RELATIONS COMMERCIALES ET APPEL D’OFFRES

Les relations commerciales sont parfois complexes. La recherche d’un meilleur rapport qualité-prix s’inscrit dans le quotidien du professionnel. Il faut toujours que l’offre excède la demande et que l’investissement coûte moins cher que le bénéfice qui en résultera pour être économiquement viable et dans le cadre de relations commerciales il n’y a rien de plus important que la viabilité économique. C’est pourquoi il existe l’appel d’offres.

La technique consistant en l’appel d’offres permet de trouver l’entreprise qui réalisera le produit ou le service au meilleur rapport qualité-prix. Les relations commerciales et appels d’offres vont de pair et recourir à l’appel d’offres conduira à avoir des coûts moindres que ceux qui auraient été normalement proposés.

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En outre, tout tracas lié à la recherche de cocontractant cessera d’exister. C’est ce dernier qui viendra à vous.  À première vue, les relations commerciales et les appels d’offres font donc bon ménage. Toutefois, cela ne suppose pas nécessairement que les relations commerciales et appels d’offres sont bénéfiques pour le cocontractant avec qui une relation commerciale habituelle existait.

Il est subjectif de considérer les relations commerciales et les appels d’offres comme bénéfiques ou négatifs. En effet, ce ne sont pas des notions faciles à appréhender.  Il est alors intéressant d’étudier l’impact des appels d’offres sur les relations commerciales, et plus particulièrement sur les relations commerciales établies.

L’appel d’offres désigne à une procédure permettant à un commanditaire de faire le choix de l’entreprise qu’il estime le plus à même de réaliser un ouvrage, de fournir un produit ou un service. L’appel d’offres permet de mettre en concurrence plusieurs entreprises qui se proposent d’effectuer l’ouvrage. Le commanditaire choisira généralement l’entreprise qui propose le meilleur service au meilleur prix.


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L’appel d’offres est susceptible d’affecter les relations commerciales. En vertu de l’article L442-6 du Code de commerce : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services : I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :

1° D’obtenir ou de tenter d’obtenir de l’autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ;

2° De soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

3° D’imposer des pénalités logistiques ne respectant pas l’article L. 441-17 ;

4° S’agissant des produits alimentaires et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie soumis au I de l’article L. 441-1-1, de pratiquer, à l’égard de l’autre partie, ou d’obtenir d’elle des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles prévues par la convention mentionnée à l’article L. 443-8 en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence.

[…] de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels. » (1)

Lorsque les relations commerciales sont établies et qu’un contractant rompt sans préavis les relations commerciales, il apparaît alors que cela constitue une rupture brutale des relations ouvrant droit à réparation.

L’appel d’offres va avoir un double impact dans ce contexte-là. En effet, il va premièrement rendre plus difficile la qualification de relations commerciales établies (I), et dans un second temps l’appel d’offres pourra constituer un préavis valable lors de la rupture des relations commerciales (II).

I. La pratique de l’appel d’offres à chaque renouvellement de contrat permettant d’écarter la qualification de relations commerciales établie

Il convient de mentionner que le nouvel article L.442-1 du Code de commerce modifié par la loi n°2021-1357 du 18 octobre 2021 dans son article 7 et 8, permet de sanctionner une rupture brutale des relations commerciales établies, mais de façon plus tempérée et simplifiée en comparaison avec l’ancien article L442-6 du Code de commerce. Il faut nécessairement qu’il s’agisse de relations commerciales, or selon cet article il s’agit de relations concernant « un producteur, commerçant , industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ».

Ce texte concerne de nombreuses personnes. La jurisprudence avait précisé que la relation commerciale porte sur la fourniture d’un produit ou d’une prestation de service (Cass.com. 23 avril 2003). De plus, il apparaît que l’article puisse s’appliquer, quel que soit le statut juridique de la victime du comportement incriminé (Cass.com 6 février 2007).

Cela étant, il faut nécessairement que les relations commerciales soient établies. Pour que les relations soient établies, plusieurs critères ont été émis par les juges. Ainsi, la durée est un critère important pour permettre de déterminer si les relations commerciales sont établies ou non. En effet, plusieurs arrêts ont estimé que des relations de 30, 20, 10 ou même deux ans constituent des relations commerciales établies.

Il convient de noter que l’article a vocation à s’appliquer que les relations commerciales soient d’une durée déterminée ou indéterminée. L’intensité de la relation est elle aussi prise en compte. Les juges doivent pour cela étudier l’historique des échanges, les investissements réalisés par les parties, les objectifs atteints, les prévisions d’activités ou encore la dépendance économique pouvant exister entre les parties.

Le critère de la stabilité est également pris en compte. À cet égard, la jurisprudence a dû s’interroger sur l’influence des appels d’offres sur la qualification de relations commerciales établies. Il a fallu savoir si le fait qu’un contrat soit renouvelé par un appel d’offres permet d’écarter la qualification de relations commerciales ou non.

Le 18 septembre 2008, la Cour de Versailles  s’est prononcée sur cette question et elle a indiqué que : « Or considérant que le recours à une mise en compétition avec des concurrents, avant toute commande, prive les relations commerciales de toute permanence garantie et les placent dans une situation de précarité certaine, ne permettant pas à la société ESGII de considérer qu’elles avaient un avenir certain dès lors que la procédure d’appel d’offres comporte par essence pour celui qui s’y soumet un aléa ; que la collaboration d’ESGII avec MONOPRIX était donc remise en cause à chaque appel d’offres et dépendait de celles soumises par les entreprises concurrentes sauf à détourner les principes régissant la procédure d’appels d’offres » (CA Versailles 18 septembre 2008 n°07-07891).

La Cour avait considéré le fait que les relations contractuelles soient renouvelées par le biais d’un appel d’offres rend la relation contractuelle précaire, puisque la mise en place des appels d’offres crée un aléa dans le choix du contractant. Ainsi, lorsque les relations commerciales sont basées sur des appels d’offres, celles-ci ne peuvent pas être qualifiées d’établies.

Néanmoins, dans un arrêt de la Cour de Versailles, du 27 octobre 2011, semble atténuer ses propos puisqu’elle énonce que « Le recours à un appel d’offres ne suffit pas à exclure par principe l’existence d’une relation commerciale établie au sens de l’article suscité sauf s’il peut être déduit de certaines circonstances ou événements entourant ou marquant cette relation commerciale, la précarité annoncée de la situation qui ne permet pas à la partie qui se prétend victime de la rupture d’avoir une croyance légitime dans sa pérennité ». Ainsi, la seule présence d’appels d’offres ne permet pas de déduire de la précarité des relations commerciales, l’appel d’offres ne permet pas d’écarter les relations commerciales établies de facto.

À cet égard, dès lors que le renouvellement d’un contrat intervient systématiquement par le biais d’un appel d’offres, cette pratique constitue un indice important pour qualifier la relation commerciale de précaire, et donc d’exclure la qualification de relations commerciales établies. Cela permet alors d’écarter l’application de l’article L442-6 du code de commerce, et de pouvoir rompre sans préavis la relation commerciale sans risque de causer une rupture brutale.

II. L’appel d’offres écrit constituant un préavis à la rupture des relations commerciales établies

Il convient de rappeler que l’ancien article L442-6 du Code de commerce prévoyait que lorsque l’on était en présence de relations commerciales établies, pour rompre cette relation il fallait impérativement établir un préavis écrit qui doit tenir compte de la durée de la relation commerciale et respecter la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce. Si le préavis n’avait pas été délivré, la responsabilité de l’auteur était engagée puisque la rupture des relations était qualifiée de brutale. Il devait réparer le préjudice subi par son cocontractant. Le préavis est donc une obligation.

Cependant, la rupture brutale des relations commerciales a été simplifiée avec le nouvel article L.442-1 du Code de commerce. Ce dernier dispose que l’auteur de la rupture des relations commerciales ne peut voir sa responsabilité engagée en raison du chef d’une durée insuffisante tant qu’il a respecté un préavis de 18 mois.

Cet article prévoit également l’hypothèse d’une inexécution par l’une des parties de ses obligations et le cas de force majeure. Si l’un des deux derniers cas se réalise, la faculté de résiliation des relations commerciales sans préavis est accordée à la partie concernée. (1)

En outre, le préavis doit être écrit. En effet sans un écrit le préavis n’est pas valable, ce qui signifie que la rupture est brutale même en présence d’un préavis non écrit. Il faut encore que le préavis soit non équivoque et qu’il précise bien le moment de la rupture des relations commerciales.

Cela dit, le préavis ne requiert pas de forme particulière. Il faut juste que celui-ci soit écrit. C’est ainsi que s’est posée la question de l’impact des appels d’offres sur la rupture des relations commerciales. Est-ce que le fait pour une entreprise de délivrer un appel d’offres équivaut à un préavis de rupture de la relation commerciale qu’il entretient avec son cocontractant ? Autrement dit est-ce que le seul fait de mettre en place un appel d’offres suffit pour éviter la qualification de rupture brutale des relations commerciales ?

La Cour de cassation s’est penchée sur cette question. Elle l’a tout d’abord fait dans un arrêt rendu par sa chambre commerciale le 6 juin 2001 où elle énonce qu’

« Attendu qu’en fixant le point de départ du délai de préavis à la date de notification de l’échec de la société Charpentier Armen à l’appel d’offres organisé par le GIE Elis, alors que la notification par le GIE Elis à la société Charpentier Armen, de son recours à un appel d’offres pour choisir ses fournisseurs, manifestait son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles dans les conditions antérieures et faisait ainsi courir le délai de préavis qu’elle a estimé à une durée de six mois, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations » (cass com 6 juin 2001 n° 00-20.831)

Ensuite, la Cour a  reconfirmé sa solution avec un arrêt du 20 février 2007 en énonçant « Mais attendu, d’une part, qu’ayant retenu qu’Usinor achats avait, en janvier et février 1999, lancé des appels d’offres pour les prestations de transport auxquels la société Daniel Grenin avait immédiatement répondu avant de baisser en juin 1999 les propositions tarifaires qu’elle avait initialement présentées, ce dont il se déduisait qu’Usinor achats avait manifesté, dès le début de 1999, à la société Daniel Grenin son intention de ne pas poursuivre les relations contractuelles dans les conditions antérieures et avait fait ainsi courir le délai de préavis et que, faute de satisfaire aux conditions techniques et financières de l’appel d’offres de 1999, il n’a plus été confié de transport direct à la société Daniel Grenin à compter du mois de janvier 2000, la Cour d’appel, a, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, pu décider que la rupture des relations commerciales avec IUP et SM concernant le transport n’était pas brutale » (Cass.com. 20 février 2007 n°04-14.446).

En s’appuyant sur ces deux arrêts, il semble que le fait de mettre en place un appel d’offres manifeste la volonté de la société émettrice de ne plus poursuivre les relations contractuelles avec son contractant, ce qui permet de faire courir le délai de préavis. Le seul fait d’établir un appel d’offres équivaut à un préavis, puisque celui-ci permet de manifester clairement au contractant l’intention de ne pas poursuivre les relations commerciales. L’appel d’offres écarte la qualification de rupture brutale des relations commerciales.

Il convient de noter que, dans ces arrêts, le point de départ du préavis n’est pas forcément la date de la notification de l’obtention du marché par le biais de l’appel d’offres, puisque la seule notification de l’intention de recourir à l’appel d’offres suffit.

Toutefois, la Cour d’appel d’Amiens le 9 mai 2006 (RG n° 05/01540, Auchan France c/ Laura Winner) a estimé que lorsque l’appel d’offres est « rédigé en termes généraux sans allusion à la pérennité du contrat en cours ne peuvent s’interpréter comme une rupture de relations commerciales ».

En effet, la jurisprudence semble poser certaines conditions à l’appel d’offres pour que celui-ci puisse être assimilé à une rupture des relations commerciales.

De son côté, la chambre commerciale dans un arrêt du 18 octobre 2011 (Cass.com. 18 octobre 2011 n°10-20.733) est venue rappeler clairement que l’appel d’offres doit impérativement être écrit. L’appel d’offres peut donc constituer un préavis, mais celui-ci doit être suffisamment clair et précis, mais surtout écrit pour jouer le rôle de préavis et écarter la qualification de rupture brutale des relations commerciales.

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 22 novembre 2016, a considéré que le régime de la rupture brutale des relations commerciales établies s’applique uniquement « aux cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial ».

En outre, dans un arrêt du 18 octobre 2017, la Cour de cassation a affirmé que le recours à la procédure de l’appel d’offres ne peut que conduire à la précarisation des relations commerciales. À cet égard, il est contraire à l’exigence de stabilité prévue par l’article L.442- II du Code de commerce.

Cet arrêt de principe a été consacré également par la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 15 avril 2021, qui énonce à son tour que le recours régulier à la procédure d’appel d’offres a pour effet la précarisation des relations commerciales tout en excluant l’application de l’article L.442-1 II du Code de commerce en cas de rupture de ces relations. (2)

Il convient de conclure que l’appel d’offres constitue une pratique dont les conséquences sont importantes sur les relations commerciales. En effet, soit l’appel d’offres pourra écarter la qualification de relations commerciales, soit celui-ci pourra permettre d’écarter la qualification de rupture brutale en étant considéré comme un préavis. C’est la raison pour laquelle l’appel d’offres constitue un outil utile pour encadrer les relations commerciales.

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Sources :