19 Jan 2022
Le positionnement publicitaire
La méthode du référencement payant consiste, à offrir, moyennant finance, au site référencé une position en tête des résultats d’une recherche sur certains mots-clés prédéfinis. La rémunération se calcule soit par nombre de clic (Pay-Per-Clic), dans le cas du positionnement par enchères, soit par CPM (coût par milles pages vues), dans le cas du positionnement publicitaire par achat du lien.
Le « Pay for Placement » et son corollaire, le nouveau marché de mots-clés, constituent, sans doute, des techniques de web marketing fort puissantes, qui servent, notamment, des moyens pour accroître la visibilité des sites Internet et augmenter leur notoriété.
Face au succès que la technique du référencement promotionnel est censée avoir auprès des principaux acteurs de la Net économie, il convient d’examiner son niveau de conformité aux règles de droit existantes. Trois séries de questions se posent à l’égard du positionnement publicitaire :
Tout d’abord, l’éventuelle appropriation des mots-clés par les sites les plus riches et l’exclusion, sur certains engins de recherche, des sites moins dépensiers, ne constituent-elles une entorse à la libre concurrence ?
Deuxièmement, la vente des mots clés par les moteurs de recherche est-elle une publicité clandestine ?
Enfin, comment peut-on protéger les titulaires des marques victimes de la pratique de » position squatting » ?
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I. Le positionnement publicitaire face aux règles du droit de la concurrence
En vertu de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) : « Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci ».
Selon l’article 86 du Traité CE » Est incompatible avec le marché commun et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci « . Qu’en est il donc du positionnement publicitaire ?
Le référencement payant et la vente des mots-clés est susceptible d’aboutir à des situations anti-concurrentielles, dans la mesure où l’appropriation des mots-clés par certaines entreprises peut empêcher les acteurs du même secteur d’être visibles sur le Net. Le dernier chapitre du rapport de l’OMPI, relatif à la » gestion des noms et adresses de l’Internet : Questions de propriété intellectuelle « , évoque ce même problème :
» Plusieurs sociétés, sises dans plusieurs régions du monde, ont enregistré des noms de domaine comprenant tous l’élément » Télécom « . Ce sont Symmetricom,Inc , Telecom UK ltd (, TWX Telecommunications gmbh (www.telecom.de), Telecom s.r.l. , Telstra Corporation Ltd. et Swisscom .
Néanmoins, certains des systèmes à mots clés existant actuellement ne renvoient l’utilisateur qui saisit le mot clé » telecom » qu’au site de Symmetricom, inc., sans rien dire des autres.(…)
En saisissant le mot clé » golf « , l’utilisateur est dirigé d’une société sise aux États-Unis ( alors que d’autres utilisent le mot golf comme nom de domaine, en particulier une société du Royaume Uni , une société allemande, une société néerlandaise, une société australienne , etc.
Dans sa décision du 9 juin 2000, le Conseil de la concurrence a considéré, de sa part, que lorsqu’il s’agit d’opérateurs exerçant leur activité sur le même marché, il est difficile de soutenir que chacun d’entre eux détient individuellement une position dominante, sauf s’il s’agissait d’une position dominante collective, ce qui n’était pas allégué. En l’espèce, n’était prouvés ni la position dominante collective ni l’abus, il n’en reste pas moins que ces deux conditions puissent être réunies à l’avenir.
En effet, la position dominante collective pourrait être établie avec la généralisation des accords conclus entre les prestataires de positionnement payant et les outils de recherche, de telle sorte que les résultats des premiers occupent les premières places de toute recherche effectuée.
En France, par exemple, deux spécialistes en la matière, Ouverture et Espotting, ont déjà signé des accords avec, respectivement, AOL et Yahoo! Europe, par lesquels ces portails s’engagent à faire figurer les résultats fournis par les prestataires de positionnement payant partenaires en tête de liste.
Quant à l’abus de position dominante, le Conseil de la concurrence a rejeté l’argument de la société Concurrence en a affirmant que » la fonction d’annuaire ou moteur de recherche sur Internet ne peut être tenue pour indispensable à la rencontre de la demande émanant du consommateur et l’offre de produits et services vendus sur Internet « .
Ceci signifie, a contrario, que si l’apparition dans la liste des résultats des outils de recherche était nécessaire pour accéder au marché, en exclure un opérateur serait une entrave à la libre concurrence. Or, comme on l’a déjà montré dans une étude antérieure (cf. La responsabilité des outils de recherche), la croissance exponentielle du volume des données mises en ligne rend aujourd’hui nécessaire l’utilisation d’outils de recherche pour pouvoir accéder aux informations ou aux sites s’y trouvant.
Certes, les outils de recherche peuvent choisir librement leur politique commerciale. La vente des mots clés ne paraît illicite face au droit de la concurrence, que si elle est réservée de manière exclusive à un numerus clausus d’opérateurs du marché électronique.
II. Le positionnement payant : quelle protection pour les consommateurs ?
Les moteurs de recherche » traditionnels » affichent les résultats d’une requête selon un algorithme qui permet de classer les sites par ordre de pertinence. L’internaute présume, donc, que les sites se trouvant en tête de liste sont ceux qui correspondent mieux à sa demande et c’est pour cette raison qu’il n’ira, très probablement, pas consulter la deuxième page.
Lors d’un positionnement payant, se pose, alors, la question suivante : dans la mesure où la liste retournée à l’internaute suite à sa requête semble objective, n’est-il pas induit en erreur s’il ignore que la présentation des résultats n’est pas seulement gouvernée par la pertinence, mais aussi dirigée par le prestataire de référencement ?
A) L’interdiction de la publicité clandestine ou trompeuse
L’article 2 du décret du 27 mars 1992 relatif à la publicité et au parrainage audiovisuel prévoit que : » constitue une publicité toute forme de message télévisé diffusé contre rémunération ou autre contrepartie en vue de promouvoir la fourniture de biens ou de services « .
Par ailleurs, la directive » Commerce Electronique » du 8 juin 2000 énonce dans son article 2 que constitue une communication commerciale » toute forme de communication destinée à promouvoir, directement ou indirectement, des biens, des services, ou l’image d’une entreprise, d’une organisation ou d’une personne ayant une activité commerciale, industrielle, artisanale ou exerçant une profession réglementée »
Les moteurs de recherche sont des supports de publicité, puisqu’ils font la promotion des biens ou des services en échange d’une rémunération fournie par le site positionné. La jurisprudence, d’ailleurs, retient une conception large de la publicité : » le critère essentiel de la publicité réside dans le fait qu’il puisse véhiculer un message commercial, qu’elle qu’en soit la forme « .
Le positionnement payant étant une publicité, il doit se conformer aux règles existantes en la matière. Le décret de 1992 précité dispose que » la publicité clandestine est interdite « . Par ailleurs, la loi de 1986 sur l’audiovisuel énonce dans son article 43 al.2 que » les messages publicitaires doivent être mentionnés comme tels « . L’article 6a de la Directive » Commerce Electronique « , enfin, prévoit que » la communication commerciale doit être clairement identifiable comme telle « .
Par conséquent, les engins de recherche doivent indiquer de manière claire la nature commerciale des liens figurant dans la liste des résultats, afin que l’internaute puisse savoir si un site a payé pour y figurer ou si sa présence sur la liste est le résultat d’une recherche réelle et objective.
Le Code de la consommation interdit de même » toute publicité comportant, sous quelque forme que ce soit, des allégations, indications ou présentations de nature à induire en erreur, lorsque celles-ci portent sur la nature des biens ou services qui font l’objet de la publicité « .
Au délit de publicité clandestine s’ajoutera, donc, celui de publicité trompeuse, lorsque l’annonceur a acheté un ou plusieurs mots clés qui ne correspondent pas à son activité commerciale réelle.
B) L’application de la loi Sapin aux intermédiaires de positionnement payant
La loi du 29 janvier 1993, dite loi Sapin s’applique au support Internet, qu’il s’agisse d’espaces dans les bandeaux, icônes ou liens, dès lors qu’ils passent par l’intermédiaire des serveurs ou vendeurs d’espaces ou bien encore d’agences de publicité.
Le positionnement payant passe par l’intermédiaire d’un tiers, lorsque le responsable du site intéressé s’adresse non pas directement à l’outil de recherche, mais à un prestataire de référencement, qui lui se met en contact avec ce dernier.
Ces prestataires de référencement apparaissent, alors, comme des intermédiaires dans l’achat d’espace publicitaire, ce qui implique l’application de la loi Sapin. Ainsi, un contrat de mandat devra être établi par écrit entre le prestataire de positionnement et le site annonceur.
Il est encore prévu que l’intermédiaire ne pourra percevoir d’autres rémunérations que celles figurant au contrat de mandat, ce qui signifie que le prestataire ne peut être rémunéré que par l’annonceur et non pas par l’outil de recherche.
Il en va, pourtant, autrement, lorsqu’on est en présence d’un contrat de partenariat entre différents outils de recherche ou entre un outil de recherche et un site portail.
Dans ce dernier cas, le contrat n’a pas pour objet l’achat d’espace publicitaire, mais la diffusion des résultats d’un outil de recherche par un autre outil partenaire ou par un site, en échange, bien sûr d’une rémunération. Ainsi, la loi Sapin ne semble pas devoir s’appliquer en l’espèce.
III. Le » position squatting » et la protection des marques
Le position squatting est » le fait de payer pour apparaître dans les premiers résultats, lors d’une recherche sur un mot clé représentant une marque, dont on détient pas les droits « . Selon une étude réalisée récemment par une société de référencement, 60% des entreprises du CAC 40 en sont victimes.
Le titulaire d’une marque peut-il s’opposer à ce que d’autres personnes utilisent celle-ci en tant que mot-clé pour acheter une position privilégiée sur les résultats des recherches des internautes ? Quels sont les recours dont celui-ci dispose vis à vis tant du squatteur que de l’outil de recherche ?
A) La responsabilité du squatteur
1) L’action en contrefaçon de marque
L’article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle prévoit une interdiction de l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services, sans l’autorisation préalable du titulaire de la marque: “1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.” (2)
L’achat, auprès d’un outil de recherche, d’une position sur un mot-clé constituant un signe protégé peut-il être considéré comme un usage de marque au sens de l’article 713-2 du CPI, même si, comme c’est le cas très souvent, le signe en cause n’est pas visiblement utilisé ?
La réponse semble être positive, compte tenu, notamment, de la jurisprudence relative à la protection des marques face à leur reproduction en tant que méta-tags dans le code source d’un site. Celle-ci considère, en effet, que l’insertion par un tiers d’un signe distinctif déposé à titre de marque dans les balises méta d’une page web peut être qualifiée de contrefaçon.
Cette solution a été confirmée récemment dans une affaire opposant deux sociétés concurrentes dans le commerce des orgues de barbarie. En l’espèce, le TGI de Paris a considéré que » la reproduction sans autorisation par une société de la marque d’en de ses concurrents sur la page source de son site Internet était constitutive de contrefaçon et d’atteint au nom commercial de la société concurrente « .
Dans le cas du position squatting l’effet escompté est identique : faire apparaître son site dans les résultats des recherches sur les mots-clés choisis.
Le fondement de la contrefaçon a, d’ailleurs, été utilisé de manière reconventionnelle dans une affaire opposant aux Etats-Unis deux sociétés titulaires de la marque Nissan ( Nissan motor co., ltd et Nissan computer corporation), dont l’une se plaignait du fait que l’autre apparaissait avant elle dans les résultats des recherches sur le mot-clé » Nissan » et » Nissan.com « . Le tribunal américain a, pourtant, rejeté la demande.
Qu’en est-il, pourtant, si l’acheteur du mot-clé, protégé à titre de marque, est en droit d’utiliser cette dernière pour annoncer la vente des produits qu’il a acquis licitement ?
En effet, rien ne s’oppose a priori à ce qu’un vendeur membre d’un réseau de distribution utilise la marque comme élément de référencement de son site. La jurisprudence reconnaît au distributeur des produits authentiques le droit d’utilisation de la marque pour la publicité de ses produits.
La CJCE a été amené à la même conclusion par le biais de la règle de l’épuisement des droits. Dans l’affaire opposant la société BMW à un garagiste indépendant, la CJCE a, par ailleurs, jugé que le titulaire d’une marque ne pouvait » interdire à un tiers l’usage de sa marque en vue d’annoncer au public qu’il effectue la réparation et l’entretien des produits de cette marque… » .
Selon cette décision, la liberté du revendeur d’utiliser la marque dans la promotion a une limite, lorsque la marque est utilisée d’une » manière telle qu’elle peut donner l’impression qu’il existe un lien commercial entre le revendeur et le titulaire de la marque et notamment l’entreprise du revendeur appartient au réseau de distribution et qu’il existe une relation spéciale entre eux « .
En revanche, dans l’affaire Citycom c. Chanel, la Cour d’appel de Paris a condamné pour contrefaçon de marque un distributeur parallèle qui revendait des produits Channel en ligne, au motif qu’il avait utilisé la marque dans le code source de son site. Elle a souligné que » ce code permettait aux internautes, par le biais des annuaires et des moteurs de recherche d’accéder directement au site susceptible de les intéresser par la simple opposition de la marque comme mot-clé « .
Le titulaire de la marque victime de position squatting pourra, donc, intenter une action pénale en contrefaçon et se porter partie civile, devant le tribunal correctionnel. Il peut également intenter une action en référé spécifique au droit des marques sur la base de l’article L.716-6 du Code de la propriété intellectuelle, afin que le juge ordonne au contrefaçeur de ne plus utiliser la marque en tant que mot-clé pour occuper une position privilégiée dans les résultats des outils de recherche.
2) L’action en concurrence déloyale
Selon le principe de spécialité, le titulaire de la marque ne peut empêcher l’usage de celle-ci pour désigner des produits et services différents de ceux visés dans l’enregistrement. Ainsi, lorsque le site positionné n’est pas concurrent du titulaire de la marque, ce dernier ne peut pas intenter une action en contrefaçon de marque.
Cependant, le titulaire de la marque victime de position squatting peut toujours intenter une action en concurrence déloyale contre le squatteur, si celui-ci ne cherche qu’à » profiter du travail d’autrui sans bourse délier » et notamment lorsque les mots-clés réservés n’ont aucun rapport avec l’activité commerciale de ce dernier.
Pour cela il faut établir qu’il y une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux. La faute résultant du comportement déloyal, le préjudice consistera en la perte de clientèle, l’atteinte à l’image ou à la valeur de la marque.
Il en va autrement, lorsque la marque squattée est notoire et que le squatteur cherche à profiter du renommé de celle-ci pour augmenter sa visibilité. Selon l’article 713-5 du Code de la propriété intellectuelle, « L’emploi d’une marque jouissant d’une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l’enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur s’il est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cet emploi constitue une exploitation injustifiée de cette dernière« .
L’article 713-5 du Code de la propriété intellectuelle dispose que : « Ne constitue pas une contrefaçon, mais engage la responsabilité civile de son auteur l’usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, non autorisé par le titulaire d’une marque notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identique à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque ;
3° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est notoirement connue, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la notoriété de la marque, ou leur porte préjudice. »
B) La responsabilité de l’outil de recherche
L’outil de recherche qui vend des mots-clés peut-il voir sa responsabilité engagée au même titre que le squatteur ?
La responsabilité des fournisseurs des outils de recherche n’est traitée ni dans la Directive Commerce Electronique 200/31/CE ni dans la loi du 1 août 2000 concernant les intermédiaires de l’Internet. Toutefois, le législateur européen a chargé la Commission de présenter un rapport, avant le 17 juillet 2003, sur la nécessité de présenter des propositions relatives à la responsabilité des » services de moteurs de recherche « .
La directive » commerce électronique » précitée, ne retient la responsabilité du prestataire d’hébergement que s’il est prouvé que celui-ci a eu connaissance de l’activité illicite et n’a rien entrepris pour la faire cesser.
Dans une étude antérieure, on a proposé de faire le même raisonnement pour les outils de recherche. En effet, étant donné le rôle joué par ceux-ci dans la société de l’information, leur responsabilité ne peut être plus étendue que celle des fournisseurs d’accès et d’hébergement. Ainsi, le TGI de Paris n’a pas retenu la responsabilité du moteur de recherche Alta Vista, car il avait retiré le site qui portait atteinte aux droits de la personnalité de M. Délanoe dès qu’il en avait eu connaissance.
Doit-on mener le même raisonnement à propos des outils qui propose un service de positionnement payant ? La réponse semble être plutôt négative, compte tenu du fait que, dans ce cas précis, l’outil de recherche se présente non pas comme un prestataire technique, mais en tant que support de publicité qui vend son espace.
En droit civil, le fournisseur du positionnement payant peut être tenu responsable, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, si en connaissance de cause il a vendu des mots-clés déposés à titre de marques.
En droit pénal, l’outil de recherche pourrait voir sa responsabilité engagée, soit comme auteur direct d’une infraction, soit, plus probablement, comme complice, sur le fondement de l’article 121-7 du Code pénal, pour avoir fourni en connaissance de cause une aide à la commission de l’infraction.
C) La responsabilité civile délictuelle du prestataire de positionnement payant
Le droit commun de la responsabilité est fondée sur la notion de faute au sens de l’article 1240 du Code civil. Ainsi, le fournisseur d’un outil de recherche peut être tenu responsable civilement des dommages causés, du fait de la vente d’un mot-clé, à une tierce personne. Dans ce cas, cette dernière devra prouver la réalité du dommage subi, la faute du fournisseur de l’outil de recherche et un lien de causalité entre les deux.
Or, la faute de l’outil de recherche sera, le plus souvent, difficile à démontrer. Certes, dans le cas où la marque serait notoire, la responsabilité de l’outil pourrait être engagée en raison de sa connaissance du signe squatté. Quid, pourtant, s’il s’agit d’une marque non connue ?
La jurisprudence, quant à elle, se montre hésitante. En effet, si le moteur de recherche Excite a été condamné en Allemagne pour avoir vendu à la société Fragrance Counter des mots-clés déposés à titre de marques par la société Estée Lauder, sa responsabilité n’a pas été retenue par le tribunal américain, dans l’affaire Playboy, au motif que » Playboy » était devenu un terme générique sur Internet. Actuellement est en cours aux Etats-Unis une nouvelle affaire, opposant la société Mark Nutitionals Incorporation, titulaire de la marque Body Solutions à quatre outils de recherche (AltaVista, FindWhat, Kanoodle et Overture), qui, eux, risquent de voir leur responsabilité engagée pour avoir vendu la marque en cause à des concurrents de la société demanderesse.
Certains auteurs envisagent, même, la possibilité d’engager la responsabilité pour risque des moteurs de recherche, afin de permettre au titulaire d’une marque victime de position squatting de réparer le préjudice subi du fait de l’utilisation de celle-ci, à titre de mot-clé, dans les moteurs de recherche par une tierce personne.
Toutefois, dans un arrêt rendu le 9 avril 2014, la Cour d’appel de Paris avait reconnu à Google le statut d’hébergeur pour son service Adwords (désormais Google Ads) tel que prévu par l’article 6.I.2 de la loi du 21 juin 2004 sur la confiance pour l’économie numérique (LCEN).
Elle a affirmé que Google n’a qu’un « caractère purement technique, automatique et passif, qui implique que le prestataire de services de la société de l’information n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées ». En effet, selon les juges, la responsabilité de Google ne peut pas être engagée puisqu’il n’a pas un rôle actif dans la sélection des mots-clés par les annonceurs.
D) La responsabilité pénale du prestataire de positionnement payant
En matière pénale, l’outil de recherche, s’il ne peut pas être considéré comme auteur de contrefaçon de marque, il peut être condamné pour complicité, s’il a facilité la commission du délit, en vendant, en connaissance de cause, à un tiers non-titulaire un mot-clé protégé par le droit des marques. Il en va de même s’il a été prévenu par le titulaire de la marque de la contrefaçon et, malgré cela, il n’a pas enlevé le positionnement en cause.
En conclusion,
on s’aperçoit que la technique du positionnement payant et de la vente des mots clés est loin d’être à l’abri des procédures judiciaires : abus de position dominante de la part des outils de recherche, publicité clandestine et/ou trompeuse, contrefaçon de marque et parasitisme sont des allégations qui, une fois invoquées, constituent une véritable menace pour les engins de recherche. De plus, intenter une action contre ceux derniers pour acquérir réparation du préjudice subi présente un avantage, lorsque l’acheteur du positionnement se prouve insolvable. Tout cela rend nécessaire d’effectuer un contrôle a priori sur les mots-clés en vente et sur la qualité des futurs acheteurs, afin d’assurer que ceux-ci sont en droit d’utiliser la marque qui se cache souvent derrière les mots-clés choisis.
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