internet-et-droit

PRATIQUES COMMERCIALES SUR INTERNET ET TRANSPARENCE

Aujourd’hui, les consommateurs n’hésitent plus à acheter en ligne. Cependant le vendeur doit conserver une transparence sur ces produits, mais comment cela est-il possible sur internet ?

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire !

Le commerce électronique (« e-commerce ») fait référence à « l’achat, la vente et l’échange de biens et de services sur des réseaux électroniques, et particulièrement sur internet ». Amazon et eBay, respectivement 4e et 8e au classement des sites internet les plus visités dans le monde chaque année, font partie de ces géants de l’industrie du e-commerce. Mais qu’en est-il du souci de la transparence dans les pratiques commerciales sur internet de ces entreprises ?

Ces sites de vente en ligne ont désormais une mainmise importante sur la nature et le fonctionnement des échanges et du commerce aujourd’hui, au prix parfois de la survie des commerçants locaux grâce aux prix attractifs, au catalogue immense et aux délais de livraison hypercompétitifs.

Cela étant, les pratiques commerciales sur internet et transparence sont deux idées qui doivent aller de pair. Il est fréquent que des taxes « invisibles » au premier coup d’œil viennent se rajouter au moment du paiement, ce qui peut induire en erreur un consommateur tenté par des prix affichés « défiant » toute concurrence. Dès lors, le droit se doit d’être un acteur majeur de cet encadrement.

En vertu de l’article L112-1 du Code de la consommation : « Tout vendeur de produits ou tout prestataire de services informe le consommateur, par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre procédé approprié, sur les prix et les conditions particulières de la vente et de l’exécution des services, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l’économie, après consultation du Conseil national de la consommation. » (1). Ce dernier vise « toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public. »

En effet, le consommateur doit pouvoir être en mesure de connaître le prix exact du produit qu’il souhaite acheter, ce qui inclut tous ses éléments, tels que frais de livraison, prix TTC ou HT etc.


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrefaçon ?

Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez-nous en cliquant sur le lien


Il est force de constater le souci d’une conciliation entre pratiques commerciales sur internet et transparence des coûts.

Ainsi, afin d’assimiler les véritables enjeux de cette conciliation, il conviendra de se pencher en premier lieu sur l’enquête de la DGCRF sur les sites comparateurs de prix (I), pour ensuite s’intéresser à l’obligation de transparence imposée aux entreprises concernant leurs pratiques commerciales sur internet, et notamment dans l’annonce des promotions (II).

I. L’enquête de la DGCCRF sur les sites comparateurs de prix

Il est indéniable qu’une large partie des consommateurs effectuent une partie de leurs achats sur Internet. Dans le dessein de trouver les meilleurs prix dans cet espace virtuel fourmillant d’offres diverses et variées, beaucoup ont recours à des sites comparateurs de prix.

Ces sites sont-ils pour autant fiables, exhaustifs et justes ? Telle est la question que s’est posée la DGCCRF en menant une enquête durant le quatrième trimestre 2006, et portant sur 12 sites comparateurs. Le communiqué de presse émis par l’autorité est le suivant :

« L’enquête avait pour objet de vérifier la transparence de l’offre apportée par les sites comparateurs de prix aux cyberconsommateurs. Il s’agit en effet d’un secteur nouveau qui a accompagné le développement des achats sur Internet. Plus de 50 % des consommateurs consultent un site comparateur afin de comparer les prix d’un même produit sur le marché pour éclairer leur choix. Il importe donc que les critères et l’étendue de l’offre soient clairement explicités au consommateur et qu’ils correspondent à la pratique véritable du site. Les relations commerciales existant entre les sites marchands et les sites comparateurs ont également fait l’objet d’investigations. L’enquête s’est déroulée durant le quatrième trimestre de l’année 2006. Réalisée par 5 directions départementales, elle a permis de contrôler 12 sites Internet. »

Les réglementations vérifiées par les enquêteurs étaient les suivantes :

  • Ancien article L113-3 du Code de la consommation (information du consommateur sur les prix- Article L112-1)
  • Articles L121-1 et suivants du Code de la consommation (publicité mensongère)
  • Articles L441-1 à L 443-3 du Code de commerce
  • Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Onze sites contrôlés ont fait l’objet de lettres de rappel de réglementation

Ces rappels de réglementation concernent :

La loyauté de l’information donnée au consommateur (code de la consommation) :

  • Le panel des sitesréférencés est souvent présenté à tort comme exhaustif (cas de 5 sites dont un privilégiait manifestement ses partenaires commerciaux) ;
  • L’imprécision des informations relatives au prix a en revanche diverses causes : l’imprécision ou le manque d’homogénéité des informations transmises par les sites marchands complique le classement des offres par les prix par les sites comparateurs : prix TTC incluant ou non les frais de port, de livraison, de garantie complémentaire…

Les relations commerciales entre sites marchands et sites comparateurs (code de commerce) :

  • Les conditions de vente sont parfois incomplètes sur le volet tarifaire, avec une imprécision sur les modalités de référencement et de rémunération des sites marchands. Ces imprécisions sont susceptibles d’engendrer des pratiques discriminatoires (deux rappels de réglementation ont été établis sur ce point) ;
  • Les règles de facturation ne sont pas toujours respectées (dans 9 cas)

En conclusion, les sites comparateurs de prix sont davantage sensibilisés à la nécessaire transparence de l’information donnée au consommateur sur les prix. Les conditions commerciales pourraient en revanche être encore améliorées. La DGCCRF maintiendra sa vigilance sur ce secteur.

A ce titre, il convient de préciser que l’article L111-7 prévoit une obligation de délivrance d’une information loyale, claire et transparente au consommateur. En effet, cet article dispose que toute plateforme en ligne est tenue de délivrer au consommateur une « information loyale, claire et transparente sur :

1° Les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation qu’il propose et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus, des biens ou des services auxquels ce service permet d’accéder ;

2° L’existence d’une relation contractuelle, d’un lien capitalistique ou d’une rémunération à son profit, dès lors qu’ils influencent le classement ou le référencement des contenus, des biens ou des services proposés ou mis en ligne ;

3° La qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale, lorsque des consommateurs sont mis en relation avec des professionnels ou des non-professionnels. ». (2)

II.  Obligation de transparence dans l’annonce de promotions

Paru le 13 janvier au Journal officiel, l’arrêté du 31 décembre 2008 indique que les marchands devront clairement indiquer le prix d’origine auquel ils se réfèrent avant d’afficher une promotion.

Il explique la manière de calculer les prix de référence : soit le dernier prix connu au catalogue du fournisseur, soit le prix le plus bas constaté sur leur historique tarifaire sur les 30 derniers jours.

Le ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, à l’origine de ce texte, précise que la réglementation en vigueur n’était « plus adaptée aux évolutions commerciales, comme le commerce en ligne ou le développement des magasins d’usine et de déstockage ». Si la pratique des soldes est fortement encadrée, ce n’était pas le cas des promotions pratiquées toute l’année.

La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), en 2008, épinglait les sites de ventes privées, incapables, dans leur quasi -totalité, de justifier leurs rabais.

En effet, l’autorité de contrôle et de régulation estime que ces cybermarchands ne mentionnent quasiment jamais l’existence d’un prix de référence, lequel permettrait au consommateur de vérifier la véracité des annonces de réductions de prix.

La DGCCRF rappelle dans sa revue interne Concurrence & Consommation (numéro 161 de décembre 2008) que la loi exige la mention d’un prix de référence auquel s’applique la réduction de prix alléguée par un vendeur.

La DGCCRF a mené son enquête, au cours du premier semestre 2008, auprès de 45 sites de ventes privées, et selon ses conclusions : « Deux sociétés seulement ont été en mesure de prouver l’existence d’un prix de référence. En effet, elles offraient des promotions, soit sur des voyages avec des rabais portant sur une période déterminée, soit sur des produits de beauté dont la disponibilité était assurée pendant la période de l’offre.
Les prix de référence ont pu être vérifiés sur le site ou le magasin fournisseur », précisant en outre que « S’ils ne peuvent justifier d’un prix de référence effectivement pratiqué, les sites de ventes privées ne doivent pas annoncer de rabais et doivent se limiter à une communication commerciale sur des prix bas. »

Le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation, Luc Chatel, a donc suivi les conclusions de la DGCCRF en les étendant à tous les vendeurs, et notamment du « e-commerce. »

L’article 3 de l’arrêté affirme , d’ailleurs, « que tout produit ou service commandé pendant la période à laquelle se rapporte [la promotion, NDLR] doit être livré ou fourni au prix indiqué par cette publicité ». Une précision qui obligera les cybermarchands à indiquer clairement que la réduction est valable « jusqu’à épuisement des stocks ». Cette mention obligatoire pour les soldes ne l’était pas dans le cadre de promotions. Cependant, le texte ne contraint pas les marchands à indiquer la quantité de produits visée par la réduction, ni le nombre disponible à l’instant où le consommateur passe sa commande.

En effet, tous les vendeurs doivent assurer la plus grande transparence quant à leur tarification, qu’il s’agisse des sites comparateurs de prix, des sites de ventes privées ou tous autres vendeurs.

Récemment, la Commission européenne avait procédé à un examen au niveau européen de 560 sites de commerce électronique. Le commissaire chargé de la justice, des consommateurs et de l’égalité des genres avait déclaré que : « plus de la moitié des sites web présentent des irrégularités, en particulier en ce qui concerne la publicité́ des prix et des remises. ».

Publié le 22 février 2019 par la Commission européenne et des autorités nationales de protection des consommateurs, le rapport précisait que : « Pour plus de 31 % des sites web offrant des remises, les autorités de protection des consommateurs soupçonnaient que les offres spéciales ne soient pas authentiques ou ont constaté́ que la méthode de calcul du prix réduit était peu claire.

Sur 211 sites web, le prix final à payer était supérieur au prix initial proposé. 39 % de ces professionnels n’indiquaient pas les informations correctes sur les frais supplémentaires inévitables concernant la livraison, les modes de paiement, les frais de réservation et d’autres.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les pratiques commerciales déloyales, cliquez

Sources :

  • : Ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016
  • : LOI n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 – art. 49 (V)
  • :https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/presse/communique/2019/CP-Sweep2018.pdf

LES CLAUSES SENSIBLES DANS UN CONTRAT INFORMATIQUE

Les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité, tout comme des clauses de prescription sont insérées dans la plupart des contrats informatiques. La jurisprudence par un arrêt Oracle Faurécia en 2010 a énoncé une solution claire, mettant fin aux doutes qui régnait en en matière de clause limitative ou exclusive de responsabilité, la clause relative à la prescription quant à elle, a subi une libéralisation grâce à la nouvelle loi sur la prescription.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire rédiger un contrat en passant par le formulaire !

Tout d’abord, la clause limitative ou exclusive de responsabilité  a pour objet d’exclure ou de limiter tout ou partie des responsabilités d’une partie à un contrat.

Ces clauses sont valables et il est possible de les insérer dans un contrat informatique. Cependant, la présence d’une telle clause dans un contrat entre un professionnel et un consommateur, étant considérée comme abusive par l’article R212-1 du code de la consommation, sera réputée non écrite. Sur ce point, la Cour de cassation réaffirme, dans un arrêt rendu le 11 décembre 2019, que : « sont irréfragablement présumées abusives et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations. ». (1)

Il convient de préciser que ces clauses sont valables si le débiteur commet une faute peu sévère ou ordinaire, mais si le créancier démontre que le débiteur a commis une faute lourde ou dolosive alors la clause ne pourra plus s’appliquer.

L’influence du caractère essentiel de l’obligation peut rendre inefficace la clause limitative ou exclusive de responsabilité. Sur ce point, la Cour de cassation a rendu des décisions reflétant divers points de vue. En effet, par un premier arrêt dit Chronopost I du 22 octobre 1996 la cour de cassation énonce que « spécialiste du transport rapide garantissant la fiabilité et la célérité de son service, la société Chronopost s’était engagée à livrer les plis de la société B. dans un délai déterminé et qu’en raison du manquement à cette obligation essentielle la clause limitative de responsabilité du contrat qui contredisait la portée de l’engagement pris, devait être réputée non écrite ».


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrat ?

Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez-nous en cliquant sur le lien


La Cour de cassation, par ce premier arrêt de la série, estime qu’en limitant la réparation au remboursement du prix du transport la clause vidait l’obligation du débiteur de sa substance ; ici il n’était pas question d’une clause limitative de responsabilité, car elle permettait de couvrir une inexécution, il s’agissait alors d’une clause exclusive de responsabilité. Dans cet arrêt, le plafond d’indemnisation fixé par la clause était dérisoire, ce qui permettait alors au débiteur de ne pas exécuter son obligation.

Ensuite, plusieurs arrêts sont intervenus en la matière, mais le plus intéressant, le plus discutable est celui rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, le 13 février 2007 Oracle Faurécia. Dans cet arrêt la cour énonçait qu’il suffisait qu’une clause aménage la sanction de l’inexécution d’une obligation essentielle pour qu’elle soit réputée non écrite. Avec une telle décision, les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité devenaient compromises, puisqu’il est rare qu’une clause concerne une obligation accessoire au contrat.

Cette jurisprudence n’a pas été épargnée par les critiques par les critiques des doctrinaux. Cela a poussé la Cour de cassation à réaffirmer de manière claire sa position dans un second arrêt Oracle Faurécia du 29 juin 2010, c’est alors cet arrêt qu’il sera opportun d’étudier pour comprendre le fonctionnement de ladite clause, et l’interprétation qu’en a tiré le législateur, notamment à travers l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Quant à la clause de prescription, c’est le code civil à l’article 2254 qui énonce les conditions dans lesquelles les parties peuvent aménager de manière conventionnelle la prescription. Les clauses de prescription permettent d’aménager conventionnellement dans un contrat la prescription.

La loi du 17 juin 2008 qui a permis aux parties d’aménager la prescription, elles pourront allonger ou abréger la durée de la prescription, mais aussi ajouter des causes de suspension ou d’interruption de la prescription. La loi souligne le fait que cette clause ne pourra pas s’appliquer pour les actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées, et plus généralement aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à termes périodiques plus courts.

En outre, depuis l’ordonnance du 14 mars 2016, l’article L218-1 du Code de la consommation, , énonce que par dérogations les parties aux contrats conclus entre un professionnel et un consommateur ne peuvent pas même d’un commun accord modifier la durée de la prescription ni même ajouter des causes de suspension ou d’interruption de celle-ci. Cette limitation a pour but de protéger le consommateur , qui pourrait se voir imposer une prescription courte par le professionnel, partie forte au contrat. D’ailleurs, cette limitation est reprise par l’article L114-3 du code des assurances.

Il convient de noter que l’ancien article 2220 du code civil ne permettait pas aux parties d’aménager la prescription, cependant depuis un arrêt de la Cour de cassation du 1er février 1853 il est admis la possibilité d’aménager contractuellement les délais de prescription (Cass. civ., 1er févr. 1853, DP 1853, I, p. 77). Ainsi, la Cour de cassation a pu énoncer « attendu en droit que la disposition de l’article 2220 du Code civil qui défend de renoncer à la prescription et de rendre ainsi les actions perpétuelles, se concilie, loin d’en recevoir aucune atteinte, avec les stipulations qui tendent à renfermer l’exercice de certaines actions dans les limites plus étroites que celles fixées par la loi » (Cass. civ., 4 déc. 1895, DP 1896, I, p. 241).

De surcroît, un arrêt du 25 juin 2002 a admis la possibilité d’ajouter une cause de suspension de la prescription de manière contractuelle (Cass. 1re civ., 25 juin 2002, nos 00-14.590 et 00-14.591, Bull. civ. I, n° 174, D. 2003, p. 155, note Stoffel-Munck Ph.).

Le législateur a introduit une nouvelle disposition libérale concernant la prescription, c’est pourquoi il est tout aussi important d’en étudier l’impact sur le régime contractuel.

A cet égard, il convient tout d’abord d’observer l’impact de la nouvelle jurisprudence Oracle Faurécia sur les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité de son interprétation par le législateur, notamment concernant la faute lourde et l’obligation essentielle dans un contrat informatique (I), pour ensuite étudier les conséquences de la libéralisation faite par la loi de 2008, et reprise par l’ordonnance de 2016,  sur les clauses de prescriptions (II).

I. Les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité : l’appréciation de la faute lourde et de l’obligation essentielle du contrat

La Cour de cassation dans l’arrêt Faurécia énonce qu’il faut apprécier la faute lourde de manière subjective (A), de plus celle-ci affirme sa position concernant l’impact de l’obligation essentielle sur la clause limitative ou exclusive de responsabilité (B).

A) La réaffirmation de l’appréciation subjective de la faute lourde

Sachant que la faute lourde permet de rendre inefficace la clause limitative ou exclusive de responsabilité, la Cour de cassation vient confirmer et d’entériner, par cet arrêt, sa position jurisprudentielle selon laquelle la faute lourde doit être appréciée objectivement. La cour énonce sur ce point que « la faute lourde ne saurait résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ».

Ainsi, il semblerait que la faute lourde va dépendre du comportement du débiteur, elle consiste en une erreur grossière, en un écart particulièrement grave de conduite, une négligence d’une extrême gravité. La Cour de cassation adopte une appréciation subjective de la faute lourde, mais pendant longtemps la cour a adopté une appréciation objective de la faute lourde. Ainsi le seul moyen pour ne pas appliquer la clause limitative de responsabilité était d’invoquer la faute lourde ou le dol de son débiteur. Mais l’appréciation de la faute reposait sur l’interprétation de l’article 1150 du Code civil qui énonce que « Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée ».

Cette appréciation de la faute lourde dépendait plus précisément de deux déformations que subissait cet article : l’article avait été élargi par la cour puisque la faute lourde était devenue l’équivalent du dol, de plus l’inexécution d’une obligation essentielle était qualifiée de faute lourde dite objective.

La faute lourde était assimilée au manquement à une obligation essentielle. C’est par deux arrêts de la chambre mixte de la Cour de cassation du 22 avril 2005 (Cass. ch. mixte, 22 avr. 2005, nos 02-18.326 et 03-14.112) que l’appréciation objective de la faute lourde a été abandonnée : « la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat type ne saurait résulter du seul fait pour le transporteur de ne pouvoir fournir d’éclaircissement sur la cause du retard […] seule une faute lourde caractérisée par une négligence d’une extrême gravité confiant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de sa mission contractuelle peut mettre en échec la limitation d’indemnisation prévue au contrat type ».

En adoptant cette position, la cour réaffirme que le simple manquement à une obligation essentielle ne peut pas suffire à soulever une faute lourde, il faut caractériser un comportement grave du débiteur.

En outre,dans arrêt de la Cour d’appel de Versailles, rendu le 3 mai 2018, celle-ci s’est alignée sur la jurisprudence de la Cour de cassation en affirmant que la faute lourde s’apprécie subjectivement en fonction de la gravité du comportement du débiteur et non pas sur la base de la nature de l’obligation violée. Les juges réaffirment que la faute lourde rend inefficace la clause limitative de responsabilité prévue au contrat. (3)

B) Clause limitative ou exclusive de responsabilité et l’obligation essentielle

La Cour de cassation, par un arrêt rendu le 22 octobre 1996, retient qu’en raison d’un manquement à une obligation essentielle la clause limitative de responsabilité qui contredisait la portée de l’engagement devait être réputée non écrite. Cependant au fil des jurisprudences on observe que les juges sont devenus de plus en plus stricts dans l’appréciation de la clause limitative ou exclusive de responsabilité. Ainsi le seul manquement à une obligation essentielle au contrat permettait de rendre nulle la clause.

L’arrêt du 29 juin 2010 Oracle Faurécia corrige les doutes émis concernant le lien existant entre l’obligation essentielle du contrat et la clause limitative de responsabilité.

En l’espèce, une société avait conclu un contrat de licence ,de maintenance , de formation et un contrat de mise en œuvre d’un progiciel avec une société informatique. Une version provisoire a été installée, mais la version définitive n’a jamais été livrée. C’est pourquoi la société n’a pas payé les redevances du prestataire.

Saisie de cette affaire le 31 mars 2005, la cour d’appel de Versailles a reconnu que le prestataire n’avait pas respecté ses obligations, mais la cour retient la validité de la clause limitative de responsabilité qui était insérée dans le contrat, ce qui a alors atténué le montant de l’allocation de dommages et intérêts. Mais la Cour de cassation en 2007 (Cass. Com 13 février 2007) a estimé au contraire qu’il s’agissait d’un manquement à une obligation essentielle qui est alors « de nature à faire échec à l’application de la clause limitative de réparation ».

Il était question de savoir en l’espèce si le manquement à une obligation essentielle suffisait à écarter la clause limitative de responsabilité.

La Cour de cassation dans l’arrêt de 2010 vient mettre un terme à l’hésitation jurisprudentielle en précisant que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ».

En effet, cet arrêt invite le juge à se livrer à une analyse concrète du contenu contractuel afin de savoir si la limitation de responsabilité contredit ou non la portée de l’obligation essentielle du débiteur. En l’espèce la cour considère que le plafond d’indemnisation n’était pas dérisoire et que la limitation de responsabilité avait été calculé en prenant en compte des éléments extérieurs au contrat. Ainsi, la limitation de responsabilité était compensée par d’autres avantages accordés au créancier de l’obligation inexécutée. C’est pourquoi, la limitation de responsabilité ne contredisait pas en l’espèce la portée de l’obligation essentielle.

Ensuite, le législateur est intervenu pour assurer une véritable pérennisation du régime applicable. Sous la consécration de l’article 1170 du Code civil (modifié par l’ordonnance du 10 février 2016), qui précise que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite », c’est désormais toute clause portant atteinte à une obligation essentielle du contrat qui est concernée par cette censure : tant que l’existence au sein du contrat d’une obligation essentielle et d’une clause limitative la vidant de sa substance sont prouvées (conditions cumulatives dont les définitions peuvent être tirées des arrêts précités), la sanction pour les clauses portant atteinte à une obligation essentielle du contrat sera celle initialement prévue pour les clauses abusives uniquement : elles seront réputées non écrites.

Dans un arrêt rendu le 28 janvier 2019, la Cour d’appel de Toulouse procède à un contrôle effectif des obligations essentielles du contrat de vente notamment s’agissant de l’obligation de garantie des vices cachés et de l’obligation de délivrance conforme. Les juges rappellent la consistance de l’obligation de délivrance conforme et déduisent l’impossibilité d’usage du bien en question conformément à l’usage attendu en raison des faits litigieux.

La Cour d’appel offre, par cet arrêt, un éclaircissement quant à l’emploi de l’article 1170 du Code civil qui accorde au juge un pouvoir d’immixtion considérable que ce soit sur l’ensemble des contrats ou s’agissant de l’équilibre contractuel. (4)

Cela dit, la clause limitative ou exclusive de réparation n’est pas la seule clause que l’on retrouve souvent dans un contrat informatique, en effet, la clause de prescription y trouve aussi sa place (II).

II. La possible insertion d’une clause de prescription dans un contrat informatique : entre liberté contractuelle et limites légales

La réforme de la prescription consacre la possibilité d’insertion d’une clause de prescription dans un contrat (A), mais certaines limites à cette insertion sont envisageables (B).

A) La consécration de la liberté contractuelle par la loi : la possible insertion d’une clause de prescription dans un contrat informatique

Il est vrai que dans certains types de contrats les parties ne peuvent pas aménager la prescription, ni même organiser la suspension ou l’interruption de la prescription. Toutefois, dans la majorité des contrats cette possibilité est maintenant ouverte depuis la loi de 2008. Celle-ci laisse alors la place à la liberté contractuelle.

L’article 2254 du Code civil énonce en son alinéa premier, le principe selon lequel il est possible de modifier de manière conventionnelle la durée de la prescription : « La durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans ». Cette durée est encadrée puisqu’elle doit être comprise entre un et dix ans. Cette nouvelle règle est en cohérence avec l’abaissement de la prescription du droit commun qui passe de trente ans, à cinq. Ainsi les parties peuvent librement choisir la durée de prescription qui s’appliquera au contrat, durée qui doit seulement être comprise entre un et dix ans. C’est un espace de liberté donné par le législateur au contractant.

L’article 2224 du Code civil, quant à lui, dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Par cet article, il apparaît alors que le départ de la prescription n’est pas fixe, puisqu’il commence au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant d’exercer l’action.

Le point de départ de la prescription recouvre un aspect subjectif, ce qui donne alors un pouvoir d’appréciation du point de départ de la prescription au juge. La loi reste cependant muette sur la possibilité de retarder le point de départ de la prescription, mais il serait logique puisque le législateur permet de mettre en place des moyens de suspension et d’interruption de la prescription, de permettre la possibilité de retarder le point de départ de la prescription ce qui aurait le même effet que de suspendre ou d’interrompre la prescription : retarder l’acquisition de la prescription. Cela correspondrait alors encore un espace de liberté laissé aux contractants.

Il convient de mettre en exergue que l’article 2254 du Code civil en son alinéa second énonce que « Les parties peuvent également, d’un commun accord, ajouter aux causes de suspension ou d’interruption de la prescription prévues par la loi ». Ainsi, il est encore possible pour les parties d’aménager de manière conventionnelle les causes de suspension ou d’interruption de la prescription. L’évènement interruptif prévu par les parties permettra d’effacer le délai écoulé, et un nouveau délai identique recommencera à courir après cet évènement.

Alors que la suspension empêche le délai de prescription de courir une fois l’obstacle levé, le délai reprendra son cours. Les parties ont alors la possibilité de retarder la fin de la prescription, d’aménager des évènements susceptibles d’interrompre, ou de suspendre la prescription. C’est alors encore une fois un espace liberté laissé aux contractants.

B) Les limites envisageables à la liberté contractuelle concernant la clause de prescription dans un contrat informatique

La liberté d’encadrement de la prescription par les parties est consacrée par la loi de 2008. Toutefois, certaines limites ont été posées par le législateur pour encadrer notamment la durée, et a construit quelques limites concernant le consommateur, ou l’assuré. Mais d’autres limites peuvent aussi s’ériger contre la clause de prescription.

Concernant notamment l’abus de dépendance économique, l’article L 420-2 du code de commerce énonce qu’est « prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. ». (2)

Ainsi, le législateur consacre sa volonté de lutter contre les obligations créant un déséquilibre significatif. Il alors intéressant de s’interroger sur l’impact de l’encadrement contractuel de la prescription, car cette clause apporte indéniablement un avantage à une des parties au contrat.

À titre d’illustration, la dernière prise de position en date résonne dans l’arrêt du 25 janvier 2017, par lequel la Cour de cassation a confirmé que la notion de déséquilibre significatif entendue par l’article 442-6 pouvait porter sur le prix stipulé dans une convention, ouvrant la voie à un pouvoir de contrôle du juge sur ce prix. Ce choix porte néanmoins une nouvelle atteinte considérable au principe de liberté contractuelle.

Une autre limitation peut encore être soulevée, concernant le comportement dolosif du contractant. L’article 2254 du Code civil ne précise pas si le comportement dolosif ou la faute lourde du titulaire de l’action qui profite de l’encadrement contractuel de la prescription peut permettre d’écarter la clause de prescription.

Cependant, la Cour de cassation avait déjà eu à répondre à cette question avant la réforme dans un arrêt du 12 juillet 2004 (Cass. com., 12 juill. 2004, n° 03-10.547) qui énonce que « la disposition contractuelle abrégeant le délai de prescription reçoit application même en cas de faute lourde ». Ainsi pour la Cour de cassation il n’était pas possible d’écarter la clause de prescription en présence d’une faute lourde.

Ceci étant, la faute lourde et le dol constituent des comportements qui selon la Cour de cassation permettent de ne pas appliquer la clause limitative de responsabilité, il serait alors possible de penser que la Cour de cassation pourrait revenir sur sa position et assimiler le régime de la clause de prescription à la clause limitative de responsabilité, et ainsi admettre qu’une faute lourde ou un dol permettraient d’écarter la clause de prescription. Il faudra alors attendre que la Cour de cassation se reprononce sur ce point pour savoir si elle adopte un régime identique aux clauses limitatives de responsabilité, ou si elle maintient sa jurisprudence antérieure à la réforme.

Tout en posant des limites nécessaires afin d’éviter les abus, les évolutions jurisprudentielles et légales permettent d’encadrer plus clairement le droit des contrats, de permettre aux parties d’organiser à leur guise leur contrat.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les clauses sensibles des contrats informatiques, cliquez

Sources :

  • Décret n° 2016-884 du 29 juin 2016 relatif à la partie réglementaire du code de la consommation ; Cass. 1er 11-12-2019 n° 18-21.164
  • Ordonnance n° 2019-698 du 3 juillet 2019
    CA Versailles, 3 mai 2018, n° 17/02576
  • CA Toulouse, 28 janvier 2019, n° 16/03044

Rupture des relations commerciales

La rupture brutale de relations commerciales établies constitue une pratique restrictive de concurrence spécialement sanctionnée en droit français depuis une loi du 1er juillet 1996 dite « loi Galland ».

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire !

Depuis l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, elle est visée à l’article L. 442-1, II du Code de commerce, lequel reprend, pour l’essentiel, les règles légales et jurisprudentielles établies en application de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce. Ces règles sont d’ordre public. La principale innovation issue de l’ordonnance du 24 avril 2019 tient dans l’instauration d’un délai de protection au bénéfice de l’auteur de la rupture : sa responsabilité ne peut désormais être engagée dès lors qu’il a respecté un délai de préavis de 18 mois.

L’auteur de la rupture engage sa responsabilité, non pas en raison de la rupture elle-même, mais du fait de la brutalité de cette dernière. Est donc sanctionnée la rupture qui intervient sans préavis, ou avec un préavis insuffisant au regard la durée de la relation et des autres circonstances. La responsabilité encourue est une responsabilité de nature délictuelle. Cependant, dans les litiges internationaux, les règles de conflit sont dans certains cas résolus à la lumière des dispositions applicables à la matière contractuelle.

Le contentieux relatif à la rupture brutale de relations commerciales établie relève en première instance de juridictions spécialisées et, en cause d’appel, de la seule Cour d’appel de Paris. En autres sanctions, l’auteur de la rupture brutale peut être condamné à réparer le préjudice subi par la victime du fait de la brutalité de la rupture ainsi qu’au paiement d’une amende civile sur demande du ministre chargé de l’Économie ou du ministère public.


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de rupture de relations commerciales ?

Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez-nous en cliquant sur le lien


I. Conditions relatives à l’objet de la rupture

A) Existence d’une relation

La relation dont il est ainsi question est en effet « une notion plus économique que juridique » Cour de cassation, chambre commerciale du 9 mars 2010: décision jugeant que « des relations commerciales entre deux sociétés peuvent être établies même si elles ne sont pas liées par un contrat ou qu’elles peuvent se prolonger après la cessation de leur contrat ».

La relation au sens de ce texte s’entend de tout contrat à durée indéterminée, d’une succession de contrats à durée déterminée, d’une succession de contrats à exécution instantanée, la relation ne pouvant être d’ailleurs exclue du seul fait que les contrats sont indépendants les uns des autres et qu’ils ne s’inscrivent pas dans la mise en œuvre d’un accord-cadre.

Peut entrer dans le champ d’application du texte la rupture de relations précontractuelles. Ainsi en a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 5 mai 2009 dans une hypothèse de rupture de négociations en vue de la conclusion d’un contrat d’agent commercial si, en l’espèce, aucune relation contractuelle n’avait été définitivement nouée, les juges du fond ont néanmoins relevé que l’auteur de la rupture avait largement profité des prospections fructueuses de l’agent pendant 17 mois et que pendant cette période il l’avait occasionnellement présenté comme son « agent » et rupture abusive des pourparlers, celle-ci pouvant seule servir de fondement à la responsabilité de l’auteur de la rupture dès lors que les parties ne se sont pas accordées sur les éléments essentiels du partenariat (Cour de cassation, chambre commerciale du 15 mars 2017, n° 15-17.246 relevant notamment, pour juger que la victime de la rupture ne pouvait légitimement et raisonnablement anticiper la continuité de la relation dans l’avenir, que celle-ci s’inscrivait dans le cadre de pourparlers ayant pour objet de convenir de la nature et des modalités de la coopération entre les deux sociétés).

Dans un arrêt du 20 juin 2019, la Cour d’appel de Paris avait précisé que le caractère établi d’une relation est présumé dès lors que ce dernier n’est pas contesté par la victime présumée de la rupture des relations commerciales. Cette jurisprudence confirme ainsi l’existence d’une présomption quant au caractère « établi » des relations commerciales tant que la partie concernée n’a pas soulevé d’objections. (3)

B) Existence d’une relation commerciale

Selon la lettre de l’article L. 442-1, II du Code de commerce, seule la rupture d’une « relation commerciale » entre dans le champ d’application du texte. Ce critère peut être envisagé et appliqué de plusieurs manières. Dans la conception la plus stricte, la relation commerciale ferait écho à la commercialité au sens du Code de commerce. La relation commerciale serait alors celle qui se noue, de manière objective, autour de la conclusion d’un ou plusieurs des actes de commerce par nature visés aux 1 ° à 8 ° de l’article L. 110-1 du Code de commerce.

De manière subjective, la relation commerciale embrasserait les actes de commerce par accessoire au sens de l’article L. 110-1, 9 ° du même Code, la question se posant alors encore de savoir si l’auteur et la victime de la rupture doivent avoir tous deux la qualité de commerçant ou si la notion de relation commerciale peut appréhender les actes mixtes.

Cette acception littérale et étroite de la notion de relation commerciale pouvait déjà être assouplie à la lecture du premier alinéa de l’ancien article L. 442-6, I du Code de commerce qui disposait que les pratiques restrictives de concurrence sanctionnées par ce texte concernent celles dont l’auteur était « tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers ». C’est donc une dimension subjective qui est ici mise en avant et qui plus est une dimension subjective qui dépasse la qualité de commerçant pour embrasser des acteurs tels que les artisans ou les agriculteurs qui, par essence, exercent une activité de nature civile.

Cette lecture de la notion de relation commerciale est entérinée par le nouvel article L. 442-1, II du Code de commerce, qui vise désormais « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services ». La Cour de cassation avait déjà affirmé, précisément au double visa des articles L. 410-1 et L. 442-6 du Code de commerce, qu’une société d’assurance mutuelle dont l’activité est expressément qualifiée de non commerciale par l’article L. 322-26-1 du Code des assurances, pouvait être l’auteur d’une rupture brutale de relation commerciale établie et plus largement d’une pratique restrictive de concurrence. En effet, selon la Haute Juridiction, « le régime juridique des sociétés d’assurances mutuelles, comme le caractère non lucratif de leur activité, n’est pas de nature à les exclure du champ d’application des dispositions relatives aux pratiques restrictives de concurrence dès lors qu’elles procèdent à une activité de service ».

Sans attendre le nouveau texte, les prestataires de service avaient déjà fait leur entrée, par le soupirail de jurisprudence, dans la liste des auteurs susceptibles d’être convaincus de rupture brutale. Pour rejeter le pourvoi formé contre un arrêt d’appel qui avait écarté l’application de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce au profit d’une association, la Cour ne s’est pas fondée sur l’activité de celle-ci. Elle a en effet relevé qu’était inopérant le moyen du pourvoi reprochant à la Cour d’appel d’avoir rejeté la demande sur ce fondement alors qu’il n’était « pas allégué que l’Institut technique exerçât une activité de producteur, de commerçant, d’industriel ou de prestation de services, ou qu’il fût immatriculé au répertoire des métiers » et que, dès lors, il ne saurait être fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir écarté la responsabilité de ladite association sur la base de ce texte. La référence spontanée à l’activité de prestation de services s’inscrivait dans cette logique d’extension.

Il y a relation commerciale établie dans le « cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaires avec son partenaire commercial ». Selon la Cour de cassation, le caractère établi est révélé par « la régularité, le caractère significatif et la stabilité de la relation commerciale ».

Une certaine durée de la relation est un élément essentiel, mais non suffisant pour caractériser une relation établie. Corrélativement, une durée trop courte peut naturellement être disqualifiante. La Cour de cassation a ainsi jugé que n’était pas établie au sens de l’ancien article L. 442-6, I, 5 ° du Code de commerce une relation qui n’avait duré que « quelques mois ». Il en va de même, a fortiori, d’une relation qui a été rompue d’au bout d’un mois (CA Paris, 13 mai 2016, n° 14/06140.

La  Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 31 mars 2021, a énoncé qu’un fournisseur de matériel dentaire ne peut pas bénéficier des dispositions relatives à la rupture brutale des relations commerciales dans ses relations avec un cabinet de chirurgiens-dentistes.

En l’espèce, un cabinet de chirurgiens-dentistes avait rompu ses relations commerciales avec un fournisseur de matériel dentaire. Ce dernier, s’estimant lésé, se fonde sur l’article L.442-6 du Code de commerce dans sa demande en paiement de dommages et intérêts devant le tribunal.

La Cour rappelle, en premier lieu, que l’article L.442-6 sanctionne et engage la responsabilité de tout commerçant, industriel, producteur ou personne immatriculée au répertoire des métiers ayant rompu brutalement une relation commerciale établie. Or, la Cour rajoute en second lieu, qu’en vertu de l’article R. 4127-215 du code de la santé publique, la profession dentaire « ne doit pas être pratiquée comme un commerce »

De ce fait, aucune relation commerciale n’existe entre les deux parties et, par conséquent, l’article L.442-6 du Code de commerce n’est pas applicable.

II. Conditions relatives aux circonstances de la rupture

A) Rupture brutale

En sanctionnant le fait « de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie », l’article L. 442-1, II du Code de commerce a un domaine d’application très vaste. La rupture peut tout d’abord, bien entendu, être totale. Il en est ainsi de la résiliation d’un contrat à durée indéterminée, de la résiliation anticipée d’un contrat à durée déterminée ou encore au non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée arrivé à terme.

Mais la rupture contrôlée sur le fondement de ce texte peut donc, ensuite, n’être que partielle. Cette hypothèse nourrit l’essentiel de la jurisprudence sur la question. Il s’agit alors, dans le cadre d’une relation commerciale qui, par ailleurs, perdure, de déterminer les évènements qui constituent une rupture partielle de ladite relation. Autrement dit, la difficulté réside ici dans l’identification du seuil à partir duquel la décision unilatérale de l’une des parties, sans mettre un terme pur et simple à la relation commerciale, bouleverse à ce point son économie générale qu’elle est constitutive d’une rupture, fusse-t-elle simplement partielle. Cette idée de seuil s’exprime parfois à travers l’exigence d’une modification qu’ils qualifient de « substantielle ».

De surcroît, la Cour de cassation, dans un arrêt du 27 mars 2019, affirme que : « l’absence de stabilité de la relation, exclusive d’une croyance légitime en leur continuité » entrave à la qualification de la relation commerciale d’établie et ne permet donc pas de sanctionner l’auteur de la dénonciation du contrat sur le fondement de la rupture brutale.

Ainsi, la seule baisse des chiffres d’affaires de la victime de la rupture des relations commerciales n’est pas suffisante à caractériser le caractère brutal de ladite relation. En effet, le demandeur doit démontrer dans quelle mesure cette rupture est brutale. (2)

B) Rupture brutale injustifiée

Il est des circonstances qui peuvent, en amont, écarter la qualification de rupture brutale. Tel est le cas, on l’a expliqué, de la baisse ou de l’interruption des commandes qui, loin d’être délibérée, ne sont que la résultante, par ricochet, de la propre diminution d’activité du donneur d’ordre. Puis il en est d’autres qui, la rupture brutale étant pourtant avérée sont, telles des causes d’exonération de responsabilité et alors que les conditions de cette dernière sont pourtant réunies, de nature à écarter la responsabilité de l’auteur de la rupture. Ces causes d’exonération sont, elles, d’origine légale. L’article L. 442-1, II du Code de commerce énonce en effet deux circonstances dans lesquelles une rupture sans préavis ne peut être sanctionnée.

Selon le texte en effet, « les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. La victime peut ainsi se voir opposer sa propre faute ou la force majeure. On relèvera d’ailleurs ici que, contrairement au droit commun. La faute de la victime — qui réside ici dans l’inexécution de l’obligation — sera d’une certaine manière totalement exonératoire de responsabilité sans avoir à réunir les caractéristiques de la force majeure.

Il convient de citer à cet effet, l’arrêt de la Cour de cassation du 27 mars 2019 cité précédemment, dans lequel la Cour avait énoncé également que le non-paiement des factures de son partenaire constituait un manquement suffisamment grave qui justifie ainsi la rupture immédiate des relations commerciales, et ce, sans préavis. (2)

Pour ce qui est de l’exigence d’un manquement grave – Bien que le texte ne mentionne que l’inexécution par l’autre partie de ses obligations, la jurisprudence a considéré que cette circonstance devait être entendue strictement, sauf à vider le mécanisme de sa substance. La rupture brutale ne peut en effet intervenir sans préavis qu’à la condition que le manquement reproché au partenaire évincé soit un manquement d’une certaine gravité. S’il s’agit d’un contrat en cours d’exécution, la gravité du manquement doit être telle qu’elle justifie la résiliation unilatérale et immédiate du contrat. Au surplus, dès lors que les manquements reprochés ont déjà fait l’objet d’une réparation, les juges du fond doivent rechercher si cette réparation n’est pas de nature à retirer à ces manquements leur caractère de gravité.

La qualification de l’inexécution est d’autant plus essentielle que l’exigence relative à la gravité du manquement est à double tranchant. Si le manquement est grave, la rupture brutale n’engage pas la responsabilité de son auteur. En revanche, si le manquement en cause n’atteint par le seuil de gravité requis, il ne peut être pris en considération notamment pour diminuer le délai de préavis dû à la victime, reprochant à la Cour d’appel d’avoir privé sa décision de base légale en s’abstenant de rechercher “s’il n’y avait pas de manquement grave [de la victime] à ses obligations contractuelles justifiant la rupture des relations commerciales sans préavis ou si, en l’absence d’un tel manquement, un délai de préavis de trois mois était suffisant”. L’appréciation de la gravité du manquement relève du pouvoir souverain des juges du fond.

Il n’en demeure pas qu’ils doivent, dans leur motivation, caractériser la gravité du manquement. Une Cour d’appel ne peut ainsi se fonder sur la seule circonstance qu’un objectif de chiffre d’affaires n’a pas été réalisé, sans préciser en quoi cela constitue un manquement suffisamment grave.

En ce qui concerne la cause d’exonération – L’article L. 442-1, II du Code de commerce dispose ensuite, que la force majeure constitue, conformément au droit commun de la responsabilité — la précision peut donc paraître surabondante — exonérer l’auteur de la rupture. Il faut alors traditionnellement que l’évènement soit imprévisible, irrésistible et extérieur à la personne qui s’en prévaut. L’avant-projet de réforme du droit de la responsabilité civile propose, dans son article 1253, une définition autonome et souple de la force majeure en matière extracontractuelle, matière sous l’angle de laquelle les juges français appréhendent traditionnellement ce contentieux.

Selon ce texte, “en matière extracontractuelle, la force majeure est l’événement échappant au contrôle du défendeur ou de la personne dont il doit répondre, et dont ceux-ci ne pouvaient éviter ni la réalisation ni les conséquences par des mesures appropriées”.

Il est important de préciser que la jurisprudence a produit une liste de critères permettant d’évaluer la durée nécessaire de préavis. Ces critères se résument au volume du chiffre d’affaires réalisé, à la notoriété du client, au secteur en question, à la durée de la relation commerciale entre les parties, à l’absence de dépendance économique du fournisseur, au caractère saisonnier du produit, au temps nécessaire à la reprise des relations commerciales avec un tiers et à la durée minimale des préavis par référencement aux usages de commerce. (4)

III. Sanctions de la responsabilité

A) Cessation de la pratique

Toute personne justifiant d’un intérêt, autrement dit la victime, ainsi que le ministre chargé de l’Économie et le ministère public peuvent solliciter du juge la cessation de la pratique illicite.

La continuation de la relation, le cas échéant en référé et sous astreinte. Rapportée à l’hypothèse de la rupture brutale, cette cessation consiste dans le maintien de la relation commerciale nonobstant sa rupture. Cette continuation est le plus souvent sollicitée en référés.

L’ancien article L. 442-6, IV du Code de commerce prévoyait que le juge des référés pouvait, au besoin sous astreinte, ordonner la cessation des pratiques abusives ou toute autre mesure provisoire. La formule est reprise dans le nouvel article L. 442-4, II, alinéa 3. Même en présence d’une contestation sérieuse (CPC, art. 873), le président du Tribunal peut donc ordonner la continuation de relation commerciale, et ce sous astreinte dès lors qu’il existe un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite.

B) Réparation

L’impérativité de l’article L. 442-1 nouveau du Code de commerce n’interdit pas aux parties de transiger sur les conséquences de la rupture brutale. Ainsi, selon la Cour de cassation, “si l’article L. 442-6 I 5 ° institue une responsabilité d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent renoncer, il ne leur interdit pas de convenir des modalités de la rupture de leur relation commerciale, ou de transiger sur l’indemnisation du préjudice subi par suite de la brutalité de cette rupture”.

Auteur de la demande de réparation – Depuis l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 et la nouvelle rédaction de l’article L. 442-4 du Code de commerce, seule la personne qui justifie d’un intérêt légitime peut demander réparation du préjudice subi du fait de rupture brutale. Contrairement à ce que prévoyait l’ancien article L. 442-6, III du Code de commerce, le ministre chargé de l’Économie et le ministère public ne peuvent donc plus formuler une telle demande de réparation.

Conditions de la réparation. Preuve d’un préjudice en lien direct avec la brutalité de la rupture – La brutalité de la rupture d’une relation commerciale établie n’ouvre pas nécessairement droit à réparation au profit de la victime. Encore faut-il que cette dernière rapporte la preuve que le préjudice existe, et qu’il entretient un lien direct avec le fait générateur de responsabilité délictuelle, à savoir la brutalité de la rupture et non la rupture elle-même.

Preuve d’un préjudice – La rupture brutale de relations commerciales établies, bien qu’illicite, ne crée pas nécessairement un préjudice pour le partenaire délaissé. Il revient donc à ce dernier, en premier lieu, de rapporter la preuve de l’existence d’un préjudice. Doit être ainsi rejetée la demande en réparation de la société qui ne démontre ni le montant du chiffre d’affaires perdu depuis la rupture ni l’atteinte à son image de marque.

La réparation a vocation à compenser le dommage subi non du fait de la rupture elle-même, mais du fait de la brutalité de la rupture. Ainsi, selon la Cour de cassation, “seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non la rupture elle-même”. Plus encore, le dommage doit être la conséquence directe de la brutalité de la rupture.

Dès lors, les dommages qui résultent de la rupture elle-même ne sont pas réparables sur le fondement de l’article L. 442-1 du Code de commerce. Ainsi du coût des licenciements économiques consécutifs de la perte d’un marché ou encore de la perte partielle d’un fonds de commerce. Si le préjudice souffert est consécutif à la rupture elle-même, les plaideurs devront alors à agir non sur le fondement de l’article L. 442-1, II du Code de commerce, mais sur le terrain du droit commun de la responsabilité contractuelle pour rupture abusive pour peu la rupture soit fautive.

Pour lire une version plus détaillée de cet article sur la rupture des relations commerciales, cliquez

SOURCES :

  • (1) : Cass. com., 31 mars 2021, nº 19-16.139
    (2) : Cass. com., 27 mars 2019, 17-18.047
    (3) : CA Paris, 20 juin 2019, n° 17/0274
    (4) : Cass, com., 20 juin 2018, n° 16-24.163 ; Cass, com., 24 octobre 2018, n° 17-16.011, n° 17-21.807

Le cyber-harcèlement

La loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes a étendu l’incrimination du harcèlement moral au-delà de la sphère conjugale (C. pén., art. 222-33-2-1) et des relations de travail (c.pén.,art. 222-33-2). Cette infraction est désormais également caractérisée lorsqu’elle est commise sur internet. En pratique, internet étant un moyen de communication accessible dans toute la France (et même hors de ses frontières), tous les tribunaux du pays seront donc compétents.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de cyberharcèlement en passant par le formulaire !

En effet, elle introduit au sein du Code pénal un article 222-33-2-2, lequel dispose que « le fait d’harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail », notamment « Lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique ».

La nouvelle notion de « harcèlement de meute » ou « raid numérique » a été introduite par la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. L’article 222-33-2-2 du Code pénal dispose, désormais, que le cyber harcèlement moral est constitué également :

« a) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;

b) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition. »

Ainsi, toutes les personnes ayant participé à un harcèlement moral peuvent encourir des sanctions pénales en conséquence de leurs actions. (1)


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de cyberharcèlement ?

Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez-nous en cliquant sur le lien


Le délit d’harcèlement moral n’est donc plus seulement réprimé dans des circonstances particulières, et est également applicable aux faits commis sur internet. Désormais, tout harcèlement moral peut être constitutif d’une infraction et est punissable d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende (hors circonstances aggravantes) (c. pén., art. 222-33-2-2). Les articles 222-33-2 et 222-33-2-1 ont également été légèrement modifiés afin de remplacer les “agissements” répétés du harcèlement moral par des “propos ou comportements” ;

Toutefois, les infractions de harcèlement moral au sein de l’entreprise et dans le couple demeurent. Dorénavant, le code pénal comporte une infraction générale et des infractions spécifiques relatives au harcèlement moral. Cet article prévoit des circonstances aggravantes notamment lorsque les faits ont été commis sur internet. Ce qui implique que l’harcèlement en ligne ou cyber-harcèlement est un délit enfin reconnu par la loi.

Par ailleurs, cette loi du 4 août 2014 instaure également l’incrimination du harcèlement par voie de messageries électroniques (courriels, messageries privées sur les réseaux sociaux…). L’article 222-16 du code pénal est complété́ afin d’ajouter l’envoi de plusieurs courriels malveillants à l’incrimination des appels téléphoniques malveillants et agressions sonores.

Tel qu’il a été modifié par la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, cet article précise également que : « Lorsqu’ils sont commis par le conjoint ou le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, ces faits sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ». (3)

COMPETENCE DES TRIBUNAUX FRANCAIS

En matière délictuelle, le tribunal compétent est, en vertu de l’article 689 du code de procédure pénal et de l’article 113-2 du code pénal qui régissent l’application de la loi française et la compétence des tribunaux français, le lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire. Or, sur internet, le fait dommageable se produit dans tous les lieux où les informations ont été mises à la disposition des internautes.

Par conséquent, la victime de cyber-harcèlement pourra saisir le tribunal de son choix :

• la juridiction du lieu où demeure le défendeur,

• la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi (art. 46 NCPC).

Selon trois arrêts rendus le 22 janvier 2014, la Cour de cassation a jugé que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître des atteintes aux droits sur internet, dès lors que les contenus litigieux sont accessibles en France. Le lien de rattachement au public français, régulièrement exigé par les juges du fond pour justifier de leur compétence, ne semble plus devoir être démontré.

Dans le cas où le défendeur est domicilié dans l’un des Etats européens liés par le règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 (Bruxelles I), le tribunal compétent est :

• celui du lieu où le fait dommageable s’est produit, ou risque de se produire ».

• celui « du lieu où la personne lésée a le centre de ses intérêts » (CJUE 25 octobre 2011), qui « correspond en général à sa résidence habituelle » (CJUE 25 janvier 2014), en l’occurrence la France.

Pour la Cour de Justice européenne, « le critère de la matérialisation du dommage (…) confère compétence aux juridictions de chaque État membre sur le territoire duquel le contenu mis en ligne et accessible ou l’a été ».

Elle précise également que l’expression « lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire » vise à la fois « le lieu de matérialisation du dommage » et « le lieu de l’évènement causal » défini comme « le fait dans lequel le dommage allégué trouve son origine », « de sorte que le défendeur peut être attrait devant le tribunal de l’un ou de l’autre de ces deux lieux ».

Les victimes de cyber-harcèlement pourront désormais non seulement saisir les tribunaux français, mais encore se prévaloir de la législation française et ce même si le ou les articles, commentaires offensants ne sont pas écrits en français.

I. La généralisation du délit de harcèlement moral

A. Les nouveaux contours juridiques du délit de cyber-harcèlement

Le harcèlement moral se définit comme une conduite abusive de toute personne, de tout groupe, de tout supérieur hiérarchique, collègue ou collaborateur, qui, sur une certaine durée, se manifestera par des comportements, des actes, des paroles, des écrits effectués de manière systématique et répétée, visant la même personne ou le même groupe de personnes, dans le but implicite ou explicite de porter gravement atteinte à sa personnalité, à sa dignité et à son intégrité psychique ou physique, ainsi qu’à sa condition de vie.

Dans un arrêt en date du 26 septembre 2014, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé que le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés ses agissements. De plus, la répétition des agissements est nécessaire à la caractérisation de l’harcèlement moral. La dégradation des conditions de vie et les conséquences sur la victime sont également des éléments particulièrement analysé en matière d’harcèlement moral.

La généralisation du délit de harcèlement moral vise notamment à sanctionner l’usage des nouvelles technologies, et en l’occurrence d’internet, pour humilier de manière répétée une personne ; comme par exemple via les téléphones portables, messageries instantanées, forums, chats, jeux en ligne, courriers électroniques, réseaux sociaux, site de partage de photographies etc.

Facebook est souvent le réseau social le plus exposé à ce genre de lynchage public. Sur cet espace dédié, des internautes viennent insulter, en général de manière anonyme, la victime et ne cessent de la harceler.

Le harcèlement moral sur internet peut également prendre d’autres formes. En effet, tout ce qui nuit à une personne peut être considéré comme harcèlement : détournement d’identité, profil et compte de messagerie piratés, intimidation, création de faux profils…

On parle d’harcèlement sur Internet lorsqu’une personne est victime d’humiliations, de moqueries, d’injures, voire de menaces physiques sur la toile.

Selon le Ministère de l’Education Nationale, le cyber-harcèlement est un « acte agressif, intentionnel perpétré par un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes de communication électroniques, de façon répétée à l’encontre d’une victime qui ne peut facilement se défendre seule ».

Le harcèlement moral est désormais réprimé sans tenir compte du contexte dans lequel il se manifeste. Le législateur a pris conscience qu’il existe des situations diverses et variées, autres que les relations de travail ou de couple, dans lesquelles la fragilité de la personne est mise à l’épreuve.

À cet égard, les nouvelles techniques constituent, bien sûr, des moyens efficaces de « persécution ». Le cyber-harcèlement, évoqué dans les travaux parlementaires, est une réalité. Nul besoin d’entrer physiquement en contact avec sa victime pour la tourmenter. De fait, la loi du 4 août 2014 a modifié la définition du délit en remplaçant le terme « agissements » par « propos et comportements », élargissant ainsi le champ des faits susceptibles d’être sanctionnés.

B. Les circonstances aggravantes propres au nouveau délit de cyber-harcèlement

La pratique montre que de très nombreux adolescents se disent victimes de harcèlement sur internet. Le préjudice pour les victimes est souvent gravissime dans la mesure où les propos peuvent rester accessibles au public longtemps après les faits.

C’est pourquoi la sanction pourra être alourdie à trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsque la victime est considérée comme “vulnérable”, ce qui pourra être le cas d’enfants ou de jeunes adolescents, de femmes enceintes, de personnes âgées ou de personnes handicapées physiques ou mental :

(…) Lorsqu’ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ; Lorsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne.

Ainsi, en début d’année 2016, un cyber harceleur anglais a été condamné par le TGI de Paris, pour persécution et harcèlement moral sur internet contre une personne âgée et malade de surcroit, bien que les propos retenus ne soient pas de la diffamation proprement dite selon le tribunal.

De même, le juge des référés du TGI de Paris a estimé que la diffusion répétée de 34 articles contre un couple, caractérisait le délit de cyber-harcèlement. (ordonnance du 26 mars 2016) Le juge a listé les url de chacun des articles et a ordonné leur retrait.

Pour que le délit puisse être sanctionné, il faudra néanmoins démontrer le caractère répété des propos qui caractérise le harcèlement. Ainsi, le nouveau délit n’a pas vocation à remplacer ou à se substituer au délit d’injure, de dénigrement ou au délit de diffamation, qui permet de poursuivre des propos pris isolement.

II. Cyber-harcèlement et autres atteintes sur internet

Jusqu’à la création de l’article 222-33-2-2 du Code pénal, l’arsenal juridique à la disposition des victimes d’actes de harcèlement sur internet n’était pas satisfaisant.

Certes, il était possible de poursuivre l’auteur de propos diffamants ou injurieux sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou sur le terrain du droit à l’image.

Toutefois, la loi de 1881 a volontairement instauré de nombreux garde-fous afin de protéger la liberté d’expression. Il était donc très compliqué, pour les victimes d’actes de harcèlement, de faire condamner l’auteur de propos abusifs au visa de la loi de 1881.

En outre, il n’était pas plus facile de faire retirer des propos nuisibles publiés sur internet, notamment parce que les délais de prescription, c’est-à-dire le délai dans lequel il est possible de se plaindre, sont très courts quand ils sont relatifs à la diffamation ou à l’injure : trois mois à compter de la première mise en ligne, y compris sur internet.

Injure

La loi du 29 juillet 1881 sur les infractions de presse réprime de nombreux agissements : propos diffamatoires, injurieux ou dénigrant. Mais attention, les juges exigent que les fondements et les infractions soient clairement distingués.

L’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 définit également l’injure : « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ». Il existe cependant une excuse de provocation.

L’injure, regroupe par exemple toutes les expressions visant une personne et qui manifestent un mépris, une critique infondée. Ce qui est pris en compte c’est à la fois les mots prononcés mais également la manière dont ils sont dits ou écrits.

C’est ce dernier point, l’absence d’imputation de fait précis qui fait la différence, parfois difficile à apprécier, entre l’injure et la diffamation.

Une injure publique est réprimée par la loi de 1881 (article 33), qui la punit d’une amende de 12 000 euros. L’auteur d’une diffamation publique encourt quant à lui une peine d’emprisonnement d’un an et/ou 45 000 euros d’amende.

Diffamation

Ce même article de la loi de 1881,définit la diffamation comme le fait de porter atteinte à l’honneur et à la considération d’une personne lui imputant un fait précis. Une simple critique ou appréciation de valeur ne peut constituer une infraction.

Publique ou non publique

Les sanctions ne sont pas les mêmes selon une l’infraction en cause s’est faite par voie de presse (publiquement), y compris par voie électronique depuis la LCEN ou de manière privée. Si l’infraction a eu lieu publiquement, sur internet par exemple, il s’agit d’un délit et non d’une contravention et les sanctions sont plus sévères : amende et peine d’emprisonnement.

Un auteur poursuivi pour diffamation ou injure peut démontrer qu’il a tenu les propos en cause dans un but légitime et exclusif de toute animosité personnelle, il s’agit de produire des éléments prouvant la réalité des faits ou bien faire la démonstration de sa bonne foi (exception de vérité).

Dénigrement

Le dénigrement consiste à discréditer publiquement une personne ou une entreprise. C’est un usage fautif de la liberté d’expression, au sens de l’article 1382 du Code civil dès lors que l’auteur du dénigrement a le dessein de nuire et porte préjudice à autrui. Dans le cadre du dénigrement, la victime pourra réclamer des dommages et intérêts.

Le délai pour faire une action en justice dans ce cas est plus long que les 3 mois à compter de la parution des propos offensants, des infractions de presse.

Pour lire une version plus complète de cet article, cliquez sur ce lien

Sources :

LOI n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ;
Réagir en cas de harcèlement en ligne, 11 février 2019 https://www.cnil.fr/fr/reagir-en-cas-de-harcelement-en-ligne
LOI n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales
https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques/affaire-mila-loi-schiappa-contre-cyber-harcelement-et-raids-numeriques-fait
http://www.lepetitjuriste.fr/droit-penal/droit-penal-general/la-nouvelle-definition-du-harcelement-moral/
http://www.legavox.fr/blog/maitre-haddad-sabine/harcelement-moral-definition-sanctions-4339.htm#.VtmWbLQU1p8
http://www.dalloz.fr.
https://neoigspolicenationale.wordpress.com/2012/10/13/lois-et-sanctionsinjures-diffamation-atteinte-a-la-vie-privee-sur-internet/
http://www.avocats-picovschi.com/diffamation-injure-ou-denigrement-sur-internet-quelles-solutions-pour-les-victimes_article_871.html