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LA DEMATERIALISATION DES FACTURES

La France a adopté des dispositions relatives à la facturation des services fournis par la voie électronique. Ainsi, deux décrets et deux arrêtés ont été adoptés. Il s’agit de la transposition de la directive 2002/38/CE.

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Ces textes ont pour objectif premier une réforme du régime de TVA concernant les services dématérialisés et principalement, les services fournis par voie électronique. La dématérialisation des factures est, aujourd’hui, renforcée avec l’adoption de deux réglementations :

1.L’ordonnance du 26 juin 2014 et ;

2.L’article 222, issue de la loi Macron

Ces textes se ressemblent beaucoup, mais sont différents. L’ordonnance de 2014 s’applique dans le secteur public, tandis que l’article 222 s’applique dans le secteur privé. Ensuite, l’ordonnance de 2014 a été complétée par deux textes. D’une part, un décret du 2 novembre 2016 qui a pour objet la dématérialisation des factures transmises par les titulaires et sous-traitants admis en paiement direct de contrats conclus par l’État, les collectivités territoriales et les établissements publics.

Cela entraîne, ainsi, la généralisation de la facture électronique ; l’entrée en vigueur se fera en fonction de la taille des entreprises. D’autre part, un arrêté du 9 décembre 2016 relatif au développement de la facturation électronique, entré en vigueur en 2017, et qui fixe les modalités techniques de mise en œuvre de cette facturation.


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I – Les activités concernées

Les activités concernées sont limitativement énumérées dans le Code général des Impôts : la fourniture et l’hébergement de sites informatiques, la maintenance à distance de programmes et d’équipement, la fourniture de logiciels et leur mise à jour, la fourniture d’images, de textes et d’informations et la mise à disposition de bases de données, la fourniture de musique, de film et de jeux et la fourniture de service d’enseignement à distance.

L’ordonnance du 26 juin 2014 concernant le secteur public implique que les fournisseurs de l’État sont soumis à l’obligation de transmission des factures dématérialisées ; et les personnes publiques soumises à l’obligation de réception des factures dématérialisées. Ensuite, une instruction de février 2017 vient préciser les modalités d’application du dispositif de facturation électronique : le dépôt, la transmission et la réception des factures seront effectués exclusivement sur le portail mutualisé de facturation (Chorus pro).

En ce qui concerne le secteur privé, prévu à l’article 222 de la loi Macron, l’entreprise destinataire a l’obligation d’accepter de recevoir la facture électronique. Les entreprises devront être capables d’utiliser la dématérialisation des factures ainsi que de fournir une facture électronique accessible à tous.

II – Les factures sous forme électronique

Ici, il s’agirait d’évoquer les conditions essentielles à respecter pour la facturation électronique. Pour garantir l’authenticité et l’intégrité de la facture, le décret impose le recours à la signature électronique. En application de l’article 289 du Code général des impôts, une facture électronique est une facture ou un flux de factures créé, transmis, reçu et archivé sous forme électronique, quelle qu’elle soit (BOI-TVA-DECLA-30-20-30-10, n° 70).

Ainsi, pour qu’une facture soit une facture électronique, l’intégralité du processus de facturation doit être électronique (BOI-TVA-DECLA-30-20-30-10, n° 80). Toutefois, le décret va encore plus loin en définissant des exigences précises relatives à la signature électronique utilisée.

Il rappelle, aussi, les conditions classiques de forme d’une signature électronique à l’article 289 et suivants du Code général des impôts. Cet article prévoit que « l’authenticité de l’origine, l’intégrité du contenu et la lisibilité de la facture doivent être assurées à compter de son émission et jusqu’à la fin de sa période de conservation ». Cette exigence concerne toutes les factures, quelle que soit la forme de la facture, papier ou électronique.

Pour se conformer à ces exigences, les entreprises bénéficient d’une troisième voie : elles peuvent recourir soit à l’EDI (échange de données informatisées), soit à la signature électronique avancée, soit encore au format librement choisi par l’émetteur (l’utilisation d’un PDF par exemple), mais à condition que des contrôles documentés et permanents soient mis en place par l’entreprise et permettent, ainsi, d’établir une piste d’audit fiable entre la facture émise ou reçue et la livraison de biens ou prestation de services qui en est le fondement.

Par ailleurs, l’entreprise a l’obligation de documenter l’opération depuis sa création (document source) jusqu’à l’enregistrement final dans les comptes annuels. De ce fait, une piste d’audit peut être jugée fiable dès lors que le lien entre les pièces justificatives et les opérations traitées est facile à suivre.

La loi de finances pour 2021 autorise le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure nécessaire permettant la généralisation du recours à la facturation électronique et la mise en œuvre d’une obligation de transmission par voie dématérialisée. Ces mesures seraient mises en place progressivement à l’horizon 2023/2025 (L. fin. 2021, n°2020-1721, 28 déc. 2020, art. 195).

III – Généralisation de la facture électronique

L’obligation de facturation électronique vise pour l’heure uniquement les transactions domestiques et entre assujettis à la TVA, en ce compris ceux bénéficiant du régime de la franchise en base « Business to Business »

Désormais, il y aura une nouvelle obligation de transmission de données, aussi appelée « e-invoicing » (A). Pour comprendre cela, il conviendra d’aborder, dans un premier temps, les différentes solutions technologiques envisagées par l’administration fiscale (B) avant d’étudier, dans un deuxième temps, le calendrier envisagé par l’administration fiscale (C) concernant cette généralisation de la facture électronique.

A – Obligation de transmission de données (E-INVOICING)

L’ensemble des données des factures émises au format électronique devrait être transmis à l’administration fiscale. La précision très importante envisagée par le rapport, et confirmée par la rédaction de l’article 195 de la loi de finances pour 2021, est que trois catégories de données complémentaires devraient également être transmises : les données de paiement (visibilité sur la date d’exigibilité de la TVA en matière de prestations de services) ; les données relatives aux transactions non domestiques et les données relatives aux transactions « Business to Consumer » (B2C).

En somme, si les règles fiscales en la matière ne changent pas, les données précitées devraient être transmises de manière obligatoire, notamment le numéro SIREN du client, ou facultativement si elles figurent aujourd’hui sur les factures émises, notamment l’adresse de livraison pour les ventes de biens.

B – Les solutions technologiques envisagées par l’administration fiscale

L’administration fiscale utiliserait un système dit « en Y ». Cela s’inspirerait du portail « Chorus Pro » utilisé en matière de commande publique. Le système « en Y » reposerait sur une plateforme publique centralisant les informations de facturation à destination de l’administration fiscale. Ainsi, ces données lui parviendront :

-soit directement de la facture : la facture émise par le fournisseur transiterait par la plateforme publique centralisatrice qui la transmettrait au client ;

-soit par le biais de plateformes privées certifiées : la facture émise par le fournisseur serait transmise au client par la plateforme privée et cette dernière en communiquerait les données à la plateforme publique centralisatrice.

Les factures électroniques au format structuré (EDI et signature électronique avancée) seraient acceptées par la plateforme qui intégrerait également temporairement deux fonctionnalités permettant de convertir une facture au format PDF natif en facture en format structuré et de saisir les factures en ligne.

C – Le calendrier progressif envisagé

L’administration fiscale propose un calendrier progressif et pédagogique. Cela impliquerait une obligation de réception de la facture électronique, qui s’appliquerait dès 2023 à toutes les entreprises, ainsi qu’une obligation d’émission, qui entrerait en vigueur de manière échelonnée en fonction de la taille des entreprises :

  • 2023 pour les grandes entreprises
  • 2024 pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI)
  • 2025 pour les PME et TPE

L’article 195 de la loi de finances prévoit que l’ordonnance à laquelle il autorise le gouvernement à recourir doit être adoptée dans un délai de neuf mois, soit d’ici à la fin du mois de septembre 2021 (l’ordonnance devrait déjà être adoptée). À ce stade, il convient donc que les entreprises communiquent sur les difficultés pratiques et techniques anticipées ou les améliorations envisageables via notamment les organismes de représentation professionnelle qui sont consultés.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les factures électroniques, cliquez

Sources :

https://www-lamyline-fr.faraway.parisnanterre.fr/Content/Document.aspx?params=H4sIAAAAAAAEAE2PP3PCMAzFP028sIj8IWTwAE27Qe5KOnTqGVsFX40Nsh2ab1-7dOjw0z1L757kW0SaR_wO3IjFp5AhEi6KCICdQRnIWX2LyPxsnZ0vfKT0COLoeQcsu4XpneR11nrCURzzwJFC2s4cmD-7-15M-iSCdnYr6JGgleL9CABN0zUrqNiE5JOBl1AuoYI1O5GL1xdtAlIvguBPw2437D_enzevRVknGxTVMbuZsV_phAMKkudHunJynK_IW-Z_u4M188YYd0eVnPGCNvi_O_yb1Xm3MP8DPOa_ozq4SBI9h6KVy0SZqJtUqiwSWa8S60Sb6LpcfgCi_XqqVAEAAA==WKE

RELATIONS COMMERCIALES ET APPEL D’OFFRES

Les relations commerciales sont parfois complexes. La recherche d’un meilleur rapport qualité-prix s’inscrit dans le quotidien du professionnel. Il faut toujours que l’offre excède la demande et que l’investissement coûte moins cher que le bénéfice qui en résultera pour être économiquement viable et dans le cadre de relations commerciales il n’y a rien de plus important que la viabilité économique. C’est pourquoi il existe l’appel d’offres.

La technique consistant en l’appel d’offres permet de trouver l’entreprise qui réalisera le produit ou le service au meilleur rapport qualité-prix. Les relations commerciales et appels d’offres vont de pair et recourir à l’appel d’offres conduira à avoir des coûts moindres que ceux qui auraient été normalement proposés.

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En outre, tout tracas lié à la recherche de cocontractant cessera d’exister. C’est ce dernier qui viendra à vous.  À première vue, les relations commerciales et les appels d’offres font donc bon ménage. Toutefois, cela ne suppose pas nécessairement que les relations commerciales et appels d’offres sont bénéfiques pour le cocontractant avec qui une relation commerciale habituelle existait.

Il est subjectif de considérer les relations commerciales et les appels d’offres comme bénéfiques ou négatifs. En effet, ce ne sont pas des notions faciles à appréhender.  Il est alors intéressant d’étudier l’impact des appels d’offres sur les relations commerciales, et plus particulièrement sur les relations commerciales établies.

L’appel d’offres désigne à une procédure permettant à un commanditaire de faire le choix de l’entreprise qu’il estime le plus à même de réaliser un ouvrage, de fournir un produit ou un service. L’appel d’offres permet de mettre en concurrence plusieurs entreprises qui se proposent d’effectuer l’ouvrage. Le commanditaire choisira généralement l’entreprise qui propose le meilleur service au meilleur prix.


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L’appel d’offres est susceptible d’affecter les relations commerciales. En vertu de l’article L442-6 du Code de commerce : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services : I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :

1° D’obtenir ou de tenter d’obtenir de l’autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ;

2° De soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

3° D’imposer des pénalités logistiques ne respectant pas l’article L. 441-17 ;

4° S’agissant des produits alimentaires et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie soumis au I de l’article L. 441-1-1, de pratiquer, à l’égard de l’autre partie, ou d’obtenir d’elle des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles prévues par la convention mentionnée à l’article L. 443-8 en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence.

[…] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. » (1)

Lorsque les relations commerciales sont établies et qu’un contractant rompt sans préavis les relations commerciales, il apparaît alors que cela constitue une rupture brutale des relations ouvrant droit à réparation.

L’appel d’offres va avoir un double impact dans ce contexte-là. En effet, il va premièrement rendre plus difficile la qualification de relations commerciales établies (I), et dans un second temps l’appel d’offres pourra constituer un préavis valable lors de la rupture des relations commerciales (II).

I. La pratique de l’appel d’offres à chaque renouvellement de contrat permettant d’écarter la qualification de relations commerciales établie

Il convient de mentionner que le nouvel article L.442-1 du Code de commerce modifié par la loi n°2021-1357 du 18 octobre 2021 dans son article 7 et 8, permet de sanctionner une rupture brutale des relations commerciales établies, mais de façon plus tempérée et simplifiée en comparaison avec l’ancien article L442-6 du Code de commerce. Il faut nécessairement qu’il s’agisse de relations commerciales, or selon cet article il s’agit de relations concernant « un producteur, commerçant , industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ».

Ce texte concerne de nombreuses personnes. La jurisprudence avait précisé que la relation commerciale porte sur la fourniture d’un produit ou d’une prestation de service (Cass.com. 23 avril 2003). De plus, il apparaît que l’article puisse s’appliquer, quel que soit le statut juridique de la victime du comportement incriminé (Cass.com 6 février 2007).

Cela étant, il faut nécessairement que les relations commerciales soient établies. Pour que les relations soient établies, plusieurs critères ont été émis par les juges. Ainsi, la durée est un critère important pour permettre de déterminer si les relations commerciales sont établies ou non. En effet, plusieurs arrêts ont estimé que des relations de 30, 20, 10 ou même deux ans constituent des relations commerciales établies.

Il convient de noter que l’article a vocation à s’appliquer que les relations commerciales soient d’une durée déterminée ou indéterminée. L’intensité de la relation est elle aussi prise en compte. Les juges doivent pour cela étudier l’historique des échanges, les investissements réalisés par les parties, les objectifs atteints, les prévisions d’activités ou encore la dépendance économique pouvant exister entre les parties.

Le critère de la stabilité est également pris en compte. À cet égard, la jurisprudence a dû s’interroger sur l’influence des appels d’offres sur la qualification de relations commerciales établies. Il a fallu savoir si le fait qu’un contrat soit renouvelé par un appel d’offres permet d’écarter la qualification de relations commerciales ou non.

Le 18 septembre 2008, la Cour de Versailles  s’est prononcée sur cette question et elle a indiqué que : « Or considérant que le recours à une mise en compétition avec des concurrents, avant toute commande, prive les relations commerciales de toute permanence garantie et les placent dans une situation de précarité certaine, ne permettant pas à la société ESGII de considérer qu’elles avaient un avenir certain dès lors que la procédure d’appel d’offres comporte par essence pour celui qui s’y soumet un aléa ; que la collaboration d’ESGII avec MONOPRIX était donc remise en cause à chaque appel d’offres et dépendait de celles soumises par les entreprises concurrentes sauf à détourner les principes régissant la procédure d’appels d’offres » (CA Versailles 18 septembre 2008 n°07-07891).

La Cour avait considéré le fait que les relations contractuelles soient renouvelées par le biais d’un appel d’offres rend la relation contractuelle précaire, puisque la mise en place des appels d’offres crée un aléa dans le choix du contractant. Ainsi, lorsque les relations commerciales sont basées sur des appels d’offres, celles-ci ne peuvent pas être qualifiées d’établies.

Néanmoins, dans un arrêt de la Cour de Versailles, du 27 octobre 2011, semble atténuer ses propos puisqu’elle énonce que « Le recours à un appel d’offres ne suffit pas à exclure par principe l’existence d’une relation commerciale établie au sens de l’article suscité sauf s’il peut être déduit de certaines circonstances ou événements entourant ou marquant cette relation commerciale, la précarité annoncée de la situation qui ne permet pas à la partie qui se prétend victime de la rupture d’avoir une croyance légitime dans sa pérennité ». Ainsi, la seule présence d’appels d’offres ne permet pas de déduire de la précarité des relations commerciales, l’appel d’offres ne permet pas d’écarter les relations commerciales établies de facto.

À cet égard, dès lors que le renouvellement d’un contrat intervient systématiquement par le biais d’un appel d’offres, cette pratique constitue un indice important pour qualifier la relation commerciale de précaire, et donc d’exclure la qualification de relations commerciales établies. Cela permet alors d’écarter l’application de l’article L442-6 du code de commerce, et de pouvoir rompre sans préavis la relation commerciale sans risque de causer une rupture brutale.

II. L’appel d’offres écrit constituant un préavis à la rupture des relations commerciales établies

Il convient de rappeler que l’ancien article L442-6 du Code de commerce prévoyait que lorsque l’on était en présence de relations commerciales établies, pour rompre cette relation il fallait impérativement établir un préavis écrit qui doit tenir compte de la durée de la relation commerciale et respecter la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce. Si le préavis n’avait pas été délivré, la responsabilité de l’auteur était engagée puisque la rupture des relations était qualifiée de brutale. Il devait réparer le préjudice subi par son cocontractant. Le préavis est donc une obligation.

Cependant, la rupture brutale des relations commerciales a été simplifiée avec le nouvel article L.442-1 du Code de commerce. Ce dernier dispose que l’auteur de la rupture des relations commerciales ne peut voir sa responsabilité engagée en raison du chef d’une durée insuffisante tant qu’il a respecté un préavis de 18 mois.

Cet article prévoit également l’hypothèse d’une inexécution par l’une des parties de ses obligations et le cas de force majeure. Si l’un des deux derniers cas se réalise, la faculté de résiliation des relations commerciales sans préavis est accordée à la partie concernée. (1)

En outre, le préavis doit être écrit. En effet sans un écrit le préavis n’est pas valable, ce qui signifie que la rupture est brutale même en présence d’un préavis non écrit. Il faut encore que le préavis soit non équivoque et qu’il précise bien le moment de la rupture des relations commerciales.

Cela dit, le préavis ne requiert pas de forme particulière. Il faut juste que celui-ci soit écrit. C’est ainsi que s’est posée la question de l’impact des appels d’offres sur la rupture des relations commerciales. Est-ce que le fait pour une entreprise de délivrer un appel d’offres équivaut à un préavis de rupture de la relation commerciale qu’il entretient avec son cocontractant ? Autrement dit est-ce que le seul fait de mettre en place un appel d’offres suffit pour éviter la qualification de rupture brutale des relations commerciales ?

La Cour de cassation s’est penchée sur cette question. Elle l’a tout d’abord fait dans un arrêt rendu par sa chambre commerciale le 6 juin 2001 où elle énonce qu’

« Attendu qu’en fixant le point de départ du délai de préavis à la date de notification de l’échec de la société Charpentier Armen à l’appel d’offres organisé par le GIE Elis, alors que la notification par le GIE Elis à la société Charpentier Armen, de son recours à un appel d’offres pour choisir ses fournisseurs, manifestait son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles dans les conditions antérieures et faisait ainsi courir le délai de préavis qu’elle a estimé à une durée de six mois, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations » (cass com 6 juin 2001 n° 00-20.831)

Ensuite, la Cour a  reconfirmé sa solution avec un arrêt du 20 février 2007 en énonçant « Mais attendu, d’une part, qu’ayant retenu qu’Usinor achats avait, en janvier et février 1999, lancé des appels d’offres pour les prestations de transport auxquels la société Daniel Grenin avait immédiatement répondu avant de baisser en juin 1999 les propositions tarifaires qu’elle avait initialement présentées, ce dont il se déduisait qu’Usinor achats avait manifesté, dès le début de 1999, à la société Daniel Grenin son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles dans les conditions antérieures et avait fait ainsi courir le délai de préavis et que, faute de satisfaire aux conditions techniques et financières de l’appel d’offres de 1999, il n’a plus été confié de transport direct à la société Daniel Grenin à compter du mois de janvier 2000, la Cour d’appel, a, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, pu décider que la rupture des relations commerciales avec IUP et SM concernant le transport n’était pas brutale » (Cass.com. 20 février 2007 n°04-14.446).

En s’appuyant sur ces deux arrêts, il semble que le fait de mettre en place un appel d’offres manifeste la volonté de la société émettrice de ne plus poursuivre les relations contractuelles avec son contractant, ce qui permet de faire courir le délai de préavis. Le seul fait d’établir un appel d’offres équivaut à un préavis, puisque celui-ci permet de manifester clairement au contractant l’intention de ne pas poursuivre les relations commerciales. L’appel d’offres écarte la qualification de rupture brutale des relations commerciales.

Il convient de noter que, dans ces arrêts, le point de départ du préavis n’est pas forcément la date de la notification de l’obtention du marché par le biais de l’appel d’offres, puisque la seule notification de l’intention de recourir à l’appel d’offres suffit.

Toutefois, la Cour d’appel d’Amiens le 9 mai 2006 (RG n° 05/01540, Auchan France c/ Laura Winner) a estimé que lorsque l’appel d’offres est « rédigé en termes généraux sans allusion à la pérennité du contrat en cours ne peuvent s’interpréter comme une rupture de relations commerciales ».

En effet, la jurisprudence semble poser certaines conditions à l’appel d’offres pour que celui-ci puisse être assimilé à une rupture des relations commerciales.

De son côté, la chambre commerciale dans un arrêt du 18 octobre 2011 (Cass.com. 18 octobre 2011 n°10-20.733) est venue rappeler clairement que l’appel d’offres doit impérativement être écrit. L’appel d’offres peut donc constituer un préavis, mais celui-ci doit être suffisamment clair et précis, mais surtout écrit pour jouer le rôle de préavis et écarter la qualification de rupture brutale des relations commerciales.

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 22 novembre 2016, a considéré que le régime de la rupture brutale des relations commerciales établies s’applique uniquement « aux cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial ».

En outre, dans un arrêt du 18 octobre 2017, la Cour de cassation a affirmé que le recours à la procédure de l’appel d’offres ne peut que conduire à la précarisation des relations commerciales. À cet égard, il est contraire à l’exigence de stabilité prévue par l’article L.442- II du Code de commerce.

Cet arrêt de principe a été consacré également par la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 15 avril 2021, qui énonce à son tour que le recours régulier à la procédure d’appel d’offres a pour effet la précarisation des relations commerciales tout en excluant l’application de l’article L.442-1 II du Code de commerce en cas de rupture de ces relations. (2)

Il convient de conclure que l’appel d’offres constitue une pratique dont les conséquences sont importantes sur les relations commerciales. En effet, soit l’appel d’offres pourra écarter la qualification de relations commerciales, soit celui-ci pourra permettre d’écarter la qualification de rupture brutale en étant considéré comme un préavis. C’est la raison pour laquelle l’appel d’offres constitue un outil utile pour encadrer les relations commerciales.

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Sources :

CLAUSES D’AGRÉMENT ENTRE ASSOCIES

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Les clauses d’agrément entre associés désignent clauses qui subordonnent les ventes de valeurs mobilières à l’agrément des associés. Elles servent à contrôler la vente des valeurs mobilières d’une société. Ce contrôle peut être justifié par une volonté de stabilisation de la société ou par la volonté de filtrer les différents entrants dans la société. Le non-respect de telles clauses engendre la nullité de la cession ou de la vente des valeurs mobilières. Les clauses d’agrément entre associés pourront être prévues de deux façons : statutairement ou extra-statutairement. 

Les clauses d’agrément entre associés sont réglementées. Elles ne sont, toutefois, pas globalement admises. Toutes les sociétés n’ont pas de clauses d’agrément entre associés obligatoires. Pour des sociétés unipersonnelles, par exemple, une nécessité d’agrément serait totalement farfelue. Mais les choses ne sont pas aussi claires.

Si ces clauses d’agrément entre associés peuvent être interdites pour un certain type de sociétés et admises pour d’autres, cette interdiction demeure valable que pour les clauses d’agrément prévues dans les statuts. Pourtant, la liberté contractuelle permettra de les conclure en dehors des statuts. La particularité des clauses d’agrément entre associés se distingue sur ce point

Tandis que certains types de sociétés, comme la SARL, comprennent une procédure d’agrément, la plupart des sociétés en sont dépourvues.

Il est tout à fait possible de limiter ou d’encadrer la cession des actions à des tiers dans les sociétés commerciales directement dans les statuts par les clauses d’agrément ou d’incessibilité, bien que les actions d’une société soient en principe librement cessibles et négociables. Ces clauses seront tantôt insérées dans les statuts de la société, tantôt dans des pactes d’actionnaires, le choix étant plus ou moins conditionné en amont par le type de société.

Les clauses d’agrément sont des clauses statutaires permettant aux associés d’agréer a priori une vente d’action. L’article L228-23 du Code de commerce mentionne cette possibilité pour les sociétés par actions et dispose que « dans une société dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, la cession d’actions ou de valeurs mobilières donnant accès au capital, à quelque titre que ce soit, peut être soumise à l’agrément de la société par une clause des statuts ».


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Appelées dans le code de commerce clauses d’inaliénabilité ou dans la doctrine clause de standstill agreement, les clauses d’incessibilité interdisent, sous certaines conditions, la vente d’actions ou de parts sociales d’une société. Elles sont habituellement possibles pour la société par actions simplifiée (SAS) en application de l’article L227-13 du Code de commerce : « les statuts de la société peuvent prévoir l’inaliénabilité des actions pour une durée n’excédant pas dix ans ».

Il convient de noter que ces clauses pouvaient être insérées dans des actes extrastatutaires, consacré par la loi à cet article. Ceci étant, rien n’est dit relativement à cette possibilité pour les autres sociétés commerciales et une première question se pose sur la validité d’une telle clause dans le cadre d’une autre société.

La pertinence du débat est inhérente à la possibilité de prévoir de telles clauses dans les statuts d’une société, ainsi que dans des actes extrastatutaires, comme les pactes d’associés. La liberté contractuelle est le principe s’appliquant à la rédaction des statuts et il est a fortiori d’autant plus important pour les pactes d’actionnaires. En principe, rien ne s’oppose, a priori, à ce que ce type de stipulations se retrouve dans ces actes. L’encadrement juridique des pactes d’actionnaires est moins strict que pour les statuts et des différences s’en ressentent quant aux conséquences de ces clauses.

La problématique repose essentiellement sur la distinction entre le caractère statutaire ou extrastatutaire des deux types de clauses et sur les conséquences qu’elle peut emporter et il convient de déterminer dans quels cas ces clauses sont envisageables ou non.

La principale distinction qui s’opérait jusqu’à présent reposait sur le caractère statutaire ou non des clauses : d’une part, les clauses d’agrément peuvent être statutairement prévues dans le cadre d’une société anonyme (SA) alors que la clause d’incessibilité est expressément prévue par le code de commerce pour la SAS. La situation a récemment changé sous l’influence de la jurisprudence sans remettre en cause complètement l’organisation classique (I). Néanmoins, la nouvelle distinction entre clauses statutaires et extrastatutaires n’est pas négligeable (II).

I – Une organisation classique préservée

En général, il est considéré qu’une partition existe entre les clauses d’agrément qui peuvent être statutairement prévues dans le cadre d’une société de capitaux, comme la SA , alors que les clauses d’incessibilité, ou d’inaliénabilité, ne se rencontrent que dans les statuts de la SAS. Malgré les modifications prétoriennes intervenues il y a quelques années, cette organisation formelle trouve toujours écho aujourd’hui et c’est la raison pour laquelle il convient de rappeler les différences de régime entre les clauses d’agrément telles qu’elles peuvent intervenir dans la SA (A) et les clauses d’incessibilité (B).

A – Les clauses d’agrément statutaires dans la SA

La possibilité d’inclure dans les statuts d’une société par actions une clause d’agrément est une disposition légale prévue par le code de commerce. L’article L 228-23 la prévoit en disposant que : « dans une société dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, la cession d’actions ou de valeurs mobilières donnant accès au capital, à quelque titre que ce soit, peut être soumise à l’agrément de la société par une clause des statuts ». L’article en limite la possibilité aux sociétés dont les actions ne circulent pas sur un marché réglementé et il impose également d’autres restrictions.

Il est exclu, dans le troisième alinéa, la possibilité de recourir à la clause d’agrément dans un certain nombre de cas, comme la succession, la liquidation du régime matrimonial ou la cession, soit à un conjoint, soit à un ascendant ou à un descendant.

Il faut que le cédant notifie à la société un certain nombre d’informations relatives au cessionnaire et aux actions cédées prévues à l’article L228-24 du Code de commerce. En cas de refus de la part de la société, celle-ci peut trouver un accord amiable ou faire acquérir dans un délai de 3 mois les actions à un prix fixé par expertise.

Il est également possible de recourir à la clause d’agrément dans le cadre d’une SAS, mais les dispositions légales qui y sont, sont plus libérales. Le refus de la société entraîne là aussi le rachat des parts, mais dont les conditions peuvent être déterminées statutairement, ce qu’il est conseillé d’ailleurs de faire.

Finalement, la liberté contractuelle qui transcende la création des statuts d’une société permet un large de choix à la disposition des parties au contrat de société, c’est-à-dire des associés. L’option même entre les types de sociétés en est l’illustration. À l’image de ce qui vient d’être exposé pour la clause d’agrément, la clause d’incessibilité découle-t-elle aussi d’un choix à la base de la société.

, la Cour de cassation, par un arrêt rendu datant du 11 janvier 2017, assouplie le régime des clauses d’agrément dans les sociétés anonymes et apporte des précisions sur la portée de la mention « du prix offert ».

En l’espèce, il s’agissait de deux actionnaires d’une société anonyme (SA) qui ont notifié à celle-ci le projet de cession de leurs actions à une autre société moyennant un certain prix. Plus d’un mois plus tard, ils informent de surcroît leur société par lettre que le prix est provisoire et que le prix définitif ne sera déterminé qu’au moment de la réalisation de la cession, et ce, en application d’une clause de révision. La société anonyme assigne ces deux actionnaires en annulation de la notification sur le fondement de l’article L. 228-24 du Code de commerce, lequel exige que cette notification indique le « prix offert ». Elle invoque que le prix mentionné dans celle-ci n’était pas le prix offert par la société.

La Cour de cassation affirme, dans cet arrêt, le fait que l’indication d’un prix dans le cadre d’une notification d’agrément est suffisante pour que les conditions de l’article L.228-24 susvisé soient remplies. Dès lors que ce prix est déterminable et sincère à la date de la cession, les exigences légales et statutaires sont présumées satisfaites.

La Cour rajoute que l’agrément doit porter sur la personne du cessionnaire et non sur le prix. Ainsi, en cas de désaccord, ce dernier peut être déterminé par voie d’expertise judiciaire. (1)

B – Les clauses d’incessibilité statutaires dans la SAS

Les clauses d’incessibilité ou d’inaliénabilité, en principe, ne sont prévues que pour les SAS lorsqu’elles sont statutaires. Elles sont limitées à une durée de 10 ans, au-delà de laquelle elles deviennent à nouveau cessibles. L’article L227-13 du Code de commerce relatif aux SAS en dispose sans équivoque : « les statuts de la société peuvent prévoir l’inaliénabilité des actions pour une durée n’excédant pas dix ans ».

C’est une faculté réservée aux associés lors de la rédaction des statuts : il n’est pas question d’une obligation et elle ne nécessite aucune justification. La liberté contractuelle étant la règle à la base de la création d’une SAS, la clause d’incessibilité doit être vue comme un outil à la disposition des signataires du contrat de société. Elle a été codifiée dans le code de commerce par la loi du 3 janvier 1994 instituant la société par actions simplifiée qui est venue consacrer en droit un certain nombre de pratiques devenues habituelles autour de la société par actions, mais qui se faisaient essentiellement dans des actes extrastatutaires.

La clause d’inaliénabilité vise à protéger l’actionnariat et permet d’interdire purement et simplement la cession des parts de la société. Elle est limitée dans le temps afin de ne pas conduire à un blocage préjudiciable au sein de la société, car elle s’en trouve fermée pour toute la durée de l’incessibilité. Ajoutant à cela la possibilité d’une clause d’agrément, la SAS peut devenir une forme de société très fermée et protectrice de ses actionnaires, ce qui constitue un avantage certain, mais pose également des problèmes.

Ceci étant, rien ne s’oppose non plus à ce que la clause d’incessibilité soit prévue dans un acte extrastatutaire, alors même que les statuts ne la prévoient pas. En pareil cas, il semblerait que des conditions similaires soient à observer, bien qu’une fois de plus la liberté contractuelle entre en jeu.

Une part de la doctrine soutient que, puisque ces clauses peuvent toujours être prévues dans les actes extrastatutaires, il n’y avait pas de raison de suivre la logique poursuivie pour la SAS et de considérer qu’il serait possible également d’inclure les clauses des pactes d’actionnaires, comme celle d’incessibilité, dans les statuts.

En outre, le haut comité juridique de la place financière de Paris rédigé, le 29 septembre 2019, un rapport concernant le régime juridique de la société par actions simplifiée. Dans ce rapport, le HCJP propose d’allonger de 10 à 15 ans la durée maximale des clauses d’inaliénabilité des actions tel que prévu par l’article L.227-13 du Code de commerce, et ce afin d’aligner leur durée sur la plupart des financements à long terme.

Le comité propose également de préciser l’article L. 227-14 du Code de commerce relatif à la clause d’agrément, et ce, afin d’inciter les associés en question à prévoir les modalités de l’agrément dans leurs statuts, tout en imposant une obligation de rachat non prévue par le texte. (2)

Il convient de rappeler également que, l’ordonnance du 4 mai 2017 supprimé la règle de l’unanimité pour l’adoption ou la modification des clauses d’agrément relatives aux cessions d’actions dans les statuts des SAS. Désormais, les associés d’une SAS ont la possibilité de convenir d’une procédure complètement sur mesure. Tout ce qui relève de la désignation de l’organe compétent pour statuer sur l’agrément, de la définition de la procédure à suivre ainsi qu’en cas de décision collective, des règles de majorité applicables, relève désormais des statuts. (3)

II – L’apport de la jurisprudence à la distinction entre les clauses

Alors même que les auteurs ne s’entendent pas sur la question de la possibilité de prévoir des clauses d’incessibilité dans les statuts d’une SA, il n’en reste pas moins que l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 31 octobre 2007 ouvre la possibilité. Si la solution peut paraître contestable, elle est tout de même limitée dans certains cas. Quoi qu’il en soit, il est possible maintenant de proposer une nouvelle articulation entre les deux types de clauses, mais qui serait fondée sur le caractère statutaire ou non de la clause (A). Le choix entre l’une ou l’autre possibilité repose essentiellement sur le niveau de protection (B).

A – Une nouvelle distinction fondée sur le caractère statutaire ou extrastatutaire

Il convient de rappeler que clauses d’incessibilité dans les SA semblaient jusqu’à récemment inenvisageables pour la majorité des auteurs. Il en va toujours de même pour les sociétés cotées pour lesquelles une telle clause n’est pas viable statutairement puisqu’elle irait à l’inverse du fonctionnement d’une société cotée.

Tandis que,  pour les autres, la Cour de cassation par son arrêt du 31 octobre 2007 semble ouvrir cette possibilité, à condition d’avoir une lecture libérale de l’arrêt. Elle énonce à cette occasion que n’importe quel acte à titre onéreux peut contenir une clause d’incessibilité à condition qu’elle poursuive un intérêt sérieux et légitime. En considérant que le contrat de société entre dans cette qualification, il est alors envisageable d’admettre le caractère statutaire de la clause d’incessibilité pour d’autres types de sociétés que la SAS.

La Cour rajoute qu’elle doit elle aussi être limitée dans le temps. Il n’est pas possible par principe de concevoir des clauses d’incessibilité dans une société qui seraient à durée indéterminée. Il est forcé de constater une proximité de régime avec les dispositions légales de la SAS, qui, on l’a vu, peut à l’inverse faire application des principes des autres sociétés de capitaux.

Bien qu’une lecture extensive de l’arrêt de 2007 soit admise, ce que fait une partie de la doctrine, alors la distinction entre les deux types de clauses reposerait davantage sur leur caractère statutaire ou non puisqu’elles sont toujours concevables dans les actes extrastatutaires. Le caractère statutaire ou extrastatutaire des clauses s’articulerait autour de la liberté contractuelle régissant aussi bien le contrat de société et statuts que le pacte d’actionnaire.

Dans son interprétation large, l’arrêt de 2007 crée une situation libérale et gomme les différences de statuts entre les deux types de sociétés pris en exemple. Il en va d’ailleurs de même par rapport à d’autres types de sociétés, comme la SARL , qui prévoient des mécanismes similaires, mais qui ne sont plus optionnels. Quoi qu’il en soit, la liberté contractuelle prise comme axe directeur de l’articulation entre les deux caractères est dictée par le niveau de protection poursuivi.

B – Le niveau de protection comme critère déterminant dans le choix du type de clause

Cette distinction qui s’opère en pareil cas entre le caractère statutaire et extrastatutaire résulte également d’une différence dans le niveau de protection qu’apportent les deux types d’actes qui en découlent. Un pacte d’associés comportant des clauses d’incessibilité ou d’agrément, ou les deux, leur conférera moins de force que si elles sont statutairement prévues. À l’inverse, la codification opérée par la loi du 3 janvier 1994 était précisément animée par la volonté de codifier des pratiques extrastatutaires afin de les rendre plus efficientes.

Le recours à ces clauses étant prévu par la loi, ceci les rend d’autant plus opposables aux tiers, ce qui est tout à fait l’inverse dans un pacte d’associés. Au contraire, le pacte d’associé présente l’intérêt d’une absence de publicité ce qui compense son inopposabilité aux tiers.

Cela dit, la sanction du non-respect des clauses statutaires demeure plus protectrice envers les actionnaires. À titre d’exemple, l’article 227-15 du Code de commerce prévoit dans le cadre de la SAS la nullité d’une cession intervenue en contradiction avec les statuts : « toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle ». Par ailleurs, cette harmonisation des régimes permettra sans doute un changement de type de société plus aisé, au moins pour ces points.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les clauses statutaires d’agrément et les conflits entre associés, cliquez

Sources :

  • : Cass. com., 11 janv. 2017, no 15-13.025
  • : https://www.hcjp.fr/fr/droit-des-societes
  • : https://www.eversheds-sutherland.com/documents/global/france/ODA_Reforme_clauses_dagrement_SAS_Franck_Bourgeois.pdf

« Parasitisme « entre deux sociétés

Ces dernières années, le domaine d’action du parasitisme a connu une expansion significative. À titre d’exemple, nous avons vu le parasitisme s’appliquer dans des litiges relatifs au logiciel informatique (Cass, 1ère civ. 13 décembre 2005), mais également à des signes distinctifs, à l’image de la panthère symbole de la Maison Cartier (Cour d’appel de Paris, 25 octobre 2015).

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Le parasitisme est souvent classé dans la catégorie des actes de concurrence déloyale, mais en pratique, il s’agit de deux actions bien distinctes. Le parasitisme a pour fondement la responsabilité civile délictuelle, tout comme la concurrence déloyale, mais ils ne sont pas soumis aux mêmes critères d’application.

À la différence de la concurrence déloyale, afin de caractériser le parasitisme, il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve d’un risque de confusion entre les produits ou les entreprises (souvent difficile à rapporter), ni d’un rapport de concurrence entre ces dernières.

Lorsque l’on est en présence de droits de propriété intellectuelle, le parasitisme est systématiquement invoqué concomitamment avec l’action en contrefaçon (II). Néanmoins, un fait délictuel préjudiciable subit par une entreprise peut être réprimé sur le fondement unique du parasitisme (I)


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I. La constitution du parasitisme :

Face au silence du législateur, c’est la jurisprudence qui s’est chargée de définir la notion du parasitisme (A) et à mettre en place les critères constitutifs (B)

A) Définition de la notion de parasitisme

Le parasitisme est « l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire » (Cass. com. 26 janvier 1999 n° 96-22.457).

Il est fondé sur l’ancien l’article 1382 du code civil (nouvel article 1240 depuis 1 octobre 2016) et nécessite donc la réunion de trois éléments :

une faute,
un préjudice,
un lien de causalité entre les deux.
Selon un jugement du 28 septembre 2015 du Tribunal de commerce de Paris, la faute sanctionnée au titre du parasitisme est caractérisée par « la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ».

Récemment, la jurisprudence est venue définir, de nouveau, les actes de concurrence parasitaire comme « l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire engagent la responsabilité de leur auteur. ». Le TGI de Nancy dans cette décision du 6 décembre 2019 a également précisé que pour caractériser le parasitisme il faut démontrer l’existence d’une faute ainsi que d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle.

B- L’élément matériel du parasitisme

Le parasitisme portant sur le travail et investissement d’autrui :
Le but est de réprimer ceux qui détournent à leur profit, le travail et les investissements réalisés par un concurrent. L’utilisation du travail d’autrui sans son consentement constitue donc un agissement parasitaire.

Certes, le travail en soi est détourné, mais au côté de ce critère existe celui de non-investissement.

C’est ainsi que le parasitisme n’est pas retenu dans le cas où aucune information concernant les investissements consacrés n’a été fournie. Il est donc nécessaire de prouver un réel travail intellectuel. Ce travail doit donc avoir nécessité un certain investissement, une intellection.

Ce travail doit être quantitatif, il doit pouvoir représenter une valeur économique. Cette valeur économique que le parasite a économisée en usurpant le travail d’autrui. C’est donc l’appropriation du travail d’autrui « sans bourse délier » (TGI Paris, 3e ch. Sect 4, 28 mai 2009) qui est condamnée. D’où l’importance de rapporter la preuve des investissements consentis.

La responsabilité délictuelle est alors engagée lorsqu’un « Qu’un tel comportement parasite, qui consiste à s’approprier à bon compte le travail et les investissements d’autrui » (CA Paris, 4e ch. 16 février 1994), mais pas seulement, car le parasitisme peut se traduire par une volonté de profiter illégalement d’une notoriété d’un concurrent.

Le parasitisme portant sur la notoriété d’une entreprise :
Il convient dans ce cas de rechercher si la société n’a pas cherché à se placer dans le sillage d’une société concurrente afin de tirer profit de « sa gloire ». Le but étant l’exploitation de la renommée du concurrent.

Le parasitisme portant sur la notoriété a été consacré à l’article L.713-5 du Code de la Propriété intellectuelle. Mais également par la jurisprudence, comme dans l’arrêt du 31 janvier 2018, où la Cour de cassation a caractérisé les actes parasitaires, considérant que la société parasitaire a indéniablement profité des efforts économiques de la société parasitée, que cette dernière avait déployée au fil des années pour construire sa notoriété

II. Le parasitisme : une action qui tend vers l’autonomie

Au travers des stratégies de défense, on remarque que le parasitisme est souvent invoqué en complément de la concurrence déloyale ou encore de la contrefaçon (A). Mais la tendance jurisprudentielle a tendance à évoluer afin d’en faire un fondement à part entier (B).

A) Le parasitisme : une action annexe/complémentaire

L’un des reproches que l’on peut faire au parasitisme, c’est qu’au fil des années, il est devenu une sorte de catégorie « fourre-tout ». Il est souvent invoqué par les entreprises qui ne sont pas titulaires de droits de propriété.

C’est pourquoi il convient de distinguer deux situations :

Dans la première, lorsque la société demanderesse est titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, elle a tendance à agir tant sur le fondement de la contrefaçon que celui du parasitisme.

Dans l’autre situation, en l’absence de droit de propriété, la société ne peut se fonder que sur le parasitisme.

Par le passé, la jurisprudence a longtemps été très accueillante dans la caractérisation du parasitisme en tant que fait distinct. Les juges avaient alors condamné sur le fondement du parasitisme «car indépendamment de la contrefaçon de l’image publicitaire […] la société poursuivie avait profité à moindre coût des efforts de conception et réalisation publicitaires de la société concurrente et les avait ainsi dévalorisés » Cass. 1ère civ., 19 octobre 2004.

La distinction citée ci-dessus se base sur le «fait distinct » qui est une notion assez floue de la jurisprudence et qui est désormais utilisé afin d’éviter le cumul des deux actions à savoir la contrefaçon et le parasitisme (Cass. Com., 19 janvier 2010).

Le principe du fondement distinct a également été repris dans un arrêt du 24 octobre 2018, la Cour de cassation considère que « la commercialisation d’une même gamme de produits est insuffisante à caractériser la commission d’actes de concurrence déloyale distincts de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon ». Il convient donc de bien distinguer les actes de concurrence déloyale et les actes de contrefaçon, à défaut la Cour de cassation considère qu’il y a une violation de l’article 1240 du Code civil.

B) Le parasitisme : une action autonome

Le parasitisme, loin de faiblir, fait l’objet d’une application autonome par la Jurisprudence.

Dans son arrêt du 13 décembre 2005 de la première chambre civile de la Cour de cassation, concernant un logiciel, la Cour écarte la contrefaçon au motif que la protection par le droit d’auteur ne joue pas lorsqu’il s’agit d’une idée, mais confirme l’arrêt de la Cour d’appel en condamnant la société pour parasitisme.

La Jurisprudence ne traite plus le parasitisme comme une action complémentaire à la contrefaçon. Les demandeurs fondent désormais leur défense (rarement, mais cela tend à croître) uniquement sur la base juridique du parasitisme (Cour d’appel de Paris du 25 octobre 2015).

La jurisprudence a également rappelé que l’action en parasitisme n’est pas subordonnée à l’exigence que l’objet de l’action soit protégé par un droit de propriété intellectuelle. En effet, un arrêt du 4 juillet 2019 est venu rappeler que l’action en parasitisme est une action autonome, fondée sur l’article 1240 du Code civil, soit sur la responsabilité délictuelle.

Pour lire cet article sur le parasitisme en version plus détaillée, cliquez sur ce lien

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007397671&fastReqId=781988466&fastPos=1
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006437044

E-commerce : pas de concurrence déloyale pour la reproduction de photos de bouquets

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000021734255
TGI de Nancy, pôle civil – sec. 7 civile, jugement du 6 décembre 2019
Cour de cassation, 31 janvier 2018 / n° 15-28.352
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036584708
Cour de cassation, 24 octobre 2018, 16-23.214
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037556171
Cour de cassation, 4 juillet 2019, 18-21.554
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038762769?init=true&page=1&query=18-21.554&searchField=ALL&tab_selection=all