dénigrement

AVIS DIFFAMATOIRE SUR GOOGLE

La liberté d’expression est démultipliée sur internet, en effet tous les internautes sont libres d’exprimer leurs idées. Cependant, c’est aussi un lieu où la diffamation, l’injure ou encore le dénigrement sont répandus. Il est alors important de s’arrêter sur la responsabilité des internautes publiant des injures, des propos diffamatoires ou encore des propos dénigrants.

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Si Internet fait figure d’accélérateur de progrès, il reste susceptible de favoriser certaines infractions et notamment les atteintes à la réputation. La diffamation exige la réunion de quatre éléments : une allégation ou une imputation ; un fait déterminé ; une atteinte à l’honneur ou à la considération ; une personne ou un corps identifié ; la publicité.

La loi de 1881 contient une série d’articles (29 à 35, à l’exclusion de l’article 33, relatif à l’injure) incriminant la diffamation et prévoyant une partie de son régime. Plus précisément, l’article 29 ouvre le paragraphe 3 (« Délits contre les personnes ») du célèbre chapitre IV de la loi sur la presse (« des crimes et délits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication »).

C’est cet article 29, dont la rédaction n’a évolué qu’une fois depuis 1881, par l’effet de l’ordonnance du 6 mai 1944, qui contient l’essentiel de la définition de la diffamation, la première phrase de son premier alinéa disposant que « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ».

C’est par référence à cette définition centrale que plusieurs autres textes incriminent diverses diffamations, selon la personne ou le corps visé (L. 29 juill. 1881, art. 30 à 32 et 34.) ; mais aussi selon le caractère public ou non des propos diffamatoires. En ce dernier cas, la diffamation n’est plus un délit, mais n’est constitutive que d’une contravention de 1re classe (Code pénal, art. R. 621-1) ou de 5e classe si elle présente un caractère discriminatoire (Code pénal, art. R. 625-8).


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Enfin, l’article 1er de la loi du 11 juin 1887 incrimine spécialement la diffamation commise par un envoi postal à découvert. Si elle n’est pas totalement ignorée en jurisprudence, cette dernière loi semble tomber peu à peu en désuétude et ne méritera pas davantage de références.

Toutefois, la Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 janvier 2020, 18-85.159 a précisé qu’en matière de diffamation, les caractères de la bonne foi s’apprécient plus souplement en cas de débat d’intérêt général. L’animosité personnelle ne peut se déduire uniquement de la teneur et du ton des propos litigieux.

Elle précise en ces termes « Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que le message incriminé, qui s’inscrivait dans le débat d’intérêt général sur l’usage, par les élus, des fonds publics et sur la transparence de la vie politique et poursuivait en conséquence un but légitime, reposait sur une base factuelle suffisante, de sorte que la bonne foi ne pouvait être refusée au prévenu aux motifs du recours par celui-ci à l’anonymat, pourtant fréquent sur le réseau internet, d’une animosité personnelle qui lui était prêtée de ce seul fait, et du ton affirmatif du propos, et alors que ledit propos n’excédait pas les limites admissibles de la liberté d’expression » (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 janvier 2020, 18-85.159).

I. Constitution de l’infraction de la diffamation

A. Matérialisation de l’infraction

Le premier alinéa de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse dispose que « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. »

Ainsi, pour que soit caractérisée la diffamation, il faut en principe :

une allégation ou imputation d’un fait précis et déterminé ;

une allégation ou imputation d’un fait attentatoire à l’honneur ou à la considération. Il s’agit ici de protéger la réputation d’une personne dans la sphère publique : si l’honneur est une conception personnelle et que la considération correspond davantage à l’image que l’on peut donner de soi aux autres, les deux notions ont tendance à se confondre et seront appréciées objectivement par le juge ;

les propos litigieux doivent en principe viser une personne ou un groupe de personnes déterminées, ou au moins déterminables, ce qui signifie qu’une identification doit pouvoir être possible.

Selon la première, l’allégation serait « une assertion faite sur la foi d’autrui ». Peu importe que l’autrui en question soit déterminé (« Untel m’a dit que ») ou non, c’est-à-dire que le diffamateur répande une rumeur d’origine inconnue (« On m’a dit que », ou « Il paraît que »). Ainsi un journaliste a été condamné « pour avoir fait état de suspicions » à l’encontre d’une association, sans lui permettre de « fournir sa version quant à cette rumeur ». Quant à l’imputation, ce serait l’affirmation d’un fait que l’on prétend avoir personnellement constaté.

Selon la seconde, qui est parfois conjuguée avec la première (Goyet écrivait ainsi : « L’allégation est une assertion produite sur la foi d’autrui, sur la rumeur publique, sur des hypothèses. L’imputation, au contraire, est une affirmation personnelle, une accusation ferme » : Droit pénal spécial : Sirey, 8e éd., 1972, n° 875, p. 604) – l’imputation supposerait une assertion au sens strict, alors que l’allégation s’accommoderait du doute. Ainsi, l’individu qui se présente comme le témoin d’un acte infamant qu’il attribue à autrui agit par imputation, mais celui qui colporte des accusations qui lui sont parvenues procède par allégation.

Mais cette présentation ne respecte pas le sens exact des allégations et imputations, qui peuvent toutes deux laisser place au doute, ce qui peut d’ailleurs être déduit de la fin du premier alinéa de l’article 29 : « La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible.

A noter que pour retenir la diffamation, les propos litigieux doivent en principe avoir été exprimés sciemment. En pratique, l’auteur des propos litigieux doit avoir eu conscience de porter atteinte à l’honneur ou à la considération d’autrui. Néanmoins, que les victimes de la diffamation se rassurent, l’intention de diffamer est présumée.

Il appartient donc à la personne que l’on accuse de diffamation de prouver sa bonne foi.

B. Les recours contre les avis illicites

Le principe étant celui de la liberté d’expression et du droit de libre critique, le professionnel de santé devra se garder de surréagir aux propos même excessifs dont il fait l’objet. Bien souvent, il est traditionnellement conseillé de se rapprocher de l’auteur de l’avis litigieux s’il est identifiable pour tenter d’obtenir une suppression amiable ou encore de répondre de manière argumentée aux mises en cause.

Saisie d’une demande de suppression de propos qu’un chirurgien esthétique estimait faux, tels que “homme désagréable, hautain, antipathique, pas à l’écoute ni disponible pour le patient, il donne l’impression qu’il a qu’une envie c’est qu’on lui donne son argent et qu’on s’en aille […]”, la Cour d’appel de Paris a pu ainsi considérer que ceux-ci “relèvent plutôt de la libre critique et de l’expression subjective d’une opinion ou d’un ressenti de patients déçus […]. En cela, ils participent de l’enrichissement de la fiche professionnelle de l’intéressé et du débat qui peut s’instaurer entre les internautes et lui, notamment au moyen de réponse que le professionnel est en droit d’apporter à la suite des publications qu’il conteste”.

Cette approche libérale a été celle choisie également par le tribunal de Metz : “Il appartient au libre jeu de l’usage de systèmes de notation et d’avis sur internet de faire l’objet tant de commentaires négatifs que positifs afin d’offrir une vision objective du praticien par les avis des patients antérieurs de celui-ci”, le juge y voyant même un moyen d’inciter à “une attitude exemplaire du praticien”.

On pourra objecter que cet espace de liberté est forcément contraint et déséquilibré, compte tenu du fait que le praticien est soumis au secret médical et donc limité dans sa capacité à répliquer librement à la mise en cause, et que par ailleurs, l’impact des commentaires négatifs, sans compter leur éventuel caractère de fausseté, pourra apparaître souvent plus puissant que celui des avis positifs – pas toujours spontanés – les contrebalançant, laissant ainsi une trace indélébile si le praticien ne réagit pas.

Dans l’hypothèse inverse, après le cas échéant une mise en demeure restée infructueuse, celui-ci aura le choix des armes juridiques.

C. Action en référé à l’encontre de Google aux fins de suppression d’avis

Dans l’hypothèse où des avis Google seraient susceptibles d’être qualifiés d’illicites, le professionnel de santé pourra agir en référé contre la firme américaine aux fins de suppression de contenus sur le fondement de l’article 6-I-8 de la loi du 21 juin 2004, en prenant garde toutefois aux dispositions de la loi du 29 juillet 1881 s’il ressort que l’action est fondée aussi sur ce texte, au risque sinon de voir prononcer la nullité de l’assignation faute de respect des règles procédurales strictes prévues dans ses articles 53 et 65 spécialement.

Une solution conforme en cela à ce qui a pu déjà être retenu en matière de demande de déréférencement, dès lors qu’il est sollicité du juge qu’il se prononce sur l’existence d’un délit de presse afin d’obtenir le retrait du lien.

Ceci étant, la démonstration du seul caractère manifestement illicite du propos en cause devrait être suffisante pour motiver un retrait d’avis Google, étant précisé qu’une provision sur dommages-intérêts pourra également être allouée s’il ressort que l’exploitant du moteur de recherche avait été préalablement notifié afin de supprimer le contenu conformément à l’article 6-I-5 de la loi du 21 juin 2004 et qu’il a tardé à le faire.

II. Les actions en justice

A. Action en référé ou au fond

Action en référé ou au fond à l’encontre de l’internaute aux fins de suppression d’avis et d’obtention d’une indemnité. – Le requérant dispose de la possibilité d’agir “sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 ou du dénigrement en application de l’article 1240 du Code civil, contre les internautes qui porteraient atteinte à son honneur ou à sa réputation ou qui publieraient une critique excessive et fautive de ses services”.

En l’espèce, une telle action devra selon les cas nécessiter au préalable qu’un juge fasse droit à la demande de levée d’anonymat de l’auteur en requérant la communication des éléments d’identification auprès de l’exploitant du moteur de recherche sur le fondement de l’article 6-II de la loi du 21 juin 2004, une fois caractérisée l’existence du “motif légitime”, au sens de l’article 145 du Code de procédure civile, que constitue la volonté d’engager une procédure pour l’indemnisation du préjudice subi.

Dans une affaire, le juge des référés, après avoir constaté qu’il agissait parfaitement dans le cadre des règles de la procédure civile, a considéré que les propos publiés dans l’avis réunissaient toutes les caractéristiques de la diffamation définies à l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, à savoir “toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation”.

Il retient donc qu’à l’égard de la dentiste “la teneur de l’avis précité comporte des allégations et des imputations de faits portant atteinte à son honneur et à sa considération (probité et compétence professionnelle) spécialement formulées à cet effet dans le cadre d’un conflit en cours avec le praticien”.

Il condamne en conséquence solidairement les deux sœurs, d’une part à retirer l’avis litigieux sous une astreinte de 300 € par jour de retard, et d’autre part à payer l’arriéré des soins de 1690 € ainsi que 1500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile (frais de justice engagés par la partie adverse).

B. Plainte avec constitution de partie civile

Une plainte avec constitution de partie civile en matière de diffamation ou d’injure s’il y a lieu permettra de sécuriser l’action en présence d’un auteur d’avis anonyme, ceci afin de ne pas risquer le jeu de la prescription trimestrielle.

(L. 29 juill. 1881, art. 65) “L’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions prévus par la présente loi se prescriront après trois mois révolus, à compter du jour où ils auront été commis ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.

Toutefois, avant l’engagement des poursuites, seules les réquisitions aux fins d’enquête seront interruptives de prescription. Ces réquisitions devront, à peine de nullité, articuler et qualifier les provocations, outrages, diffamations et injures à raison desquels l’enquête est ordonnée.

Les prescriptions commencées à l’époque de la publication de la présente loi, et pour lesquelles il faudrait encore, suivant les lois existantes, plus de trois mois à compter de la même époque, seront, par ce laps de trois mois, définitivement accomplies.”.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les avis diffamatoires sur Google, cliquez

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037850944?init=true&page=1&query=17-85.159&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041481944?init=true&page=1&query=18-85159%2C&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007607901?init=true&page=1&query=06-81.326+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007532860?init=true&page=1&query=+86-95.131&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007059331?init=true&page=1&query=66-90.822&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000024255022?init=true&page=1&query=11-40.023&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legalis.net/jurisprudences/cour-dappel-de-paris-pole-5-ch-4-arret-du-6-janvier-2021/
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042524889?init=true&page=1&query=18-15.669&searchField=ALL&tab_selection=all

DIFFAMATION, INJURE ET DENIGREMENT SUR INTERNET

La liberté d’expression se démultiplie grâce à internet. A cet égard, tous les internautes sont libres d’exprimer leurs idées. Toutefois, il s’agit d’un lieu où la diffamation, l’injure ou encore le dénigrement sont répandus. Il est alors important de s’arrêter sur la responsabilité des internautes publiant des injures, des propos diffamatoires ou encore des propos dénigrants.

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L’internet reste susceptible de favoriser certaines infractions et notamment les atteintes à la réputation en dépit de son trait d’accélérateur de progrès.

Ces abus sont réprimés par le droit même lorsqu’ils sont commis sur internet. Le ministère de l’Éducation nationale l’a très bien précisé sur son site (rubrique « Internet responsable »), « la liberté d’expression n’est pas un droit absolu et elle se trouve affectée de nombreuses limites que les internautes ne doivent pas ignorer », comme l’injure, la diffamation ou encore le dénigrement.
Ceci étant, la lecture de cet article en fait indéniablement écho à un autre. Le terme  » sauf  » prend tout son sens ici en ce que, comme le rappelle l’article 4 du texte,  » la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui « .

Au sens de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la liberté d’expression pour tous, est incontestablement un principe constitutionnel ; il précise que  » la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi « .

Néanmoins, plusieurs régimes juridiques applicables, plus ou moins efficaces, existent afin d’assurer une protection juridique contre ces atteintes, selon que l’infraction en cause constitue un acte de diffamation, d’injure, ou encore de dénigrement.


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Que ce soit le juge ou le législateur, tous deux ont en mené front pour tenter de poser des limites à ces atteintes, en gardant à l’esprit que pour ce faire il demeure nécessaire de mettre en balance ce droit fondamental qu’est la liberté d’expression, et les droits des personnes visées sur internet. C’est pourquoi il demeure essentiel de combiner la mise en place d’un régime strict en matière de délit de presse sur internet (I) avec celle de régimes plus souples (II).

I – L’existence d’un régime strict de sanction des délits de presse sur internet

A – La diffamation et l’injure comme délits de presse sur internet

La diffamation est une allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne physique ou morale, selon l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881.

La jurisprudence apporte des précisions sur la notion de diffamation en la jugeant caractérisée dès lors que l’honneur d’une personne identifiable est publiquement atteint par la divulgation d’une allégation de mauvaise foi. La réunion de cinq conditions cumulatives détermine donc la qualification de diffamation, telle que la sanctionne la loi de 1881.

– L’allégation doit porter sur un fait précis et déterminé.

En pratique, cela suppose que l’allégation soit suffisamment précise de manière à pouvoir faire sans difficulté l’objet de preuves et débats contradictoires. Si son caractère dubitatif est toléré, le fait précis exigé par la loi sur la presse ne saurait être constitué par une simple opinion relevant du débat d’idées.

– L’allégation doit porter sur un fait portant atteinte à l’honneur et à la considération d’autrui.

Ceci étant, le caractère diffamatoire est en principe apprécié in abstracto par les juges.

– L’allégation doit viser une personne déterminée physique ou morale.

Les propos permettent au public d’identifier la personne visée, sachant qu’il suffit que la victime soit identifiable même par un cercle restreint de personne. La jurisprudence ajoute dans un arrêt du 5 janvier 2010 que lorsque la condition d’atteinte personnelle est remplie, l’allégation publiée peut constituer une diffamation « même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation ». Ainsi, peu importe que la personne soit nommément désignée ou non. Si suffisamment d’éléments dans les propos permettent d’identifier précisément une personne, l’atteinte personnelle, élément matériel de l’infraction, est constituée.

– L’allégation doit être faite de mauvaise foi, celle-ci étant présumée.

– Enfin, l’allégation doit être publique.

Le Tribunal d’instance de Strasbourg, dans une décision du 9 juin 2006, a rappelé que le caractère public de la diffamation pouvait faire défaut, même sur internet. En l’espèce, la société « Ami de la 2 CV » s’est plaint de plusieurs messages postés par un internaute sur le forum de discussion sur internet consacré à la voiture selon lesquels l’activité de la demanderesse n’est pas fiable. Du fait qu’il suppose « une identification via un nom d’utilisateur et un mot de passage.

En effet, aucun visiteur anonyme ne pouvait consulter ou poster un message dans les rubriques du forum ». L’élément de publicité faisant défaut, aucune diffamation publique n’est jugée constituée. Il ressort que le critère de publicité de la diffamation ne peut être rempli si le forum de diffusion des propos en cause n’est accessible qu’à des internautes inscrits, et que ceux-ci sont liés par une communauté d’intérêts en raison de leur passion commune.

L’injure est quant à elle définie à l’alinéa 2 du même article 29 (loi du 29 juillet 1881), comme « expression outrageante, terme de mépris ou invective » ne renfermant l’imputation d’aucun fait précis. L’injure est un délit lorsqu’elle est publique, alors qu’elle n’est qu’une contravention dans le cas contraire.

L’injure correspond par exemple à l’hypothèse où une personne reproche publiquement sur Internet au maire de sa ville, de détourner l’argent public à son profit, alors même qu’elle n’apporte aucune preuve tangible à l’appui de ses propos.

De surcroit, il y’a injure lorsque l’information en cause reste dubitative et vise une personne non expressément nommée, mais qu’il est possible d’identifier.

La Cour de cassation dans un arrêt, rendu le 23 juin 2009, affirme que le délit d’injure peut parfois être absorbé par la diffamation. En l’espèce un avocat avait porté plainte pour diffamation publique envers un particulier, en raison de sa mise en cause pour plusieurs propos diffusés sur internet. La Cour d’appel rejette la plainte dans la mesure où elle se fonde sur la qualification de diffamation pour incriminer des propos « insultants et injurieux ». Les juges de cassation tranchent en considérant que les expressions outrageantes et injurieuses sont indivisibles en l’espèce des imputations diffamatoires et peuvent se confondre avec elles.

Un arrêt intéressant est celui de la chambre criminelle de la Cour de cassation, rendu le 7 janvier 2020, où il était question de savoir si le fait de s’exprimer sur les réseaux sociaux derrière un pseudonyme permet à lui seul d’établir l’existence d’une animosité personnelle.

En l’espèce, il s’agissait d’un président de conseil départemental qui était mis en cause sur internet dans les commentaires des internautes. Ces commentaires étaient situés sous un article d’un quotidien régional relatif à son action politique. Le commentaire en question était publié en réaction à un autre commentaire d’internaute et l’auteur de ce dernier utilisait un pseudonyme. Il n’était donc pas identifié.

La Cour a répondu affirmativement et a affirmé que le recours à l’anonymat, qui est fréquent sur le réseau d’internet, ne permet pas d’établir une animosité personnelle. (1)

B – La loi de 1881 comme régime spécial de responsabilité applicable aux délits de diffamation et injure sur internet

Dès l’avènement de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN), les moyens de communication audiovisuelle, auxquels est assimilé le réseau, sont englobés dans la notion de « communication au public par voie électronique ». Sont donc concernés par le cadre législatif applicable à ces formes de communication les messages diffusés par un site web (hors courrier électronique individuel).

Est-ce qu’il faut appliquer, à cette communication au public par voie électronique, le régime spécial de responsabilité en cascade propre à la presse écrite, au sens de la loi du 29 juillet 1881, en lieu et place de la responsabilité civile de droit commun ?

Les juges ont répondu affirmativement à cette question. Ils excluent l’application de l’article 1240 du Code civil aux actions en réparation des abus de la liberté d’expression sur internet, au motif qu’il existe des textes spécifiques applicables contenus dans la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse (arrêt de la Première chambre civile de la Cour de cassation du 27 mars 2005).

En effet, cette jurisprudence constante s’applique tant aux diffamations qu’aux injures, ainsi répréhensibles qu’en vertu des articles R.621-1 et suivants du Code pénal, comme l’affirme la Deuxième chambre civile dans un arrêt du 18 février 2010.

L’effet principal de cette règle est de limiter les possibilités d’action pour diffamation ou injure, la répression des délits de presse étant enfermée dans un délai de prescription très court de trois mois à compter de la première publication (article 65 de la loi du 29 juillet 1881). Les parties doivent dès lors veiller à exercer leur action dans les formes prescrites par la loi du 29 juillet 1881, et son bref délai de trois mois, conformément aux positions du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation.

La LCEN (article 6.V) instaurait à l’origine un délai différent de prescription pour le délit de presse en ligne et pour le délit de presse papier, ce que le Conseil constitutionnel a jugé non conforme à la Constitution dans une décision du 10 juillet 2004, sous l’influence d’arrêts de 2001 de la Cour de cassation. L’article 6.Vde la LCEN dispose désormais que les modalités d’actions, contre les délits de presse, prévues par la loi du 29 juillet 1881, sont applicables aux services de communication au public en ligne, de même que la prescription figurant à l’article 65 de ladite loi.

Ce dernier fixe le point de départ du délai de prescription de l’action à la date du premier acte de publication, c’est-à-dire la date à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs (comme précisé dans une décision du Tribunal de grande instance de Paris, le 21 février 2005, dans une affaire relative à la société Yves Rocher).

S’agissant de l’évaluation du préjudice toutefois, le régime applicable à la diffamation sur internet diffère de celle sur presse écrite, et ce sous l’impulsion de la jurisprudence européenne. Dans un arrêt du 25 octobre 2011, la Cour de Justice de l’Union européenne affirme que la mise en ligne de contenus diffamatoires sur Internet se distingue de la diffusion territorialisée d’un imprimé, du fait de leur consultation instantanée par un nombre indéfini d’internautes dans le monde. Ainsi, le préjudice d’atteinte aux droits de la personnalité est plus grave, et la localisation des lieux de la matérialisation du dommage résultant de ces atteintes rendue plus difficile.

L’effet sur les droits de la personnalité d’une victime est susceptible d’être le mieux apprécié par la juridiction du lieu de sa résidence, la Cour de Justice donne compétence à cette juridiction pour évaluer l’intégralité des dommages causés sur le territoire de l’Union européenne, et non plus sur le seul territoire de la juridiction en cause comme c’est le cas en matière de presse écrite.

Elle rajoute que le principe de la libre prestation de services s’oppose à ce que le prestataire d’un service du commerce électronique soit soumis dans l’Etat d’accueil de l’affaire à des exigences plus strictes que celles prévues par le droit de l’Etat où il est établi.

Concernant le contenu même de ce régime spécial applicable aux délits de presse sur internet, les supports de la diffamation et de l’injure englobant « tout moyen de communication au public par voie électronique » mettent en jeu plusieurs obligations que précise la LCEN.

Elle prévoit que les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs sont tenus par une obligation de mise en place d’un dispositif facilement accessible et visible, qui permet à tous de porter à leur connaissance tout abus de l‘expression sur leur réseau ou site Web.

Ils sont de même soumis à deux obligations générales, dont le manquement est sanctionné par un an de prison et 75 000 euros d‘amende. Il leur incombe, d’une part, une obligation d’information des autorités publiques compétentes de toutes activités illicites, mentionnées aux articles 23 et suivants de la loi de 1881, qu’exerceraient les destinataires de leurs sites. Ils sont d’autre parts tenus de mettre à la disposition du public les moyens qu’ils consacrent à la lutte contre ces activités illicites.

De telles obligations liant les fournisseurs d’accès et hébergeurs sont justifiées du fait de l’existence d’un impératif de garantie du droit de réponse. En effet, outre le droit de réponse prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la LCEN a instauré un droit de réponse propre à internet (article 6.IV), dont le décret d’application est paru le 24 octobre 2007.

Ainsi, la loi prévoit que toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d’un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message qu’elle peut adresser au service.

La demande d’exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication ou, lorsque la personne éditant à titre non professionnel a conservé l’anonymat, au fournisseur d’accès à internet ou d’hébergement, qui la transmet sans délai au directeur de la publication.

Gratuite, cette demande est présentée au plus tard dans un délai de 3 mois à compter de la mise à disposition au public du message en cause. Le directeur de la publication est tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception les réponses de toute personne désignée dans le service de communication au public en ligne, sous peine d’une amende de 3750 euros, sans préjudice des autres peines et dommages et intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu.

Cependant, il convient de veiller à ce que la demande d’exercice du droit de réponse précise notamment les références du message initial, sa nature et la longueur de la réponse sollicitée (article 2 du décret d’application du 24 octobre 2007). Une ordonnance rendue par le Tribunal de grande instance de Paris, le 19 novembre 2007, a ainsi pu refuser de faire droit à des demandes parce qu’elles ne comportaient pas la mention des passages contestés.

II – La subsistance de régimes souples en matière de délits de presse sur internet

A – L’exception de vérité et de bonne foi applicable à la diffamation et l’injure

Un auteur poursuivi pour diffamation ou injure a la possibilité de démontrer qu’il a tenu les propos en cause dans un but légitime et exclusif de toute animosité personnelle. Pour ce faire, il doit pouvoir apporter des éléments d’information justifiant ses propos, et prouvant qu’il détient généralement un comportement prudent.

A titre d’exemple, dans trois décisions illustratives du 12 mai 2010, le Tribunal de grande instance de Paris considère que bien que les propos en ligne concernant la condamnation judiciaire de deux hommes politiques sont diffamatoires, il peut être reconnu le bénéfice de la bonne foi au journaliste et donc au directeur de la publication.

Si l’internaute poursuivi pour propos diffamatoire peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant la vérité du fait diffamatoire, conformément à l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 ou en rapportant la preuve de sa bonne foi, la jurisprudence vérifie généralement la réunion de quatre critères cumulatifs :

– la prudence du propos (emploi de termes conditionnels et indirects, de qualitatifs atténuants, utilisation de guillemets) ;

– l’absence de volonté de nuire ;

– un but légitime (à l’image d’une information présentant un intérêt public) ;

– une enquête sérieuse et contradictoire (toutefois souplement appréciée pour un blog).

En effet, la jurisprudence procède à une adaptation de ces critères en fonction du genre de support en cause, ainsi que de la personnalité de l’auteur des propos incriminés. L’exigence de prudence sera ainsi appréciée selon que les propos ont été publiés sur un blog, forum de discussion, ce dernier impliquant par nature une plus grande liberté de ton par exemple.

A cet égard l’auteur d’un blog n’est pas tenu d’avoir, préalablement à la diffusion de ses propos sur internet, effectué une enquête sérieuse et objective, telle qu’elle est attendue d’un journaliste professionnel (décision du TGI de Paris, 17 mars 2006). Un an après il en sera jugé de même pour le journaliste professionnel s’agissant des propos qu’il tient sur son blog personnel.

Il convient de noter que dans l’arrêt mentionné précédemment de la Cour de cassation du 7 janvier 2020, celle-ci avait retenu l’exception de bonne foi en estimant que les propos, qui concerne la critique de l’action publique d’un élu « n’excédaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression ».

Finalement, il a pu être décidé de l’absence de diffamation lorsque les critiques en cause sont susceptibles de protection par la liberté d’expression et le droit à la critique. Dans une affaire jugée par le Tribunal de grande instance de Lyon le 4 juillet 2005, la société Foncia assigne l’Association des responsables de copropriété (ARC) pour diffamation sur son site.

La société est déboutée par le tribunal de sa demande car elle ne démontre pas que les critiques émises par ARC sont dénuées de fondement, alors que celles-ci sont le reflet des questions faites par les adhérents. En les commentant l’ARC « exerce sa liberté d’expression et son droit à la critique qui porte sur des pratiques qui peuvent parfois apparaître préjudiciables pour certains adhérents ».

De surcroit, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 16 septembre 2021, rappelle que la liberté d’expression n’est pas absolue et qu’elle peut être limitée dans le respect du principe de proportionnalité lorsqu’elle porte atteinte à autrui.

A cet effet la Cour a condamné un actionnaire minoritaire qui, selon elle, avait fait preuve d’un acharnement à l’encontre des gérants d’une société dans sa critique et avait ainsi porté atteinte à sa moralité en installant un doute sur la transparence et la fiabilité de la gestion de la société en question. (2)

B – Le régime de responsabilité de droit commun applicable au dénigrement

Le dénigrement désigne le fait de jeter publiquement le discrédit sur une personne ou une entreprise, par la critique de ses produits ou son travail, dans le but de lui nuire, et ce même en l‘absence de toute situation de concurrence.

Il s’agit d’un acte, en général commis par une personne tierce, à l’image d’un ancien employé ou d’un concurrent déloyal, est répréhensible par la loi et plus précisément par le régime de responsabilité de droit commun dont dispose l’article 1240 (anc. 1382) du Code civil.

En cas d’un dénigrement, le recours à la responsabilité civile de droit commun exclue donc, ici, toute possibilité de poursuite fondée sur la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, qui s’appliquait à la diffamation et l’injure.

En effet, les juges considèrent que les critiques même excessives touchant les seuls services, produits ou prestations d’entreprise, peuvent être poursuivies sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun, comme en témoigne un arrêt rendu par la Deuxième chambre civile, le 8 avril 2004.

Dès lors, pour apprécier la présence d’un dénigrement, les tribunaux mettent en balance le principe de responsabilité de l’article 1240 du Code civil avec le principe à valeur constitutionnelle de la liberté d’expression. Ils tiennent, de même, compte de la qualité de l’auteur des propos en cause.

La liberté d’expression l’emporte généralement sur les poursuites pour dénigrement, lorsque celui-ci est le fait d’un organe d’expression collective, tel qu’une association, en raison de la légitimité du but poursuivi.

Néanmoins, la jurisprudence tend à réduire la possibilité de recours sur le fondement de l’article 1240 du Code civil en rapprochant la critique de produits de la diffamation. En effet, si les propos incriminés sont suffisamment précis, et qu’ils rendent le fabricant des produits ou services identifiables, le délit de diffamation est susceptible d’être constitué.

La critque des produits et services s’analysant en une diffamation à l’encontre du fabricant, la responsabilité de droit commun de l’article 1240 du Code civil ne s’applique pas à la poursuite, ce que confirme un arrêt rendu par la Première chambre civile, le 27 septembre 2005.

Une action action fondée sur le seul régime de droit commun est ainsi uniquement applicable aux hypothèses de dénigrement de produits et services, et donc lorsqu’il ne peut être établi que le fabricant de ceux-ci est directement visé par les propos incriminés.

Un récent arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 19 janvier 2010 illustre la frontière qui sépare le dénigrement, touchant seulement un produit ou un service, de la diffamation ou l’injure, constituées lorsqu’une personne est visée. L’affaire concerne la publication d’une critique gastronomique d’un restaurant, comparant un vin à « une caricature de piquette chimique ». La société productrice du vin poursuit la directrice de publication du journal pour diffamation publique envers un particulier, mais les juges considèrent que les faits de diffamation ne sont pas établis puisque dans les propos « aucune référence n’est faite à une personne physique ou morale ».

Il convient de préciser que ce critère de distinction a une importance pratique considérable, quand on sait que les régimes de responsabilité applicables diffèrent sensiblement selon qu’il s’agisse de tel ou tel abus de la liberté d’expression sur internet.

De surcroit, concernant la question de la compétence, il convient de mentionner que la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 mai 2020, a renvoyé à la Cour de Justice de l’Union européenne une question concernant la compétence dans l’Union en cas de demande la demande de dommages et intérêts formée en réparation de préjudices moraux et économiques à la suite de la publication de propos dénigrants sur des sites et des forums. La Cour saisit la CJUE aux fins de répondre à la question suivante : « les dispositions de l’article 7, point 2, du règlement (UE) nº 1215/2012 doivent-elles être interprétées en ce sens que la personne qui, estimant qu’une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants sur internet, agit tout à la fois aux fins de rectification des données et de suppression des contenus, ainsi qu’en réparation des préjudices moral et économique en résultant, peut réclamer, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible, l’indemnisation du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre, conformément à l’arrêt eDate Advertising (points 51 et 52) ou si, en application de l’arrêt Svensk Handel (point 48), elle doit porter cette demande indemnitaire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants ? ». A ce titre, la CJUE ne s’est pas encore prononcée sur la question. (3)

Sources

  • : crim., 7 janv. 2020, no 18-85159
  • : CA Paris, 5-9, 16 sept. 2021, no 20/07397
  • : Cass. 1ère, 13 mai 2020, nº 18-24.85

Responsabilité des forums de discussion

La responsabilité des forums de discussion est une problématique récurrente en droit qu’il est difficile de trancher. Il faut savoir que les forums prennent aujourd’hui une place de plus en plus importante sur internet, en témoigne le forum r/wallstreetbets de la plateforme Reddit qui a provoqué en janvier 2021 une des plus grandes frénésies boursières de la décennie dans l’affaire « GameStop », et il est donc fréquent de se connecter sur certains d’entre eux. Traitant de domaines variés, il arrive que le sujet de conversation prenne des tournures juridiquement réprimandables.

Nous pouvons donc trouver dans les forums de discussion des termes réducteurs, insultants et même diffamatoires ainsi que des atteintes à l’intérêt général ou aux droits d’auteur par exemple. Ainsi, c’est lorsque les propos émis touchent la considération de personnes physiques ou morales que la responsabilité des forums de discussion doit être résolue. 

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Dès lors, existe-t-il une réelle responsabilité des forums de discussion ? Si la responsabilité des forums de discussions s’est vue ajustée par le législateur, elle reste majoritairement traitée par la jurisprudence.

I. Position du problème

La responsabilité des acteurs de l’Internet occupe de plus en plus l’actualité juridique en ce moment.

Après la loi du 1er août 2000 et l’amendement Bloche qu’elle a intégré à celle du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la responsabilité des animateurs de services interactifs tels que les « chats » et forums de discussions se trouve au centre des débats.


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En effet, la jurisprudence, renforcée par cet amendement, au terme duquel un hébergeur n’est « pénalement ou civilement responsable du contenu diffusé que si, ayant été saisi par une autorité judiciaire, il n’a pas agi promptement pour empêcher l’accès au contenu incriminé », avait permis d’aboutir à une forme d’immunité des prestataires techniques de l’Internet pour les propos tenus sur les pages web et/ou forums de discussion qu’ils hébergent.

Or, s’est rapidement posé le problème du recours ouvert à la victime de propos diffamatoires ou infamants en cas d’impossibilité d’en identifier l’auteur : faut-il alors rechercher la responsabilité du créateur, du modérateur ou de l’administrateur du forum ? C’est précisément sur ce point que les juges français ont dû se prononcer à l’occasion du litige opposant le cybermarchand Père-Noël aux responsables d’un forum de discussion hébergé sur le site Defense-consommateur.org.

Avant de rappeler les faits de cette affaire, précisons qu’il est nécessaire de distinguer selon que l’on se trouve dans le cadre d’un forum de discussion modéré ou non. La responsabilité des forums de discussion est engagée de cette distinction.

Dans le cas d’un forum non modéré, le créateur d’un site met à la disposition des internautes un forum pour qu’ils puissent s’exprimer ; à ce titre, il ne pourra pas être auteur ou co-auteur des propos diffusés.

N’étant qu’un simple prestataire hébergeant un espace où chacun est libre de donner son avis, il ne détient pas la possibilité de contrôler a priori le contenu de cet espace. Son statut d’administrateur ne lui confère qu’un pouvoir de contrôle a posteriori.

En conséquence, il serait peut-être judicieux d’appliquer les dispositions de la loi d’août 2000 à ce type de créateur et de ne pas systématiquement retenir sa responsabilité en cas de publication de messages illicites sauf dans l’hypothèse où il aurait incité les internautes à tenir de tels propos ; le créateur du site pourrait alors voir sa responsabilité recherchée de ma même façon que celle d’un directeur de publication.

Lorsque le forum est modéré, les propos sont validés par l’administrateur du forum avant toute diffusion ; il pourrait donc voir sa responsabilité engagée automatiquement en cas de publication de messages diffamatoires, injurieux ou autres, à l’image de ce qui se fait déjà en matière de presse pour les directeurs de publication.

II. Evolution jurisprudentielle

Le jugement rendu dans l’affaire « Père-Noël » constitue la première position prise par les juridictions françaises sur le problème de la responsabilité des créateurs des sites proposant aux internautes un forum de discussions.

Le TGI de Lyon a, par son jugement du 28 mai 2002, procédé à la condamnation des responsables du site « Defense-consommateur.org » pour diffamation suite à la publication, par des internautes, de propos injurieux et diffamants à l’encontre d’un cybermarchand (Père-Noël) sur le forum de discussions non modéré du site.

Cette condamnation consiste au paiement d’une somme de 80 000 euros (500 000 F) à titre de dommages et intérêts ainsi qu’à la publication de la décision dans la presse et sur le site abritant le forum.

Le juge a retenu la responsabilité civile et pénale des personnes en charge des sites pour l’ensemble des messages publiés sur tous les types de forums, modérés ou non modérés.

Il relève « qu’il est constant que les [responsables] ont pris l’initiative de créer un service de communication audiovisuelle en vue d’échanger des opinions sur des thèmes définis à l’avance et en l’espèce, relatifs aux difficultés rencontrées par certains consommateurs face à certaines sociétés de vente ; qu’ils ne peuvent donc pas opposer un défaut de surveillance des messages qui sont l’objet du présent litige ; qu’ils se considèrent eux-mêmes comme les concepteurs du site incriminé et doivent donc répondre des infractions qui pourraient avoir été commises sur le site qu’ils ont créé. »

Cette solution, surprenante compte tenu de la difficulté d’exercer un contrôle a priori des contenus sur les forums non modérés, a été confirmée par le TGI de Toulouse dans une ordonnance en date du 5 juin 2002 suite à une affaire aux faits similaires.

En l’espèce, une association (DomExpo) fait l’objet de vives critiques sur un site spécialisé dans les maisons, et ce, dans le cadre d’un forum de discussions non modéré.

Cette association obtient de l’hébergeur et du responsable du site la suppression de l’accès au site litigieux et celle des messages incriminés.

Le juge admet que les parties en cause ont rempli leurs obligations telles que découlant de l’article 43-8 de la loi du 1er août 2000 ; cependant, il considère insuffisantes les mesures prises pour faire cesser le trouble.

Le TGI rappelle que les internautes ont tenu des propos « comportant de manière évidente des invectives grossières, des imputations d’escroquerie, de pratiques douteuses qui excèdent les limites de la liberté d’expression pour entrer dans le domaine du dénigrement portant atteinte à l’honneur et ne respectant pas la dignité de celui auquel ils s’adressent ».

La juridiction considère le créateur d’un site comme « responsable du contenu du site qu’il a créé et des informations qui circulent sur le réseau » dans la mesure où il dispose seul du pouvoir réel de contrôler les informations ou diffusions.

Il peut donc voir sa responsabilité civile engagée étant donné qu’il a « l’obligation de respecter les règles légales ou les restrictions ou interdictions qu’imposent le droit et ne peut se retrancher derrière la nature de l’Internet pour mettre devant le fait accompli les personnes auxquelles la divulgation de propos illicites porte préjudice ».

Mais, par cette ordonnance, la juridiction entend également imposer à l’hébergeur technique du forum une « obligation générale de prudence et de diligence », celui-ci devant mettre en œuvre « des moyens raisonnables d’information, de vigilance et d’action ». En cas de violation de ces obligations, l’hébergeur sera donc uniquement civilement responsable.

III. Difficultés résultant des jurisprudences « Père-Noël » et « DomExpo »

Le créateur du site qui propose un forum de discussion est soumis à une obligation de surveillance sur la totalité des contenus diffusés en raison de la maîtrise qu’il possède sur la diffusion des propos. Cette solution semble tout à fait logique dès lors que l’on se trouvera dans l’hypothèse où la diffamation se sera produite sur un forum modéré, l’administrateur du site devant donner son approbation préalablement à la publication des messages.

Or, dans les affaires récemment examinées par les juridictions françaises, la diffamation avait eu lieu sur des forums non modérés.

La responsabilité retenue par ces jugements serait donc fondée sur les articles 1241 (anc. 1383) et 1242 (anc. 1384) du Code civil, le premier posant le principe de la responsabilité du dommage causé par la négligence ou l’imprudence, le second retenant une responsabilité du fait des choses dont a la garde.

Les créateurs d’un forum seraient alors responsables pour l’imprudence d’avoir mis à la disposition des internautes un forum non modéré, mais aussi en raison de la maîtrise qu’ils sont censés exercer sur leur site.

En ce qui concerne les hébergeurs, on peut se demander ce que leur nouvelle obligation implique concrètement étant donné que dans l’affaire « DomExpo » l’hébergeur avait empêché l’accès au site litigieux dès son assignation, pour ne le rétablir qu’après la suppression des contenus diffamants. Il serait donc contraint d’installer des moyens de surveillance afin de prévenir toute mise en cause devant le juge civil ; mais ces moyens apparaissent difficiles à mettre en œuvre.

La loi du 21 juin 2004 dite « pour la confiance dans l’économie numérique » (LCEN) proclame entre autres un régime de responsabilité des intermédiaires techniques de l’Internet dérogeant au principe consacré à l’article 1240 du Code civil puisque ces derniers, désormais notifiés, ne sont alors pas tenus responsables, ni pénalement ni civilement, pour les informations stockées tant qu’ils n’ont pas été informés de leur caractère illicite, excluant la prise en considération de « toute » faute au profit d’une faute spéciale. La catégorie des hébergeurs de forum de discussions tombe sous ce régime de responsabilité.

En 2007, la cour d’appel de Paris a cependant reconnu à l’hébergeur un devoir de « veiller dans la mesure de ses moyens à ce que son site ne soit pas utilisé à des fins répréhensibles ». En 2012, la CJUE a néanmoins reconnu l’impossibilité pour un hébergeur de concevoir et financer un moyen de filtrer en permanence la totalité des informations qu’il stocke en raison de l’évidente incompatibilité d’un tel idéal avec la liberté d’entreprendre. La même année, la Cour de cassation est venue confirmer à trois reprises cette décision, mettant un terme à la doctrine irréaliste soulevée en 2007 par la cour d’appel de Paris.

Conformément au devoir des hébergeurs de répression de l’apologie des crimes contre l’humanité, de l’incitation à la haine raciale ainsi que de la pornographie enfantine consacrée à l’article 6-I-7 de la LCEN, ceux-ci doivent permettre aux utilisateurs de prendre facilement connaissance de ces principes d’intérêt général et doivent également avertir les autorités publiques de telles activités une fois notifiées. L’article 6-II du même texte de loi prévoit que l’hébergeur doit conserver toute donnée permettant d’identifier un utilisateur qui aurait contribué à créer du contenu via le service de l’hébergeur.

Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, laissé savoir dans une décision du 10 juin 2004, que le caractère « manifestement » illicite d’une information stockée par un hébergeur et dénoncée comme tel par un tiers pourrait engager la responsabilité de l’hébergeur.

La jurisprudence a montré certaines difficultés d’application de la loi de 2004, comme dans des cas de condamnations de l’hébergeur n’ayant pas réussi à rendre l’accès impossible à un contenu illicite pourtant retiré, de celui qui a retiré le contenu illicite seulement un mois après notification ou encore de celui qui a rendu inaccessible l’accès pour la France au site d’une entreprise espagnole de services relatifs à la gestation pour autrui.

IV. Conséquences des nouvelles positions jurisprudentielles

Le 28 juin 2002, le tribunal d’Instance de Nantes a entériné un accord conclu le 27 juin 2002 entre le webmaster d’un forum et le président de la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) et par lequel les deux parties règlent leur différend; le litige qui les opposait était en fait la conséquence de propos injurieux et diffamatoires tenus à l’encontre du second sur ce forum non modéré, mis en place pendant les dernières élections, et qui visait à permettre aux médecins d’exprimer leur mécontentement suite aux amendes infligées par le président de l’organisme à certains de leurs confrères qui avaient pris la décision de facturer leurs consultations au prix de 20 euros au lieu du tarif légal en vigueur inférieur (18,75 euros).

Le webmaster du forum y reconnaît d’ailleurs avoir « failli à son obligation de modération en sa qualité de webmaster ». Condamné à verser un euro symbolique, il a également consenti à régler les frais résultant de la procédure.

Quant à l’hébergeur du site (Nfrance) et au prestataire du système de forums (lhébergeur.net – Twidi.com), ils ont été écartés de la procédure. En effet, ils avaient rempli leurs obligations légales en procédant à la fermeture du forum et à la publication de l’assignation.

Suite à cette affaire, le responsable du site a décidé de fermer son site, regrettant que « le problème de fond posé par les textes de lois qui engagent la responsabilité des webmasters concernant les écrits des forums reste entier ».

Par ailleurs, la cour d’appel de Koblenz en Allemagne a, le 16 mai 2002, jugé responsable un créateur de site à la suite de la publication de messages dits diffamatoires dans un livre d’or.

En 2010, la CJUE a précisé dans l’affaire « Google AdWords » comment déterminer les bénéficiaires du régime de responsabilité atténuée consacré à l’article 14 (al. 1, let. a) de la directive sur le commerce électronique précitée qui, pour rappel, déclare irresponsable des informations stockées l’hébergeur « n’[ayant] pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicite ».

Le critère donné par la CJUE dépend de la neutralité de l’hébergeur ; ce dernier, pour pouvoir bénéficier du régime de responsabilité consacré à l’article 14 de la directive européenne sur le commerce électronique précitée, doit avoir eu un comportement « purement technique, automatique et passif, impliquant l’absence de connaissance ou de contrôle de données [stockées] ». Cependant, la CJUE précisera en 2011 que la simple neutralité de l’hébergeur n’est pas suffisante pour bénéficier du régime [d’irresponsabilité] de l’article 14 s’il est prouvé qu’il a manqué à son obligation de diligence.

Dans une décision du 3 octobre 2019, la CJUE a estimé en ce qui concerne les articles 14 et 15 de la directive européenne 2000/31/CE du 8 juin 2000 étant à l’origine de la loi de transposition du 21 juin 2004 d’une part que si le prestataire de service de stockage d’informations (l’hébergeur) est exonéré d’une obligation générale de surveillance et de contrôle des messages, il reste toutefois dans l’obligation (= est tenu) d’intervenir s’il est informé du caractère litigieux de certains messages, et d’autre part que l’obligation de suppression prévue par ces articles doit produire des « effets à l’échelle mondiale ».

En conséquence, refuser d’appliquer aux créateurs de forums la protection de la loi du 1er août 2000, induit la suppression progressive et inéluctable de tous les forums non modérés. La Cour de cassation a retenu cependant plutôt un critère de neutralité vis-à-vis de l’hébergeur, la protection de la LCEN semble profiter à un maximum d’hébergeurs de forums de discussions.

La loi dite Hadopi du 12 juin 2009 prévoit en son article 93-3, alinéa 5, que le directeur de la publication ne pourra voir sa responsabilité pénale engagée que s’il est établi qu’il avait connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il n’a pas agi promptement pour retirer ce message.

Si ce régime de responsabilité ressemble beaucoup à celui qui avait été instauré par la loi LCEN à l’égard des hébergeurs en son article 6-I-2 qui disposait en effet que les hébergeurs ne pouvaient voir leur responsabilité engagée pour un contenu publié sur leur site s’ils n’avaient pas connaissance de son caractère illicite, il s’avère que les hébergeurs peuvent également être exonérés si lorsqu’ils ont eu connaissance de la publication sur leur site d’un contenu illicite ils « ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ».

Seulement, le responsable de forum de discussions a pour obligation d’empêcher par des moyens de filtrage la communication de ces messages illicites sur leur site. En revanche, s’il n’a pas pu mettre en place un dispositif de modération, alors sa responsabilité ne sera retenue que s’il avait connaissance du contenu illicite et qu’il ne l’a pas retiré dans un délai suffisamment court. Cette responsabilité pour absence de contrôle a priori n’existe pas pour les hébergeurs.

Par ailleurs, l’autre différence entre les deux régimes de responsabilité réside dans le fait qu’un hébergeur ne peut être tenu responsable du contenu qu’il stocke que si ce dernier est « manifestement » illicite. Le responsable d’un forum de discussion en revanche peut être responsable pour la diffusion d’un contenu simplement illicite.

Le terme « manifestement » ayant été ajouté par le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 2004 précitée, dans le but de préserver la liberté d’expression, la loi Hadopi n’opérant pas cette distinction, elle impose par conséquent au responsable d’un forum de discussion de supprimer tout contenu illicite sans jugement préalable.

 

SOURCES :

Philippe le Tourneau, Dalloz référence : Contrats du numérique (Dalloz 2021), ch. 422.31-422.36
CJUE, 3ème chambre, 3 octobre 2019, Eva Glawischnig-Piesczek c/Facebook Ireland, C-18/18
TGI Versailles, 1ère chambre, 26 février 2019, n° 16/07633
CJUE, 3ème chambre, 16 février 2012, Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (Sabam) c/ Netlog, C-360/10
CJUE, Grande chambre, 12 juillet 2011, L’Oréal c/eBay International, C-324/09
CJUE, Grande chambre, 23 mars 2010, Google c/Louis Vuitton, C-236/08
Loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 dite « favorisant et la protection de la création sur internet »
Paris, 12 décembre 2007, Google c/Benetton
Paris, 4ème chambre, 9 novembre 2007, eBay
TGI Paris, 19 octobre 2007, Zadig production c/Google
Conseil constitutionnel 10 juin 2004, n° 2004-496 DC
Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 dite « pour la confiance dans l’économie numérique » (LCEN)
Forum des droits sur l’Internet, Premier rapport d’activité : année 2002 (La Documentation française, Paris 2003) 32-34
Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information

3 RAISONS DE FAIRE UN PROCES POUR CONCURRENCE DELOYALE

Le développement ininterrompu de création d’entreprise de tout genre, la création de marques, dessins & modèles, les invitent sans fin dans le domaine industriel ainsi que les créations artistiques invitent les différents acteurs ou titulaires des droits exclusifs à se protéger contre tout acte de concurrence en l’occurrence contre les actes de concurrence déloyale.

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La concurrence déloyale est un acte très hostile pour les titulaires de droit exclusif. En effet, ces actes détournent l’attention des consommateurs profanes et plombent les chiffres d’affaires des victimes potentielles.

Ces actes se sont accrus avec le développement spectaculaire des nouvelles technologies qui ont pris encore plus d’ampleurs pendant cette crise sanitaire que le monde traverse cela depuis un an.

Qu’on se le dise, la concurrence déloyale est une difficulté majeure pour les entreprises.


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Fondée sur le droit commun de la responsabilité civile, l’action en concurrence déloyale permet de sanctionner les actes contraires à la loyauté commerciale, qu’ils interviennent entre concurrents ou entre non-concurrents.

L’action en concurrence déloyale peut être mise en œuvre par celui qui n’est pas titulaire d’un droit privatif ou par celui qui ne remplit pas les conditions pour exercer l’action fondée sur son droit privatif. L’action est ainsi souvent exercée en même temps que l’action en contrefaçon.

En outre, la création d’un risque de confusion avec l’entreprise ou les produits d’un concurrent est un cas d’ouverture de l’action. L’action peut être engagée par celui qui est victime d’une désorganisation de son entreprise ou de son réseau de distribution.

De plus, le principe de la liberté du commerce autorise le salarié à se faire embaucher chez le concurrent. Le débauchage du personnel du concurrent n’est sanctionné que si la volonté de nuire et l’existence de manœuvres sont démontrées.

En présence d’une clause de non-concurrence, il doit être établi la connaissance de cette dernière par le nouvel employeur. La théorie du parasitisme permet de sanctionner celui qui tente de profiter des investissements et de l’image de marque d’autrui, à moindre prix.

Par ailleurs, il peut y avoir concurrence déloyale en cas de dénigrement de l’entreprise concurrente ou de ses produits. L’action peut être mise en œuvre pour sanctionner des pratiques commerciales désorganisant le marché. Le demandeur à l’action doit se prévaloir d’une faute et d’un préjudice, mais ce dernier est apprécié libéralement. Il peut consister en un trouble commercial.

I. Un procès pour concurrence déloyale pour risque de confusion avec l’entreprise d’un concurrent

Le titulaire d’un droit exclusif déposé est normalement protégé par l’action en contrefaçon. Cependant, cette action obéit à des conditions strictes de mise en œuvre. Par exemple, l’action ne peut être engagée pour protéger le déposant contre des utilisations de sa marque pour des produits ne figurant pas dans les catégories précisées lors du dépôt. Il faut respecter le principe de spécialité. L’action en concurrence déloyale peut alors être exercée. Il est tenu compte de la renommée de la marque et du risque de confusion pour un produit donné.

L’action en concurrence déloyale peut être engagée en complément de l’action en contrefaçon. Le titulaire de la marque a intérêt à agir ainsi quand il n’est pas sûr de son droit privatif ou lorsqu’il peut se prévaloir de faits distincts. Ainsi, commets un acte de concurrence déloyale le restaurant qui continue à contrefaire la marque d’un concurrent après condamnation pour contrefaçon, en gardant une dénomination identique à celle d’un restaurant de luxe, dès lors que, bénéficiant de la mutation de son quartier d’implantation en raison de la création d’un opéra et se présentant comme un restaurant de luxe, il entraîne une confusion dans l’esprit de la clientèle.

De même il peut y avoir risque de confusion en cas de ressemblance entre deux marques. Le seul dépôt d’une marque ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale.

L’action en concurrence déloyale est facilitée dès lors que la Cour de cassation n’exige plus un rapport de concurrence. Les moteurs de recherche peuvent ainsi être condamnés sur le terrain de l’action en concurrence déloyale.

Pour la protection du nom commercial, il n’existe pas d’action particulière. Dès lors, c’est l’action en concurrence déloyale qui doit être exercée par celui qui s’estime victime d’une utilisation fautive de son nom que celui-ci ait été reproduit totalement ou partiellement. Il doit exister un risque de confusion (Cass. com., 14 janv. 2003, n° 00-21.782 : JurisData n° 2003-017361).

Pour que la confusion soit possible, il est nécessaire que le signe distinctif présente une certaine originalité. Ce n’est pas le cas d’un nom générique, par exemple la dénomination « cuirs et peaux » pour un magasin d’articles de cuir (CA Versailles, 12e ch., 5 déc. 1991 : D. 1993, p. 153, obs. M.-L. Isorche).

Il a été jugé que « constitue un acte de concurrence déloyale, le choix d’un nom commercial et d’une dénomination sociale prêtant à confusion avec le nom commercial et la dénomination sociale du concurrent, notamment le choix pour une société informatique du nom commercial et de la dénomination d’une société de forte notoriété » (CA Paris, 3 juill. 1998, n° 96/84408 : JurisData n° 1998-022376).

Le nom de domaine est également protégé par l’action en concurrence déloyale. Il doit être suffisamment distinctif et le risque de confusion doit être établi. L’originalité du nom de domaine n’est pas une condition de l’action en concurrence déloyale (Cass. com., 8 avr. 2008 ; Propr. intell. juill. 2008, p. 359, obs. J. Passa).

Le propriétaire d’une enseigne est protégé par l’action en concurrence déloyale, si elle est distinctive, disponible et licite. En application du principe de spécialité, l’enseigne n’est protégée que dans le domaine d’activité de l’entreprise qu’elle désigne. L’étendue territoriale de la protection dépend de son rayonnement.

L’action en concurrence déloyale peut être exercée dès qu’il y a risque de confusion en raison d’une imitation ou de reproduction à l’identique.

L’action en concurrence déloyale peut également sanctionner l’atteinte à la dénomination sociale d’une entreprise concurrente, tout particulièrement lorsqu’est créé un risque de confusion entre deux commerces.

Les dessins et modèles font l’objet d’une protection spécifique prévue par le Code de la propriété intellectuelle. Cependant l’action en contrefaçon n’est conférée que si le prétendu contrefacteur est de mauvaise foi. Dans le cas contraire, l’action en concurrence déloyale peut être exercée.

La faute doit alors être caractérisée. Il ne suffit pas que les produits aient été vendus à un prix très inférieur dans les mêmes lieux (Cass. com., 17 juin 2003, n° 01-17.242).

L’action en concurrence déloyale peut-elle être exercée lorsque celui qui l’invoque n’est pas titulaire d’un droit privatif.

Le logiciel est aujourd’hui protégé par le droit d’auteur (CPI, art. L. 112-2). En cas de copie servile, l’action en concurrence déloyale peut être exercée en même temps que l’action en contrefaçon (CA Grenoble, 1re ch. civ., 19 sept. 1989 : JurisData n° 1989-043694). La théorie du parasitisme peut aussi être mise en œuvre

Imitation des caractéristiques du produit. Pour exercer l’action en concurrence déloyale, le demandeur doit établir la similitude existant entre ses propres produits et ceux du prétendu imitateur, et apporter la preuve que cette similitude a eu pour effet, en l’absence d’intention de nuire, de créer dans l’esprit du public une confusion entre les produits.

C’est par référence à un consommateur moyen que le juge doit se déterminer. Il faut principalement s’attacher à l’impression d’ensemble, tenir compte des ressemblances qui ne sont dues à aucune nécessité et qui sont de nature à créer une confusion dans l’esprit du consommateur.

L’originalité prise en compte lorsqu’il s’agit d’apprécier la contrefaçon n’est pas exigée pour l’action en concurrence déloyale (V. pour des lunettes : Cass. com., 12 juin 2007 : D. 2008, pan. 253, obs. Y. Picod).

Le comportement parasitaire n’est cependant condamnable que lorsqu’il est établi que celui à qui il est reproché a, en connaissance de cause, copié ou capté les éléments essentiels et significatifs d’un produit concurrent. Celui qui est poursuivi peut donc démontrer que le produit commercialisé résulte uniquement de son travail, de ses efforts et de ses investissements financiers, que son travail de recherche était antérieur à la mise sur le marché d’un produit concurrent (CA Paris, 4 mars 1998 : JurisData n° 1998-022147).

II. Un procès pour concurrence déloyale pour débauchage de salarié en présence d’une clause de non-concurrence

Le salarié qui ne respecte pas la clause de non-concurrence figurant dans son contrat de travail engage sa responsabilité contractuelle à l’égard de son ex-employeur. En raison du principe de l’effet relatif, seul le créancier de l’obligation peut invoquer la violation de la clause. Mais un tiers peut agir sur le fondement de la concurrence déloyale.

Le tiers, qui en connaissance de cause, aide le débiteur de non-concurrence à méconnaître son obligation se rend coupable de tierce complicité à la violation d’une obligation contractuelle et peut s’il est concurrent du créancier, être poursuivi pour concurrence déloyale (CA Toulouse, 25 juin 2013 : JurisData n° 2013-015588).

Le nouvel employeur se rend coupable de concurrence déloyale s’il embauche des salariés d’un concurrent alors qu’il connaissait l’existence de la clause de non-concurrence (Cass. com., 5 févr. 1991 : JCP E 1991, pan. 338). Peu importe que la connaissance ait été concomitante ou postérieure à l’engagement. Est indifférent le moyen par lequel le nouvel employeur a été mis en connaissance de la clause.

La chambre commerciale privilégie ainsi une conception libérale favorable à l’employeur. Un autre courant doctrinal et jurisprudentiel est plus sévère : il sanctionne l’employeur de mauvaise foi ; tel est le cas lorsqu’il omet de se renseigner (Cass. com., 3 mai 2000 : D. 2001, somm. p. 1312, obs. Y. Serra).

La preuve de la connaissance de la clause de non-concurrence par le nouvel employeur incombe à celui qui se prévaut de l’existence d’une telle clause (Cass. com., 18 déc. 2001 : D. affaires 2003, p. 1029, obs. Y. Picod).

Il peut aussi être reproché à un employeur qui a embauché un salarié de ne pas s’être assuré qu’il n’était lié par aucune clause de non-concurrence envers une société concurrente (CA Toulouse, 19 oct. 1992 : JurisData n° 1992-048068). Il est en effet du devoir d’un nouvel employeur de s’enquérir de la situation du salarié qu’il embauche au regard des engagements qu’il a pu contracter avec le précédent employeur (cas où, malgré l’absence de notification de l’existence de la clause de non-concurrence, la société ne pouvait prétendre l’ignorer.

La faute du nouvel employeur est génératrice d’un préjudice économique et moral distinct de celui provoqué par la faute contractuelle du préposé à l’égard de son ancien employeur.

L’action dirigée contre la société créée par l’ancien salarié, fondée sur la complicité de celle-ci dans la violation de la clause de non-concurrence relève de la compétence du tribunal de commerce et suppose que soit tranchée la question préalable de la violation de la clause de non-concurrence laquelle relève de la compétence exclusive de la juridiction prud’homale (Cass. com., 6 mai 2003 : D. affaires 2004, somm. p. 1154, obs. Y. Picod).

La nullité de la clause de non-concurrence ne fait pas obstacle à l’action en responsabilité engagée par l’ancien employeur contre son salarié s’il démontre que ce dernier s’est livré à des actes de concurrence déloyale (Cass. com., 20 janv. 2005, n° 02-47.527).

Lorsqu’un employeur agit en manquement d’une clause de non-démarchage et en concurrence déloyale, le conseil des prud’hommes est compétent (Cass. com., 15 nov. 2011, n° 10-26.028).

III. Un procès pour concurrence déloyale pour dénigrement

Le dénigrement est une affirmation malicieuse contre un concurrent dans le but de détourner sa clientèle, ou plus généralement de lui nuire. Le discrédit peut être jeté soit sur les produits de l’entreprise, soit sur l’entreprise elle-même. Le dénigrement peut être direct ou être réalisé par omission. Ce dénigrement indirect consiste dans l’attitude laissant croire que seuls une entreprise ou un produit présentent certaines qualités. La jurisprudence admet que l’action puisse être exercée en l’absence d’un rapport de concurrence dès lors qu’il existe une atteinte au libre jeu de la concurrence (Cass. com., 20 nov. 2007, n° 05-15.643).

Il doit aussi être tenu compte du principe de la liberté d’expression (Cass. 2e civ., 19 oct. 2006 : D. 2008). Le dénigrement doit ainsi être distingué de la diffamation qui relève de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 (Cass. com., 2 déc. 2014, n° 13-23.114).

Le concurrent doit être visé nommément ou doit être facilement identifiable. Tout dépend donc du marché en cause. Plus le marché est étroit, plus l’identification est aisée. Parfois, il est admis que le dénigrement puisse être collectif, quand l’ensemble d’une profession est visé. Un commerçant peut cependant se dire encore moins cher que les autres à condition de ne pas dénigrer distinctement une personne ou un produit (CA Riom, 5 févr. 1992 : JurisData n° 1992-042798).

Le dénigrement peut être constitué alors même que les allégations rapportées sont exactes. Il s’agit là d’une différence avec l’action en diffamation (Cass. com., 12 oct. 1966 : Bull. civ. III, n° 393). Une critique déloyale sur les biens et services d’un concurrent est suffisante (Cass. 1re civ., 5 déc. 2006, n° 05-17.710).

Par exemple, le dénigrement réalisé par envoi de lettres missives, peu important leur diffusion (Cas d’une lettre adressée par une société créée par d’anciens salariés aux clients de l’ancien employeur, Cass. com., 12 mai 2004, n° 02-19.199).

Est condamnable la campagne publicitaire lancée par un producteur de phosphates dénigrant les lessives sans phosphates, dès lors que, par des formules outrageusement simplificatrices et au mépris de toute objectivité, il y a dépassement du droit d’informer et volonté de ruiner ces produits dans l’esprit du consommateur (CA Versailles, 1er févr. 1990 : D. 1990, Jur., p. 264, note Y. Serra).

Est condamnable, une publicité tendancieuse qui vise à éliminer de façon déloyale un concurrent (exemple un éditeur de logiciels qui tente de faire croire que ses produits ne sont compatibles qu’avec un seul type de consoles, T. com. Paris, 26 janv. 1993 : JurisData n° 1993-040084).

Peut-être condamnable la diffusion d’informations économiques et financières sur une entreprise concurrente lorsque les dossiers sont établis sur des bases manquant d’objectivité (Cass. com., 18 mai 1993, n° 91-19.829).

Constitue un acte de dénigrement destiné à jeter le discrédit sur son concurrent et sur les produits qu’il fabrique, le fait pour une entreprise de diffuser auprès des centrales d’achat un tableau comparatif comportant des indications erronées, tendancieuses ou non démontrées relatif au processus de fabrication de la société concurrente (CA Versailles, 30 janv. 1997 : D. 1999, somm. p. 93, obs. M.-L. Isorche).

Est fautive la dénonciation faite à la clientèle d’une action n’ayant pas donné lieu à une décision de justice (Cass. com., 12 mai 2004, 2 arrêts : JCP E 2004, 997 et 998).

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SOURCES :

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