Intelligence artificielle

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Woody Allen l’a dit : « L’intelligence artificielle se définit comme le contraire de la bêtise humaine ». Cette phrase, à moitié pleine d’ironie, cache en réalité un constat indéniable : celui d’une avancée exponentielle en la matière.

La peur que les machines surpassent les hommes, est avec l’intelligence artificielle, une crainte bien réelle. Quand est-il lorsque cette machine crée un dommage ? Qui peut être tenu responsable ?

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Ces dernières années, l’intelligence artificielle s’est particulièrement développée et a été au cœur de nombreuses avancées. On peut notamment citer un exploit récent réalisé par l’intelligence artificielle AlphaGo créée par la société Deepmind, qui a, en 2016 été capable de batte le champion du monde de Go Lee Sedol. Ce jeu de plateau était pourtant réputé “impraticable” par une machine du fait des innombrables combinaisons possibles.

Même si ces nouvelles technologies fascinent, elles ne sont pas sans risque.

C’est donc naturellement qu’un débat autour de l’intelligence artificielle et plus précisément de la détermination du responsable (sur le plan civil comme pénal) dans le cadre d’un dommage causé par l’intelligence artificielle, ne fait pas encore consensus (I), il est pourtant essentiel de trouver une solution à des litiges de plus en plus fréquents (II).

I) Les enjeux du débat sur la responsabilité

Premièrement, nous devons définir précisément l’intelligence artificielle, et de ses différentes déclinaisons (A), pour ensuite se pencher sur la façon la plus pragmatique de définir le responsable en cas de litige (B).

A) L’intelligence artificielle : qu’est ce que c’est ?

Naturellement il convient avant toute chose de définir l’intelligence artificielle. Le terme générique caractérise en effet « l’ensemble de théories et de techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence » .

La paternité du terme d’intelligence artificielle est attribuée à John McCarthy. Ce terme a par la suite été défini par son compère Marvin Lee Minsky comme “la construction de programmes informatiques qui s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accomplies de façon plus satisfaisante par des êtres humains, car elles demandent des processus mentaux de haut niveau […]”.

Cette définition résonne tout particulièrement, en ce que la notion de temporalité y est parfaitement encadrée. « Pour l’instant » : le mot est lâché, et il sonne toujours plus vrai aujourd’hui puisque le progrès scientifique en la matière n’a jamais été aussi rapide et d’actualité.

Le propre de l’intelligence artificielle est d’emmagasiner de nombreuses connaissances et de constituer une base sur laquelle se fonder pour réaliser les tâches demandées, grâce à ses interactions avec l’environnement et son « expérience ».

« Tay », l’intelligence artificielle de Microsoft, est un « chatbot » qui fut lancée par l’entreprise sur le réseau Twitter et répondant parfaitement à cette définition en ce que sa mission consistait à discuter avec les internautes en s’inspirant du langage, du savoir et du comportement de ces derniers à son égard.

Pour autant, les concepteurs retirèrent du réseau le programme, après que celui-ci ait tenu des propos racistes et diffamatoires à l’encontre de la communauté, qui s’amusait à tester ses limites en faussant son apprentissage.


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L’intelligence artificielle se caractérise par le stockage de vastes quantités de connaissances et, par son interaction avec l’environnement et son «expérience», constitue la base pour l’exécution des tâches requises.

Microsoft a développé un « chatbot » nommé « Tay ». C’est sur le réseau social Twitter qu’elle a été lancée. La mission de cette IA consistait à discuter avec les utilisateurs tout en s’inspirant de leur langage et de leur comportement. Cependant, ce programme a été retiré du réseau social rapidement.

Cependant, après que le programme ait tenu des propos racistes et diffamatoires sur la communauté, les concepteurs ont retiré le programme du réseau

Ce cas, parmi tant d’autres, illustre parfaitement les dérives liées à l’intelligence artificielle, et pose donc la question de savoir : qui est responsable ??

Le Parlement européen, dans une résolution en date du 12 février 2019 sur « la politique industrielle européenne globale sur l’intelligence artificielle et sur la robotique », tente de définir la notion d’IA et le régime juridique qui doit lui être applicable. Le Parlement abandonne l’idée de donner à l’intelligence artificielle une personnalité juridique et vient plus observer les conséquences de l’intelligence artificielle sur le régime de responsabilité civile, par exemple. En effet, le droit de la responsabilité civile doit être adapté pour « tenir compte de l’intelligence artificielle et de la robotique ».

Dans un projet de règlement sur l’IA présenté en avril 2021, l’Union européenne vient confirmer cette position et refuse d’accorder la personnalité juridique à l’IA.

Ce projet apporte tout de même un certain cadre juridique. Il est prévu plusieurs niveaux d’intelligence artificielle selon les risques de cette dernière sur l’humain. Le premier niveau correspond aux IA avec un risque inacceptable. Ces IA sont interdites en raison de leur système qui pourrait par exemple « manipuler les personnes au moyen de techniques subliminales afin de modifier leur comportement ce qui causerait un préjudice à la personne ou un tiers ». Ce type d’IA concerne également le scoring social portant une atteinte disproportionnée à la liberté des personnes.

Le second niveau concerne les IA avec un risque élevé. Elles sont autorisées, mais elles doivent s’accompagner de mesures importantes pour démontrer que cette IA est bien conforme aux mesures de sécurité imposées en raison du niveau élevé de risque. Le troisième niveau est l’IA à faible risque, elle devra respecter un guide de conduite. Le dernier niveau concerne les IA à risques minimes qui ne font l’objet d’aucune exigence.

B) Comment déterminer un responsable ?

Par définition, et comme l’affirment certains, « la responsabilité civile du fait d’un individu ou d’une chose est inhérente à l’action humaine […] Seul l’individu est responsable de ses décisions conduisant aux actes et aux conséquences malencontreuses induites par la faillibilité humaine » .

Dès lors, la responsabilité du fait des choses place aujourd’hui l’objet sous la garde de celui qui en dispose par un pouvoir d’usage, de direction et de contrôle, et responsabilise donc ce dernier lorsque l’objet en question se trouve impliqué dans le fait dommageable.

Une telle réflexion pose problème, en effet, bien qu’elle s’applique parfaitement à toutes sortes d’objets, elle n’est pas adaptée à l’intelligence artificielle, car par définition, l’homme n’a pas (pleinement, du moins) les pouvoirs précités.

Le problème d’une telle réflexion, c’est qu’elle s’applique parfaitement à toute sorte d’objets, mais pas vraiment à l’intelligence artificielle sur lequel, par définition, l’homme n’a pas (pleinement, du moins) les pouvoirs précités.

L’intelligence artificielle, amenée à fonctionner de manière autodidacte, conserve naturellement cette part d’indétermination et d’imprévisibilité qui met en péril une telle responsabilisation de l’homme.

Stéphane Larrière affirme très justement que : « Dès lors, l’homme laisse la main à l’intelligence artificielle dans l’exercice de ses facultés augmentées par ce complément cognitif : il se réalise alors une sorte de délégation conférée à la machine pour décider et faire à sa place ».

Par conséquent, le régime qui semble être le plus favorable est celui de la responsabilité sans faute, celle du fait d’autrui, celle “permettant d’imputer les frais du dommage à celui qui était le mieux placé, avant le dommage, pour contracter l’assurance destinée à garantir le risque” (G. Viney, Introduction à la responsabilité, Traité de droit civil, LGDJ 2008, p.40).

Néanmoins, au vu de la multitude de cas possibles, cette détermination n’est pas des plus aisée.

Le rapport de la Commission européenne portant sur les conséquences de l’intelligence artificielle, de l’internet des objets et de la robotique sur la sécurité s’est attelé à la question de la responsabilité. La Commission retient que « bien que la directive sur la responsabilité du fait des produits donne une définition large de la notion de produit, celle‑ci pourrait être précisée pour mieux traduire la complexité des technologies ». Par conséquent, la Commission européenne considère qu’en matière d’intelligence artificielle,  le régime de la responsabilité du fait des choses n’a pas à s’appliquer.

II) Un débat de plus en plus fréquent

Si les accidents liés aux voitures autonomes sont fréquents ces derniers temps (A), ne sont pas à exclure les risques liés aux autres formes d’intelligences artificielles (B).

A) Le cas des voitures autonomes

La détermination d’une telle responsabilité est un débat que l’actualité place régulièrement sur le devant de la scène médiatique, et souvent pour le pire. C’est le secteur de l’automobile qui en fait les frais aujourd’hui ; deux accidents auront marqué les esprits ces dernières semaines.

Le premier, survenu le 19 mars dernier en Arizona, concerne l’entreprise Uber. Suite à des tests sur la voie publique, l’un de ses modèles autonomes a percuté un piéton, décédé par la suite de ses blessures.

Le système de l’automobile mis en cause, n’ayant pas activé le système de freinage avant l’impact, a contraint la société de suspendre ses activités dans le domaine . Pour autant, celle-ci soutient que l’automobiliste est à mettre en cause dans l’affaire.

Le deuxième accident récent concerne cette fois-ci Tesla et son modèle X, au volant de laquelle est décédé un conducteur 4 jours après le drame précédent.

Encore une fois, l’autopilote se trouve au cœur des débats, et si la famille de la victime accuse l’entreprise, celle-ci se dédouane de toute responsabilité en soulignant que la victime « n’avait pas les mains sur le guidon au moment de l’accident », et contre toute indication de la voiture l’invitant à prendre de telles mesures.

Le 12 février 2019, le Parlement européen a rendu une résolution dans laquelle elle vient aborder la question des voitures automatiques en disposant que « la prévalence de véhicules autonomes présentera des risques […] de défaillances techniques et va transférer à l’avenir la responsabilité du conducteur vers le fabricant, imposant aux compagnies d’assurances de modifier la manière dont elles intègrent le risque dans leur souscription ».
Ces affaires mettent en lumière tout l’enjeu de l’autonomie de l’intelligence artificielle face au pouvoir de contrôle du conducteur sur la chose, dans la détermination du responsable du fait dommageable.

Le 14 avril 2021, une ordonnance est venue prévoir un nouveau régime de responsabilité pénale applicable pour les véhicules à délégation de conduite. Par la suite, le gouvernement a précisé par décret le 29 juin 2021  les modalités d’application de l’ordonnance.

L’article 123-1 du Code de la route prévoit désormais que la responsabilité pénale du conducteur ne sera pas retenue dans le cas où l’infraction commise serait le résultat d’une manœuvre d’un véhicule dont les fonctions sont totalement déléguées à un système automatisé, si, au moment des faits ce système exerçait le contrôle dynamique du véhicule.

L’article 123-2 de ce même Code prévoit en revanche que la responsabilité pénale du constructeur sera quant à elle retenue. Le constructeur est tenu responsable des atteintes involontaires à la vie et à l’intégrité des personnes. Sa responsabilité sera retenue, si l’existence d’une faute est établie au moment où l’IA exerçait le contrôle dynamique du véhicule. Également,  dès lors qu’il y a un défaut de conception, le constructeur sera tenu responsable.

B) D’autres risques potentiels à envisager

Il existe également d’autres circonstances ou les questions de responsabilité civile ou pénale se posent.

L’exemple de l’intelligence artificielle “Tay” qui a déjà été cité laisse penser que l’on pourrait voir un jour survenir un litige portant sur des propos dénigrants, voir du harcèlement avec pour origine de ces délits, l’intelligence artificielle.

Il faut également se questionner sur les assistants personnels intelligents comme Siri, Alexa, ou encore Google Home, définis comme des  “agents logiciel qui peuvent effectuer des tâches ou des services pour un individu” .

L’utilisation quotidienne qui est faite de ces technologies par leur propriétaire repose sur le fait d’effectuer des actions simples (lancer une playlist, envoyer un message ou encore passer un appel). Cependant, ces assistants personnels intelligents peuvent aussi  être utilisés pour effectuer des recherches plus complexes, avec degré d’importance de la réponse qui peut varier, et par conséquent avoir un impact plus ou moins grave en cas d’erreur.

Une actualité récente démontre bien ces risques. En effet, en décembre 2021, c’est l’assistant vocal d’Alexa qui s’est retrouvé au cœur d’une polémique. Ce dernier a dû faire l’objet d’une mise à jour d’urgence par Amazon. Un enfant avait demandé à Alexa de lui proposer des défis à réaliser. L’assistant intelligent d’Amazon a proposé à l’enfant de jouer avec une prise électrique.

Bien que l’enfant se porte bien aujourd’hui, cette affaire force à se poser des questions quant à la responsabilité des assistants personnels intelligents.

Ces technologies vont être utilisées dans des domaines tels que le médical par exemple qui ne laisse pas de place à l’erreur. La question sur la détermination d’un responsable pourrait se poser, dans le cas où la machine apporterait un résultat erroné à un calcul. Mais la question est complexe, car bien souvent, de toute façon, ce calcul n’était pas réalisable par l’Homme.

On en revient à cette idée de délégation soulevée plus haut. Reste à savoir quels critères prédomineront en la matière, à mesure des avancées technologies, mais aussi, malheureusement, à mesure de la variété des accidents…

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SOURCES :
(1) http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/intelligence_artificielle/187257
(2) http://laloidesparties.fr/responsabilite-ia
(3) G. Viney, Introduction à la responsabilité, Traité de droit civil, LGDJ 2008, p.40
(4) https://www.numerama.com/business/336940-uber-suspend-ses-activites-dans-la-voiture-autonome-apres-un-mort.html
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Assistant_personnel_intelligent
Résolution du Parlement européen du 12 février 2019 sur une politique industrielle européenne globale sur l’intelligence artificielle et la robotique
https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-8-2019-0081_FR.html
Livre Blanc sur l’intelligence artificielle du 19 février 2020
https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/commission-white-paper-artificial-intelligence-feb2020_fr.pdf
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043370894
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074228/LEGISCTA000043371833/#LEGISCTA000043371833

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