A propos de Murielle Cahen

https://www.murielle-cahen.fr/

Avocat à la cour (Paris 5eme arrondissement) J'interviens principalement en droit de la propriété intellectuelle, droit des nouvelles technologies, droit civil & familial, droit pénal, droit de l'immobilier, droit du travail, droit de la consommation Consultation juridique en ligne - Réponse en 24/48h max. (€100 TTC) Titulaire du certificat de spécialisation en droit de l'informatique et droit de l'internet. Editrice du site web : Avocat Online depuis 1999. Droit de l'informatique, du logiciel et de l'Internet. Propriété intellectuelle, licence, presse, cession, transfert de technologie. droit d'auteur, des marques, négociation et arbitrage... Cabinet d'avocats à Paris. Droit internet et droit social, droit des affaires spécialisé dans les nouvelles technologies et lois internet...

Articles de Murielle Cahen:

Liberté d’expression : pas de licenciement sans un abus établi

Les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail. Sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l’exercice de ce droit, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire faire défendre vos droits en passant par le formulaire !

La liberté d’expression du salarié trouve sa limite dans « l’abus ». Si le salarié qui abuse de sa liberté d’expression peut être frappé de diverses sanctions, à la fois pénales, civiles et disciplinaires, l’employeur qui licencie un collaborateur pour un usage de la liberté d’expression dont l’abus n’est pas constitué voit la rupture annulée (C. trav., art. L. 1235-3-1, v. déjà, antérieurement à la rédaction de l’article en jurisprudence, Soc. 21 nov. 2018, n° 17-11.122). D’où la nécessité de bien identifier où l’on peut fixer la limite du permissible et les contours juridiques de l’abus. C’est sur ce terrain que l’arrêt du 21 septembre 2022 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation nous livre des éléments de réponse.

I. Que recouvre le droit d’expression prévu par le Code du travail ?

Droit d’expression collective. — Aux termes de l’article L. 2281-1 du Code du travail, les salariés bénéficient « d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail ». L’expression des salariés doit permettre de rechercher et de mettre en œuvre des actions concrètes, dont les effets seront perceptibles par les salariés concernés (Circ. DRT no 1986/03, 4 mars 1986). L’accès de chacun au droit d’expression collective peut être assuré par le recours aux outils numériques, sans que l’exercice de ce droit ne puisse méconnaître les droits et obligations des salariés dans l’entreprise (C. trav., art. L. 2281-1).

Les modalités d’exercice du droit d’expression sont définies dans le cadre de la négociation portant sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et des conditions de travail prévue à l’article L. 2242-1 du Code du travail, (C. trav., art. L 2281-5 et s.).


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de droit du travail ?

Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez-nous en cliquant sur le lien


Le droit d’expression s’exerce dans le cadre de réunions organisées « sur les lieux et pendant le temps de travail » (C. trav., art. L. 2281-4). Il s’agit donc d’une protection restreinte, puisqu’elle ne s’applique qu’aux propos tenus pendant ces réunions. En d’autres termes, le salarié qui émet une opinion personnelle en dehors de ce type de réunion n’est pas protégé par le Code du travail. Par ailleurs, l’exercice de ce droit d’expression trouve sa limite dans un éventuel abus du salarié.

Exemple :

un salarié alerte, au cours d’une réunion au cours de laquelle étaient présents la direction et plusieurs salariés, sur la façon dont sa supérieure hiérarchique lui demandait d’effectuer son travail, qui allait selon lui à l’encontre du bon sens et lui faisait perdre beaucoup de temps et d’énergie, ce qui avait pour effet d’entrainer un retard dans ses autres tâches et celles du service comptabilité fournisseurs pour le règlement des factures. L’abus par le salarié dans l’exercice de son droit d’expression directe et collective n’était pas caractérisé en l’espèce.

Droit d’expression en tant que liberté fondamentale. — En tant que citoyen, le salarié bénéficie toutefois d’une liberté d’expression entendue comme liberté fondamentale, qui est beaucoup plus large. En effet, le salarié jouit d’une liberté d’expression et celle-ci peut s’exprimer aussi bien dans l’entreprise que hors de celle-ci, notamment au travers de la presse.

La seule limite est de ne pas commettre d’abus. L’abus dans la liberté d’expression se matérialise par des propos injurieux, diffamatoires, excessifs, des dénigrements ou des accusations non fondées.

Remarque :

pour caractériser un abus dans l’exercice du droit d’expression, les juges se fondent sur la teneur des propos, le contexte dans lequel ils ont été tenus et la publicité qu’en a fait le salarié. Les juges doivent également tenir compte de l’activité de l’entreprise et des fonctions exercées par le salarié.

II. Les critiques à l’encontre d’un supérieur hiérarchique justifient-elles un licenciement ?

Si elles sont mesurées et relativement confidentielles, les critiques ne justifient pas en principe un licenciement.

Exemples :

un salarié, membre du comité de direction d’un casino, avait adressé à son supérieur hiérarchique un courrier qui s’était borné à contester en termes mesurés l’autorité du directeur des jeux : le licenciement était injustifié.

Il n’y a pas d’abus d’expression lorsque le salarié critique dans une lettre la gestion de la coopération par son président et fait part du climat insoutenable dans l’entreprise, dans la mesure où ses propos n’étaient ni excessifs, ni injurieux, ni diffamatoires.

Idem pour l’envoi d’une lettre au seul employeur, répondant à un avertissement que le salarié estimait injustifié et qui ne contenait aucun propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Il en va de même pour un salarié ayant distribué aux usagers de la déchetterie dans laquelle il travaillait une pétition dont il n’était ni l’instigateur ni le rédacteur, portant sur l’organisation du travail et le fonctionnement de l’entreprise et qui ne contenait aucun propos excessifs, injurieux, ou diffamatoires envers l’employeur. Cette pétition n’avait, de surcroît, eu aucune conséquence sur les relations entre la société et son donneur d’ordre, à l’origine de la nouvelle organisation contestée.

Ne commet pas non plus d’abus le salarié qui adresse un courriel à son employeur après son entretien préalable au licenciement, dans lequel il laisse entendre qu’il a été exploité, met en cause les compétences et l’autorité de son employeur et l’accuse de tout planifier pour « détruire, pour rabaisser ». La Cour de cassation a estimé que les termes employés n’étaient pas susceptibles de nuire à l’employeur et qu’ils « traduisaient la réaction d’un homme blessé par l’annonce d’un licenciement dont il ne percevait pas les motifs ».

Enfin, n’est pas justifié le licenciement d’un directeur général qui a, lors de comités de direction et de comités exécutifs, affiché une divergence fréquente avec les enjeux stratégiques et a exprimé sa position dans un document de travail remis au consultant désigné par la direction pour mener un séminaire de réflexion stratégique. En effet, le document en question ne comportait aucun terme injurieux, diffamatoire ou excessif. D’autres documents contenant des critiques plus vives avaient également été retrouvés dans son ordinateur mais ils n’avaient pas fait l’objet d’une diffusion publique.

Compte tenu de sa valeur constitutionnelle, la Cour de cassation sanctionne la violation du droit d’expression par la nullité du licenciement. Le licenciement est nul même s’il repose également sur d’autres motifs invoqués dans la lettre de licenciement. En outre, cette sanction ne peut pas être minimisée par le juge au profit d’un simple licenciement sans cause réelle et sérieuse.

À l’inverse, la faute grave est retenue :

si les termes employés par le salarié sont excessifs, injurieux, diffamatoires ou de nature à gravement déconsidérer la personne concernée ;

– si les critiques virulentes font l’objet d’une large diffusion dans l’entreprise ou auprès de tiers ;

ou si les critiques, à propos d’une situation qui ne concerne pas le salarié, sont exprimées de façon brutale et agressive devant des clients.

Exemples :

une salariée d’une fondation hospitalière avait adressé à tout le personnel une note dans laquelle elle s’insurgeait contre les circonstances du départ du directeur auquel elle exprimait son soutien, tout en désavouant le président du conseil d’administration avec la volonté affichée de soulever l’opinion générale contre ce dernier en dénigrant sa gestion. La faute grave a été retenue.

Repose sur une faute grave, le licenciement d’un salarié qui avait mis en cause, dans un courrier électronique adressé à son chef des ventes, la moralité de ce dernier pour lui imputer l’échec d’une ou plusieurs ventes.

La faute grave a également été retenue pour un salarié qui, lors d’une réunion régionale a qualifié son directeur d’agence de « nul et incompétent » et les chargés de gestion de « bœufs ».

Enfin, a été valablement licenciée pour faute grave, l’adjointe de direction qui, en présence du personnel et à plusieurs reprises, a traité ouvertement son supérieur hiérarchique et directeur de l’établissement de « bordélique qui perd tous ses papiers », de « tronche de cake », qu’il n’est pas « apte à être directeur » et qu’il n’est rien d’autre qu’un « gestionnaire comptable ».

III. La faute lourde peut-elle être caractérisée par des dénigrements ou des accusations non fondées ?

La plupart du temps, le dénigrement ou les accusations non fondées sont considérées comme une faute grave justifiant un licenciement immédiat sans préavis.

Exemples :

abuse de sa liberté d’expression et commet une faute grave, le salarié qui tient des propos calomnieux et malveillants à l’égard d’un membre de la direction au sujet de son patrimoine immobilier. Le salarié avait jeté la suspicion sur ce directeur en insinuant qu’il avait forcément abusé de sa fonction en confondant son intérêt personnel et celui de l’entreprise.

Il en est de même pour le salarié qui envoie une lettre et un courriel accessible à tous les salariés, dans lesquels il dénonce l’incompétence de son employeur et lui conseille de changer de métier.

La faute grave est généralement retenue lorsque le salarié dénigre l’entreprise auprès de ses clients et, de manière plus générale, auprès de tiers.

Exemples :

commet une faute grave l’égoutier-chauffeur (17 ans d’ancienneté) qui émet des critiques virulentes auprès d’un client important sur la qualité du travail accompli par le persnnel et sur la compétence des dirigeants de la société dans laquelle il travaillait.

Constitue également une faute grave, le fait pour un salarié de publier anonymement sur un site Internet de notation des entreprises, accessible à tous, un commentaire dénigrant l’entreprise qui l’emploie..

Le salarié peut être licencié pour faute lourde. La faute lourde est subordonnée à l’intention de nuire du salarié et ne résulte donc pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

Exemples :

une salariée, mandataire dans une agence immobilière, avait adressé aux clients de la société une lettre dans laquelle elle s’était livrée à une véritable entreprise de dénigrement, jetant le discrédit sur la compétence et le professionnalisme de l’employeur et contestant ses directives. Les juges ont considéré qu’il y avait intention de nuire à l’employeur et que le licenciement pour faute lourde était justifié.

Au contraire, la faute lourde n’a pas été retenue pour un directeur d’agence et expert-comptable qui avait dénigré la politique tarifaire de l’entreprise devant des clients. En effet, la circonstance que le salarié ne pouvait ignorer l’impact de ses propos et leur caractère préjudiciable, compte tenu de son niveau de responsabilité et de sa qualification, ne suffit pas à démontrer que le salarié avait la volonté de porter préjudice à l’entreprise.

IV. Un cadre peut-il manifester son désaccord sur la politique de l’entreprise ou a-t-il une obligation de réserve ?

Un cadre peut et doit s’exprimer dans le cadre de ses fonctions. Sauf abus, il bénéficie de la liberté d’expression. Il peut donc manifester son désaccord et émettre des critiques, sous réserve qu’elles soient mesurées et ne s’accompagnent pas de propos injurieux ou diffamatoires.

Exemples :

un directeur administratif et financier est licencié pour avoir remis au comité de direction un document contenant de vives critiques sur la nouvelle organisation et pour avoir ainsi

manqué à son obligation de réserve. Or, selon les juges, ce cadre investi d’une mission de haut niveau, dans des circonstances difficiles (restructuration) pouvait, dans l’exercice de ses fonctions et du cercle restreint du comité directeur dont il était membre, formuler des critiques même vives sur la nouvelle organisation. Les juges, dans cette affaire, ont pris soin de souligner que le document litigieux ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs avant de décider que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Un cadre est licencié pour avoir déclaré, devant l’ensemble de ses collègues, qu’il contestait le choix de la direction et refusait de l’accompagner dans la mise en oeuvre de la nouvelle organisation proposée. L’abus dans la liberté d’expression du salarié n’a pas non plus été retenu, les termes employés n’étant ni injurieux, ni diffamatoires ou excessifs.

Toutefois, un désaccord profond et persistant, des critiques répétées ou systématiques peuvent justifier un licenciement.

Exemple :

un chef des ventes ayant 13 ans d’ancienneté a pu être licencié pour cause réelle et sérieuse en raison de ses critiques répétées de la politique commerciale menée par la direction en ce qui concerne les produits, la gestion des stocks, et les délais de livraison.

Enfin, un cadre se doit d’être discret. Les critiques diffusées dans l’entreprise – ce qui a priori ne se justifie, pas sauf à vouloir créer un climat conflictuel – l’exposent à un licenciement.

Exemples :

un directeur commercial, dans une lettre adressée aux membres du conseil d’administration et diffusée dans l’entreprise, avait critiqué la gestion de l’entreprise et l’action du PDG, en invoquant un manque d’organisation, un laxisme vis-à-vis des fournisseurs et des clients et un manque de communication. La faute grave a été retenue.

De même, le fait, pour un directeur d’usine, de s’opposer à la mise en œuvre d’une politique commerciale décidée par la nouvelle direction de la société et destinée à réduire les risques de gestion ne relevait pas de l’exercice normal de la liberté d’expression.

Il en est de même pour un directeur technique ayant manifesté publiquement au sein de l’entreprise et de manière systématique, son désaccord avec les décisions prise par le gérant et ayant délibérément adopté une attitude négative et d’opposition.

En résumé, de par leurs fonctions, les cadres, et notamment les cadres dirigeants, se voient imposer une obligation de réserve renforcée.

À noter que, si le dénigrement de l’entreprise a été fait dans le cadre d’une conversation privée, d’une réunion privée et amicale, ou encore d’une lettre adressée uniquement aux membres du conseil d’administration et aux dirigeants de la société mère, le licenciement a toutes les chances d’être jugé sans cause réelle et sérieuse, tant que les propos tenus ne sont pas injurieux, diffamatoires ou excessifs.

V. L’employeur peut-il sanctionner les propos tenus par les salariés sur les réseaux sociaux ?

Oui, dès lors que l’abus de la liberté d’expression est caractérisé. Ainsi, des propos excessifs d’un salarié, publiés sur un site accessible à tout public et dont les termes sont déloyaux et malveillants à l’égard de l’employeur, caractérisent un abus de la liberté d’expression justifiant le licenciement pour faute grave de l’intéressé.

À l’inverse, dès lors que les propos tenus sur un site internet ne sont ni injurieux, ni diffamatoires, ou excessifs, l’abus n’est pas caractérisé et ne peut être sanctionné.

Au-delà de la caractérisation de l’abus, les propos tenus doivent également avoir un caractère public. Ainsi, dès lors que le salarié publie sur un compte à caractère restreint, dont l’accès est limité à des personnes autorisées et peu nombreuses, ses propos relèvent d’une conversation de nature privée et ne peuvent être qualifiés de faute grave

À l’inverse, un salarié qui publie sur son mur Facebook accessible à tous des critiques à l’égard de son entreprise et de sa hiérarchie, excède son droit à la liberté d’expression et peut être licencié pour cause réelle et sérieuse (CA Lyon, ch. soc., 24 mars 2014, no 13/03463).

Qu’en est-il d’une page dont l’accès est restreint du fait de l’activation des paramètres de confidentialité, mais à laquelle de nombreux « amis » ont accès ? La Cour de cassation a retenu, dans l’arrêt précité du 12 septembre 2018, que le groupe de discussion était limité à des personnes peu nombreuses (14 en l’occurrence) : cela laisse donc à penser que, dès lors que le nombre de personnes pouvant accéder aux contenus est plus important, la conversation peut reprendre un caractère public. La cour d’appel d’Aix-en-Provence a par exemple retenu qu’un profil accessible à 179 « amis » ne pouvait être assimilé à une sphère d’échanges privée (CA Aix-en-Provence, 5 févr. 2016, no 14/13717).

Remarque :

le seul fait de « liker » le commentaire d’une autre personne, quand bien même ce commentaire serait constitutif d’un abus de la liberté d’expression, ne peut être sanctionné dans la mesure où les propos ne sont pas attribuables à celui qui a utilisé la fonction « j’aime » (CA Douai, 24 avr. 2015, no 14/000842).

VI. La dénonciation par un salarié de faits de nature à caractériser une infraction pénale justifie-elle un licenciement ?

Non. L’article L. 1132-3-3 du Code du travail protège :

– les salariés ayant relaté ou témoigné de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont ils auraient eu connaissance dans l’exercice de leurs fonctions ;

– ainsi que les salariés ayant signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (L. no 2016-1691, 9 déc. 2016, JO 10 déc.).

Le lanceur d’alerte doit avoir eu personnellement connaissance des faits allégués et doit agir de manière désintéressée et de bonne foi.

Le lanceur d’alerte ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de tels faits. Tout acte pris à l’égard du lanceur d’alerte en méconnaissance de ces dispositions est nul (C. trav., art. L. 1132-4).

Remarque :

aucune personne ne peut non plus être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de tels faits (C. trav., art. L. 1132-3-3).

Le lanceur d’alerte bénéficie également d’un principe d’irresponsabilité pénale lorsqu’il révèle des informations couvertes par un secret (excepté pour le secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client).

Remarque :

les entreprises d’au moins 50 salariés doivent se doter de procédures de recueil des signalements émis par les salariés ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels. Celles-ci doivent garantir une stricte confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci, ainsi que des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement (L. no 2016-1691, 9 déc. 2016, JO 10 déc., art. 8 ; D. no 2017-564, 19 avr. 2017, JO 20 avr.).

Pour pouvoir bénéficier de la protection des lanceurs d’alerte, les faits dénoncés par le salarié doivent être susceptibles de constituer un crime ou un délit, c’est-à-dire qu’ils doivent paraître potentiellement criminels ou délictuels. Ainsi, le salarié qui a dénoncé une atteinte à la liberté d’expression ne peut pas bénéficier de la protection des lanceurs d’alerte.

À noter que seule la mauvaise foi avérée du salarié, qui dénoncerait des faits qu’il sait inexacts et mensongers, permet d’écarter la protection du lanceur d’alerte et de retenir l’existence d’une faute à l’encontre du salarié. La mauvaise foi ne peut résulter de la seule circonstance que la plainte du salarié n’a pas entraîné de poursuites pénales.

Pour lire une version plus complète de cet article sur le salarié et la liberté d’expression, cliquez

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046330491?init=true&page=1&query=21-13.045&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041490507?init=true&page=1&query=18-14.177&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046330491?init=true&page=1&query=21-13.045&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007047340?init=true&page=1&query=02-42.446&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007178079?init=true&page=1&query=90-45.893&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000031227912?init=true&page=1&query=14-14.021&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042746682?init=true&page=1&query=19-20.394&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030569929?init=true&page=1&query=14-10.781&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036829777?init=true&page=1&query=16-18.590&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007410024?init=true&page=1&query=97-45.368&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026065140?init=true&page=1&query=11-17.362&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028917621?init=true&page=1&query=12-29.458&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028209964?init=true&page=1&query=12-10.082&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028010629?init=true&page=1&query=12-14.131&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038508148?init=true&page=1&query=17-20.615&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043782031?init=true&page=1&query=19-25.754&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046437299?init=true&page=1&query=20-16.060&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045197211?init=true&page=1&query=19-17.871&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038238764?init=true&page=1&query=18-12.449&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038674788?init=true&page=1&query=17-24.589&searchField=ALL&tab_selection=all

Droit d’auteur : l’originalité est uniquement un moyen de défense

Dans un contentieux, l’éditeur d’une photothèque en ligne de photographies culinaires réalisées par des professionnels reprochait à une société d’avoir utilisé sans autorisation une photographie et l’a assignée devant le tribunal pour obtenir sa condamnation et des dommages-intérêts.

Avant tout débat au fond, la société mise en cause a fait signifier des conclusions d’incident. Elle invoquait le fait que la condition de la protection n’était pas réunie, la photo n’étant pas originale.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire !

( T.J. Marseille, 1ère ch. – cab. 1, ordonnance d’incident, 3 mai 2022, Sté. Sucré Salé c./ Sté. Gaillet et Sté. Azur Technologie groupe, Legalis)

Le juge de la mise en l’état précise qu’« il ne résulte d’aucun texte que l’originalité des œuvres éligibles à la protection au titre du droit d’auteur est une condition de recevabilité de l’action en contrefaçon. Si la démonstration d’une telle originalité est bien exigée, elle est une condition du bien-fondé de l’action et constitue un moyen de défense au fond ».

Il avait rappelé que l’article 122 du Code de procédure civile définit la fin de non-recevoir comme étant tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugé.

La question de savoir si la contestation de l’originalité en droit d’auteur est une fin de non-recevoir ou défense au fond est importante depuis la dernière réforme de la procédure civile dans la mesure où le juge de la mise en état est désormais exclusivement compétent pour trancher les fins de non-recevoir.

Ainsi s’il s’agit d’une fin de non-recevoir, cela implique la saisine du juge de la mise en état dans chaque litige relatif au droit d’auteur et par conséquent l’allongement de la procédure.

Les juridictions sont divisées. Pour la Cour d’appel de Paris, l’originalité serait considérée comme une défense au fond si l’on se réfère à la position du Tribunal judicaire de Paris : « L’argument selon lequel la combinaison des éléments dont se prévaut la demanderesse résulterait d’une pratique courante et d’une mise en scène largement antériorisée, qui vise à combattre l’originalité alléguée, ne peut en application des principes rappelés plus haut s’analyser en une fin de non-recevoir » (TJ Paris, JME, 23 oct. 2010).


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrefaçon ?

Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez-nous en cliquant sur le lien


En revanche, le Tribunal judicaire de Nanterre a retenu la qualification de fin de non-recevoir : « Ainsi, l’originalité, qui doit d’ailleurs être explicitée dès l’assignation à peine de nullité de celle-ci au sens de l’article 56 2º du code de procédure civile, est une condition d’existence du droit d’auteur et son défaut emporte l’inexistence de la qualité d’auteur et du droit d’auteur. En conséquence, quand bien même X conteste l’originalité du titre pour justifier le rejet au fond de l’action de Y, il convient, dès lors que ce moyen conditionne le droit d’agir de la demanderesse, de l’examiner comme une fin de non-recevoir en application de l’article 122 du code de procédure civile » (TJ Nanterre, 11 févr. 2021).

I. Notion d’œuvre de l’esprit

La loi française ne définit pas l’œuvre de l’esprit. L’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle se contente d’énumérer des œuvres susceptibles d’être protégées. La liste, qui n’est pas limitative, est longue, mais elle n’offre pas de piste sérieuse pour conceptualiser. La Cour de justice en a fait une notion autonome de droit de l’Union (CJUE, gr. ch., 13 nov. 2018, aff. C-310/17, Levola Hengelo, pt 33), pour dire que la qualification suppose d’une part, que « l’objet concerné soit original » (pt 36), d’autre part que la protection soit « réservée aux éléments qui sont l’expression d’une telle création intellectuelle ». En vérité, la première condition, relative à l’originalité, concerne les qualités de l’œuvre, et non pas la notion même. Reste la seconde qui peut être décomposée en deux propositions : l’œuvre de l’esprit est 1) une création intellectuelle 2) se concrétisant dans une forme.

A. Création intellectuelle

Il est communément admis que l’œuvre de l’esprit doit procéder d’une activité créative. Cela exclut la simple révélation d’une œuvre préexistante (la découverte d’un archéologue, par exemple), ou le résultat exclusif d’un simple savoir-faire (V. pour la prestation d’un réalisateur d’émissions de télévision constituant « la mise en œuvre d’une technique », travail de transformation d’anciennes carrières pour en faire un lieu de spectacles audiovisuels), ou du pur hasard. Cela explique aussi l’impossibilité de protéger à ce titre un nom patronymique.

La Cour de justice de l’Union européenne a évoqué l’hypothèse, à vérifier par le juge national, où des rapports de situation militaire pourraient constituer des documents purement informatifs, dont le contenu est essentiellement déterminé par les informations qu’ils contiennent, ce qui devrait conduire à leur refuser le bénéfice du droit d’auteur (CJUE, grde ch., 29 juill. 2019, aff. C-469/17, Funke Medien, pt 24).

B. Création de forme

L’œuvre ne peut donner prise au droit d’auteur qu’à partir du moment où elle quitte le monde de la spéculation pour entrer dans le monde sensible de la forme. C’est la conséquence du principe fondamental du droit de la propriété intellectuelle selon lequel les idées sont de libre parcours et ne peuvent donc être appropriées. La règle est souvent appliquée en jurisprudence à propos des idées publicitaires ou des « concepts » de jeux télévisés ou d’œuvres audiovisuelles.

Elle n’exclut pas la protection de l’art conceptuel, comme cela a été jugé dans l’affaire de l’inscription du mot « Paradis » au-dessus de la porte des toilettes de l’ancien dortoir des alcooliques d’un hôpital, la Cour de cassation retenant que « l’œuvre litigieuse ne consiste pas en une simple reproduction du terme “Paradis”, mais en l’apposition de ce mot en lettres dorées avec effet de patine et dans un graphisme particulier, sur une porte vétuste, à la serrure en forme de croix, encastrée dans un mur décrépi dont la peinture s’écaille », et que « cette combinaison implique des choix esthétiques traduisant la personnalité de l’auteur », pour approuver l’arrêt attaqué d’avoir ainsi fait « ressortir que l’approche conceptuelle de l’artiste, qui consiste à apposer un mot dans un lieu particulier en le détournant de son sens commun, s’était formellement exprimée dans une réalisation matérielle originale ».

Cette exigence de concrétisation n’implique pas l’achèvement de l’œuvre (CPI, art. L. 111-2, visant : « la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur ») ni sa fixation (CPI, art. L. 112-1, 2°, citant les « conférences, allocutions, sermons, plaidoiries et autres œuvres de même nature »).

II. Caractéristiques indifférentes de l’œuvre de l’esprit

A. Indifférence du genre

L’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle interdit de prendre en considération le genre des œuvres. Selon Desbois (H. Desbois, Le droit d’auteur en France : Dalloz, 3e éd., 1978, n° 1), la notion de genre renvoie à la distinction traditionnelle entre les œuvres littéraires, artistiques et musicales. Le mot peut également être pris dans un sens plus restrictif, conduisant par exemple à opposer à l’intérieur de la catégorie des œuvres littéraires la poésie et la prose, ou, parmi les œuvres artistiques, la peinture et la sculpture. L’essentiel, sur quoi tout le monde s’accorde, est que la faveur du législateur n’est pas réservée à une catégorie d’œuvres ni d’auteurs. C’est ce qui explique que, comme il a été dit haut, la liste de l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle n’ait qu’un caractère indicatif. Cependant, la Cour de cassation n’a pas hésité à ériger en principe que : « la fragrance d’un parfum, qui procède de la simple mise en œuvre d’un savoir-faire, ne constitue pas […] la création d’une forme d’expression pouvant bénéficier de la protection des œuvres de l’esprit par le droit d’auteur ».

Tout en maintenant la solution, un arrêt postérieur a fondé le refus de la protection sur une autre motivation « le droit d’auteur ne protège les créations dans leur forme sensible qu’autant que celle-ci est identifiable avec une précision suffisante pour permettre sa communication ; la fragrance d’un parfum, qui, hors son procédé d’élaboration, lequel n’est pas lui-même une œuvre de l’esprit, ne revêt pas une forme présentant cette caractéristique, ne peut dès lors bénéficier de cette protection par le droit d’auteur »).

La Cour de justice a semblé s’inspirer de ce raisonnement en disant pour droit que la directive 2001/29 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que la saveur d’un produit alimentaire soit protégée par le droit d’auteur au titre de cette directive (CJUE, grde ch., 13 nov. 2018, aff. C-310/17, Levola Hengelo). Elle a, en effet, pris appui sur l’article 2.1 de la convention de Berne (à laquelle elle affirme avoir l’obligation de se conformer), sur l’article 2 du WCT et sur l’article 9.2 de l’Accord ADPIC (pts 38 et 39), pour en déduire que la notion d’œuvre « implique nécessairement une expression de l’objet de la protection au titre du droit d’auteur qui le rende identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité, quand bien même cette expression ne serait pas nécessairement permanente » (pt 40).

Le principe selon lequel la protection d’une œuvre n’est pas subordonnée à l’appartenance à une catégorie, nommée ou non par la loi, n’empêche pas que certaines œuvres obéissent à des règles propres. Tel est le cas, notamment, pour les œuvres audiovisuelles et les logiciels. Cela pose, inévitablement, un problème de qualification, qui n’est pas toujours facile à régler. Ainsi, l’œuvre multimédia peut comporter des éléments audiovisuels, mais la Cour de cassation a mis en doute qu’elles puissent répondre en elles-mêmes à la définition de l’œuvre audiovisuelle, en raison du fait que celle-ci renvoie, aux termes de l’article L. 112-2, 6°, du Code de la propriété intellectuelle, à l’existence d’une « séquence ». Quant à la composante logicielle, la même Cour s’est prononcée en faveur d’une application distributive ; « un jeu vidéo est une œuvre complexe qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelle que soit l’importance de celle-ci, de sorte que chacune de ses composantes est soumise au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature »).

La Cour de justice a, par ailleurs, précisé que l’interface graphique d’un programme d’ordinateur ne participait pas de la nature de celui-ci et n’était donc pas soumise aux règles spécifiques le régissant (CJUE, 22 déc. 2010, aff. C-393/09, BSA). Elle a également dit pour droit que l’article 1er, paragraphe 2, de la directive du 14 mai 1991(directive « consolidée » par dir. 2009/24/CE, 23 avr. 2009) doit être interprété en ce sens que ni la fonctionnalité d’un programme d’ordinateur ni le langage de programmation et le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions ne constituent une forme d’expression de ce programme et ne sont, à ce titre, protégés par le droit d’auteur sur les programmes d’ordinateur au sens de cette directive (CJUE, 2 mai 2012, aff. C-406/10, SAS).

B. Indifférence de la forme d’expression

Le même article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose qu’il n’y a pas lieu de tenir compte de la forme d’expression. Pour Desbois, la forme d’expression s’entend de la manière dont les créations sont communiquées au public, ce qui inclut la forme écrite comme la forme orale. Elle peut également s’entendre dans un sens différent, permettant par exemple d’opposer les compositions musicales avec ou sans paroles, et, dans le domaine des arts plastiques, le dessin, la peinture, la sculpture, etc.

C. Indifférence du mérite

Le principe de l’indifférence du mérite a été posé pour la première fois par la loi du 11 mars 1902. L’interdiction, reprise par l’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle, vaut d’abord pour l’opinion formulée sur la valeur esthétique de l’œuvre pour des dessins. Sous cet aspect, elle se justifie facilement. Il n’y aurait plus aucune sécurité juridique si l’on devait faire dépendre l’application de la loi du bon vouloir d’un juge érigé en critique. De façon plus générale, l’article L. 112-1 du Code de la propriété intellectuelle exclut tout jugement de valeur sur le contenu de l’œuvre. Ainsi, la protection légale ne pourra être refusée sur la base de considérations d’ordre moral, naturellement étrangères au droit d’auteur. Pas davantage il ne devra être tenu compte de la banalité ou du caractère contestable des thèses développées dans un ouvrage, ce qui va également de soi puisque le monopole ne porte pas sur les idées.

D. Indifférence de la destination

La loi précitée du 11 mars 1902 a posé le principe que la protection légale est indépendante de la destination. La solution a été consacrée par la loi n° 57-298 du 11 mars 1957, dont l’article 3 (CPI, art. L. 122-2, 10°) comprend expressis verbis dans la liste des œuvres protégeables celles relevant des « arts appliqués ». Entre-temps, la loi du 14 juillet 1909 était venue organiser pour les dessins et modèles une protection spécifique cumulable avec celle résultant du droit d’auteur (CPI, art. L. 511-1 s., articles réécrits par Ord. n° 2001-670, 25 juill. 2001 , transposant la directive 98/71/CE du 13 octobre 1998).

Ainsi a triomphé la théorie dite de l’unité de l’art, réclamée par l’industrie, selon laquelle il faut traiter de façon identique, au regard du droit de la propriété littéraire et artistique, les créations relevant de l’art pur et celles relevant des arts appliqués. Ont par exemple été protégées par le droit d’auteur des œuvres aussi modestes qu’un panier à salade, un décapsuleur, des dessins illustrant les brochures techniques éditées par un constructeur automobile à l’intention des revendeurs, des normes relatives à la sécurité des jouets (Trib. UE, 14 juill. 2021, aff. T-185/19 : LEPI nov. 2021, p. 2, obs. S. Carre).

La question essentielle est de savoir comment déterminer si la fonction utilitaire est séparable de la forme, qui seule peut être monopolisée par le droit d’auteur. Elle est particulièrement délicate et a donné lieu à une abondante jurisprudence difficile à synthétiser. Certaines décisions appliquent plus ou moins ouvertement la théorie de la multiplicité des formes selon laquelle la condition est réputée remplie lorsqu’il est établi que plusieurs formes pouvaient procurer le résultat recherché.

D’autres, plus nombreuses semble-t-il, tendent à considérer que la protection résultant de la loi relative aux dessins et modèles (et par conséquent de la loi sur le droit d’auteur) doit être écartée en l’absence de caractéristiques ornementales nettement dissociables des caractéristiques fonctionnelles.

L’ordonnance précitée du 25 juillet 2001 ne semble pas avoir modifié les données du problème. La Cour de justice, quant à elle, a précisé que la protection du droit d’auteur était seulement subordonnée à la condition d’originalité, sans que puisse être exigé un effet esthétique spécifique (CJUE, 12 sept. 2019, aff. C-683/17, Cofemel ) et sans exclure que la création soit partiellement dictée par des considérations techniques (CJUE, 11 juin 2020, aff. C-833/18, Brompton).

III. Originalité de l’œuvre de l’esprit

A. Source de l’exigence

L’exigence d’originalité n’est pas formulée de manière expresse par le législateur français, sauf pour les titres des œuvres (CPI, art. L. 112-4), où elle est d’ailleurs d’application délicate. Mais la jurisprudence s’y réfère constamment depuis des décennies.

Notion d’originalité – L’originalité s’entend traditionnellement en droit français de l’empreinte de la personnalité de l’auteur. Elle s’oppose ainsi à la notion objective de nouveauté, qui renvoie à l’absence d’antériorité. C’est sur la base de cette distinction que la Cour de cassation a censuré, au visa des articles L. 112-1 et L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle , l’arrêt qui avait déduit l’originalité d’un ouvrage sur la Corse de la conjonction de caractéristiques éditoriales tenant notamment au format adopté, à la couleur et à la qualité du papier choisi et à l’apposition de simples légendes, caractéristiques qui se trouvaient pour la première fois réunies, en lui reprochant d’avoir ainsi fondé sa décision sur l’absence d’antériorité de toutes pièces et le caractère nouveau des choix opérés, sans caractériser en quoi ces choix, pour arbitraires qu’ils soient, portaient l’empreinte de la personnalité de ses auteurs.

Une approche plus objective a toutefois été retenue par la Cour de justice dans l’affaire Infopaq où la notion d’originalité a été érigée en notion autonome de droit de l’Union et l’œuvre originale définie comme la « création intellectuelle propre à (son) auteur » (CJCE, 16 juill. 2009, aff. C-5/08, pt 35).

Œuvres techniques – L’approche subjective de l’originalité n’est pas très facile à concilier avec l’accès à la protection des œuvres de caractère technique. La difficulté a surtout été relevée pour les logiciels. La loi n° 85-660 du 3 juillet 1985 les a ajoutés à la liste des œuvres protégeables, mais s’est bien gardée de préciser en quoi peut consister cette originalité. La directive 91/250/CEE du 14 mai 1991 (« consolidée » par la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009), transposée en droit français par la loi n° 94-361 du 10 mai 1994, ne jette aucune lumière dans ce débat en définissant le programme original comme celui qui est « la création intellectuelle propre à son auteur » (art. 1.3).

Œuvres premières et œuvres dérivées – L’œuvre peut répondre à la condition d’originalité tout en empruntant à une œuvre préexistante des éléments donnant prise au droit d’auteur. L’article L. 112-3 du Code de la propriété intellectuelle admet ainsi au bénéfice de la protection les « traductions, adaptations, transformations ou arrangements » (V. pour une traduction, relevant « l’existence d’un dialogue intime » avec l’œuvre première, CA Paris, pôle 5-1, 7 juin 2016, n° 15/03475 : Propr. intell. 2016, p. 428, 2e esp., obs. J.-M. Bruguière. – Mais V. pour une traduction non originale, témoignant seulement du savoir-faire et de l’érudition du traducteur, CA Paris, pôle 5-1, 29 juin 2021, n° 18/21198 : LEPI janv. 2022, p. 2, obs. A. Zollinger), de même que les « anthologies et recueils d’œuvres diverses », « le caractère relatif de l’originalité n’est pas exclusif de l’empreinte de la personnalité »), ce qui, bien sûr, n’empêche pas l’œuvre seconde d’être contrefaisante si son auteur n’a pas obtenu l’autorisation de l’auteur de l’œuvre première.

Pour la même raison, l’emprunt à des éléments du domaine public n’empêche pas l’œuvre seconde d’être originale. On en déduit par exemple, dans le domaine musical, que l’œuvre peut être inspirée du folklore (V. pour des improvisations du guitariste Manitas de Plata : Cass. 1re civ., 1er juill. 1970) et que peuvent être protégées des partitions permettant de faire revivre, à partir de sources lacunaires ou altérées, les œuvres du « maître de musique » français Michel-Richard de Lalande.

Copies et restaurations d’œuvres graphiques ou plastiquesLa Cour de cassation n’a pas hésité à ériger en principe que : « les copies d’œuvres d’art plastique jouissent de la protection instituée par le Code de la propriété intellectuelle, dès lors, qu’exécutées de la main même de leur auteur, elles portent l’empreinte de sa personnalité ». On rapprochera cette jurisprudence de celle admettant la protection par le droit d’auteur de la « reconstitution » de sculptures de la façade du château de Versailles, de la restauration du « grand parterre central de broderies » du parc de Vaux-le-Vicomte (CA Paris, 4e ch., 11 févr. 2004, n° 2002/10230), et de la « restructuration » dans le style classique de l’orgue de chœur de la cathédrale de Strasbourg construit en 1878 dans le style romantique (CE, 14 juin 1999, n° 181023).

B. Preuve de l’originalité

L’originalité ne pouvant s’attacher à un genre, elle doit être constatée cas par cas, décidant que l’obligation d’apprécier l’originalité de chaque photographie, objet du litige, n’interdit pas de « les regrouper, en fonction de leurs caractéristiques », admettant que la reconnaissance de la contrefaçon d’une masse d’œuvres n’oblige pas le juge pénal à les identifier précisément, ni même à caractériser leur originalité individuellement,.

Le juge ne saurait exclure l’originalité d’une œuvre, qui doit être appréciée dans son ensemble, au seul motif que les éléments la constituant sont banals. C’est normalement à celui qui se prévaut du monopole d’auteur de démontrer que l’œuvre remplit les conditions pour être investie de la protection légale, ce qui suppose qu’il la verse aux débats.

Il faut bien voir cependant que pour la plupart des œuvres, l’originalité coule de source et ne donne lieu à aucune contestation, de sorte que tout se passe en pratique comme si l’œuvre bénéficiait d’une présomption d’originalité. Ainsi, l’originalité des dessins, peintures, sculptures, gravures, lithographies et illustrations visés par l’article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle se déduit nécessairement de la paternité et elle est rarement discutée. C’est seulement dans les cas limites où la nature de l’œuvre fait douter de la possibilité de la protection, que le débat sur l’originalité revient au premier plan et que les règles de droit commun sur la charge de la preuve reçoivent application.

Tel est le cas pour les logiciels, dont l’originalité est, dans la pratique, établie à partir de rapports d’expertise, pour les œuvres des arts appliqués. Pour les photographies dites « de plateau », qui servent notamment à fournir des repères lors du montage d’un film. Toutefois, si l’assignation doit décrire et identifier l’œuvre revendiquée, elle n’a pas à établir son originalité.

Pour lire une version plus complète de cet article sur l’originalité et le droit d’auteur , cliquez

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036584708?init=true&page=1&query=15-28.352&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027303970?init=true&page=1&query=12-14.525&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007052380?init=true&page=1&query=04-12.721&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007513217?init=true&page=1&query=06-19.012&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007056062?init=true&page=1&query=02-44.718&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028329512?init=true&page=1&query=11-19.872+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007045523?init=true&page=1&query=00-20.294&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000020800632?init=true&page=1&query=07-20.387++&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007057246?init=true&page=1&query=68-90.076&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007053210?init=true&page=1&query=62-91.916+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007057117?init=true&page=1&query=72-93.686++&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007010066?init=true&page=1&query=80-15.403+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007037807?init=true&page=1&query=95-13.176&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007466968?init=true&page=1&query=01-16.415++&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007031432?init=true&page=1&query=91-17.061+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027372045?init=true&page=1&query=10-16.063&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036697003?init=true&page=1&query=16-86.881&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000025662489?init=true&page=1&query=11-10.463&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007193600?init=true&page=1&query=91-15.718&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032267140?init=true&page=1&query=15-12.321&searchField=ALL&tab_selection=all

 

Une cession de droits de propriété intellectuelle à titre gratuit est une donation

Trois catégories de donations échappent au formalisme de l’article 931 du Code civil et à la nécessité d’un acte authentique : les dons manuels, les donations indirectes et les donations déguisées. Ces trois formes de donations, dites « tacites », obéissent à des règles qui leur sont propres, à la fois sur le plan juridique (notamment quant à leurs conditions de validité) et sur le plan fiscal. Compte tenu de leur grande utilisation pratique, nous insisterons surtout sur les dons manuels.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire !

La donation d’actions nominatives ne peut valablement être réalisée, en principe, que par un acte notarié en exécution de l’article 931 du code civil ; à défaut, elle est entachée d’une nullité absolue (CA Nancy, 5 juill. 1963, Georges Schwindenhammer c/Papeterie Metenett J. Schwindenhammer et Cie).

Le tribunal judiciaire de Paris a estimé qu’une cession à titre gratuit de droits de propriété intellectuelle constitue une donation, qui doit être passée devant notaire.

TJ Paris, 8 févr. 2022, nº 19/14142, M. B.A.c. / SARL Akis Technology et M. Y D’Z

Deux personnes avaient conçu des antennes permettant la réception de données de balises placées dans les colliers de chiens de chasse. Ils ont déposé ensemble une marque de l’Union européenne semi-figurative et des dessins ou modèles communautaires. Ces produits étaient distribués par deux sociétés dont ils étaient associés et aussi par la société Hermès I distribution dont un seul des deux partenaires était associé et gérant. Les titres de propriété intellectuelle ont été cédés à Hermès I et son gérant a aussi concédé une licence sur les marques ou modèles à deux autres sociétés. Son ex-associé a cependant « dénoncé » la cession des droits de propriété intellectuelle et a assigné son ex-partenaire en nullité du contrat de cession.

Il a invoqué le fait que la cession étant consentie sans contrepartie financière, l’acte s’analyse donc comme une donation qui doit être consentie par un acte authentique. Le tribunal a approuvé cet argument.

Pour se prononcer en ce sens, il rappelle qu’« aux termes de l’article 931 du code civil, tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité. Deux dérogations à ce formalisme sont admises en jurisprudence, la première tenant aux dons manuels, qui imposent la tradition (c’est-à-dire la remise physique) de la chose donnée, la seconde tenant aux donations déguisées ou indirectes, dont les conditions de forme suivent celles de l’acte dont elles empruntent l’apparence. Le code de la propriété intellectuelle ne déroge pas à cette condition formelle des donations, et prévoit seulement, s’agissant des marques, que le transfert de leur propriété doit être constaté par écrit (…) ».

Or il relève que « le contrat daté du 13 juillet 2015 (mais dont la date est manifestement fausse, ne serait-ce que parce qu’y est annexé un certificat établi par l’EUIPO en novembre 2016…) emporte explicitement transfert de propriété de la marque et des modèles « à titre gratuit. Il s’agit donc par définition d’une donation, non dissimulée et portant sur des droits incorporels, comme tels insusceptibles de remise physique »

Il en conclut que « l’acte, qui devait donc être passé devant notaire alors qu’il est constant qu’il a été conclu sous seing privé, est nul ».

La solution retenue par le Tribunal judiciaire de Paris est valable pour l’ensemble des droits de propriété intellectuelle (droit d’auteur, marque, dessins et modèles, brevet) et a vocation à s’appliquer indifféremment aux donataires personnes physiques ou morales.

Il applique ainsi au droit de la propriété intellectuelle strictement le formalisme des donations entre vifs et ce, même si ce régime n’est pas toujours adapté à la pratique de la cession des droits de propriété intellectuelle.

En effet, les cessions à titre gratuit interviennent souvent intra-groupe ou entre un associé, titulaire d’une marque, et sa société, qui souhaite l’exploiter.

Dans cette hypothèse, il sera donc opportun de céder ses droits pour un euro symbolique que gratuitement.

I. Donations notariées

A. Domaine du formalisme notarié

Donations ostensiblesLe domaine du formalisme notarié s’arrête aux frontières de la donation ostensible. La donation faite par acte sous seing privé, sans simulation ou dissimulation, est nulle, sous réserve qu’elle ne révèle pas la volonté du prétendu donateur de disposer de ses biens à cause de mort. La qualification de testament olographe s’avère, en pareil cas, de nature à sauver la libéralité de la nullité. Est entaché de nullité l’acte sous seing privé par lequel un concubin, propriétaire en indivision d’un immeuble avec son compagnon, déclare renoncer et léguer ses droits concernant la maison et ses biens à ce dernier.

Il convient, à l’heure de l’établissement d’un écrit destiné à démontrer un don manuel, de faire preuve d’une vigilance toute particulière. Il n’y a pas don manuel valable lorsque la tradition est intervenue en exécution d’un acte de donation ostensible sous seing privé.

La limite entre la donation ostensible sous seing privé, frappée de nullité, et la donation non solennelle, valable, s’avère parfois ténue et incertaine. La donation ostensible, sous seing privé, nulle en la forme, est pareillement difficile à distinguer du concept de donation déguisée. Il en est ainsi, tout spécialement, de la libéralité effectuée, par le biais d’une reconnaissance de dette, en remerciement de services rendus.

Promesse de donation – La jurisprudence assujettit au formalisme notarié la promesse de donation (CA Besançon, 28 mars 2017, n° 16/00250). Ainsi, une promesse de donation consentie sous seing privé par des parents à leurs enfants sous la condition de l’homologation judiciaire de leur changement de régime matrimonial constitue une promesse de donation, laquelle ne s’analyse pas, en l’absence de respect des formes requises par la loi et de l’acceptation par les donataires, en une donation qui nécessiterait, pour être effective, une simple réitération par acte authentique (CA Paris, pôle 3, ch. 1, 18 juin 2014, n° 13/14370).


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrefaçon ?

Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez-nous en cliquant sur le lien


La jurisprudence décide, par ailleurs, que le promettant, qui recourt à un acte sous seing privé en connaissance de cause, engage sa responsabilité civile en créant de faux espoirs dans l’esprit du bénéficiaire de la promesse. La promesse sous seing privé est, en revanche, valable toutes les fois qu’elle s’analyse, non pas comme une promesse de donation, mais comme l’engagement de son auteur d’exécuter un devoir impérieux de conscience. L’établissement et la signature de l’acte transforment alors cette obligation naturelle en une obligation civile.

B. Contenu de la règle de forme

Exigences relatives au rédacteur de l’acte – En dépit de l’article 931, la présence d’un seul notaire est suffisante pour recevoir une donation, dès lors qu’il est territorialement compétent et qu’il n’est pas allié ou parent de l’une des parties, soit en ligne directe, soit en ligne collatérale, jusqu’au degré d’oncle ou de neveu inclusivement ni appelé à bénéficier lui-même de la donation (Code civil, article 1317).

L’acte authentique peut être dressé sur support électronique (Code civil, article 1317, al. 2). En droit international privé, c’est la maxime « locus regit actum » qui est applicable, de sorte que l’authenticité notariale n’est requise que si l’acte de donation est passé dans un pays dont la loi exige la forme notariée.

Exigences relatives à la rédaction de l’acte – L’article 931 du Code civil exige que l’acte de donation soit rédigé en minute. Le notaire recueille le consentement des parties et dresse un acte instrumentaire qui doit être signé par lui et les parties. L’acte, qui doit être daté, peut être passé à deux dates différentes, dès lors que le notaire est présent, à chaque date, pour donner lecture de l’acte et recueillir la signature de la partie concernée. Le défaut de signature de l’une des parties infecte l’acte d’un vice de forme l’entachant de nullité absolue. La signature du notaire est obligatoirement postérieure à celle des parties ; elle peut être apposée après le décès de l’une d’entre elles. Les parties à l’acte de donation peuvent se faire représenter par un mandataire.

Il doit s’agir d’un mandat spécial contenant tous les éléments de la donation : désignation des parties, indication des biens donnés, charges et conditions. Il doit revêtir lui-même la forme authentique, à peine de nullité de l’acte de donation. Le notaire qui dresse la procuration doit en garder minute.

 

II. Sanction de la règle de forme

A. Nullité invoquée du vivant du donateur

Sous peine de nullité, tout acte portant donation est obligatoirement notarié. Il en va de même de l’engagement de signer un acte de donation.

L’article 931 du Code civil n’interdit pas la réalisation de donations non notariées ; il signifie seulement que si un acte qui réalise la donation est établi, cet acte doit être notarié.

En pratique, trois catégories de donations échappent au formalisme de l’article 931 : les dons manuels, les donations indirectes et les donations déguisées. Ces trois types de donations obéissent à des règles qui leur sont propres, à la fois sur le plan juridique (notamment quant à leurs conditions de validité) et sur le plan fiscal.

Les parties doivent signer la donation, sous peine également de nullité.

Du vivant du donateur, la règle de l’authenticité des donations est sanctionnée par la nullité absolue (CA Versailles, 1er déc. 2016, n° 14/08829). S’il a pour finalité de protéger le donateur, le formalisme a aussi pour fonction de garantir l’irrévocabilité de la donation qui est une règle d’ordre public. Il s’ensuit que la nullité peut être invoquée par tout intéressé dans un délai de 5 ans, sauf l’exception de nullité qui est perpétuelle (Code civil, article 2224).

La confirmation de l’acte nul est, par ailleurs, exclue. L’ancien article 1339 est aujourd’hui repris à l’article 931-1 du Code civil. L’alinéa 1er précise que : « En cas de vice de forme, une donation entre vifs ne peut faire l’objet d’une confirmation. Elle doit être refaite en la forme légale ». Une transaction ne peut être considérée comme un acte confirmatif d’une donation nulle en la forme. Il en est de même de la remise matérielle des biens donnés, intervenant en exécutant d’une telle donation nulle.

Pareille tradition ne peut servir de fondement à un don manuel valable. Si elle intervient de manière indépendante de la donation irrégulière, la remise doit être validée au titre d’un don manuel autonome et distinct. La donation peut être pareillement refaite au moyen d’un acte authentique régulier. Il ne s’agit pas d’une confirmation de l’acte nul, mais d’un acte nouveau.

B. Nullité invoquée après le décès du donateur

Après le décès du donateur, la nullité revêt un caractère relatif. L’ancien article 1340 du Code civil énonçait que : « La confirmation ou ratification, ou exécution volontaire d’une donation par les héritiers ou ayants cause du donateur, après son décès, emporte leur renonciation à opposer soit les vices de forme, soit toute autre exception ».

La confirmation de l’acte nul par les héritiers demeurait soumise aux dispositions de l’ancien article 1338 du Code civil. Ces derniers conservaient leur droit d’agir en nullité de la donation, s’ils ne connaissaient pas, au moment de la confirmation, le vice de forme entachant la donation et n’avaient pas l’intention de le réparer. La nullité de la donation irrégulière ne pouvait être invoquée, après le décès du donateur que par les héritiers ou ayants cause du donateur (c’est-à-dire les légataires universels ou à titre universel), auxquels était reconnue la faculté de confirmation. Les créanciers du disposant n’étaient pas admis à invoquer la nullité.

Ces solutions sont reconduites par l’article 931-1. L’alinéa 2 dispose que : « Après le décès du donateur, la confirmation ou exécution volontaire d’une donation par les héritiers ou ayant cause du donateur emporte leur renonciation à opposer les vices de forme ou tout autre cause de nullité ». La confirmation de l’acte nul par les héritiers obéit aux dispositions de l’article 1181, elles aussi issues de la réforme du droit des contrats.

Le prononcé de la nullité entraîne l’anéantissement rétroactif de la donation. Cette dernière ne peut pas recevoir exécution. Si celle-ci est déjà intervenue, le donataire est tenu de restituer les biens qu’il a reçus en vertu de l’acte nul. Les actes de disposition et les constitutions de droits réels qu’il a pu consentir sont rétroactivement effacés. La jurisprudence admet que la donation nulle en la forme puisse valoir testament olographe.

Pour lire une version plus complète de cet article sur la donation de droits de propriété intellectuelle dans le cadre d’une succession, cliquez

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034086845?isSuggest=true
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000025994533?init=true&page=1&query=10-23.352&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000025380560?init=true&page=1&query=11-11.636&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007032593?init=true&page=1&query=92-11.910&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000035807229?init=true&page=1&query=16-24.533&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027948991?init=true&page=1&query=12-15.618&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034086845?init=true&page=1&query=16-14.351+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037536301?init=true&page=1&query=17-22.021+&searchField=ALL&tab_selection=all

Le doxing ou doxxing : De l’exposition de tiers à des agressions

Le doxing (aussi écrit doxxing) est l’acte de révéler des informations qui permettent d’identifier quelqu’un en ligne, comme le véritable nom, l’adresse, le lieu de travail, le numéro de téléphone, des informations financières ou personnelles. Ces informations sont ensuite transmises au public sans l’autorisation de la victime.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire !

Si révéler les informations personnelles d’une personne sans son consentement précède l’existence d’Internet, le mot « doxing » a d’abord vu le jour parmi les cybercriminels dans les années 1990, lorsque l’anonymat était encore une notion sacrée. Des disputes entre des pirates rivaux menaient souvent à la publication de « documents » sur les uns et les autres, qui étaient auparavant seulement connus sous des pseudonymes ou des alias. En anglais, ces « docs » sont ensuite devenus des « dox » et le verbe « drop » s’est ajouté pour ajouter la notion de « révélation ».

La définition du doxing s’est ensuite étendue au-delà du monde des cybercriminels et fait maintenant référence à l’exposition d’informations personnelles. Si ce terme est toujours été utilisé pour le fait de révéler l’identité d’utilisateurs anonymes, cet aspect a perdu en pertinence de nos jours puisque la plupart des gens utilisent leur véritable nom sur les réseaux sociaux.


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de vie privée ?

Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez-nous en cliquant sur le lien


Récemment, le doxing est devenu un outil dans les guerres de culture, les cybercriminels utilisant le doxing pour faire du tort à leurs opposants. Les cybercriminels veulent faire en sorte que le conflit auparavant en ligne passe dans le monde réel en fournissant des informations qui peuvent inclure :

  • des adresses,
  • des informations sur le lieu de travail,
  • des numéros de téléphone personnels,
  • les numéros de Sécurité sociale,
  • des numéros de compte bancaire ou de carte de crédit,
  • des correspondances privées,
  • un historique des actes criminels,
  • des photos personnelles et
  • des détails personnels embarrassants.

Les attaques de doxing peuvent être insignifiantes, comme de faux emails d’inscription ou des livraisons de pizza, mais aussi très dangereuses, comme le harcèlement de la famille ou de l’employeur de la victime, l’usurpation d’identité, des menaces ou d’autres formes de cyberharcèlement, voire du harcèlement physique.

Les victimes comptent de nombreuses célébrités, des politiciens et des journalistes qui ont dû faire face à de véritables vagues de harcèlement en ligne, avec dans certains cas extrêmes des menaces de mort. Cette pratique s’est également étendue aux grands propriétaires d’entreprise ; par exemple lorsque la marque Gillette de Proctor & Gamble a sorti sa campagne publicitaire « We Believe » qui devait cibler la masculinité toxique, le profil LinkedIn du responsable de la marque Marc Pritchard a été partagé sur 4chan, où l’auteur de la publication a encouragé les internautes à lui envoyer des messages de haine.

Le doxing a fait son entrée dans le grand public en décembre 2011, lorsque le groupe de pirates Anonymous a mis en ligne les informations de 7 000 membres des autorités en réaction aux enquêtes menées sur les activités de cybercriminalité. Depuis, Anonymous a publié les informations de centaines de membres présumés du KKK, et leurs cibles les plus récentes comprennent ceux qui soutiennent le mouvement Q-Anon.

Les motivations qui se cachent derrière le doxing sont variées. Certaines personnes peuvent se sentir attaquées ou insultées par leur cible et cherchent alors à se venger. Si une personne se fait connaître pour ses opinions controversées, elle peut s’en prendre à une personne qui aurait une vision opposée. Cela touche cependant les sujets particulièrement polarisés, et pas spécialement les désaccords politiques quotidiens.

Publier intentionnellement des informations personnelles implique généralement l’envie de punir, d’intimider ou d’humilier la victime. Cela dit, les cybercriminels le voient comme une façon de corriger un tort, en exposant une personne à la justice populaire ou en révélant une intention qui n’était pas connue publiquement.

Quelle que soit la motivation, l’objectif principal est de violer la vie privée et cela peut aussi mettre les personnes dans une position difficile, avec parfois des conséquences graves. Le propos du texte est clair. Il trouve place dans la loi de 2021 dans un chapitre intitulé « Dispositions relatives à la lutte contre les discours de haine et les contenus illicites en ligne ».

I. La place de l’incrimination

La place du nouveau texte au sein du Code pénal est assez logique : il intègre le chapitre consacré à « la mise en danger de la personne » – nous verrons qu’il s’agit effectivement de cela – entre deux textes incriminant d’autres actions créant volontairement une situation dangereuse, soit l’exposition d’autrui à un risque (article 223 -1) et le délaissement d’une personne hors d’état de se protéger article 223-3 Code pénal.

Ce qui mérite davantage l’attention est le choix du législateur d’incriminer ce comportement dans le Code pénal, plutôt que dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui aurait tout aussi légitimement pu accueillir le délit, puisqu’est puni « le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre » certaines informations, l’hypothèse d’une publication « par voie de presse écrite ou audiovisuelle ou de communication au public en ligne » étant expressément envisagée.

Cette option qui était offerte au législateur confirme cette complexe dualité : la responsabilité pénale spécifique en droit de la presse, essentiellement issue de la loi du 29 juillet 1881, n’a jamais été conçue comme exclusive du droit commun, qui sanctionne également certaines expressions et communications abusives, et qui existait d’ailleurs avant 1881 et perdure aujourd’hui. Le législateur lui-même paraît parfois s’y perdre : qu’on se souvienne de la tentative de pénaliser la diffusion malveillante d’images des forces de l’ordre (article 24 de la proposition de « loi sécurité globale ») qui devait figurer dans la loi sur la presse, avant que la même proposition de loi ne privilégie l’incrimination, dans le Code pénal cette fois, de la provocation, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à leur intégrité physique ou psychique, à l’identification des forces de l’ordre en opération… avant que le Conseil constitutionnel constate finalement sa méconnaissance du principe de légalité.

Ces frontières imprécises sont regrettables, tant les enjeux sont fondamentaux. En effet, si l’incrimination est assimilée au droit commun et comprise dans le code pénal, elle n’est pas soumise au régime dérogatoire de la loi de 1881 mais à celui, classique, issu des codes pénaux et de procédure pénale. Tel est donc le cas du nouvel article 223-1-1 (sous réserve de la détermination des personnes responsables).

En matière délictuelle, cela signifie par exemple que les délits sont soumis au délai de prescription de droit commun, soit six ans… au lieu de trois mois : la différence n’est ni symbolique ni anecdotique, elle est considérable, notamment dans la pratique judiciaire. Relevons cependant que la répression tend parfois à s’harmoniser. Ainsi la loi commentée du 24 août 2021 modifia également le régime de poursuite applicable aux délits de provocations directes non suivies d’effet, d’apologie, de provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence, de contestation de crime contre l’humanité ou d’injure à connotation discriminatoire, afin de permettre le recours aux procédures de comparution immédiate et de convocation sur procès-verbal qui étaient jusqu’alors exclues.

II. Le contenu de l’incrimination

A. Un élément matériel extensif

Le comportement matériel incriminé consiste dans « le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit », certaines informations. C’est peut-être la largesse de cet élément qui a conduit le législateur à préférer inscrire le texte au sein du Code pénal. En effet, si la révélation ou la diffusion notamment, peuvent avoir lieu par voie de presse (au sens large, comprenant les moyens de communication électronique), elles peuvent en réalité, de même que la transmission d’informations, se faire « par quelque moyen que ce soit », y compris de personne à personne (à l’oral ou à l’écrit), sans aucune publicité.

La révélation est un concept connu du droit pénal, utilisé principalement par l’incrimination de la violation du secret professionnel, qui suppose que les informations litigieuses aient été jusqu’ici tenues secrètes. Mais l’éventuel secret est indifférent au regard de l’article 223-1-1 du Code pénal, puisque la diffusion et la transmission pourront tout à fait avoir pour objet des informations précédemment révélées, auxquelles elles donneront de l’ampleur.

Cette communication est illicite si elle porte sur « des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser ». Le texte, évidemment, renvoie aux conditions de l’assassinat de Samuel Paty, et pourrait être rapidement appliqué à certaines publications sur internet relatives à « Mila », cette jeune femme cyberharcelée et menacée de mort à grande échelle après avoir tenu des propos insultants sur l’islam. Mais bien d’autres hypothèses pourraient être concernées. Il n’est pas impossible, d’ailleurs, que l’article 223-1-1 puisse servir à réprimer certaines révélations malveillantes d’éléments d’identification des forces de l’ordre, et pallier ainsi l’échec de l’article 24 de la « loi sécurité globale ». Cette possibilité a été soulignée par les députés auteurs d’une saisine a priori du Conseil constitutionnel, qui s’interrogeaient sur une éventuelle atteinte à la liberté d’expression – sans convaincre sur ce point les membres du Conseil.

Relevons enfin que la révélation d’informations est suffisante : aucun jugement de valeur visant la victime ne doit impérativement l’accompagner. Le professeur Dreyer suggère que cette absence d’exigence a été faite pour éviter tout conflit avec le droit de la presse. Quoi qu’il en soit, une divulgation d’informations sans appréciation ni connotation particulière peut-elle vraiment exposer autrui au « risque direct » d’une atteinte ? Surtout, comment pourra-t-on en déduire l’intention de l’auteur d’exposer ainsi directement autrui à un attentat qu’il « ne pouvait ignorer » ?

B. Un élément moral restrictif

L’élément moral exigé par le texte est original. Au-delà de la seule conscience de diffuser des informations permettant l’identification ou la localisation de la personne (dol général), l’auteur doit avoir pour « fins de l’exposer ou d’exposer les membres de sa famille à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer ».

Voilà donc l’objet de l’intention de l’auteur : exposer directement quelqu’un (ou ses biens) à un risque d’atteinte. Dans le cas de l’article 223-1-1 comme dans celui de l’article 223-1 (exposition d’autrui à un risque), l’auteur adopte volontairement un comportement en acceptant l’éventualité qu’il cause un dommage (dol éventuel). Mais l’intention de l’auteur du délit commenté est plus grave : non seulement il accepte l’exposition d’autrui à un risque, mais il la désire. Il s’agit d’une nouvelle illustration d’une « mise en danger délibérée de la personne d’autrui » (l’expression est celle de l’art. 121-3, al. 2 c. pén.), qui confine ici au dol spécial. Mais sans pouvoir lui être assimilée. En effet, le texte ne va pas jusqu’à exiger la démonstration de l’intention que ce risque se réalise. Quoi qu’il en soit, cet élément moral est suffisamment restrictif pour imaginer que l’infraction sera peu souvent appliquée.

Il ne suffira pas de démontrer le caractère malveillant des révélations d’informations, il faudra établir positivement la volonté d’exposer la personne à un danger « direct », « que l’auteur ne pouvait ignorer ». Dans ces conditions, la nouvelle infraction aurait-elle pu être appliquée aux messages nauséabonds relayés dans l’affaire Paty ? Peut-on réellement caractériser cette intention en présence d’un risque indéterminé, diffus, l’atteinte pouvant par ailleurs être causée par un tiers inconnu de l’auteur ?

Deux imprécisions dommageables doivent enfin être mentionnées. En premier lieu, le risque direct est celui d’une « atteinte à la personne ou aux biens ». Toutes les atteintes sont donc concernées, quelle que soit leur nature (y compris, par exemple, les atteintes sexuelles) et quelle que soit leur gravité. Les députés, auteurs de la saisine précitée, insistaient d’ailleurs sur ce point, en estimant que le délit portait « atteinte au principe de proportionnalité des peines en punissant de la même manière les risques d’atteinte aux personnes et aux biens », ce à quoi le Conseil répondit que « le législateur n’a pas institué une peine manifestement disproportionnée au regard de la nature du comportement réprimé ». Sans doute aurait-il malgré tout fallu délimiter davantage le danger auquel la victime est exposée, en reprenant par exemple le modèle du délit d’omission d’empêcher une infraction, qui renvoie à « un crime, [ou] un délit contre l’intégrité corporelle de la personne ».

En second lieu, le risque vise la personne ou « les membres de sa famille ». Cette expression est surprenante : par le passé, le Conseil constitutionnel a censuré la qualification d’inceste précisément parce qu’elle faisait référence à des infractions commises « au sein de la famille » sans davantage de précision, au mépris du principe de légalité « matérielle ». Comme le législateur l’a fait depuis pour l’inceste, il aurait convenu d’établir une liste précise, en reprenant par exemple celle, préexistante, en matière de violences.

C. Le régime de la répression

Relevons tout d’abord que les peines principales envisagées sont de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende, pouvant être portées à cinq ans et 75 000 € lorsque les faits sont commis au préjudice : d’une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou titulaire d’un mandat électif public ; d’un journaliste; d’une personne mineure ; ou d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur.

Relevons ensuite qu’un régime spécifique de responsabilité est institué lorsque les faits sont commis par voie de presse écrite ou audiovisuelle ou de communication au public en ligne : alors, « les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables ». Cette formule, fréquente dans le code pénal, renvoie au principe d’exclusion de la responsabilité pénale des personnes morales et, surtout, à un régime très original de responsabilité des personnes physiques, généralement désigné sous l’appellation de responsabilité « en cascade ». Cette précision confirme l’appréhension délicate de ce type d’incrimination, à mi-chemin entre droit de la presse et droit commun.

Partant, la place de l’incrimination, dans le code plutôt que dans la loi sur la presse, n’a aucune conséquence sur le régime de responsabilité, mais conserve tout son intérêt au regard du régime procédural.

Pour lire une version plus complète de cet article sur le doxing ou le doxxing, cliquez

Sources :

https://www.kaspersky.fr/resource-center/definitions/what-is-doxing

https://www.lesnumeriques.com/vie-du-net/qu-est-ce-que-le-doxxing-et-pourquoi-est-il-desormais-puni-par-la-loi-a168491.html