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Les images gifs et le droit d’auteur

Véritable phénomène social, le GIF bouleverse les modes de communications traditionnels jusqu’alors basés sur l’échange de mots.

Ces images animées, issues de séries, de films ou encore de dessins animés, pourraient bien se heurter à la protection des droits d’auteurs.

Depuis l’avènement d’internet, la protection des droits d’auteurs doit perpétuellement être interprétée et ajustée afin de ne pas laisser subsister des zones de non droit.

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Récemment c’est le GIF qui amène les spécialistes du droit à statuer sur l’encadrement de son utilisation.


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Le GIF, acronyme de Graphics Interchange Format, est un format conçu en 1987 pour permettre le téléchargement d’images en couleur. Les images alors assemblées créent une sorte de petits « films » joués en boucle.

L’utilisation du GIF revient en force ces derniers mois et se transforme en véritable phénomène social. Ces fichiers sont une véritable alternative aux smiley et permettent des échanges uniques et surprenants.

En effet, issus d’images de séries, de films, d’émissions ou encore de dessins animés, ils permettent de décrire une situation qu’il est difficile de décrire avec une simple photo. Ils ont une véritable force illustrative et démonstrative.

Cependant, qu’en est-il de la protection droits d’auteurs des œuvres ainsi utilisées ?

Le droit d’auteur correspond à l’ensemble des prérogatives dont dispose une personne sur les œuvres de l’esprit qu’elle a créées. Il est partagé entre le droit patrimonial et le droit moral.

Les droits patrimoniaux se prescrivent 70 ans après le décès de l’auteur, contrairement au droit moral qui est imprescriptible.

Les droits patrimoniaux permettent de contrôler l’utilisation par autrui de l’œuvre créée et, donc, d’en percevoir une contrepartie.

Les droits moraux permettent, quant à eux, de protéger la personnalité de l’auteur exprimée à travers l’œuvre.

Toute utilisation (reproduction, représentation) de l’œuvre protégée est donc normalement soumise à autorisation préalable de l’auteur, sans quoi il y aura contrefaçon.

Le droit moral s’applique également sur Internet. Ainsi un auteur ou ses héritiers (le droit moral étant imprescriptible, il est transmis aux héritiers à cause de mort) pourraient agir contre une personne ayant dénaturé l’œuvre.

Toutefois, certaines exceptions sont prévues afin d’accorder au public une utilisation libre de l’œuvre.

Exception aux droits patrimoniaux

Lorsque l’œuvre est utilisée à des fins strictement privées, simplement citée, ou encore parodiée ou caricaturée, son utilisation échappe aux droits d’auteur.

Le GIF utilise des images tirées d’œuvre de l’esprit. Le nombre d’image utilisé est très faible et forme une animation de très courte durée.

Dès lors, il peut être qualifié juridiquement de courte citation et échapper à la protection des droits d’auteur, selon l’article L.122-5 du Code de la Propriété intellectuelle.

La courte citation est conditionnée à la réunion de trois éléments :

  • La brièveté
  • La mention de la source dans le respect du droit de paternité de l’œuvre originale
  • Le caractère justifiée de l’utilisation de la citation

S’agissant de la brièveté, cette dernière s’apprécie in concreto, c’est-à-dire que le juge va regarder les circonstances particulières de la citation pour déterminer s’il s’agit ou non d’une courte citation, comme il l’a fait dans un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 19 novembre 2019.
Concernant le respect au droit de paternité de l’auteur de l’œuvre originale. Il s’agit d’un droit moral, il est donc imprescriptible. Ainsi l’utilisation d’un GIF, si elle répond à l’exception de citation, est conditionnée à une mention du nom de l’auteur ainsi que la source de l’œuvre, principe rappelé encore une fois dans l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 19 novembre 2019.

Cependant, la dernière condition étant difficile à prouver, puisque le GIF semble être que pur divertissement, la qualification de courte citation peut être facilement écartée.

Cependant, la dernière condition étant difficile à prouver, puisque le GIF semble être que pur divertissement. Or cette exception de citation est en principe, limitée aux fins de critiques, polémiques, pédagogiques, scientifiques ou d’informations. De même l’utilisation d’un GIF par une entreprise à des fins de communication, correspond à une utilisation commerciale, ce qui fut exclu du champ d’application de l’exception de citation par le TGI de Paris le 15 mars 2002. La qualification de courte citation peut donc être facilement écartée.
Le GIF est une sélection d’images bien particulières d’une œuvre audiovisuelle jouées en boucle. Ce mécanisme de répétition et ce choix des images créent tout le succès du GIF.
Le GIF peut alors s’apparenter à une parodie, œuvre seconde à visée ludique ou moqueuse. Autrefois, la parodie était qualifiée que lorsqu’il y avait une portée satirique, aujourd’hui elle peut l’être à la seule recherche du rire.
Pour que l’exception de parodie soit retenue, il faut qu’elle remplisse deux conditions.

Tout d’abord, il faut que la parodie ne crée aucun risque de confusion entre l’œuvre parodiée et sa parodie. Il s’agit d’une condition prévue à l’article L.122-5 4° du Code de la propriété intellectuelle, elle est considérée comme l’élément matériel de l’exception, il s’agit d’une condition constante et nécessaire, encore rappelée dans un arrêt du 22 mai 2019. Le GIF ne reprenant qu’un court passage de l’œuvre originale, il n’existe aucun risque de confusion.

Enfin, il faut que la parodie soit poursuivie dans un but humoristique. Il s’agit là de l’élément moral de l’exception, or la jurisprudence, qui suit une tendance à l’assouplissement de l’exception de parodie, va diminuer l’importance de cette condition. Comme ce fut le cas dans l’arrêt du 22 mai 2019, où la Cour de cassation a appliqué l’exception de parodie à un photomontage, alors que le caractère humoristique n’était que secondaire à un message d’intérêt général. Dans la pratique, les GIF ont principalement un but humoristique, vu qu’il servent à illustrer un propos à travers une courte animation.

Depuis l’arrêt Painer du 1er décembre 2011 rendue par la CJUE, on considère que la parodie n’a pas à porter sur une œuvre originale protégée par le droit d’auteur pour être protégé par l’exception de parodie. Cette jurisprudence nous permet donc d’appliquer l’exception de parodie à tous GIF, même non issus d’une œuvre originale, comme issus d’une émission sportive ou d’un discours politique (La Cour d’appel de Paris le 13 mars 2020 a reconnu l’application de l’exception de parodie à une vidéo militante). Cela permettrait d’assurer une protection uniforme pour ces GIF, indépendamment de leur origine.

Enfin, il convient de se demander si les GIF ne peuvent pas faire l’objet de l’exception de l’usage privé. En effet, les GIF sont la plupart du temps utilisés au cours de discussions avec des amis ou de la famille, leur utilisation serait donc restreinte au cercle de famille. Toutefois, cette exception est limitée, car aujourd’hui ces GIF sont également fréquemment utilisés sur les réseaux sociaux.

Exception aux droits moraux

Les droits moraux emportent l’interdiction de porter atteinte à l’intégrité de l’œuvre. Une telle atteinte peut être caractérisée lorsque l’œuvre est déformée ou diffusée hors contexte.

Or, le GIF diffuse un extrait très bref de l’œuvre qui peut finalement porter atteinte au respect de l’œuvre.

Malgré que cette atteinte puisse être retenue par certains juges, les ayants droits concernés ne semblent pas s’en préoccuper. En effet, l’utilisation de ce format n’a pour le moment amené aucuns contentieux.

Les exceptions, de parodie ou de citation, empêchent également qu’une atteinte aux droits moraux de l’auteur soit retenue.

Toutefois, des applications de bases de données de GIFs commencent à voir le jour entraînant avec elles leur monétisation.

C’est le cas de .GIF, application conçue par deux français, qui compte aujourd’hui plus de 15 000 utilisateurs.

  • Comment est encadrée la distribution des GIF sur ces applications ?

Pour Giphy, moteur de recherche de GIF, et sa nouvelle application d’envoie d’images animées par SMS, (Nutmeg) ce sont ses partenaires (Disney, Game of thrones…) qui donnent aux utilisateurs le droit de distribuer leurs animations.

Mais lorsque le GIF n’appartient pas à un de ces partenaires, Giphy ne paie aucune redevance pour son utilisation et sa distribution.

Les ayants droit qui n’ont, aujourd’hui, aucun intérêt à porter devant la justice la violation de leurs droits pourraient changer d’avis si ce partage se transforme en commerce lucratif.

 

SOURCES
Droit d’auteur et copyright – Broché – 2014 – Françoise Benhamou – Joëlle Farchy
http://www.inpi.fr/fr/l-inpi/la-propriete-industrielle/comment-proteger-vos-creations/le-droit-d-auteur.html
http://vosdroits.service-public.fr/professionnels-entreprises/F23431.xhtml
Article L.122-5 du Code de la Propriété intellectuelle
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037388886/
Cour d’appel de Versailles du 19 novembre 2019 n° 18/08181
TGI de Paris le 15 mars 2002
Civ. 1ère ch. 22 mai 2019, 18-12.718
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/premiere_chambre_civile_3169/2019_9122/mai_9285/469_22_42551.html
CJUE 1er décembre 2011 Eva-Maria Painer contre Standard VerlagsGmbH et autres., C-145/10
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A62010CJ0145
CA Paris, 13 mars 2020

E-réputation commerciale

La Convention européenne des droits de l’homme dispose que  » toute personne a droit à la liberté d’expression « . Cette liberté permet à chacun d’exprimer librement ses pensées et opinions. Seuls le maintien de l’ordre public, la lutte contre l’incitation à la haine raciale et l’ensemble des délits et crimes commis par voie presse sont de nature à la limiter.
Dès lors, qu’en est-il des avis négatifs émis sur internet en matière commerciale ?

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Dans un arrêt du 31 décembre 2014, le Tribunal de Grande Instance de Clermont-Ferrand réaffirme la légitimité du principe de liberté d’expression en matière d’E.-réputation commerciale.

Le TGI de Clermont-Ferrand, le 31.12.2014, a pu se prononcer sur la détermination du caractère diffamatoire lorsque des avis négatifs sur internet sont émis en matière commerciale.

En l’espèce, une société assigne le gérant d’un site internet d’avis au sein duquel elle avait reçu différents avis négatifs de la part d’internautes.
La société argue, alors, que ces différents commentaires lui causaient un préjudice certain du fait de leur caractère mensonger et demande donc la condamnation de l’hébergeur du site qui ne les avait pas retirés.

Les juges se sont donc interrogés sur le cadre juridique des avis négatifs en matière d’E.-réputation commerciale et l avaleur juridique de l’E-réputation commerciale.

I. Les avis négatifs, manifestation de la liberté d’expression

Les sites d’avis commerciaux, ou d’appréciation d’entreprise permettent aux consommateurs de juger la qualité des produits ou services offerts par une entreprise.


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Dans l’affaire du 31.12.2014, la société demanderesse, qui apparaissait sur un site d’appréciation d’entreprise, faisait état de propos peu amènes et d’accusations de non-professionnalisme constituant, selon elle, des propos diffamatoires.

Selon la loi du 29 juillet 1881, est considérée comme diffamation  » toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé « , et ce qu’elle soit effectuée en ligne ou par voie de presse traditionnelle.

Or, pour le TGI, les propos peu amènes ne peuvent constituer une diffamation, trop faibles pour être de nature à porter atteinte à l’honneur d’une entreprise. De plus, ces propos avaient disparu depuis de nombreux mois et ne pouvaient donc pas constituer un trouble au sens de la loi.
Pour ce qui est des avis sur le professionnalisme de la société, le tribunal indique  » ils ne sont pas répréhensibles eu égard à la liberté d’expression admise dans le cadre de relations commerciales « .

De même, le 1er septembre 2020, la Cour de cassation s’est également prononcée sur une affaire de propos diffamatoire contre une société, sur internet, portant ainsi atteinte à son e-réputation. La Cour de cassation ne retiendra pas en l’espèce la diffamation au motif qu’il est nécessaire que les propos diffamatoires portent sur une personne déterminée, qui peut être identifiée.

Le simple fait d’émettre un avis négatif n’est pas répréhensible, mais relève du droit à la libre critique.

 

II. Cadre juridique des avis négatifs, réaffirmation des limites à la liberté d’expression sur les sites d’avis

Le TGI de Clermont-Ferrand précise que les avis négatifs de l’espèce ne sont pas répréhensibles  » sauf à établir des propos diffamatoires ».
Par conséquent, les avis négatifs peuvent constituer des propos diffamatoires dans d’autres circonstances.

La décision du TGI vise de manière expresse le caractère diffamatoire de la publication, mais il est possible d’en déduire que les actions en dénigrement ou pour injure sont également admises.

Certains arrêts ont fixé des limites à ne pas franchir par les consommateurs au nom de la liberté d’expression.

La cour d’appel de Montpellier retient, en 2001, le caractère diffamatoire et dénigrant d’avis diffusés sur un blog à cause de leur formulation, en effet les dénonciations faites par l’internaute ne sont pas en soi condamnables puisque véridiques.
L’action en diffamation, fondée sur la loi sur la presse de 1881, suit un régime probatoire très strict, où l’exceptio veritatis est invocable, et une prescription très courte de 3 mois. Ainsi, il est très difficile pour une entreprise d’obtenir réparation sur ce fondement.

L’action en dénigrement, fondée sur le droit commun de la responsabilité civil (Art 1382), permet de faire sanctionner et indemniser les atteintes à la réputation d’une société sur internet, plus aisément que ne le permet l’action en diffamation.

Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne ou une entreprise, par la critique de ses produits ou son travail, dans le but de lui nuire.

La jurisprudence admet en 1999 (CA Versailles, 09.09.1999) que le dénigrement peut être caractérisé dans les relations consommateurs/professionnels et pas seulement dans celles entre commerçants. En effet, initialement cette notion renvoyait à un acte de concurrence déloyale émanant uniquement d’une société concurrente.

Dès lors, un avis revêtira la qualification de dénigrement lorsque les termes employés sont injurieux. Le tribunal de commerce de paris, le 22.02.2013, retient cette qualification pour les termes  » arnaque  » et  » escroquerie « .
En outre, l’exceptio veritatis ou la bonne foi ne peuvent justifier un acte de dénigrement (Cass com 12.10.1966).

La cour d’appel de paris pose alors les principes (CA Paris 21.11.2013 Affaire Aigle Azur) pour déterminer un propos dénigrant ;
1. la dénonciation faite d’une action n’ayant pas donné lieu à une décision de justice est fautive
2. Les propos deviennent abusifs lorsqu’ils ne sont ni mesurés ni objectifs et témoignent d’une animosité personnelle de leurs acteurs.
Toutefois, ces arrêts restent des cas isolés. Les juges ont encore beaucoup de mal à trouver le juste équilibre entre liberté d’expression et abus lorsqu’il s’agit des avis négatifs des consommateurs.

Cette solution a été retenue dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Dijon le 20 mars 2018 qui dispose qu’« Attendu que si le commentaire critique de services ou de prestations publié sur un site internet n’est pas en soi constitutif d’une faute ». Dans cet arrêt la Cour d’appel retient tout de même le caractère diffamatoire des propos, au motif que l’auteur des propos n’a pas bénéficié des services critiqués et qu’il y avait une intention de nuire, écartant la simple liberté d’expression. Le caractère fautif de l’avis négatif a été retenu. Toutefois, ce caractère fautif reste difficilement prouvable.

La Cour de cassation dans un arrêt du 9 janvier 2019, précise qu’il n’y a pas de dénigrement si les propos reposent sur une base factuelle suffisante.

Dans une décision du 21 novembre 2019, le tribunal judiciaire de Nanterre, précise qu’il faut distinguer les propos visant la qualité des services proposée par l’entreprise pour inviter sa clientèle à s’en détourner et les propos qui portent atteinte à l’honneur ou la considération de la personne physique ou morale. Les premiers sont susceptibles d’une action en dénigration alors que les seconds font l’objet d’une action en diffamation. Cette décision sera suivie dans son raisonnement par la Cour d’appel, dans un arrêt du 26 février 2020 qui dispose que « le jugement doit être réformé en ce qu’il a retenu leur caractère diffamatoire, alors qu’ils imputent uniquement aux défenderesses de ne pas avoir respecté leurs obligations contractuelles, manquements qui, à eux seuls, ne peuvent être considérés comme portant atteinte à leur honneur et à leur considération, faute de justifier du caractère délibéré de ces manquements. » Ainsi les propos qui ne portent pas atteinte à l’honneur ou à la considération de l’entreprise ne peuvent pas être qualifiés de propos diffamatoires, mais uniquement de propos dénigrants.

Pour la cour, les propos dénigrants des consommateurs sur un site d’appréciation d’entreprise relèvent généralement de l’intérêt général et donc échappent à l’usage abusif de la liberté d’expression.
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SOURCES
http://www.avocats-picovschi.com/diffamation-sur-internet-attention-c-est-du-penal_article_390.html
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F32079
http://www.le-droit-des-affaires.com/denigrement-definition-et-sanctions-article233.html
Crim., du 1er septembre 2020,
https://www.legalis.net/jurisprudences/cour-de-cassation-ch-criminelle-arret-du-1er-septembre-2020/
Cour d’appel, Dijon, 1re chambre civile, 20 Mars 2018 n° 15/02004
https://web.lexisnexis.fr/LexisActu/CADijon_20mars_2018.pdf
Com., 9 janvier 2019, n° 17-18.350
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/chambre_commerciale_financiere_economique_3172/2019_9124/janvier_9125/64_9_41105.html
TGI Nanterre, 21 nov. 2019, Sté Auto-école Newton Levallois c/ X
Cour d’appel Paris, 26 février 2020, n° 18/24207

Email marketing et vie privée

La prospection est une étape stratégique essentielle dans le processus de développement d’une entreprise. La société va alors constituer ou acquérir une base de données d’informations clients/prospects permettant de mettre en place un plan de prospection. Néanmoins, la collecte d’informations personnelles n’est pas libre et les entreprises doivent respecter un certain nombre de règles pour garantir le respect de la vie privée des prospects.

L’essor des outils de communication a permis le développement de cette nouvelle forme de publicité directe.

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Quatre outils principaux sont à la disposition des entreprises à l’heure actuelle, le mailing, le faxing, le phoning ou le meeting.

Le choix des techniques de prospection diffère selon les objectifs de la société. Une société voulant accroître son nombre de clients n’aura pas la même approche que celle voulant optimiser sa clientèle existante.
Face à une réelle prise de conscience du risque d’intrusion dans la vie privée liée à l’utilisation des données personnelles, les consommateurs sont de plus en plus demandeurs de protection contre l’abus de la prospection.


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Dès lors, les législateurs français et européens entreprennent depuis de nombreuses années la mise en place d’un encadrement efficace de ces nouvelles méthodes, afin de garantir les libertés individuelles et la confidentialité des données personnelles.

I. Les sources de la protection de la vie privée et la prospection

L’avènement de l’informatique change considérablement la nature des problèmes posés par la notion de vie privée. L’informatisation des données entraîne inévitablement le risque de pouvoir y avoir accès de manière non contrôlée.

Dans un premier temps, la prospection est encadrée par des principes généraux du droit commun.

En effet, toute atteinte à l’intimité de la vie privée peut être sanctionnée sur le fondement de l’article 9 du Code civil. Au niveau européen, la CEDH a dans sa décision du 13 septembre 2018 Big Brother Watch c/ Royaume-Uni, a condamné le système britannique de surveillance électronique de masse, pour atteinte au respect à la vie privée, protégée par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

De telles atteintes peuvent, également, faire l’objet de mesures pénales. L’article 226-16 condamne, par exemple, les atteintes aux droits des personnes résultant des traitements informatiques.

Dans un second temps, le législateur crée des outils juridiques propres à l’utilisation informatique des données personnelles.

« L’informatique doit être au service de chaque citoyen. Son développement doit s’opérer dans le cadre de la coopération internationale. Elle ne doit porter atteinte ni à l’identité humaine, ni aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques ».

La CNIL veille au respect des lois et autres textes protégeant spécifiquement ces données.

La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, plus connue sous le nom de loi informatique et Liberté, réglemente la pratique du fichage et l’utilisation des données personnelles. Le RGPD du 25 mai 2018, réglemente la conservation et le traitement des données personnelles.

La loi 6 août 2004 n° 2004-801, transposition de la directive 95/46/CE, met en place une harmonisation des règles de déclaration des fichiers entre secteur privé et public, prévoit certaines exemptions ou simplifications de déclaration et étend l’obligation de demande d’autorisation appliquée aux entreprises privées à de nouvelles catégories de données.

La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation réglemente spécifiquement les conditions de démarchage téléphonique. Elle fut complétée par la loi du 24 juillet 2020.

II. L’utilisation des données personnelles à des fins de prospection

Cet arsenal législatif se traduit, pour les entreprises exploitant des données personnelles, par un certain nombre d’obligations.

La création de fichiers clients/prospects s’inscrivait dans le respect de la loi informatique et libertés. Dès lors, la mise en œuvre de tels fichiers faisait, jusqu’en 2018 , l’objet de formalités préalables auprès de l’autorité administrative compétente, la CNIL. Depuis le 25 mai 2018, date d’entrée en vigueur du RGPD, les fichiers relatifs à la gestion des clients et des prospects n’ont plus à être déclarés auprès de la CNIL.

En premier lieu, la société doit s’assurer de la licéité de la constitution de ses fichiers.

Le principe général est celui du consentement préalable des personnes visées. Principe général lié au RGPD, en effet, la décision du Conseil d’État du 19 juin 2020, vient rappeler l’importance du consentement de l’utilisateur. Le consentement éclairé étant nécessaire à l’autorisation du traitement et la conservation des données personnelles.

En effet, chaque personne concernée doit ainsi donner son accord préalablement à toute utilisation commerciale de ses données.

Or cela nécessite que la personne soit être informée de la finalité de la collecte, de la durée de conservation, des conséquences d’une absence de réponse et des modalités d’exercice du droit d’accès et de rectification.

Dans le cas contraire, le Code pénal prévoit une peine de 5 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. Art. 226-18-1 du Code pénal.

En pratique, les entreprises remplissent cette obligation en prévoyant une case à cocher, qui doit être décochée par défaut. Cette méthode permet de donner son accord à la réception de messages publicitaires.

Du côté de l’entreprise effectuant la collecte, cette dernière doit s’assurer que les informations traitées soient uniquement limitées aux informations nécessaires à la relation commerciale, il s’agit du principe de minimisation. L’entreprise doit également s’assurer de la mise en place de mesures de sécurité adaptées aux risques. De plus, l’entreprise doit s’assurer que la conservation des données soit limitée dans le temps, cette obligation peut être légale. Enfin, il est nécessaire que la société inscrive les fichiers relatifs à la gestion des clients et des prospects dans le Registre des activités de traitements.

Les entreprises doivent être en mesure de justifier, à tout moment, le consentement de toutes personnes destinataires de messages commerciaux.

Deux exceptions sont prévues au principe de consentement préalable.

La première vise la prospection de « produits ou services analogues » à ceux déjà fournis par la société. Le consentement préalable n’est pas requis lorsque la personne a été informée de cette éventualité lors de la collecte.

La deuxième concerne l’envoi de courrier électronique aux adresses professionnelles des particuliers. Lorsque ces courriers sont en rapport avec la fonction professionnelle occupée par la personne, le consentement préalable n’est pas nécessaire.

En sus de ces obligations générales, des règles spéciales sont attachées aux différents supports de prospection.

Le phoning, démarchage téléphonique

La loi du 24 juillet 2020, prévoit que les opérateurs de téléphonie sont dans l’obligation d’offrir à leurs abonnés la possibilité de s’inscrire gratuitement sur une liste d’opposition au démarchage.

La liste rouge permet de ne pas mentionner les coordonnées de la personne inscrites sur les listes d’abonnés ou d’utilisateurs.

La liste orange, quant à elle, permet de ne plus communiquer les coordonnées à des entreprises commerciales en vue d’une utilisation à des fins de prospection directe. Les coordonnées peuvent donc subsister dans l’annuaire.

Néanmoins, l’annuaire n’est pas le seul support qu’utilisent les entreprises. En effet, les fichiers clients/prospects sont couramment utilisés et font l’objet d’une circulation entre les sociétés.

Dès lors, le gouvernement a souhaité créer une liste spéciale afin de lutter contre la prolifération du démarchage non désiré.

Depuis la loi du 24 juillet 2020, une liste d’opposition applicable à tous les professionnels interdit le démarchage téléphonique des consommateurs y figurant. Tout manquement à cette obligation est passible d’une amende administrative de 75 000 euros pour les personnes physiques, et 375 000 euros pour les personnes morales.

Le consommateur qui souhaite s’y inscrire peut le faire par voie électronique. Son inscription sera valable 3 ans (renouvelable).

Les professionnels ont l’obligation de contacter régulièrement (au moins mensuellement) l’organisme de gestion de la liste afin d’actualiser leurs fichiers de prospection.

L’e-mailing, démarchage par internet

L’e-mailing est l’outil phare de publicité sur internet. Les cybermarchands en sont friands eu égard de son faible coût et de sa rapidité.

Néanmoins, la loi pour la confiance en l’économie numérique de 2004 a posé un principe clair que ses utilisateurs doivent respecter. Avant toute prospection par mail, le cybermarchand doit avoir recueilli le consentement de la personne visée. Il s’agit d’un système d’opt-in, il faut obtenir l’accord de la personne concernée en préalable de la communication. Cette pratique s’oppose à l’opt-out, où l’émetteur à légalement la possibilité d’envoyer des messages publicitaires et c’est au destinataire de faire connaître sa volonté contraire. Il s’agit d’un système moins protecteur pour le destinataire, qui n’a donc pas été retenu par le législateur.
Par ailleurs, toute personne ayant donné son accord à un programme d’e-mailing doit avoir la possibilité de se désabonner dès qu’il le souhaite.

Les mêmes règles s’appliquent à l’envoi de SMS dans le but de prospection.

Les sollicitations commerciales deviennent de plus en plus souvent une source de désagréments pour les destinataires, c’est pour ça qu’il est aujourd’hui possible de les limiter ou même de les faire cesser.

Cependant le spamming, envoi massif et répété de courriers non sollicités, reste un outil de publicité illégal face auquel les particuliers ne sont pas encore protégés de manière efficace.

Récemment, le 31 décembre 2020, la CNIL a condamné de manière sévère PERFORMECLIC, société qui utilisait les Spams par courriels, à une amende de 7 300 euros, amende proportionnelle à la taille et la situation financière de la société, afin de prononcer une amende dissuasive et proportionnée. Par le passé les amendes de la CNIL, en matière de spamming avaient atteint une somme de 20 000 euros, après un recours devant le Conseil d’État, la sanction a été confirmée et jugée proportionnée.

Pour lire une version plus courte de cet article sur l’email marketing, cliquez sur ce lien

SOURCES
http://www.ys-avocats.com/pj/Article_NS_48_CNIL.pdf
https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/007971
http://sosconso.blog.lemonde.fr/2015/05/07/spams-par-sms-sanction-confirmee-pour-une-societe-immobiliere/
http://www.fftelecoms.org/articles/pour-lutter-contre-le-spam-sms-et-le-spam-vocal-un-reflexe-le-33700
CEDH 13 septembre 2018 Big Brother Watch c/ Royaume-Uni
Règlement général sur la protection des données
https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees
LOI n° 2020-901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042148119/
Conseil d’Etat, 19 juin 2020, N° 430810
https://www.conseil-etat.fr/ressources/decisions-contentieuses/dernieres-decisions-importantes/conseil-d-etat-19-juin-2020-sanction-infligee-a-google-par-la-cnil
Décision CNIL 31 décembre 2020
https://www.cnil.fr/fr/prospection-commerciale-sanction-publique-lencontre-de-la-societe-performeclic

#Diffamation et Twitter

Le réseau social « Twitter » est devenu la référence en matière de médias sociaux, il est aujourd’hui le théâtre d’une multiplication d’actions en diffamation.

Twitter n’est pas une zone de non-droit et ses tweets sont, eux aussi, soumis à des règles.

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Twitter c’est la possibilité de publier gratuitement des messages courts et percutants (tweets) en temps réel (280 caractères/tweets au maximum). Par défaut, ces messages sont lisibles par tous et apparaissent même dans les moteurs de recherche, les faisant ainsi entrer dans la sphère publique. En d’autres termes, c’est une plateforme de microblogging, c’est-à-dire un journal personnel en ligne, qui fonctionne comme un réseau social.

À ce titre, il est soumis aux mêmes règles que les autres acteurs d’internet.

La Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 n’est pas seulement applicable à la communication par support papier, mais également à celle diffusée sur internet. Cette loi permet de rendre publiques, des informations ou des opinions tout en réprimant les abus, comme celui de la diffamation.

En effet, l’article 1er du texte actuellement en vigueur, précise de manière assez symbolique que « l’imprimerie et la librairie sont libres ». Cette liberté, que l’on retrouve aujourd’hui à travers la libre expression sur les réseaux, n’est néanmoins pas totale et la diffamation constitue effectivement un des actes prohibés par la loi.

Il faut savoir qu’il s’agit d’un régime spécifique, différent du droit commun de la responsabilité prévue à l’article 1382 ancien (nouveau 1240) du Code civil. Ce régime spécifique prévoit une responsabilité dite en « cascade ».


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La loi considère que dans les milieux particuliers de la presse plusieurs personnes sont responsables avant l’auteur même des propos litigieux. Ces personnes identifiées comme responsables varient en fonction du type de médias visés.

La diffamation représente le fait de porter atteinte à la réputation et à l’honneur d’une personne publiquement par des écrits, des paroles ou des gestes. Si l’allégation, le reproche, ne contient aucune accusation précise à la personne, il s’agit seulement d’une injure.

Le propos pourra donc être condamné s’il répond aux conditions suivantes :

– Alléguer un fait précis et déterminé (l’expression d’une opinion subjective relevant du débat d’idée ne constitue pas des propos diffamatoires),

-Alléguer ce fait publiquement,

– Porter atteinte à l’honneur ou à la considération de celui ou ceux qu’il vise (il faut démonter que les propos causent un dommage à la victime),

– Énoncer ce fait en étant de mauvaise foi (en sachant que c’était faux, ou en devant savoir que c’est faux, ou sans motif valable sans considération de la véracité des propos)

– Viser une personne déterminée physique ou morale (il faut pouvoir l’identifier à travers les propos, cela peut être insinué, déguisé ou direct).

À l’heure où le web 2.0 place au centre de ses services l’interaction sociale, la liberté d’expression se doit d’être d’autant plus conciliée avec le respect des droits d’autrui, y compris sur internet.

Dès lors, sur Twitter, peut-on se rendre coupable de diffamation en 280 caractères seulement ?

Twitter c’est la possibilité de publier gratuitement des messages courts et percutants (tweets) en temps réel (280 caractères/tweets au maximum).Par défaut, ces messages sont lisibles par tous et apparaissent même dans les moteurs de recherche, les faisant ainsi entrer dans la sphère publique. En d’autres termes, c’est une plateforme de microblogging, c’est-à-dire un journal personnel en ligne, qui fonctionne comme un réseau social.

À ce titre, Twitter est soumis aux mêmes règles de diffamation que les autres acteurs d’internet.

La Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 n’est pas seulement applicable à la communication par support papier, mais également à celle diffusée sur internet. Cette loi permet de rendre publiques des informations ou des opinions tout en réprimant les abus, comme celui de la diffamation. Il s’agit d’un régime spécifique, différent du droit commun de la responsabilité prévue à l’article 1240 du Code civil. Ce régime spécifique prévoit une responsabilité dite en « cascade ».

La loi considère que dans les milieux particuliers de la presse plusieurs personnes sont responsables avant l’auteur même des propos litigieux. Ces personnes identifiées comme responsables varient en fonction du type de médias visés.

La diffamation représente le fait de porter atteinte à la réputation et à l’honneur d’une personne publiquement par des écrits, des paroles ou des gestes. Si l’allégation, le reproche, ne contient aucune accusation précise à la personne, il s’agit seulement d’une injure.

La diffamation sur Twitter pourra être condamnée s’il répond aux conditions suivantes :

  • Alléguer un fait précis et déterminé (l’expression d’une opinion subjective relevant du débat d’idée ne constitue pas des propos diffamatoires)
  • Alléguer ce fait publiquement
  • Porter atteinte à l’honneur ou à la considération de celui ou ceux qu’il vise (il faut démontrer que les propos causent un dommage à la victime)
  • Énoncer ce fait en étant de mauvaise foi (en sachant que c’était faux, ou en devant savoir que c’est faux, ou sans motif valable sans considération de la véracité des propos)
  • Viser une personne déterminée physique ou morale (il faut pouvoir l’identifier à travers les propos, cela peut être insinué, déguisé ou direct)

Sur Twitter, peut-on se rendre coupable de diffamation en 280 caractères seulement ?

I/ Qui est responsable des tweets à caractère diffamatoire ?

La loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) soumet les publications sur internet à loi de la presse de 1881. Cette loi met en place un système de responsabilité en cascade par rapport aux fonctions des différentes personnes visées.

En d’autres termes, si la première personne désignée n’est pas identifiable la deuxième sera responsable et ainsi de suite. La loi LCEN adapte cette responsabilité à l’univers d’internet et donc à la « communication au public en ligne ». Le responsable est celui dont « l’activité est d’offrir un accès à des services de communication au public en ligne ».

Celui qui publie et gère le site, qui a le plein contrôle de la mise en ligne des contenus du site (Articles, photos, vidéos) est appelé l’éditeur. Pour limiter le risque d’être responsable, l’éditeur peut adopter le statut d’hébergeur. Les plateformes de réseaux sociaux, de forums ou de blog ne peuvent être assimilées à des sites classiques. Il existe une responsabilité spéciale applicable aux personnes gérant les réseaux sociaux. La loi de 2004 définit le rôle et la responsabilité d’une personne qui a la qualité d’hébergeur. L’hébergeur assure, gratuitement ou non, un service de stockage d’informations fournies par ses utilisateurs.

Les réseaux sociaux, les forums ou les blogs, parce qu’ils stockent des textes, photos et vidéos sont considérés comme des hébergeurs. L’arrêt de la CJUE Google Adwords du 23 mars 2010, dispose qu’est hébergeur celui dont l’activité « revêt un caractère purement technique, automatique et passif, qui implique que le prestataire de services de la société de l’information n’a pas la connaissance ni le contrôle des informations transmises ou stockées. » Twitter est donc l’hébergeur des tweets.  L’hébergeur a une qualité et un rôle particulier. De ce fait, il se voit attribuer un statut hybride et une responsabilité atténuée.

Il est responsable des contenus stockés, si et seulement si :

  • Il a eu connaissance de l’existence des contenus
  • Les contenus présentent un caractère manifestement illicite (violation évidente d’une règle de droit)
  • Après en avoir eu connaissance, il n’a pas retiré rapidement ces contenus (le jour même

Twitter est une entreprise américaine, mais cela ne l’exonère pas de cette obligation.

Puisque Twitter, en tant qu’hébergeur n’est pas responsable, l’auteur des propos diffamatoires l’est. Une fois le responsable identifié, il est possible d’agir en justice contre lui afin d’obtenir réparation de son préjudice.

Une action contre Twitter n’est possible que si ce dernier n’a pas supprimé ou bloquer le contenu qui lui a été notifié, quand il a manqué à son obligation de déréférencement.

II/ La jurisprudence

Sur Twitter, comme sur tout autre réseau social, toute personne est responsable des propos qu’elle tient publiquement. En France, la diffamation est une infraction qui peut entraîner une amende de 12 000€.  Pour que la diffamation soit avérée, le propos doit remplir plusieurs conditions.

Sur Twitter, le premier critère à déterminer est celui de la publicité des propos tenus. En reprenant la loi de 1881, un propos est public s’il est tenu devant un groupement de personnes qui ne constituent pas une communauté d’intérêts. La diffamation étant sanctionnée, que le propos soit public ou privé, mais l’amende est moindre en cas de propos privés (38€).

La jurisprudence constante considère que « la diffusion litigieuse sur le réseau internet, à destination d’un nombre illimité de personnes nullement liées par une communauté d’intérêts, constitue un acte de publicité commis dès que l’information a été mise à la disposition des utilisateurs éventuels du site ». Ainsi, si la personne qui a publié les propos, n’a pas fait l’effort de limiter l’accès à son tweet à un nombre très limité de personne, alors on va considérer que le tweet est public. Par ailleurs, le tribunal de Pau a considéré dans sa décision du 12 novembre 2018 que le créateur du compte, qui possède les codes d’accès, « ne saurait dénier sa responsabilité au seul motif qu’il aurait donné les codes à des personnes dont il refuse de donner le nom. ». Il y a donc une présomption de responsabilité à l’égard du créateur du compte.

De plus, pour déterminer la diffamation il doit y avoir l’allégation d’un fait précis et déterminé.

En février 2015, une décision en matière de diffamation sur Twitter a été rendue par la cour d’appel de Paris .

Ramzi Khiroun a porté plainte en 2011 contre Arnaud Dassier pour avoir tweeté :

« Ramzi Khiroun est à la limite de l’abus de bien social avec ses jobs Lagardère ou EuroRSCG (on ne sait plus trop) tout en bossant pour #DSK ».

Les 140 caractères maximums imposés par Twitter jusqu’en 2017, ont permis de protéger le défendeur.

En effet, la cour a  considéré que cette brièveté rendait imprécise l’allégation et empêchait tout débat : le fait imputé doit être suffisamment précis et des éléments doivent le corroborer.

De plus, l’expression « est à la limite de » a permis d’écarter la qualification de diffamation.

La cour d’appel  a jugé que cela reflétait l’expression d’une opinion subjective qui pouvait être soumise à débat au titre de la liberté d’expression et qu’il n’y avait donc pas diffamation. Arnaud Dassier a été relaxé.

La jurisprudence a également refusé de qualifier de diffamatoires des propos tenus sur Twitter à l’occasion d’un débat d’intérêt général. Dans cet arrêt du 8 janvier 2019, la chambre criminelle tient à rappeler que le principe est celui de la liberté d’expression et qu’en l’espèce les propos tenus n’excédaient pas les limites de la liberté d’expression.

Attention, l’action de republier comme telle une information diffamatoire d’un autre utilisateur (retweeter) est condamnable (même si cela est difficile en pratique) ! Bien qu’il n’y ait pas de condamnation pour la reproduction d’un tweet, cette dernière reste possible. Il vient donc à se protéger par l’exception de bonne foi ou en démontrant la vérité des propos.

La Licra et SOS Racisme ont obtenu la condamnation à une peine de deux mois de prison ferme de l’auteur de propos antisémites tenus dans deux messages postés sur Twitter. Dans son jugement du 9 mars 2016, le TGI de Paris a estimé que le titulaire du compte en question s’était rendu coupable d’incitation à la haine raciale et de diffamation publique à caractère racial. Cette solution sera réitérée dans un jugement du 11 septembre 2020, où la Licra a obtenu la condamnation de l’auteur d’une diffamation publique envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une religion déterminée, en l’espèce la religion juive.

La brièveté des tweets ne protège donc pas indéfiniment les auteurs, et ce, justement parce qu’elle exclut toute nuance.  Le concept de Twitter est de réagir rapidement, ce qui pousse à l’imprudence et au franc-parler.

Par ailleurs, la brièveté des propos retenue par la cour d’appel, est un concept assez flou. En effet, en passant de 140 à 280 caractères, peut-on toujours considérer qu’il y a une brièveté qui rend l’allégation imprécise ? De même, nombreuses sont les personnes qui font plus d’un tweet pour détailler une pensée, une opinion. Il convient alors à se demander où est la limite à ce concept de brièveté des propos tenus sur Twitter.

Pour lire une version plus complète de cet article sur la diffamation et twitter, cliquez

SOURCES :
http://www.lepoint.fr/invites-du-point/gaspard-koenig/koenig-diffamation-twitter-libertedexpression-04-03-2014-1797408_2002.php
http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F32079.xhtml
Cass. ch. crim. 16 octobre 2001, 00-85.728
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007070613
CJUE 23 mars 2010 Google Adwords C-236/08 à C-238/08.
https://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&num=C-236/08
TGI Pau, ch. corr., jugement correctionnel du 12 novembre 2018
https://www.legalis.net/jurisprudences/tgi-de-pau-ch-corr-jugement-correctionnel-du-12-novembre-2018/
Tribunal judiciaire de Paris, 17e ch. correctionnelle, jugement du 11 septembre 2020
https://www.legalis.net/jurisprudences/tribunal-judiciaire-de-paris-17e-ch-correctionnelle-jugement-du-11-septembre-2020/Crim. 8 janvier 2019, 17-81.396
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038069831?dateDecision=&init=true&page=1&query=17-81.396&searchField=ALL&tab_selection=juri