« Parasitisme « entre deux sociétés

Ces dernières années, le domaine d’action du parasitisme a connu une expansion significative. À titre d’exemple, nous avons vu le parasitisme s’appliquer dans des litiges relatifs au logiciel informatique (Cass, 1ère civ. 13 décembre 2005), mais également à des signes distinctifs, à l’image de la panthère symbole de la Maison Cartier (Cour d’appel de Paris, 25 octobre 2015).

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Le parasitisme est souvent classé dans la catégorie des actes de concurrence déloyale, mais en pratique, il s’agit de deux actions bien distinctes. Le parasitisme a pour fondement la responsabilité civile délictuelle, tout comme la concurrence déloyale, mais ils ne sont pas soumis aux mêmes critères d’application.

À la différence de la concurrence déloyale, afin de caractériser le parasitisme, il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve d’un risque de confusion entre les produits ou les entreprises (souvent difficile à rapporter), ni d’un rapport de concurrence entre ces dernières.

Lorsque l’on est en présence de droits de propriété intellectuelle, le parasitisme est systématiquement invoqué concomitamment avec l’action en contrefaçon (II). Néanmoins, un fait délictuel préjudiciable subit par une entreprise peut être réprimé sur le fondement unique du parasitisme (I)


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I. La constitution du parasitisme :

Face au silence du législateur, c’est la jurisprudence qui s’est chargée de définir la notion du parasitisme (A) et à mettre en place les critères constitutifs (B)

A) Définition de la notion de parasitisme

Le parasitisme est « l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit sans rien dépenser de ses efforts et de son savoir-faire » (Cass. com. 26 janvier 1999 n° 96-22.457).

Il est fondé sur l’ancien l’article 1382 du code civil (nouvel article 1240 depuis 1 octobre 2016) et nécessite donc la réunion de trois éléments :

une faute,
un préjudice,
un lien de causalité entre les deux.
Selon un jugement du 28 septembre 2015 du Tribunal de commerce de Paris, la faute sanctionnée au titre du parasitisme est caractérisée par « la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique s’inspire ou copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements ».

Récemment, la jurisprudence est venue définir, de nouveau, les actes de concurrence parasitaire comme « l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire engagent la responsabilité de leur auteur. ». Le TGI de Nancy dans cette décision du 6 décembre 2019 a également précisé que pour caractériser le parasitisme il faut démontrer l’existence d’une faute ainsi que d’un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle.

B- L’élément matériel du parasitisme

Le parasitisme portant sur le travail et investissement d’autrui :
Le but est de réprimer ceux qui détournent à leur profit, le travail et les investissements réalisés par un concurrent. L’utilisation du travail d’autrui sans son consentement constitue donc un agissement parasitaire.

Certes, le travail en soi est détourné, mais au côté de ce critère existe celui de non-investissement.

C’est ainsi que le parasitisme n’est pas retenu dans le cas où aucune information concernant les investissements consacrés n’a été fournie. Il est donc nécessaire de prouver un réel travail intellectuel. Ce travail doit donc avoir nécessité un certain investissement, une intellection.

Ce travail doit être quantitatif, il doit pouvoir représenter une valeur économique. Cette valeur économique que le parasite a économisée en usurpant le travail d’autrui. C’est donc l’appropriation du travail d’autrui « sans bourse délier » (TGI Paris, 3e ch. Sect 4, 28 mai 2009) qui est condamnée. D’où l’importance de rapporter la preuve des investissements consentis.

La responsabilité délictuelle est alors engagée lorsqu’un « Qu’un tel comportement parasite, qui consiste à s’approprier à bon compte le travail et les investissements d’autrui » (CA Paris, 4e ch. 16 février 1994), mais pas seulement, car le parasitisme peut se traduire par une volonté de profiter illégalement d’une notoriété d’un concurrent.

Le parasitisme portant sur la notoriété d’une entreprise :
Il convient dans ce cas de rechercher si la société n’a pas cherché à se placer dans le sillage d’une société concurrente afin de tirer profit de « sa gloire ». Le but étant l’exploitation de la renommée du concurrent.

Le parasitisme portant sur la notoriété a été consacré à l’article L.713-5 du Code de la Propriété intellectuelle. Mais également par la jurisprudence, comme dans l’arrêt du 31 janvier 2018, où la Cour de cassation a caractérisé les actes parasitaires, considérant que la société parasitaire a indéniablement profité des efforts économiques de la société parasitée, que cette dernière avait déployée au fil des années pour construire sa notoriété

II. Le parasitisme : une action qui tend vers l’autonomie

Au travers des stratégies de défense, on remarque que le parasitisme est souvent invoqué en complément de la concurrence déloyale ou encore de la contrefaçon (A). Mais la tendance jurisprudentielle a tendance à évoluer afin d’en faire un fondement à part entier (B).

A) Le parasitisme : une action annexe/complémentaire

L’un des reproches que l’on peut faire au parasitisme, c’est qu’au fil des années, il est devenu une sorte de catégorie « fourre-tout ». Il est souvent invoqué par les entreprises qui ne sont pas titulaires de droits de propriété.

C’est pourquoi il convient de distinguer deux situations :

Dans la première, lorsque la société demanderesse est titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, elle a tendance à agir tant sur le fondement de la contrefaçon que celui du parasitisme.

Dans l’autre situation, en l’absence de droit de propriété, la société ne peut se fonder que sur le parasitisme.

Par le passé, la jurisprudence a longtemps été très accueillante dans la caractérisation du parasitisme en tant que fait distinct. Les juges avaient alors condamné sur le fondement du parasitisme «car indépendamment de la contrefaçon de l’image publicitaire […] la société poursuivie avait profité à moindre coût des efforts de conception et réalisation publicitaires de la société concurrente et les avait ainsi dévalorisés » Cass. 1ère civ., 19 octobre 2004.

La distinction citée ci-dessus se base sur le «fait distinct » qui est une notion assez floue de la jurisprudence et qui est désormais utilisé afin d’éviter le cumul des deux actions à savoir la contrefaçon et le parasitisme (Cass. Com., 19 janvier 2010).

Le principe du fondement distinct a également été repris dans un arrêt du 24 octobre 2018, la Cour de cassation considère que « la commercialisation d’une même gamme de produits est insuffisante à caractériser la commission d’actes de concurrence déloyale distincts de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon ». Il convient donc de bien distinguer les actes de concurrence déloyale et les actes de contrefaçon, à défaut la Cour de cassation considère qu’il y a une violation de l’article 1240 du Code civil.

B) Le parasitisme : une action autonome

Le parasitisme, loin de faiblir, fait l’objet d’une application autonome par la Jurisprudence.

Dans son arrêt du 13 décembre 2005 de la première chambre civile de la Cour de cassation, concernant un logiciel, la Cour écarte la contrefaçon au motif que la protection par le droit d’auteur ne joue pas lorsqu’il s’agit d’une idée, mais confirme l’arrêt de la Cour d’appel en condamnant la société pour parasitisme.

La Jurisprudence ne traite plus le parasitisme comme une action complémentaire à la contrefaçon. Les demandeurs fondent désormais leur défense (rarement, mais cela tend à croître) uniquement sur la base juridique du parasitisme (Cour d’appel de Paris du 25 octobre 2015).

La jurisprudence a également rappelé que l’action en parasitisme n’est pas subordonnée à l’exigence que l’objet de l’action soit protégé par un droit de propriété intellectuelle. En effet, un arrêt du 4 juillet 2019 est venu rappeler que l’action en parasitisme est une action autonome, fondée sur l’article 1240 du Code civil, soit sur la responsabilité délictuelle.

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Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007397671&fastReqId=781988466&fastPos=1
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006437044
https://www.legalis.net/actualite/e-commerce-pas-de-concurrence-deloyale-pour-la-reproduction-de-photos-de-bouquets/
https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000021734255
TGI de Nancy, pôle civil – sec. 7 civile, jugement du 6 décembre 2019
Cour de cassation, 31 janvier 2018 / n° 15-28.352
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036584708
Cour de cassation, 24 octobre 2018, 16-23.214
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037556171
Cour de cassation, 4 juillet 2019, 18-21.554
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038762769?init=true&page=1&query=18-21.554&searchField=ALL&tab_selection=all

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