorsqu’elle est publique, l’auteur encoure une amende de 12 000 euros. Lorsqu’elle a un caractère aggravant, c’est-dire, à caractère raciste, sexiste, homophobe et handiphobe, la sanction  encourue est de 45 000 euros d’amende et 1 an de prison.

Les victimes d’une diffamation publique via la méthode du Google Bombing devront faire attention aux délais de prescriptions. En effet,  l’article 65 de la loi de 1881 dispose que : « l’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait ». Lorsque la diffamation est aggravante, le délai de prescription est de 1 an.

Par ailleurs, la victime du Google Bombing peut faire une demande de retrait du contenu le visant sur internet.

III. Demande de retrait d’un contenu illicite sur internet

La victime a la possibilité de faire une demande de retrait à l’auteur du contenu, puis à l’hébergeur du site et enfin à la justice. Il faut d’abord s’adresser à l’auteur du contenu, qui est le responsable du site internet. Si le responsable du site refuse de retirer le contenu, vous devez vous adresser à son hébergeur. Les coordonnées de l’hébergeur doivent être indiquées sur le site web incriminé. De nombreux hébergeurs possèdent leurs propres dispositifs de signalement.

Un hébergeur est une personne physique ou morale qui assure, la mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services (art. 6 al I. 2 loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans une économie numérique).

Les hébergeurs ne sont pas responsables dès lors qu’ils n’avaient pas connaissance des contenus illicites publiés sur le site et dès lors qu’ils ont agis promptement pour retirer ces contenus manifestement illicites. Toutefois, depuis la loi AVIA de 2020, les hébergeurs et les FAI sont responsables s’ils ont pris connaissance du contenu illicite et qu’il n’y a pas eu de retrait. La sanction peut aller jusqu’à 250000 euros d’amende.

Enfin, la victime du Google Bombing peut saisir la justice via une procédure de référé-internet, pour rapidement retirer le contenu illicite le visant.

Puisque l’auteur du Google Bomging peut être partout dans le monde, la jurisprudence européenne considère que les sanctions et indemnisations des atteintes par la publication de contenus illicites sur internet relèvent de la compétence de la juridiction du lieu où la victime a le centre de ses intérêts, c’est-à-dire du lieu de sa résidence habituelle (Cour de Justice de l’Union Européenne, 25 octobre 2011, Martinez / MGN Limited).

À l’heure actuelle, nous pouvons presque parler de la fin du google bombing car celui-ci n’est plus d’actualité et de plus Google a énormément modifié et amélioré, depuis 2007, ses algorithmes de recherche. Cependant, même si les mesures anti-spam de Google semblent avoir désormais bloqué ce mécanisme lorsqu’il est utilisé à grande échelle, il arrive de trouver des opérations de Google Bombing sur d’autres moteurs de recherche tels que Yahoo! Et Live Search.

Pour lire une version plus complète de cet article sur le Googgle Bombing, cliquez

Sources :

https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32079
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000801164/
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042031970
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A62009CJ0509