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LE DROIT À L’IMAGE : QUELS SONT VOS DROITS ET OBLIGATIONS ?

Le droit à l’image est un droit jurisprudentiel qui découle du droit au respect de la vie privée prévu à l’article 9 du Code civil. Ainsi, comme l’indique la Cour de cassation « toute personne dispose sur son image, partie intégrante de sa personnalité, d’un droit exclusif qui lui permet de s’opposer à sa reproduction » (Cass. Civ. 1re, 27 février 2007, n° 06-10393)

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Suite à différentes affaires à propos de photographies d’immeubles, un droit à l’image des biens est peu à peu apparu. La jurisprudence s’est construite à partir de l’article 544 du Code civil, mais c’est une notion relativement récente.

Enfin, ce n’est pas parce qu’une image, une vidéo ou un GIF existe sur le web qu’il est possible de l’utiliser librement dans le cadre de sa communication. Sur internet comme ailleurs les règles du droit d’auteur et du droit à l’image s’appliquent.

I. Le droit à l’image sur la personne

A) Le principe du droit à l’image

Conformément à l’article 9 alinéa 1 du Code civil « Chacun a droit au respect de sa vie privée ».


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En vertu du droit au respect de la vie privée, la jurisprudence a créé le droit à l’image afin de permettre à une personne, célèbre ou non, de s’opposer à la captation, la fixation ou à la diffusion de son image, sans son autorisation expresse et préalable.

Le droit à l’image s’applique de manière identique pour tout le monde que la personne concernée soit célèbre ou pas et concernant tous les supports de diffusion

Ainsi, la nature du support sur lequel l’image d’une personne est diffusée est sans aucun effet sur le respect dû au droit à l’image de cette personne.

Le droit à l’image a donc vocation à s’appliquer de la même façon qu’il s’agisse d’un livre, d’un journal, d’une publicité, d’une affiche, d’un tract, d’un site internet.

Il important de relever que le consentement de la personne à être photographiée est différent de son autorisation à diffuser son image.

La diffusion de l’image d’une personne au sein d’un groupe ou dans un lieu public est permise à moins que celle-ci ait été individualisée.

Même en présence d’une autorisation de diffusion de l’image d’une personne, cela ne vaut pas titularité de son droit à l’image. Une autorisation est a priori nécessaire, quel que soit le lieu, public ou privé, dans lequel la personne a été prise en photographie ou filmée.

L’autorisation donnée doit être écrite et être suffisamment précise pour permettre de savoir si l’intéresser a bien été informé de l’utilisation qui allait en être faite.

En pratique, l’autorisation d’exploitation d’une image d’une personne doit mentionner, avec soin, l’objet de l’autorisation ainsi que l’étendue de l’autorisation, à savoir : les photographies concernées, le contexte et les supports autorisés, une éventuelle durée ainsi que le lieu de diffusion autorisé.

Toute utilisation non conforme aux termes de l’autorisation donnée au sein d’un contrat de cession ou d’une clause de cession insérée dans un contrat de travail est interdite et sanctionnée.

Dans tous les cas, il appartient à l’auteur de la publication de prouver qu’il disposait d’une autorisation en bonne et due forme de l’intéressé afin de justifier de son bon droit.

À défaut d’autorisation exprès et préalable, la victime peut légitimement obtenir judiciairement la condamnation de l’auteur de la diffusion litigieuse.

B) Les exceptions au droit à l’image

  • Le droit à l’information

Lorsque la photographie illustre un sujet d’actualité, un sujet ou un débat démocratique général, un sujet historique, un débat général sur un phénomène de société ou encore les fonctions d’une personnalité publique.

Prudence, si l’image est détournée de son objet, ou qu’il y’a une atteinte au respect de la vie privée ou encore que l’image soit utilisée à des fins commerciales ou publicitaires, alors le droit à l’information ne peut rester l’exception.

  • L’image non cadrée d’une personne prise dans un public

  • 3) Les sanctions en cas de violation du droit à l’image

Les sanctions auxquelles s’expose la personne qui aura utilisé l’image d’une autre personne sans son autorisation sont diverses, c’est à dire en cas de violation de droit à l’image.

  1. Sanctions de la CNIL

Si l’image est diffusée sur internet, la victime peut également saisir la CNIL pour pourra prononcer des sanctions à l’encontre de l’auteur de la violation du droit à l’image.

  1. Sanctions civiles

La victime dont le droit à l’image a été violé peut agir en référé ou au fonds pour obtenir le retrait des photos, vidéos ou montages litigieux et obtenir des dommages-intérêts indemnisant le préjudice qu’elle a subi.

  1. Sanction pénale

La victime peut porter plainte et faire condamner l’auteur de la diffusion de son image. Les peines encourues diffèrent selon l’infraction (article 226-1 du Code pénal) :

  • Prendre en photo ou filmer une personne dans un lieu privé sans son consentement est punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
  • Conserver ou porter ou laisser porter à la connaissance du public, l’image d’une personne prise dans un lieu privé sans son consentement est punie d’un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende.
  • Publier l’image ou tout montage réalisé avec l’image d’une personne sans son consentement est puni d’un an emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

Le délai de la victime pour agir est de 3 ans à partir de la diffusion de l’image.

 

II. Le droit à l’image sur les biens

  • Le propriétaire du bien ne dispose plus d’un droit exclusif sur l’image de celui-ci

La jurisprudence portant sur la problématique de l’utilisation de l’image d’un bien immobilier par un tiers sans l’autorisation de son propriétaire est désormais bien établie.

Depuis un revirement jurisprudentiel en 2004, dans l’arrêt dit « Hôtel de Girancourt » la Cour de cassation a posé un principe selon lequel « le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci ». (Cass. 7 mai 2004 n°02-10450)

Ainsi, si le propriétaire souhaite s’opposer à l’exploitation de l’image de son bien sans son autorisation, par un tiers, il doit prouver que l’utilisation de l’image de son bien par un tiers lui cause un trouble anormal.

Par conséquent, en l’absence de trouble anormal au droit de jouissance du propriétaire ou à son droit au respect de la vie privée, l’utilisation de l’image de son bien par un tiers sans son autorisation est possible.

  • Les œuvres architecturales

Tout d’abord, il convient de rappeler les dispositions des articles L112-3 et L122-3 du Code de la propriété intellectuelle qui accordent aux œuvres architecturales la protection de droit d’auteur dès lors qu’elles sont originales.

Conformément à l’article L111-3 du Code de la propriété intellectuelle, la propriété du support matériel est indépendante de celle des droits de propriété intellectuelle.

Ainsi, l’image d’un bâtiment ne peut être reproduite sans l’autorisation de l’architecte titulaire de droit d’auteur ou de ses ayants droit. À défaut de quoi, la reproduction d’une œuvre protégée sans l’autorisation de son auteur constitue, conformément aux dispositions de l’article L122-4 du Code de la propriété intellectuelle un acte de contrefaçon.

En revanche, il existe une exception importante qui réside dans la théorie de l’accessoire développé par la jurisprudence.

La Cour de cassation a admis dans l’arrêt dit «« Place des Terreaux » que l’exploitation de l’image d’un bien immobilier par un tiers sans l’autorisation des auteurs. ( Cass. 15 mars 2005 n°03-14820.)

Concernant les biens immeubles publics, si la reproduction de leur image est en principe libre, l’article L621-42 du Code du patrimoine dispose que :« L’utilisation à des fins commerciales de l’image des immeubles qui constituent les domaines nationaux, sur tout support, est soumise à l’autorisation préalable du gestionnaire de la partie concernée du domaine national ».

Contrairement aux autres États membres de l’Union européenne, il n’existe pas, en France, d’exception sur les œuvres situées dans l’espace public, appelée liberté de panorama, qui « est une exception au droit d’auteur par laquelle il est permis de reproduire une œuvre protégée se trouvant dans l’espace public. Selon les pays, cette exception peut concerner les œuvres d’art ou les œuvres d’architecture ».

Ainsi, la jurisprudence condamne comme contrefaçon une carte postale représentant la Géode de la Cité des sciences et de l’industrie, œuvre d’Adrien Fainsilber, qui « a pour objet essentiel la représentation de ce monument ». (CA Paris du 23 octobre 1990)

Inversement, la jurisprudence admet traditionnellement deux exceptions au droit d’exploitation de l’architecte :

  • L’exception pour copie privée, issue de l’article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle : Le touriste qui réalise le cliché d’un édifice à des fins personnelles ou familiales n’a pas à solliciter l’autorisation de l’architecte.
  • La théorie de « l’arrière-plan » et de « l’accessoire », développée par la jurisprudence : « La représentation d’une œuvre située dans un lieu public n’est licite que lorsqu’elle est accessoire par rapport au sujet principal représenté ». « Le droit à protection cesse lorsque l’œuvre (…) est reproduite non pas en tant qu’œuvre d’art, mais par nécessité, au cours d’une prise de vue dans un lieu public ».

Ainsi, il n’est pas nécessaire de rechercher l’autorisation de l’auteur quand l’œuvre figure en arrière-plan dans la scène d’un film. La reproduction est également libre quand l’œuvre considérée occupe une place très secondaire sur une photographie.

Il est permis pour les seuls particuliers et dans un usage dénué de tout caractère commercial de diffuser en ligne la photographie d’une œuvre architecturale sans obtenir l’accord préalable de son auteur ou de ses ayants droit. En revanche, la diffusion sans autorisation de la photographie d’une œuvre architecturale protégée sur des portails commerciaux ou hébergeant de la publicité, notamment les réseaux sociaux, reste à l’inverse interdite.

En effet, l’article 39 de la loi pour une République numérique a complété l’article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle, et dispose que l’auteur d’œuvres architecturales ne peut en interdire les reproductions et représentations, uniquement si elles sont réalisées par des personnes physiques à l’exclusion de tout usage à caractère commercial.

III. Attention à l’utilisation d’image trouvée sur internet

Prudence, la première règle à respecter est de sourcer l’image. Ce n’est pas parce que cela vient d’Internet que c’est libre et gratuit. Derrière toute image, il y a un auteur qui mérite d’être rémunéré. Il est essentiel de remonter à la source, trouver l’auteur, l’agence ou la société qui propose l’image si vous souhaitez l’utiliser.

  • L’Image est-elle créative ou éditoriale ?

Les images créatives sont des images réalisées de toute pièce, qui n’existent pas dans la réalité puisqu’il s’agit d’instants de la vie reconstitués, images pour illustrer un sport, images business notamment.

À l’inverse, une image éditoriale est une image prise sur le vif, “c’est une réalité photographiée”. Les images éditoriales sont souvent associées aux images de presse.

Dans le cadre d’une image créative, les autorisations préalables du photographe, du modèle et des éventuelles marques et lieux reconnaissables sont requis.

Dans le cadre d’une image éditoriale, seule l’autorisation du photographe est nécessaire.

  • Quelle utilisation de l’image ?

Avant d’utiliser une image, il faut déterminer l’usage que vous allez en faire. Il existe 2 catégories de contenus : contenus éditorial et commercial.

Les images qui se trouvent dans un contenu éditorial ont généralement pour but d’illustrer les propos de l’auteur. Les images éditoriales sont, d’une manière générale, utilisées dans certains livres, articles, manuels, présentations, elles servent à donner de la crédibilité aux propos et non à vendre un produit ou un service, contrairement à l’usage commercial.

  • L’image est-elle sous licence ?

Il faut distinguer deux types de licence.

  • La licence libre de droits :

Un titulaire de droits peut transmettre une licence libre de droit.  Cela signifie qu’il ne faudra payer qu’une seule fois. Ensuite, vous pouvez utiliser cette image comme vous le souhaitez, aussi longtemps que vous le souhaitez, en France ou à l’étranger, sur tout type de support.

Prudence, il existe une confusion entre “images libres de droits” et “images gratuites” sur Internet. Pourtant, une banque d’images libres de droits ne signifie pas que les images proposées sont gratuites. Payer une fois permet une utilisation illimitée et paisible de l’image choisie. Et bien que les banques d’images gratuites soient aujourd’hui nombreuses, il est utile de rappeler les risques associés à l’usage des photographies référencées.

Sur les banques d’images gratuites, il est généralement indiqué que le photographe accorde gratuitement sa licence. Mais est-ce que la personne photographiée a donné son autorisation ? Est-ce que les objets de marques sont reconnaissables ? Est-ce que des lieux sont visibles ? Si oui, dans le cadre d’un usage commercial, vous vous exposez à des poursuites.

  • La licence de droits gérés :

Cela s’oppose au système de droits gérés, où il faut payer des droits à chaque usage d’une image.

  • Où trouver des images libres de droits d’auteur ?

Il existe plusieurs solutions pour trouver des images libres de droits :

  • Par les moteurs de recherche : Google Image, Yahoo Image et autres
    Vous pouvez réduire votre recherche aux images libres de droits d’utilisation, de distribution ou de modification » en activant le filtre « safe search » ;
  • Via des sites d’images ;
  • En contactant l’auteur de l’image : il peut être facile à joindre et selon le cadre d’utilisation, peut tout à fait vous accorder les droits.

Pour lire cet article sur la protection du droit à l’image en version plus complète

SOURCES :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006419288&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=19940730

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006417929&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20020101

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?&idTexte=JURITEXT000007050437

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007048576

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006278879&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=19980702

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006069414&idArticle=LEGIARTI000006278917

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006278911&cidTexte=LEGITEXT000006069414&dateTexte=19920703

  • Civ. Art., 1162 nouveau
  • Civ. Art., 1163

(10) (Paris, 11e ch. A, 6 juin 2007, RG no 05/22563, selon lequel l’autorisation : « doit être suffisamment précise et limitée dans le temps, éventuellement l’espace, et les modalités de diffusion »; – adde : Basse Terre, 1er déc. 2008, JurisData 376641.)

Constitution et preuves de concurrence déloyale

Fondée sur les articles 1240 et 1241 du Code civil, l’action en concurrence déloyale permet d’obtenir de l’auteur d’une faute commise dans l’exercice de son activité économique, la réparation des préjudices que sa déloyauté a causés à un autre agent économique.

L’action en concurrence déloyale se distingue de l’action en contrefaçon, de l’action tendant à sanctionner une pratique anticoncurrentielle ou restrictive de concurrence ou le non-respect d’une obligation de non-concurrence.

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La typologie classique des fautes constitutives de concurrence déloyale comprise au sens large est la suivante : dénigrement, pratiques ayant désorganisé l’entreprise, un réseau de distribution ou un marché tout entier, confusion par imitation ou par copie servile, et parasitisme économique.

L’action en concurrence déloyale relève de juridictions dont la compétence matérielle et territoriale est déterminée en application des règles procédurales de droit commun.

L’action en concurrence déloyale se prescrit par 5 ans.

L’action en concurrence déloyale est introduite par toute personne, physique ou morale, justifiant d’un intérêt personnel à agir, sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence d’un rapport concurrentiel entre l’auteur et la victime de la déloyauté.


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Le demandeur peut obtenir le prononcé de mesures provisoires ou de mesures d’instruction in futurum.

Saisie au fond, la juridiction peut ordonner la cessation du comportement déloyal, le versement de dommages-intérêts et/ou la publication de la décision de condamnation.

La décision constatant la concurrence déloyale et parasitaire peut faire l’objet de recours selon les règles de procédure de droit commun.

Les parties doivent veiller à ne pas exercer abusivement leur droit d’agir en justice.

Le dénigrement représente une autre forme récurrente de concurrence déloyale. Il consiste à jeter le discrédit sur un opérateur en rendant publiques des informations malveillantes à son sujet. Il se trouve sanctionné quel que soit le support sur lequel il s’inscrit et sans avoir égard à la véracité des propos tenus.

La désorganisation regroupe des comportements déloyaux nombreux et hétéroclites qui ont en commun de déstabiliser une entreprise. Cette désorganisation peut affecter l’activité même de l’entreprise ou son personnel.

Le parasitisme — ou concurrence parasitaire — désigne enfin une forme de concurrence déloyale se caractérisant par le fait, pour un professionnel, de se placer dans le sillage d’un concurrent et de tirer profit, sans contrepartie, du fruit de ses investissements et de son travail ou de sa renommée — sans porter atteinte à un droit privatif —, en réalisant ainsi des économies considérées comme injustifiées.

I. Les actes constitutifs et preuves de la concurrence déloyale

Il sera possible, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, de poursuivre une personne ou une entreprise en justice au titre d’un acte de concurrence déloyale, et ce, afin de la voir sanctionnée du fait du préjudice causé. Néanmoins, selon le type d’acte dont elle s’est rendue coupable, les méthodes de preuve sont sensiblement différentes.

A. Le dénigrement

Plus souvent, le dénigrement visait l’entreprise elle-même, personne morale. Le discrédit pouvait alors résulter de la diffusion d’informations concernant les méthodes employées par le concurrent.

Le dénigrement pouvait également être retenu en lien avec la diffusion d’informations d’ordre patrimonial, notamment par l’affirmation d’une insolvabilité ou de l’ouverture prochaine d’une procédure collective.

Le dénigrement de la personne progressivement soustrait à l’application de l’article 1240 du Code civil – Inspirée par une doctrine soucieuse de préserver la liberté d’expression (Carbonnier, Le silence et la gloire : D. 1951, p. 119), la Cour de cassation a privilégié l’application de régimes spéciaux protecteurs en matière d’abus de la liberté d’expression (à l’instar de la diffamation dont la mise en œuvre se trouve soumise à de lourdes contraintes procédurales et à un délai de prescription réduit), évinçant progressivement l’application de l’article 1382 (devenu 1240) du Code civil.

Dans ce sens, elle a affirmé, à l’occasion de deux arrêts célèbres rendus en Assemblée plénière, que « les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ».

Par la suite, la Cour a encore élargi la portée de cette éviction en l’étendant à l’ensemble des « abus de la liberté d’expression envers les personnes ».

Dans son dernier état, et après moult fluctuations, la jurisprudence rappelle que « hors restriction légalement prévue, la liberté d’expression est un droit dont l’exercice, sauf dénigrement de produits ou services, ne peut être contesté sur le fondement de l’article 1382 du Code civil ».

C’est dire que, désormais, des propos jetant le discrédit sur une personne doivent être sanctionnés sur le terrain de la diffamation, à condition d’établir que l’allégation ou l’imputation “porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne”, conformément à l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881.

À défaut d’établir une telle atteinte, il a été remarqué que « comme la jurisprudence ne permet pas de recourir à la responsabilité civile générale des articles 1240-1241 du Code civil, anciens articles 1382-1383, ni pour contourner le régime spécial de la loi de 1881, ni pour en pallier l’étroitesse substantielle et formelle du cas d’ouverture, aucune voie de droit sanctionnatrice ne s’ouvre ».

Dénigrement des produits ou services – Le dénigrement le plus efficace est sans doute celui qui prend pour cible les produits ou services d’un concurrent en soulignant par exemple leur piètre qualité.

Cependant, la sanction du dénigrement de produits ou de service appelle une conciliation avec la liberté d’expression, la liberté de critique des produits devant être préservée. La CEDH l’a clairement affirmé à l’occasion de l’arrêt Hertel, du nom d’un scientifique qui avait mis en cause la nocivité des fours à micro-ondes pour la santé humaine.

Alors que l’intéressé s’était vu interdire en Suisse d’évoquer publiquement la nocivité desdits produits sur le fondement de la loi fédérale sur la concurrence déloyale, la CEDH a relevé que, eu égard à l’existence d’un débat d’intérêt général sur le sujet, la marge d’appréciation traditionnellement reconnue aux États en la matière devait être relativisée et a décidé, en conséquence, que la limite apportée à la liberté d’expression ne pouvait passer pour nécessaire dans une société démocratique (CEDH, Hertel c/ Suisse, 25 août 1998 : Dalloz 1999, p. 239, note M.L. Niboyet ; Sur cette question, V. L. Marino, Plaidoyer pour la liberté d’expression, droit fondamental de l’entreprise : RTD com., janv/mars 2011, p. 1 et s).

À la suite de la juridiction européenne, les juridictions françaises ont également fait montre d’une certaine tolérance à l’égard de la mise en cause de certains produits ou services, spécialement lorsqu’un débat d’intérêt général se trouvait en cause (CA Colmar, 7 mai 2008 : JurisData n° 2008-360713, Propr. industr. 2008, comm. 72 note J. Schmidt-Szalewski) :

– refuse de considérer comme dénigrante la campagne publicitaire d’une société exploitant des supermarchés qui avait diffusé l’image d’une parure faite de pilules et de gélules pour contester l’interdiction faite aux grandes surfaces de vendre des médicaments non remboursables. – Cass. 1re civ., 8 avr. 2008 : JurisData n° 2008-043507) ,

– censure d’une décision qui avait considéré comme fautif le fait pour des associations de représenter les marques détenues par une société intervenant dans la filière nucléaire en les associant à une tête de mort et à un poisson malade aux motifs que ces associations agissaient conformément à leur objet, dans un but d’intérêt général et de santé publique par des moyens proportionnés à cette fin, et n’avaient donc pas abusé de leur droit de libre expression.

La jurisprudence la plus récente érige l’existence d’un débat d’intérêt général en fait justificatif du dénigrement.

Ainsi, si la Cour de cassation rappelle son attachement au principe suivant lequel la divulgation, par une personne, d’une information de nature à jeter le discrédit sur un produit commercialisé par une autre personne, peut constituer — même si elle est exacte — un acte de dénigrement, elle tempère désormais cette affirmation en précisant que « lorsque l’information en cause se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, cette divulgation relève du droit à la liberté d’expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait, dès lors, être regardée comme fautive, sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure ».

Cette ouverture témoigne de la fondamentalisation de l’action en concurrence déloyale et sera, sans nul doute, exploitée par les plaideurs qui y verront un tempérament à l’indifférence de la véracité des assertions.

Dénigrement résultant d’une publicité comparative illicite – À titre d’exemple et pour ne citer que le plus parlant, la publicité comparative, lorsqu’elle présente un caractère trompeur, pourrait être sanctionnée devant les juridictions pénales, conformément à l’article L. 132-25 du Code de la consommation, mais également civiles, sur le fondement des articles L. 122-1 à L. 122-7 du Code de la consommation qui posent les conditions d’autorisation des publicités comparatives.

Depuis l’ordonnance du 23 août 2001, il s’agit en réalité d’une pratique jugée licite si elle n’est pas trompeuse, parasitaire, dénigrante ou constitutive de confusion et, en outre, demeure objective. Bien entendu, il existe un encadrement jurisprudentiel et textuel bien particulier à la publicité comparative. En ce sens, la démarche la plus sage lorsque l’on considère être dénigré par ce type de pratique, est de prendre attache avec un avocat aux connaissances actualisées sur ce sujet spécifique de concurrence.

B. Désorganisation

La désorganisation du marché regroupe les comportements illicites portant atteinte aux intérêts de tous les membres d’une profession, voire aux intérêts des consommateurs, comme les pratiques commerciales trompeuses ou la vente à perte.

En la matière, la multiplication des incriminations spéciales a conduit à une certaine limitation du domaine de l’action en concurrence déloyale. Mais on sait qu’il est toujours possible de délaisser le terrain pénal pour se placer sur celui de la concurrence déloyale. La jurisprudence montre d’ailleurs que les infractions les plus diverses à la réglementation économique sont condamnées sur le fondement de l’article 1382 (devenu 1240) du Code civil.

La désorganisation de l’entreprise renvoie à des pratiques déloyales extrêmement nombreuses et hétéroclites. La terminologie n’est toutefois pas parfaitement satisfaisante, car le critère se révèle insuffisamment précis.

En effet, il a été relevé que, pour la jurisprudence comme pour une partie de la doctrine, la désorganisation « est un terme qui s’entend aussi bien de l’action de désorganiser que de son résultat », avec cette conséquence que « les magistrats exigent souvent deux éléments pour caractériser l’acte fautif, des manœuvres et un résultat sur l’organisation ».

Il en résulte que la désorganisation (envisagée comme un résultat) ou la déstabilisation d’un rival peut être la conséquence d’un comportement concurrentiel tout à fait légitime, tels l’ouverture soudaine et inattendue d’une entreprise concurrente, le démarchage de la clientèle d’un concurrent ou une innovation rendant dépassée la stratégie d’un concurrent : le dommage résultant du simple jeu de la concurrence est en principe licite, on l’a vu. Dans ce cas, aucune faute ne pourra être retenue à l’encontre de celui qui se trouve à l’origine d’un tel dommage.

Par ailleurs, l’ambiguïté entourant la désorganisation découle également de ce que les comportements classiquement rattachés à cette catégorie ne sont pas les seuls à désorganiser ou à perturber les concurrents ; la copie génératrice de confusion, le dénigrement et le parasitisme ont le même effet.

En réalité, cette catégorie apparaît comme une sorte de « fourre-tout » dans lequel viennent se ranger tous les actes déloyaux qui n’engendrent pas la confusion, ni ne constituent un dénigrement ou un acte de parasitisme, et qui ont pour seul réel point commun d’avoir pour conséquence de désorganiser un concurrent.

La désorganisation peut se voir dans l’activité d’un concurrent via la violation de du secret des affaires, la désorganisation d’un réseau de distribution et certains comportements jugés déloyaux par la jurisprudence tels que la suppression ou dissimulation de la publicité d’un concurrent (Cass. com., 29 mai 1967), le détournement de commandes (Cass. com., 28 avr. 1980 : Bull. civ. 1980, IV, n° 166 ; JCP G 1982, II, 19791, note J. Azéma), le démarchage déloyal de la clientèle d’un concurrent, la désorganisation du personnel.

C. Le parasitisme

Il est vrai que la position qui consiste à considérer comme déloyal le seul fait de tirer profit, sans contrepartie financière, de la notoriété ou des fruits du travail d’un concurrent est séduisante a priori. L’illicéité dommageable apparaît en effet à un double point de vue.

D’une part, celui qui copie la création élaborée ou le signe distinctif exploité par un concurrent peut gagner un temps précieux et réduire considérablement ses investissements ; il économise les frais de conception et de mise au point du produit, ou les dépenses de promotion commerciale engagées pour le lancement du signe ; il s’épargne toute recherche et tout tâtonnement, sans courir de risques économiques.

Le parasite obtient alors un coût de revient réduit qui le met en mesure soit d’être plus compétitif sur le marché en offrant ses produits à un prix inférieur, ce qui a pour effet de détourner la clientèle, soit de réaliser des bénéfices supérieurs à ceux de la victime de la copie en vendant ses produits au même prix. En somme, le parasite fausse l’équilibre, l’égalité des chances qui doit exister dans la compétition économique, même s’il ne crée pas de risque de confusion.

D’autre part, le parasite frustre la victime du profit qu’elle aurait légitimement pu tirer de ses investissements ; il enraye ses efforts, au point que l’entreprise copiée perd l’avantage concurrentiel qu’elle s’était procuré par son travail.

Comme l’observe M. le Tourneau, le dommage consécutif au parasitisme s’entend d’« une perte de substance du patrimoine du commerçant parasité » (Le parasitisme dans tous ses états, article préc. n° 3. – Adde, CA Versailles, 16 janv. 1997 : D. aff. 1997/18, p. 565, indiquant que le parasitisme rompt l’égalité entre les intervenants). Or, l’entreprise qui investit doit nécessairement rentabiliser ses investissements pour survivre.

II. Les sanctions de la concurrence déloyale

A. Tribunal compétent

Étant donné qu’un litige de concurrence déloyale est de nature commerciale, c’est le tribunal de commerce du lieu du siège social du défendeur qui sera compétent et donc, qui jugera de l’affaire en cause. Une telle action peut donner lieu à des sanctions financières à l’encontre de la personne ou de l’entreprise responsable, telle que le versement de dommages et intérêts.

Selon le préjudice avancé, la gravité du comportement et le prix du rétablissement de l’équilibre préexistant, le montant de cette réparation financière peut être relativement important. Afin d’appuyer votre demande, vous devrez par exemple chiffrer le montant de la perte de chiffre d’affaires et du manque à gagner causé par les actes de concurrence déloyale pratiqués.

Il sera alors important de justifier les montants avancés dans la mesure où la Cour de cassation rappelle fréquemment que le but « est de rétablir, aussi exactement que possible, l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu, sans perte ni profit pour elle ».

B. Les actions à mener

Lorsque toutes les conditions sont réunies, il est possible de déclencher une action en référé permettant une condamnation sous astreinte, le versement d’une provision afin de maintenir l’activité de l’entreprise victime voire la désignation d’un expert judiciaire afin qu’il puisse déterminer l’ampleur des préjudices.

Outre ces sanctions d’ordre civiles, il est possible de recourir au pénal sur le fondement de l’abus de confiance ou encore aux prud’hommes dès lors qu’une clause de non-concurrence aura été violée par le salarié ou ancien salarié.

En présence de cette pluralité de définitions de l’acte de concurrence déloyale, des actions possibles à ce titre et des sanctions encourues par celui qui s’en rend coupable, il s’agit d’une priorité que de s’armer des meilleures expertises et analyses juridiques de votre situation.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les preuves de concurrence déloyale, cliquez

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007042385?init=true&page=1&query=98-10.160+&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007051612?init=true&page=1&query=03-13.622&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000029194010?init=true&page=1&query=13-16.730&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037384026?init=true&page=1&query=17-21.457+&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036648803?init=true&page=1&query=15-25.346&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041620381?init=true&page=1&query=17-31614&searchField=ALL&tab_selection=all

L’originalité de l’œuvre littéraire

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Les œuvres littéraires sont protégées par le droit d’auteur à condition d’être originales. Elles regroupent toutes les œuvres du langage, écrites comme orales. Elles se composent de trois éléments : l’idée, l’expression et la composition. Du fait du principe d’inappropriation des idées, l’originalité de l’œuvre littéraire ne peut résider que dans l’expression ou la composition.

I. L’originalité de l’œuvre littéraire du fait de l’expression ou de la composition

A) Définitions de l’expression et de la composition

Les deux notions concernent la forme de l’œuvre et non son fond.

  1. L’expression

L’expression est le style ou la manière d’écrire. Elle repose sur le choix et la combinaison des mots ainsi que sur les formes grammaticales employées. En général, son originalité est facilement admise.

Cette originalité doit s’apprécier au niveau de la phrase entière, voire de l’ensemble d’un paragraphe [1].

  1. La composition

La composition est « le développement et l’ordonnancement des différentes idées de l’œuvre » [2]. Dans une œuvre de fiction, elle renvoie à l’action, aux personnages et à l’enchaînement des péripéties.


 

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La composition est banale lorsque l’enchaînement des idées est dicté par la logique interne au sujet traité.

Les personnages littéraires doivent être caractérisés en détail et en profondeur pour être dits originaux. D’ailleurs, leur contrefaçon ne peut consister que dans la copie de l’ensemble de leurs traits caractéristiques (« l’originalité ne peut être reconnue qu’à un tout », [3]).

B) L’indifférence à l’idée de l’originalité de l’œuvre littéraire d’information

  1. Les œuvres savantes.

Leur originalité est indifférente aux idées, lesquelles appartiennent au fonds commun du savoir. Le droit d’auteur ne « protèg[e] pas les idées exprimées, mais seulement la forme originale sous laquelle elles le sont » [4].

Ainsi, des faits historiques présents dans des ouvrages antérieurs peuvent être repris sans ruiner l’originalité de l’ouvrage nouveau dès lors qu’ils y sont relatés dans un style totalement différent. En revanche, il y a carrément contrefaçon en cas de reproduction quasi servile du texte [5].

Le juge peut chercher des indices de composition originale dans le choix des matières traitées, l’angle neuf selon lequel le sujet est traité, le choix du plan ou le caractère encyclopédique de l’ouvrage [6]. En revanche, la composition est banale si elle se contente de répondre à l’ordre interne au sujet traité, à la compréhension duquel le plan choisi ne présente aucun apport particulier [7].

L’originalité d’un dictionnaire technique peut être admise, malgré l’univocité du sens des termes techniques, si les définitions données à ceux-ci sont particulièrement détaillées [8].

  1. Les articles de presse

L’originalité des articles de presse est admise s’ils ne se limitent pas à la relation d’information brute.

L’originalité de l’expression se reconnaît, notamment, au choix d’un vocabulaire arbitraire.

Celle de la composition peut résider dans « le traitement personnel d’une question, dans la façon de l’aborder et donc dans les choix arbitraires de la présentation des informations brutes. » [9]. Les juges voient dans les commentaires l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Ainsi a été reconnue l’originalité de comptes rendus de courses hippiques qui « ne se born[aient] pas à retranscrire des résultats sportifs, mais livr[aient] une analyse précise des performances passées et des potentialités des chevaux participants aux courses » [10]. En revanche, manque d’originalité l’article qui « ne contient aucun commentaire de l’information délivrée [alors que celle-ci] n’est pas présentée avec un style littéraire particulier propre à son auteur, s’agissant de phrases simples, dépourvues de toute recherche stylistique. » [11].

L’originalité d’une interview est reconnue lorsqu’elle consiste en un article de fond, citant par endroits les paroles de l’interviewé. Elle est de même admise lorsque les réponses de l’interviewé ont été harmonisées par une réécriture [12].

En cas de retranscription simple de l’interview, l’originalité des questions du journaliste peut valoir protection. A défaut, l’originalité dépendra du tour personnel que l’interviewé aurait donné à l’expression de sa pensée [13].

II. L’originalité de l’œuvre littéraire du fait de la seule expression ou de la seule composition

A) L’originalité de l’œuvre littéraire dérivée

La traduction et le recueil sont des œuvres dérivées courantes dans le domaine des lettres.

La traduction ne peut être originale que par la seule expression. L’originalité de celle-ci est généralement reconnue, à moins d’une traduction littérale.

Le juge confronte habituellement la traduction prétendue contrefaite à une traduction littérale de l’œuvre première. La première sera dite originale si elle s’éloigne de la traduction littérale par des éléments significatifs et arbitraires.

L’originalité d’un recueil ne peut tenir qu’à la seule composition. Elle est généralement reconnue du fait du choix arbitraire de textes réunis, selon les goûts personnels du compilateur

B) L’originalité de l’œuvre littéraire courte

  1. Le titre

Le titre protégeable peut être celui de toute œuvre de l’esprit (littéraire comme musicale ou audiovisuelle). En raison de sa taille réduite, le titre ne peut devoir son originalité à la composition, mais à la seule expression. Or celle-ci s’apprécie normalement à l’échelle de la phrase et plus le titre sera court, plus il sera difficile d’en évaluer l’originalité. L’appréciation de l’originalité d’un titre est donc fortement subjective et les décisions des tribunaux sont très disparates. Ainsi, « Vol de nuit » a été reconnu un titre original [14], mais non « Les maîtres du temps » [15].

Le juge pourra justifier sa décision par la présence de termes originaux au regard de la chose désignée ou par celle d’une combinaison originale de termes courants. Ainsi le titre ‘Hara Kiri’ pour un journal satirique est jugé original, parce que le terme employé est « détourné de son sens commun initial et porteur d’un message totalement décalé » [16]. En revanche, le titre ‘La croisière des sables’ manque d’originalité, parce qu’il est « constitué de deux mots, croisière et sable, qui sont tous deux employés dans leur sens commun » [17].

Néanmoins, le titre manquant d’originalité peut être protégé contre la concurrence déloyale en cas de risque de confusion avec une œuvre du même genre. Cela découle d’une application extensive de l’alinéa 2 de l’article L.112-4 du CPI qui, à la lettre, ne protège que les titres originaux après expiration de la protection du droit d’auteur. Le titre banal peut donc être protégé s’il n’a pas d’antécédent et si un risque de confusion est démontré.

  1. Le slogan

La jurisprudence estime que l’originalité du slogan emprunte « soit à l’idée qu’il exprime, soit à l’ingéniosité de la formule. » [18].

Si les formules des tribunaux peuvent laisser entendre que l’originalité d’un slogan peut tenir à son idée, c’est en raison de ce que l’expression est elle-même porteuse d’une idée, distincte de l’idée à communiquer. Cette idée cristallisée dans la formulation du slogan est le mode opératoire de la persuasion dans l’esprit du public. Admettre l’originalité de l’ idée d’un slogan, revient à reconnaître l’originalité de l’expression.

L’appréciation de l’originalité de l’expression d’un slogan se fait selon les mêmes critères que pour un titre, à savoir le choix et la combinaison des termes. Par exemple, le slogan ‘l’Avenir au présent’ a été jugé original parce que, « si le slogan est composé de deux mots du vocabulaire courant, le rapprochement de ceux-ci et le rapport non nécessaire qui a été établi entre eux par l’auteur du slogan dans une formulation élégante porte la marque de la personnalité de celui-ci. » [19].

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Sources

[1] Tribunal de grande instance de Paris – 15 février 2008 – n° 06/06225, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000019054205

[2] H. Desbois, le droit d’auteur en France : Dalloz, 3e éd. 1978

[3]Cour d’appel de Paris – 26 novembre 2014 – n° 13/01472, concernant les points communs, banals et de libre parcours, de deux personnages d’œuvre de fiction différente

[4] Civ. 1, 8 novembre 1983, n° 82-13.547, au sujet des écrits d’une association savante de phytothérapie dont les idées étaient reprises dans un ouvrage sur le sujet

[5] Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 1 avril 2008, 06/09290, au sujet de livres portant sur l’histoire des chiffres, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000019189575&fastReqId=627831540&fastPos=1

[6] Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 1 avril 2008, 06/09290, précité

[7] Crim., 18 octobre 2011, n°11-81.404, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000024855596&fastReqId=1579591383&fastPos=1

[8] Cour d’appel de Paris, 25 mars 2002, n°02/00114 https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000006940327, qui estime, au sujet d’un dictionnaire technique de la bourse et des marchés financiers, que « la présentation détaillée et précise [des notions] marque l’originalité et l’apport de l’auteur, qui a par exemple inclus, dans la définition elle-même, des précisions et commentaires personnels dans des phrases placées entre parenthèses ».

[9] TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 24 mars 2010, n° 08/12969

[10] CA Paris, 21 mars 2007, n° 05/20081

[11] TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 24 mars 2010, précité

[12] Civ. 2, 30 janvier 2014, n°12-24145, qui considère originale l’interview dans lequel le journaliste a « donn[é] à l’expression orale [de l’interviewé] une forme écrite élaborée, fruit d’un investissement intellectuel », https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028547600&fastReqId=1450597801&fastPos=1.

[13] TGI Paris, 24 mars 1982 JCP G 1982, II, 19901, http://referentiel.nouvelobs.com/archives_pdf/OBS0932_19820918/OBS0932_19820918_039.pdf

[14] TGI Nanterre, 28 avr. 1998 : PIBD 1998, 658, III, 385

[15] TGI Nanterre, 28 juin 1995, Laloux c/ Paravision, RDPI 1995, no 62, p. 52

[16] TGI Paris, 4 nov. 2016, n°16-11158 : JurisData n°2016-024344

[17] Civ. 1, 6 mai 2003, n°01-02.237, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007048329&fastReqId=217412150&fastPos=3

[18] CA Paris, 4e ch., 30 avr. 1963, IEPF c/ CMF, Ann. 1964, 280

[19] CA Paris, 4e ch., 26 janv. 1989, Ambassade Publicité c/ Milbox, PIBD 1989, III, 329