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Balises et droit des marques

Le droit des marques est une branche importante du droit de la propriété intellectuelle. Le dépôt d’une marque assure à son propriétaire la possibilité de se défendre contre l’usage sans autorisation de celle-ci par un concurrent. Cette protection accordée par le droit français a une durée de 10 ans, contre 20 ans pour les brevets. La contrefaçon de marque est donc sanctionnée par notre droit.

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Le référencement désigne l’ensemble des actions visant à optimiser l’enregistrement d’un site web dans les moteurs de recherche, dans le but d’en accroître la visibilité. On distingue le référencement naturel du référencement payant. Le référencement naturel (référencement gratuit, ou SEO pour Search Engine Optimization) consiste à faire figurer un site web dans les moteurs de recherche en choisissant des mots clés stratégiques en rapport avec son domaine d’activité, et ce afin de le rendre visible. Le référencement commercial (ou référencement payant) consiste en l’achat aux enchères de mots clés sur un ou plusieurs réseaux de diffusion .

L’utilisation d’une marque concurrente par une entreprise dans ses balises est-elle constitutive de contrefaçon ? C’est la problématique mise en avant par l’affaire Décathlon contre Inuka, concernant laquelle un jugement du Tribunal de Grande Instance de Lyon a été rendu le 17 janvier 2017. Par ce jugement, l’entreprise Décathlon a été condamnée pour contrefaçon de la marque Inuka en raison de l’utilisation de cette marque à trois reprises : dans la balise titre, dans la balise description et sur son site web.


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I – Le risque de confusion sur l’origine des produits, une condition de la contrefaçon

Dans le cadre du référencement naturel, les moteurs de recherche (ou hébergeurs) remplissent un rôle neutre et ne contrôlent donc pas les sites référencés dans les résultats naturels des recherches. En conséquence, ils sont soumis à un régime de responsabilité atténuée . Le cybervendeur, en revanche, est responsable du choix des mots clés qu’il effectue et qu’il utilise dans ses balises.

La contrefaçon  est une pratique anticoncurrentielle, en violation d’un droit de propriété intellectuelle, et une tromperie du consommateur. La condition de risque de confusion est prévue par la loi à l’article L713-3 du Code de la propriété intellectuelle.

Un arrêt du 27 juin 2018 est venu préciser que ce risque de confusion devait s’apprécier en fonction, non pas au vu des différences entre les signes, mais au vu du consommateur d’attention moyenne, et de la confusion créée chez lui. L’importance du consommateur moyen a été reprise dans un arrêt du 27 mars 2019 qui dispose que le risque de confusion s’apprécie de manière globale, en fonction du contenu de l’enregistrement de la marque et par rapport au consommateur visé lors de l’enregistrement de la marque et non pas en fonction des conditions d’exploitation de la marque.

Dans l’affaire Décathlon, il s’agit bien du référencement naturel. Le cybervendeur utilisait la marque d’un concurrent dans ses balises. Ainsi, lorsqu’un internaute effectuait une recherche concernant les produits de la marque  » Inuka « , le site du cybervendeur Décathlon apparaissait en 5e position des résultats de la recherche. L’internaute pouvait alors croire que ce cybervendeur allait lui proposer à la vente des produits de la marque Inuka. En réalité, le lien emmenait vers une page ne proposant pas de produits de la marque Inuka.

L’article L713-2 du CPI vise les hypothèses de contrefaçon en cas de double identité, à savoir la reproduction ou l’usage, sans autorisation du titulaire, d’un signe identique à la marque antérieure en vue de désigner des produits ou services à ceux identifiés par celle-ci. Dans l’affaire Décathlon, le Tribunal de Grande Instance de Lyon relève que le cybervendeur utilise le mot-clé  » Inuka achat  » alors qu’il propose à la vente des vêtements et chaussures de randonnée, comme le fait la marque Inuka. Ainsi, la marque Inuka est associée à des produits de même type que ceux pour lesquels elle a été enregistrée.

Cet usage de la marque d’un concurrent par le cybervendeur dans ses balises laissait croire à tort, au client potentiel, qu’il existe un lien économique entre les deux entreprises. Cet usage créait un risque de confusion sur l’origine des produits. Ainsi, l’article L713-2 du CPI est bien applicable. Mais l’usage est-il de nature à permettre à la marque d’exercer son droit exclusif ? Autrement dit, s’agissait-il d’un usage de la marque dans la vie des affaires ?

II – L’usage de la marque dans la vie des affaires, une condition de la contrefaçon

L’usage de la marque dans la vie des affaires est une condition nécessaire de la caractérisation de la contrefaçon dégagée par la jurisprudence. En effet, cette condition n’est pas prévue par l’article L713-3 du Code de la propriété intellectuelle. Elle n’est pas non plus prévue par l’article 5-1 de la directive européenne 2008/95 du 22 octobre 2008, à la lumière de laquelle le texte français doit être interprété.

C’est donc d’abord la Cour d’appel de Paris qui a dégagé cette condition comme nécessaire à la caractérisation de la contrefaçon et en a précisé les contours. La Cour de cassation a confirmé les solutions dégagées par la Cour d’appel dans un arrêt du 10 mai 2011. La notion d’usage dans la vie des affaires est donc un usage qui tend à l’obtention d’un avantage direct ou indirect de nature économique. C’est la fonction économique de la marque qui est protégée par la contrefaçon et cette fonction économique est à l’origine de la condition d’usage dans la vie des affaires.

La jurisprudence antérieure avait déjà précisé que l’usage d’un signe à titre de meta tag  ne constitue pas un acte de contrefaçon. En effet, le meta tag étant une information non visible par l’internaute et qui permet aux moteurs de recherche de référencer une page web dans leurs bases de données, il ne peut s’agir d’un usage dans la vie des affaires. Dans l’affaire Décathlon, le cybervendeur utilisait la marque de son concurrent à titre de meta tag non visible par le consommateur. Mais il utilisait également cette marque concurrente dans ses balises visibles par l’internaute : dans la balise titre et dans la balise description. Cet usage visait à orienter son comportement économique. L’objectif recherché par le cybervendeur était alors de capter une partie de la clientèle de la marque concurrente. La clientèle d’une entreprise ayant une valeur marchande, il s’agit bien d’un usage qui vise l’obtention d’un avantage de nature économique.

Cette jurisprudence de 2017 va être confirmée dans une décision du 3 mars 2020, quand la Cour d’appel de Paris a été saisie par une société titulaire de la marque « Aquarelle », agissant contre une autre société ayant réservé auprès de Google Adwords le mot-clé « Aquarelle ». Vu que les deux sociétés proposent des produits identiques et que la marque était utilisée en tant que mot-clé afin d’attirer une clientèle, la condition d’usage dans la vie des affaires a bien été remplie.

Malgré un refus de la cour de caractériser la contrefaçon sur le terrain de la campagne de référencement payant de Google Adwords, elle a tout de même retenu la contrefaçon en raison d’un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen. La Cour d’appel retient que l’utilisateur pouvait être amené à penser que les produits visés par l’annonce provenaient « de la société Aquarelle, titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à elle », et ne provenait donc pas d’un tiers à la marque.

Contrairement à l’affaire Décathlon, le référencement en l’espèce n’était pas invisible pour le consommateur, il s’agissait d’un référencement payant, justifiant la décision de la Cour d’appel, qui retient une atteinte au droit du titulaire de la marque.

En conclusion, l’usage d’une marque comme meta tag, invisible par l’internaute mais utile pour le référencement naturel, ne porte pas en soi atteinte au droit du titulaire de la marque, sauf lorsque cette marque est reprise de manière visible dans la balise titre ou dans la balise description.

Pour lire une version plus complète de l’article balise et droit des marques , cliquez ici

Sources :
– http://www.village-justice.com/articles/contrefacon-marque-usage-affaires,10514.html
– http://www.cairn.info/revue-legicom-2010-1-p-107.htm
– https://www.legalis.net/actualite/decathlon-contrefacteur-de-la-marque-inuka-dans-ses-balises/
– Dalloz IP/IT 2017 p.176, Affaire Decathlon
– Com., 27 mars 2019, 17-31.605
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038426839
– Com., 27 juin 2018, 17-13.390, Inédit
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT00003719661
– CA Paris, 3 mars 2020 n° 18-09051

Les images gifs et le droit d’auteur

Véritable phénomène social, le GIF bouleverse les modes de communications traditionnels jusqu’alors basés sur l’échange de mots.

Ces images animées, issues de séries, de films ou encore de dessins animés, pourraient bien se heurter à la protection des droits d’auteurs.

Depuis l’avènement d’internet, la protection des droits d’auteurs doit perpétuellement être interprétée et ajustée afin de ne pas laisser subsister des zones de non droit.

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Récemment c’est le GIF qui amène les spécialistes du droit à statuer sur l’encadrement de son utilisation.


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Le GIF, acronyme de Graphics Interchange Format, est un format conçu en 1987 pour permettre le téléchargement d’images en couleur. Les images alors assemblées créent une sorte de petits « films » joués en boucle.

L’utilisation du GIF revient en force ces derniers mois et se transforme en véritable phénomène social. Ces fichiers sont une véritable alternative aux smiley et permettent des échanges uniques et surprenants.

En effet, issus d’images de séries, de films, d’émissions ou encore de dessins animés, ils permettent de décrire une situation qu’il est difficile de décrire avec une simple photo. Ils ont une véritable force illustrative et démonstrative.

Cependant, qu’en est-il de la protection droits d’auteurs des œuvres ainsi utilisées ?

Le droit d’auteur correspond à l’ensemble des prérogatives dont dispose une personne sur les œuvres de l’esprit qu’elle a créées. Il est partagé entre le droit patrimonial et le droit moral.

Les droits patrimoniaux se prescrivent 70 ans après le décès de l’auteur, contrairement au droit moral qui est imprescriptible.

Les droits patrimoniaux permettent de contrôler l’utilisation par autrui de l’œuvre créée et, donc, d’en percevoir une contrepartie.

Les droits moraux permettent, quant à eux, de protéger la personnalité de l’auteur exprimée à travers l’œuvre.

Toute utilisation (reproduction, représentation) de l’œuvre protégée est donc normalement soumise à autorisation préalable de l’auteur, sans quoi il y aura contrefaçon.

Le droit moral s’applique également sur Internet. Ainsi un auteur ou ses héritiers (le droit moral étant imprescriptible, il est transmis aux héritiers à cause de mort) pourraient agir contre une personne ayant dénaturé l’œuvre.

Toutefois, certaines exceptions sont prévues afin d’accorder au public une utilisation libre de l’œuvre.

Exception aux droits patrimoniaux

Lorsque l’œuvre est utilisée à des fins strictement privées, simplement citée, ou encore parodiée ou caricaturée, son utilisation échappe aux droits d’auteur.

Le GIF utilise des images tirées d’œuvre de l’esprit. Le nombre d’image utilisé est très faible et forme une animation de très courte durée.

Dès lors, il peut être qualifié juridiquement de courte citation et échapper à la protection des droits d’auteur, selon l’article L.122-5 du Code de la Propriété intellectuelle.

La courte citation est conditionnée à la réunion de trois éléments :

  • La brièveté
  • La mention de la source dans le respect du droit de paternité de l’œuvre originale
  • Le caractère justifiée de l’utilisation de la citation

S’agissant de la brièveté, cette dernière s’apprécie in concreto, c’est-à-dire que le juge va regarder les circonstances particulières de la citation pour déterminer s’il s’agit ou non d’une courte citation, comme il l’a fait dans un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 19 novembre 2019.
Concernant le respect au droit de paternité de l’auteur de l’œuvre originale. Il s’agit d’un droit moral, il est donc imprescriptible. Ainsi l’utilisation d’un GIF, si elle répond à l’exception de citation, est conditionnée à une mention du nom de l’auteur ainsi que la source de l’œuvre, principe rappelé encore une fois dans l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 19 novembre 2019.

Cependant, la dernière condition étant difficile à prouver, puisque le GIF semble être que pur divertissement, la qualification de courte citation peut être facilement écartée.

Cependant, la dernière condition étant difficile à prouver, puisque le GIF semble être que pur divertissement. Or cette exception de citation est en principe, limitée aux fins de critiques, polémiques, pédagogiques, scientifiques ou d’informations. De même l’utilisation d’un GIF par une entreprise à des fins de communication, correspond à une utilisation commerciale, ce qui fut exclu du champ d’application de l’exception de citation par le TGI de Paris le 15 mars 2002. La qualification de courte citation peut donc être facilement écartée.
Le GIF est une sélection d’images bien particulières d’une œuvre audiovisuelle jouées en boucle. Ce mécanisme de répétition et ce choix des images créent tout le succès du GIF.
Le GIF peut alors s’apparenter à une parodie, œuvre seconde à visée ludique ou moqueuse. Autrefois, la parodie était qualifiée que lorsqu’il y avait une portée satirique, aujourd’hui elle peut l’être à la seule recherche du rire.
Pour que l’exception de parodie soit retenue, il faut qu’elle remplisse deux conditions.

Tout d’abord, il faut que la parodie ne crée aucun risque de confusion entre l’œuvre parodiée et sa parodie. Il s’agit d’une condition prévue à l’article L.122-5 4° du Code de la propriété intellectuelle, elle est considérée comme l’élément matériel de l’exception, il s’agit d’une condition constante et nécessaire, encore rappelée dans un arrêt du 22 mai 2019. Le GIF ne reprenant qu’un court passage de l’œuvre originale, il n’existe aucun risque de confusion.

Enfin, il faut que la parodie soit poursuivie dans un but humoristique. Il s’agit là de l’élément moral de l’exception, or la jurisprudence, qui suit une tendance à l’assouplissement de l’exception de parodie, va diminuer l’importance de cette condition. Comme ce fut le cas dans l’arrêt du 22 mai 2019, où la Cour de cassation a appliqué l’exception de parodie à un photomontage, alors que le caractère humoristique n’était que secondaire à un message d’intérêt général. Dans la pratique, les GIF ont principalement un but humoristique, vu qu’il servent à illustrer un propos à travers une courte animation.

Depuis l’arrêt Painer du 1er décembre 2011 rendue par la CJUE, on considère que la parodie n’a pas à porter sur une œuvre originale protégée par le droit d’auteur pour être protégé par l’exception de parodie. Cette jurisprudence nous permet donc d’appliquer l’exception de parodie à tous GIF, même non issus d’une œuvre originale, comme issus d’une émission sportive ou d’un discours politique (La Cour d’appel de Paris le 13 mars 2020 a reconnu l’application de l’exception de parodie à une vidéo militante). Cela permettrait d’assurer une protection uniforme pour ces GIF, indépendamment de leur origine.

Enfin, il convient de se demander si les GIF ne peuvent pas faire l’objet de l’exception de l’usage privé. En effet, les GIF sont la plupart du temps utilisés au cours de discussions avec des amis ou de la famille, leur utilisation serait donc restreinte au cercle de famille. Toutefois, cette exception est limitée, car aujourd’hui ces GIF sont également fréquemment utilisés sur les réseaux sociaux.

Exception aux droits moraux

Les droits moraux emportent l’interdiction de porter atteinte à l’intégrité de l’œuvre. Une telle atteinte peut être caractérisée lorsque l’œuvre est déformée ou diffusée hors contexte.

Or, le GIF diffuse un extrait très bref de l’œuvre qui peut finalement porter atteinte au respect de l’œuvre.

Malgré que cette atteinte puisse être retenue par certains juges, les ayants droits concernés ne semblent pas s’en préoccuper. En effet, l’utilisation de ce format n’a pour le moment amené aucuns contentieux.

Les exceptions, de parodie ou de citation, empêchent également qu’une atteinte aux droits moraux de l’auteur soit retenue.

Toutefois, des applications de bases de données de GIFs commencent à voir le jour entraînant avec elles leur monétisation.

C’est le cas de .GIF, application conçue par deux français, qui compte aujourd’hui plus de 15 000 utilisateurs.

  • Comment est encadrée la distribution des GIF sur ces applications ?

Pour Giphy, moteur de recherche de GIF, et sa nouvelle application d’envoie d’images animées par SMS, (Nutmeg) ce sont ses partenaires (Disney, Game of thrones…) qui donnent aux utilisateurs le droit de distribuer leurs animations.

Mais lorsque le GIF n’appartient pas à un de ces partenaires, Giphy ne paie aucune redevance pour son utilisation et sa distribution.

Les ayants droit qui n’ont, aujourd’hui, aucun intérêt à porter devant la justice la violation de leurs droits pourraient changer d’avis si ce partage se transforme en commerce lucratif.

 

SOURCES
Droit d’auteur et copyright – Broché – 2014 – Françoise Benhamou – Joëlle Farchy
http://www.inpi.fr/fr/l-inpi/la-propriete-industrielle/comment-proteger-vos-creations/le-droit-d-auteur.html
http://vosdroits.service-public.fr/professionnels-entreprises/F23431.xhtml
Article L.122-5 du Code de la Propriété intellectuelle
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037388886/
Cour d’appel de Versailles du 19 novembre 2019 n° 18/08181
TGI de Paris le 15 mars 2002
Civ. 1ère ch. 22 mai 2019, 18-12.718
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/premiere_chambre_civile_3169/2019_9122/mai_9285/469_22_42551.html
CJUE 1er décembre 2011 Eva-Maria Painer contre Standard VerlagsGmbH et autres., C-145/10
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A62010CJ0145
CA Paris, 13 mars 2020

L’originalité de l’œuvre littéraire

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Les œuvres littéraires sont protégées par le droit d’auteur à condition d’être originales. Elles regroupent toutes les œuvres du langage, écrites comme orales. Elles se composent de trois éléments : l’idée, l’expression et la composition. Du fait du principe d’inappropriation des idées, l’originalité de l’œuvre littéraire ne peut résider que dans l’expression ou la composition.

I. L’originalité de l’œuvre littéraire du fait de l’expression ou de la composition

A) Définitions de l’expression et de la composition

Les deux notions concernent la forme de l’œuvre et non son fond.

  1. L’expression

L’expression est le style ou la manière d’écrire. Elle repose sur le choix et la combinaison des mots ainsi que sur les formes grammaticales employées. En général, son originalité est facilement admise.

Cette originalité doit s’apprécier au niveau de la phrase entière, voire de l’ensemble d’un paragraphe [1].

  1. La composition

La composition est « le développement et l’ordonnancement des différentes idées de l’œuvre » [2]. Dans une œuvre de fiction, elle renvoie à l’action, aux personnages et à l’enchaînement des péripéties.


 

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La composition est banale lorsque l’enchaînement des idées est dicté par la logique interne au sujet traité.

Les personnages littéraires doivent être caractérisés en détail et en profondeur pour être dits originaux. D’ailleurs, leur contrefaçon ne peut consister que dans la copie de l’ensemble de leurs traits caractéristiques (« l’originalité ne peut être reconnue qu’à un tout », [3]).

B) L’indifférence à l’idée de l’originalité de l’œuvre littéraire d’information

  1. Les œuvres savantes.

Leur originalité est indifférente aux idées, lesquelles appartiennent au fonds commun du savoir. Le droit d’auteur ne « protèg[e] pas les idées exprimées, mais seulement la forme originale sous laquelle elles le sont » [4].

Ainsi, des faits historiques présents dans des ouvrages antérieurs peuvent être repris sans ruiner l’originalité de l’ouvrage nouveau dès lors qu’ils y sont relatés dans un style totalement différent. En revanche, il y a carrément contrefaçon en cas de reproduction quasi servile du texte [5].

Le juge peut chercher des indices de composition originale dans le choix des matières traitées, l’angle neuf selon lequel le sujet est traité, le choix du plan ou le caractère encyclopédique de l’ouvrage [6]. En revanche, la composition est banale si elle se contente de répondre à l’ordre interne au sujet traité, à la compréhension duquel le plan choisi ne présente aucun apport particulier [7].

L’originalité d’un dictionnaire technique peut être admise, malgré l’univocité du sens des termes techniques, si les définitions données à ceux-ci sont particulièrement détaillées [8].

  1. Les articles de presse

L’originalité des articles de presse est admise s’ils ne se limitent pas à la relation d’information brute.

L’originalité de l’expression se reconnaît, notamment, au choix d’un vocabulaire arbitraire.

Celle de la composition peut résider dans « le traitement personnel d’une question, dans la façon de l’aborder et donc dans les choix arbitraires de la présentation des informations brutes. » [9]. Les juges voient dans les commentaires l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Ainsi a été reconnue l’originalité de comptes rendus de courses hippiques qui « ne se born[aient] pas à retranscrire des résultats sportifs, mais livr[aient] une analyse précise des performances passées et des potentialités des chevaux participants aux courses » [10]. En revanche, manque d’originalité l’article qui « ne contient aucun commentaire de l’information délivrée [alors que celle-ci] n’est pas présentée avec un style littéraire particulier propre à son auteur, s’agissant de phrases simples, dépourvues de toute recherche stylistique. » [11].

L’originalité d’une interview est reconnue lorsqu’elle consiste en un article de fond, citant par endroits les paroles de l’interviewé. Elle est de même admise lorsque les réponses de l’interviewé ont été harmonisées par une réécriture [12].

En cas de retranscription simple de l’interview, l’originalité des questions du journaliste peut valoir protection. A défaut, l’originalité dépendra du tour personnel que l’interviewé aurait donné à l’expression de sa pensée [13].

II. L’originalité de l’œuvre littéraire du fait de la seule expression ou de la seule composition

A) L’originalité de l’œuvre littéraire dérivée

La traduction et le recueil sont des œuvres dérivées courantes dans le domaine des lettres.

La traduction ne peut être originale que par la seule expression. L’originalité de celle-ci est généralement reconnue, à moins d’une traduction littérale.

Le juge confronte habituellement la traduction prétendue contrefaite à une traduction littérale de l’œuvre première. La première sera dite originale si elle s’éloigne de la traduction littérale par des éléments significatifs et arbitraires.

L’originalité d’un recueil ne peut tenir qu’à la seule composition. Elle est généralement reconnue du fait du choix arbitraire de textes réunis, selon les goûts personnels du compilateur

B) L’originalité de l’œuvre littéraire courte

  1. Le titre

Le titre protégeable peut être celui de toute œuvre de l’esprit (littéraire comme musicale ou audiovisuelle). En raison de sa taille réduite, le titre ne peut devoir son originalité à la composition, mais à la seule expression. Or celle-ci s’apprécie normalement à l’échelle de la phrase et plus le titre sera court, plus il sera difficile d’en évaluer l’originalité. L’appréciation de l’originalité d’un titre est donc fortement subjective et les décisions des tribunaux sont très disparates. Ainsi, « Vol de nuit » a été reconnu un titre original [14], mais non « Les maîtres du temps » [15].

Le juge pourra justifier sa décision par la présence de termes originaux au regard de la chose désignée ou par celle d’une combinaison originale de termes courants. Ainsi le titre ‘Hara Kiri’ pour un journal satirique est jugé original, parce que le terme employé est « détourné de son sens commun initial et porteur d’un message totalement décalé » [16]. En revanche, le titre ‘La croisière des sables’ manque d’originalité, parce qu’il est « constitué de deux mots, croisière et sable, qui sont tous deux employés dans leur sens commun » [17].

Néanmoins, le titre manquant d’originalité peut être protégé contre la concurrence déloyale en cas de risque de confusion avec une œuvre du même genre. Cela découle d’une application extensive de l’alinéa 2 de l’article L.112-4 du CPI qui, à la lettre, ne protège que les titres originaux après expiration de la protection du droit d’auteur. Le titre banal peut donc être protégé s’il n’a pas d’antécédent et si un risque de confusion est démontré.

  1. Le slogan

La jurisprudence estime que l’originalité du slogan emprunte « soit à l’idée qu’il exprime, soit à l’ingéniosité de la formule. » [18].

Si les formules des tribunaux peuvent laisser entendre que l’originalité d’un slogan peut tenir à son idée, c’est en raison de ce que l’expression est elle-même porteuse d’une idée, distincte de l’idée à communiquer. Cette idée cristallisée dans la formulation du slogan est le mode opératoire de la persuasion dans l’esprit du public. Admettre l’originalité de l’ idée d’un slogan, revient à reconnaître l’originalité de l’expression.

L’appréciation de l’originalité de l’expression d’un slogan se fait selon les mêmes critères que pour un titre, à savoir le choix et la combinaison des termes. Par exemple, le slogan ‘l’Avenir au présent’ a été jugé original parce que, « si le slogan est composé de deux mots du vocabulaire courant, le rapprochement de ceux-ci et le rapport non nécessaire qui a été établi entre eux par l’auteur du slogan dans une formulation élégante porte la marque de la personnalité de celui-ci. » [19].

Pour lire une version plus complète de l’originalité d’une oeuvre littéraire cliquer sur le lien

Sources

[1] Tribunal de grande instance de Paris – 15 février 2008 – n° 06/06225, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000019054205

[2] H. Desbois, le droit d’auteur en France : Dalloz, 3e éd. 1978

[3]Cour d’appel de Paris – 26 novembre 2014 – n° 13/01472, concernant les points communs, banals et de libre parcours, de deux personnages d’œuvre de fiction différente

[4] Civ. 1, 8 novembre 1983, n° 82-13.547, au sujet des écrits d’une association savante de phytothérapie dont les idées étaient reprises dans un ouvrage sur le sujet

[5] Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 1 avril 2008, 06/09290, au sujet de livres portant sur l’histoire des chiffres, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000019189575&fastReqId=627831540&fastPos=1

[6] Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 1 avril 2008, 06/09290, précité

[7] Crim., 18 octobre 2011, n°11-81.404, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000024855596&fastReqId=1579591383&fastPos=1

[8] Cour d’appel de Paris, 25 mars 2002, n°02/00114 https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000006940327, qui estime, au sujet d’un dictionnaire technique de la bourse et des marchés financiers, que « la présentation détaillée et précise [des notions] marque l’originalité et l’apport de l’auteur, qui a par exemple inclus, dans la définition elle-même, des précisions et commentaires personnels dans des phrases placées entre parenthèses ».

[9] TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 24 mars 2010, n° 08/12969

[10] CA Paris, 21 mars 2007, n° 05/20081

[11] TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 24 mars 2010, précité

[12] Civ. 2, 30 janvier 2014, n°12-24145, qui considère originale l’interview dans lequel le journaliste a « donn[é] à l’expression orale [de l’interviewé] une forme écrite élaborée, fruit d’un investissement intellectuel », https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028547600&fastReqId=1450597801&fastPos=1.

[13] TGI Paris, 24 mars 1982 JCP G 1982, II, 19901, http://referentiel.nouvelobs.com/archives_pdf/OBS0932_19820918/OBS0932_19820918_039.pdf

[14] TGI Nanterre, 28 avr. 1998 : PIBD 1998, 658, III, 385

[15] TGI Nanterre, 28 juin 1995, Laloux c/ Paravision, RDPI 1995, no 62, p. 52

[16] TGI Paris, 4 nov. 2016, n°16-11158 : JurisData n°2016-024344

[17] Civ. 1, 6 mai 2003, n°01-02.237, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007048329&fastReqId=217412150&fastPos=3

[18] CA Paris, 4e ch., 30 avr. 1963, IEPF c/ CMF, Ann. 1964, 280

[19] CA Paris, 4e ch., 26 janv. 1989, Ambassade Publicité c/ Milbox, PIBD 1989, III, 329

 

Signature électronique

Aujourd’hui beaucoup de contrats se concluent sur internet, c’est ainsi qu’une loi de mars 2000 a précisé que les écrits électroniques ont une valeur probante, de même la validité de la signature électronique a été reconnue. En effet, il a fallu aménager des moyens de sécurisation, de preuve afin de pouvoir contracter librement et sereinement sur internet.

La « signature électronique sécurisée » consiste en  » une signature électronique qui utilise outre un procédé fiable d’identification, qui est propre au signataire, qui est créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif, et qui garantit avec l’acte auquel elle s’attache un lien tel que toute modification ultérieure de l’acte soit détectable« .

Telle est la définition donnée par le décret d’application de la loi portant adaptation du droit de la preuveaux technologies de l’information et relative à la signature électronique.

Publiée au Journal Officiel le 13 mars 2000, la loi prévoit notamment que les écrits électroniques ont une valeur probante devant un tribunal, les contractants peuvent d’élaborer leurs propres règles de preuve privées, la validité de signature électronique est reconnue au même titre qu’une signature manuscrite si  » elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache » et « la fiabilité du procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat« .

Le Gouvernement avait préparé ce projet de décret qu’il a soumis à consultation publique à la fin de l’année 2000. Ce texte avait suscité beaucoup de commentaires, lesquels mettaient en exergue deux soucis majeurs à savoir celui d’assurer un certain niveau de sécurité et celui d’éviter un encadrement trop rigide.

Publié le 31 mars 2001 au Journal Officiel, le décret prévoit que  » la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée jusqu’à preuve contraire lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique sécurisée, établie grâce à un dispositif sécurisé de création de signature électronique et que la vérification de cette signature repose sur l’utilisation d’un certificat qualifié « .

 

I. Un dispositif sécurisé de création de signature électronique

Un dispositif de création de signature électronique (matériel ou logiciel) sera réputé sécurisé si un certain nombre de garanties sont prévues en ce qui concerne les données de création.

lles doivent être établies une seule fois, leur confidentialité doit être assurée, elles ne peuvent pas être déduites, elles ne peuvent pas être falsifiées, elles sont protégées par le signataire contre toute utilisation par des tiers. De plus, le dispositif ne doit pas altérer le contenu de l’acte à signer et ne pas faire obstacle à ce que le signataire en ait une connaissance exacte avant de le signer.

Pour attester de la sécurisation du dispositif de création de signature électronique, celui-ci devra être évalué et certifié conforme

(1) soit par les services du Premier ministre chargés de la sécurité des systèmes d’information conformément à un arrêté à venir (probablement, la Direction Centrale des Systèmes de Sécurité et de l’Information, la DCSSI)

(2) soit par des organismes qui seront agrées par ces services,

(3) soit par un organisme européeen assimilé. Les services délivreront un certificat de conformité. Le contrôle de la mise en oeuvre de ces procédures d’évaluation et de certification sera assuré par un Comité directeur de la certification, prochainement institué par un arrêté du Premier ministre.

 

II. Un dispositif de vérification de signature électronique

Un dispositif de vérification de signature électronique (c’est-à-dire les éléments, tels que les clés publiques, utilisés pour vérifier la signature électronique) doit être évalué et peut également être certifié conforme. Ce dispositif devra  » permettre de garantir l’exactitude de la signature électronique, de déterminer avec certitude le contenu des données signées, de vérifier la durée et la validité du certificat électronique utilisé, l’identité du signataire etc. « . La vérification de la signature repose sur des certificats électroniques qualifiés.

Pour garantir l’identité du signataire, les certificats électroniques qualifiés devront d’une part comprendre un certain nombre de mentions obligatoires comme notamment  » l’identité du prestataire, le nom du signataire, la période de validité du certificat, les conditions d’utilisation du certificat etc.  » et d’autre part être délivrés par un prestataire de service de certification (PSC), lequel doit offrir un certain nombre de services (annuaire, révocation, horodatage des certificats etc.) et s’engager sur un certains nombre de garanties (délivrance, fiabilité et prévention contre la falsification des certificats, utilisation de systèmes, produits, procédures sécurisés, conservation des données, personnel qualifié etc.).

Un décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 ( JO du 19 avril 2002) a crée une procédure de certification de la sécurité des produits et des systèmes des technologies de l’information.

Elle est effectuée selon les standards internationalement reconnus et s’appuie sur des centres d’évaluation agréés, qui effectuent des contrôles et des tests et rendent compte des résultats obtenus. Au vu de ces résultats, le certificat est délivré par le Premier ministre.

Un arrêté est paru le 31 mai 2002 désignant le Centre français d’accréditation (Cofrac) pour accréditer les sociétés qui évalueront, pour deux ans, les prestataires de certification électronique. Une liste à jour des organismes accrédités sera à la disposition du public. L’évaluation effectuée par ces organismes sera payé par le prestataire de services.

En conclusion, on pourra souligner que ces textes ne sont pas forcément limpides et laissent planer quelques zones d’incertitudes.

Par exemple, qu’entend-on par la notion de « vérificateur » ou n’aurait-on pas plutôt par définir cette notion dès l’introduction, les limitations de responsabilité et de garantie de ces prestataires seront-t-elle possibles en ce qui concerne les certificats, comment se concilie cette réglementation avec celle sur la protection des données personnelles etc. Tant de questions que la pratique mettra rapidement en exergue.

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