Droits d’auteur

Responsabilités du fait des liens

Avec l’arrivée du web 2.0 une nouvelle possibilité s’est ouverte par le biais des liens hypertextes. Ceux-ci permettent de créer un lien d’un site vers un autre, d’un contenu vers un autre contenu, c’est alors un outil qui apparait aujourd’hui indispensable pour naviguer sur le net. Mais le problème c’est que ces liens peuvent permettre de s’approprier le travail d’autrui. En mettant en place un lien hypertexte, est-il possible d’engager sa responsabilité ?

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I. LES PROBLEMES SOULEVES PAR LES LIENS

La nétiquette conseille d’avertir le propriétaire du site qu’on aimerait lier à son site. C’est une règle qui est un peu tombée en désuétude. Le propriétaire du site référencé voit sa notoriété augmenter au fil des liens . Mais il faut qu’il puisse être identifié !! En effet, les liens peuvent aussi servir à s’approprier le travail d’autrui. Il y a différentes façons de créer des liens d’un site vers un autre qui peuvent s’apparenter à de la contrefaçon .

A) le framing

Cette méthode permet d’afficher n’importe quel document disponible sur Internet dans l’une des fenêtres de sa page personnelle. Cette technique substitue donc l’adresse du site principal à celle du site lié, dans la barre du navigateur.

Les oeuvres n’ont pas été à proprement parlé reproduites, elle sont été simplement appelé par un code informatique. Néanmoins, l’auteur du site lié peut rappeler que selon l’article L. 122-4 du Code de la propriété intellectuelle, le simple fait de « représenter « des oeuvres sans le consentement de l’auteur est répréhensible.

B) liens hors-contexte

Les auteurs de sites font souvent de liens vers des sites qui eux font de la contrefaçon.Y a- t- il alors délit de contrefaçon ? Non, même s’ il y a passage dans la mémoire cache de l’ordinateur.


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Si le lien pointe vers une page secondaire du site, il peut y avoir atteinte à l’intégrité du site et donc contrefaçon.

Si des liens sont fait vers un site d’une grande marque, il peut aussi y avoir contrefaçon. Ainsi si un site d’un petit fabriquant de vêtement pointe vers le site de Channel, ce lien pourrait constituer une contrefaçon par utilisation et usage parasitaire.. Ce ne serait pas le cas d’un lien vers le site de Channel partant d’un site sur les différentes tendances de la mode.

Le tribunal de Commerce de Paris s’est prononcé le 26 décembre 2000 sur le deep-linking et a décidé qu’il constituait un  agissement déloyal et parasitaire condamnable sur le fondement de l’article 1382 du Code civil français.

Des liens hypertexte peuvent aussi faire l’objet de dénigrement si ces liens vers un site concurrent sont accompagnés de commentaires désobligeants.

Ce type de liens pourrait été considéré comme de la concurrence déloyale par dénigrement.

Les liens vers des sites d’entreprises concurrentes peuvent être considéré comme de la publicité comparative illicite .

C) liens hors la loi

Si vous placez des liens de votre site vers un site révisionniste ou à connotation pédophile êtes vous coupable de cette infraction par complicité ?

En fait, s’il s’agit d’un lien direct, l’infraction est constituée et le code pénal français pourrait s’appliquer.

S’il s’agit de liens indirects, il n’y a pas de responsabilité pénale, sauf à prouver que l’auteur des liens avait connaissance du fait que les liens de son site renvoyaient indirectement à de sites illicites .(Un lien indirect est une succession de liens pointant de sites en sites .)

Il vaut donc toujours mieux avoir un accord écrit, même si uniquement par mel, de l’auteur du site vers lequel un lien est crée.

 

II. LES SOLUTIONS FRANCAISES

Les tribunaux français n’ont rendu de décision, pour le moment, que dans des hypothèses de liens vers des sites jugés illégaux :

Le tribunal correctionnel d’Epinal a rendu une décision le 24 octobre 2000 : un site Internet mettait à la disposition des visiteurs des fichiers MP3 en violation des droits d’auteurs. L’auteur du site condamné à 4 mois de prison avec sursis et à 20.000 € de dommages-intérêts. Le site ne proposait cependant que des liens vers ces sites illicites et n’hébergeait pas les fichiers mp3 eux- mêmes.

Le tribunal correctionnel de Saint-Etienne avait rendu le 6 décembre 1999 le même type de décision.

En outre, la Cour de cassation a rendu, le 01 septembre 2020, aborde la question de la responsabilité pénale de l’auteur d’un lien hypertexte.

La Cour de cassation avait cassé l’arrêt de la Cour d’appel dans lequel elle reproche à celle-ci d’avoir reconnu la culpabilité de l’auteur du lien hypertexte sans examen préalable des modalités et du contexte en vertu desquelles avait été inséré le lien hypertexte qui renvoie au contenu diffamatoire.

Force est de constater, à cet égard, que la Cour tient à accorder aux juges plus de pouvoir d’appréciation souverain s’agissant du contexte inhérent au partage du lien hypertexte en question.

 

III. LES SOLUTIONS ETRANGERES

A) Les questions de propriété intellectuelle

USA l’affaire »Total News« : en utilisant la technique du « framing« , la société Total News profitait du contenu de nombreux sites journalistiques. Les parties ont conclu un accord obligeant Total News à mentionner la source des documents liés .

Pays-Bas : Une société exploitait un site web  » Kranten.com  » sur lequel on trouvait essentiellement une sélection de titre d’articles de journaux.

Un éditeur hollandais de quotidiens , PCM, a saisi la justice, s’estimant lésé par l’activité de deep-linking de  » Kranten.com « . Il invoquait le fait que l’accès aux articles par deep-linking lui était préjudiciable dans la mesure ou les visiteurs ne passaient plus par la page d’accueil . En conséquence, l’espace publicitaire situé sur cette page était moins rentable car la page était moins fréquentée.

Les juges ont conclu le 22 août 2000 à la légalité du deep-linking dans cette hypothèse, en se basant sur une disposition néerlandaise proche de l’exception de revue de presse française.

B) Les cas de liens vers des sites jugés illicites

Belgique : Le tribunal de commerce de Bruxelles a condamné, le 2 novembre 1999, un hébergeur à retirer de ses serveurs des liens hypertextes placés sur certaines pages hébergées au motif qu’ils renvoyaient vers des fichiers illégaux (MP3).

Belgique : Le tribunal de première instance d’Anvers a condamné, le 21 décembre 1999, le propriétaire d’un site qui comprenait plus de 25.000 liens vers des fichiers MP3 illégaux, sur la base de l’article 1382 du code civil belge qui est le même que celui du code civil français.

Allemagne : Une décision du 12 mai 1998 d’un tribunal de Hambourg a retenu la responsabilité délictuelle d’une personne qui avait établi une compilation de liens hypertextes vers des informations en ligne portant atteinte à l’honneur d’une autre personne.

Etats-Unis : Dans l’affaire  » Ticketmaster Corp. v. Tickets.com « , la federal district court de Los Angeles a considéré, le 27 mars 2000, qu’un lien hypertexte ne pouvait pas en tant que tel violer le droit d’auteur d’autrui. Dans ce cas ce lien serait assimilable à une référence bibliographique indiquant uniquement le lieu de l’œuvre recherchée.

Etats-Unis : Dans des affaires où des sites offrait des liens vers un programme permettant de décrypter les protections des DVD, des solutions contradictoires ont été rendues en fonction des états : la cour supérieure de Californie a refusé, le 20 janvier 2000, d’interdire ces liens, et la cour du district sud de New-York a interdit ces liens le 17 août 2000, en se basant sur le Digital Millennium Copyright Act de 1998.

Canada : La Cour suprême du Canada, dans l’affaire Crookes v Newton de 201, avait statué qu’un lien hypertexte qui renvoie vers un site, dans lequel un contenu protégé a été légalement partagé, n’est pas une reproduction en soi et par conséquent ne porte pas atteinte aux droits d’auteur. Elle rajoute également qu’un hyperlien en soi ne constitue pas une publication de matériel diffamatoire, et que la poursuite en diffamation de Crookes devrait être rejetée parce que les hyperliens sur le site Web de Newton vers d’autres contenus prétendument diffamatoires n’étaient pas une « publication » de matériel diffamatoire.

CONCLUSION On observe que dans l’ensemble, les solutions françaises et étrangères sont relativement cohérentes, les Etats-Unis se situant un peu à part notamment car ils ne reconnaissent pas en tant que tel le droit d’auteur.

Mais les décisions semblent toutes aller vers une responsabilité de l’auteur du lien, que ce soit un lien vers un site illégal ou bien un lien vers des pages en violation du droit d’auteur.

Ces techniques peuvent être contournée néanmoins sans difficulté aucune par la cible , tout au moins en ce qui concerne celui qui subit le framing : il suffit de rajouter les lignes suivantes de code dans le corps de la page htm, après la balise Body :

SCRIPT LANGUAGE= »JavaScript » if (top.frames.length!=0) {top.location=self.document.location;} /SCRIPT(en refermant bien les parenthèses des balises)

Sources :
crim., 1er septembre 2020, n°19-84.505
https://digitalcommons.wcl.american.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1107&context=ipbrief

https://globalfreedomofexpression.columbia.edu/cases/crookes-v-newton/

La reconnaissance d’un droit au sample

Le  » sampling  » consiste en l’utilisation d’un extrait musical d’une première oeuvre pour créer une seconde oeuvre. Si dans un premier temps, le droit a cherché à protéger la propriété des auteurs sur leurs oeuvres, les juridictions ont tendance aujourd’hui à reconnaitre un droit au  » sample « .

Une nouvelle méthode de création musicale est appelée  » sampling « , ou  » échantillonnage  » en français. Elle consiste à intégrer un court l’échantillon d’une première oeuvre musicale dans une seconde.

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Défini également par la CJUE, le « sampling », est « la technique de l’« échantillonnage », qui consiste, pour un utilisateur, à prélever, le plus souvent à l’aide d’équipements électroniques, un échantillon d’un phonogramme, et à l’utiliser aux fins de la création d’une nouvelle œuvre ».

Souvent, les artistes empruntent l’extrait sans demander à l’auteur, et sont alors susceptibles d’être attaqués sur le fondement du droit d’auteur.

C’est le cas de Michael Jackson qui en 2008 se fit attaquer par Manu Dibango devant le Tribunal de Grande Instance de Paris pour avoir  » samplé  » une de ses chansons sans son autorisation.

La musique populaire actuelle utilise de plus en plus le  » sample « , c’est pourquoi s’est greffé au débat juridique une véritable composante économique et culturelle.

La doctrine, elle, se demande même si le  » sample  » est une oeuvre musicale à part entière ou non. Les enjeux sont importants. En effet, si le  » sample  » revêt la qualification d’oeuvre musicale, il pourra prétendre à la protection du droit d’auteur. Sinon, sa protection sera plus faible.

Le droit français n’emploie pas le mot  » sample « , mais certains textes ont permis de l’appréhender malgré tout.


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C’est pourquoi dans un premier temps, le  » sample  » a été considéré comme contrefaisant (I.). L’enjeu économique et culturel du  » sample » a néanmoins participé à modifier le droit applicable au  » sample « , jusqu’à des hypothèses de reconnaissance d’un droit au  » sample  » (II.).

 

I. Le rejet du droit au  » sample « 

 A. La doctrine française classique

La doctrine française classique a tendance a vouloir protéger au maximum le droit de propriété de l’auteur. Ainsi, il rejette le droit au  » sample  » de deux manières.

La première est celle du droit de citation (www.murielle-cahen.com/publications/page2160.asp). L’article L.122-5 du Code de la propriété intellectuelle le décrit comme une exception au droit d’auteur. Il dispose aussi que cette citation doit être courte, et justifiée  » par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’oeuvre à laquelle elles sont incorporées « . Enfin, doivent être  » indiqués clairement le nom de l’auteur et la source « .

Le  » sample  » étant un extrait, il pourrait être compris comme une citation musicale. C’est par exemple ce qu’avait fait valoir la radio NRJ dans l’affaire SCPPF et UPPFI c/ Chérie FM et NRJ, que le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris avait tranché le 15 mai 2002.

Cependant, le  » sample  » tel qu’on l’entend dans cet article ne saurait répondre à la qualification de citation, dans la mesure où il ne remplit pas le critère de l’information.

En plus de la citation, la doctrine considère que le  » sample  » peut dénaturer l’oeuvre originelle et ainsi porter préjudice au droit moral de l’auteur sur son oeuvre. Dans ce droit moral, on trouve le droit au respect de l’oeuvre . L’article L.121-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que  » L’auteur jouit du droit au respect (…) de son oeuvre « .

Ainsi, au même titre que les ayants droit d’Hergé avaient fait cesser une représentation d’un Tintin drogué et bisexuel, on peut très bien imaginer que les ayants droit d’Edith Piaf ne veuillent pas être associés à une chanson insultant les forces de l’ordre.

Le TGI de Paris avait notamment disposé que  » la superposition d’un bruitage à l’interprétation d’un chef d’orchestre peut, dans certaines circonstances, porter atteinte au droit au respect de cette interprétation  » le 10 janvier 1990, au sujet d’un remix.

 B. La jurisprudence américaine

Les Etats-Unis donnent une importance toute particulière au droit de propriété privée, si bien que leur Constitution la protège dans deux amendements : le Vème et le XIVème. Ainsi, dès lors que l’oeuvre est devenue une propriété, c’est à dire qu’elle a été déposée et enregistrée au Copyright Office, elle bénéficiera d’une protection étendue.

Ainsi, dans l’affaire Grand Upright Music Ltd c. Warner Bros. Records Inc. jugée en 1991 par la District Court de New-York, la Cour avait retenu que  » le  » sampling  » non-autorisé peut-être qualifié de contrefaçon « .

En effet, l’auteur à l’origine du  » sample  » a bien un droit de propriété sur l’oeuvre musicale dont est issu le  » sample « , et donc a fortiori sur le  » sample  » lui-même. Il convient donc, comme pour toute autre utilisation d’une oeuvre, de demander l’autorisation de son propriétaire, d’autant plus quand elle utilisée dans un but lucratif.

Le droit français requiert lui aussi de demander une autorisation à l’auteur pour utiliser publiquement son oeuvre, qu’elle soit musicale, dramatique ou littéraire. C’est d’ailleurs sur ce fondement que Manu Dibango avait attaqué Michael Jackson dans l’affaire citée en introduction.

II. Vers la reconnaissance d’un droit au sample

 A. La reconnaissance en droit interne

Si on vient de voir la position américaine des années 90, une décision récente a semble t-il changé la donne.

Le 2 juin 2016, dans une décision concernant la chanteuse Madonna, le juge américain a utilisé le critère du  » grand public  » pour déterminer si l’auteur originel avait le droit a des royalties. Ce critère se base sur la capacité du grand public à discerner l’origine du  » sample « . S’il ne le peut pas, l’auteur originel n’aura aucun droit sur la nouvelle oeuvre.

Le juge américain a semble t-il voulu favoriser la création face à la propriété par cette décision, et permet une avancée certaine vers la reconnaissance d’un droit au  » sample « .

Cette solution pourrait s’appliquer en droit français. L’article L.511-4 du Code de la propriété intellectuelle, s’il concerne les  » dessins et modèles « , utilise le critère de l’  » observateur averti  » pour déterminer l’originalité ou la banalité d’un dessin ou modèle.
Par analogie, ce critère de  » l’observateur averti  » pourrait être appliqué au droit des oeuvres musicales, et notamment au droit du  » sample « .

D’ailleurs, le TGI de Paris avait rendu le 5 juillet 2000 un arrêt dans lequel ils ont utilisé le  critère du  » caractère reconnaissable de l’emprunt par un auditeur moyen  » pour déterminer si un sample était ou non constitutif d’une contrefaçon.

De surcroît, les juges de cassation se sont prononcés également, dans un arrêt du 15 mai 2015, portant sur les œuvres composites. Il est à noter que cette décision sera applicable également au droit au sample. Il s’agissait, dans cette affaire, de l’incorporation par un peintre d’une photographie en tant qu’œuvre première dans son tableau constituant la seconde œuvre. Le photographe saisit le juge en justice pour réparation de son préjudice en se prévalant de ses droits d’auteur, et considérant qu’il s’agissait d’une contrefaçon.

La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel qui donnait raison au photographe en considérant qu’il s’agit d’une violation de son droit de propriété. En effet, les juges ont tranché en faveur du peintre qui se prévalait de l’article 10 de la Convention européenne des Droits de l’Homme traitant de la liberté d’expression et englobant la liberté de création artistique. Ainsi, il est notable que les juridictions françaises ont tendance à privilégier la liberté d’expression sur les droits d’auteur. (1)

 B. Vers une reconnaissance européenne ?

Enfin, on peut se demander si le droit au  » sample  » ne pourrait pas être reconnu au niveau européen, notamment en utilisant la qualification d’  » oeuvre composite « .

La cour de cassation avait, le 15 mai 2015, rendu un arrêt concernant l’incorporation par un peintre d’une photographie dans son tableau. Le photographe avait alors attaqué le peintre en se prévalant de son droit d’auteur et en estimant que le peintre avait commis une contrefaçon. La Cour d’appel lui avait donné raison.

Le peintre se prévalait de l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme sur la liberté d’expression, et la Cour de cassation lui a donné raison.

En effet, on considère que fait partie de la liberté d’expression , la liberté de création. Ainsi, comme la Cour d’Appel des Etats-Unis dans l’affaire concernant Madonna, la Cour de cassation utilise la technique de la  » balance des intérêts  » qui consiste à rechercher quel droit mérite le plus d’être protégé : le droit d’auteur, ou la liberté de création ?

Cette solution est applicable au droit du  » sample « , qui peuvent être considérées comme des oeuvres composites dans le sens où elles sont un emprunt à une oeuvre préexistante.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’est prononcée, le 29 juillet 2019, sur la licéité du « sampling » dans une affaire portant sur les droits des producteurs d’un phonogramme. Un groupe de musique électronique allemand nommée Kraftwerk reprochait à la société Pelham le recours au sampling afin de copier deux secondes d’une séquence rythmique prélevée sur l’un de leurs phonogrammes, et ce, pour l’intégrer dans leur titre.

D’abord, La CJUE a réaffirmé que, en vertu de l’article 2 de la directive 2001/29 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, la reprise par un utilisateur d’un échantillon sonore prélevé d’un phonogramme, et ce, sans l’autorisation du titulaire des droits concernés, constitue effectivement une reproduction partielle de ce phonogramme.

La CJUE a rajouté, toutefois, qu’il ne s’agissait pas d’une « reproduction » du moment que l’échantillon sonore prélevé sur un phonogramme afin de l’intégrer dans un autre phonogramme est sous une forme modifiée et non reconnaissable à l’écoute. Force est de constater que cette position jurisprudentielle européenne est en parfaite concordance avec la jurisprudence française en droit interne en la matière (TGI Paris, 5 juillet 2000, Cooper c/ Sté Ogilvy & Mathe). (2)

Ainsi, les juridictions européennes ont une tendance actuelle à privilégier la liberté d’expression au droit d’auteur. On peut donc s’attendre à une reconnaissance plus formelle du droit au sample dans un futur proche.

Pour l’article en version plus complète, cliquez sur ce lien sur le droit au sample

Sources :

– http://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2009/06/article_0007.html
– http://www.datasecuritybreach.fr/droit-sample-sampling-madonna/#axzz4AuRYlpVR
–  » Propriété Littéraire et Artistique « , Pierre-Yves Gautier, PUF
– C.Cass, Civ. 1er, 15 mai 2015, , n° 13-27.391 ; https://www.dalloz-actualite.fr/flash/droit-d-auteur-recherche-du-juste-equilibre-entre-monopoles#.YiJGSy3pO8V
https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=008F49034EE10EE7234E1D0220120009?text=&docid=216552&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=14184794

Le positionnement publicitaire

La méthode du référencement payant consiste,  à offrir, moyennant finance, au site référencé une position en tête des résultats d’une recherche sur certains mots-clés prédéfinis. La rémunération se calcule soit par nombre de clic (Pay-Per-Clic), dans le cas du positionnement par enchères, soit par CPM (coût par milles pages vues), dans le cas du positionnement publicitaire par achat du lien.

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Le « Pay for Placement » et son corollaire, le nouveau marché de mots-clés, constituent, sans doute, des techniques de web marketing fort puissantes, qui servent, notamment, des moyens pour accroître la visibilité des sites Internet et augmenter leur notoriété.

Face au succès que la technique du référencement promotionnel est censée avoir auprès des principaux acteurs de la Net économie, il convient d’examiner son niveau de conformité aux règles de droit existantes. Trois séries de questions se posent à l’égard du positionnement publicitaire :

Tout d’abord, l’éventuelle appropriation des mots-clés par les sites les plus riches et l’exclusion, sur certains engins de recherche, des sites moins dépensiers, ne constituent-elles une entorse à la libre concurrence ?

Deuxièmement, la vente des mots clés par les moteurs de recherche est-elle une publicité clandestine ?

Enfin, comment peut-on protéger les titulaires des marques victimes de la pratique de  » position squatting  » ?


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I. Le positionnement publicitaire face aux règles du droit de la concurrence

En vertu de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) : « Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ».

Selon l’article 86 du Traité CE  » Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci « . Qu’en est il donc du positionnement publicitaire ?

Le référencement payant et la vente des mots-clés est susceptible d’aboutir à des situations anti-concurrentielles, dans la mesure où l’appropriation des mots-clés par certaines entreprises peut empêcher les acteurs du même secteur d’être visibles sur le Net. Le dernier chapitre du rapport de l’OMPI, relatif à la  » gestion des noms et adresses de l’Internet : Questions de propriété intellectuelle « , évoque ce même problème :

 » Plusieurs sociétés, sises dans plusieurs régions du monde, ont enregistré des noms de domaine comprenant tous l’élément  » Télécom « . Ce sont Symmetricom,Inc , Telecom UK ltd (, TWX Telecommunications gmbh (www.telecom.de), Telecom s.r.l. , Telstra Corporation Ltd. et Swisscom .

Néanmoins, certains des systèmes à mots clés existant actuellement ne renvoient l’utilisateur qui saisit le mot clé  » telecom  » qu’au site de Symmetricom, inc., sans rien dire des autres.(…)

En saisissant le mot clé  » golf « , l’utilisateur est dirigé d’une société sise aux États-Unis ( alors que d’autres utilisent le mot golf comme nom de domaine, en particulier une société du Royaume Uni , une société allemande, une société néerlandaise, une société australienne , etc.

Dans sa décision du 9 juin 2000, le Conseil de la concurrence a considéré, de sa part, que lorsqu’il s’agit d’opérateurs exerçant leur activité sur le même marché, il est difficile de soutenir que chacun d’entre eux détient individuellement une position dominante, sauf s’il s’agissait d’une position dominante collective, ce qui n’était pas allégué. En l’espèce, n’était prouvés ni la position dominante collective ni l’abus, il n’en reste pas moins que ces deux conditions puissent être réunies à l’avenir.

En effet, la position dominante collective pourrait être établie avec la généralisation des accords conclus entre les prestataires de positionnement payant et les outils de recherche, de telle sorte que les résultats des premiers occupent les premières places de toute recherche effectuée.

En France, par exemple, deux spécialistes en la matière, Ouverture et Espotting, ont déjà signé des accords avec, respectivement, AOL et Yahoo! Europe, par lesquels ces portails s’engagent à faire figurer les résultats fournis par les prestataires de positionnement payant partenaires en tête de liste.

Quant à l’abus de position dominante, le Conseil de la concurrence a rejeté l’argument de la société Concurrence en a affirmant que  » la fonction d’annuaire ou moteur de recherche sur Internet ne peut être tenue pour indispensable à la rencontre de la demande émanant du consommateur et l’offre de produits et services vendus sur Internet « .

Ceci signifie, a contrario, que si l’apparition dans la liste des résultats des outils de recherche était nécessaire pour accéder au marché, en exclure un opérateur serait une entrave à la libre concurrence. Or, comme on l’a déjà montré dans une étude antérieure (cf. La responsabilité des outils de recherche), la croissance exponentielle du volume des données mises en ligne rend aujourd’hui nécessaire l’utilisation d’outils de recherche pour pouvoir accéder aux informations ou aux sites s’y trouvant.

Certes, les outils de recherche peuvent choisir librement leur politique commerciale. La vente des mots clés ne paraît illicite face au droit de la concurrence, que si elle est réservée de manière exclusive à un numerus clausus d’opérateurs du marché électronique.

II. Le positionnement payant : quelle protection pour les consommateurs ?

Les moteurs de recherche  » traditionnels  » affichent les résultats d’une requête selon un algorithme qui permet de classer les sites par ordre de pertinence. L’internaute présume, donc, que les sites se trouvant en tête de liste sont ceux qui correspondent mieux à sa demande et c’est pour cette raison qu’il n’ira, très probablement, pas consulter la deuxième page.

Lors d’un positionnement payant, se pose, alors, la question suivante : dans la mesure où la liste retournée à l’internaute suite à sa requête semble objective, n’est-il pas induit en erreur s’il ignore que la présentation des résultats n’est pas seulement gouvernée par la pertinence, mais aussi dirigée par le prestataire de référencement ?

A) L’interdiction de la publicité clandestine ou trompeuse

L’article 2 du décret du 27 mars 1992 relatif à la publicité et au parrainage audiovisuel prévoit que :  » constitue une publicité toute forme de message télévisé diffusé contre rémunération ou autre contrepartie en vue de promouvoir la fourniture de biens ou de services « .

Par ailleurs, la directive  » Commerce Electronique  » du 8 juin 2000 énonce dans son article 2 que constitue une communication commerciale  » toute forme de communication destinée à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services, ou l’image d’une entreprise, d’une organisation ou d’une personne ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale ou exerçant une profession réglementée  »

Les moteurs de recherche sont des supports de publicité, puisqu’ils font la promotion des biens ou des services en échange d’une rémunération fournie par le site positionné. La jurisprudence, d’ailleurs, retient une conception large de la publicité :  » le critère essentiel de la publicité réside dans le fait qu’il puisse véhiculer un message commercial, qu’elle qu’en soit la forme « .

Le positionnement payant étant une publicité, il doit se conformer aux règles existantes en la matière. Le décret de 1992 précité dispose que  » la publicité clandestine est interdite « . Par ailleurs, la loi de 1986 sur l’audiovisuel énonce dans son article 43 al.2 que  » les messages publicitaires doivent être mentionnés comme tels « . L’article 6a de la Directive  » Commerce Electronique « , enfin, prévoit que  » la communication commerciale doit être clairement identifiable comme telle « .

Par conséquent, les engins de recherche doivent indiquer de manière claire la nature commerciale des liens figurant dans la liste des résultats, afin que l’internaute puisse savoir si un site a payé pour y figurer ou si sa présence sur la liste est le résultat d’une recherche réelle et objective.

Le Code de la consommation interdit de même  » toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur la nature des biens ou services qui font l’objet de la publicité « .

Au délit de publicité clandestine s’ajoutera, donc, celui de publicité trompeuse, lorsque l’annonceur a acheté un ou plusieurs mots clés qui ne correspondent pas à son activité commerciale réelle.

B) L’application de la loi Sapin aux intermédiaires de positionnement payant

La loi du 29 janvier 1993, dite loi Sapin s’applique au support Internet, qu’il s’agisse d’espaces dans les bandeaux, icônes ou liens, dès lors qu’ils passent par l’intermédiaire des serveurs ou vendeurs d’espaces ou bien encore d’agences de publicité.

Le positionnement payant passe par l’intermédiaire d’un tiers, lorsque le responsable du site intéressé s’adresse non pas directement à l’outil de recherche, mais à un prestataire de référencement, qui lui se met en contact avec ce dernier.

Ces prestataires de référencement apparaissent, alors, comme des intermédiaires dans l’achat d’espace publicitaire, ce qui implique l’application de la loi Sapin. Ainsi, un contrat de mandat devra être établi par écrit entre le prestataire de positionnement et le site annonceur.

Il est encore prévu que l’intermédiaire ne pourra percevoir d’autres rémunérations que celles figurant au contrat de mandat, ce qui signifie que le prestataire ne peut être rémunéré que par l’annonceur et non pas par l’outil de recherche.

Il en va, pourtant, autrement, lorsqu’on est en présence d’un contrat de partenariat entre différents outils de recherche ou entre un outil de recherche et un site portail.

Dans ce dernier cas, le contrat n’a pas pour objet l’achat d’espace publicitaire, mais la diffusion des résultats d’un outil de recherche par un autre outil partenaire ou par un site, en échange, bien sûr d’une rémunération. Ainsi, la loi Sapin ne semble pas devoir s’appliquer en l’espèce.

III. Le  » position squatting  » et la protection des marques

Le position squatting est  » le fait de payer pour apparaître dans les premiers résultats, lors d’une recherche sur un mot clé représentant une marque, dont on détient pas les droits « . Selon une étude réalisée récemment par une société de référencement, 60% des entreprises du CAC 40 en sont victimes.

Le titulaire d’une marque peut-il s’opposer à ce que d’autres personnes utilisent celle-ci en tant que mot-clé pour acheter une position privilégiée sur les résultats des recherches des internautes ? Quels sont les recours dont celui-ci dispose vis à vis tant du squatteur que de l’outil de recherche ?

A) La responsabilité du squatteur

1) L’action en contrefaçon de marque

L’article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle prévoit une interdiction de l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services, sans l’autorisation préalable du titulaire de la marque: “1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;

2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.” (2)

L’achat, auprès d’un outil de recherche, d’une position sur un mot-clé constituant un signe protégé peut-il être considéré comme un usage de marque au sens de l’article 713-2 du CPI, même si, comme c’est le cas très souvent, le signe en cause n’est pas visiblement utilisé ?

La réponse semble être positive, compte tenu, notamment, de la jurisprudence relative à la protection des marques face à leur reproduction en tant que méta-tags dans le code source d’un site. Celle-ci considère, en effet, que l’insertion par un tiers d’un signe distinctif déposé à titre de marque dans les balises méta d’une page web peut être qualifiée de contrefaçon.

Cette solution a été confirmée récemment dans une affaire opposant deux sociétés concurrentes dans le commerce des orgues de barbarie. En l’espèce, le TGI de Paris a considéré que  » la reproduction sans autorisation par une société de la marque d’en de ses concurrents sur la page source de son site Internet était constitutive de contrefaçon et d’atteint au nom commercial de la société concurrente « .

Dans le cas du position squatting l’effet escompté est identique : faire apparaître son site dans les résultats des recherches sur les mots-clés choisis.

Le fondement  de la contrefaçon a, d’ailleurs, été utilisé de manière reconventionnelle dans une affaire opposant aux Etats-Unis deux sociétés titulaires de la marque Nissan ( Nissan motor co., ltd et Nissan computer corporation), dont l’une se plaignait du fait que l’autre apparaissait avant elle dans les résultats des recherches sur le mot-clé  » Nissan  » et  » Nissan.com « . Le tribunal américain a, pourtant, rejeté la demande.

Qu’en est-il, pourtant, si l’acheteur du mot-clé, protégé à titre de marque, est en droit d’utiliser cette dernière pour annoncer la vente des produits qu’il a acquis licitement ?

En effet, rien ne s’oppose a priori à ce qu’un vendeur membre d’un réseau de distribution utilise la marque comme élément de référencement de son site. La jurisprudence reconnaît au distributeur des produits authentiques le droit d’utilisation de la marque pour la publicité de ses produits.

La CJCE a été amené à la même conclusion par le biais de la règle de l’épuisement des droits. Dans l’affaire opposant la société BMW à un garagiste indépendant, la CJCE a, par ailleurs, jugé que le titulaire d’une marque ne pouvait  » interdire à un tiers l’usage de sa marque en vue d’annoncer au public qu’il effectue la réparation et l’entretien des produits de cette marque…  » .

Selon cette décision, la liberté du revendeur d’utiliser la marque dans la promotion a une limite, lorsque la marque est utilisée d’une  » manière telle qu’elle peut donner l’impression qu’il existe un lien commercial entre le revendeur et le titulaire de la marque et notamment l’entreprise du revendeur appartient au réseau de distribution et qu’il existe une relation spéciale entre eux « .

En revanche, dans l’affaire Citycom c. Chanel, la Cour d’appel de Paris a condamné pour contrefaçon de marque un distributeur parallèle qui revendait des produits Channel en ligne, au motif qu’il avait utilisé la marque dans le code source de son site. Elle a souligné que  » ce code permettait aux internautes, par le biais des annuaires et des moteurs de recherche d’accéder directement au site susceptible de les intéresser par la simple opposition de la marque comme mot-clé « .

Le titulaire de la marque victime de position squatting pourra, donc, intenter une action pénale en contrefaçon et se porter partie civile, devant le tribunal correctionnel. Il peut également intenter une action en référé spécifique au droit des marques sur la base de l’article L.716-6 du Code de la propriété intellectuelle, afin que le juge ordonne au contrefaçeur de ne plus utiliser la marque en tant que mot-clé pour occuper une position privilégiée dans les résultats des outils de recherche.

2) L’action en concurrence déloyale

Selon le principe de spécialité, le titulaire de la marque ne peut empêcher l’usage de celle-ci pour désigner des produits et services différents de ceux visés dans l’enregistrement. Ainsi, lorsque le site positionné n’est pas concurrent du titulaire de la marque, ce dernier ne peut pas intenter une action en contrefaçon de marque.

Cependant, le titulaire de la marque victime de position squatting peut toujours intenter une action en concurrence déloyale contre le squatteur, si celui-ci ne cherche qu’à  » profiter du travail d’autrui sans bourse délier  » et notamment lorsque les mots-clés réservés n’ont aucun rapport avec l’activité commerciale de ce dernier.

Pour cela il faut établir qu’il y une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux. La faute résultant du comportement déloyal, le préjudice consistera en la perte de clientèle, l’atteinte à l’image ou à la valeur de la marque.

Il en va autrement, lorsque la marque squattée est notoire et que le squatteur cherche à profiter du renommé de celle-ci pour augmenter sa visibilité. Selon l’article 713-5 du Code de la propriété intellectuelle, « L’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière« .

L’article 713-5 du Code de la propriété intellectuelle dispose que : « Ne constitue pas une contrefaçon, mais engage la responsabilité civile de son auteur l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, non autorisé par le titulaire d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle :

1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identique à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue ;

2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque ;

3° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la notoriété de la marque, ou leur porte préjudice. »

B) La responsabilité de l’outil de recherche

L’outil de recherche qui vend des mots-clés peut-il voir sa responsabilité engagée au même titre que le squatteur ?

La responsabilité des fournisseurs des outils de recherche n’est traitée ni dans la Directive Commerce Electronique 200/31/CE ni dans la loi du 1 août 2000 concernant les intermédiaires de l’Internet. Toutefois, le législateur européen a chargé la Commission de présenter un rapport, avant le 17 juillet 2003, sur la nécessité de présenter des propositions relatives à la responsabilité des  » services de moteurs de recherche « .

La directive  » commerce électronique  » précitée, ne retient la responsabilité du prestataire d’hébergement que s’il est prouvé que celui-ci a eu connaissance de l’activité illicite et n’a rien entrepris pour la faire cesser.

Dans une étude antérieure, on a proposé de faire le même raisonnement pour les outils de recherche. En effet, étant donné le rôle joué par ceux-ci dans la société de l’information, leur responsabilité ne peut être plus étendue que celle des fournisseurs d’accès et d’hébergement. Ainsi, le TGI de Paris n’a pas retenu la responsabilité du moteur de recherche Alta Vista, car il avait retiré le site qui portait atteinte aux droits de la personnalité de M. Délanoe dès qu’il en avait eu connaissance.

Doit-on mener le même raisonnement à propos des outils qui propose un service de positionnement payant ? La réponse semble être plutôt négative, compte tenu du fait que, dans ce cas précis, l’outil de recherche se présente non pas comme un prestataire technique, mais en tant que support de publicité qui vend son espace.

En droit civil, le fournisseur du positionnement payant peut être tenu responsable, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, si en connaissance de cause il a vendu des mots-clés déposés à titre de marques.

En droit pénal, l’outil de recherche pourrait voir sa responsabilité engagée, soit comme auteur direct d’une infraction, soit, plus probablement, comme complice, sur le fondement de l’article 121-7 du Code pénal, pour avoir fourni en connaissance de cause une aide à la commission de l’infraction.

C) La responsabilité civile délictuelle du prestataire de positionnement payant

Le droit commun de la responsabilité est fondée sur la notion de faute au sens de l’article 1240 du Code civil. Ainsi, le fournisseur d’un outil de recherche peut être tenu responsable civilement des dommages causés, du fait de la vente d’un mot-clé, à une tierce personne. Dans ce cas, cette dernière devra prouver la réalité du dommage subi, la faute du fournisseur de l’outil de recherche et un lien de causalité entre les deux.

Or, la faute de l’outil de recherche sera, le plus souvent, difficile à démontrer. Certes, dans le cas où la marque serait notoire, la responsabilité de l’outil pourrait être engagée en raison de sa connaissance du signe squatté. Quid, pourtant, s’il s’agit d’une marque non connue ?

La jurisprudence, quant à elle, se montre hésitante. En effet, si le moteur de recherche Excite a été condamné en Allemagne pour avoir vendu à la société Fragrance Counter des mots-clés déposés à titre de marques par la société Estée Lauder, sa responsabilité n’a pas été retenue par le tribunal américain, dans l’affaire Playboy, au motif que  » Playboy  » était devenu un terme générique sur Internet. Actuellement est en cours aux Etats-Unis une nouvelle affaire, opposant la société Mark Nutitionals Incorporation, titulaire de la marque Body Solutions à quatre outils de recherche (AltaVista, FindWhat, Kanoodle et Overture), qui, eux, risquent de voir leur responsabilité engagée pour avoir vendu la marque en cause à des concurrents de la société demanderesse.

Certains auteurs envisagent, même, la possibilité d’engager la responsabilité pour risque des moteurs de recherche, afin de permettre au titulaire d’une marque victime de position squatting de réparer le préjudice subi du fait de l’utilisation de celle-ci, à titre de mot-clé, dans les moteurs de recherche par une tierce personne.

Toutefois, dans un arrêt rendu le 9 avril 2014, la Cour d’appel de Paris avait reconnu à Google le statut d’hébergeur pour son service Adwords (désormais Google Ads) tel que prévu par l’article 6.I.2 de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance pour l’économie numérique (LCEN).

Elle a affirmé que Google n’a qu’un « caractère purement technique, automatique et passif, qui implique que le prestataire de services de la société de l’information n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées ». En effet, selon les juges, la responsabilité de Google ne peut pas être engagée puisqu’il n’a pas un rôle actif dans la sélection des mots-clés par les annonceurs.

D) La responsabilité pénale du prestataire de positionnement payant

En matière pénale, l’outil de recherche, s’il ne peut pas être considéré comme auteur de contrefaçon de marque, il peut être condamné pour complicité, s’il a facilité la commission du délit, en vendant, en connaissance de cause, à un tiers non-titulaire un mot-clé protégé par le droit des marques. Il en va de même s’il a été prévenu par le titulaire de la marque de la contrefaçon et, malgré cela, il n’a pas enlevé le positionnement en cause.

En conclusion,

on s’aperçoit que la technique du positionnement payant et de la vente des mots clés est loin d’être à l’abri des procédures judiciaires : abus de position dominante de la part des outils de recherche, publicité clandestine et/ou trompeuse, contrefaçon de marque et parasitisme sont des allégations qui, une fois invoquées, constituent une véritable menace pour les engins de recherche. De plus, intenter une action contre ceux derniers pour acquérir réparation du préjudice subi présente un avantage, lorsque l’acheteur du positionnement se prouve insolvable. Tout cela rend nécessaire d’effectuer un contrôle a priori sur les mots-clés en vente et sur la qualité des futurs acheteurs, afin d’assurer que ceux-ci sont en droit d’utiliser la marque qui se cache souvent derrière les mots-clés choisis.

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Sources :

Responsabilité des forums de discussion

La responsabilité des forums de discussion est une problématique récurrente en droit qu’il est difficile de trancher. Il faut savoir que les forums prennent aujourd’hui une place de plus en plus importante sur internet, en témoigne le forum r/wallstreetbets de la plateforme Reddit qui a provoqué en janvier 2021 une des plus grandes frénésies boursières de la décennie dans l’affaire « GameStop », et il est donc fréquent de se connecter sur certains d’entre eux. Traitant de domaines variés, il arrive que le sujet de conversation prenne des tournures juridiquement réprimandables.

Nous pouvons donc trouver dans les forums de discussion des termes réducteurs, insultants et même diffamatoires ainsi que des atteintes à l’intérêt général ou aux droits d’auteur par exemple. Ainsi, c’est lorsque les propos émis touchent la considération de personnes physiques ou morales que la responsabilité des forums de discussion doit être résolue. 

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Dès lors, existe-t-il une réelle responsabilité des forums de discussion ? Si la responsabilité des forums de discussions s’est vue ajustée par le législateur, elle reste majoritairement traitée par la jurisprudence.

I. Position du problème

La responsabilité des acteurs de l’Internet occupe de plus en plus l’actualité juridique en ce moment.

Après la loi du 1er août 2000 et l’amendement Bloche qu’elle a intégré à celle du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la responsabilité des animateurs de services interactifs tels que les « chats » et forums de discussions se trouve au centre des débats.


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En effet, la jurisprudence, renforcée par cet amendement, au terme duquel un hébergeur n’est « pénalement ou civilement responsable du contenu diffusé que si, ayant été saisi par une autorité judiciaire, il n’a pas agi promptement pour empêcher l’accès au contenu incriminé », avait permis d’aboutir à une forme d’immunité des prestataires techniques de l’Internet pour les propos tenus sur les pages web et/ou forums de discussion qu’ils hébergent.

Or, s’est rapidement posé le problème du recours ouvert à la victime de propos diffamatoires ou infamants en cas d’impossibilité d’en identifier l’auteur : faut-il alors rechercher la responsabilité du créateur, du modérateur ou de l’administrateur du forum ? C’est précisément sur ce point que les juges français ont dû se prononcer à l’occasion du litige opposant le cybermarchand Père-Noël aux responsables d’un forum de discussion hébergé sur le site Defense-consommateur.org.

Avant de rappeler les faits de cette affaire, précisons qu’il est nécessaire de distinguer selon que l’on se trouve dans le cadre d’un forum de discussion modéré ou non. La responsabilité des forums de discussion est engagée de cette distinction.

Dans le cas d’un forum non modéré, le créateur d’un site met à la disposition des internautes un forum pour qu’ils puissent s’exprimer ; à ce titre, il ne pourra pas être auteur ou co-auteur des propos diffusés.

N’étant qu’un simple prestataire hébergeant un espace où chacun est libre de donner son avis, il ne détient pas la possibilité de contrôler a priori le contenu de cet espace. Son statut d’administrateur ne lui confère qu’un pouvoir de contrôle a posteriori.

En conséquence, il serait peut-être judicieux d’appliquer les dispositions de la loi d’août 2000 à ce type de créateur et de ne pas systématiquement retenir sa responsabilité en cas de publication de messages illicites sauf dans l’hypothèse où il aurait incité les internautes à tenir de tels propos ; le créateur du site pourrait alors voir sa responsabilité recherchée de ma même façon que celle d’un directeur de publication.

Lorsque le forum est modéré, les propos sont validés par l’administrateur du forum avant toute diffusion ; il pourrait donc voir sa responsabilité engagée automatiquement en cas de publication de messages diffamatoires, injurieux ou autres, à l’image de ce qui se fait déjà en matière de presse pour les directeurs de publication.

II. Evolution jurisprudentielle

Le jugement rendu dans l’affaire « Père-Noël » constitue la première position prise par les juridictions françaises sur le problème de la responsabilité des créateurs des sites proposant aux internautes un forum de discussions.

Le TGI de Lyon a, par son jugement du 28 mai 2002, procédé à la condamnation des responsables du site « Defense-consommateur.org » pour diffamation suite à la publication, par des internautes, de propos injurieux et diffamants à l’encontre d’un cybermarchand (Père-Noël) sur le forum de discussions non modéré du site.

Cette condamnation consiste au paiement d’une somme de 80 000 euros (500 000 F) à titre de dommages et intérêts ainsi qu’à la publication de la décision dans la presse et sur le site abritant le forum.

Le juge a retenu la responsabilité civile et pénale des personnes en charge des sites pour l’ensemble des messages publiés sur tous les types de forums, modérés ou non modérés.

Il relève « qu’il est constant que les [responsables] ont pris l’initiative de créer un service de communication audiovisuelle en vue d’échanger des opinions sur des thèmes définis à l’avance et en l’espèce, relatifs aux difficultés rencontrées par certains consommateurs face à certaines sociétés de vente ; qu’ils ne peuvent donc pas opposer un défaut de surveillance des messages qui sont l’objet du présent litige ; qu’ils se considèrent eux-mêmes comme les concepteurs du site incriminé et doivent donc répondre des infractions qui pourraient avoir été commises sur le site qu’ils ont créé. »

Cette solution, surprenante compte tenu de la difficulté d’exercer un contrôle a priori des contenus sur les forums non modérés, a été confirmée par le TGI de Toulouse dans une ordonnance en date du 5 juin 2002 suite à une affaire aux faits similaires.

En l’espèce, une association (DomExpo) fait l’objet de vives critiques sur un site spécialisé dans les maisons, et ce, dans le cadre d’un forum de discussions non modéré.

Cette association obtient de l’hébergeur et du responsable du site la suppression de l’accès au site litigieux et celle des messages incriminés.

Le juge admet que les parties en cause ont rempli leurs obligations telles que découlant de l’article 43-8 de la loi du 1er août 2000 ; cependant, il considère insuffisantes les mesures prises pour faire cesser le trouble.

Le TGI rappelle que les internautes ont tenu des propos « comportant de manière évidente des invectives grossières, des imputations d’escroquerie, de pratiques douteuses qui excèdent les limites de la liberté d’expression pour entrer dans le domaine du dénigrement portant atteinte à l’honneur et ne respectant pas la dignité de celui auquel ils s’adressent ».

La juridiction considère le créateur d’un site comme « responsable du contenu du site qu’il a créé et des informations qui circulent sur le réseau » dans la mesure où il dispose seul du pouvoir réel de contrôler les informations ou diffusions.

Il peut donc voir sa responsabilité civile engagée étant donné qu’il a « l’obligation de respecter les règles légales ou les restrictions ou interdictions qu’imposent le droit et ne peut se retrancher derrière la nature de l’Internet pour mettre devant le fait accompli les personnes auxquelles la divulgation de propos illicites porte préjudice ».

Mais, par cette ordonnance, la juridiction entend également imposer à l’hébergeur technique du forum une « obligation générale de prudence et de diligence », celui-ci devant mettre en œuvre « des moyens raisonnables d’information, de vigilance et d’action ». En cas de violation de ces obligations, l’hébergeur sera donc uniquement civilement responsable.

III. Difficultés résultant des jurisprudences « Père-Noël » et « DomExpo »

Le créateur du site qui propose un forum de discussion est soumis à une obligation de surveillance sur la totalité des contenus diffusés en raison de la maîtrise qu’il possède sur la diffusion des propos. Cette solution semble tout à fait logique dès lors que l’on se trouvera dans l’hypothèse où la diffamation se sera produite sur un forum modéré, l’administrateur du site devant donner son approbation préalablement à la publication des messages.

Or, dans les affaires récemment examinées par les juridictions françaises, la diffamation avait eu lieu sur des forums non modérés.

La responsabilité retenue par ces jugements serait donc fondée sur les articles 1241 (anc. 1383) et 1242 (anc. 1384) du Code civil, le premier posant le principe de la responsabilité du dommage causé par la négligence ou l’imprudence, le second retenant une responsabilité du fait des choses dont a la garde.

Les créateurs d’un forum seraient alors responsables pour l’imprudence d’avoir mis à la disposition des internautes un forum non modéré, mais aussi en raison de la maîtrise qu’ils sont censés exercer sur leur site.

En ce qui concerne les hébergeurs, on peut se demander ce que leur nouvelle obligation implique concrètement étant donné que dans l’affaire « DomExpo » l’hébergeur avait empêché l’accès au site litigieux dès son assignation, pour ne le rétablir qu’après la suppression des contenus diffamants. Il serait donc contraint d’installer des moyens de surveillance afin de prévenir toute mise en cause devant le juge civil ; mais ces moyens apparaissent difficiles à mettre en œuvre.

La loi du 21 juin 2004 dite « pour la confiance dans l’économie numérique » (LCEN) proclame entre autres un régime de responsabilité des intermédiaires techniques de l’Internet dérogeant au principe consacré à l’article 1240 du Code civil puisque ces derniers, désormais notifiés, ne sont alors pas tenus responsables, ni pénalement ni civilement, pour les informations stockées tant qu’ils n’ont pas été informés de leur caractère illicite, excluant la prise en considération de « toute » faute au profit d’une faute spéciale. La catégorie des hébergeurs de forum de discussions tombe sous ce régime de responsabilité.

En 2007, la cour d’appel de Paris a cependant reconnu à l’hébergeur un devoir de « veiller dans la mesure de ses moyens à ce que son site ne soit pas utilisé à des fins répréhensibles ». En 2012, la CJUE a néanmoins reconnu l’impossibilité pour un hébergeur de concevoir et financer un moyen de filtrer en permanence la totalité des informations qu’il stocke en raison de l’évidente incompatibilité d’un tel idéal avec la liberté d’entreprendre. La même année, la Cour de cassation est venue confirmer à trois reprises cette décision, mettant un terme à la doctrine irréaliste soulevée en 2007 par la cour d’appel de Paris.

Conformément au devoir des hébergeurs de répression de l’apologie des crimes contre l’humanité, de l’incitation à la haine raciale ainsi que de la pornographie enfantine consacrée à l’article 6-I-7 de la LCEN, ceux-ci doivent permettre aux utilisateurs de prendre facilement connaissance de ces principes d’intérêt général et doivent également avertir les autorités publiques de telles activités une fois notifiées. L’article 6-II du même texte de loi prévoit que l’hébergeur doit conserver toute donnée permettant d’identifier un utilisateur qui aurait contribué à créer du contenu via le service de l’hébergeur.

Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, laissé savoir dans une décision du 10 juin 2004, que le caractère « manifestement » illicite d’une information stockée par un hébergeur et dénoncée comme tel par un tiers pourrait engager la responsabilité de l’hébergeur.

La jurisprudence a montré certaines difficultés d’application de la loi de 2004, comme dans des cas de condamnations de l’hébergeur n’ayant pas réussi à rendre l’accès impossible à un contenu illicite pourtant retiré, de celui qui a retiré le contenu illicite seulement un mois après notification ou encore de celui qui a rendu inaccessible l’accès pour la France au site d’une entreprise espagnole de services relatifs à la gestation pour autrui.

IV. Conséquences des nouvelles positions jurisprudentielles

Le 28 juin 2002, le tribunal d’Instance de Nantes a entériné un accord conclu le 27 juin 2002 entre le webmaster d’un forum et le président de la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) et par lequel les deux parties règlent leur différend; le litige qui les opposait était en fait la conséquence de propos injurieux et diffamatoires tenus à l’encontre du second sur ce forum non modéré, mis en place pendant les dernières élections, et qui visait à permettre aux médecins d’exprimer leur mécontentement suite aux amendes infligées par le président de l’organisme à certains de leurs confrères qui avaient pris la décision de facturer leurs consultations au prix de 20 euros au lieu du tarif légal en vigueur inférieur (18,75 euros).

Le webmaster du forum y reconnaît d’ailleurs avoir « failli à son obligation de modération en sa qualité de webmaster ». Condamné à verser un euro symbolique, il a également consenti à régler les frais résultant de la procédure.

Quant à l’hébergeur du site (Nfrance) et au prestataire du système de forums (lhébergeur.net – Twidi.com), ils ont été écartés de la procédure. En effet, ils avaient rempli leurs obligations légales en procédant à la fermeture du forum et à la publication de l’assignation.

Suite à cette affaire, le responsable du site a décidé de fermer son site, regrettant que « le problème de fond posé par les textes de lois qui engagent la responsabilité des webmasters concernant les écrits des forums reste entier ».

Par ailleurs, la cour d’appel de Koblenz en Allemagne a, le 16 mai 2002, jugé responsable un créateur de site à la suite de la publication de messages dits diffamatoires dans un livre d’or.

En 2010, la CJUE a précisé dans l’affaire « Google AdWords » comment déterminer les bénéficiaires du régime de responsabilité atténuée consacré à l’article 14 (al. 1, let. a) de la directive sur le commerce électronique précitée qui, pour rappel, déclare irresponsable des informations stockées l’hébergeur « n’[ayant] pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicite ».

Le critère donné par la CJUE dépend de la neutralité de l’hébergeur ; ce dernier, pour pouvoir bénéficier du régime de responsabilité consacré à l’article 14 de la directive européenne sur le commerce électronique précitée, doit avoir eu un comportement « purement technique, automatique et passif, impliquant l’absence de connaissance ou de contrôle de données [stockées] ». Cependant, la CJUE précisera en 2011 que la simple neutralité de l’hébergeur n’est pas suffisante pour bénéficier du régime [d’irresponsabilité] de l’article 14 s’il est prouvé qu’il a manqué à son obligation de diligence.

Dans une décision du 3 octobre 2019, la CJUE a estimé en ce qui concerne les articles 14 et 15 de la directive européenne 2000/31/CE du 8 juin 2000 étant à l’origine de la loi de transposition du 21 juin 2004 d’une part que si le prestataire de service de stockage d’informations (l’hébergeur) est exonéré d’une obligation générale de surveillance et de contrôle des messages, il reste toutefois dans l’obligation (= est tenu) d’intervenir s’il est informé du caractère litigieux de certains messages, et d’autre part que l’obligation de suppression prévue par ces articles doit produire des « effets à l’échelle mondiale ».

En conséquence, refuser d’appliquer aux créateurs de forums la protection de la loi du 1er août 2000, induit la suppression progressive et inéluctable de tous les forums non modérés. La Cour de cassation a retenu cependant plutôt un critère de neutralité vis-à-vis de l’hébergeur, la protection de la LCEN semble profiter à un maximum d’hébergeurs de forums de discussions.

La loi dite Hadopi du 12 juin 2009 prévoit en son article 93-3, alinéa 5, que le directeur de la publication ne pourra voir sa responsabilité pénale engagée que s’il est établi qu’il avait connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il n’a pas agi promptement pour retirer ce message.

Si ce régime de responsabilité ressemble beaucoup à celui qui avait été instauré par la loi LCEN à l’égard des hébergeurs en son article 6-I-2 qui disposait en effet que les hébergeurs ne pouvaient voir leur responsabilité engagée pour un contenu publié sur leur site s’ils n’avaient pas connaissance de son caractère illicite, il s’avère que les hébergeurs peuvent également être exonérés si lorsqu’ils ont eu connaissance de la publication sur leur site d’un contenu illicite ils « ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ».

Seulement, le responsable de forum de discussions a pour obligation d’empêcher par des moyens de filtrage la communication de ces messages illicites sur leur site. En revanche, s’il n’a pas pu mettre en place un dispositif de modération, alors sa responsabilité ne sera retenue que s’il avait connaissance du contenu illicite et qu’il ne l’a pas retiré dans un délai suffisamment court. Cette responsabilité pour absence de contrôle a priori n’existe pas pour les hébergeurs.

Par ailleurs, l’autre différence entre les deux régimes de responsabilité réside dans le fait qu’un hébergeur ne peut être tenu responsable du contenu qu’il stocke que si ce dernier est « manifestement » illicite. Le responsable d’un forum de discussion en revanche peut être responsable pour la diffusion d’un contenu simplement illicite.

Le terme « manifestement » ayant été ajouté par le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 2004 précitée, dans le but de préserver la liberté d’expression, la loi Hadopi n’opérant pas cette distinction, elle impose par conséquent au responsable d’un forum de discussion de supprimer tout contenu illicite sans jugement préalable.

 

SOURCES :

Philippe le Tourneau, Dalloz référence : Contrats du numérique (Dalloz 2021), ch. 422.31-422.36
CJUE, 3ème chambre, 3 octobre 2019, Eva Glawischnig-Piesczek c/Facebook Ireland, C-18/18
TGI Versailles, 1ère chambre, 26 février 2019, n° 16/07633
CJUE, 3ème chambre, 16 février 2012, Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (Sabam) c/ Netlog, C-360/10
CJUE, Grande chambre, 12 juillet 2011, L’Oréal c/eBay International, C-324/09
CJUE, Grande chambre, 23 mars 2010, Google c/Louis Vuitton, C-236/08
Loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 dite « favorisant et la protection de la création sur internet »
Paris, 12 décembre 2007, Google c/Benetton
Paris, 4ème chambre, 9 novembre 2007, eBay
TGI Paris, 19 octobre 2007, Zadig production c/Google
Conseil constitutionnel 10 juin 2004, n° 2004-496 DC
Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 dite « pour la confiance dans l’économie numérique » (LCEN)
Forum des droits sur l’Internet, Premier rapport d’activité : année 2002 (La Documentation française, Paris 2003) 32-34
Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information