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Y-a-t-il des clauses abusives dans les conditions générales de l’Apple store et de Google store?

Les conditions générales de vente (CGV) entre professionnels constituent le socle de la négociation commerciale et peuvent être différenciées selon les catégories d’acheteurs. Elles doivent être communiquées à tout acheteur professionnel qui en fait la demande. L’Apple store et Google store régulent leurs relations avec les développeurs d’applications à l’aide de ces CGV. Ces géants des applications pour smartphones doivent réguler leurs CGV de manière à ne pas comporter de clauses abusives à l’encontre des développeurs.

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Selon l’article L.212-1 du Code de la consommation, les clauses abusives sont des clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat. Définie par la loi LME, la notion déséquilibre significatif est un « un système de sanction dissuasive visant à empêcher les abus de puissance d’achat ou de vente ». C’est l’article L.442-1-I-2 ° du Code de commerce qui sanctionne le fait pour un partenaire commercial « De soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. ». Par conséquent, ces clauses abusives sont réputées non écrites.

Le déséquilibre significatif est apprécié par la jurisprudence comme pouvant être une absence de réciprocité dans le contrat, une absence de contrepartie ou une absence de négociation. Le déséquilibre se déduit d’une relation contractuelle qui ne bénéficie qu’à une seule partie, unilatéralement. Le Code civil précise à l’article 1171 que « l’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation ». Ainsi pour déterminer qu’il y a un déséquilibre significatif, il faut analyser l’équilibre économique du contrat.


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Il s’agit de savoir si les CGV de l’Apple Store ou de Google play store, distributeurs d’applications pour smartphones, comportent des clauses abusives au regard du droit français et du droit européen.

I. Les conditions générales de ventes face aux clauses abusive

A) Règles générales des CGV

L’article L 441-1 du Code de commerce indique que « Toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services qui établit des conditions générales de vente est tenue de les communiquer à tout acheteur qui en fait la demande pour une activité professionnelle. Cette communication s’effectue par tout moyen constituant un support durable […] Dès lors que les conditions générales de vente sont établies, elles constituent le socle unique de la négociation commerciale ». On a donc une obligation de communication des CGV qui s’adresse au vendeur, l’idée étant de permettre à tout acheteur de pouvoir comparer avant de contracter. Il y a donc une obligation de communication qui est prévue par ce texte, mais cette obligation est conditionnée par une démarche préalable et active de l’acheteur. Le fait pour l’acheteur de demander la communication des CGV créé une obligation pour le vendeur. Cette obligation préexistait à l’ordonnance de 2019, puisque dans un arrêt du 29 mars 2017 la Cour de cassation avait retenu le caractère fautif du refus de communication des CGV.

Ce texte nous dit par ailleurs que les CGV constituent le socle de la négociation commerciale. Cela signifie que les négociations vont être rythmées, et on va imposer qu’elles commencent d’un point de vue chronologique par les conditions générales de vente du vendeur. C’est une façon de protéger l’acheteur, car on va empêcher que les négociations ne commencent par les conditions générales d’achats du vendeur qui sont plus puissantes.

Ainsi, chaque fois qu’on va renverser une CGV, on va aboutir à des conditions particulières de ventes, spécialement conçues entre ce vendeur et cet acheteur, à un moment précis. Ces conditions particulières de vente prévues à l’alinéa 5 de l’article ne sont pas soumises à des obligations de communication, elles sont opaques, elles sont un véritable secret dans les affaires, contrairement aux CGV.

Par ailleurs, le professionnel qui dérogerait à l’obligation de communication de ses conditions générales de ventes s’expose à l’amende administrative de l’article L. 441-1-IV du Code de commerce dont le montant maximal est de 15 000 euros pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale.

En outre, encours une amende pénale de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale, le professionnel qui n’indiquerait pas dans les conditions de règlement les mentions légales ou qui fixerait un taux ou des conditions d’exigibilité non conformes aux prescriptions également précisées ci-dessus. Cette amende peut être portée à 150 000 euros pour une personne physique et de 750 000 euros pour une personne morale, en cas de réitération du manquement dans un délai de 2 ans.

Une autre amende administrative est prévue à l’article L.441-16 du code de commerce, d’un montant ne pouvant excéder 75 000 euros pour une personne physique et deux millions d’euros pour une personne morale. Cette amende pourra être prononcée si le professionnel n’indique pas dans les conditions de règlement les mentions légales ou si ce dernier fixerait un taux ou des conditions d’exigibilité de retard non conformes aux prescriptions également précisées ci-dessus.

En cas de clauses abusives dans les CGV, celles-ci devront être supprimées des supports comme l’a rappelé un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 29 octobre 2020. Bien que non retenue en l’espèce, la Cour rappelle que l’accessibilité réduite des CGV est une pratique condamnable.

B) Réglementation sur les clauses abusives

L’article  L. 212-1 du Code de la consommation indique que « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. ».

Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la commission instituée à l’article L. 822-4, détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu’elles portent à l’équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Ces dispositions sont applicables, quels que soient la forme ou le support du contrat ( bons de commande, factures, bons de garantie, bordereaux ou bons de livraison, billets ou tickets, contenant des stipulations négociées librement ou non ou des références à des conditions générales préétablies).

Le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre.

Les articles R.212-1 et R.212-2 du Code de la consommation distinguent deux types de clauses abusives : les clauses grises et les clauses noires. Les clauses noires sont présumées être abusives de manière irréfragable, c’est-à-dire que l’on ne peut pas y apporter la preuve contraire.  Les clauses grises quant à elles, sont présumées abusives. C’est-à-dire qu’en cas de litige c’est le professionnel qui doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause.

II) Les clauses abusives des conditions générales de l’Apple Store et du Google Store

A) Les CGV de google play store

Diverses obligations rentrent en ligne de compte vis-à-vis des développeurs d’applications au sein de google play store. L’installation en premier lieu est à la charge du développeur et Google refuse toute application qui ne serait pas installée convenablement sur la boutique en ligne. Un contrôle sur la qualité du produit mis en ligne est donc exercé dès l’installation.

Le contenu de l’application en second lieu doit être fidèle à la présentation qui en est faite. Elle ne doit pas présenter de contenu à caractère pornographique ou violent.

Les CGV de Google play store prévoient une responsabilité du développeur du fait de son application. En effet, il est seul responsable de l’assistance des produits mis en ligne donc des préjudices nés du téléchargement de son application. De fait, Google se décharge complètement d’une quelconque responsabilité à l’égard du développeur, mais aussi de l’utilisateur. Cette limitation de responsabilité est très large. Sur ce point, un arrêté du 18 décembre 2014 est intervenu,  relatif aux informations contenues dans les conditions générales de vente en matière de garantie légale.

Pris sur le fondement de l’article 14 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relatif à la consommation, l’arrêté précise, qu’en application de l’article L. 211-2 du Code de la consommation, les conditions générales de vente des contrats de consommation doivent comporter les noms et adresses du vendeur garant de la conformité des biens au contrat, permettant au consommateur de formuler une demande au titre de la garantie légale de conformité prévue aux articles L. 217-4 et suivants du Code de la consommation ou de la garantie des défauts de la chose vendue au sens des articles 1641 et suivants du Code civil. À ce titre, non seulement le développeur, mais également la société Google, vendeur en l’espèce lorsqu’elle propose des applications sur sa plateforme, devraient être susceptibles d’engager leur responsabilité.

Le tribunal de commerce de Paris le 28 mars 2022 a condamné Google au paiement d’une amende de 2 millions d’euros pour avoir imposé sept clauses abusives dans ses contrats de distribution aux développeurs d’applications sur son Play store. Les clauses litigieuses sont en date de 2015 et 2016. Une de ces clauses imposait, sans négociation possible, un prélèvement de 30 % à destination de Google sur le prix de chaque application mobile.

S’agissant de l’obligation de respect de la vie privée des utilisateurs, Google se conforme dans ses conditions d’utilisation de la boutique en ligne au Règlement général sur la protection des données (RGPD) de l’Union européenne relatives au traitement des données à caractère personnel des utilisateurs. Ainsi, une clause prévoit que le développeur doit « faire preuve de transparence concernant la façon dont il gère les données utilisateur, telles que les informations fournies par l’utilisateur ou obtenues à son sujet, y compris les informations provenant des appareils. Autrement dit, les développeurs doivent informer l’utilisateur en cas de collecte, d’utilisation et de partage desdites informations, et les utiliser exclusivement aux fins indiquées. » Ainsi, tout traitement de données à caractère personnel des utilisateurs doit faire l’objet d’une autorisation préalable. Ce principe a encore été rappelé récemment par un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse le 18 mai 2020.

B) Les CGV de l’Apple Store

Qualifié par certains « d’intermédiaire technique » entre le développeur et le consommateur final, se revendiquant ainsi du statut protecteur d’hébergeur prévu par la LCEN dans son article 6, Apple impose néanmoins les règles du jeu à travers ses CGV dans ses relations avec le développeur de l’application.

Apple a affirmé que l’App Store d’Apple avait généré 519 milliards de dollars en facturation et en ventes à l’échelle mondiale pour la seule année 2019. Apple prévoyant une répartition des revenus, l’éditeur d’une application perçoit 70 % des revenus tandis que Apple perçoit 30 % des revenus.

C’est notamment sur ce sujet des 30 %, que tout comme Google, qu’Apple fait l’objet d’une assignation par la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). En effet, Appel perçoit 30 % sur tous les achats effectués depuis son application, le pourcentage est le même sur les abonnements. Cette clause litigieuse est également pointée du doigt par d’autres pays européens, c’est notamment le cas de l’Autorité de la concurrence néerlandaise.

Pour empêcher ses pratiques, le projet de règlement « Digital Markets Act » (DMA) prévoit que les géants d’internet devront autoriser l’installation d’application à partir de sources extérieures à leurs stores. Ainsi, ce pourcentage de 30 % ne serait plus applicable, car l’achat ne passerait plus par leurs boutiques.

Apple est donc un géant dans le domaine, si ce n’est LE géant. Ainsi, la société propose au sein de ses CGV des conditions classiques liés au développement des applications, telles que des conditions d’adhésion pour les développeurs et des conditions de rémunération s’élevant à 70 % des sommes générées par le développement des applications. Les CGV ne semblent donc pas contenir de clauses abusives.

Toutefois, et comme le parallèle fait avec Google play store, ce sont peut-être les conditions de garanties qui se détachent. En effet, Apple ne prévoit de garantir ni le développeur ni l’internaute contre les dommages causés aux appareils mobiles qui résulteraient des applications téléchargées. Ensuite, les conditions de distribution stipulées par Apple prévoient que le développeur doit respecter les dispositions du Règlement général sur la protection des données (RGPD) du 23 mai 2018 relative à la protection des données personnelles des internautes. Par ailleurs, Apple s’autorise à retirer d’office de la plateforme, sans en avertir le développeur, toute application dont le contenu serait jugé contraire aux conditions d’utilisation stipulées.
Malgré tout, Apple n’est pas sans reproche, vu que dans une décision du 9 juin 2020, la société a été condamnée pour non-respect du RGPD. Dans ce même jugement, le tribunal judiciaire de Paris a déclaré que plusieurs clauses des conditions générales d’ITunes et d’Apple Music étaient illicites ou abusives.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les clauses abusives du Google store, cliquez

Sources :

http://www.cgv-expert.fr/article/conditions-adhesion-android-market-editeurs_45.htm
http://store.apple.com/fr
http://blog.goodbarber.com/fr/Comment-creer-son-compte-developpeur-chez-Apple_a275.html
http://economie.lefigaro.fr/app-store-apple.html
https://support.google.com/googleplay/android-developer/answer/10355942?hl=fr
https://www.apple.com/fr/newsroom/2020/06/apples-app-store-ecosystem-facilitated-over-half-a-trillion-dollars-in-commerce-in-2019/
Le règlement général sur la protection des données – RGPD
https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees
Com. 3 mars 2015, 13-27.525
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030324689/
Cons. const. 13 janv. 2011, n° 2010-85 QPC
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000023418391
Com. 29 mars 2017, 15-27.811
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034340247
CA Paris 29 octobre 2020
CA Toulouse 18 mai 2020
Tribunal judiciaire de Paris, jugement rendu le 9 juin 2020
https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-judiciaire-de-paris-jugement-rendu-le-9-juin-2020/
Article 1171 du Code civil
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000036829836/#:~:text=Dans%20un%20contrat%20d’adh%C3%A9sion,contrat%20est%20r%C3%A9put%C3%A9e%20non%20%C3%A9crite.
Article L.212-1 du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032890812/
Articles L. 217-4 et suivants du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006069565/LEGISCTA000032221261/#LEGISCTA000032226953
Article L. 822-4 du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032224234
Articles R.212-1 du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032807196/
Articles R.212-2 du Code de la consommation
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032807198/
Article L 441-1 du Code de commerce
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038414469/#:~:text=II.,moyen%20constituant%20un%20support%20durable.
Article L.442-1-I-2 ° du Code de commerce
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000038414237/2019-04-26/

LA PROTECTION D’UNE APPLICATION MOBILE

Chaque jour, des milliers d’applications sont créées afin de satisfaire les besoins et les plaisirs des mobinautes. En effet, téléphones mobiles et tablettes sont aujourd’hui devenus des accessoires indispensables des consommateurs et les applications proposées étendent considérablement le champ des possibles. Les acteurs de tous les secteurs d’activité confondus ont bien compris la demande et ne cessent de se conformer au marché pour bénéficier de l’intérêt économique que présente ce nouvel outil de communication performant. Mais quid du cadre juridique applicable à la protection d’une application mobile ?

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Tout d’abord, une application mobile, qui est par définition adaptée au format mobile, est un logiciel téléchargeable et exécutable sur des téléphones intelligents dits « smartphones », ou sur d’autres appareils mobiles tels que les tablettes électroniques que sont par exemple les iPads et les iPod Touch. Une telle application peut être installée sur l’appareil dès sa conception (on parlera alors d’applications « natives »), ou bien, si l’appareil le permet, téléchargée par l’utilisateur lui-même via une boutique en ligne telle que le Play Store des appareils Google ou l’App Store chez iOS qui cumuleraient 175 milliards d’applications téléchargées en 2017, nombre qui ne cesse d’augmenter chaque année.


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La France a par ailleurs su s’adapter rapidement en matière d’applications. Si elle disposait déjà d’outils nationaux comme le minitel qui, s’il n’est pas un objet mobile, fonctionnait déjà sur la base d’applications, elle a vu naître ses premières applications mobiles dès les années 90, faisant d’elle une des sociétés dites « numérisées ».

C’est véritablement au tournant des années 2000 que les applications mobiles ont connu leur essor, lorsque des entreprises célèbres comme Apple en ont fait un outil marketing identitaire fort, axant leurs produits sur cette « interopérabilité » des services. Dès lors, il importe de prévoir une protection efficace pour les applications mobiles afin d’encadrer les pratiques de ce marché en plein essor.

Parmi les applications mobiles, plusieurs types existent. Certaines sont gratuites, auquel cas les créateurs se rémunèrent grâce à la publicité et aux achats « in-app » alors que d’autres sont payantes.

D’autres entreprises, dans le domaine du jeu vidéo mobile, adoptent le modèle du « free-to-play » qui consiste à proposer une application mobile de jeu au téléchargement gratuit, mais proposant, au sein même de l’application, du contenu additionnel facturé pour quelques euros (on parle dès lors de « micro-paiements »).

Cette pratique, tout comme le modèle du « pay-to-win » (qui pousse à l’excès le concept en proposant des achats presque « nécessaires » à la poursuite des objectifs proposés par le jeu), sont des systèmes économiques extrêmement rentables pour ces entreprises.

En matière de revenus et à titre d’exemple, l’application gratuite Candy Crush Saga (avec ses options payantes) générerait à son heure de gloire un revenu de plus de 600 000 dollars par jour.

Malgré tout cela, selon les données récoltées par l’entreprise Sensor Tower, en 2019 l’application mobile la plus rentable pour ses créateurs ne serait pas un jeu, mais bel et bien l’application de rencontre Tinder enregistrant environ 261 millions de dollars de revenus au premier trimestre 2019, devant.

Concomitamment avec l’explosion des ventes de smartphones, de plus en plus d’applications mobiles sont téléchargées. Selon le cabinet d’analyse IDC, les Smartphones avoisineraient les 65 % du total des mobiles en 2017 avec 1,5 milliard d’unités dans le monde. L’avantage le plus considérable de ces appareils est leur capacité à communiquer, à envoyer et à transmettre des fichiers sur Internet par les réseaux 3 G, 4 G et désormais 5 G, si bien qu’en 2019, 53 % des pages web sont consultées depuis un smartphone, contre 44 % depuis un ordinateur selon les données de l’entreprise StatCounter.

La plupart des applications nécessitent une connexion Internet (réseaux sociaux, GPS, navigateur, etc.) pour fonctionner alors que d’autres, telles qu’une calculatrice, un carnet de contacts, ou une boussole, vont œuvrer en toute autonomie.

Une application mobile est proposée par un « éditeur » (le concepteur) pour un « utilisateur », le plus souvent grâce à un « intermédiaire » ou « fournisseur ». L’éditeur peut également développer pour le compte d’un tiers, notamment pour une société souhaitant distribuer une nouvelle application professionnelle, ou pour le compte de son employeur dans le cadre d’un contrat de travail.

Les applications mobiles s’apparentant à des logiciels sont soumises à des règles de droit et notamment au droit de la propriété intellectuelle qui encadre les applications mobiles.

En effet, comment protéger ce logiciel mobile ? Et quels sont les éléments de cette application mobile que la propriété intellectuelle protège ?

Ces applications sont régies par un cadre juridique existant avant leur création, mais qui leur est cependant bel et bien applicable. Ainsi, le cas des applications mobiles n’est pas fondamentalement différent de celui des applications informatiques classiques.

Une application pouvant être composée de bases de données, d’éléments logiciels, d’une interface graphique, mais aussi d’autres éléments comme un nom, un logo et des contenus multimédias comme de la musique, nous verrons dans une première partie la protection des bases de données (I), puis, dans une seconde partie, la protection des codes sources, de l’interface graphique et des autres éléments qui peuvent composer une application mobile (II) pour enfin voir dans une troisième partie comment prévenir et réagir en cas d’atteinte aux droits d’un créateur sur son application mobile (III).

I- La protection du contenu des bases de données

Conformément à un projet d’incitation et de récompense de ceux qui, dans la société d’information, n’ont pas créé les informations, mais les collectent et les organisent en bases de données, le législateur européen a, par une directive du 11 mars 1996, créé un droit sui generis pour protéger ces créations (B) bien qu’elles bénéficient d’abord d’une protection par le droit d’auteur (A).

A) La protection par le droit d’auteur des bases de donnée

Les bases de données sont définies dans l’article L112-3 al 2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) comme étant « un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ». Trois objets de droits se distinguent : premièrement les données brutes ou traitées, deuxièmement le contenant, c’est-à-dire la base elle-même, et troisièmement le contenu informationnel de la base, c’est-à-dire le fait que des données dispersées aient été rassemblées pour ajouter une plus-value.

En vertu de l’article 10 al 2 de l’accord sur les ADPIC, il y a également indépendance des objets protégés : « Cette protection, qui ne s’étendra pas aux données ou éléments eux-mêmes, sera sans préjudice de tout droit d’auteur subsistant pour les données ou éléments eux-mêmes ». En conséquence, plusieurs titulaires peuvent exister. Ainsi, les bases de données qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent une création intellectuelle propre à leur auteur sont protégées comme telles par le droit d’auteur. A l’inverse, la Cour de cassation, par deux jugements du 22 septembre 2011 et du 14 novembre 2013, a estimé qu’un logiciel issu d’une « logique automatique et contraignante » ne résultera pas de « choix libres et créatifs de son auteur » et ne sera pas protégé par le droit d’auteur.

L’objet de la protection se situe dans l’architecture de la base à condition qu’elle soit originale par le choix ou la disposition des matières. Les titulaires de cette protection peuvent être autant la personne physique qui a créé l’application, que la personne morale. En effet, certaines applications constituent des œuvres complexes et peuvent être jugées comme des œuvres de collaboration (comme l’application Instagram) ou des œuvres collectives. L’auteur va ainsi pouvoir interdire aux tiers de reproduire la structure de la base. Cependant, on peut constater que les concurrents sont souvent bien plus intéressés par le contenu de la base que par la structure, d’où l’existence d’une protection complémentaire par un droit sui generis.

B) La protection des bases de données par un droit sui generis

Conformément à l’article L341-1 du CPI, l’objectif de la protection sui generis des applications mobiles est d’accorder un retour sur investissement en protégeant le contenu de la base c’est-à-dire le rassemblement des données. Sera titulaire du droit des bases de données le fabricant, c’est-à-dire celui qui a eu l’initiative du projet, ou bien le producteur, c’est-à-dire celui qui supporte le risque des investissements et qui peut être différent du créateur.

Pour qu’il y ait protection, il faut faire preuve d’un investissement substantiel d’un point de vue qualitatif ou quantitatif. Là où l’appréciation quantitative fait référence à des moyens chiffrables, l’appréciation qualitative fait quant à elle référence à des efforts non quantifiables tels qu’un effort intellectuel ou une dépense d’énergie conformément à la décision de l’ancienne Cour de justice des Communautés européennes du 9 novembre 2004, dans l’affaire The British Horseracing Boar.

Ainsi, le titulaire du droit se verra la possibilité d’interdire l’extraction ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu de la base ou l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties non substantielles qui causent un préjudice au producteur. La durée de protection est de 15 ans à compter de l’achèvement de la base, mais tout investissement substantiel fait repartir le délai. Par ailleurs, ces droits sui generis naissent sans aucune formalité de dépôt.

Au demeurant, il convient d’envisager la mise en place de procédures simples visant à constituer des moyens de preuve dans le cas où il serait nécessaire de reconnaître un droit d’auteur ou des droits de producteurs de base de données (enveloppe Soleau, services de l’APP, dépôt auprès d’une société d’auteurs…)

II- La protection des codes sources, de l’interface graphique et du reste

À la base de toutes applications se trouve un logiciel dont l’exécution d’un code source assure le bon fonctionnement de l’application.  L’utilisateur interagit avec le logiciel par le biais d’une interface graphique se décomposant en divers pictogrammes. Une première protection concernera donc ces différents éléments (A), mais également d’autres éléments tels le logo, le nom ou les fichiers multimédias composant l’application (B).

A) La protection des codes sources et de l’interface graphique

Le droit de la propriété intellectuelle protège par le droit d’auteur « les logiciels, y compris le matériel de conception préparatoire ». Les codes sources sont ainsi susceptibles de pouvoir en bénéficier : « Les programmes en langage source sont différents, leurs structures diffèrent ainsi que leurs styles de programmation ».

Cependant, le critère d’originalité est requis pour que la protection soit effective. Ce critère a été défini par un arrêt d’assemblée plénière du 7 mars 1986 de la façon suivante : « leur auteur avait fait preuve d’un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante… la matérialisation de cet effort résidait dans une structure individualisée… les logiciels conçus par M. Pachot portaient la marque de son apport intellectuel… »

Bien qu’ils soient limités, la protection par le droit d’auteur confère des droits patrimoniaux et moraux. La titularité de ces droits de propriété intellectuelle sur une œuvre de commande n’est cependant pas transmise par simple paiement des prestations par un utilisateur. En d’autres termes, sans précision écrite, la cession de droits de propriété intellectuelle n’est pas effective lors de l’achat du produit par un client.

C’est l’article L131-3 al 1 du CPI qui fixe les conditions de cession des droits de propriété intellectuelle. Dans un contrat de travail, c’est l’employeur qui hérite initialement des droits d’auteur selon l’article L113-9 du CPI, le créateur n’étant donc en principe pas le détenteur de ces derniers. Il est toutefois nécessaire de prévoir des conditions de concession de droits de propriété intellectuelle à l’employeur concernant les autres éléments tels que le contenu éditorial, les musiques et vidéos, etc…

Enfin, une protection par brevet est envisageable pour les codes sources dans le cas où l’application finale aboutit à l’émergence de caractéristiques techniques nouvelles pour un effet technique particulier.

Un arrêt du 22 décembre 2010 de la CJUE a consacré la privation pour l’interface graphique d’une protection par le droit d’auteur spécifique aux logiciels sans pour autant qu’aucune forme de droit d’auteur ne puisse la protéger. Cette solution avait déjà été admise par les juridictions françaises dans un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation en date du 27 avril 2004. L’apport de la Cour de justice de l’Union européenne a permis de définir l’interface graphique comme un élément du logiciel permettant aux utilisateurs d’user des différentes fonctionnalités du programme. C’est cela qui justifie alors l’impossibilité d’appliquer le droit d’auteur spécifique aux logiciels à l’interface graphique permettant simplement une utilisation du logiciel.

Les interfaces graphiques peuvent tout de même bénéficier d’une protection par le droit commun du droit d’auteur dès lors que le critère d’originalité est rempli. En pratique, cette décision n’a eu d’impact que sur les questions de titularité des droits. Des brevets sur peuvent également être accordés aux interfaces graphiques comme cela a pu être le cas pour celles des applications natives (e-mails, messages, appareil photo, etc…) de la marque Apple.

B) La protection des autres éléments

Sous réserve d’originalité, le nom et le logo d’une application mobile peuvent bénéficier d’une protection par le droit d’auteur. À cela s’ajoute la possibilité de faire un dépôt à titre de marque auprès de l’INPI afin de pouvoir opérer une distinction entre les produits ou services du déposant et ceux de potentiels concurrents dans le cadre d’une exploitation commerciale de ceux-ci.

À noter que la protection des musiques et autres contenus multimédias d’une application tombe aussi sous la protection du droit d’auteur si la condition d’originalité est remplie.

III- La prévention et sanction d’atteintes à une application mobile

En pratique, il peut être judicieux de se prémunir contre de potentielles atteintes (A), mais il est tout aussi utile de savoir comment réagir en cas d’atteintes à ses droits de propriété intellectuelle sur une application mobile (B)

A) La prévention contre les atteintes

Bien que le dépôt d’une application mobile ne soit pas nécessaire pour protéger par le droit d’auteur les différents éléments composant l’application, il est conseillé en cas de contrefaçon de la création d’effectuer un dépôt « probatoire » permettant plus facilement d’apporter la preuve des droits de l’auteur.

Effectué auprès de l’Agence pour la Protection des Programmes (APP), ce dépôt permet de revendiquer des droits et de préparer la preuve de sa titularité sur ces droits, ce qui est une prévention de taille pour anticiper de potentiels problèmes probatoires, notamment concernant la date et la paternité de la création.

Tous les éléments, protégeables ou non par le droit d’auteur, composant une application mobile peuvent être déposés auprès de l’APP du moment qu’ils ont une valeur économique pour l’éditeur (le cahier des charges, le business plan ou encore la documentation marketing et commerciale par exemple).

Seul le titulaire de droits doit déposer l’application mobile à l’APP, mais il est également possible de déposer en « co-titularité » en cas de pluralité d’auteurs.

B) Faire sanctionner les atteintes

En cas d’atteinte à ses droits de propriété intellectuelle, le titulaire des droits sur une application mobile peut agir sur le fondement de la contrefaçon, de la concurrence déloyale et/ou du parasitisme qui sont des pratiques déloyales ou anticoncurrentielles contraires au droit des affaires, aux usages et à l’éthique du commerce.

En effet, dans un jugement du TGI de Paris en date du 30 juin 2017, un éditeur, la société Prizer, a été condamné au paiement de la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts à son concurrent AppiMédia en réparation du préjudice résultant de la concurrence déloyale de s’être largement inspiré de l’application d’AppiMédia.

En l’espèce, la juridiction a estimé qu’avait été repris « un procédé certes différent, mais assurant la gratuité du jeu et le financement de la cagnotte, une même fréquence de loteries (par jour, semaine, mois et spéciale), une ergonomie proche, traduisant une démarche volontaire afin de ressembler à l’application développée initialement et caractérisant un comportement fautif contraire aux usages des affaires et générant un risque de confusion dans l’esprit de l’internaute, qui sera amené à associer les applications concurrentes ».

Conclusion :

L’obtention d’une protection par brevet nécessite une formalité de dépôt devant intervenir avant toute divulgation de l’invention (même sur une plateforme de distribution). Bien que les taxes de dépôt d’un brevet s’avèrent non négligeables, le brevet peut être intéressant pour sa portée de protection plus large que celle du droit d’auteur. Le brevet protégeant une combinaison technique qui permet de résoudre un problème technique, l’expression de cette combinaison est souvent généralisée de façon à couvrir différents modes de mise en œuvre.

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Sources:
http://www.marketing-professionnel.fr/tribune-libre/marketing-mobile-propriete-intellectuelle-applications-mobiles-04-2011.html
http://www.journaldunet.com/ebusiness/expert/50185/applications-mobiles—du-developpement-a-la-distribution–les-droits-et-obligations-du-developpeur.shtml
https://www.app.asso.fr/centre-information/base-de-connaissances/les-grands-themes/applications-mobiles/focus-la-protection-juridique-dune-application-mobile
https://zenuacademie.com/marketing/marketing-mobile/statistiques-mondiales-mobile/
TGI Paris, 3ème chambre, 3ème section, 30 juin 2017, Appimédia / Prizer
Cour de cassation, 1ère chambre civile, 22 septembre 2011, 09-71.337
Cour de cassation, 1ère chambre civile, 14 novembre 2013, 12-20.687