L’originalité de l’œuvre littéraire

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Les œuvres littéraires sont protégées par le droit d’auteur à condition d’être originales. Elles regroupent toutes les œuvres du langage, écrites comme orales. Elles se composent de trois éléments : l’idée, l’expression et la composition. Du fait du principe d’inappropriation des idées, l’originalité de l’œuvre littéraire ne peut résider que dans l’expression ou la composition.

I. L’originalité de l’œuvre littéraire du fait de l’expression ou de la composition

A) Définitions de l’expression et de la composition

Les deux notions concernent la forme de l’œuvre et non son fond.

  1. L’expression

L’expression est le style ou la manière d’écrire. Elle repose sur le choix et la combinaison des mots ainsi que sur les formes grammaticales employées. En général, son originalité est facilement admise.

Cette originalité doit s’apprécier au niveau de la phrase entière, voire de l’ensemble d’un paragraphe [1].

  1. La composition

La composition est « le développement et l’ordonnancement des différentes idées de l’œuvre » [2]. Dans une œuvre de fiction, elle renvoie à l’action, aux personnages et à l’enchaînement des péripéties.


 

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La composition est banale lorsque l’enchaînement des idées est dicté par la logique interne au sujet traité.

Les personnages littéraires doivent être caractérisés en détail et en profondeur pour être dits originaux. D’ailleurs, leur contrefaçon ne peut consister que dans la copie de l’ensemble de leurs traits caractéristiques (« l’originalité ne peut être reconnue qu’à un tout », [3]).

B) L’indifférence à l’idée de l’originalité de l’œuvre littéraire d’information

  1. Les œuvres savantes.

Leur originalité est indifférente aux idées, lesquelles appartiennent au fonds commun du savoir. Le droit d’auteur ne « protèg[e] pas les idées exprimées, mais seulement la forme originale sous laquelle elles le sont » [4].

Ainsi, des faits historiques présents dans des ouvrages antérieurs peuvent être repris sans ruiner l’originalité de l’ouvrage nouveau dès lors qu’ils y sont relatés dans un style totalement différent. En revanche, il y a carrément contrefaçon en cas de reproduction quasi servile du texte [5].

Le juge peut chercher des indices de composition originale dans le choix des matières traitées, l’angle neuf selon lequel le sujet est traité, le choix du plan ou le caractère encyclopédique de l’ouvrage [6]. En revanche, la composition est banale si elle se contente de répondre à l’ordre interne au sujet traité, à la compréhension duquel le plan choisi ne présente aucun apport particulier [7].

L’originalité d’un dictionnaire technique peut être admise, malgré l’univocité du sens des termes techniques, si les définitions données à ceux-ci sont particulièrement détaillées [8].

  1. Les articles de presse

L’originalité des articles de presse est admise s’ils ne se limitent pas à la relation d’information brute.

L’originalité de l’expression se reconnaît, notamment, au choix d’un vocabulaire arbitraire.

Celle de la composition peut résider dans « le traitement personnel d’une question, dans la façon de l’aborder et donc dans les choix arbitraires de la présentation des informations brutes. » [9]. Les juges voient dans les commentaires l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Ainsi a été reconnue l’originalité de comptes rendus de courses hippiques qui « ne se born[aient] pas à retranscrire des résultats sportifs, mais livr[aient] une analyse précise des performances passées et des potentialités des chevaux participants aux courses » [10]. En revanche, manque d’originalité l’article qui « ne contient aucun commentaire de l’information délivrée [alors que celle-ci] n’est pas présentée avec un style littéraire particulier propre à son auteur, s’agissant de phrases simples, dépourvues de toute recherche stylistique. » [11].

L’originalité d’une interview est reconnue lorsqu’elle consiste en un article de fond, citant par endroits les paroles de l’interviewé. Elle est de même admise lorsque les réponses de l’interviewé ont été harmonisées par une réécriture [12].

En cas de retranscription simple de l’interview, l’originalité des questions du journaliste peut valoir protection. A défaut, l’originalité dépendra du tour personnel que l’interviewé aurait donné à l’expression de sa pensée [13].

II. L’originalité de l’œuvre littéraire du fait de la seule expression ou de la seule composition

A) L’originalité de l’œuvre littéraire dérivée

La traduction et le recueil sont des œuvres dérivées courantes dans le domaine des lettres.

La traduction ne peut être originale que par la seule expression. L’originalité de celle-ci est généralement reconnue, à moins d’une traduction littérale.

Le juge confronte habituellement la traduction prétendue contrefaite à une traduction littérale de l’œuvre première. La première sera dite originale si elle s’éloigne de la traduction littérale par des éléments significatifs et arbitraires.

L’originalité d’un recueil ne peut tenir qu’à la seule composition. Elle est généralement reconnue du fait du choix arbitraire de textes réunis, selon les goûts personnels du compilateur

B) L’originalité de l’œuvre littéraire courte

  1. Le titre

Le titre protégeable peut être celui de toute œuvre de l’esprit (littéraire comme musicale ou audiovisuelle). En raison de sa taille réduite, le titre ne peut devoir son originalité à la composition, mais à la seule expression. Or celle-ci s’apprécie normalement à l’échelle de la phrase et plus le titre sera court, plus il sera difficile d’en évaluer l’originalité. L’appréciation de l’originalité d’un titre est donc fortement subjective et les décisions des tribunaux sont très disparates. Ainsi, « Vol de nuit » a été reconnu un titre original [14], mais non « Les maîtres du temps » [15].

Le juge pourra justifier sa décision par la présence de termes originaux au regard de la chose désignée ou par celle d’une combinaison originale de termes courants. Ainsi le titre ‘Hara Kiri’ pour un journal satirique est jugé original, parce que le terme employé est « détourné de son sens commun initial et porteur d’un message totalement décalé » [16]. En revanche, le titre ‘La croisière des sables’ manque d’originalité, parce qu’il est « constitué de deux mots, croisière et sable, qui sont tous deux employés dans leur sens commun » [17].

Néanmoins, le titre manquant d’originalité peut être protégé contre la concurrence déloyale en cas de risque de confusion avec une œuvre du même genre. Cela découle d’une application extensive de l’alinéa 2 de l’article L.112-4 du CPI qui, à la lettre, ne protège que les titres originaux après expiration de la protection du droit d’auteur. Le titre banal peut donc être protégé s’il n’a pas d’antécédent et si un risque de confusion est démontré.

  1. Le slogan

La jurisprudence estime que l’originalité du slogan emprunte « soit à l’idée qu’il exprime, soit à l’ingéniosité de la formule. » [18].

Si les formules des tribunaux peuvent laisser entendre que l’originalité d’un slogan peut tenir à son idée, c’est en raison de ce que l’expression est elle-même porteuse d’une idée, distincte de l’idée à communiquer. Cette idée cristallisée dans la formulation du slogan est le mode opératoire de la persuasion dans l’esprit du public. Admettre l’originalité de l’ idée d’un slogan, revient à reconnaître l’originalité de l’expression.

L’appréciation de l’originalité de l’expression d’un slogan se fait selon les mêmes critères que pour un titre, à savoir le choix et la combinaison des termes. Par exemple, le slogan ‘l’Avenir au présent’ a été jugé original parce que, « si le slogan est composé de deux mots du vocabulaire courant, le rapprochement de ceux-ci et le rapport non nécessaire qui a été établi entre eux par l’auteur du slogan dans une formulation élégante porte la marque de la personnalité de celui-ci. » [19].

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Sources

[1] Tribunal de grande instance de Paris – 15 février 2008 – n° 06/06225, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000019054205

[2] H. Desbois, le droit d’auteur en France : Dalloz, 3e éd. 1978

[3]Cour d’appel de Paris – 26 novembre 2014 – n° 13/01472, concernant les points communs, banals et de libre parcours, de deux personnages d’œuvre de fiction différente

[4] Civ. 1, 8 novembre 1983, n° 82-13.547, au sujet des écrits d’une association savante de phytothérapie dont les idées étaient reprises dans un ouvrage sur le sujet

[5] Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 1 avril 2008, 06/09290, au sujet de livres portant sur l’histoire des chiffres, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000019189575&fastReqId=627831540&fastPos=1

[6] Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 1 avril 2008, 06/09290, précité

[7] Crim., 18 octobre 2011, n°11-81.404, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000024855596&fastReqId=1579591383&fastPos=1

[8] Cour d’appel de Paris, 25 mars 2002, n°02/00114 https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000006940327, qui estime, au sujet d’un dictionnaire technique de la bourse et des marchés financiers, que « la présentation détaillée et précise [des notions] marque l’originalité et l’apport de l’auteur, qui a par exemple inclus, dans la définition elle-même, des précisions et commentaires personnels dans des phrases placées entre parenthèses ».

[9] TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 24 mars 2010, n° 08/12969

[10] CA Paris, 21 mars 2007, n° 05/20081

[11] TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 24 mars 2010, précité

[12] Civ. 2, 30 janvier 2014, n°12-24145, qui considère originale l’interview dans lequel le journaliste a « donn[é] à l’expression orale [de l’interviewé] une forme écrite élaborée, fruit d’un investissement intellectuel », https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028547600&fastReqId=1450597801&fastPos=1.

[13] TGI Paris, 24 mars 1982 JCP G 1982, II, 19901, http://referentiel.nouvelobs.com/archives_pdf/OBS0932_19820918/OBS0932_19820918_039.pdf

[14] TGI Nanterre, 28 avr. 1998 : PIBD 1998, 658, III, 385

[15] TGI Nanterre, 28 juin 1995, Laloux c/ Paravision, RDPI 1995, no 62, p. 52

[16] TGI Paris, 4 nov. 2016, n°16-11158 : JurisData n°2016-024344

[17] Civ. 1, 6 mai 2003, n°01-02.237, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007048329&fastReqId=217412150&fastPos=3

[18] CA Paris, 4e ch., 30 avr. 1963, IEPF c/ CMF, Ann. 1964, 280

[19] CA Paris, 4e ch., 26 janv. 1989, Ambassade Publicité c/ Milbox, PIBD 1989, III, 329

 

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