Résultats de recherche pour: logiciel

LA PROTECTION DU LOGICIEL PAR LE DROIT D’AUTEUR

11Le logiciel occupe aujourd’hui une place importante de l’économie numérique, en effet, celui-ci est embarqué dans de nombreuses machines, il est devenu indispensable. C’est pourquoi il est apparu nécessaire de savoir quelle protection était accordée au logiciel, or la réponse à cette question n’était pas évidente, puisque l’on pouvait hésiter entre une protection accordée via le droit des brevets, le droit d’auteur, ou encore créer un régime propre au logiciel. C’est finalement la protection par le droit d’auteur qui a été choisie.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire !

Le Code de la propriété intellectuelle n’apporte pas de définition arrêtée en la matière, mais la Commission de terminologie française a apporté des précisions quand au terme de logiciel, dans des travaux publiés au journal officiel du 17 janvier 1982. Ainsi, le logiciel est un ensemble de programmes, procédés et règles, et éventuellement de la documentation, relatif au fonctionnement d’un ensemble de traitement de données.

Un logiciel est un produit actif qui se caractérise principalement par ses fonctionnalités, ou sa structure externe, alors qu’un programme informatique se caractérise par sa structure interne et peut ne consister qu’en un listing de données. La loi française est une des rares avoir opté pour le terme de « logiciel », alors que les législations étrangères (Royaume-Uni, Japon, Allemagne ou les États-Unis) ont préféré celui de « programme informatique ». La directive européenne, qui vise les programmes d’ordinateur, pose dans son préambule que le terme « programme d’ordinateur » comprend les travaux préparatoires de conception du logiciel aboutissant, ainsi, au développement d’un programme, à condition qu’ils soient de nature à permettre la réalisation d’un programme à un stade ultérieur.

Dans un arrêt en date du 6 octobre 2021, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 6 oct. 2021, no C-13/20), a précisé la possibilité pour un acquéreur de programme d’ordinateur d’effectuer une décompilation de tout ou partie de celui-ci pour corriger des erreurs affectant son fonctionnement, y compris dans la situation où la correction implique la désactivation d’une fonction perturbant le bon fonctionnement de l’application contenant le programme. (12)

On sait, par ailleurs, que le droit d’auteur recoupe l’ensemble des droits moraux et patrimoniaux dont dispose l’auteur d’une « œuvre de l’esprit » (de sa création, somme toute) sur celle-ci. Le Code de la propriété indique cette fois-ci, en son article L112-2, les œuvres encadrées par la protection accordée par le droit d’auteur, parmi lesquelles on compte les logiciels.


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrefaçon ?

Téléphonez – nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez – nous en cliquant sur le lien


En France, le logiciel est protégé par le droit d’auteur, même si le législateur hésitait entre la protection par le droit des brevets, une protection par le droit d’auteur, ou une protection par un droit intellectuel spécifique. En effet, le logiciel fait appel à plusieurs notions. D’abord, à des notions de brevets par son aspect technique, ensuite au droit d’auteur, en ce qu’il constitue une œuvre du langage. Même si le législateur a choisi le droit d’auteur pour assurer la protection du logiciel, celui-ci a été adapté au logiciel de façon à appréhender l’aspect technique de la notion de logiciel.

I / Le choix de la protection par le droit d’auteur

A / Les raisons de l’exclusion du droit des brevets

En France, le débat a été tranché dès 1968 avec l’adoption de la loi du 2 janvier 1968 qui expliquait le refus de l’application du droit des brevets au logiciel par son inaptitude à remplir le caractère industriel exigé pour les inventions brevetables.

En effet, pour qu’une invention soit brevetable, elle doit remplir plusieurs conditions cumulatives, à savoir : une invention nouvelle, une invention impliquant une activité inventive, une invention licite, et enfin, une invention susceptible d’application industrielle. En vertu de l’article L. 611-15 du code la propriété intellectuelle, une invention est considérée comme susceptible d’application industrielle si son objet peut être fabriqué ou utilisé dans tout genre d’industrie, y compris l’agriculture.

Par ailleurs, le législateur a opté de ne pas choisir la protection par le droit des brevets pour des motifs économiques et techniques. Il craignait que les États Unis inondent le marché français de demande de brevet et qu’ils bloquent ainsi la recherche française. En somme, les praticiens auraient eu plus de difficulté à apprécier l’état de la technique antérieure en matière de logiciel.

Toutefois l’exclusion de brevetabilité n’est pas absolue. En effet l’article L 611-10 CPI n’exclut le logiciel de la brevetabilité « qu’en tant que tel ». Cela signifie que le logiciel ne peut pas être déposé que s’il est revendiqué en tant que tel, mais qu’il devient brevetable lorsqu’il est intégré à une invention plus globale.

Ainsi, bien qu’un algorithme ou un logiciel ne soit pas brevetable, en tant que tel, il le devient s’il constitue une étape importante dans un processus industriel et/ou dans le fonctionnement d’un système. Ce principe a été consacré, en matière de logiciel, dans l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris dans l’affaire « Schlumberger ».

La loi exclut donc de la brevetabilité les logiciels en tant que tels et non les machines ou les systèmes, dont une ou plusieurs étapes sont mises en œuvre par un logiciel, comme le précisent les directives de l’Office européen des brevets (OEB).

Enfin l’avantage de la protection par le droit d’auteur est que celle-ci est acquise sans aucune formalité de dépôt, contrairement au brevet qui implique un dépôt entraînant un certain coût, soit auprès de l’Institut national de la propriété intellectuelle, soit auprès de l’Office européen des brevets (OEB).

B / La notion de logiciel

Il faut se référer à la jurisprudence pour délimiter les contours de la notion de « logiciel ». Du point de vue technique le logiciel se définit comme un processus comprenant deux phases, à savoir une phase d’analyse et une phase de programmation. La phase de programmation consiste enfin à rédiger des instructions dans un langage informatique, ce qui se concrétise par le passage du code source au code objet, qui permet de passer à une version automatisable par l’ordinateur de la solution donnée.

On distingue le logiciel d’application du logiciel d’exploitation. Leur différence tient dans leur nature et leur fonctionnalité. En effet, le logiciel d’exploitation permet l’utilisation et organise le fonctionnement de la machine, tandis que le logiciel d’application ne sera qu’une fonctionnalité incluse dans l’ordinateur, sachant qu’il doit être compatible avec le logiciel d’exploitation et avec l’ordinateur sur lequel il sera installé.

II / L’adaptation du droit d’auteur au logiciel

A / Les éléments du logiciel protégeables par le droit d’auteur

Selon un célèbre adage attribué à Henri Debois, « les idées sont par essence et par destination de libre parcours ». Les idées doivent librement circuler dans nos esprits. L’exclusion de la protection des idées se justifie par la volonté de ne pas bloquer la création ni entraver la libre concurrence. Or certains éléments du logiciel sont assimilés aux idées (les algorithmes et les fonctionnalités du logiciel).

Toutefois, il convient de noter que la Cour de Justice de l’Union européenne a précisé, dans une décision, que « ne sont pas protégeables des fonctionnalités de logiciel (CJUE, SAS Institue c/ World Programming).

Un des éléments protégeables par le droit d’auteur est d’une part le matériel de conception préparatoire. L’article L 111-2 du CPI dispose en effet que la protection est accordée au logiciel y compris son matériel de conception préparatoire. Cela recouvre l’ensemble des travaux de conception aboutissant au développement d’un programme de nature à constituer un logiciel à un stade ultérieur. C’est dans ce concept de « matériel de conception préparatoire » que se situent les analyses fonctionnelles et organiques, qui sont donc protégées.

Le deuxième élément du logiciel protégé est son programme. Les programmes recouvrent le code source et le code objet du logiciel. Par programme source, on entend la liste des instructions qui composent le logiciel. Pour déterminer s’il y a contrefaçon d’un programme source, les experts le comparent avec celui du logiciel contrefaisant afin d’établir le nombre de lignes identiques des deux programmes.

Concernant le programme objet, la jurisprudence n’a jamais douté de l’application du droit d’auteur aux programmes objet, c’est-à-dire à l’enregistrement ou à la transcription en code binaire, sur bande, disque ou disquette magnétiques ou à l’intérieur d’une mémoire de type « ROM », du programme source d’un logiciel. Le droit d’auteur protège le œuvres quelle que soit leur forme, et la doctrine et la jurisprudence française ne voient dans le programme objet qu’une traduction du programme source en langage codé magnétiquement.

Le troisième élément protégé est la documentation d’utilisation. Le statut du cahier des charges, et des informations qu’il contient, est normalement réglés par les dispositions du contrat de développement de logiciel.

Dans un arrêt en date du 6 mars 2024, (Cass. com., 6 mars 2024, no 22-23657,) la chambre commerciale a précisé que lorsqu’un logiciel est mis à disposition par téléchargement accompagné de la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation permettant au client d’utiliser cette copie de manière permanente, en contrepartie d’un paiement, cela implique un transfert de la propriété de cette copie. (14)

Mais, même en l’absence de dispositions contractuelles, commets un acte de concurrence déloyale la SSII ou le constructeur qui utilise pour son compte un cahier des charges ou d’autres informations techniques qui lui ont été communiquées par un client dans le cadre de relations contractuelles. Cependant, le réalisateur demeure libre d’utiliser le « savoir-faire général » acquis par l’étude du cahier des charges, mais par prudence, il aura intérêt à le mentionner spécifiquement dans le contrat de commande.

Le quatrième élément du logiciel bénéficiant de la protection est la page-écran. Elle consiste en la manifestation graphique du logiciel, passant par des dessins, des icônes, etc.

Enfin, d’autres éléments du logiciel pouvant faire l’objet d’une protection par le droit d’auteur sont : les interfaces techniques et fonctionnelles, le manuel d’utilisation et documents commerciaux, le titre des logiciels, etc.

B / Les droits moraux et patrimoniaux du créateur

Concernant les droits patrimoniaux, l’article L 122-6 du CPI prévoit trois prérogatives au bénéfice de l’auteur d’un logiciel, à savoir un droit de reproduction, de modification et de mise sur le marché.

La première prérogative, à savoir, le droit de reproduction permet à l’auteur d’avoir un monopole sur la fixation de l’œuvre sur tout support qui en permet la communication au public. Ce droit implique pour l’auteur du logiciel d’être protégé à la fois contre la reproduction permanente de son logiciel, mais aussi contre toute reproduction provisoire.

Le droit de modification permet quant à lui à l’auteur du logiciel de s’opposer à la traduction, l’adaptation, l’arrangement ou toute autre modification de son logiciel. Ces actes nécessitent en effet l’autorisation de l’auteur du logiciel, sous peine d’être déclarés contrefacteur.

Enfin le droit de mise sur le marché est totalement étranger au droit d’auteur classique. Cela signifie que l’auteur dispose du droit de mettre son logiciel sur le marché à titre onéreux ou gratuit. Il existe toutefois une limite à ce droit dans la mesure où la première vente d’un logiciel dans un État membre de la communauté européenne, par l’auteur ou avec son consentement, épuise le droit de mise sur le marché de cet exemplaire dans tous les États membres. Le logiciel étant considéré comme une marchandise, il est logique qu’on lui applique le principe communautaire de libre circulation des marchandises.

La location reste cependant réservée à l’auteur même lorsqu’il y a eu une première vente dans un État membre.

Concernant les droits moraux, là aussi le droit d’auteur s’est adapté au logiciel notamment en paralysant certaines attributions qui font en principe partie des attributions de l’auteur au titre de ses droits moraux. La finalité de la limitation est d’éviter un exercice débridé de ces droits, notamment parce qu’ils sont perpétuels alors que les droits patrimoniaux courent jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur, puisse nuire à la commercialisation des logiciels.

L’auteur du logiciel conserve le droit de divulgation et le droit à la paternité de l’œuvre. Selon un arrêt rendu par la Cour d’appel de Douai, « le droit moral du programmeur, par interprétation a contrario de l’article L. 127-7 du CPI, se réduit en matière de logiciel au droit au nom . ». Cela sous-entend qu’il suffit que le nom de l’auteur soit crédité sur l’écran de l’ordinateur lors de la mise en route du logiciel, pour que son droit au respect soit respecté. Le nom de l’auteur doit donc être mentionné.

Concernant le droit au respect de son œuvre, il est limité dans la mesure où un auteur ne peut pas s’opposer à la modification du logiciel par le cessionnaire des droits patrimoniaux si elle n’est pas préjudiciable à son honneur ou à sa réputation. Ce droit consiste pour l’auteur à pouvoir s’opposer à une dénaturation de son œuvre. En droit d’auteur classique, il n’est pas nécessaire de prouver une atteinte à son honneur ou à sa réputation pour pouvoir invoquer son droit au respect de l’œuvre.

Enfin le droit de retrait, ou droit de repentir, est totalement paralysé en matière de logiciel. Ce droit consiste au fait que l’auteur peut en principe à tout moment décider d’arrêter la divulgation de son œuvre.

III / Protection des logiciels autres que par le droit d’auteur

A – Protection par le droit des dessins et modèles

Un logiciel peut bénéficier de la protection par le droit des dessins et modèles, dans son aspect télévisuel si l’on suit la logique du Livre V du CPI (an. L. 14 juill. 1909). Toutefois, sont exclus de la protection accordée par le Livre V les dessins dont la forme est inséparable de leur fonction par leur fonction. Enfin, ne sont protégés que les dessins « nouveaux » : ainsi, la protection de la loi a été refusée à un jeu vidéo ayant le même aspect télévisuel que des jeux existants antérieurement.

B – Protection des logiciels par le droit des marques

La marque fait l’objet d’une protection autonome qui élargit l’arsenal juridique à la disposition des créateurs de logiciels. Par exemple : en cas de piratage par des distributeurs, il y aura également contrefaçon de marque. Mais le dépôt de la marque ne confère que des droits sur celle-ci et non sur le logiciel lui-même.

C – Protection des logiciels par le droit pénal

L’appropriation frauduleuse d’un logiciel est susceptible de tomber sous le coup d’une large variété de lois pénales (vol, abus de confiance, corruption active ou passive d’employé, violation de secret professionnel, divulgation de secret de fabrique). D’ailleurs, il a déjà été jugé que constituait :

« Le délit de vol prévu par le Code pénal la copie d’un logiciel spécifique par un employé à l’insu de son employeur. »

Dans un arrêt en date du 9 mars 2021, (Cass. crim., 9 mars 2021, no 20-90034) la chambre criminelle a considéré qu’était dénuée de caractère sérieux la question prioritaire de constitutionnalité concernant la conformité de l’article L335-3 alinéa 2 du CPI au principe de légalité des délits et des peines. Cet article dispose : « Toute édition d’écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit. » (15)

IV / Sanctions de la contrefaçon de logiciels

L’alinéa 1er de l’article 6 de la directive européenne sur la protection juridique des programmes d’ordinateur dispose que : « Le fait d’importer, de posséder ou de prendre en charge une copie illicite d’un programme d’ordinateur en sachant ou en ayant de bonnes raisons de croire qu’il s’agit effectivement d’une copie illicite constitue une infraction aux droits exclusifs de l’auteur sur ce programme. »

En matière pénale, la contrefaçon est punie par l’article L. 335-2 du CPI qui, depuis la loi du 29 octobre 2007, prévoit une peine d’emprisonnement de trois ans et 300 000 euros d’amende.

En matière civile, le contrefacteur peut être condamné non seulement à la confiscation des logiciels contrefaits, à celui du matériel utilisé pour la contrefaçon, à la publication du jugement dans diverses revues professionnelles, mais surtout au paiement de dommages et intérêts destinés à compenser le préjudice subi.

L’attribution de dommages et intérêts est généralement effectuée d’une manière stricte, sur le fondement du gain manqué ou de la perte du chiffre d’affaires, compte tenu des éléments commerciaux fournis par le demandeur.

Dans un arrêt en date du 8 décembre 2023 (CA Paris, P. 5, ch. 2, 8 déc. 2023, no 21/19696), la cour d’appel de Paris a précisé que l’éditeur d’un logiciel peut agir en contrefaçon contre son cocontractant pour bénéficier des garanties de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 tenant à l’évaluation des dommages et intérêts et à la saisie réelle des marchandises prétendument contrefaisantes. (13)

Pour lire une version plus complète de cet article sur la contrefaçon de logiciel, cliquez

Sources :

  1. Le Stanc, « Exclusions de brevetabilité règles relatives au logiciel » J.-cl. brevets, fasc. 155 J.-P. Martin, « La < protection > des < logiciels > informatiques : droit d’auteur ou brevet d’invention ?
  2. CA Paris, 4e ch., 15 juin 1981
  3. 3 juin 1986, no 84-16.97
  4. CA Douai, 1re ch., 1er juill. 1996, PIBD 1993, III, 129 qui alloue l’équivalent de 3 000 euros pour l’atteinte portée au droit au nom de l’auteur.
  5. corr. Nanterre, 15e ch., Coreland c/ Fama
  6. TGI Paris, 3e ch., 9 mars 1984
  7. CA Versailles, 3e ch., 21 avr. 1989, Rigoult c/ Verveer, Juris-data no 43864
  8. -L. Goutal, « La < protection > pénale des < logiciels > », Exp. 1986, no 80, p. 2
  9. TGI Montbéliard, 26 mai 1978, Peugeot c/ X, Exp. 1978.
  10. TGI Paris, 31e ch., 19 mars 1990 GST c/ E., Cah. dr. Auteur 1990
  11. TGI Paris, 3e ch., 13 févr. 1989, Sisro c/ Ampersand, Exp. 1989.
  12. CJUE, 6 oct. 2021, noC-13/20 https://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&td=ALL&num=C-13/20
  13. CA Paris, P. 5, ch. 2, 8 déc. 2023, no21/19696 https://www.courdecassation.fr/decision/657412aed0916383187adcd2?search_api_fulltext=21/19696&op=Rechercher&date_du=&date_au=&judilibre_juridiction=all&previousdecisionpage=&previousdecisionindex=&nextdecisionpage=0&nextdecisionindex=1
  14. com., 6 mars 2024, no22-23657, https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000049261474?init=true&page=1&query=22-23.657&searchField=ALL&tab_selection=all
  15. crim., 9 mars 2021, no20-90034 https://juricaf.org/arret/FRANCE-COURDECASSATION-20210309-2090034

 

La qualification d’une licence de logiciel en tant que vente

Une licence de logiciel peut être qualifiée de vente, entraînant ainsi le transfert du droit de propriété de la copie du logiciel à l’utilisateur final. Cependant, l’interprétation de cette disposition a fait l’objet de débats et de divergences d’opinions au fil du temps. C’est dans ce contexte qu’un arrêt de la Cour de cassation du 6 mars 2024 a été rendu.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire !

La Cour de cassation a rendu une décision qui clarifie la question de la qualification de vente d’une licence de logiciel. Selon cet arrêt, la mise à disposition d’une copie de logiciel par téléchargement et la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation correspondant, qui vise à rendre cette copie utilisable de manière permanente moyennant le paiement d’un prix, impliquent le transfert du droit de propriété de cette copie et doivent donc être qualifiés de vente.

Cette décision de la Cour de cassation ouvre ainsi la voie à de possibles changements dans l’interprétation des contrats de licence de logiciel. Elle remet en question les pratiques contractuelles existantes et soulève des questions quant aux droits de propriété intellectuelle et à la régulation de l’industrie du logiciel.

Interprétant l’article 4 de la directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que, selon une définition communément admise, la vente est une convention par laquelle une personne cède, moyennant le paiement d’un prix, à une autre personne ses droits de propriété sur un bien corporel ou incorporel lui appartenant, et que, dans le cas particulier de la vente d’une copie d’un logiciel informatique, le téléchargement d’une copie d’un programme d’ordinateur et la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation se rapportant à celle-ci forment un tout indivisible car le téléchargement d’une copie d’un tel programme est dépourvu d’utilité si ladite copie ne peut pas être utilisée par son détenteur.

Ces deux opérations doivent, dès lors, être examinées dans leur ensemble aux fins de leur qualification juridique.


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrefaçon ?

Téléphonez – nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez – nous en cliquant sur le lien


La CJUE retient que la mise à disposition d’une copie d’un logiciel informatique, au moyen d’un téléchargement, et la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation y afférent, visant à rendre ladite copie utilisable par les clients, de manière permanente, et moyennant le paiement d’un prix destiné à permettre au titulaire du droit d’auteur d’obtenir une rémunération correspondant à la valeur économique de la copie de l’oeuvre dont il est propriétaire, impliquent le transfert du droit de propriété de cette copie.

Il en résulte que l’article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle doit être interprété en ce sens que la mise à disposition d’une copie d’un logiciel par téléchargement et la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation y afférente visant à rendre ladite copie utilisable par le client de manière permanente moyennant le paiement d’un prix implique le transfert du droit de propriété de cette copie.

I. Interprétation de l’article L. 122-6, 3°, du Code de la propriété intellectuelle

A. Contexte de l’article et implications

  1. Nature de la mise à disposition : Analyse de la mise à disposition du logiciel par téléchargement et du contrat de licence d’utilisation.

L’article L. 122-6, 3°, du code de la propriété intellectuelle concerne la mise à disposition de logiciels par téléchargement et le contrat de licence d’utilisation. Selon cet article, lorsque le logiciel est mis à disposition par téléchargement, cela constitue une reproduction. Ainsi, le téléchargement d’un logiciel nécessite l’autorisation préalable de l’auteur ou du titulaire des droits.

En ce qui concerne le contrat de licence d’utilisation, l’article précise que celui-ci doit comporter certaines mentions obligatoires, notamment les conditions d’utilisation du logiciel, les limitations de garantie, et les modalités de résiliation du contrat. Il est important de noter que ces dispositions visent à protéger les droits de propriété intellectuelle des auteurs de logiciels et à réguler leur utilisation. Il est donc essentiel de respecter les droits d’auteur et de se conformer aux conditions d’utilisation énoncées dans le contrat de licence.

La mise à disposition d’un logiciel par téléchargement est une méthode courante utilisée par de nombreux éditeurs de logiciels. Cette méthode permet aux utilisateurs de télécharger le logiciel directement depuis un site web ou une plateforme de distribution en ligne.

Lorsqu’un utilisateur télécharge un logiciel, il est généralement invité à accepter un contrat de licence d’utilisation avant de pouvoir installer et utiliser le logiciel. Ce contrat de licence établit les conditions d’utilisation du logiciel et définit les droits et les obligations de l’utilisateur. Le contrat de licence d’utilisation peut varier d’un logiciel à un autre, mais il contient généralement les éléments suivants :

  1. Les droits accordés à l’utilisateur : Le contrat précise les droits d’utilisation du logiciel, tels que l’autorisation d’installer et d’utiliser le logiciel sur un certain nombre d’ordinateurs ou pour un certain nombre d’utilisateurs.
  2. Les limitations et les restrictions : Le contrat peut imposer des limitations ou des restrictions sur l’utilisation du logiciel, par exemple en interdisant la reproduction, la modification ou la redistribution du logiciel sans autorisation préalable.
  3. Les conditions de garantie : Le contrat peut fournir des informations sur les garanties applicables au logiciel, telles que les garanties de conformité ou les garanties de fonctionnement. Il peut également préciser les exclusions de garantie et les limitations de responsabilité de l’éditeur.
  4. Les modalités de résiliation : Le contrat établit les conditions dans lesquelles l’utilisateur peut résilier le contrat, ainsi que les conséquences de cette résiliation. Il est important de lire attentivement le contrat de licence d’utilisation avant de télécharger et d’installer un logiciel. En acceptant les termes du contrat, l’utilisateur reconnaît avoir pris connaissance et accepté les conditions d’utilisation du logiciel.

 

  1. Transfert du droit de propriété : Discussion sur le transfert potentiel du droit de propriété selon les termes de l’article.

Selon les termes de l’article L. 122-6, 3° du code de la propriété intellectuelle, le transfert du droit de propriété d’une œuvre de l’esprit, comme un logiciel, est possible. Cela signifie qu’un créateur peut céder ses droits de propriété à un tiers, lui permettant ainsi d’exploiter l’œuvre et d’en avoir le contrôle exclusif. Le transfert du droit de propriété peut être réalisé par le biais d’un contrat de cession, qui doit être établi par écrit. Ce contrat précise les conditions du transfert, telles que les droits cédés, les limites éventuelles, et les modalités de rémunération. Il est important de noter que le transfert du droit de propriété ne se fait pas automatiquement. Il nécessite un accord exprès entre le créateur et le tiers.

Le créateur peut décider de transférer tout ou une partie de ses droits de propriété, selon ses préférences et les négociations avec le tiers. Cependant, même en cas de transfert du droit de propriété, le créateur conserve certains droits, tels que le droit au respect de son nom et de sa qualité. Cela signifie que le tiers qui acquiert les droits ne peut pas utiliser l’œuvre de manière à porter atteinte à la réputation ou à l’intégrité du créateur.

En résumé, l’article permet le transfert du droit de propriété d’une œuvre de l’esprit, comme un logiciel, à condition qu’il y ait un accord exprès entre le créateur et le tiers. Ce transfert est réalisé par le biais d’un contrat de cession qui précise les conditions du transfert. Le créateur conserve certains droits même après le transfert.

B. Qualification de la mise à disposition et du contrat de licence

  1. Définition de vente selon l’article : interprétation du concept de vente à la lumière des caractéristiques de la transaction.

Selon l’article 1582 du Code civil, La vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer. Elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé.

La vente est donc une transaction où il y a un échange de propriété d’un bien en contrepartie d’une somme d’argent. Les caractéristiques principales de la vente incluent :

  1. Le consentement mutuel : La vente doit être réalisée avec le consentement libre et éclairé des deux parties, c’est-à-dire que le vendeur et l’acheteur doivent être d’accord sur les termes de la transaction.
  2. Le transfert de propriété : La vente implique le transfert de la propriété du bien du vendeur à l’acheteur. Cela signifie que l’acheteur devient le nouveau propriétaire du bien et en acquiert tous les droits et responsabilités qui y sont attachés.
  3. Le prix : La vente nécessite un prix convenu entre le vendeur et l’acheteur. Le prix peut être fixé de manière librement négociée entre les parties, mais il doit être déterminé de manière précise et certaine.
  4. L’objet de la vente : La vente porte sur un bien matériel ou immatériel. Il peut s’agir d’un bien meuble (par exemple, un véhicule, un meuble) ou d’un bien immeuble (par exemple, une maison, un terrain). L’objet de la vente doit être clairement identifié et défini.
  5. L’intention de transférer la propriété : La vente suppose l’intention du vendeur de transférer la propriété du bien à l’acheteur. Cette intention doit être clairement exprimée dans le contrat de vente. En conclusion, la vente est un contrat par lequel le vendeur s’engage à transférer la propriété d’un bien à l’acheteur en échange d’un prix convenu. Elle implique le consentement mutuel, le transfert de propriété, un prix déterminé, un objet clairement identifié et l’intention de transférer la propriété.

 

  1. Conséquences juridiques : Impact de la qualification comme vente sur les droits et obligations des parties.

L’impact de la qualification d’une transaction comme une vente a des conséquences juridiques importantes sur les droits et obligations des parties impliquées. Voici quelques-unes des conséquences les plus courantes :

  1. Transfert de propriété : Lorsqu’une transaction est qualifiée comme une vente, cela signifie que la propriété du bien vendu est transférée de manière irrévocable de vendeur à l’acheteur. L’acheteur devient donc le propriétaire légal du bien.
  2. Obligation de livraison : Le vendeur a l’obligation de livrer le bien vendu à l’acheteur, conformément aux termes convenus dans le contrat de vente. Cela inclut souvent la remise physique du bien ou sa mise à disposition à l’acheteur.
  3. Obligation de paiement : L’acheteur a l’obligation de payer le prix convenu pour le bien vendu. Le vendeur peut exiger le paiement intégral du prix à la livraison du bien ou convenir de modalités de paiement échelonnées.
  4. Transfert des risques : En général, le risque de perte ou de dommage du bien vendu est transféré de manière concomitante avec le transfert de propriété. Cependant, les parties peuvent convenir de modalités spécifiques concernant le transfert des risques.
  5. Garantie légale : En vertu de la qualification comme vente, le vendeur est généralement tenu de garantir que le bien vendu est conforme aux caractéristiques convenues et exempt de vices cachés. L’acheteur a des droits de recours en cas de non-conformité ou de vices cachés.
  6. Responsabilité contractuelle : En cas de non-respect des obligations contractuelles, les parties peuvent engager des poursuites en justice pour faire valoir leurs droits et obtenir des dommages-intérêts. Il est important de noter que les conséquences juridiques exactes peuvent varier en fonction des lois spécifiques du pays et du contrat de vente conclu entre les parties. Il est donc essentiel de consulter un professionnel du droit pour obtenir des conseils juridiques spécifiques à votre situation.

 

II. Précisions apportées par l’arrêt de la Cour de cassation du 6 mars 2024

A. Argumentation de la Cour de cassation

  1. Raisons de la qualification de vente : Motifs avancés par la Cour pour considérer la licence de logiciel comme une vente.

Dans son arrêt du 6 mars 2024, la Cour de cassation a donné plusieurs raisons pour qualifier la licence de logiciel comme une vente.

Voici les principaux arguments avancés par la Cour :

  1. Transfert du droit de propriété : La Cour a considéré que la mise à disposition d’une copie de logiciel par téléchargement, accompagnée d’un contrat de licence d’utilisation, implique le transfert du droit de propriété de cette copie au client. Selon la Cour, cette transmission du droit de propriété correspond au concept de vente.
  2. Utilisation permanente contre paiement d’un prix : La Cour a souligné que la conclusion d’un contrat de licence d’utilisation vise à rendre la copie du logiciel utilisable de manière permanente par le client moyennant le paiement d’un prix. Cette caractéristique est également associée à la notion de vente.
  3. Qualification économique : La Cour a pris en compte l’aspect économique de la transaction. Selon elle, la mise à disposition d’une copie de logiciel contre paiement d’un prix correspond à une transaction commerciale, ce qui soutient la qualification de vente. Il est important de noter que ces arguments sont spécifiques à l’arrêt du 6 mars 2024 et peuvent varier en fonction des circonstances de chaque affaire. Il est donc recommandé de consulter l’arrêt complet de la Cour de cassation pour obtenir une compréhension complète des motifs avancés.

 

  1. Analyse des termes du contrat : Comment la Cour a interprété les éléments du contrat pour aboutir à cette qualification.

Dans son arrêt du 6 mars 2024, la Cour de cassation a procédé à une analyse des termes du contrat de licence de logiciel pour aboutir à la qualification de vente. Voici comment la Cour a interprété les éléments du contrat :

  1. Clause de transfert de propriété : La Cour a examiné si le contrat de licence prévoyait une clause spécifique indiquant le transfert du droit de propriété de la copie du logiciel au client. Si le contrat stipule clairement que le droit de propriété est transféré, cela renforce l’argument en faveur de la qualification de vente.
  2. Durée d’utilisation : La Cour a également pris en compte la durée d’utilisation du logiciel spécifiée dans le contrat. Si le contrat de licence prévoit une utilisation permanente du logiciel, cela peut être considéré comme un élément en faveur de la qualification de vente, puisque le client peut utiliser la copie du logiciel de manière continue.
  3. Paiement d’un prix : La Cour a vérifié si le contrat de licence prévoyait le paiement d’un prix pour l’obtention de la copie du logiciel. Si le client doit payer un montant spécifié en échange de la licence, cela renforce l’argument en faveur de la qualification de vente.
  4. Absence de restrictions significatives : La Cour a également tenu compte des restrictions imposées par le contrat de licence. Si le contrat limite de manière significative les droits du client sur la copie du logiciel, cela peut suggérer une relation autre que la vente. Il convient de noter que la Cour de cassation a examiné l’ensemble des termes du contrat de licence de logiciel pour parvenir à sa conclusion. Chaque cas peut présenter des éléments contractuels différents, et l’interprétation de la Cour peut varier en fonction des circonstances spécifiques de chaque affaire.

B. Répercussions de la qualification comme vente

  1. Implications pratiques : Effets concrets de cette qualification sur les pratiques commerciales et légales.

La qualification d’un contrat de licence de logiciel en tant que vente peut avoir des implications pratiques et des effets concrets sur les pratiques commerciales et légales. Voici quelques-uns des effets les plus courants :

  1. Droit de rétractation : Si un contrat de licence de logiciel est qualifié de vente, le client peut bénéficier du droit de rétractation, selon les lois et réglementations en vigueur. Cela signifie que le client peut résilier le contrat dans un délai spécifié après l’achat, sans avoir à fournir une justification particulière.
  2. Garanties légales : En cas de qualification de vente, le client peut bénéficier des garanties légales prévues par la loi pour les biens vendus. Cela signifie que le client peut exiger que le logiciel fonctionne conformément aux spécifications annoncées et qu’il soit exempt de vices cachés.
  3. Responsabilité du vendeur : Si le contrat de licence est qualifié de vente, le vendeur peut être tenu responsable des défauts ou des problèmes liés au logiciel. Le vendeur peut être tenu de réparer ou de remplacer le logiciel défectueux, voire d’indemniser le client pour les dommages causés par le logiciel défectueux.
  4. Protection du consommateur : Si le client est considéré comme un consommateur dans le cadre de la vente du logiciel, il peut bénéficier de protections supplémentaires en vertu des lois sur la protection des consommateurs. Cela peut inclure des droits de remboursement, des recours en cas de publicité mensongère ou de pratiques commerciales déloyales, etc. Il est important de noter que les effets concrets de la qualification de vente peuvent varier en fonction des lois et réglementations applicables dans chaque juridiction.

  1. Orientations futures : Possibles changements dans l’interprétation des contrats de licence de logiciel suite à cette décision de la Cour de cassation.

Suite à cette décision de la Cour de cassation, il est possible que l’interprétation des contrats de licence de logiciel subisse des changements. Voici quelques orientations futures potentielles :

  1. Qualification de vente : Comme mentionné dans l’arrêt, une licence de logiciel peut être qualifiée de vente lorsque certaines conditions sont remplies. Cette qualification de vente peut avoir des implications sur les droits et obligations des parties contractantes. Il est donc possible que les contrats de licence de logiciel soient examinés de manière plus approfondie pour déterminer s’ils répondent aux critères de vente.
  2. Droits de propriété intellectuelle : Le transfert du droit de propriété d’une copie de logiciel peut avoir des conséquences sur la protection des droits de propriété intellectuelle. Il est possible que les titulaires de droits cherchent à renforcer leurs droits de propriété intellectuelle dans les contrats de licence de logiciel afin de préserver leurs intérêts en cas de qualification de vente.
  3. Régulation et législation : Cette décision de la Cour de cassation pourrait également susciter des discussions sur la régulation et la législation relatives aux contrats de licence de logiciel. Les législateurs pourraient être incités à réexaminer les dispositions légales existantes et à envisager d’éventuelles modifications pour tenir compte de cette qualification de vente.
  4. Pratiques contractuelles : Les entreprises et les développeurs de logiciels pourraient également revoir leurs pratiques contractuelles à la lumière de cette décision. Ils pourraient s’assurer que leurs contrats de licence de logiciel sont rédigés de manière claire et précise, en prenant en compte les implications potentielles d’une qualification de vente. Il est important de noter que ces orientations futures ne sont que des possibilités et que chaque cas peut être différent en fonction des circonstances spécifiques. Les parties contractantes devraient consulter des conseils juridiques spécialisés pour comprendre pleinement les implications de cette décision de la Cour de cassation sur leurs contrats de licence de logiciel.

Pour lire une version plus complète de cet article sur le droit de propriété et  la vente de logiciel, cliquez

Sources :

  1. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 6 mars 2024, 22-23.657, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  2. Une licence de logiciel peut-elle être qualifiée de vente ? – LE MONDE DU DROIT : le magazine des professions juridiques
  3. Article L122-6 – Code de la propriété intellectuelle – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  4. Article 1582 – Code civil – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  5. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 26 mars 2013, 12-11.688, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

LES SPYWARES OU « LOGICIELS ESPIONS »

Les internautes ont souvent l’habitude de télécharger des plusieurs programmes en ligne. Certains sont gratuits et d’autres payants. Beaucoup de programmes téléchargés viennent avec ce que l’on appelle des spywares ou « espiogiciels » en français.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour en cas de piratage informatique en passant par le formulaire !

Les spywares sont des logiciels qui ont pour but d’espionner les comportements des internautes et de les transmettre à leur insu au créateur du logiciel, afin d’alimenter une base de données qui permet à ce denier de dresser le profil des internautes (on parle de profilage). Ils s’installent, généralement, en même temps que d’autres logiciels et ils permettent aux auteurs des dits logiciels de rentabiliser leur programme, par de la vente d’informations statistiques par exemple. Il s’agit donc, d’un modèle économique dans lequel la gratuité est obtenue contre la cession de données à caractère personnel.

Quels sont les enjeux juridiques liés à la prolifération des spywares ?

En effet, les espiogiciels peuvent causer préjudice aux internautes puisqu’ils permettent la divulgation d’informations à caractère personnel. Aussi, ils peuvent être une source de nuisances diverses telles que : la consommation de mémoire vive ou l’utilisation d’espace disque.


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrefaçon ?

Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez-nous en cliquant sur le lien


I.  Les différents types de spywares

À l’heure actuelle, on peut identifier quatre types d’espiogiciels qui sont susceptibles d’infester les appareils : les logiciels publicitaires, le cheval de Troie, les cookies de suivi et les moniteurs de système.

  • Les logiciels publicitaires

Les logiciels publicitaires sont une catégorie d’applications qui affichent des publicités sur les ordinateurs ou modifient les résultats de recherche dans les navigateurs. Certains logiciels publicitaires sont purement malveillants et ne demandent pas le consentement de l’utilisateur. De ce fait, il pourront surveiller les activités des utilisateurs en ligne pour diffuser des publicités ciblées.

Ces logiciels peuvent aussi avoir un impact négatif sur l’expérience de l’utilisateur et ralentissent souvent les navigateurs. Ils peuvent aussi servir de porte dérobée vers des ordinateurs à travers lesquels d’autres menaces peuvent être transmises ou des données peuvent être volées. Cependant, ils ne sont pas aussi dangereux que les chevaux de Troie informatique.

  • Cheval de Troie

Un cheval de Troie est un programme qui, lorsqu’il est activé, nuit directement à un système informatique. Il peut se déguiser en une application populaire ou en une mise à jour de sécurité. De ce fait, dès lors qu’elle est installée, la partie tierce qui le contrôle peut accéder à des informations sensibles concernant les utilisateurs.

  • Cookies de suivi

Les cookies de suivi ou traceurs fonctionnent comme des logiciels publicitaires, mais leur particularité c’est qu’ils envahissent de façon très discrète les téléchargements et l’historique du navigateur pour surveiller les activités des produits et services préférés. Ensuite, ils exploitent ces informations pour diffuser des publicités ciblées relatives aux produits ou services antérieurs.

Ainsi, l’article 5 (3) de la directive 2002/58/CE modifiée en 2009 pose le principe d’un consentement préalable de l’utilisateur avant le stockage d’informations sur son terminal ou l’accès à des informations déjà stockées sur celui-ci ; sauf si ces actions sont strictement nécessaires à la fourniture d’un service de communication en ligne expressément demandé par l’utilisateur ou ont pour finalité exclusive de permettre ou faciliter une communication par voie électronique.

Par ailleurs la CNIL a adopté le 17 septembre 2020 des lignes directrices, complétées par une recommandation visant notamment à proposer des exemples de modalités pratiques de recueil du consentement. Ainsi, tous les cookies n’ayant pas pour finalité exclusive de permettre ou faciliter une communication par voie électronique ou n’étant pas strictement nécessaires à la fourniture d’un service de communication en ligne à la demande expresse de l’utilisateur nécessitent le consentement préalable de l’internaute.

La CNIL rappelle régulièrement que le consentement est une manifestation de volonté, libre, spécifique, univoque et éclairée. La validité du consentement est donc notamment liée à la qualité de l’information reçue. Elle doit être visible, mise en évidence et complète, elle doit être rédigée en des termes simples et compréhensibles par tout utilisateur, etc. Le consentement n’est valide que si la personne exerce un choix réel, et enfin, il doit pouvoir être retiré simplement et à tout moment par l’utilisateur.

Enfin, il serait intéressant d’évoquer un quatrième type d’espiogiciel, les moniteurs de système.

  • Les moniteurs de système

Ces spywares surveillent principalement les activités des utilisateurs. Ils peuvent recueillir des données telles que les programmes lancés, les sites web visités, les dialogues dans les salons de discussion ou les courriels.

II. L’absence de consentement de l’internaute « infesté » par un spyware

Les créateurs des spywares ou les éditeurs déclarent que les spywares sont légaux. Lorsqu’une personne décide de télécharger un logiciel principal gratuit, la licence d’utilisation contient une indication sur la présence d’un éventuel spyware.

L’utilisateur installe donc le spyware sur son ordinateur en toute connaissance de cause. Toutefois, il arrive souvent que les internautes ignorent totalement la présence de spywares. De ce fait, le consentement éclairé nécessaire avant toute conclusion d’un contrat (même à titre gratuit) et tout traitement automatisé d’informations à caractère personnel peut être remis en cause : le plus souvent, ces clauses sont écrites en tout petit et en anglais, voire illisibles ou absentes.

La loi informatique et libertés (LIL) instaure des obligations pour les responsables des traitements automatisés d’informations à caractère personnel et des droits pour les personnes fichées. Ainsi, il est précisé à l’article 226-16 du Code pénal énonce que « Le fait, y compris par négligence, de procéder ou de faire procéder à des traitements automatisés d’informations nominatives sans qu’aient été respectées les formalités préalables à leur mise en œuvre prévues par la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. ».

Une décision de la Cour d’appel rappelle cela d’ailleurs. En effet, une association et la personne chargée du fonctionnement de son site Internet ont été condamnées pour avoir utilisé des données à caractère personnel sur le site web sans respecter la loi informatique et liberté (CA Bourges, 11 janvier 2007, n° 2007/03).

Le projet de loi concernant la refonte de la LIL prévoit que l’amende peut atteindre 300 000 euros (article 14). Les responsables ont l’obligation d’informer préalablement les personnes auprès desquelles sont recueillies ces informations nominatives (article 27 de la loi du 6 janvier 1978 ; article 32 de la LIL version 2004).

Par conséquent, tout manquement à cette obligation constitue une infraction. Cette infraction est caractérisée par le fait que l’internaute n’est pas au courant de l’existence sur son ordinateur de ces petits programmes informatiques espions qui enregistrent ses moindres faits et gestes sur son ordinateur et sur Internet. Il n’a pas été informé par le responsable du traitement automatisé des informations à caractère personnel.

Par ailleurs, le fait pour un fournisseur de services de communications électroniques ou pour un responsable de traitement de ne pas procéder à la notification d’une violation de données à caractère personnel à la CNIL, en méconnaissance des articles 33 et 34 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou des dispositions du II de l’article 83 et de l’article 102 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende (art. 226-17-1 code pénal).

III. La violation de la vie privée de l’internaute et la collecte illégale d’informations à caractère personnel

Selon l’ article 9 du Code civil, chacun a droit au respect de sa vie privée. Or, les spywares installés sans le consentement des internautes violent sans conteste leur vie privée en collectant des informations à caractère personnel. Les données à caractère personnel ainsi que leur traitement et collecte sont définis dans la loi informatique et Libertés. Ainsi, les données personnelles consistent à toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable. Elles peuvent concerner des informations relatives à la vie privée de la personne : le pays dans lequel vit l’internaute, le type d’achat qu’il effectue, les sites visités, etc.

À travers les logiciels espions, les destinataires des données peuvent constituer un fichier à des fins publicitaires sur les habitudes de téléchargement, les centres d’intérêts, les achats effectués sur la Toile et leur périodicité. Ces données personnelles sont cédées à des régies publicitaires qui les utilisent pour leur activité d’envoi de messages publicitaires sous forme de pop-ups, pop-unders et e-mails .

La loi pour la confiance dans une économie numérique condamne cela. Il faut le consentement préalable de l’internaute via les e-mails (article 22). L’internaute doit avoir consenti préalablement à l’envoi de messages publicitaires. Il faut savoir, que le profilage ne se limite plus au comportement des internautes sur Internet, mais il concerne désormais le simple lecteur d’un e-mail. Dans un communiqué du 22 juin 2004, la CNIL a énoncé que ce logiciel espion était totalement illégal en France.

Il s’agit, en effet, d’« une collecte frauduleuse, déloyale ou illicite de données nominatives » (article 25 de la LIL du 6 janvier 1978 ; article 6 nouveau de la LIL version 2004). Selon l’article 226-18 du Code pénal, les utilisateurs de ce type de logiciel encourent une peine de 5 ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende. Les sanctions sont lourdes en cas de collecte déloyale d’informations à caractère personnel, car elles peuvent aller jusqu’à 1,5 million d’euros d’amendes pour les personnes morales.

Ce principe de loyauté est extrêmement important. C’est la raison pour laquelle la LIL version 2004 indique explicitement qu’il s’agit d’une condition de licéité des traitements de données à caractère personnel.

La CNIL émet régulièrement des recommandations qui visent à limiter au maximum l’exploitation commerciale et publicitaire du profilage sur Internet. L’arsenal juridique français actuel n’est pas une loi française spécifique « anti-spyware », mais permet toutefois de sanctionner les dérives de ces logiciels espions. Les spywares prolifèrent. Il convient d’être vigilant notamment lorsque l’on télécharge un logiciel gratuit sur Internet. Par ailleurs, il faut savoir que ce n’est pas parce que l’on décide de désinstaller le logiciel téléchargé que le spyware disparaîtra. Il est nécessaire de les détruire via des programmes anti-spywares.

Pour cela, il convient, donc, de voir quelques conseils pratiques afin de se protéger contre les spywares.

IV. Comment se protéger contre les spywares ?

Selon le site français big data il est possible d’appliquer certaines conduites afin de se protéger contre les spywares :

  • Éviter le téléchargement d’applications suspectes : il arrive, très souvent, que des applications affichent de façon spontanée des promesses qui semblent invraisemblables. À cet effet, il ne faut jamais télécharger ni cliquer sur des applications qui ne proviennent pas de sites de confiance.
  • Se méfier des courriels. Ces derniers constituent souvent un moyen pour dissimuler les menaces qui s’infiltrent dans la vie numérique. Si un e-mail provenant d’une source inconnue invite à suivre un lien, il faut agir avec méfiance. En effet, cliquer aveuglément sur ces liens peut mettre le système informatique en danger, voire même pire.

Enfin, il faut mettre à jour régulièrement le système pour garantir une sécurité. Ainsi, lorsque la version avancée du navigateur ou du système est disponible auprès d’une source fiable, il faut procéder rapidement à une actualisation. Il convient dès lors de lire les termes et conditions de la mise à jour pour pouvoir modifier les paramètres de sécurité du navigateur, ensuite. Les paramètres par défaut ne sont pas suffisant pour se protéger contre le spyware. Il faut ajuster les paramètres selon le navigateur utilisé. L’objectif principal consiste à faire en sorte que ce dernier bloque tous les pop-up, sites web et plug-ins suspects pour assurer la sécurité.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les spywares et le piratage informatique, cliquez

Sources :

https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees
https://www.cnil.fr/fr/les-sanctions-penales
https://www.lebigdata.fr/spyware-tout-savoir
https://www.cnil.fr/fr/cookies-et-traceurs-que-dit-la-loi

LA RESILIATION DE CONTRAT DE MAINTENANCE DE LOGICIEL

Le terme de « maintenance » en lui-même renvoie à un certain nombre de prestations très disparates.

Les prestations portant sur un logiciel vont au-delà de la simple correction des erreurs ou de la prévention des défaillances, que l’on peut respectivement dénommer – sans difficulté – maintenance corrective et maintenance préventive, par symétrie avec ce qui concerne la maintenance des logiciels.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire respecter vos droits en matière de contrats en passant par le formulaire !

Il faut aussi que le fournisseur assure son évolution et sa pérennité dans le temps, ce qui implique pour ce dernier, de se livrer à une prestation que l’on appelle improprement la maintenance évolutive, voire la maintenance adaptative, et qui se traduit par la mise au point de versions nouvelles et techniquement ou fonctionnellement différentes du logiciel initial.

La clause objet d’un contrat de maintenance ou suivi de logiciel peut donc prévoir ces différents types de prestations.

la Cour de cassation a jugé que dès lors que le « contrat de maintenance garantissait “un abonnement aux relectures et nouveautés propres à ce programme” et “la fourniture automatique et immédiate de chaque dernière version de ce programme et sa conformité à la législation en vigueur”, le mainteneur avait rempli son obligation de fourniture » puisqu’il avait « fourni le nouveau logiciel dans un délai aussi bref que possible compte tenu des contraintes imposées par la réglementation en vigueur » (Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, no 13-11068, note Huet J., RDC 2014 no 4, p. 640).

A propos de cette décision, le professeur Jérôme Huet indique notamment que « l’arrêt, dans sa simplicité, appelle une double observation : la première est que la maintenance d’un programme inclut les mises à jour rendues nécessaires par des modifications législatives ou réglementaires affectant la profession concernée, notamment lorsque celles-ci sont d’ordre purement mathématique ; la seconde est que, par le biais de l’appréciation de la faute, ce que l’on aurait pu penser relever du simple fait, se trouve soumis au contrôle de la Cour de cassation » (Huet J., Revue des contrats, décembre 2014, no 4, p. 640).


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrefaçon ?

Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez-nous en cliquant sur le lien


Le terme du contrat est atteint à la suite d’une période déterminée ou indéterminée au départ, ou encore peut être induit par la réalisation de certains événements évoqués dans la rédaction du contrat.

I. La résiliation et la résolution

A. La résolution du contrat

Contrairement à la résiliation qui met fin au contrat et le prive d’effets uniquement pour l’avenir, la résolution anéantit, quant à elle, le contrat de façon rétroactive, ce qui suppose que les parties se retrouvent dans la situation de départ, comme si le contrat n’avait jamais existé. La résolution suppose, notamment, la restitution des sommes versées et implique de lourdes conséquences pour chacune des parties.

Dans un jugement, le tribunal de commerce de Paris a par exemple imposé au prestataire fautif (qui n’avait pas réglé à la société qui distribuait un logiciel ERP les licences nécessaires à l’activité de son client) la résolution du contrat ainsi que le remboursement des factures déjà réglées par le client (TC Paris, 5 décembre 2018, Byexpert / JL Consulting, <www.legalis.net>).

Soulignons que la résolution peut être envisagée par les parties dès la conclusion du contrat. Comme le prévoit le nouvel article 1125 du Code civil, une clause résolutoire permet de mettre automatiquement fin au contrat en cas d’inexécution par exemple, à condition qu’elle ne soit pas potestative.

Selon le nouveau texte du Code civil, « La clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat » et « la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s’il n’a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l’inexécution » et à condition que mise en demeure mentionne expressément la clause résolutoire (Code civil, nouvel article 1125).

C’est ainsi que la Cour de cassation a jugé que devait être privé de la faculté de se prévaloir utilement de la clause résolutoire stipulée dans un contrat d’infogérance, le client qui n’avait pas respecté les exigences procédurales encadrant sa mise en œuvre : le contrat contenait une clause de résiliation anticipée de plein droit en cas de manquement de l’une des parties à ses obligations, non réparées dans un délai de trente jours à compter d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Dans une espèce soumise à la Cour d’appel de Paris, un contrat de distribution de logiciels avait été conclu et avait comme particularité de contenir la clause « intuitu personae » suivante : « En dépit des clauses ci-dessus, X pourra résilier le présent contrat avec effet immédiat (…) si les actionnaires ou propriétaires actuels de la société Y venaient à cesser de contrôler la société Y, à moins que X n’approuve le transfert de propriété, ce consentement ne pouvant être refusé de manière irraisonnable ». Pour actionner cette clause, le fournisseur s’était fondé sur une annonce publique du changement de contrôle, sans attendre son effectivité juridique.

La Cour a relevé que la mise en œuvre de la clause n’était « subordonnée ni à la constatation préalable du transfert de propriété des titres cédés ni à sa mise en œuvre abusive, laquelle n’avait pas été constatée en l’espèce » (CA Paris, 5e ch., sect. B, 16 nov. 2006, SAS Microsoft France c/ Sté Solution Informatique et de développement, Juris-Data, no 2006-322561, cité, in Bitan H., Un an de droit des contrats informatiques, Comm. com. électr. 2007, no 5, p. 23).

La clause résolutoire peut donc s’analyser alors comme une clause-sanction, à l’exécution de laquelle la jurisprudence n’oppose qu’un contrôle assez limité. C’est ainsi que dans un arrêt du 10 juillet 2012 portant justement sur la rupture unilatérale d’un contrat du numérique, la chambre commerciale de la Cour de cassation a estimé que comme un article du contrat « autorisait chacune des parties à résilier le contrat pour faute », il en « résultait que les parties avaient écarté l’appréciation judiciaire de la gravité de leur comportement ».

En dehors des cas de résolution judiciaire que peut prévoir le contrat, la jurisprudence de la Cour de cassation admet parfois aussi la possibilité pour une partie de rompre unilatéralement et à ses risques et périls un contrat lorsque la gravité du comportement de son cocontractant le justifie.

Cette résolution extra judiciaire a été reconnue par la 1re chambre civile et la chambre commerciale a complété cette jurisprudence en tranchant qu’une telle rupture unilatérale pouvait être mise en œuvre même en présence et indépendamment d’une clause organisant par ailleurs « les modalités formelles de la résiliation contractuelle ».

Dans le même sens, un arrêt ultérieur de la chambre commerciale de la Cour de cassation a admis qu’une telle résolution unilatérale puisse s’effectuer « peu important que le contrat soit verbal », dès lors que les motifs invoqués par la partie décidant la résolution peuvent se déduire des correspondances échangées avant la rupture et alors que « la gravité des manquements d’une partie à un contrat peut justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls ».

Plus récemment encore, la même chambre commerciale a validé la résolution extrajudiciaire d’un contrat de licence d’exploitation de sites Internet, aux motifs que « la gravité du manquement de l’une des parties peut justifier que l’autre partie mette fin à l’engagement de manière unilatérale à ses risques et périls » et qu’en l’espèce, « le respect de l’obligation de maintenance était essentiel au bon fonctionnement des sites » et qu’il était démontré à la fois l’importance des dysfonctionnements et l’existence d’une mise en demeure préalable du prestataire défaillant.

Si la résolution du contrat du numérique est la sanction la plus fréquente, sa mise en œuvre doit cependant répondre à certaines conditions. Il faut dans un premier temps qu’une obligation du contrat n’ait pas été exécutée.

Mais cette obligation doit cependant être une obligation essentielle du contrat, ce que vérifient assez fréquemment les juges. Et pour ce faire, ils n’hésitent pas à rechercher la commune intention des parties : « Mais attendu, en premier lieu, que recherchant la commune intention des parties dans le bon de commande, le cahier des charges et les correspondances échangées, l’arrêt retient dans l’exercice de son pouvoir souverain qu’il en résulte que les parties avaient l’intention de procéder à une informatisation globale et intégrée de la comptabilité dans des délais précis, caractérisant ainsi l’obligation de résultat, tandis que l’expert a constaté que ni le matériel, ni le logiciel ne pouvaient être utilisés en raison de l’inachèvement des modifications et de l’adaptation ».

Outre le fait que l’inexécution doit porter sur une obligation principale, il faut que cette inexécution présente une gravité suffisante. Ainsi, dans un arrêt de 1993, la Cour de cassation a voulu – pour valider la résolution – vérifier que la non-conformité du système constatée mettait le système dans l’incapacité totale de fonctionner. De même, elle reconnaît qu’il est dans le pouvoir souverain du juge du fond d’estimer que « les manquements de la société Multiconsult à ses obligations contractuelles présentaient une gravité suffisante pour justifier la résolution du contrat litigieux, qu’elle a prononcée ».

B. La résiliation du contrat

La résiliation du contrat concerne plus généralement les contrats à exécution successive ou à durée indéterminée alors que la résolution, organisée par le nouvel article 1224 du Code civil concerne les autres contrats.

S’agissant de la résiliation, les parties peuvent librement mettre fin au contrat, mais dans le respect des modalités prévues à cet effet. S’agissant des contrats à durée indéterminée, le nouvel article 1211 du Code civil dispose désormais que « lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable ».

Soulignons que, le plus souvent, le juge peut néanmoins contrôler et sanctionner le cas échéant l’abus de ce droit comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 21 février 2006 : « Si la partie qui met fin à un contrat de durée indéterminée dans le respect des modalités prévues n’a pas à justifier d’un quelconque motif, le juge peut néanmoins, à partir de l’examen des circonstances établies, retenir la faute faisant dégénérer en abus l’exercice du droit de rompre ».

Un contrôle du même type trouve aussi à s’exercer lorsque la résiliation unilatérale est décidée par le fournisseur au motif qu’il lui est apparu qu’il serait finalement impossible de mener à bien le projet informatique considéré.

Dans un tel cas, la Cour de Paris a considéré que le prestataire avait « rompu le contrat du fait de son incapacité à proposer même une version simplifiée d’un projet d’une extrême complexité technique pour le montant contractuellement envisagé » et qu’en l’espèce, « cette rupture est fautive, la consultation du cahier des charges pouvant lui permettre de se convaincre aussi bien de ces éléments que de l’inachèvement du projet et des attentes particulières du client » (CA Paris, pôle 5, ch. 11, 16 mars 2012, <www.legalis.net>).

Faute de motifs légitimes pour rompre le contrat, les tribunaux qualifient en effet d’abusive la résiliation unilatérale d’une des parties au contrat. Ainsi, dans un arrêt du 17 juin 2008, la Cour de cassation a considéré que la non-remise de la documentation en langue française relative au logiciel d’installation, ne justifie pas la rupture unilatérale du contrat puisque cela ne constitue pas un obstacle à l’exécution du contrat.

Cet abus de résiliation peut également résider dans la clause même de résiliation unilatérale contenue dans le contrat. C’est ainsi que la Commission d’Examen des Pratiques commerciales (CEPC) a estimé dans un avis du 23 février 2015 qu’était « contraire à l’article L. 442-6 I 2º du code de commerce » en raison de son « asymétrie de traitement des parties », une clause de résiliations unilatérale qui prévoyait que « si le cocontractant souhaite sortir du contrat, il doit verser de 30 % à 100 % des loyers à échoir, selon le moment de la résiliation, montant majoré le cas échéant d’une clause pénale de 10 % de ces loyers.

Et ce alors même qu’aucune exécution ne serait matérialisée. À l’inverse, les conditions générales ouvrent de nombreux cas de résiliation à la société B (ou au cessionnaire du contrat) et ce, sans que cette faculté de sortie ne soit payante ni justifiée par un motif grave ».

L’avis décrit ensuite en détail les aspects que la commission a considéré comme particulièrement déséquilibrés, ce qui nous donne de bons exemples de dispositions qu’il convient de considérer comme pouvant « soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » (C. com., art. L. 442-6, I. 2º) :

« L’article 16.1 stipule que le contrat peut être résilié de plein droit avec mise en demeure infructueuse par la société B ou le cessionnaire notamment en cas de non-paiement à terme d’une seule échéance, non-exécution d’une seule des conditions du contrat. Ce même article dispose que la société B ou le cessionnaire peut, en dépit de l’exécution consécutive à la mise en demeure, tout de même résilier le contrat.

L’article 16.2, expressément contesté, prévoit une résiliation de plein droit et sans mise en demeure en cas de cessation d’activité partielle ou totale du client signataire.

L’article 16.3 dispose qu’en sus de l’intégralité des loyers, le client devra verser une indemnité de 10 % de ces loyers dès lors que le contrat est résilié par la société B ou le cessionnaire.

Par ailleurs, même s’il n’est pas parti à cette relation, le client devra verser une indemnité en cas de résolution du contrat existant entre la société B et la société de location financière cessionnaire (article 16.4) »

II. Conséquences sur la fin du contrat de maintenance

A. Le contrat de maintenance

La maintenance peut d’abord être liée, en ce sens qu’elle dépend d’un autre contrat, dont elle est une clause ou un contrat annexe indivisible. Il peut s’agir de la vente d’un ordinateur, d’une imprimante, d’un scanneur, ou d’un ensemble plus complexe (voire un contrat relatif à un logiciel, mais alors c’est à tort que le mot de maintenance est utilisé).

Souvent expresse, elle découle aussi, fut-ce implicitement, des clauses de garanties contractuelles, qui obligent le vendeur à réparer gratuitement l’appareil, ou à remédier aux défaillances d’un logiciel (si tant est qu’il puisse exister une maintenance à leur égard, ce qui est contestable). D’un autre côté, il nous semble qu’un professionnel est tenu, de par sa qualité, d’assurer au minimum un service après-vente (qui est distincte de la maintenance), indépendamment de toute garantie conventionnelle.

À côté de la vente, la maintenance peut aussi être liée à un contrat de sécurité, un crédit-bail, à une location-vente, à une location classique d’une unité centrale (processeur) comme de tout autre matériel informatique, ou encore à une location-service (dite parfois renting), dans laquelle le locataire est mandaté par le loueur pour acheter les biens qui lui conviennent (comme dans le crédit-bail), alors que le loueur se charge de leur maintenance. La formation peut encore être liée à des licences de logiciel et à de la maintenance.

Lorsque la maintenance est ainsi associée à un contrat principal de fourniture ou de location, la résiliation du contrat principal entraîne automatiquement celle du contrat de maintenance, dans la mesure où ils sont indivisibles.

La circonstance qu’un contrat de maintenance soit lié à un autre contrat, dont il peut être regardé comme l’accessoire, emporte une importante conséquence en cas de modification du titulaire des droits du contrat de base, qui est son support. Si le propriétaire ou le locataire de l’installation change, le contrat de maintenance sera transféré sur la tête du nouveau propriétaire ou du nouveau locataire, après simple signification au débiteur cédé.

Parfois, le contrat supprime même cette exigence ; dès lors, le débiteur cédé ne peut pas s’opposer à la cession. Cependant, les parties ont pu convenir d’une clause en sens contraire. Il en existe de deux sortes. Soit elle précise que le contrat a été conclu intuitu personæ, ou firmæ, comme cela est presque d’usage dans les contrats de maintenance informatique, pour interdire toute transmission ; soit, un degré en dessous, elle soumet la transmission à un agrément de l’autre partie.

Mais il a été jugé que le contrat de maintenance était automatiquement transmis (sous-entendu malgré toute clause contraire) au sous-acquéreur d’un ordinateur et d’un système d’exploitation (operating system [OS], lorsque le fournisseur initial a le monopole en France du matériel et du système, d’où personne d’autre ne peut effectuer cette prestation.

B. Défaut de résiliation du contrat de maintenance en cas d’utilisation du logiciel

Par un jugement prononcé le 14 octobre 2021, le tribunal de commerce de Rennes a refusé de prononcer la résiliation du contrat de maintenance portant sur des logiciels fournis malgré les dysfonctionnements, car les clients avaient continué de les utiliser.

Il a estimé que l’exécution du contrat avait été partielle et, en conséquence, il a seulement ordonné une indemnisation des clients par une réfaction de 40 % de leurs factures de prestations émises durant les trois ans.

Deux PME spécialisées dans l’emballage avaient souscrit une offre commerciale portant sur l’implémentation d’une solution logicielle standard de gestion de fournisseurs et de clients, de comptabilité, etc. En plus de la mise à disposition des logiciels, le contrat incluait une formation des utilisateurs, une assistance en ligne, une maintenance corrective et évolutive.

Dès le début, les clients ont rencontré des difficultés pour installer et paramétrer les logiciels. Ils ne pouvaient pas l’utiliser de manière optimale. « Le tribunal constatant que les prestations se poursuivent même si la prestation fournie (…) laisse à désirer et que l’exécution du contrat peut être qualifiée de partielle, la société Exact palliant certaines incapacités des défenderesses, juge qu’il n’y a pas lieu de prononcer la résiliation des contrats ».

Les clients demandaient 100 000 € de dommages-intérêts, se basant notamment sur le temps passé par leurs salariés à installer et à paramétrer les logiciels ou à corriger les erreurs. Si le tribunal reconnaît le préjudice sur le principe, il en réfute le montant. Il leur accorde cependant une réfaction du prix, concernant la maintenance.

Pour lire une version plus complète de cet article sur la résiliation d’un contrat de maintenance de logiciel, cliquez

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000024761210?init=true&page=1&query=10-26203&searchField=ALL&tab_selection=all https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000033486905?init=true&page=1&query=15-17.743+&searchField=ALL&tab_selection=all https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026182917?init=true&page=1&query=11-20.060&searchField=ALL&tab_selection=all https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000020259667?init=true&page=1&query=08-12415&searchField=ALL&tab_selection=all https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007509424?init=true&page=1&query=05-15590&searchField=ALL&tab_selection=all

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000033570035?init=true&page=1&query=15-12.981&searchField=ALL&tab_selection=all https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007235749?init=true&page=1&query=92-20.589&searchField=ALL&tab_selection=all https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007431900?init=true&page=1&query=98-10.600&searchField=ALL&tab_selection=all https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007208875?init=true&page=1&query=91-18.583&searchField=ALL&tab_selection=all https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007052075?init=true&page=1&query=02-21.240&searchField=ALL&tab_selection=all https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000019035577?init=true&page=1&query=07-14.299&searchField=ALL&tab_selection=all