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Commerce electronique internet

Y-a-t-il des clauses abusives dans les conditions générales de l’Apple store et de Google store?

Les conditions générales de vente (CGV) entre professionnels constituent le socle de la négociation commerciale et peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs. Elles doivent être communiquées à tout acheteur professionnel qui en fait la demande. L’Apple store et Google store régulent leurs relations avec les développeurs d’applications à l’aide de ces CGV. Ces géants des applications pour smartphones doivent réguler leurs CGV de manière à ne pas comporter de clauses abusives à l’encontre des développeurs.

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Selon l’article L.212-1 du Code de la consommation, les clauses abusives sont des clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. Définie par la loi LME, la notion déséquilibre significatif est un « un système de sanction dissuasive visant à empêcher les abus de puissance d’achat ou de vente ». C’est l’article L.442-1-I-2 ° du Code de commerce qui sanctionne le fait pour un partenaire commercial « De soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. ». Par conséquent, ces clauses abusives sont réputées non écrites.

Le déséquilibre significatif est apprécié par la jurisprudence comme pouvant être une absence de réciprocité dans le contrat, une absence de contrepartie ou une absence de négociation. Le déséquilibre se déduit d’une relation contractuelle qui ne bénéficie qu’à une seule partie, unilatéralement. Le Code civil précise à l’article 1171 que « l’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ». Ainsi pour déterminer qu’il y a un déséquilibre significatif, il faut analyser l’équilibre économique du contrat.


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Il s’agit de savoir si les CGV de l’Apple Store ou de Google play store, distributeurs d’applications pour smartphones, comportent des clauses abusives au regard du droit français et du droit européen.

I. Les conditions générales de ventes face aux clauses abusive

A) Règles générales des CGV

L’article L 441-1 du Code de commerce indique que « Toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services qui établit des conditions générales de vente est tenue de les communiquer à tout acheteur qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Cette communication s’effectue par tout moyen constituant un support durable […] Dès lors que les conditions générales de vente sont établies, elles constituent le socle unique de la négociation commerciale ». On a donc une obligation de communication des CGV qui s’adresse au vendeur, l’idée étant de permettre à tout acheteur de pouvoir comparer avant de contracter. Il y a donc une obligation de communication qui est prévue par ce texte, mais cette obligation est conditionnée par une démarche préalable et active de l’acheteur. Le fait pour l’acheteur de demander la communication des CGV créé une obligation pour le vendeur. Cette obligation préexistait à l’ordonnance de 2019, puisque dans un arrêt du 29 mars 2017 la Cour de cassation avait retenu le caractère fautif du refus de communication des CGV.

Ce texte nous dit par ailleurs que les CGV constituent le socle de la négociation commerciale. Cela signifie que les négociations vont être rythmées, et on va imposer qu’elles commencent d’un point de vue chronologique par les conditions générales de vente du vendeur. C’est une façon de protéger l’acheteur, car on va empêcher que les négociations ne commencent par les conditions générales d’achats du vendeur qui sont plus puissantes.

Ainsi, chaque fois qu’on va renverser une CGV, on va aboutir à des conditions particulières de ventes, spécialement conçues entre ce vendeur et cet acheteur, à un moment précis. Ces conditions particulières de vente prévues à l’alinéa 5 de l’article ne sont pas soumises à des obligations de communication, elles sont opaques, elles sont un véritable secret dans les affaires, contrairement aux CGV.

Par ailleurs, le professionnel qui dérogerait à l’obligation de communication de ses conditions générales de ventes s’expose à l’amende administrative de l’article L. 441-1-IV du Code de commerce dont le montant maximal est de 15 000 euros pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale.

En outre, encours une amende pénale de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale, le professionnel qui n’indiquerait pas dans les conditions de règlement les mentions légales ou qui fixerait un taux ou des conditions d’exigibilité non conformes aux prescriptions également précisées ci-dessus. Cette amende peut être portée à 150 000 euros pour une personne physique et de 750 000 euros pour une personne morale, en cas de réitération du manquement dans un délai de 2 ans.

Une autre amende administrative est prévue à l’article L.441-16 du code de commerce, d’un montant ne pouvant excéder 75 000 euros pour une personne physique et deux millions d’euros pour une personne morale. Cette amende pourra être prononcée si le professionnel n’indique pas dans les conditions de règlement les mentions légales ou si ce dernier fixerait un taux ou des conditions d’exigibilité de retard non conformes aux prescriptions également précisées ci-dessus.

En cas de clauses abusives dans les CGV, celles-ci devront être supprimées des supports comme l’a rappelé un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 octobre 2020. Bien que non retenue en l’espèce, la Cour rappelle que l’accessibilité réduite des CGV est une pratique condamnable.

B) Réglementation sur les clauses abusives

L’article  L. 212-1 du Code de la consommation indique que « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. ».

Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la commission instituée à l’article L. 822-4, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Ces dispositions sont applicables, quels que soient la forme ou le support du contrat ( bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies).

Le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre.

Les articles R.212-1 et R.212-2 du Code de la consommation distinguent deux types de clauses abusives : les clauses grises et les clauses noires. Les clauses noires sont présumées être abusives de manière irréfragable, c’est-à-dire que l’on ne peut pas y apporter la preuve contraire.  Les clauses grises quant à elles, sont présumées abusives. C’est-à-dire qu’en cas de litige c’est le professionnel qui doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause.

II) Les clauses abusives des conditions générales de l’Apple Store et du Google Store

A) Les CGV de google play store

Diverses obligations rentrent en ligne de compte vis-à-vis des développeurs d’applications au sein de google play store. L’installation en premier lieu est à la charge du développeur et Google refuse toute application qui ne serait pas installée convenablement sur la boutique en ligne. Un contrôle sur la qualité du produit mis en ligne est donc exercé dès l’installation.

Le contenu de l’application en second lieu doit être fidèle à la présentation qui en est faite. Elle ne doit pas présenter de contenu à caractère pornographique ou violent.

Les CGV de Google play store prévoient une responsabilité du développeur du fait de son application. En effet, il est seul responsable de l’assistance des produits mis en ligne donc des préjudices nés du téléchargement de son application. De fait, Google se décharge complètement d’une quelconque responsabilité à l’égard du développeur, mais aussi de l’utilisateur. Cette limitation de responsabilité est très large. Sur ce point, un arrêté du 18 décembre 2014 est intervenu,  relatif aux informations contenues dans les conditions générales de vente en matière de garantie légale.

Pris sur le fondement de l’article 14 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relatif à la consommation, l’arrêté précise, qu’en application de l’article L. 211-2 du Code de la consommation, les conditions générales de vente des contrats de consommation doivent comporter les noms et adresses du vendeur garant de la conformité des biens au contrat, permettant au consommateur de formuler une demande au titre de la garantie légale de conformité prévue aux articles L. 217-4 et suivants du Code de la consommation ou de la garantie des défauts de la chose vendue au sens des articles 1641 et suivants du Code civil. À ce titre, non seulement le développeur, mais également la société Google, vendeur en l’espèce lorsqu’elle propose des applications sur sa plateforme, devraient être susceptibles d’engager leur responsabilité.

Le tribunal de commerce de Paris le 28 mars 2022 a condamné Google au paiement d’une amende de 2 millions d’euros pour avoir imposé sept clauses abusives dans ses contrats de distribution aux développeurs d’applications sur son Play store. Les clauses litigieuses sont en date de 2015 et 2016. Une de ces clauses imposait, sans négociation possible, un prélèvement de 30 % à destination de Google sur le prix de chaque application mobile.

S’agissant de l’obligation de respect de la vie privée des utilisateurs, Google se conforme dans ses conditions d’utilisation de la boutique en ligne au Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’Union européenne relatives au traitement des données à caractère personnel des utilisateurs. Ainsi, une clause prévoit que le développeur doit « faire preuve de transparence concernant la façon dont il gère les données utilisateur, telles que les informations fournies par l’utilisateur ou obtenues à son sujet, y compris les informations provenant des appareils. Autrement dit, les développeurs doivent informer l’utilisateur en cas de collecte, d’utilisation et de partage desdites informations, et les utiliser exclusivement aux fins indiquées. » Ainsi, tout traitement de données à caractère personnel des utilisateurs doit faire l’objet d’une autorisation préalable. Ce principe a encore été rappelé récemment par un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse le 18 mai 2020.

B) Les CGV de l’Apple Store

Qualifié par certains « d’intermédiaire technique » entre le développeur et le consommateur final, se revendiquant ainsi du statut protecteur d’hébergeur prévu par la LCEN dans son article 6, Apple impose néanmoins les règles du jeu à travers ses CGV dans ses relations avec le développeur de l’application.

Apple a affirmé que l’App Store d’Apple avait généré 519 milliards de dollars en facturation et en ventes à l’échelle mondiale pour la seule année 2019. Apple prévoyant une répartition des revenus, l’éditeur d’une application perçoit 70 % des revenus tandis que Apple perçoit 30 % des revenus.

C’est notamment sur ce sujet des 30 %, que tout comme Google, qu’Apple fait l’objet d’une assignation par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). En effet, Appel perçoit 30 % sur tous les achats effectués depuis son application, le pourcentage est le même sur les abonnements. Cette clause litigieuse est également pointée du doigt par d’autres pays européens, c’est notamment le cas de l’Autorité de la concurrence néerlandaise.

Pour empêcher ses pratiques, le projet de règlement « Digital Markets Act » (DMA) prévoit que les géants d’internet devront autoriser l’installation d’application à partir de sources extérieures à leurs stores. Ainsi, ce pourcentage de 30 % ne serait plus applicable, car l’achat ne passerait plus par leurs boutiques.

Apple est donc un géant dans le domaine, si ce n’est LE géant. Ainsi, la société propose au sein de ses CGV des conditions classiques liés au développement des applications, telles que des conditions d’adhésion pour les développeurs et des conditions de rémunération s’élevant à 70 % des sommes générées par le développement des applications. Les CGV ne semblent donc pas contenir de clauses abusives.

Toutefois, et comme le parallèle fait avec Google play store, ce sont peut-être les conditions de garanties qui se détachent. En effet, Apple ne prévoit de garantir ni le développeur ni l’internaute contre les dommages causés aux appareils mobiles qui résulteraient des applications téléchargées. Ensuite, les conditions de distribution stipulées par Apple prévoient que le développeur doit respecter les dispositions du Règlement général sur la protection des données (RGPD) du 23 mai 2018 relative à la protection des données personnelles des internautes. Par ailleurs, Apple s’autorise à retirer d’office de la plateforme, sans en avertir le développeur, toute application dont le contenu serait jugé contraire aux conditions d’utilisation stipulées.
Malgré tout, Apple n’est pas sans reproche, vu que dans une décision du 9 juin 2020, la société a été condamnée pour non-respect du RGPD. Dans ce même jugement, le tribunal judiciaire de Paris a déclaré que plusieurs clauses des conditions générales d’ITunes et d’Apple Music étaient illicites ou abusives.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les clauses abusives du Google store, cliquez

Sources :

http://www.cgv-expert.fr/article/conditions-adhesion-android-market-editeurs_45.htm
http://store.apple.com/fr
http://blog.goodbarber.com/fr/Comment-creer-son-compte-developpeur-chez-Apple_a275.html
http://economie.lefigaro.fr/app-store-apple.html
https://support.google.com/googleplay/android-developer/answer/10355942?hl=fr
https://www.apple.com/fr/newsroom/2020/06/apples-app-store-ecosystem-facilitated-over-half-a-trillion-dollars-in-commerce-in-2019/
Le règlement général sur la protection des données – RGPD
https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees
Com. 3 mars 2015, 13-27.525
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030324689/
Cons. const. 13 janv. 2011, n° 2010-85 QPC
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000023418391
Com. 29 mars 2017, 15-27.811
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034340247
CA Paris 29 octobre 2020
CA Toulouse 18 mai 2020
Tribunal judiciaire de Paris, jugement rendu le 9 juin 2020
https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-judiciaire-de-paris-jugement-rendu-le-9-juin-2020/
Article 1171 du Code civil
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000036829836/#:~:text=Dans%20un%20contrat%20d’adh%C3%A9sion,contrat%20est%20r%C3%A9put%C3%A9e%20non%20%C3%A9crite.
Article L.212-1 du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032890812/
Articles L. 217-4 et suivants du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006069565/LEGISCTA000032221261/#LEGISCTA000032226953
Article L. 822-4 du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032224234
Articles R.212-1 du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032807196/
Articles R.212-2 du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032807198/
Article L 441-1 du Code de commerce
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038414469/#:~:text=II.,moyen%20constituant%20un%20support%20durable.
Article L.442-1-I-2 ° du Code de commerce
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000038414237/2019-04-26/

Comment intégrer les réseaux de distribution exclusive et internet ?

L’arrivée d’internet a complètement modifié les usages en matière de commerce, et notamment concernant la distribution exclusive, alors comment appréhender la distribution exclusive face à internet ?

Les perspectives offertes par le commerce électronique incitent l’ensemble des acteurs économiques, particulièrement ceux travaillant en réseaux, à s’intéresser à un développement de leur activité sous l’angle Internet.

Le commerce électronique est- il un danger pour les réseaux de distribution ou au contraire doit-il être considéré comme une méthode de vente complémentaire?

Dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, la société principale qui gère le réseau ne peut interdire à ses distributeurs la revente des produits via une plate-forme internet sans apporter de raison objective au regard du droit de la concurrence justifiant une telle interdiction.

La distribution sélective désigne un système par lequel les fournisseurs sélectionnent leurs distributeurs sur la base de critères définis, ces derniers s’engageant à ne pas vendre ces biens ou services à des distributeurs non agréés.

C’est un système limitant le nombre de distributeurs, sans exclusivité territoriale et qui pose la question de la distribution sélective sur internet. L’efficacité d’un réseau de distribution sélective dépend de son étanchéité juridique et commerciale.

Aucune règle spécifique ne définit les conditions dans lesquelles des produits distribués par un réseau de distribution sélective peuvent être promus et/ou vendus sur Internet et cela pose un problème pour la distribution sélective sur internet.

La distribution sélective sur internet peut permettre à son animateur de contrôler la distribution de ses produits notamment en choisissant ses revendeurs et en contrôlant la qualité des prestations associées à la vente.

Le développement de la vente sur internet a nécessairement des répercussions sur le fonctionnement traditionnel des réseaux de distribution.

Force est de constater que la vente sur internet est susceptible de perturber cet ordre établi : qui est l’acheteur (consommateur, membre du même réseau ou distributeur parallèle) ? Où réside-t-il ? Comment faire respecter l’image de la marque du réseau ? Comment dispenser des conseils personnalisés à l’occasion de la vente, par exemple, de produits de haute technicité? Comment organiser un service de livraison, voire d’installation, puis un service après-vente lorsque l’acheteur peut être domicilié n’importe où ?

Tous les fournisseurs distribuant leurs produits en réseau (franchise, concession, distribution sélective …) n’ont pas appréhendé de la même façon les problématiques posées par la distribution sélective sur internet.

Certains ont souhaité purement et simplement interdire à leurs distributeurs la vente sur internet. D’autres l’ont autorisée sous condition. Enfin, certains ont développé leurs propres sites de vente, alors même qu’ils avaient accordé des exclusivités territoriales à leurs distributeurs, ces derniers ayant pu y voir une forme de concurrence déloyale.

S’agissant de la distribution sélective sur internet, l’article L. 442-2 du Code de commerce dispose que : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de participer directement ou indirectement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence. » (1)

Les perspectives offertes par le commerce électronique incitent l’ensemble des acteurs économiques, particulièrement ceux travaillant en réseaux, à s’intéresser à un développement de leur activité sous l’angle Internet.

Le commerce électronique est- il un danger pour les réseaux de distribution ou au contraire doit-il être considéré comme une méthode de vente complémentaire?

Lorsque le contrat prohibe la vente à distance ou vente par correspondance, on peut considérer que le commerce électronique est exclu implicitement. Le e-business doit être assimilé à une vente à distance.

Une clause d’interdiction ne sera d’ailleurs pas restrictive de la concurrence si la nature des produits la justifie (technicité, qualité…).ou /et par l’absence de mise en valeur des produits, ou l’impossibilité de fournir un conseil personnalisé au client potentiel. (article 85 § 1 du Traité de Rome)

Dans le cas où les accords contractuels ne mentionnent rien sur la question, on prévoit généralement la distribution dans un point de vente déterminé, avec les conditions de présentation des produits.

Il est donc question de savoir si le promoteur peut interdire d’emblée la vente en ligne : comme le souligne Maître Verbiest dans un article paru en avril 2000 sur Juriscom, le cas n’est pas théorique et s’est présenté pour Séphora, contraint de limiter l’accès à son site marchand aux résidents américain après avoir été sommé par ses partenaires fournisseurs avec lesquels la société est liée par des accords exclusifs.

La jurisprudence communautaire s’est également prononcée (affaires Saint-Laurent et Givenchy du TPICE) contre l’interdiction a priori de certaines formes de commercialisation.

En particulier, nombreux sont les contrats de distribution qui mettent à la charge du distributeur une obligation de développement des ventes.

C’est dans cette optique que l’ordonnance du tribunal de commerce de Pontoise en date du 15 avril 1999 avait été rendue dans une affaire Pierre Fabre Dermo Cosmétiques c/ M.. A. B. : les juges avaient estimé en effet qu’« Internet s’ajoute aux modalités traditionnelles… » de commercialisation des produits.

En ce sens, on peut faire un parallèle avec la décision en référé du TGI de Bordeaux du 12 mai 1999 dans une affaire Norwich Union France c/ Peytureau .

L’ouverture d’un site vitrine (donc non marchand) sous un nom de domaine utilisant la dénomination sociale de la compagnie employant l’auteur n’est à l’origine d’aucun préjudice pour Norwich Union France, car le site était totalement consacré à la promotion des produits Norwich Union.

Cela dit, depuis lors, un arrêt d’appel (certes en référé) a été rendu dans l’affaire Fabre infirmant la décision de première instance et sa conception extensive.

Le fondement de l’arrêt repose sur les conditions générales de vente, les prérogatives du promoteur du réseau et non les relations contractuelles et les obligations du distributeur incriminé.

D’ailleurs, dans un arrêt rendu le 13 septembre 2017,  la Cour de cassation a reconnu aux fournisseurs dans un réseau de distribution sélective, le droit d’imposer à leurs distributeurs, sous certaines conditions, des clauses interdisant la vente de leurs produits sur des plateformes en ligne non agrées. (2)

I. L’enseigne, la marque et le nom de domaine

Le droit commun de la concession exclusive met à la charge du concédant une obligation relative à la marque et à l’enseigne.

En effet, il doit mettre en œuvre toutes les voies de droit dont il dispose pour garantir au distributeur l’exclusivité de ses signes distinctifs dans le secteur géographique qui lui a été consenti, sous peine d’engager sa responsabilité contractuelle.

Ainsi, serait responsable celui qui n’a pas agi (en référé) pour obtenir la suppression des panneaux de sa marque encore utilisés par l’ancien distributeur (Cour de cassation, Chambre commerciale 4/2/1986).

En principe, le concédant doit recourir à l’action en concurrence déloyale pour mettre fin à ce type d’agissements et remplir son obligation de garantir une jouissance paisible à son cocontractant distributeur.

Internet pose le problème du nom de domaine : en effet, on peut considérer que le nom de domaine est en fait l’enseigne d’une boutique virtuelle.

Par conséquent, on peut se demander si le site d’un distributeur indépendant peut ou non inclure la marque du concédant.

Les juges du fond ont répondu négativement le 20 mars 2000 à cette question dans l’affaire Sony Corporation, SA Sony France / Sarl Alifax.) Cela reviendrait en effet à cannibaliser le réseau de distribution du concédant.

II. Le respect de l’exclusivité territoriale

L’obligation de ne pas empiéter sur le secteur géographique attribué au distributeur est mise en danger par l’intégration de l’Internet, y compris dans une optique de communication passive (site vitrine). Le site de commerce électronique est en effet accessible depuis n’importe quel point du globe, donc depuis le territoire concédé aux divers distributeurs.

Comment assurer dans ce cas le respect des obligations liées au territoire géographique ?

Pour chaque distributeur, le manquement à l’obligation de respecter « l’intégrité » du territoire de son confrère, peut entraîner un litige avec le concédant.

Pour ce dernier, sa responsabilité peut être engagée pour n’avoir pas su préserver l’intégrité du territoire de vente de chacun des membres de son réseau.

Il existe, certes, des clauses spécifiques telles que la clause de « clientèle réservée » qui permet au concédant de fournir ses produits sur un territoire concédé, mais à une catégorie particulière de clients, ou à ceux qui figurent sur une liste préétablie et sur laquelle il a obtenu l’accord de son cocontractant.

En outre, depuis l’entrée en vigueur, le 2 décembre 2018, du Règlement UE 2018/302 du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondées sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur, un professionnel ne peut ni bloquer, ni limiter, par des mesures technologiques, l’accès d’un client à son interface en ligne pour des motifs liés à sa nationalité, à son lieu de résidence ou d’établissement. Ce règlement impacte les distributeurs dans la mesure où il affecte directement leurs relations avec les consommateurs et, indirectement, quant aux obligations pouvant être imposées, en amont, dans le contrat de distribution exclusive. (3)

Conclusion

Le développement d’une politique de communication ciblée « web » du distributeur suppose un audit juridique précis des critères de distribution sur la nature du réseau et sur les contrats en cours afin de concevoir un site portail dont les fonctionnalités seraient en rapport avec cet audit ou la possibilité de laisser les distributeurs avoir leur propre site.

Il conviendrait de prévoir tout simplement la possibilité pour chaque distributeur de présenter son offre en ligne par le biais d’un tel site portail et non par le biais de sites propres à chaque distributeur.

Dans cette hypothèse, il faudrait créer un avenant aux contrats de distribution qui comprendrait :

La détermination du type de site des distributeurs et du concédant (vitrine à conseiller dans un premier temps) avec échéancier pour le passage au commerce électronique (le temps de développer un logiciel propriétaire permettant à l’internaute de choisir en ligne et de modifier le produit qui l’intéresse) ;

La détermination de la prise en charge par chaque distributeur de la gestion et du traitement des transactions émanant de leur territoire contractuel

La charte graphique minimum pour chaque « sous-site » permettant de mettre les produits en valeur, de garantir l’image de marque du fabricant, permettant également une égalité de traitement entre les distributeurs (photos, logos…) ;

Une gestion précise des aspects technico-juridiques (travail avec une agence de création de sites uniques qui propose ensuite à chaque distributeur, ou une liberté de choix de l’agence) incluant les notions de :

  • Noms de domaine,
  • Méta-tags,
  • Mots clés vendus par les régies online,
  • Référencement et mention de la qualité du titulaire du site,
  • Politique de liens.

Évidemment, l’échec de la négociation avec un seul distributeur mettrait en péril l’ensemble de l’opération et poserait de réels problèmes au circuit de distribution concerné.

Pour lire une version plus complète de cet article sur comment intégrer les réseaux de distribution exclusive et internet , cliquez sur ce lien

Sources :

La collecte automatisée de données : Crawling & Scraping

Aujourd’hui, il est indéniable que les nouvelles technologies prennent une place de plus en plus importante dans notre quotidien. Au regard de la production massive de données qui en découle, la question se pose de savoir comment encadrer leur collecte, notamment lorsqu’elle est automatisée.

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Il est important de comprendre qu’internet est un outil qui fonctionne sur les données fournies par ses utilisateurs. L’émergence du « Big data » devait, nécessairement, s’accompagner d’outils de collecte automatisée de ces données. C’est notamment le cas des pratiques de « crawling » et de « scraping ».

Ces logiciels permettent en effet, dans un laps de temps très court, d’obtenir une quantité importante d’informations utiles pour une entreprise ou un particulier, à partir d’une liste de sites constituant le « champ d’action » du robot.

Néanmoins, ces pratiques demeurent encadrées. Elles doivent répondre à certains principes, et notamment à ceux liés à la protection des données collectées automatiquement.


 

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Dès lors la propriété, la nécessité d’une autorisation préalable pour la collecte, ou encore les questions liées à la réutilisation de ces données sont des enjeux de taille qui dictent les limites de la légalité de ces outils de collecte automatisée.

Pour en saisir toute l’importance il convient donc de comprendre, dans un premier temps, les différents usages qui peuvent être faits de ces outils (I), pour ensuite envisager le cadre protecteur des données collectées automatiquement (II).

I. Les différents usages des crawlers et scrapers

La récolte des données à des fins d’information (A), tout comme l’indexation et la réutilisation de celles-ci (B), sont les objectifs visés par l’usage de ces outils numériques.

A) La récolte des données

En effet, le crawling est une pratique qui consiste à « collecter [automatiquement] le contenu d’une page pour ensuite la traiter, la classer et fournir des informations» ) au propriétaire du logiciel .

Le logiciel de scraping, lui, va « extraire du contenu d’un site Web dans le but de le transformer pour permettre son utilisation dans un autre contexte ».

Néanmoins, la récolte de ces données ne va pas fonctionner sur le même principe, que l’on soit dans le cas des crawlers ou dans celui des scrapers.

En effet, les crawlers vont fonctionner sur un principe de redirection : à partir d’une liste (« seed ») de sites prédéfinis par l’utilisateur du robot, le crawler va dans un premier temps se rendre sur ces pages et en récupérer l’intégralité du contenu. Par la suite, le logiciel va extraire l’ensemble des liens URLs présents sur les pages analysées, et suivre ces liens pour également analyser le contenu des pages référencées sous ces liens.

Le scraper, lui, va plutôt se baser sur un « patron » configuré au préalable, qui prend en compte la structure HTML de la base de donnée  analysée, afin de pouvoir extraire de manière pertinente les données et leur mise à disposition sur les pages consultées.

Les agences « 1 min 30 s » et « Centraledesmarchés.com » constituent des exemples illustrant : quand la première fait usage de crawlers pour analyser les « forces et faiblesses » de sites de marketing en ligne à travers l’analyse de leurs outils et pratiques, la seconde référence quotidiennement, depuis 2013, les appels d’offres publics d’une centaine de sites par le biais de scrapers.

B) L’indexation et la réutilisation des données

La traduction française du terme « crawler » s’intitule «Robot d’indexation ». Comme on l’a dit, tout l’intérêt de ce genre d’outil consiste en la récolte et l’analyse de données contenues sur des pages Web.

Ceci étant, des questions peuvent se poser au regard de l’exploitation des données récoltées par ce biais.

L’objectif principal de ces outils demeure celui de tirer des informations pratiques et concrètes de ces données : une fois récoltées, puis triées et structurées en fonction de leur pertinence et de ce que recherche l’auteur, elles permettront d’avoir une vision précise du contenu et des pratiques, pour l’usager, des pages analysées.

Mais, comme on l’a vu, ces données peuvent également être réexploitées dans un but bien précis : c’est l’exemple de la plateforme américaine Common Crawl, ayant pour objectif d’archiver le plus de pages Web possible, et de rendre disponible leur accès via le site de la fondation. On estime qu’aujourd’hui, la plateforme centralise environ 15 % du web mondial, grâce à l’usage de crawlers .

De plus, certains pourraient être tentés de réutiliser les données collectées, afin par exemple d’augmenter le trafic de leur propre site internet.

Ces pratiques posent plusieurs questions, au regard du droit rattaché à ces différentes utilisations du jeu de données récolté : des questions de droit de la concurrence, mais aussi et plus largement des questions liées au droit de la propriété intellectuelle et à la protection accordée à ces données et bases de données.

 

II. Les atteintes à la protection de ces données

La propriété intellectuelle et le droit d’auteur offrent un cadre légal protection aux données récoltées automatiquement (A). Ceci étant, le propriétaire de ces données pourra également chercher à se prémunir lui-même d’une telle collecte (B).

A) Le cadre imposé par le droit de la propriété intellectuelle et le droit d’auteur

Il faut savoir que ces pratiques sont encadrées par le droit, et notamment par la propriété intellectuelle, pour éviter tout type d’abus et notamment la contrefaçon.

Dans le cadre d’une indexation des données, en réalité, la contrefaçon ne sera généralement pas admise. En effet, même si l’indexation de données récoltées par l’usage de crawlers va permettre au réexploitant d’augmenter le nombre de visites de son site, l’indexation fait normalement référence aux sources citées et, de ce fait, n’entre pas en contradiction ni avec le droit d’auteur , ni avec le droit des bases de données.

C’est notamment ce qu’a pu retenir le Tribunal de grande instance de Paris, dans son arrêt « Adenclassified » du 1er février 2011 ayant débouté de sa demande une société dont les données ont été indexées, les faits ne constituant pas une violation du « droit sui generis du producteur de bases de données» .

À la lecture de cette décision, on comprend également que l’extraction de données par le biais de ces outils numériques dans la poursuite d’un objectif de réutilisation « de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données » est constitutive d’un acte de contrefaçon, comme le prévoient expressément les articles 342-1 et 342-2 du Code de la propriété intellectuelle.
La Cour d’appel vient condamner une société d’édition dans un arrêt du 31 juillet 2019 pour avoir mis en place un système informatique permettant l’exploration et le crawling sur des sites d’éditeurs concurrent. Ainsi, le service offert par la société consistant en la fourniture de recherches jurisprudentielles et d’indexation de commentaires juridiques était basé sur un système de crawling permettant à la société de proposer, à leurs abonnés, des contenus normalement destinés uniquement aux abonnés des sites concurrents.

La jurisprudence de 2011 fut également confirmée dans un arrêt récent rendu par la Cour d’appel de Paris,, le 2 février 2021. L’arrêt dispose que l’extraction et la réutilisation des données en l’espèce les annonces proposées par la société leboncoin.fr, constituait une violation du « droit sui generis du producteur de base de données », violant ainsi les articles 342-1 et 342-2 du Code de la Propriété intellectuelle.

Au demeurant, il n’existe pas de règles précises concernant l’établissement du caractère substantiel du contenu. Ainsi, la reconnaissance d’un tel critère se fera au cas par cas par le juge du litige en question, et il convient donc aux utilisateurs des extracteurs de mesurer l’exploitation qu’ils feront de ces données.

B) Les moyens de lutte contre ces outils

Il est souvent recommandé aux utilisateurs d’outils comme les crawlers et scrapers d’agir avec mesure et parcimonie : par exemple, ceux-ci ne devront pas surcharger les serveurs des sites visités par un nombre de requêtes trop important, au risque de causer un déni de service qui pourra facilement s’apparenter à un acte de concurrence déloyale.

En outre, certains propriétaires de sites peuvent vouloir se prémunir face à ces outils, refusant de voir leurs données récoltées « pillées » .

Quoi qu’il en soi, si la pratique n’est pas formellement bannie, les propriétaires de sites peuvent réagir. La Cour d’appel de Paris, dans son arrêt « SAIF c/Google » du 26 janvier 2011, soutenait effectivement que « chaque webmaster peut, via son fichier robot.txt, contrôler la manière dont les données de son site sont visitées par les crawlers, notamment en interdisant l’accès à certaines d’entre elles » .

L’action en contrefaçon, ouverte à la suite de la violation d’un droit privatif conféré par la protection du droit d’auteur, ainsi que l’action en concurrence déloyale, fondée sur la responsabilité délictuelle, sont deux procédures judiciaires de règlement des conflits liés à de telles pratiques. Mais, comme on l’a vu, le propriétaire de bases de données peut également se prémunir de ces pratiques que d’aucuns considèrent comme attentatoires. La légalité, tout comme la légitimité, du crawling et du scraping restent donc encore aujourd’hui discutables.
>Aux États-Unis, la problématique du crawling et du scraping existe également et des entreprises veulent lutter contre ces pratiques. La société Linkedin a notamment voulu lutter contre le scraping, elle s’opposait à la collecte massive et automatisée de données. Cependant, la juridiction américaine a refusé l’action de la société, dans sa décision du 9 septembre 2019. En effet, la juridiction considère que la société n’avait pas de droit à agir, vu qu’elle n’est pas propriétaire des données publiées par ses membres, de plus, les membres avaient déjà connaissance que leurs données allaient être accessibles à des tiers, vu qu’il s’agissait de l’objectif principal du site.

Pour lire une version plus complète de cet article, cliquer sur le mot crawling

SOURCES :

(1) http://firstmonday.org/article/view/1394/1312_2
(2) https://fr.oncrawl.com/seo-technique/introduction-crawler-web/
(3) https://www.c-radar.com/blog/2017/04/24/developper-votre-intelligence-commerciale-avec-le-crawling-et-le-scraping/
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Robot_d%27indexation
(5) https://www.c-radar.com/blog/2017/04/24/developper-votre-intelligence-commerciale-avec-le-crawling-et-le-scraping/
(6) https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-de-grande-instance-de-paris-3eme-chambre-1ere-section-jugement-du-01-fevrier-2011/
(7) https://fr.wikipedia.org/wiki/Web_scraping
(8) http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=145914&doclang=FR
(9) https://www.islean-consulting.fr/fr/transformation-digitale/scraping-pages-web-legal/
(10) https://www.legavox.fr/blog/maitre-matthieu-pacaud/extraction-indexation-donnees-crawlers-internet-22421.ht
Cour d’appel de Paris, 31 juillet 2019, n° 19/02352
Cour d’appel de Paris, 2 février 2021, n° 17/17688.
https://cdn.ca9.uscourts.gov/datastore/opinions/2019/09/09/17-16783.pdf

Balises et droit des marques

Le droit des marques est une branche importante du droit de la propriété intellectuelle. Le dépôt d’une marque assure à son propriétaire la possibilité de se défendre contre l’usage sans autorisation de celle-ci par un concurrent. Cette protection accordée par le droit français a une durée de 10 ans, contre 20 ans pour les brevets. La contrefaçon de marque est donc sanctionnée par notre droit.

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Le référencement désigne l’ensemble des actions visant à optimiser l’enregistrement d’un site web dans les moteurs de recherche, dans le but d’en accroître la visibilité. On distingue le référencement naturel du référencement payant. Le référencement naturel (référencement gratuit, ou SEO pour Search Engine Optimization) consiste à faire figurer un site web dans les moteurs de recherche en choisissant des mots clés stratégiques en rapport avec son domaine d’activité, et ce afin de le rendre visible. Le référencement commercial (ou référencement payant) consiste en l’achat aux enchères de mots clés sur un ou plusieurs réseaux de diffusion .

L’utilisation d’une marque concurrente par une entreprise dans ses balises est-elle constitutive de contrefaçon ? C’est la problématique mise en avant par l’affaire Décathlon contre Inuka, concernant laquelle un jugement du Tribunal de Grande Instance de Lyon a été rendu le 17 janvier 2017. Par ce jugement, l’entreprise Décathlon a été condamnée pour contrefaçon de la marque Inuka en raison de l’utilisation de cette marque à trois reprises : dans la balise titre, dans la balise description et sur son site web.


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I – Le risque de confusion sur l’origine des produits, une condition de la contrefaçon

Dans le cadre du référencement naturel, les moteurs de recherche (ou hébergeurs) remplissent un rôle neutre et ne contrôlent donc pas les sites référencés dans les résultats naturels des recherches. En conséquence, ils sont soumis à un régime de responsabilité atténuée . Le cybervendeur, en revanche, est responsable du choix des mots clés qu’il effectue et qu’il utilise dans ses balises.

La contrefaçon  est une pratique anticoncurrentielle, en violation d’un droit de propriété intellectuelle, et une tromperie du consommateur. La condition de risque de confusion est prévue par la loi à l’article L713-3 du Code de la propriété intellectuelle.

Un arrêt du 27 juin 2018 est venu préciser que ce risque de confusion devait s’apprécier en fonction, non pas au vu des différences entre les signes, mais au vu du consommateur d’attention moyenne, et de la confusion créée chez lui. L’importance du consommateur moyen a été reprise dans un arrêt du 27 mars 2019 qui dispose que le risque de confusion s’apprécie de manière globale, en fonction du contenu de l’enregistrement de la marque et par rapport au consommateur visé lors de l’enregistrement de la marque et non pas en fonction des conditions d’exploitation de la marque.

Dans l’affaire Décathlon, il s’agit bien du référencement naturel. Le cybervendeur utilisait la marque d’un concurrent dans ses balises. Ainsi, lorsqu’un internaute effectuait une recherche concernant les produits de la marque  » Inuka « , le site du cybervendeur Décathlon apparaissait en 5e position des résultats de la recherche. L’internaute pouvait alors croire que ce cybervendeur allait lui proposer à la vente des produits de la marque Inuka. En réalité, le lien emmenait vers une page ne proposant pas de produits de la marque Inuka.

L’article L713-2 du CPI vise les hypothèses de contrefaçon en cas de double identité, à savoir la reproduction ou l’usage, sans autorisation du titulaire, d’un signe identique à la marque antérieure en vue de désigner des produits ou services à ceux identifiés par celle-ci. Dans l’affaire Décathlon, le Tribunal de Grande Instance de Lyon relève que le cybervendeur utilise le mot-clé  » Inuka achat  » alors qu’il propose à la vente des vêtements et chaussures de randonnée, comme le fait la marque Inuka. Ainsi, la marque Inuka est associée à des produits de même type que ceux pour lesquels elle a été enregistrée.

Cet usage de la marque d’un concurrent par le cybervendeur dans ses balises laissait croire à tort, au client potentiel, qu’il existe un lien économique entre les deux entreprises. Cet usage créait un risque de confusion sur l’origine des produits. Ainsi, l’article L713-2 du CPI est bien applicable. Mais l’usage est-il de nature à permettre à la marque d’exercer son droit exclusif ? Autrement dit, s’agissait-il d’un usage de la marque dans la vie des affaires ?

II – L’usage de la marque dans la vie des affaires, une condition de la contrefaçon

L’usage de la marque dans la vie des affaires est une condition nécessaire de la caractérisation de la contrefaçon dégagée par la jurisprudence. En effet, cette condition n’est pas prévue par l’article L713-3 du Code de la propriété intellectuelle. Elle n’est pas non plus prévue par l’article 5-1 de la directive européenne 2008/95 du 22 octobre 2008, à la lumière de laquelle le texte français doit être interprété.

C’est donc d’abord la Cour d’appel de Paris qui a dégagé cette condition comme nécessaire à la caractérisation de la contrefaçon et en a précisé les contours. La Cour de cassation a confirmé les solutions dégagées par la Cour d’appel dans un arrêt du 10 mai 2011. La notion d’usage dans la vie des affaires est donc un usage qui tend à l’obtention d’un avantage direct ou indirect de nature économique. C’est la fonction économique de la marque qui est protégée par la contrefaçon et cette fonction économique est à l’origine de la condition d’usage dans la vie des affaires.

La jurisprudence antérieure avait déjà précisé que l’usage d’un signe à titre de meta tag  ne constitue pas un acte de contrefaçon. En effet, le meta tag étant une information non visible par l’internaute et qui permet aux moteurs de recherche de référencer une page web dans leurs bases de données, il ne peut s’agir d’un usage dans la vie des affaires. Dans l’affaire Décathlon, le cybervendeur utilisait la marque de son concurrent à titre de meta tag non visible par le consommateur. Mais il utilisait également cette marque concurrente dans ses balises visibles par l’internaute : dans la balise titre et dans la balise description. Cet usage visait à orienter son comportement économique. L’objectif recherché par le cybervendeur était alors de capter une partie de la clientèle de la marque concurrente. La clientèle d’une entreprise ayant une valeur marchande, il s’agit bien d’un usage qui vise l’obtention d’un avantage de nature économique.

Cette jurisprudence de 2017 va être confirmée dans une décision du 3 mars 2020, quand la Cour d’appel de Paris a été saisie par une société titulaire de la marque « Aquarelle », agissant contre une autre société ayant réservé auprès de Google Adwords le mot-clé « Aquarelle ». Vu que les deux sociétés proposent des produits identiques et que la marque était utilisée en tant que mot-clé afin d’attirer une clientèle, la condition d’usage dans la vie des affaires a bien été remplie.

Malgré un refus de la cour de caractériser la contrefaçon sur le terrain de la campagne de référencement payant de Google Adwords, elle a tout de même retenu la contrefaçon en raison d’un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen. La Cour d’appel retient que l’utilisateur pouvait être amené à penser que les produits visés par l’annonce provenaient « de la société Aquarelle, titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à elle », et ne provenait donc pas d’un tiers à la marque.

Contrairement à l’affaire Décathlon, le référencement en l’espèce n’était pas invisible pour le consommateur, il s’agissait d’un référencement payant, justifiant la décision de la Cour d’appel, qui retient une atteinte au droit du titulaire de la marque.

En conclusion, l’usage d’une marque comme meta tag, invisible par l’internaute mais utile pour le référencement naturel, ne porte pas en soi atteinte au droit du titulaire de la marque, sauf lorsque cette marque est reprise de manière visible dans la balise titre ou dans la balise description.

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Sources :
– http://www.village-justice.com/articles/contrefacon-marque-usage-affaires,10514.html
– http://www.cairn.info/revue-legicom-2010-1-p-107.htm
– https://www.legalis.net/actualite/decathlon-contrefacteur-de-la-marque-inuka-dans-ses-balises/
– Dalloz IP/IT 2017 p.176, Affaire Decathlon
– Com., 27 mars 2019, 17-31.605
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038426839
– Com., 27 juin 2018, 17-13.390, Inédit
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT00003719661
– CA Paris, 3 mars 2020 n° 18-09051