L’originalité de l’œuvre littéraire

Print Friendly, PDF & Email

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire et un avocat enverra une lettre de mise en demeure !

Le droit d’auteur assure la protection de l’œuvre littéraire originale. La catégorie des œuvres littéraires englobe, dans un sens large, toutes les œuvres du langage, écrites comme orales. Les œuvres littéraires se composent de trois éléments : l’idée,  l’expression et la composition. Du fait du principe d’inappropriation des idées, l’originalité de l’œuvre littéraire doit se situer dans l’expression ou la composition.

I. L’originalité de l’œuvre littéraire du fait de l’expression ou de la composition

A) Définitions de l’expression et de la composition

Les deux notions concernent la forme de l’œuvre et non son fond.

  1. L’expression

L’expression est le style ou la manière d’écrire. Elle tient au choix et à la combinaison des mots comme aux formes grammaticales employées. Son originalité est facilement reconnue, en règle générale.

Il est à préciser que l’originalité de l’expression doit s’apprécier par une impression d’ensemble délivrée par la phrase, voire par une suite de phrases[1]

2. La composition

La composition désigne « le développement et l’ordonnancement des différentes idées de l’œuvre » [2]. Dans une œuvre de fiction, ce sera l’action, les personnages et l’enchaînement des situations.


 

Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrefaçon ?

Téléphonez nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez nous en cliquant sur le lien


La composition est banale lorsque l’enchaînement des idées est imposé par la logique propre au sujet traité, ce qui est souvent le cas des écrits savants.

Pour participer à l’originalité de l’œuvre littéraire, ou prétendre à une protection autonome, les personnages littéraires doivent être caractérisés en détail et en profondeur. Quelques traits personnels ne suffisent pas, car ce serait s’approprier une idée. C’est la seule reprise de l’ensemble de ses traits qui peut constituer la contrefaçon (« l’originalité ne peut être reconnue qu’à un tout », [3]).

B) L’indifférence à l’idée de l’originalité de l’œuvre littéraire d’information

  1. Les œuvres savantes.

Leur originalité ne peut tenir aux idées qu’ils renferment, lesquelles entrent dans le fonds commun de la science dès leur diffusion. Le droit d’auteur ne « protèg[e] pas les idées exprimées, mais seulement la forme originale sous laquelle elles le sont  » [4].

L’originalité d’une œuvre savante peut être tirée de l’expression. La reprise de faits historiques ou légendaires tirés d’ouvrages antérieurs n’est pas exclusive d’originalité, dès lors qu’elle est écrite dans un style totalement différent. En revanche, il y a contrefaçon en cas de reproduction quasi servile du texte [5]. De même, un roman historique peut puiser son inspiration dans des livres d’histoire [6].

Des indices de composition originale des ouvrages savants ont pu être trouvés dans le choix des matières traitées, l’angle neuf selon lequel le sujet est traité, le choix du plan ou le caractère encyclopédique de l’ouvrage [7]. En revanche, la composition de tels ouvrages est banale si elle se contente de répondre à l’ordre interne au sujet traité, à la compréhension duquel le plan choisi ne présente aucun apport particulier [8]

« En principela définition d’un terme technique qui possède une signification précise pour les professionnels concernés, n’est pas en soi une création intellectuelle originale », cependant un dictionnaire technique peut être reconnu original et protégé contre la reproduction de ses définitions, dès lors que celles-ci sont particulièrement détaillées [9].

  1. Les articles de presse

Les articles de presse peuvent être originaux dès lors qu’ils ne se résument pas à une information brute.

Au niveau de l’expression, le choix d’un vocabulaire qui ne s’imposait pas pour la présentation de l’information au public peut valoir l’originalité d’un article.

Au niveau de la composition, l’originalité peut être caractérisée « par le traitement personnel d’une question, dans la façon de l’aborder et donc dans les choix arbitraires de la présentation des informations brutes. » [10]. Les juges sont souvent attentifs à la présence de commentaires, qui signalent un point de vue personnel. Ainsi a été admise l’originalité de comptes rendus de courses hippiques qui « ne se born[aient] pas à retranscrire des résultats sportifs, mais livr[aient] une analyse précise des performances passées et des potentialités des chevaux participants aux courses » [11]. Mais ne mérite aucune protection l’article qui « ne contient aucun commentaire de l’information délivrée, [alors que celle-ci] n’est pas présentée avec un style littéraire particulier propre à son auteur, s’agissant de phrases simples, dépourvues de toute recherche stylistique. » [12].

L’interview est jugée originale en présence d’une relation de l’entrevue sous la forme d’un article de fond, avec insertion des paroles de l’interviewé ou de la refonte des réponses de l’interviewé sous la forme de phrases structurées [13].

En cas de retranscription simple de l’interview, l’originalité est à chercher dans les questions du journaliste. Sont-elles originales dans leur choix ou formulation ? Sont-elles le résultat de réactions spontanées et originales aux réponses de l’interviewé ? A défaut, l’originalité ne pourra venir que de l’interviewé et du tour personnel que celui-ci aurait donné à l’expression de sa pensée [14].

II. L’originalité de l’œuvre littéraire du fait de la seule expression ou de la seule composition

A) L’originalité de l’œuvre littéraire dérivée

La traduction et le recueil sont les deux œuvres dérivées les plus courantes dans le domaine littéraire.

La traduction est un exemple d’œuvre littéraire originale par la seule expression. En raison du caractère naturellement personnel de l’expression écrite, l’originalité d’une traduction est généralement admise, sauf hypothèse d’une traduction littérale.

En cas de mise en doute de l’originalité d’une traduction, le juge procède souvent à la comparaison de cette dernière avec une traduction littérale de l’œuvre première. Les éléments significatifs et arbitraires par lesquels la traduction comparée se démarque de la traduction littérale sont autant d’indices de choix personnels révélateurs d’une originalité.

Le recueil est un exemple d’œuvre littéraire originale par la seule composition. Le choix des textes compilés, né d’un goût propre au compilateur, est ici garant d’une empreinte de la personnalité de l’auteur laissée à l’œuvre.

B) L’originalité de l’œuvre littéraire courte

    1. Le titre

Le juge pourra justifier sa décision par la présence de termes originaux au regard de la chose désignée ou par celle d’une combinaison originale de termes courants. Ainsi le titre « Hara Kiri » donné à un journal satirique est jugé original, parce que l’expression choisie est « détournée de son sens commun initial et porteur d’un message totalement décalé » [17]. En revanche, le titre « La croisière des sables » manque d’originalité, parce que « constituée de deux mots, croisière et sable, qui sont tous deux employés dans leur sens commun» [18]3.

Néanmoins, le titre banal peut être protégé contre la concurrence déloyale en cas de risque de confusion avec une œuvre du même genre. Cette possibilité tient à une application extensive de l’alinéa 2 de l’article L.112-4 du CPI qui, à la lettre, ne protège que les titres originaux après expiration de la protection du droit d’auteur. Dans ce cas, c’est le caractère distinctif du titre qui est protégé, et face à un risque de confusion avéré, le titre n’a plus qu’à remplir une condition de nouveauté pour bénéficier d’une protection.

  1. Le slogan

L’on lit depuis longtemps dans la jurisprudence que l’originalité du slogan tient « soit à l’idée qu’il exprime, soit à l’ingéniosité de la formule. » [19].

Mais au vu des décisions reconnaissant l’originalité du slogan en raison de l’originalité de l’idée, l’on peut remarquer que l’expression était pareillement originale.

Si les formules des tribunaux peuvent laisser entendre que l’originalité d’un slogan peut tenir à son idée, c’est en raison de ce que l’expression est elle-même porteuse d’une idée, distincte de l’idée à communiquer. Cette idée cristallisée dans la formulation du slogan est le mode opératoire de la persuasion dans l’esprit du public. Alors, l’expression est moins la marque d’une personnalité que d’un effort intellectuel et reconnaître l’originalité de l’idée d’un slogan, c’est saluer l’originalité de l’expression.

L’appréciation de l’originalité de l’expression d’un slogan se fait selon les mêmes critères que pour un titre, à savoir le choix et la combinaison des termes. Par exemple, le slogan ‘l’Avenir au présent’ a été jugé original parce que, « si le slogan est composé de deux mots du vocabulaire courant, le rapprochement de ceux-ci et le rapport non nécessaire qui a été établi entre eux par l’auteur du slogan dans une formulation élégante porte la marque de la personnalité de celui-ci. » [20].

Ppour lire une version plus complète de l’article sur l’originalité de l’oeuvre littéraire, cliquez sur le lien

Sources

[1] Tribunal de grande instance de Paris – 15 février 2008 – n° 06/06225,
[2] H. Desbois, Le droit d’auteur en France : Dalloz, 3e éd. 1978
[3]Cour d’appel de Paris – 26 novembre 2014 – n° 13/01472, concernant les points communs, banals et de libre parcours, de deux personnages d’œuvre de fiction différente
[4] Civ. 1, 8 novembre 1983, n° 82-13.547, au sujet des écrits d’une association savante de phytothérapie dont les idées étaient reprises dans un ouvrage sur le sujet
[5] Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 1 avril 2008, 06/09290, au sujet de livres portant sur l’histoire des chiffres
[6] TGI Paris, 5 avril 2013 : Légipresse 2013,n° 305, p. 265, au sujet d’un roman antiquisant de P. de Carolis empruntant beaucoup aux ouvrages de l’historien P. Grimal, parfois jusque dans la formulation, en des endroits que les juges qualifient de « détails habilement distillés de sorte qu’aucune phrase n’est la reprise au mot à mot de phrases originales », cette mansuétude devant s’expliquer par la composition de l’ouvrage, propre à la forme romanesque
[7] Tribunal de grande instance de Paris, Chambre civile 3, 1 avril 2008, 06/09290, précité
[8] Crim., 18 octobre 2011, n° 11-81.404
[9] Cour d’appel de Paris, 25 mars 2002, n° 02/00114, qui estime, au sujet d’un dictionnaire technique de la bourse et des marchés financiers, que « la présentation détaillée et précise [des notions] marque l’originalité et l’apport de l’auteur, qui a par exemple inclus, dans la définition elle-même, des précisions et commentaires personnels dans des phrases placées entre parenthèses ».
[10] TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 24 mars 2010, n° 08/12969
[11] CA Paris, 21 mars 2007, n° 05/20081
[12] TGI Paris, 3e ch. 3e sect., 24 mars 2010, précité
[13] Civ. 2, 30 janvier 2014, n° 12-24145, qui considère originale l’interview dans lequel le journaliste a « donn[é] à l’expression orale [de l’interviewé] une forme écrite élaborée, fruit d’un investissement intellectuel ».
[14] TGI Paris, 24 mars 1982 JCP G 1982, II, 19901
[15] TGI Nanterre, 28 avr. 1998 : PIBD 1998, 658, III, 385
[16] TGI Nanterre, 28 juin 1995, Laloux c/ Paravision, RDPI 1995, no 62, p. 52
[17] TGI Paris, 4 nov. 2016, n° 16-11158 : JurisData n° 2016-024344
18] Civ. 1, 6 mai 2003, n° 01-02.237
[19] CA Paris, 4e ch., 30 avr. 1963, IEPF c/ CMF, Ann. 1964, 280
[20] CA Paris, 4e ch., 26 janv. 1989, Ambassade Publicité c/ Milbox, PIBD 1989, III, 32

Cet article a été rédigé pour offrir des informations utiles, des conseils juridiques pour une utilisation personnelle, ou professionnelle. Il est mis à jour régulièrement, dans la mesure du possible, les lois évoluant régulièrement. Le cabinet ne peut donc être responsable de toute péremption ou de toute erreur juridique dans les articles du site. Mais chaque cas est unique. Si vous avez une question précise à poser au cabinet d’avocats, dont vous ne trouvez pas la réponse sur le site, vous pouvez nous téléphoner au 01 43 37 75 63.