A propos de Murielle Cahen

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Articles de Murielle Cahen:

Rupture des relations commerciales

La rupture brutale de relations commerciales établies constitue une pratique restrictive de concurrence spécialement sanctionnée en droit français depuis une loi du 1er juillet 1996 dite « loi Galland ».

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Depuis l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, elle est visée à l’article L. 442-1, II du Code de commerce, lequel reprend, pour l’essentiel, les règles légales et jurisprudentielles établies en application de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce. Ces règles sont d’ordre public. La principale innovation issue de l’ordonnance du 24 avril 2019 tient dans l’instauration d’un délai de protection au bénéfice de l’auteur de la rupture : sa responsabilité ne peut désormais être engagée dès lors qu’il a respecté un délai de préavis de 18 mois.

L’auteur de la rupture engage sa responsabilité, non pas en raison de la rupture elle-même, mais du fait de la brutalité de cette dernière. Est donc sanctionnée la rupture qui intervient sans préavis, ou avec un préavis insuffisant au regard la durée de la relation et des autres circonstances. La responsabilité encourue est une responsabilité de nature délictuelle. Cependant, dans les litiges internationaux, les règles de conflit sont dans certains cas résolus à la lumière des dispositions applicables à la matière contractuelle.

Le contentieux relatif à la rupture brutale de relations commerciales établie relève en première instance de juridictions spécialisées et, en cause d’appel, de la seule Cour d’appel de Paris. En autres sanctions, l’auteur de la rupture brutale peut être condamné à réparer le préjudice subi par la victime du fait de la brutalité de la rupture ainsi qu’au paiement d’une amende civile sur demande du ministre chargé de l’Économie ou du ministère public.


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I. Conditions relatives à l’objet de la rupture

A) Existence d’une relation

La relation dont il est ainsi question est en effet « une notion plus économique que juridique » Cour de cassation, chambre commerciale du 9 mars 2010: décision jugeant que « des relations commerciales entre deux sociétés peuvent être établies même si elles ne sont pas liées par un contrat ou qu’elles peuvent se prolonger après la cessation de leur contrat ».

La relation au sens de ce texte s’entend de tout contrat à durée indéterminée, d’une succession de contrats à durée déterminée, d’une succession de contrats à exécution instantanée, la relation ne pouvant être d’ailleurs exclue du seul fait que les contrats sont indépendants les uns des autres et qu’ils ne s’inscrivent pas dans la mise en œuvre d’un accord-cadre.

Peut entrer dans le champ d’application du texte la rupture de relations précontractuelles. Ainsi en a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 mai 2009 dans une hypothèse de rupture de négociations en vue de la conclusion d’un contrat d’agent commercial si, en l’espèce, aucune relation contractuelle n’avait été définitivement nouée, les juges du fond ont néanmoins relevé que l’auteur de la rupture avait largement profité des prospections fructueuses de l’agent pendant 17 mois et que pendant cette période il l’avait occasionnellement présenté comme son « agent » et rupture abusive des pourparlers, celle-ci pouvant seule servir de fondement à la responsabilité de l’auteur de la rupture dès lors que les parties ne se sont pas accordées sur les éléments essentiels du partenariat (Cour de cassation, chambre commerciale du 15 mars 2017, n° 15-17.246 relevant notamment, pour juger que la victime de la rupture ne pouvait légitimement et raisonnablement anticiper la continuité de la relation dans l’avenir, que celle-ci s’inscrivait dans le cadre de pourparlers ayant pour objet de convenir de la nature et des modalités de la coopération entre les deux sociétés).

Dans un arrêt du 20 juin 2019, la Cour d’appel de Paris avait précisé que le caractère établi d’une relation est présumé dès lors que ce dernier n’est pas contesté par la victime présumée de la rupture des relations commerciales. Cette jurisprudence confirme ainsi l’existence d’une présomption quant au caractère « établi » des relations commerciales tant que la partie concernée n’a pas soulevé d’objections. (3)

B) Existence d’une relation commerciale

Selon la lettre de l’article L. 442-1, II du Code de commerce, seule la rupture d’une « relation commerciale » entre dans le champ d’application du texte. Ce critère peut être envisagé et appliqué de plusieurs manières. Dans la conception la plus stricte, la relation commerciale ferait écho à la commercialité au sens du Code de commerce. La relation commerciale serait alors celle qui se noue, de manière objective, autour de la conclusion d’un ou plusieurs des actes de commerce par nature visés aux 1 ° à 8 ° de l’article L. 110-1 du Code de commerce.

De manière subjective, la relation commerciale embrasserait les actes de commerce par accessoire au sens de l’article L. 110-1, 9 ° du même Code, la question se posant alors encore de savoir si l’auteur et la victime de la rupture doivent avoir tous deux la qualité de commerçant ou si la notion de relation commerciale peut appréhender les actes mixtes.

Cette acception littérale et étroite de la notion de relation commerciale pouvait déjà être assouplie à la lecture du premier alinéa de l’ancien article L. 442-6, I du Code de commerce qui disposait que les pratiques restrictives de concurrence sanctionnées par ce texte concernent celles dont l’auteur était « tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ». C’est donc une dimension subjective qui est ici mise en avant et qui plus est une dimension subjective qui dépasse la qualité de commerçant pour embrasser des acteurs tels que les artisans ou les agriculteurs qui, par essence, exercent une activité de nature civile.

Cette lecture de la notion de relation commerciale est entérinée par le nouvel article L. 442-1, II du Code de commerce, qui vise désormais « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ». La Cour de cassation avait déjà affirmé, précisément au double visa des articles L. 410-1 et L. 442-6 du Code de commerce, qu’une société d’assurance mutuelle dont l’activité est expressément qualifiée de non commerciale par l’article L. 322-26-1 du Code des assurances, pouvait être l’auteur d’une rupture brutale de relation commerciale établie et plus largement d’une pratique restrictive de concurrence. En effet, selon la Haute Juridiction, « le régime juridique des sociétés d’assurances mutuelles, comme le caractère non lucratif de leur activité, n’est pas de nature à les exclure du champ d’application des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence dès lors qu’elles procèdent à une activité de service ».

Sans attendre le nouveau texte, les prestataires de service avaient déjà fait leur entrée, par le soupirail de jurisprudence, dans la liste des auteurs susceptibles d’être convaincus de rupture brutale. Pour rejeter le pourvoi formé contre un arrêt d’appel qui avait écarté l’application de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce au profit d’une association, la Cour ne s’est pas fondée sur l’activité de celle-ci. Elle a en effet relevé qu’était inopérant le moyen du pourvoi reprochant à la Cour d’appel d’avoir rejeté la demande sur ce fondement alors qu’il n’était « pas allégué que l’Institut technique exerçât une activité de producteur, de commerçant, d’industriel ou de prestation de services, ou qu’il fût immatriculé au répertoire des métiers » et que, dès lors, il ne saurait être fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir écarté la responsabilité de ladite association sur la base de ce texte. La référence spontanée à l’activité de prestation de services s’inscrivait dans cette logique d’extension.

Il y a relation commerciale établie dans le « cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial ». Selon la Cour de cassation, le caractère établi est révélé par « la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale ».

Une certaine durée de la relation est un élément essentiel, mais non suffisant pour caractériser une relation établie. Corrélativement, une durée trop courte peut naturellement être disqualifiante. La Cour de cassation a ainsi jugé que n’était pas établie au sens de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce une relation qui n’avait duré que « quelques mois ». Il en va de même, a fortiori, d’une relation qui a été rompue d’au bout d’un mois (CA Paris, 13 mai 2016, n° 14/06140.

La  Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 31 mars 2021, a énoncé qu’un fournisseur de matériel dentaire ne peut pas bénéficier des dispositions relatives à la rupture brutale des relations commerciales dans ses relations avec un cabinet de chirurgiens-dentistes.

En l’espèce, un cabinet de chirurgiens-dentistes avait rompu ses relations commerciales avec un fournisseur de matériel dentaire. Ce dernier, s’estimant lésé, se fonde sur l’article L.442-6 du Code de commerce dans sa demande en paiement de dommages et intérêts devant le tribunal.

La Cour rappelle, en premier lieu, que l’article L.442-6 sanctionne et engage la responsabilité de tout commerçant, industriel, producteur ou personne immatriculée au répertoire des métiers ayant rompu brutalement une relation commerciale établie. Or, la Cour rajoute en second lieu, qu’en vertu de l’article R. 4127-215 du code de la santé publique, la profession dentaire « ne doit pas être pratiquée comme un commerce »

De ce fait, aucune relation commerciale n’existe entre les deux parties et, par conséquent, l’article L.442-6 du Code de commerce n’est pas applicable.

II. Conditions relatives aux circonstances de la rupture

A) Rupture brutale

En sanctionnant le fait « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie », l’article L. 442-1, II du Code de commerce a un domaine d’application très vaste. La rupture peut tout d’abord, bien entendu, être totale. Il en est ainsi de la résiliation d’un contrat à durée indéterminée, de la résiliation anticipée d’un contrat à durée déterminée ou encore au non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée arrivé à terme.

Mais la rupture contrôlée sur le fondement de ce texte peut donc, ensuite, n’être que partielle. Cette hypothèse nourrit l’essentiel de la jurisprudence sur la question. Il s’agit alors, dans le cadre d’une relation commerciale qui, par ailleurs, perdure, de déterminer les évènements qui constituent une rupture partielle de ladite relation. Autrement dit, la difficulté réside ici dans l’identification du seuil à partir duquel la décision unilatérale de l’une des parties, sans mettre un terme pur et simple à la relation commerciale, bouleverse à ce point son économie générale qu’elle est constitutive d’une rupture, fusse-t-elle simplement partielle. Cette idée de seuil s’exprime parfois à travers l’exigence d’une modification qu’ils qualifient de « substantielle ».

De surcroît, la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 mars 2019, affirme que : « l’absence de stabilité de la relation, exclusive d’une croyance légitime en leur continuité » entrave à la qualification de la relation commerciale d’établie et ne permet donc pas de sanctionner l’auteur de la dénonciation du contrat sur le fondement de la rupture brutale.

Ainsi, la seule baisse des chiffres d’affaires de la victime de la rupture des relations commerciales n’est pas suffisante à caractériser le caractère brutal de ladite relation. En effet, le demandeur doit démontrer dans quelle mesure cette rupture est brutale. (2)

B) Rupture brutale injustifiée

Il est des circonstances qui peuvent, en amont, écarter la qualification de rupture brutale. Tel est le cas, on l’a expliqué, de la baisse ou de l’interruption des commandes qui, loin d’être délibérée, ne sont que la résultante, par ricochet, de la propre diminution d’activité du donneur d’ordre. Puis il en est d’autres qui, la rupture brutale étant pourtant avérée sont, telles des causes d’exonération de responsabilité et alors que les conditions de cette dernière sont pourtant réunies, de nature à écarter la responsabilité de l’auteur de la rupture. Ces causes d’exonération sont, elles, d’origine légale. L’article L. 442-1, II du Code de commerce énonce en effet deux circonstances dans lesquelles une rupture sans préavis ne peut être sanctionnée.

Selon le texte en effet, « les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. La victime peut ainsi se voir opposer sa propre faute ou la force majeure. On relèvera d’ailleurs ici que, contrairement au droit commun. La faute de la victime — qui réside ici dans l’inexécution de l’obligation — sera d’une certaine manière totalement exonératoire de responsabilité sans avoir à réunir les caractéristiques de la force majeure.

Il convient de citer à cet effet, l’arrêt de la Cour de cassation du 27 mars 2019 cité précédemment, dans lequel la Cour avait énoncé également que le non-paiement des factures de son partenaire constituait un manquement suffisamment grave qui justifie ainsi la rupture immédiate des relations commerciales, et ce, sans préavis. (2)

Pour ce qui est de l’exigence d’un manquement grave – Bien que le texte ne mentionne que l’inexécution par l’autre partie de ses obligations, la jurisprudence a considéré que cette circonstance devait être entendue strictement, sauf à vider le mécanisme de sa substance. La rupture brutale ne peut en effet intervenir sans préavis qu’à la condition que le manquement reproché au partenaire évincé soit un manquement d’une certaine gravité. S’il s’agit d’un contrat en cours d’exécution, la gravité du manquement doit être telle qu’elle justifie la résiliation unilatérale et immédiate du contrat. Au surplus, dès lors que les manquements reprochés ont déjà fait l’objet d’une réparation, les juges du fond doivent rechercher si cette réparation n’est pas de nature à retirer à ces manquements leur caractère de gravité.

La qualification de l’inexécution est d’autant plus essentielle que l’exigence relative à la gravité du manquement est à double tranchant. Si le manquement est grave, la rupture brutale n’engage pas la responsabilité de son auteur. En revanche, si le manquement en cause n’atteint par le seuil de gravité requis, il ne peut être pris en considération notamment pour diminuer le délai de préavis dû à la victime, reprochant à la Cour d’appel d’avoir privé sa décision de base légale en s’abstenant de rechercher “s’il n’y avait pas de manquement grave [de la victime] à ses obligations contractuelles justifiant la rupture des relations commerciales sans préavis ou si, en l’absence d’un tel manquement, un délai de préavis de trois mois était suffisant”. L’appréciation de la gravité du manquement relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Il n’en demeure pas qu’ils doivent, dans leur motivation, caractériser la gravité du manquement. Une Cour d’appel ne peut ainsi se fonder sur la seule circonstance qu’un objectif de chiffre d’affaires n’a pas été réalisé, sans préciser en quoi cela constitue un manquement suffisamment grave.

En ce qui concerne la cause d’exonération – L’article L. 442-1, II du Code de commerce dispose ensuite, que la force majeure constitue, conformément au droit commun de la responsabilité — la précision peut donc paraître surabondante — exonérer l’auteur de la rupture. Il faut alors traditionnellement que l’évènement soit imprévisible, irrésistible et extérieur à la personne qui s’en prévaut. L’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile propose, dans son article 1253, une définition autonome et souple de la force majeure en matière extracontractuelle, matière sous l’angle de laquelle les juges français appréhendent traditionnellement ce contentieux.

Selon ce texte, “en matière extracontractuelle, la force majeure est l’événement échappant au contrôle du défendeur ou de la personne dont il doit répondre, et dont ceux-ci ne pouvaient éviter ni la réalisation ni les conséquences par des mesures appropriées”.

Il est important de préciser que la jurisprudence a produit une liste de critères permettant d’évaluer la durée nécessaire de préavis. Ces critères se résument au volume du chiffre d’affaires réalisé, à la notoriété du client, au secteur en question, à la durée de la relation commerciale entre les parties, à l’absence de dépendance économique du fournisseur, au caractère saisonnier du produit, au temps nécessaire à la reprise des relations commerciales avec un tiers et à la durée minimale des préavis par référencement aux usages de commerce. (4)

III. Sanctions de la responsabilité

A) Cessation de la pratique

Toute personne justifiant d’un intérêt, autrement dit la victime, ainsi que le ministre chargé de l’Économie et le ministère public peuvent solliciter du juge la cessation de la pratique illicite.

La continuation de la relation, le cas échéant en référé et sous astreinte. Rapportée à l’hypothèse de la rupture brutale, cette cessation consiste dans le maintien de la relation commerciale nonobstant sa rupture. Cette continuation est le plus souvent sollicitée en référés.

L’ancien article L. 442-6, IV du Code de commerce prévoyait que le juge des référés pouvait, au besoin sous astreinte, ordonner la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire. La formule est reprise dans le nouvel article L. 442-4, II, alinéa 3. Même en présence d’une contestation sérieuse (CPC, art. 873), le président du Tribunal peut donc ordonner la continuation de relation commerciale, et ce sous astreinte dès lors qu’il existe un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite.

B) Réparation

L’impérativité de l’article L. 442-1 nouveau du Code de commerce n’interdit pas aux parties de transiger sur les conséquences de la rupture brutale. Ainsi, selon la Cour de cassation, “si l’article L. 442-6 I 5 ° institue une responsabilité d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent renoncer, il ne leur interdit pas de convenir des modalités de la rupture de leur relation commerciale, ou de transiger sur l’indemnisation du préjudice subi par suite de la brutalité de cette rupture”.

Auteur de la demande de réparation – Depuis l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 et la nouvelle rédaction de l’article L. 442-4 du Code de commerce, seule la personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander réparation du préjudice subi du fait de rupture brutale. Contrairement à ce que prévoyait l’ancien article L. 442-6, III du Code de commerce, le ministre chargé de l’Économie et le ministère public ne peuvent donc plus formuler une telle demande de réparation.

Conditions de la réparation. Preuve d’un préjudice en lien direct avec la brutalité de la rupture – La brutalité de la rupture d’une relation commerciale établie n’ouvre pas nécessairement droit à réparation au profit de la victime. Encore faut-il que cette dernière rapporte la preuve que le préjudice existe, et qu’il entretient un lien direct avec le fait générateur de responsabilité délictuelle, à savoir la brutalité de la rupture et non la rupture elle-même.

Preuve d’un préjudice – La rupture brutale de relations commerciales établies, bien qu’illicite, ne crée pas nécessairement un préjudice pour le partenaire délaissé. Il revient donc à ce dernier, en premier lieu, de rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice. Doit être ainsi rejetée la demande en réparation de la société qui ne démontre ni le montant du chiffre d’affaires perdu depuis la rupture ni l’atteinte à son image de marque.

La réparation a vocation à compenser le dommage subi non du fait de la rupture elle-même, mais du fait de la brutalité de la rupture. Ainsi, selon la Cour de cassation, “seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non la rupture elle-même”. Plus encore, le dommage doit être la conséquence directe de la brutalité de la rupture.

Dès lors, les dommages qui résultent de la rupture elle-même ne sont pas réparables sur le fondement de l’article L. 442-1 du Code de commerce. Ainsi du coût des licenciements économiques consécutifs de la perte d’un marché ou encore de la perte partielle d’un fonds de commerce. Si le préjudice souffert est consécutif à la rupture elle-même, les plaideurs devront alors à agir non sur le fondement de l’article L. 442-1, II du Code de commerce, mais sur le terrain du droit commun de la responsabilité contractuelle pour rupture abusive pour peu la rupture soit fautive.

Pour lire une version plus détaillée de cet article sur la rupture des relations commerciales, cliquez

SOURCES :

  • (1) : Cass. com., 31 mars 2021, nº 19-16.139
    (2) : Cass. com., 27 mars 2019, 17-18.047
    (3) : CA Paris, 20 juin 2019, n° 17/0274
    (4) : Cass, com., 20 juin 2018, n° 16-24.163 ; Cass, com., 24 octobre 2018, n° 17-16.011, n° 17-21.807

Le cyber-harcèlement

La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a étendu l’incrimination du harcèlement moral au-delà de la sphère conjugale (C. pén., art. 222-33-2-1) et des relations de travail (c.pén.,art. 222-33-2). Cette infraction est désormais également caractérisée lorsqu’elle est commise sur internet. En pratique, internet étant un moyen de communication accessible dans toute la France (et même hors de ses frontières), tous les tribunaux du pays seront donc compétents.

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En effet, elle introduit au sein du Code pénal un article 222-33-2-2, lequel dispose que « le fait d’harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail », notamment « Lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique ».

La nouvelle notion de « harcèlement de meute » ou « raid numérique » a été introduite par la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. L’article 222-33-2-2 du Code pénal dispose, désormais, que le cyber harcèlement moral est constitué également :

« a) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;

b) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. »

Ainsi, toutes les personnes ayant participé à un harcèlement moral peuvent encourir des sanctions pénales en conséquence de leurs actions. (1)


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Le délit d’harcèlement moral n’est donc plus seulement réprimé dans des circonstances particulières, et est également applicable aux faits commis sur internet. Désormais, tout harcèlement moral peut être constitutif d’une infraction et est punissable d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende (hors circonstances aggravantes) (c. pén., art. 222-33-2-2). Les articles 222-33-2 et 222-33-2-1 ont également été légèrement modifiés afin de remplacer les “agissements” répétés du harcèlement moral par des “propos ou comportements” ;

Toutefois, les infractions de harcèlement moral au sein de l’entreprise et dans le couple demeurent. Dorénavant, le code pénal comporte une infraction générale et des infractions spécifiques relatives au harcèlement moral. Cet article prévoit des circonstances aggravantes notamment lorsque les faits ont été commis sur internet. Ce qui implique que l’harcèlement en ligne ou cyber-harcèlement est un délit enfin reconnu par la loi.

Par ailleurs, cette loi du 4 août 2014 instaure également l’incrimination du harcèlement par voie de messageries électroniques (courriels, messageries privées sur les réseaux sociaux…). L’article 222-16 du code pénal est complété́ afin d’ajouter l’envoi de plusieurs courriels malveillants à l’incrimination des appels téléphoniques malveillants et agressions sonores.

Tel qu’il a été modifié par la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, cet article précise également que : « Lorsqu’ils sont commis par le conjoint ou le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ces faits sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ». (3)

COMPETENCE DES TRIBUNAUX FRANCAIS

En matière délictuelle, le tribunal compétent est, en vertu de l’article 689 du code de procédure pénal et de l’article 113-2 du code pénal qui régissent l’application de la loi française et la compétence des tribunaux français, le lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire. Or, sur internet, le fait dommageable se produit dans tous les lieux où les informations ont été mises à la disposition des internautes.

Par conséquent, la victime de cyber-harcèlement pourra saisir le tribunal de son choix :

• la juridiction du lieu où demeure le défendeur,

• la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi (art. 46 NCPC).

Selon trois arrêts rendus le 22 janvier 2014, la Cour de cassation a jugé que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître des atteintes aux droits sur internet, dès lors que les contenus litigieux sont accessibles en France. Le lien de rattachement au public français, régulièrement exigé par les juges du fond pour justifier de leur compétence, ne semble plus devoir être démontré.

Dans le cas où le défendeur est domicilié dans l’un des Etats européens liés par le règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I), le tribunal compétent est :

• celui du lieu où le fait dommageable s’est produit, ou risque de se produire ».

• celui « du lieu où la personne lésée a le centre de ses intérêts » (CJUE 25 octobre 2011), qui « correspond en général à sa résidence habituelle » (CJUE 25 janvier 2014), en l’occurrence la France.

Pour la Cour de Justice européenne, « le critère de la matérialisation du dommage (…) confère compétence aux juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel le contenu mis en ligne et accessible ou l’a été ».

Elle précise également que l’expression « lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire » vise à la fois « le lieu de matérialisation du dommage » et « le lieu de l’évènement causal » défini comme « le fait dans lequel le dommage allégué trouve son origine », « de sorte que le défendeur peut être attrait devant le tribunal de l’un ou de l’autre de ces deux lieux ».

Les victimes de cyber-harcèlement pourront désormais non seulement saisir les tribunaux français, mais encore se prévaloir de la législation française et ce même si le ou les articles, commentaires offensants ne sont pas écrits en français.

I. La généralisation du délit de harcèlement moral

A. Les nouveaux contours juridiques du délit de cyber-harcèlement

Le harcèlement moral se définit comme une conduite abusive de toute personne, de tout groupe, de tout supérieur hiérarchique, collègue ou collaborateur, qui, sur une certaine durée, se manifestera par des comportements, des actes, des paroles, des écrits effectués de manière systématique et répétée, visant la même personne ou le même groupe de personnes, dans le but implicite ou explicite de porter gravement atteinte à sa personnalité, à sa dignité et à son intégrité psychique ou physique, ainsi qu’à sa condition de vie.

Dans un arrêt en date du 26 septembre 2014, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés ses agissements. De plus, la répétition des agissements est nécessaire à la caractérisation de l’harcèlement moral. La dégradation des conditions de vie et les conséquences sur la victime sont également des éléments particulièrement analysé en matière d’harcèlement moral.

La généralisation du délit de harcèlement moral vise notamment à sanctionner l’usage des nouvelles technologies, et en l’occurrence d’internet, pour humilier de manière répétée une personne ; comme par exemple via les téléphones portables, messageries instantanées, forums, chats, jeux en ligne, courriers électroniques, réseaux sociaux, site de partage de photographies etc.

Facebook est souvent le réseau social le plus exposé à ce genre de lynchage public. Sur cet espace dédié, des internautes viennent insulter, en général de manière anonyme, la victime et ne cessent de la harceler.

Le harcèlement moral sur internet peut également prendre d’autres formes. En effet, tout ce qui nuit à une personne peut être considéré comme harcèlement : détournement d’identité, profil et compte de messagerie piratés, intimidation, création de faux profils…

On parle d’harcèlement sur Internet lorsqu’une personne est victime d’humiliations, de moqueries, d’injures, voire de menaces physiques sur la toile.

Selon le Ministère de l’Education Nationale, le cyber-harcèlement est un « acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule ».

Le harcèlement moral est désormais réprimé sans tenir compte du contexte dans lequel il se manifeste. Le législateur a pris conscience qu’il existe des situations diverses et variées, autres que les relations de travail ou de couple, dans lesquelles la fragilité de la personne est mise à l’épreuve.

À cet égard, les nouvelles techniques constituent, bien sûr, des moyens efficaces de « persécution ». Le cyber-harcèlement, évoqué dans les travaux parlementaires, est une réalité. Nul besoin d’entrer physiquement en contact avec sa victime pour la tourmenter. De fait, la loi du 4 août 2014 a modifié la définition du délit en remplaçant le terme « agissements » par « propos et comportements », élargissant ainsi le champ des faits susceptibles d’être sanctionnés.

B. Les circonstances aggravantes propres au nouveau délit de cyber-harcèlement

La pratique montre que de très nombreux adolescents se disent victimes de harcèlement sur internet. Le préjudice pour les victimes est souvent gravissime dans la mesure où les propos peuvent rester accessibles au public longtemps après les faits.

C’est pourquoi la sanction pourra être alourdie à trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque la victime est considérée comme “vulnérable”, ce qui pourra être le cas d’enfants ou de jeunes adolescents, de femmes enceintes, de personnes âgées ou de personnes handicapées physiques ou mental :

(…) Lorsqu’ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ; Lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne.

Ainsi, en début d’année 2016, un cyber harceleur anglais a été condamné par le TGI de Paris, pour persécution et harcèlement moral sur internet contre une personne âgée et malade de surcroit, bien que les propos retenus ne soient pas de la diffamation proprement dite selon le tribunal.

De même, le juge des référés du TGI de Paris a estimé que la diffusion répétée de 34 articles contre un couple, caractérisait le délit de cyber-harcèlement. (ordonnance du 26 mars 2016) Le juge a listé les url de chacun des articles et a ordonné leur retrait.

Pour que le délit puisse être sanctionné, il faudra néanmoins démontrer le caractère répété des propos qui caractérise le harcèlement. Ainsi, le nouveau délit n’a pas vocation à remplacer ou à se substituer au délit d’injure, de dénigrement ou au délit de diffamation, qui permet de poursuivre des propos pris isolement.

II. Cyber-harcèlement et autres atteintes sur internet

Jusqu’à la création de l’article 222-33-2-2 du Code pénal, l’arsenal juridique à la disposition des victimes d’actes de harcèlement sur internet n’était pas satisfaisant.

Certes, il était possible de poursuivre l’auteur de propos diffamants ou injurieux sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou sur le terrain du droit à l’image.

Toutefois, la loi de 1881 a volontairement instauré de nombreux garde-fous afin de protéger la liberté d’expression. Il était donc très compliqué, pour les victimes d’actes de harcèlement, de faire condamner l’auteur de propos abusifs au visa de la loi de 1881.

En outre, il n’était pas plus facile de faire retirer des propos nuisibles publiés sur internet, notamment parce que les délais de prescription, c’est-à-dire le délai dans lequel il est possible de se plaindre, sont très courts quand ils sont relatifs à la diffamation ou à l’injure : trois mois à compter de la première mise en ligne, y compris sur internet.

Injure

La loi du 29 juillet 1881 sur les infractions de presse réprime de nombreux agissements : propos diffamatoires, injurieux ou dénigrant. Mais attention, les juges exigent que les fondements et les infractions soient clairement distingués.

L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit également l’injure : « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ». Il existe cependant une excuse de provocation.

L’injure, regroupe par exemple toutes les expressions visant une personne et qui manifestent un mépris, une critique infondée. Ce qui est pris en compte c’est à la fois les mots prononcés mais également la manière dont ils sont dits ou écrits.

C’est ce dernier point, l’absence d’imputation de fait précis qui fait la différence, parfois difficile à apprécier, entre l’injure et la diffamation.

Une injure publique est réprimée par la loi de 1881 (article 33), qui la punit d’une amende de 12 000 euros. L’auteur d’une diffamation publique encourt quant à lui une peine d’emprisonnement d’un an et/ou 45 000 euros d’amende.

Diffamation

Ce même article de la loi de 1881,définit la diffamation comme le fait de porter atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne lui imputant un fait précis. Une simple critique ou appréciation de valeur ne peut constituer une infraction.

Publique ou non publique

Les sanctions ne sont pas les mêmes selon une l’infraction en cause s’est faite par voie de presse (publiquement), y compris par voie électronique depuis la LCEN ou de manière privée. Si l’infraction a eu lieu publiquement, sur internet par exemple, il s’agit d’un délit et non d’une contravention et les sanctions sont plus sévères : amende et peine d’emprisonnement.

Un auteur poursuivi pour diffamation ou injure peut démontrer qu’il a tenu les propos en cause dans un but légitime et exclusif de toute animosité personnelle, il s’agit de produire des éléments prouvant la réalité des faits ou bien faire la démonstration de sa bonne foi (exception de vérité).

Dénigrement

Le dénigrement consiste à discréditer publiquement une personne ou une entreprise. C’est un usage fautif de la liberté d’expression, au sens de l’article 1382 du Code civil dès lors que l’auteur du dénigrement a le dessein de nuire et porte préjudice à autrui. Dans le cadre du dénigrement, la victime pourra réclamer des dommages et intérêts.

Le délai pour faire une action en justice dans ce cas est plus long que les 3 mois à compter de la parution des propos offensants, des infractions de presse.

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Sources :

LOI n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ;
Réagir en cas de harcèlement en ligne, 11 février 2019 https://www.cnil.fr/fr/reagir-en-cas-de-harcelement-en-ligne
LOI n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales
https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques/affaire-mila-loi-schiappa-contre-cyber-harcelement-et-raids-numeriques-fait
http://www.lepetitjuriste.fr/droit-penal/droit-penal-general/la-nouvelle-definition-du-harcelement-moral/
http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/harcelement-moral-definition-sanctions-4339.htm#.VtmWbLQU1p8
http://www.dalloz.fr.
https://neoigspolicenationale.wordpress.com/2012/10/13/lois-et-sanctionsinjures-diffamation-atteinte-a-la-vie-privee-sur-internet/
http://www.avocats-picovschi.com/diffamation-injure-ou-denigrement-sur-internet-quelles-solutions-pour-les-victimes_article_871.html

LE NON-RESPECT DE LA CLAUSE DE CONFIDENTIALITÉ, QUELLES SANCTIONS ?

La clause de confidentialité diffère de la clause de non-concurrence qui se limite dans le temps et dans l’espace. C’est la clause par laquelle l’entreprise entend protéger un savoir-faire qui lui est propre. De fait, les obligations liées au respect de cette clause interdisent aux salariés d’utiliser directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, les connaissances acquises à l’occasion de leur travail, y compris après la cessation de son contrat de travail. Dans ce cadre, quelles sanctions pour le non-respect de cette clause de confidentialité par les salariés ?

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Bien que l’article L1227-1 du Code du travail encadre le secret de fabrique, qui concerne à proprement parler le secret lié au procédé de fabrication des produits de l’entreprise et dont la violation constitue un délit, aucune disposition du Code du travail ne prévoit expressément le régime de la clause de confidentialité. Celle-ci sera donc prévue dans ses modalités soit directement au sein du contrat de travail liant le salarié à son employeur, soit par un accord collectif.

Cela étant, l’article L1121-1 du même Code prévoit que le non-respect de la clause de confidentialité peut être sanctionné, notamment, à condition que celle-ci fût « justifiée par la nature de la tâche à accomplir (et) proportionnée au but recherché ».

La loi 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires transposant la directive européenne 2016/943 du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulguées (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites en droit interne, n’a pas apporté de modification substantielle quant à la réparation civile. Cela dit, cette directive a introduit une grille d’analyse harmonisée permettant le calcul du montant du préjudice susceptible d’être réclamé.

Dans la plupart des systèmes juridiques, et en particulier le nôtre, il n’existe pas à proprement parler de protection légale de « la donnée confidentielle ». L’entreprise ne les protège contre le risque de divulgation que si elle le juge opportun. La protection de ces données est donc essentiellement contractuelle.


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Il convient alors de se demander si, en l’absence de dispositions légales, le salarié peut ou non être sanctionné pour la diffusion d’informations confidentielles sur son entreprise ? S’il est vrai que la législation ne prévoit rien en ce qui concerne la clause de confidentialité, son non-respect (1) est tout de même sanctionné par la jurisprudence (2)

I) Le non-respect de la clause de confidentialité…

La notion de clause de confidentialité est essentielle dans les entreprises (A). Un certain nombre de sanctions sont d’ailleurs prévues en cas de violation (B).

A) La notion de clause de confidentialité

Les salariés peuvent être tenus, indépendamment de son obligation générale de discrétion en vertu de leur contrat de travail, à des clauses dites de confidentialité qui leur interdisent de divulguer certaines informations expressément identifiées comme « confidentielles ». Cette clause s’impose à tous les salariés, même en l’absence de stipulation expresse. Elle est essentielle et doit être imposée à toute personne susceptible d’avoir accès au savoir-faire.

La clause de confidentialité se rapporte aux secrets de fabrication, aux secrets d’affaires ou aux secrets liés aux matières personnelles ou confidentielles, dont l’employé peut avoir connaissance dans le cadre de son activité professionnelle. Et peut-être, plus ou moins large selon l’emploi occupé. En effet, les salariés de l’entreprise, du moins ceux ayant accès aux informations stratégiques et à l’innovation, peuvent être tenus d’une obligation de confidentialité, tant durant leur contrat de travail, qu’après la fin de celui-ci.

Finalement, des dispositions pénales prévoient que l’employé doit s’abstenir de communiquer à des tiers les secrets de fabrication, qu’ils soient ou non liés à ses tâches, à des fins malveillantes ou frauduleuses : « le fait, par tout directeur ou salarié d’une entreprise où il est employé, de révéler ou de tenter de révéler un secret de fabrique est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ».

B) La diversité des sanctions en cas de violation

Le droit du travail, contre toute attente, ne prévoit rien en ce qui concerne la clause de confidentialité. En effet, les conséquences en cas de non-respect de cette obligation sont en pratique, fixées par la jurisprudence. Selon celle-ci, l’employeur lésé en raison du non-respect de l’obligation de confidentialité peut, pendant la durée du contrat de travail, réclamer à l’employé des dommages et intérêts.

Toutefois, la responsabilité est limitée pendant l’exécution du contrat de travail. Cela signifie que l’employé ne peut être tenu responsable que de son comportement ou de sa faute grave. En cas de faute mineure, il ne pourra en être tenu responsable que si la faute n’est pas fortuite.

De surcroît, après la fin du contrat de travail ou pour les actes qui ne tombent pas sous la relation professionnelle, l’employeur ne pourra réclamer des dommages et intérêts que sur la base des dispositions de droit commun.

Néanmoins, le règlement interne peut prévoir des sanctions spécifiques, propres à l’entreprise. À titre d’exemple : des amendes, des avertissements… Un manquement grave à l’obligation de confidentialité peut même mener au licenciement pour motif urgent. Enfin, si l’employé agit dans l’intention de nuire à l’employeur ou d’en tirer illégalement profit pour lui-même ou pour autrui, il s’expose à une peine de trois mois à trois ans d’emprisonnement et à une amende. Mais ça, c’est à la jurisprudence d’en décider.

II) … sanctionné par la jurisprudence

Outre l’affirmation de la licéité des clauses de confidentialité se prolongeant après la cessation du contrat de travail (A), la Cour de cassation sanctionne fermement tout manquement à son encontre (B).

A) La clause de confidentialité : applicable après la rupture du contrat de travail

La Cour de cassation, dans un arrêt du 19 mars 2008, admet la validité d’une clause de confidentialité se prolongeant après la cessation du contrat de travail. En l’espèce, l’affaire portée devant les juges opposait un célèbre guide gastronomique à l’un de ses salariés lié par une telle clause. Menaçant de publier un livre révélant les procédés d’élaboration du guide, le salarié est licencié pour faute grave en raison notamment « des violations répétées et délibérées des obligations résultant de son contrat de travail ».

Le salarié intente une action devant le Conseil de prud’hommes pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et publie son livre. La société forme alors une demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour violation de la clause de confidentialité insérée dans le contrat de travail du salarié. La Cour d’appel de Paris approuve le licenciement en raison de la violation par le salarié de son obligation de discrétion valable pendant l’exécution du contrat de travail. En revanche, elle rejette la demande de l’employeur au motif que la clause de confidentialité ne s’applique pas après la rupture du contrat de travail.

La Cour de cassation approuve la position des juges du fond quant au motif du licenciement, mais censure leur décision concernant la clause de confidentialité. La Cour suprême estime, en effet, qu’une telle clause « peut valablement prévoir qu’elle s’appliquera après la fin du contrat de travail et que l’inexécution par le salarié de l’obligation de confidentialité postérieurement à son départ de l’entreprise le rend responsable du préjudice subi par celle-ci, même en l’absence de faute lourde ». Il est donc clair que la clause de confidentialité se prolonge même après la cessation de son contrat de travail.

En principe, ce manquement est sanctionné par le versement de dommages et intérêts à l’employeur. A cet égard, la Cour d’appel de Dijon, dans un arrêt rendu le 15 octobre 2020, précise que « celui qui contrevient à une obligation contractuelle de ne pas faire doit des dommages et intérêts par le seul fait de la contravention, peu important qu’il ne soit justifié d’aucun préjudice ».

De ce fait, un salarié peut engager sa responsabilité du simple manquement à son obligation contractuelle. En effet, la preuve de l’existence d’un préjudice n’est pas exigée.

B) Toute violation à la clause de confidentialité : fermement sanctionnée

Le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 28 septembre 2010, a condamné la société GS1 (spécialisée dans la fourniture de produits et services liés à la traçabilité) à verser trois millions d’euros de dommages-intérêts pour avoir violé plusieurs clauses de confidentialité, de propriété intellectuelle et de non-concurrence. En l’espèce, GS1 avait, dans un premier temps, lancé un appel d’offres pour la phase pilote de son projet logiciel, en exécution duquel la société TRACEVAL (qui diffuse des standards dans la chaîne d’approvisionnement) avait notamment livré un cahier des charges et des éléments couverts par lesdites clauses.

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 30 septembre 2020, s’est prononcée sur le licenciement pour faute grave d’une salariée ayant manqué à son obligation de confidentialité.

En l’espèce, il s’agissait d’une salariée engagée en qualité de chef de projet export par la société Petit Bateau. Cette dernière a été notifiée de son licenciement pour faute grave par lettre. La salariée avait manqué à son obligation contractuelle de confidentialité par la publication sur son compte Facebook d’une photographie de la nouvelle collection qui avait été présentée exclusivement aux commerciaux de la société.

Elle avait saisi le Conseil de prud’hommes pour contester son licenciement. La Cour de cassation a confirmé la position de la Cour d’appel qui avait admis le licenciement pour faute de la salariée.

Il convient de préciser que, en outre des sanctions disciplinaires auxquels s’expose le salarié, ce dernier s’expose également au paiement d’un montant considérable de dommages et intérêts en fonction de l’ampleur des informations divulguées ainsi que du contenu de la clause de confidentialité.

Pour lire une version plus complète de cet article sur le non respect de la clause de confidentialité, cliquez

Sources :

  • : LOI n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires
  • : Cour d’appel de Dijon, Chambre sociale, 15 octobre 2020, n° 18/00959
  • : C.Cass., Soc, 30 septembre 2020, n° 19-12.058

Le refus opposé le 9 mars 2021 par l’USPTO à l’enregistrement du modèle de sac « Saddle bag » de Christian Dior

Selon l’article L711-1 en vigueur depuis le 15 décembre 2019 « La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales.

Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire ».

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La propriété d’une marque s’acquiert par l’enregistrement.

La demande d’enregistrement de la marque est déposée auprès de l’Institut national de la propriété industrielle – INPI – par toute personne, physique ou morale, ayant ou non une activité commerciale, agissant elle-même, ou par l’intermédiaire d’un mandataire.

La demande d’enregistrement peut, le cas échéant, consister en la transformation d’une demande ou d’un enregistrement de marque de l’Union européenne ou international.

La demande est présentée sur un formulaire, qui doit obligatoirement comporter des indications relatives à l’identification du demandeur, au modèle de la marque, ainsi que la liste des produits et services auxquels la marque s’applique.

L’examen de la demande d’enregistrement est effectué par l’INPI et porte tant sur les conditions de forme que les conditions de fond que doit respecter la demande.


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Les titulaires (ou bénéficiaires d’un droit exclusif d’exploitation) d’une marque antérieure, d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique disposent d’un délai de 2 mois à compter de la publication de la demande d’enregistrement au Bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI) pour s’opposer à l’enregistrement de la marque. Tout tiers peut, par ailleurs, déposer des observations auprès de l’INPI dans ce même délai.

Le directeur général de l’INPI apprécie le bien-fondé de l’opposition par comparaison des droits en présence, ainsi que des produits et services pour lesquels ils sont protégés, afin de déterminer si la marque seconde porte atteinte aux droits antérieurs invoqués. Sauf pour les marques identiques désignant des produits ou des services identiques (hypothèse de la reproduction), l’appréciation de l’imitation s’effectue par la comparaison des marques prises dans leur ensemble et la recherche d’un risque de confusion incluant le risque d’association dans l’esprit du public (hypothèse de l’imitation).

À l’issue d’une procédure contradictoire, le directeur de l’INPI prononce le rejet total ou partiel de la marque contestée ou rend une décision de rejet de l’opposition. La décision peut faire l’objet d’un (de) recours porté(s) devant une cour d’appel.

Si la marque n’est pas rejetée, elle est enregistrée par l’INPI, et cet enregistrement est publié au BOPI.

À compter de la date du dépôt de la demande – voire de la date de priorité revendiquée lors du dépôt, la marque est opposable aux tiers, et protégée, sous réserve de son enregistrement, pour une durée de 10 ans, renouvelable qui se calcule à compter de la date de dépôt. Elle est par ailleurs soumise à l’obligation d’usage dans les cinq ans qui suivent la publication de l’enregistrement.

En outre, le titulaire peut étendre sa marque française par le biais d’une marque internationale désignant les États-Unis auprès de l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle). Réaliser ce dépôt dans le délai de priorité de 6 mois permet de bénéficier de la date de dépôt de la marque française et de s’opposer à un éventuel dépôt concurrent effectué dans l’intervalle.

L’OMPI traduit la demande en anglais et procède au dépôt auprès de l’USPTO.

Ce dépôt se base sur l’intention d’usage et nécessite une déclaration d’intention d’usage, qui n’est pas accompagnée de preuves. Les premières preuves devront être communiquées la sixième année suivant l’enregistrement de la marque. Elle est protégée durant dix ans et renouvelable éternellement, si elle est exploitée.

I) Dépôt de marque aux États-Unis : mode d’emploi

La marque est un signe de rattachement d’un produit ou d’un service à une entreprise. En tant qu’élément d’identification du produit, elle protège le public contre une confusion sur l’origine du produit.

Aux États-Unis, la pierre angulaire de tout dépôt est l’usage dans le commerce de la marque. Devant l’office américain des marques (USPTO), deux modes de dépôts sont proposés en fonction de l’usage actuel ou futur de la marque. Le régime « Use in Commerce Application » ou le dépôt sur la base de l’usage antérieur nécessite d’apporter la preuve d’utilisation du signe au jour du dépôt. Le régime « Intent to Use Application » ou le dépôt sur la base de l’intention d’usage permet de protéger des marques non encore exploitées, mais qui devront l’être dans un futur proche. La marque doit être distinctive à savoir non descriptive des produits et services qu’elle vise.

L’expression « l’usage de la marque en tant que marque », permettant à la marque d’acquérir la distinctivité, « doit donc être comprise comme se référant seulement à un usage de la marque aux fins de l’identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d’une entreprise déterminée » (att. 29), et cette identification « peut résulter aussi bien de l’usage, en tant que partie d’une marque enregistrée, d’un élément de celle-ci que de l’usage d’une marque distincte en combinaison avec une marque enregistrée […] » (att. 30). La jurisprudence communautaire et la jurisprudence française montrent donc plus de souplesse que la jurisprudence française inspirée de la Convention de Paris.

Sa représentation peut prendre la forme d’un produit commercialisé par l’entreprise en tant que marque tridimensionnelle comme, dans le domaine de la mode, la forme d’un sac ou d’une partie de la forme tel qu’un fermoir ou un cadenas. Telle marque doit pouvoir être représentée graphiquement. À l’USPTO, la marque doit être représentée par un dessin sous une forme tridimensionnelle montrant la hauteur, la largeur et la profondeur de la marque.

Le fait que le signe utilisé réponde à une nécessité fonctionnelle n’exclut naturellement pas l’existence d’un usage de ce signe « en tant que marque ». Ainsi, la cour d’appel de Paris a-t-elle pu juger dans un arrêt du 13 juin 2008 qu’un fermoir de sac à main, s’il répond à une nécessité fonctionnelle qui est d’ouvrir et fermer un sac, peut également remplir une fonction distinctive en ce qu’il permet au consommateur de distinguer ce sac de ceux de la clientèle. En conséquence, dans cet arrêt, l’apposition d’un fermoir de sac similaire à un fermoir protégé en tant que marque tridimensionnelle, a-t-elle été reconnue contrefaisante (CA Paris, 13 juin 2008, n° 07/16 383).

A. La protection de la forme d’un produit par le droit américain des marques n’est pas chose aisée

Ces difficultés d’enregistrement sont illustrées par le refus de l’USPTO opposé récemment à la maison Christian Dior à la demande d’enregistrement en tant que marque de son modèle de sac iconique « Saddle Bag ».

Dans le cadre de ce dépôt, le déposant a déjà essuyé un premier refus de l’office américain des marques le 5 août 2020 auquel la maison de luxe a répondu le 5 février 2021 en modifiant la description de la marque et en limitant les produits visés. D’une part, la description de la marque originellement libellée comme « un modèle de sac fourre-tout » s’est vue modifiée pour désigner « un modèle de produit en trois dimensions d’un sac avec une base incurvée et inclinée, et un seul rabat avec des coutures incurvées couvrant l’ouverture du sac ».

D’autre part, la demande visant au moment du dépôt les classes 09, 18 et 25 a été réduite à la classe 18 dont le libellé a lui-même été restreint aux « porte-monnaies ; sacs de type porte-monnaie, pochettes et sacs à main ; sacs à main ; pochettes en cuir ». Enfin, le dernier motif de refus de l’USPTO, le plus important, visait l’absence de distinctivité de la marque.

Pour répondre à ce refus, la maison Christian Dior a déclaré que « sa demande de marque est distinctive et reconnue comme l’un des modèles de sacs les plus emblématiques dans le monde » sans toutefois produire de pièces à l’appui.

C’est là que le « bât blesse » car le nouveau refus se fonde exclusivement sur ce dernier obstacle. L’USPTO réitère en mentionnant que « l’enregistrement a été refusé parce que la marque demandée consiste en un dessin de produit non distinctif ou en des caractéristiques non distinctives d’un dessin de produit qui n’est pas enregistrable au registre principal sans preuve suffisante de l’acquisition du caractère distinctif ».

Le droit Français en son article L711-2 en vigueur depuis le 15 décembre 2019 prévoit que ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclaré nuls une marque dépourvue de caractère distinctif. La déclaration du déposant précitée sans éléments probants n’a pas suffi à surmonter ce refus.

L’USPTO poursuit en précisant qu’« un design de produit ne peut jamais être intrinsèquement distinctif ». Pour l’examinateur, les consommateurs ont simplement conscience que ces designs sont destinés à rendre les produits attractifs plutôt qu’à identifier leur origine.

B) Les modalités de réponse offertes au déposant

Christian Dior Couture a jusqu’au 9 septembre 2021 pour répondre au refus émis par l’USPTO. À défaut, le dépôt sera abandonné. L’office américain des marques invite le déposant à revendiquer l’acquisition du caractère distinctif de la marque dans le cadre d’une demande d’intention d’usage.

Pour cela, deux conditions sont à remplir à savoir, d’une part, démontrer que la même marque a acquis un caractère distinctif pour d’autres produits en soumettant des preuves à l’appui tel qu’un enregistrement antérieur pour la même marque visant des produits suffisamment similaires ou la preuve du caractère distinctif acquis basée sur un usage pendant cinq ans de la même marque pour des produits apparentés. D’autre part, le déposant doit démontrer une parenté suffisante entre les produits de la demande d’intention d’usage et ceux pour lesquels la marque a acquis un caractère distinctif pour justifier que le caractère distinctif précédemment créé sera transféré aux produits de la demande lors de l’utilisation.

Alternativement, la maison Christian Dior peut modifier le dépôt pour le faire basculer du « Principal Register » ou registre principal au « Supplemental Register » ou registre additionnel de l’USPTO permettant d’accueillir les marques considérées comme descriptives et offrant une protection limitée.

À côté des États-Unis, la zone géographique de l’Union européenne constitue évidemment un territoire stratégique pour les maisons de mode mondiales.

Une appréciation stricte du caractère distinctif des marques tridimensionnelles en droit de l’Union européenne

L’argument bloquant l’enregistrement soulevé par l’USPTO fait écho aux critères de la distinctivité que nous connaissons pour les marques de l’Union européenne. Christian Dior Couture a d’ailleurs procédé à deux dépôts de marques tridimensionnelles du « Saddle bag » devant l’UEIPO le 19 mars 2020 et le 24 mars 2021 dont le plus ancien refusé partiellement par l’EUIPO fait l’objet d’un appel par le déposant.

La distinctivité peut être inhérente ou acquise par l’usage. Dans le premier cas, elle doit être appréciée par rapport aux produits ou services désignés par la demande d’enregistrement de marque, mais aussi par rapport à la perception qu’en a le public. La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne admet généralement que « les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative ». Pour démontrer la distinctivité d’une marque composée d’une forme, cette dernière doit diverger de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur et être perçue par le public comme une indication d’origine.

Le sujet de la distinctivité acquise par l’usage tend à considérer comme valable une marque qui à l’origine n’était pas distinctive, mais qui, par usage intensif et prolongé, le devient. L’appréciation de l’acquisition du caractère distinctif est rapportée par exemple par la part de marché détenue par la marque, l’intensité, le territoire et la durée de l’usage de la marque, l’importance des investissements promotionnels, des documents publicitaires, des revues de presse, des attestations de professionnels du secteur, des sondages d’opinion afin de démontrer la notoriété de la marque. Il appartient aux juges du fond, qui entendraient procéder à l’annulation de la marque, de « caractériser » le caractère générique, nécessaire ou distinctif du signe adopté.

La distinctivité par l’usage est donc principalement l’apanage des entreprises avec des budgets marketing conséquents.

II) Défaut d’enregistrement d’une marque

A) Les marques 3D une stratégique pour les maisons de luxe

Les marques sont des outils juridiques incontournables de lutte anticontrefaçon. L’avantage de la protection du droit des marques est sans conteste la possibilité de conférer un droit de propriété potentiellement illimité dans le temps sous réserve d’une exploitation sérieuse. Ceci explique pourquoi l’accès des signes tridimensionnels à la protection du droit des marques est difficile à obtenir.

Afin d’assigner en justice un contrefacteur, il convient d’apporter au juge la preuve des droits de propriété intellectuelles sur les créations contrefaites. Les maisons de mode ont donc particulièrement intérêt à protéger en priorité leurs modèles iconiques les plus copiés pour agir efficacement contre ce fléau. Les marques de luxe étant largement contrefaites en particulier en ligne, il est donc une priorité pour elles de pouvoir se prévaloir d’un portefeuille de marques solide.

Déposer des marques tridimensionnelles des formes des produits, comme tente de le faire Christian Dior pour le « Saddle Bag », présente un enjeu supérieur pour lutter contre les contrefacteurs ne copiant que strictement la forme d’un produit, généralement iconique et donc reconnaissable par le consommateur uniquement par sa forme.

B) Sans marques enregistrées, les maisons de mode ne sont toutefois pas démunies

Aux États-Unis, le droit de marque est acquis par l’usage commercial qui en est fait. Même si la marque n’est pas enregistrée, la première personne à utiliser la marque présentant un caractère distinctif aura des droits antérieurs vis-à-vis de l’utilisateur postérieur par le biais des droits de Common Law. L’utilisation effective de la marque dans le commerce procure donc des droits même sans enregistrement. Par ailleurs, le dessin et modèle américain (« Design Patent ») protège l’apparence du produit, ses contours, sa forme étant précisé que cette apparence doit être nouvelle et non-évidente pour un observateur ordinaire.

En droit de l’Union européenne, sous réserve de remplir les conditions propres à chacun des droits de propriété intellectuelle invoqués, une même forme peut être protégée par le droit des dessins et modèles, le droit d’auteur, le droit des brevets. Le droit des dessins et modèles communautaire non enregistrés permet également de protéger les modèles pendant trois ans à compter de la première divulgation du modèle.

Anticipant une montée en puissance de la lutte anticontrefaçon en ligne unissant maisons de luxe et réseaux sociaux, comme l’illustre le procès initié le 26 avril dernier par la maison Gucci, Facebook et Instagram devant le juge californien à l’encontre d’un utilisateur de ces réseaux sociaux pour contrefaçon des marques Gucci, nul doute que le droit des marques continuera d’être un enjeu juridique et économique majeur des acteurs du monde de la mode aux États-Unis comme en Europe. Ceci laisse présager une augmentation du dépôt des marques sur ces territoires en 2021. En France, l’INPI a enregistré « un nouveau record de dépôts de marques » en 2020 atteignant plus de 100 000 marques déposées.

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