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Contrefaçon : affaire Distrib

Pour permettre l’identification sur l’internet, les noms de domaine ont fait leur apparition, or les noms de domaines obéissent à la règle du « premier arrivé, premier servi ». C’est ainsi que l’on a pu voir apparaitre le cybersquatting, le typosquatting, et tout autre procédés qui permettent de profiter de l’attraction que peut avoir un nom de domaine. Ainsi comme peut l’être une marque, un nom de domaine peut être contrefait.

Le développement des activités commerciales sur le Net est exponentiel, les entreprises réservant de plus en plus leurs Noms Commercial et(ou) leurs Marques comme noms de domaine pour pouvoir être présentes sur ce nouveau média qu’est Internet. La conséquence directe est que les noms de domaine font désormais partie intégrante des moyens d’identification, de communication et de publicité de nombreuses entreprises.

Or, les Noms de domaine obéissent tous à la règle du «Premier arrivé, Premier servi »; qui résulte de la technicité même du réseau Internet. Ainsi, il est impossible pour deux sociétés d’obtenir un même nom de domaine pour une même extension ( .com .fr etc…).

Bien sur, des frictions apparaissent et l’on pense de suite aux pratiques de cybersquatting , des personnes, agissant de mauvaise foi, profitent de l’absence de contrôle préalable pour l’attribution des noms de domaine sur des extensions dites «ouvertes »pour enregistrer délibérément des Marques Notoires ou encore des Noms Patronymiques célèbres dans l’unique but de les revendre au prix fort aux propriétaires légitimes, ou de les rendre indisponibles pour le concurrent, voire d’obtenir un trafic plus conséquent sur le site ainsi nommé.

Les Noms de domaine ayant une extension ouverte sont ceux dont l’attribution ne nécessite la fourniture d’aucun justificatif ( .com .net . org … ) par opposition aux Noms de domaine ayant une extension fermée qui eux font l’objet d’un contrôle a priori ( .fr , .pro …)

Toutefois, dans l’affaire Distrib, il n’y avait ni mauvaise foi, ni cybersquatting: le nom de domaine en cause était en .fr c’est à dire une extension dite «fermée »: l’attribution des noms de domaine en .fr font l’objet d’un contrôle a priori, les réservataires devant fournir un certain nombre de justificatifs démontrant leurs droits sur le nom souhaité ( Extrait Kbis, certificat de dépôt ou d’enregistrement d’une marque …).

Ce système a l’ambition de réduire les cas d’appropriation frauduleux car seuls les titulaires légitimes de Nom peuvent obtenir le Nom de domaine correspondant.

En l’espèce, les protagonistes étaient tous deux légitimement en droit d’obtenir le Nom de domaine distrib.fr. Malheureusement, seul le plus rapide pouvait en disposer en vertu de la règle «premier arrivé , premier servi ».

C’est ainsi qu’en 1999, LA SARL Distrib a réservé, en toute bonne foi, le Nom de domaine distrib.fr pour en faire un portail destiné notamment à proposer des offres d’emploi. Or, deux ans plus tard, la société Agena 3000 réfute cette réservation par le biais d’une action en contrefaçon et souhaite voir transférer ce nom de domaine à son profit. L’argument principal de cette dernière société tenait dans le fait qu’elle dispose d’une Marque déposée antérieurement à la réservation du nom de domaine.

Certes, cet argument avait été retenu dans l’affaire Alice par le TGI Paris, statuant le 12 mars 1998 en référé, qui avait admis que le nom de domaine alice.fr avait été réservé en fraude des droits du titulaire de la marque Alice. Toutefois, cette décision a été très rapidement infirmée en appel et le 23 mars 1999, le TGI de Paris jugeant au fond, estima qu’il était nécessaire de tenir compte du principe de spécialité.

L’affaire Distrib permet de confirmer les conditions requises pour qu’une marque non notoire puisse être opposable à la réservation du même signe en nom de domaine par un tiers àl’aide d’une action en contrefaçon.

Tout d’abord la marque doit être déposée antérieurement à la réservation du nom de domaine. Le 7 septembre 2001, le TGI de Paris a, dans l’affaire Ferrari, jugé que le titulaire de la marque n’était titulaire d’aucun droit de marque du fait que le dépôt a été effectué près de 6 mois après l’enregistrement du nom de domaine.

Dans l’affaire Distrib, l’antériorité de la marque n’a pas soulevé de difficulté, cette dernière ayant été déposée près de 6 ans avant la réservation du nom de domaine.

Ensuite, la marque ne doit pas être déchue. Rappelons qu’une Marque encourt la déchéance dès lors qu’elle n’est pas exploitée pendant une période ininterrompue de 5 ans ( Art.L714-5 CPI). L’affaire Distrib apporte une précision quant à l’exploitation nécessaire pour relever la marque de la déchéance en estimant que l’utilisation de la marque au travers d’un service télématique, quand bien même ce dernier faisait état d’une activité « relativement confidentielle » suffit àcaractériser l’exploitation de la marque.

Enfin, pour que l’antériorité d’une marque soit effectivement susceptible d’être retenue et puisse permettre de faire aboutir une action en contrefaçon, il est nécessaire que l’on se situe à l’intérieur de la sphère de protection accordée par la marque, c’est à dire à l’intérieur du champ de la spécialité. En dehors du champ de la spécialité, le principe du « premier arrivé, premier servi » reprend tous ses droits.

Afin de savoir si l’on se trouve à l’intérieur du champ de la spécialité, il convient de comparer les produits et services visés dans le dépôt de la Marque avec le contenu du site rattaché au nom de domaine en cause.( voir TGI Nanterre 21 janvier 2002 Sté Saveurs )

Dans l’affaire Distrib, le juge a également rappelé expressément que si la marque est reproduite pour des produits ou services similaires, il est nécessaire qu’existe un risque de confusion ( voir art.L713-3 CPI ).

En l’espèce, la SARL Distrib proposait des offres d’emploi en ligne tandis que la société Agena 3000 proposait un service de veille marketing.

Le tribunal a estimé qu’il n’y avait guère de confusion possible entre les deux activités pour un internaute moyennement éclairé.

Ce faisant, l’action en contrefaçon ne peut aboutir. La société Agena 3000, titulaire de la Marque Distrib, n’est pas fondée à obtenir la radiation ou le transfert du nom de domaine réservé par la SARL Distrib.

La règle du Premier Arrivé, Premier Servi trouve donc à s’appliquer au profit de la SARL Distrib qui peut ainsi conserver son nom de domaine.

Gageons que cette affaire Distrib refroidisse quelque peu les ardeurs de certains titulaires de marque n’ayant pas su saisir à temps l’opportunité de leur présence sur le réseau et voulant user de la justice pour rattraper leur retard.

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1er arrêt de la cour de cassation sur les noms de domaine

Les noms de domaine permettent de faciliter la navigation sur le web en identifiant les pages web, c’est alors un outil très important, cependant celui-ci peut entrer en conflit avec un droit de marque. C’est ainsi que le premier arrêt de la cour de cassation sur les noms de domaine a vu le jour, elle a dû en effet se demander si la reproduction illicite d’une marque protégée utilisée à titre de nom de domaine constitue une contrefaçon.

Les noms de domaine sont généralement attribués selon la règle commune dite du « premier arrivé, premier servi ». Cette règle est indépendante de toute considération juridique tenant à la protection des droits antérieurs.

C’est ainsi qu’un nom de domaine risque de se trouver en conflit avec le monopole d’exploitation consacré par le droit des marques.

Ainsi, il a déjà été jugé et il est de jurisprudence constante que la reproduction illicite d’une marque protégée utilisée à titre de nom de domaine constitue une contrefaçon de marque (TGI Paris Ref. 25 avril 1997).

En effet, une marque déposée est l’objet d’un droit exclusif de propriété au profit de son titulaire (propriété acquise au moyen de la formalité de dépôt / article L 713-1 du Code de la propriété intellectuelle) qui peut donc s’opposer à toute atteinte portée à son droit, sous quelque forme que ce soit, de bonne ou de mauvaise foi.

Cependant, il est également de jurisprudence constante que le principe de spécialité de la marque est à prendre en compte, celui-ci interdisant de radier en l’absence de confusion un nom de domaine identique à une maque, lorsque la société titulaire du nom de domaine et la société titulaire de la marque ont des activités différentes et que la marque antérieure est protégée pour des produits ou des services distincts (CA Paris 14ème Chbre Sect. B 4 décembre 1998).

Du fait de cette jurisprudence, certaines sociétés titulaires d’une marque qu’elles utilisaient à titre de nom de domaine ont cru bon de procéder à son enregistrement en classe 38, l’associant ainsi aux services de communication télématique, bien que la nature réelle des produits et services désignés par ladite marque soit sans rapport direct avec les services de télécommunication.

L’enregistrement de leur marque au sein de cette classe ne trouvait en réalité sa cause que dans le support de diffusion et d’exploitation informatique, matérialisé par l’utilisation de ladite marque à titre de nom de domaine.

Mais en réalité un tel rattachement n’était utilisé que dans le but pour ces sociétés de se prémunir contre la reproduction de leur marque protégée utilisée à titre de nom de domaine par un tiers, bien que les produits et services proposés à ce titre puissent être d’une nature réelle différente ou que l’activité dudit tiers s’inscrive dans un secteur pourtant non similaire.

Et c’est cette pratique que la Cour de Cassation dans son arrêt du 13 décembre 2005 vient de réfuter.

En l’espèce, la société « Le Tourisme Moderne » titulaire de la marque « Locatour » ainsi que d’un site internet utilisant ladite marque à titre de nom de domaine sous la dénomination « locatour.fr », proposait des produits et services dans le secteur d’activités de l’organisation de séjours.

Or, la société « Soficar » titulaire d’un site internet dont le nom de domaine « locatour.com » avait été enregistré postérieurement au dépôt de la marque « Locatour » par la société « Le Tourisme Moderne », possédait un site encore inactif au moment du litige et s’inscrivait dans un secteur d’activités différent, qui lui aurait très certainement imposé lors de l’exploitation effective de son site « locatour.com » de proposer des produits et services de nature différente.

Cependant, la marque « Locatour » avait été déposée en classe 38 par la société « Le Tourisme Moderne », qui arguait donc de la contrefaçon constituée par l’utilisation à titre de nom de domaine de cette marque par la société « Soficar », le mode d’exploitation matérialisé par le support informatique se révélant similaire aux deux sociétés.

Pour la Cour de Cassation un nom de domaine ne peut contrefaire par reproduction ou par imitation une marque antérieure que si la nature réelle des produits et services offerts sur ce site sont soit identiques soit similaires à ceux visés dans l’enregistrement de la marque et de nature à entraîner un risque de confusion dans l’esprit du public.

Peu importe donc que ladite marque soit enregistrée en classe 38 dans le but de désigner son support d’exploitation informatique, cette classe ne représentant pas la nature réelle des produits et services proposés sur ce site.

La nature réelle de produits et services s’inscrivant dans le champ d’enregistrement d’une marque ainsi que la nature similaire ou identique de produits et services proposés par un tiers au moyen de l’utilisation de ladite marque protégée à titre de nom de domaine, crée effectivement un risque de confusion aux yeux du public et est donc constitutive d’un acte de contrefaçon.

En revanche, un identique support de diffusion informatique ne saurait suffire à lui seul à créer un risque de confusion aux yeux du public, peu importe l’enregistrement de la marque protégée en classe 38, lorsque des produits et services de nature différente sont proposés d’une part par le titulaire de ladite marque, d’autre part par un tiers utilisant cette même marque à titre de nom de domaine

Ainsi, bien que la marque « Locatour » ait été déposée en classe 38, l’exploitation de celle-ci par un tiers l’utilisant à titre de nom de domaine au moyen d’un service de télécommunication, ne saurait suffire à lui seul à créer une confusion dans l’esprit du public, d’autant que ce tiers titulaire du nom de domaine « locatour.com » s’inscrit dans un secteur d’activités différent.

De plus, le site objet du litige étant inactif, il est impossible de caractériser la contrefaçon, la nature réelle des différents produits et services proposés par le titulaire légitime de la marque et par le tiers l’ayant utilisée à titre de nom de domaine ne pouvant être comparée en vue d’une application du principe de spécialité.

Bien plus que de confirmer le principe de spécialité, la Cour de Cassation en dessine les contours sur internet et réfute d’y inclure le mode d’exploitation de produits et services s’inscrivant au sein d’une marque.

Pour qu’un enregistrement en classe 38 produise effet au regard du principe de spécialité, il s’avère nécessaire que les produits et services proposés par une marque aient une nature réelle rattachée au domaine des services de télécommunication (vente de modems …).

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Contrefaçon de marques et noms de domaine

J’ai acheté une marque :  » saint–james « , et j’ai crée un site internet dénommé : http://www.saint-james.com. Or je suis attaqué devant les tribunaux pour contrefaçon de marques par le propriétaire d’une marque  » saint-john « , disposant d’un site internet : http://www.saint-john.com . Y a t il réellement contrefaçon ?

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