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Propriété intellectuelle, stockage de l’œuvre. Quels droits donnent un NFT ((jeton non fongible)) ?

Le cas des œuvres numériques est évoqué à l’article R. 122-3 du Code de la propriété intellectuelle, qui vise les « créations plastiques sur support audiovisuel ou numérique dans la limite de douze exemplaires »…

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L’approche retenue est clairement axée sur le support, qui reste l’élément déterminant de l’application du droit de suite. Cela correspond au demeurant aux pratiques du marché : pour la plupart des créations numériques qui passent en vente, les acquéreurs se voient remettre le support de stockage, éventuellement numéroté et signé. Le support contrebalance l’ubiquité des objets numériques et pourvoit la rareté recherchée par les acquéreurs.

L’arrivée sur le marché de l’art d’œuvres entièrement dématérialisées renouvelle la question. L’œuvre étant duplicable à l’infini, son appréhension par le droit de suite ne va pas de soi. Les technologies de blockchain permettent cependant de recréer les caractères du support matériel, en associant l’œuvre à un jeton non fongible (NFT), infalsifiable, unique et non interchangeable. L’œuvre Everydays : The First 5000 Days de l’artiste Beeple, vendue par Christie’s en mars 2021 pour un montant de 69 millions de dollars en offre un bel exemple.


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« Les NFT, une technologie aux usages divers, à fort potentiel économique,,, » (1) . Par cette affirmation, le Conseil des ventes volontaires mettait en lumière le succès très remarqué des Non Fungible Tokens (NFT) ou des jetons non interchangeables ces derniers temps. Le marché des NFT a connu une croissance exponentielle en 2021, se chiffrant en dizaines de milliards de dollars. L’exemple le plus significatif reste la vente aux enchères de la photo numérique « Everyday : the first 5 000 days » de l’artiste américain « Beeple » (Mike Winkelmann), sous forme de NFT, à 69,3 millions de dollars le 11 mars 2021. Au regard de l’essor actuel des NFT, il devient important pour les entrepreneurs de savoir à quoi correspond cette technologie.

Les NFT sont intimement liés à la technologie de blockchain, puisqu’ils sont inscrits sur celle-ci. C’est la raison pour laquelle il convient de présenter brièvement la blockchain. D’après un rapport de l’Assemblée nationale de 2018, « une blockchain est un registre, une grande base de données qui a la particularité d’être partagée simultanément avec tous ses utilisateurs, tous également détenteurs de ce registre, et qui ont également tous la capacité d’y inscrire des données, selon des règles spécifiques fixées par un protocole informatique très bien sécurisée grâce à la cryptographie ».

Le modèle économique d’une blockchain repose avant tout sur une promesse de sécurité optimale. Les échanges successifs sont enregistrés sous forme de blocs de transactions, d’où le nom « blockchain » ou « chaîne de blocs ». Chaque bloc est relié à ceux qui le précèdent et le suivent. Les blocs confirment l’heure et la séquence exactes des transactions. Il est impossible de modifier un bloc ou d’insérer un nouveau bloc entre deux blocs.

Comme tout marché émergent dans le domaine du luxe, du sport et de l’art, l’univers des « NFT » n’est pas épargné par les problématiques de fraude.

Comme souvent, le droit arrivera à rebours pour réguler ce nouveau marché et dans l’intervalle, il conviendra de composer avec la législation existante afin de l’interpréter, de l’étendre et ainsi d’assurer la protection des titulaires de droits de propriété intellectuelle.

I. Qu’est-ce qu’un NFT (jeton non fongible) ?

Les NFT sont par définition des unités de valeur non interchangeables avec d’autres. Ils constituent une sorte de certificat numérique inscrit sur une blockchain et attestant de l’authenticité d’un bien ou d’une œuvre, physique ou numérique.

La création d’un NFT nécessite que soit généré un « smart contract » : un programme informatique qui exécute un ensemble d’instructions ou de règles prédéfinies par le créateur du smart contract. C’est ensuite ledit smart contract qui est déployé et exécuté sur une blockchain (via un processus dit de « minting »).

Le NFT n’est donc pas l’œuvre numérique ou le produit marqué en lui-même. L’acquéreur du NFT acquiert seulement un « jeton » auquel certains droits sont associés et qui présente des caractéristiques déterminées dans le smart contract qui a donné lieu à sa création.

Ce NFT correspond donc à une sorte de certificat d’authenticité de cette œuvre ou de cet objet, ledit certificat étant inscrit sur la blockchain et permettant ainsi, en principe, de garantir le caractère unique et l’authenticité du fichier numérique y étant associé ainsi que l’identité de son propriétaire.

Il s’agit donc de l’acquisition d’un bien incorporel : le « jeton » ou NFT. L’œuvre numérique ou le fichier numérique représentant le bien sur lequel est apposée une marque reste quant à lui stocké hors de la blockchain (sur un serveur, dans un cloud, sur un serveur décentralisé de type IPFS) et est accessible via l’URL figurant dans le smart contract.

II. Qui peut consentir à la création d’un NFT ?

Pour répondre à cette question, il convient au préalable de déterminer « sur quoi porte le NFT ».

Ce qui fait la valeur du NFT, c’est la communauté qu’il intéresse. Cette communauté est classiquement formée autour de la notoriété d’un artiste, d’une célébrité, d’un sportif, d’une marque de luxe, de sport, d’un jeu vidéo, etc.

Ce qui donne lieu à la création d’un NFT peut ainsi être l’image d’une personne, une œuvre visuelle ou audiovisuelle, une création d’art appliqué (un modèle de sac à main, de chaussures, etc.) revêtue d’une marque de renommée, une bouteille de vin, etc.

Par conséquent, compte tenu de sa nature protéiforme, le NFT est susceptible de donner prise à différents types de droits : droit d’auteur, droit des marques, droit des dessins et modèles, droit à l’image.

C’est la raison pour laquelle il est indispensable de disposer des droits patrimoniaux d’auteur, du droit d’exploitation des marques ou des dessins et modèles ou des droits à l’image concernée pour pouvoir autoriser la création d’un NFT reproduisant ou renvoyant à l’« objet de droit » concerné.

C’est ce qu’ont découvert à leurs dépens les créateurs de la plateforme américaine HitPiece se décrivant comme une plateforme dédiée aux NFT musicaux. Cette plateforme a ainsi créé un très important catalogue de NFT d’œuvres musicales d’artistes très connus tels que John Lennon, les Rolling Stones. Or, la plateforme à peine lancée, cette création de NFT à partir de leur musique et sans autorisation a été massivement dénoncée par les artistes via les réseaux sociaux. La plateforme a finalement été fermée après avoir reçu une mise en demeure de la puissante Recording Industry Association of America (RIAA).

III. Quels droits acquiert-on lorsqu’on achète un NFT ?

L’acquisition d’un NFT ne permet d’acquérir juridiquement que les droits prévus au smart contract à l’origine dudit NFT.

Ainsi, sauf à ce que cela soit expressément prévu au smart contract, l’acquisition d’un NFT ne permet en aucun cas, d’acquérir de manière automatique ou implicite, les droits patrimoniaux

d’auteur sur une œuvre numérique, des droits d’exploitation d’une marque, d’un dessin ou d’un modèle ou encore, un droit d’exploitation de l’image d’une personne physique.

A notre sens, les principes de droit positif en matière de cession et d’exploitation des droits de propriété intellectuelle trouvent ici pleinement à s’appliquer sans qu’il ne soit nécessaire ou indispensable que le Code de la propriété intellectuelle (le « CPI ») fasse expressément référence à la notion de « NFT ».

A. Le titulaire des droits de propriété intellectuelle bénéficie-t-il d’un « droit de suite » ? Le cas échéant, ce droit de suite est-il légal ou contractuel ?

  1. Le droit de suite au sens du CPI

Le droit de suite tel que défini par le CPI ne trouve à s’appliquer que s’agissant d’une œuvre graphique ou plastique.

L’article L. 122-8 du CPI reconnaît aux auteurs d’œuvres originales graphiques et plastiques le droit de percevoir un pourcentage du prix de toute vente de l’œuvre après la première cession opérée par eux-mêmes ou par leurs ayants droit, lorsqu’un professionnel du marché de l’art intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire.

Ainsi les conditions d’application du droit de suite au sens de l’article L. 122-8 du CPI peuvent être résumées comme suit :

Il doit porter sur une œuvre graphique ou plastique telles que des tableaux, collages, peintures, dessins, gravures, estampes, lithographies, sculptures, tapisseries, céramiques, verreries ou encore photographies. Cette liste n’est pas exhaustive et la jurisprudence admet que le droit de suite s’applique aux œuvres d’arts appliqués .

En outre, l’article R. 122-3 du CPI prévoit expressément que donnent prise au droit de suite les « créations plastiques sur support audiovisuel ou numérique dans la limite de douze exemplaires ».

Seule la revente de l’original d’une œuvre graphique ou plastique donne prise au droit de suite.

Ce droit de suite s’exerce dès la première revente qui intervient à la cession initiale de l’œuvre originale par l’artiste, sous réserve que cette vente fasse intervenir un professionnel du marché de l’art. Les ventes entre particuliers sans intervention d’un professionnel du marché de l’art ne donnent donc pas lieu à l’application du droit de suite.

Le prélèvement du droit de suite sur le prix de revente s’applique dès lors que ce prix excède 750 euros. Le taux est dégressif, le montant étant plafonné à 12 500 euros.

Il est en outre utile de rappeler que le droit de suite est d’ordre public et que s’agissant d’un droit inaliénable, l’auteur ne peut ni le céder ni y renoncer.

Ainsi, l’application de ce droit tel que prévu par l’article L. 122-8 du CPI devrait a priori trouver à s’appliquer en cas de revente d’un NFT associé à une création plastique sur support numérique par le biais d’une plateforme ou, comme cela semble désormais possible, par le biais d’une vente publique aux enchères.

L’application de ce droit devrait également être automatique dès lors que le NFT créé porte sur une œuvre plastique.

Mais que se passe-t-il si le smart contract en cause n’y fait pas référence ? Dans ce cas, le versement de ce droit ne sera pas automatiquement réalisé par l’inscription d’une nouvelle transaction portant sur la revente du NFT sur la blockchain concernée. Cependant, l’auteur bénéficiera de la transparence et de la traçabilité des transactions successives pour requérir l’application de ce droit.

  1. Le droit percevoir des redevances sur les reventes successives aménagées contractuellement par les smart contracts

En matière de NFT, il est fait référence de manière récurrente à l’existence d’un « droit de suite » mis en place sur les plateformes de création et de vente de NFT, telles que Opensea, Rarible, Nifty Gateway, etc.

Or, comme nous l’avons vu précédemment, un NFT peut porter sur d’autres « objets de droit » que sur des œuvres au sens du Code de la propriété intellectuelle.

Ainsi, l’usage de la notion de « droit de suite » pour en réalité faire état d’un droit aménagé contractuellement prête à confusion. En effet, il s’agit là d’un droit purement contractuel de percevoir des redevances sur les reventes successives. Ce droit est prévu au smart contract à l’origine du NFT et ce, peu important que le NFT porte sur une œuvre, sur un dessin et modèle, sur un produit marqué ou sur tout autre objet/élément non couvert par un droit de propriété intellectuelle.

L’avantage de la technologie blockchain est qu’elle permet d’assurer une traçabilité de ces reventes successives du NFT et d’assurer une forme d’automaticité du reversement de ces redevances au titulaire des droits (au sens contractuel du terme).

Mais cette prérogative contractuelle est bien différente du droit de suite de l’article L. 122-8 du CPI dont l’application est légalement limitée.

Peut-on alors imaginer que les auteurs d’œuvres plastiques sur support numérique seraient en droit de réclamer le cumul du droit de suite légal prévu par l’article L. 122-8 du CPI avec le « droit de suite contractuel » prévu dans le smart contract si rien n’est spécifié ? La jurisprudence aura sans nul doute l’occasion de trancher cette question, mais, selon nous, rien ne s’y opposerait à notre sens.

B. La revente du NFT donne-t-elle prise à un droit de distribution ou de communication au public ?

La revente d’un NFT portant sur une œuvre protégée par le droit d’auteur relève-t-il du droit de distribution ou du droit de communication au public ?

Cette question est importante pour déterminer si le propriétaire acquéreur d’un NFT est libre d’en assurer la revente ou s’il devrait plutôt prendre la précaution de requérir l’autorisation préalable du titulaire des droits d’auteur.

Dans le monde corporel, la règle de l’épuisement du droit de distribution (art. L. 122-3-1 du CPI) veut que le titulaire de droits de propriété intellectuelle perde toute possibilité d’invoquer lesdits droits pour s’opposer à la libre circulation d’un exemplaire de son œuvre (livre, CD, DVD, poster, etc.) dès lors que le bien en cause a été commercialisé et mis sur le marché par le titulaire du droit ou avec son consentement au sein de l’Espace économique Européen.

  • La question s’est posée de savoir si cette règle pouvait être librement transposée au monde numérique

Dans l’arrêt Usedsoft, la CJUE a répondu à la question de savoir si l’utilisateur d’un logiciel pouvait librement revendre la copie de la licence qu’il a acquise licitement, à d’autres utilisateurs. La Cour, par une décision très critiquée par la doctrine française, a répondu par l’affirmative. Elle a considéré que l’éditeur de logiciels n’est plus en mesure de s’opposer à la revente de la copie de ses logiciels, ses droits d’auteurs susceptibles d’y faire obstacle, devant être considérés comme épuisés par la première mise à disposition de la copie. Cette décision était rendue sur le fondement de la Directive 2009/24/CE concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur.

Dans l’arrêt Tom Kabinet, la CJUE a cette fois adopté une position différente concernant la revente d’occasion d’ebooks dématérialisés en considérant que la notion de droit de distribution ne s’appliquait qu’aux objets tangibles et relevait du droit de « communication au public » prévu par la directive 2001/29/CE.

Cette solution se fonde sur le fait que dans l’univers numérique, les fichiers contenant l’œuvre se transmettent par le biais d’une reproduction et que les copies numériques dématérialisées, à l’inverse des livres sur un support matériel, ne se détériorent pas avec l’usage de sorte que les copies d’occasion constituent des substituts parfaits des copies neuves. Ainsi, le détenteur du fichier incluant une œuvre peut en revendre une parfaite copie sans pour autant se dessaisir de son propre fichier initial.

Dans cet arrêt, la CJUE a pris le soin de préciser qu’il ne s’agit pas d’un revirement par rapport à l’arrêt UsedSoft, mais que les deux directives en cause aboutissent en réalité à des solutions distinctes. Ainsi, seuls les biens dématérialisés entrant dans le champ d’application de la directive sur les programmes d’ordinateur sont susceptibles d’épuisement.

  • Concernant les NFT, la question n’est pas simple à trancher pour deux raisons

Tout d’abord, car certains NFT sont associés à la fois à une œuvre numérique, mais également à un bien corporel. Par exemple, le groupe de rock Kings of Leon a lancé la commercialisation de NFT permettant d’accéder à la fois à l’écoute de son dernier album, mais aussi de bénéficier de places de concert. Or, il ne fait aucun doute qu’une place de concert une fois acquise peut librement être revendue, car relevant de la qualification d’objet tangible.

Ensuite, s’agissant des NFT portant uniquement sur une œuvre numérique, l’importante nouveauté apportée par cette technologie est que le NFT permet de garantir l’authenticité et l’unicité de l’œuvre numérique à laquelle il renvoie via une URL (l’œuvre étant stockée hors chaîne sur un serveur ou via un stockage décentralisé de type IPFS). Ainsi, à la différence de la copie numérique classique d’une œuvre que tout à chacun pouvait aisément réaliser sans qu’il ne soit ensuite possible techniquement de distinguer la copie de l’original, le NFT permet de garantir cette unicité du fichier numérique.

On pourrait donc vraisemblablement considérer que la vente d’un NFT, par les garanties qu’apporte la technologie blockchain, est assimilable à la vente d’un exemplaire matériel dans la mesure où il s’agit de la vente d’un jeton unique non fongible, lequel donne lieu à une dépossession du créateur du NFT tant du jeton en lui-même que du support fichier de l’œuvre numérique dont l’authenticité est traçable.

Cependant, le doute est permis sur l’appréciation qu’en fera la jurisprudence au regard de ce qui avait été retenu dans l’arrêt Tom Kabinet, la Cour considérant que « l’intention à la base de la proposition de directive 2001/29/CE était de faire en sorte que toute communication au public d’une œuvre, autre que la distribution de copies physiques de celle-ci, relève non pas de la notion de « distribution au public », visée à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29, mais de celle de « communication au public », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive ».

Pour lire une version plus complète de cet article sur les NFT  et la propriété intellectuelle, cliquez

Sources :

Aurore SAUVIAT (Avocate IP, Digital & Data DPO Certifiée IAPP)
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000020085905#:~:text=Les%20oeuvres%20exécutées%20en%20nombre,autre%20manière%20par%20l%27auteur.https://www.doctrine.fr/d/TGI/Paris/2011/FR7DD8EBAF9403032AE437
https://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?num=C-128/11&language=FR
https://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&td=ALL&num=C-263/18

QUELLE PROTECTION POUR LE JEU VIDÉO ?

Le marché du jeu vidéo ne cesse d’augmenter. Cependant, d’un point de vue juridique, il n’a pas toujours été évident de déterminer les règles de protections applicables en matière de jeu vidéo. La jurisprudence a longtemps hésité sur la qualification du jeu vidéo.

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Il a dans un premier temps fallu reconnaître le jeu vidéo en tant que tel pour pouvoir y apporter une protection adaptée.

Le jeu vidéo comporte plusieurs éléments, comme le logiciel, l’interface graphique et sonore ou encore du game play. Il a donc fallu s’attarder sur la définition du jeu pour établir le cadre de la protection par rapport au droit de la propriété intellectuelle.

Pendant longtemps la jurisprudence n’a pas su définir clairement le jeu vidéo, encore aujourd’hui les définitions restent globalement peu satisfaisantes. La jurisprudence a dégagé plusieurs critères pour amener à la qualification de jeu vidéo. Mais dans certains cas, les critères qui ont pu être dégagés dans les années 90, manque parfois de pertinence. C’est le cas du critère lié au support matériel des cartouches de jeux, celles-ci sont de moins en moins utilisées en raison de la dématérialisation. Cependant, certains critères restent d’actualité, comme celui du logiciel, l’interactivité et de l’existence de séquence animée.


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Il est intéressant de revenir dans un premier temps que l’évolution jurisprudentielle sur la qualification du jeu vidéo, passant d’une qualification unitaire à une qualification distributive (I) ainsi que la qualification d’œuvre collaborative du jeu vidéo qui est venu écarter la qualification de l’œuvre collective. (II)

I L’hésitation jurisprudentielle menant à une qualification distributive du jeu vidéo

La jurisprudence a d’abord accordé une protection particulière au jeu vidéo découlant de la protection spécifique du logiciel et ainsi opérée une qualification distributive du jeu vidéo (A). Elle a finalement opté pour une qualification distributive du jeu vidéo en estimant que chaque composant du jeu vidéo devait être soumis à une protection propre à sa nature (A).

A) Le jeu vidéo : une œuvre unitaire protégée par le régime des logiciels

Le critère de l’originalité ne pouvant être retenu pour le jeu vidéo selon la jurisprudence, la qualité d’œuvre était par conséquent rejetée. Ainsi, le jeu n’était pas protégé par le droit de la propriété littéraire et artistique.

Dans un arrêt par le tribunal de Nanterre le 29 juin 1984, il a notamment énoncé que «  « ce qui est dénommés pingouins ou créatures hostiles ou encore monstres est constitué de lignes géométriques qui dessinent des silhouettes de schémas que l’on veut bien qualifier d’animaux, mais qui ne présentent pas de caractère particulièrement original, surtout si on les compare aux personnages fortement typés tels que ceux de Donald, Daisy, Minnie, Dingo et autre Mickey du monde féérique de Walt Disney »

Par la suite, la Cour de cassation a rendu les arrêts de principe du 7 mars 1986, Atari et William electronics. Dans ces arrêts, elle a finalement reconnu aux jeux vidéo la qualité d’œuvre de l’esprit pour autant que la condition de l’originalité soit satisfaite.

La position du Tribunal quant à la condition de l’originalité n’est pas rejetée, car le jeu vidéo doit être considéré par une œuvre de l’esprit et ainsi être protégeable par le droit d’auteur.

Après avoir enfin retenu au jeu vidéo la qualité d’œuvre de l’esprit, il a donc été question de le qualifier pour pouvoir appliquer les règles de protection adaptées.

Étant donné que le jeu vidéo regroupe différents composants a rendu complexe sa qualification. Il y a notamment le logiciel, le graphisme, les effets audio, etc.

Dans un premier temps, la jurisprudence s’est donc dirigée vers une qualification unitaire du jeu vidéo. Il était donc question d’appliquer la protection d’un des éléments du jeu à l’ensemble des autres composants.

Pour la Cour, « le logiciel, qui est un programme permettant le traitement de données, ne peut s’apprécier par rapport à un graphisme, à une animation ou à un bruitage, qui sont distincts du logiciel ».

Le législateur à l’époque reconnaissait la qualité d’œuvre de l’esprit au logiciel en raison de la loi du 3 mai 1985. C’est d’ailleurs ce qui a amené à la décision des arrêts Atari et Willaim electronics..

Une décision fondamentale a finalement été rendue consacrant dans un premier temps la qualification d’œuvre unitaire. Il s’agit de l’arrêt Mortal Kombat. Dans cet arrêt, la Cour de cassation énonce que le jeu vidéo doit être considéré comme un logiciel en précisant « “qu’indépendamment de l’appréciation qui peut être portée sur la valeur artistique ou esthétique des jeux vidéo, laquelle n’a pas à entrer en ligne de compte, il ne s’agit pas de la simple mise en œuvre d’une logique automatique, mais d’une création de l’esprit présentant un caractère original”.

Une partie de la doctrine a approuvé cette décision, néanmoins elle sera écartée par la Cour de cassation le 28 janvier 2003 qui énonce que le jeu vidéo n’est pas une œuvre audiovisuelle puisque celle-ci est communément définie comme une “séquence d’images sans interactivité”.

Cependant, la jurisprudence ayant tout de même énoncé que le logiciel devait être considéré comme l’élément principal du jeu, car il ne pouvait exister sans sa présence. Par conséquent, l’arrêt du 21 juin 2000 (Mortal Kombat) reconnaissait la qualification unitaire. Ils avaient ainsi estimé que le régime spécial du logiciel devait donc être appliqué à l’ensemble des composants du jeu. Ce régime accordant un avantage particulièrement important à l’éditeur du jeu.

Concernant le logiciel, il comporte lui-même plusieurs parties. Les idées, l’algorithme ainsi que ces fonctionnalités ne sont pas protégeables. Également, le droit d’auteur vient s’appliquer en ce qui concerne la forme exécutée du logiciel (le cahier des charges) mais aussi aux effets audiovisuels et l’interface graphique. Néanmoins, le droit spécial du logiciel s’applique lorsque cela concerne la partie programmée du logiciel, à savoir le code source.

Également, pour qu’un logiciel soit considéré comme original, la Cour de cassation énonçait dans l’arrêt Pachot rendu le 7 mars 1986 “qu’un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante et que la matérialisation de cet effort résidait dans une structure individualisée”

Pour rappel, l’existence d’un contrat de travail ne signifie pas forcément qu’il y ait une dévolution automatique sur les droits des œuvres créées par les salariés. Cependant, le droit spécial du logiciel prévoit quant à lui un mécanisme de dévolution automatique des droits à l’employeur, ainsi celui-ci est particulièrement avantageux pour l’éditeur.

Cela est prévu par l’article L.113-9 du Code de propriété intellectuelle (CPI). L’employeur est le seul pouvant dans ce cas exercer les droits patrimoniaux sur l’œuvre. De plus, l’auteur d’un des éléments du jeu vidéo ne saurait bénéficier de la rémunération pour copie privée. Le droit moral de l’auteur d’un logiciel est largement réduit.

Il ne sera notamment pas possible pour l’auteur ne s’opposer à la divulgation au public de l’œuvre, seul l’éditeur le peut. En outre, l’article 121-7 du CPI prévoit que l’auteur ne peut s’opposer à la modification du logiciel ou d’exercer ses droits de repentir et de retrait.

Ainsi, comme l’énonce la Cour d’appel de Douai dans un arrêt du 1er juillet 1996, “le droit moral se réduit en matière de logiciel au droit au nom”.

La qualification unitaire a finalement été largement critiquée étant bien trop à l’avantage de l’éditeur. La Cour a donc finalement opéré un revirement de jurisprudence et a opté pour une qualification distributive du jeu vidéo.

B) Qualification distributive du jeu vidéo : chaque élément protégé en fonction de sa nature

La jurisprudence a finalement opté pour une qualification distributive du jeu vidéo dans l’arrêt CRYO rendu le 25 juin 2009. Elle a énoncé qu’“Un jeu vidéo est une œuvre complexe qui ne saurait être réduite à sa seule dimension logicielle, quelle que soit l’importance de celle-ci, de sorte que chacune de ses composantes est soumise au régime qui lui est applicable en fonction de sa nature”.

Le jeu vidéo peut se décomposer en cinq composants principaux, à savoir, le logiciel, le scénario, les effets audiovisuels, la base de données et le game play. Chacun de ces composants ne pouvait se voir appliquer les mêmes règles de protection. Il convient donc d’appliquer des règles propres à la nature de chaque composant.

Le droit du logiciel dispose, comme dit précédemment, d’un statut spécifique. Une directive de 1991 renforcée en 2009 a amené ce droit spécial du logiciel. Le logiciel restera protégé par les règles de cette protection spéciale qui déroge au droit d’auteur. Ainsi, dans ce cas, l’auteur ne pourra exercer ses droits patrimoniaux. Ces derniers reviendront à l’éditeur du jeu vidéo.

Concernant les autres composant du jeu vidéo, ils pourront quant à eux bénéficier d’une protection propre à leur nature. Ainsi, selon la nature de leurs contributions, les auteurs pourront invoquer des règles spécifiques. L’arrêt CRYO met donc un terme à l’idée de qualification unitaire du jeu.

Tout d’abord, comme c’est le cas pour tous types d’œuvres, les auteurs devront satisfaire la condition de l’originalité de leur contribution au jeu vidéo pour se prévaloir de la protection par le droit d’auteur.

Lorsque cette condition est remplie, il conviendra d’apporter une protection adaptée à la nature de leur contribution. À titre d’illustration, la musique qui est intégrée dans le jeu vidéo sera régie par régime de protection des œuvres musicales, de sorte que l’auteur sera soumis à la gestion collective des œuvres musicales, ainsi qu’à leur mode de rémunération.

Dans un arrêt rendu par le Tribunal de Grande Instance de Paris le 30 septembre 2011, la question concernant la composition musicale insérée dans le jeu vidéo s’est notamment posée.

Ce jugement a une portée large en ce qu’il vient préciser le statut du jeu vidéo et de sa protection en se fondant sur la jurisprudence CRYO.

II. Le jeu vidéo : une œuvre audiovisuelle de collaboration

Nous verrons dans un premier temps comment le régime de l’œuvre collective et donc unitaire a été écarté par le TGI de Paris dans le jugement du 30 septembre 2011 en se fondant sur l’arrêt CRYO, puis dans un second temps, nous verrons les spécificités du régime de protection des œuvres audiovisuelles de collaboration, ainsi que les juges ont qualifié le jeu vidéo.

A. La protection du jeu vidéo par le statut de l’œuvre collective écartée

Le 30 septembre 2011, les juges ont privilégié le statut d’œuvre audiovisuelle de collaboration pour le jeu vidéo au détriment de celui qui est plus avantageux pour l’éditeur du jeu vidéo, le statut d’œuvre collective.

Ainsi, les juges se sont alignés sur la jurisprudence CRYO. En cela en rejetant la qualification d’œuvre unitaire (œuvre collective) au profit de l’œuvre distributive (œuvre de collaboration).

En l’espèce, une composition musicale avait été créée dans le cadre d’un contrat de travail. Celui-ci avait été conclu avec une société spécialisée dans le jeu vidéo. Ce contrat portait donc sur un jeu en particulier et la composition devait être utilisée uniquement pour ce dernier. L’auteur original de la composition s’est rendu compte qu’un CD avait également été créé reprenant les compositions musicales. Ce CD a fait l’objet d’une commercialisation sur un site internet, et ce, sans l’autorisation de l’auteur. Il a donc assigné la société en contrefaçon sur le fondement du droit d’auteur.

La société estimait que la qualité d’auteur ne pouvait être invoquée par le demandeur dans la mesure où il ne disposait pas d’une liberté de création, mais qu’au contraire il était subordonné aux instructions de la société.

Ainsi, la cour a dû répondre à la question suivante : “est-il possible d’assimiler le jeu vidéo à une œuvre collective ?”

Pour rappel, une œuvre collective peut se définir comme un rassemblement sous une autorité unique d’un ensemble de forces individuelles de travail en vue d’atteindre un résultat unitaire.

L’article L.113-2 du CPI dispose en ce sens qu’“Est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé”.

Les juges dans l’arrêt du 30 septembre retiennent finalement que la composition musicale peut être séparée du jeu vidéo, en effet, elle peut être écoutée sans jouer audit jeu, et est donc détachable.

Par conséquent, il est possible d’attribuer un droit distinct au compositeur sur cette contribution. Également,, le tribunal souligne l’indépendance de création dont a bénéficié l’auteur. Les juges ont tiré de ces constatations la qualité d’auteur du compositeur.

Ainsi, le tribunal écarte le jeu vidéo du régime de l’œuvre collective, celui-ci prévoyant que “l’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle est divulgué. Cette personne est investie des droits d’auteur” en vertu de l’article L.113-5 du CPI.

Au regard de ce qui précède, le TGI de Paris a donc conclu que le jeu vidéo constituait une œuvre de collaboration ouvrant le droit à la protection par le droit d’auteur. La question est à présent de savoir comment s’organise cette protection.

B. La protection du jeu vidéo par le régime de l’œuvre de collaboration

L’article L.113-2 al 1er du Code Propriété intellectuelle définit l’œuvre collaborative et dispose ainsi qu’ » « Est dite œuvre de collaboration, l’œuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques. ». À l’inverse de l’œuvre collective, dans l’œuvre collaborative les coauteurs disposent d’une autonomie dans la création. Ainsi, en caractérisant l’autonomie dans le jeu vidéo, le statut d’œuvre collective a pu être reconnu à ce dernier.

De plus, l’article L. 113-3 précise que « L’œuvre de collaboration est la propriété commune des coauteurs. Ils doivent exercer leurs droits d’un commun accord. En cas de désaccord, il appartiendra à la juridiction civile de statuer. »

Ainsi, les actes d’exploitation du jeu vidéo devront être consentis par l’ensemble des coauteurs. La Cour de cassation dans un arrêt rendu par sa première chambre civile le 19 décembre 1989, à notamment eu l’occasion d’en apporter la confirmation.

Par conséquent, dès lors que le consentement de l’ensemble des coauteurs du jeu vidéo n’a pas été recueilli, les actes d’exploitation constitueraient une contrefaçon, comme énoncé dans l’arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 19 mai 1976. .

Également, sous peine d’irrecevabilité, les actions en protection des droits sur l’œuvre doivent être exercées en commun, comme décidée par la Cour de cassation dans un arrêt du 4 octobre 1988.

Concernant la protection des contributions à part entière. Le musicien qui a élaboré les morceaux de musique pour le jeu vidéo est donc auteur, et il bénéficie sur cette contribution des droits de propriété intellectuelle et artistique. Il pourra ainsi se prévaloir des prérogatives patrimoniales (droit de reproduction prévu à l’article L. 122-3 du CPI, droit de représentation prévu à l’article L. 122-2, droit de suite prévu à l’article L. 122-8) et du droit moral (droit de divulgation prévu à l’article L.121-2 du CPI, droit de paternité prévu à l’article L.121-1, droit au respect de la création prévu à l’article L.121-1, droit de retrait et de repentir prévu à l’article L.121-4.

En outre, il peut notamment exercer ses droits en autorisant des actes d’exploitation de sa contribution. Dans le cadre d’une œuvre de collaboration néanmoins, ce droit est aménagé comme suit. L’auteur d’une contribution peut consentir l’exploitation de celle-ci sans en demander l’autorisation à l’ensemble des coauteurs de l’œuvre. C’est en effet ce que dispose l’article L. 113- 3, al.4 du CPI. Si l’on le rapporte à l’espèce de l’arrêt du 30 septembre 2011, cela signifie donc que le musicien, auteur d’une composition musicale peut autoriser la reproduction de cette musique par des tiers sans avoir à recueillir le consentement de qui que ce soit

Cependant, une limitation à cette liberté d’exploitation est apportée par l’article L. 113- 3, ce dernier énonce que l’exploitation de la contribution personnelle ne doit pas « porter préjudice à l’exploitation de l’œuvre commune ». La jurisprudence a considéré par exemple que l’exploitation de la contribution ne pouvait compromettre le succès de l’œuvre dans son entier (TA Nice, 6 avril 1966).

L’auteur d’une contribution dispose également d’une action en contrefaçon si une utilisation de sa contribution est faite sans son consentement.

Dans le jugement rendu le 30 septembre 2011, on se retrouve notamment dans cette situation. En effet, une société avait exploité les morceaux de musique indépendamment du jeu vidéo. La société n’avait pas obtenu d’autorisation de la part de l’auteur de la contribution. C’est ainsi qu’elle s’est rendue fautive d’un acte de contrefaçon.

Par conséquent, l’autorisation accordée par l’auteur de la contribution d’un jeu vidéo pour pouvoir l’exploiter ne s’étend pas à l’exploitation de la contribution seule. Ainsi, pour exploiter une contribution d’un jeu vidéo, il faut en demander l’autorisation à son auteur.

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L’EXCEPTION DE COPIE PRIVÉE

Qu’est-ce l’exception pour copie privée?

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Elle a été instaurée par la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 et codifiée à l’article L. 122-5-2 ° du Code de la Propriété intellectuelle pour le droit d’auteur et à l’article L. 211-3-2 ° pour les droits voisins du même code. Au travers la transposition de la directive européenne sur le droit d’auteur, le législateur avait pour but de renforcer l’exception pour copie privée en empêchant aux auteurs d’une œuvre de l’esprit de limiter la copie.

L’auteur d’une œuvre de l’esprit dispose de plusieurs droits sur son œuvre. D’ailleurs, l’article L. 111-1 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle dispose ainsi que : « L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété intellectuelle exclusif et opposable à tous ». Par ailleurs, l’article L. 111-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que : « L’œuvre est réputée créer, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l’auteur ».


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L’auteur d’une œuvre de l’esprit est donc protégé par le droit sur son œuvre, à condition que celle-ci soit originale, c’est-à-dire, une création intellectuelle propre à lui au travers des choix libres et créatifs ; et une œuvre avec une forme communicable, c’est-à-dire, une œuvre objective et précise selon la jurisprudence.

Dès lors, l’auteur dispose de droits moraux (droit de divulgation, droit d’attribution ou de paternité, droit de retrait ou de repentir, et enfin, droit au respect de son œuvre) ; et de droits patrimoniaux (droit de reproduction et de représentation). Ces droits doivent impérativement être respectés, les droits moraux étant inaliénables.

Cependant, tous ces droits trouvent plusieurs exceptions, parmi lesquelles figure l’exception pour copie privée. Ce dernier est, donc, une exception au droit d’auteur. Elle permet à une personne de reproduire et d’exploiter la copie d’une œuvre protégée par le droit d’auteur dans un cadre privé, et uniquement privé. Cette exception a un caractère d’ordre public, mais elle est toutefois soumise à une condition de divulgation. L’œuvre doit avoir été préalablement divulguée par l’auteur (L. 122-5 du Code de la propriété intellectuelle).

L’exception pour copie privée n’est pas un droit, mais une exception uniquement. Elle ne permet pas d’introduire une action à titre principal. La Cour de cassation l’a précisé dans un arrêt en date du 19 juin 2008. En l’espèce, un particulier avait assigné les producteurs d’un film parce qu’il n’avait pu utiliser l’exception pour copie privée pour faire une copie du DVD du film qu’il avait acheté. La Cour de cassation, confirmant l’arrêt de la Cour d’appel, estime que l’exception pour copie privée prévue à l’article L. 122-5 du CPI ne constitue pas un droit, mais bel et bien une exception à l’interdiction de reproduire une œuvre protégée.

Dans un autre arrêt en date du 20 juin 2007, la Cour d’appel estime que la nature juridique de la copie privée ne constitue pas un droit, mais une exception légale au principe de la prohibition de toute reproduction intégrale ou partielle d’une œuvre protégée faite sans le consentement du titulaire de droits d’auteur.

Par ailleurs, l’exception pour copie privée ne peut être utilisée par le consommateur que pour se défendre d’une action en contrefaçon. Elle ne peut être invoquée comme un droit à copier de façon systématique l’œuvre d’un auteur.

Usage et utilité de la copie privée

À l’heure actuelle, la copie privée peut servir pour plusieurs choses. Pour cela, il faut se référer à l’article L. 122-5 du CPI qui prévoit que l’exception pour copie privée peut être destinée à des fins pédagogiques dans le cadre de l’enseignement et de la recherche; à des fins d’archivage; à des fins de reproduction technique transitoire pour utilisation licite; pour publication par voie de presse; reproduction pour la collecte du dépôt légal, etc.

Dans une récente décision, la Cour de justice de l’Union européenne estime que l’exception pour copie privée s’applique aussi au stockage sur le nuage (cloud) d’une copie à des fins privées d’une œuvre protégée. Toutefois, les titulaires de droits d’auteur doivent recevoir une compensation financière en général et équitable (CJUE 2ème ch., 24 mars 2022, aff. C-433/20, Austro-Mechana Gesellschaft zur Wahrnehmung mechanisch-musikalischer Urheberrechte Gesellschaft mbH c./ Strato AG).

La mise en œuvre de cette exception est subordonnée au respect du « test des trois étapes » qui consiste à soumettre l’exception à trois conditions qu’elle soit limitée à des cas spéciaux, ne pas porter atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre, ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur. Ces dernières dispositions sont transposées à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle par la loi du 1 er  août 2006, transposant la directive 2001/29 à la suite notamment, de la retentissante affaire Mulholland drive.

La copie d’un DVD du film « Mulholland Drive » faite par un particulier en détournant les mesures de protection technique sera sanctionné de contrefaçon, la 1e chambre civile de la Cour de cassation considérant que la copie privée portait nécessairement atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre, car cette atteinte doit « s’apprécier au regard des risques inhérents au nouvel environnement numérique ». Cette atteinte doit aussi s’apprécier par rapport à l’importance économique de l’exploitation de l’œuvre sous forme de DVD (Cass. Civ. 1, 19 juin 2008, n° 07-14.277).

Par ailleurs, en cas de confrontation entre des droits et libertés fondamentaux et les intérêts légitimes de l’auteur, ces derniers pourront être privilégiés. Le juge devra dès lors effectuer une mise en balance des intérêts. À titre d’illustration, la Cour d’appel de Versailles a été amenée à faire primer le droit d’auteur sur la liberté d’expression, jugeant que dans le cas d’espèce qui lui était soumise, la partie se prévalant de l’exception n’apportait pas la preuve que le juste équilibre entre la protection de l’œuvre première et la liberté de création justifiait qu’une atteinte soit perpétrée à l’encontre des droits de l’auteur de l’œuvre originale (CA Versailles, 16 mars 2018, Peter Klasen/Alix Malka, n° 15/06029; Cass 1 re civ, 15 mai 2015, Peter Klasen/Alix Malka, n° 13-27391). En clair, pour que l’article 10 de la CESDH puisse être invoqué au soutien d’une atteinte aux droits patrimoniaux et moraux de l’auteur, il convient d’apporter la preuve que la reprise de l’œuvre initiale est « nécessaire et proportionnée à la liberté d’expression créatrice ».

Les copies exclues de l’exception de copie privée

Certaines œuvres sont exclues de l’exception de copie privée; elles sont listées à l’article L. 122-5 du CPI:

-Les copies d’œuvres d’arts sauf celles destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée.

Les logiciels et copies de logiciels

-Les bases de données électroniques

La compensation pour copie privée

En contrepartie de l’exception de copie privée, l’article L. 311-1 du CPI institue le mécanisme de la rémunération pour copie privée. Ainsi, le montant doit être porté à la connaissance de l’acquéreur lors de la mise en vente des supports d’enregistrement concernés, et cela, depuis le 1 er avril 2014.

De même, une notice explicative relative à la rémunération et à ses finalités doit être portée à la connaissance de l’auteur de l’œuvre. L’information doit être claire et lisible dans les lieux de vente lorsque c’est physique. En revanche, lorsque la mise en vente est faite à distance, cette information doit être portée à la connaissance de l’acquéreur de façon précise par tout moyen faisait preuve, avant la conclusion du contrat.

La notice doit également mentionner la possibilité de conclure des conventions d’exonération ou d’obtenir le remboursement de la rémunération pour copie privée dans les conditions prévues.

En l’absence de paiement, les redevables encourent une sanction pour contrefaçon. Cette sanction est punie d’une amende de 300. 000 euros selon l’article L. 335-4 alinéa 3 du Code de la propriété intellectuelle.

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SOURCES:

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038481211/
https://www.actualitesdudroit.fr/browse/affaires/immateriel/36814/pour-la-cjue-l-exception-de-copie-privee-s-applique-au-stockage-sur-le-nuage-cloud
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000019034711/
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028316669/