Contrefaçon : point de départ de la prescription

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Quel est le point de départ quand la contrefaçon est continue ?

En 1985, l’artiste Frédéric Jager avait conçu pour le Musée du cheval vivant aux Grandes écuries de Chantilly, une sculpture monumentale de trois mètres de hauteur représentant trois chevaux dans une demi-vasque circulaire intitulée « Fontaine aux chevaux » ou « La Prueva ».

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Après avoir eu connaissance de l’existence de reproductions illicites de son œuvre, l’artiste a lancé une procédure afin de déterminer leur origine et localisation.

C’est ainsi qu’a été découverte une reproduction exposée dans le Potager des Princes à Chantilly. Son caractère contrefaisant a été définitivement reconnu par arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 décembre 2008.


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En 2021, à la suite d’une tentative de règlement amiable infructueuse, l’artiste a finalement assigné la société le Potager des Princes et son gérant, en référé, afin de faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de l’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle.

Le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille ayant fait droit à ses demandes, la société Le Potager des Princes a interjeté appel devant la Cour d’appel de Douai. La Cour a infirmé l’ordonnance du juge des référés et rejeté l’ensemble des demandes de l’artiste au motif que son action était prescrite.

C’est dans ce contexte que Frédéric Jager a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Pour démontrer que l’action n’était pas prescrite, il a soutenu qu’en présence d’un délit continu (en l’occurrence constitué par la détention et l’exposition de l’exemplaire contrefait), le point de départ du délai de prescription se situait au jour de la cessation des actes contrefaisants.

La société Le Potager des Princes soutient quant à elle que le délai de prescription commençait à courir au jour où l’artiste a eu connaissance de la contrefaçon : au plus tard, le 15 octobre 2008. L’action était donc prescrite depuis le 16 octobre 2013.

En réponse, la Cour de cassation dans son arrêt du 15 novembre 2023 rappelle d’abord l’article 2224 du Code civil selon lequel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »

La Cour reconnait que la présence de la statue litigieuse dans le Potager des Princes a été connue de l’artiste dès le dépôt du rapport d’expertise du 3 septembre 2004 et que son caractère contrefaisant a définitivement été reconnu par arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 décembre 2008.

Ainsi, elle fixe le point de départ du délai au 17 décembre 2008 ; son expiration est donc intervenue le 17 décembre 2013.

L’auteur est désormais impuissant pour faire cesser l’exposition de cette statue contrefaisante dans le Potager des Princes.

C’est le lieu de rappeler qu’En droit français, la question de la contrefaçon et de la prescription en cas de délit continu suscite un intérêt juridique crucial. La contrefaçon, en tant qu’acte de reproduction ou d’utilisation non autorisée de biens protégés par des droits de propriété intellectuelle, soulève des interrogations complexes quant à la durée de la prescription.

Lorsqu’un délit est considéré comme continu, c’est-à-dire qu’il perdure dans le temps, la détermination du point de départ de la prescription devient un enjeu majeur pour les parties impliquées. Dans ce contexte, l’analyse des textes de loi, des jurisprudences et des doctrines spécialisées s’avère essentielle pour appréhender les spécificités de la prescription en matière de contrefaçon. Cette dynamique juridique exige une compréhension approfondie des mécanismes temporels et des principes fondamentaux régissant la prescription en droit français, afin d’appréhender de manière adéquate les implications et les conséquences de la perpétuation d’un délit de contrefaçon.

I. Qu’est-ce que la contrefaçon ?

A. Définition de la contrefaçon

La contrefaçon en droit français se réfère à la violation des droits de propriété intellectuelle tels que les droits d’auteur, les brevets, les marques, les dessins et modèles.  Voici un aperçu de ce que couvre généralement la définition de la contrefaçon en droit français :

  1. Contrefaçon en matière de droit d’auteur :

– La reproduction, la représentation ou l’exploitation d’une œuvre protégée sans l’autorisation de l’auteur.

– Cela peut inclure la reproduction totale ou partielle, la traduction, l’adaptation ou la distribution de l’œuvre sans consentement.

  1. Contrefaçon en matière de marques :

– L’usage non autorisé d’une marque identique ou similaire pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux protégés par la marque enregistrée.

  1. Contrefaçon en matière de brevets :

– La fabrication, l’utilisation, la vente ou l’importation d’un produit ou d’un procédé breveté sans l’autorisation du titulaire du brevet.

  1. Contrefaçon en matière de dessins et modèles :

– L’imitation ou la reproduction non autorisée d’un dessin ou modèle enregistré. En général, la contrefaçon est considérée comme une violation des droits de propriété intellectuelle et est sujette à des sanctions civiles et pénales.

Les tribunaux peuvent ordonner des dommages-intérêts, la cessation des actes de contrefaçon, voire des peines d’emprisonnement en cas de contrefaçon grave.

B. Importance du délai de prescription dans les affaires de contrefaçon

Il est essentiel de comprendre l’importance du délai de prescription dans les affaires de contrefaçon.

Le délai de prescription est le laps de temps pendant lequel une partie peut intenter une action en justice pour une infraction. Dans le contexte de la contrefaçon, il joue un rôle crucial pour garantir la protection des droits de propriété intellectuelle et la poursuite des contrevenants.

  1. Protéger les droits de propriété intellectuelle : Le délai de prescription permet de protéger les droits de propriété intellectuelle des entreprises. Les entreprises investissent des ressources considérables dans la création et le développement de produits originaux, et la contrefaçon peut gravement compromettre leur rentabilité. En fixant un délai de prescription, les lois sur la propriété intellectuelle permettent aux entreprises de prendre des mesures légales contre les contrefacteurs et de faire valoir leurs droits en justice.
  2. Encourager la répression de la contrefaçon : Un délai de prescription adéquat encourage la répression de la contrefaçon en permettant aux entreprises de prendre des mesures légales rapidement. La contrefaçon peut se propager rapidement et causer des dommages considérables en peu de temps. En limitant le délai de prescription, les tribunaux peuvent traiter les affaires de contrefaçon de manière plus efficace, dissuader les contrefacteurs potentiels et minimiser les pertes subies par les entreprises.
  3. Préserver l’intégrité du marché : Le délai de prescription joue également un rôle crucial dans la préservation de l’intégrité du marché. En prenant des mesures rapides contre les contrefacteurs, les entreprises peuvent protéger la réputation de leurs marques et éviter la confusion des consommateurs. Un délai de prescription approprié permet de maintenir un environnement commercial équitable et de garantir que les entreprises qui respectent les lois sur la propriété intellectuelle sont protégées contre les pratiques déloyales.

Le délai de prescription est crucial car il détermine la période pendant laquelle le titulaire des droits peut engager des poursuites pour contrefaçon.

C. Bases légales du délai de prescription en droit français

  1. Référence aux articles pertinents du Code de la propriété intellectuelle

Les articles du Code de la propriété intellectuelle français qui réglementent le délai de prescription en matière de contrefaçon sont les suivants :

– Article L. 716-4 : Cet article énonce que l’action en contrefaçon se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

– Article L. 716-6 : Cet article concerne les cas où l’infraction de contrefaçon est dissimulée. Il stipule que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire du droit d’auteur ou du droit voisin a eu connaissance de l’infraction ou aurait dû en avoir connaissance, même si cette connaissance intervient après l’expiration du délai de cinq ans.

– Article L. 716-7 : Cet article traite des cas d’actions en contrefaçon exercées par un ayant droit postérieur au titulaire initial du droit d’auteur ou du droit voisin. Il énonce que l’action en contrefaçon se prescrit par cinq ans à compter du jour où l’ayant droit postérieur a eu connaissance de l’existence de son droit et de l’identité du contrefacteur.

– Articles L. 716-8 à L. 716-11 : Ces articles fournissent d’autres précisions et dispositions relatives au délai de prescription en matière de contrefaçon, notamment en ce qui concerne les cas spécifiques liés aux droits voisins.

Il est important de se référer à ces articles pour comprendre les dispositions légales relatives au délai de prescription en matière de contrefaçon en droit français.

  1. Explication du principe de prescription en droit français

En droit français, le principe de prescription désigne la durée au-delà de laquelle une action en justice ne peut plus être engagée. Il vise à garantir la sécurité juridique en empêchant les litiges de ressurgir de manière indéfinie.

Les délais de prescription varient en fonction de la nature de l’action en justice (civile, pénale, commerciale, etc.) et sont prévus par la loi. Une fois le délai de prescription écoulé, le droit d’agir en justice est éteint.

 

II. Délai de prescription de l’action en contrefaçon

A. Durée du délai de prescription

En France, le délai de prescription de l’action en contrefaçon est de cinq ans.

L’article 2224 du Code civil dispose que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Cela signifie que, sauf exceptions prévues par la loi, les actions personnelles se prescrivent au bout de cinq ans à partir du moment où la personne concernée a eu connaissance des faits lui permettant d’agir en justice.

  1. Moment à partir duquel le délai commence à courir

Ce délai commence à courir à partir du jour où le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

L’article 2224 du Code civil dispose que « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

  1. Cas particuliers et exceptions

Des cas particuliers peuvent modifier le point de départ ou la durée de ce délai, notamment en cas de contrefaçon continue ou de dissimulation de l’infraction.

Dans ce cas, la prescription ne commence à courir qu’à partir du jour où la contrefaçon a cessé. Par exemple, si une œuvre protégée par le droit d’auteur est continuellement reproduite sans autorisation, la prescription de l’action en contrefaçon ne commence qu’à partir du jour où la reproduction cesse.

Toutefois, selon la Cour de cassation dans son arrêt du 15 novembre 2023 qui rappelle d’abord l’article 2224 du Code civil selon lequel « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. », reconnait que la présence de la statue litigieuse dans le Potager des Princes a été connue de l’artiste dès le dépôt du rapport d’expertise du 3 septembre 2004 et que son caractère contrefaisant a définitivement été reconnu par arrêt de la Cour d’appel de Paris du 17 décembre 2008.

Ainsi, elle fixe le point de départ du délai au 17 décembre 2008 ; son expiration est donc intervenue le 17 décembre 2013.

Il existe enfin des exceptions à la prescription de l’action en contrefaçons. Par exemple, dans certains pays, il n’y a pas de prescription pour les contrefaçons de marques. Cela signifie que le titulaire de la marque peut engager des poursuites même après de nombreuses années. De même, il peut y avoir des exceptions pour les contrefaçons intentionnelles ou répétées, où la prescription peut être prolongée.

Il est également important de souligner que la prescription de l’action en contrefaçons peut varier d’un pays à l’autre et dépendre des lois nationales en matière de propriété intellectuelle. Il est donc essentiel de consulter les lois spécifiques de chaque pays pour connaître les délais de prescription applicables.

B. Conséquences du dépassement du délai de prescription

  1. Perte du droit d’agir en contrefaçon

En droit français, le dépassement du délai de prescription en matière de contrefaçon peut entraîner la perte du droit d’agir en justice. En général, l’action en contrefaçon se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, conformément à l’article 2224 du Code civil. Si le titulaire d’un droit d’auteur, par exemple, découvre une contrefaçon plusieurs années après les faits, il peut se voir opposer la prescription et perdre son droit d’agir en justice contre le contrefacteur.

  1. Impact sur les recours disponibles pour le titulaire des droits

Lorsque le délai de prescription est dépassé, cela a un impact significatif sur les recours disponibles pour le titulaire de droits. En général, le dépassement du délai de prescription entraîne la perte du droit d’engager une action en justice pour faire valoir ses droits.

Tout d’abord, il est important de comprendre que le délai de prescription varie en fonction du pays et du type de droit en question. Par exemple, en matière de propriété intellectuelle, les délais de prescription peuvent varier pour les droits d’auteur, les marques commerciales, les brevets, etc. Lorsque le délai de prescription est dépassé, le titulaire de droits n’est généralement plus en mesure de demander des réparations financières pour la violation de ses droits. Cela signifie qu’il ne peut plus réclamer de dommages-intérêts ou de compensation financière pour le préjudice subi.

De plus, le dépassement du délai de prescription peut également entraîner la perte du droit d’obtenir d’autres mesures, telles que l’injonction pour faire cesser la violation des droits, la saisie des produits contrefaits ou même la suppression des contenus en ligne.

Il est donc essentiel pour le titulaire de droits de prendre des mesures dès qu’il a connaissance de la violation de ses droits, afin de respecter les délais de prescription et de pouvoir exercer pleinement ses recours en justice. Cela peut inclure l’envoi d’une mise en demeure à l’auteur de la violation, le dépôt d’une plainte ou la recherche de conseils juridiques spécialisés.

En résumé, le dépassement du délai de prescription a un impact significatif sur les recours disponibles pour le titulaire de droits. Il peut entraîner la perte du droit d’obtenir des réparations financières et d’autres mesures pour faire valoir ses droits. Il est donc important d’agir rapidement et de respecter les délais de prescription pour protéger ses intérêts.

Pour lire une version plus courte de cet article sur les délais de départ de la prescription en matière de contrefaçon, cliquez

Sources :

  1. Délai de prescription de l’action en contrefaçon : la Cour de cassation ne lâche pas la bride – TAoMA Partners (taoma-partners.fr)
  2. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 novembre 2023, 22-23.266, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  3. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 octobre 2009, 08-12.270, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  4. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 10 septembre 2013, 12-20.489, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  5. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 octobre 2021, 18-11.805, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  6. Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 28 mars 2006, 05-11.686, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
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