Société et droits

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LA RUPTURE DU CONTRAT D’AGENT COMMERCIAL

La rupture du contrat d’agent commercial est soumise à des règles bien précises, qu’elle soit décidée par l’agent commercial ou le mandant.

Le contrat d’agence commerciale est fortement encadré, notamment par la loi 91-593 du 25 juin 1991 qui résulte de la transposition de la Directive européenne d’harmonisation n°86/653/CEE du 18 décembre 1986, très favorable à l’agent.

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Ainsi, considéré comme la partie du contrat la plus faible économiquement, bénéficie d’une véritable protection statutaire consacrée par les articles L.134-1 à L.134-17 du Code de commerce. De par ces dispositions, l’agent commercial jouit d’un statut qui lui est particulièrement favorable en ce qui concerne les conditions de résiliation du contrat d’agence.

Par principe, la rupture du contrat d’agent commercial par le mandant ouvre droit à indemnité pour l’agent commercial. Mais cette rupture emporte d’autres conséquences importantes.

I. Les modalités de ruptures du contrat d’agent commercial

La rupture du contrat d’agent commercial à durée indéterminée doit en premier lieu être notifiée à l’autre partie que cette rupture soit décidée par l’agent commercial ou le mandant.


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La loi n’impose aucun formalisme particulier en la matière. Un courrier recommandé ou équivalent est recommandé pour éviter les discussions tant sur le principe de la rupture du contrat elle-même que sur sa date de prise d’effet.

Mais il est courant que le contrat d’agent commercial ne soit pas clairement rompu par le mandant, celui-ci faisant en sorte de ne plus permettre à l’agent commercial d’exécuter normalement son mandat, soit en ne lui fournissant plus les informations (tarifs…), échantillons, etc. nécessaires et/ou en retenant délibérément le paiement de ses commissions, etc.

Dans une telle situation, il appartiendra alors à l’agent commercial de prendre acte de la rupture de son contrat aux torts de son mandant. La prudence s’imposera toutefois, car une prise d’acte intempestive s’apparentera à une démission de l’agent commercial concerné.

Si l’une des parties prend l’initiative de rompre clairement le contrat d’agent commercial, un délai de préavis devra être respecté. Ce délai variera en fonction de la durée du contrat en question.

Le préavis sera d’un mois en cas de rupture du contrat d’agent commercial pendant sa première année, deux mois en cas de rupture pendant la seconde année, trois mois en cas de rupture pendant la troisième année et les années suivantes du contrat.

Les parties ne peuvent convenir de délais de préavis plus courts. Si elles conviennent de délais plus longs, le délai de préavis prévu contractuellement pour le mandant ne devra pas être plus court que celui prévu pour l’agent.

Toutefois, un tel préavis n’a pas à être respecté en cas de faute grave invoquée au soutien de la décision de rompre le contrat d’agent commercial.

En cas de contrat à durée déterminée ne comportant pas de clause de reconduction tacite, le contrat prendra en principe automatiquement à l’arrivée de son terme, sauf à ce que les parties continuent de l’exécuter après son terme ; dans ce cas, le contrat se transformera en contrat à durée indéterminée.

II. Les conséquences de la rupture du contrat d’agent commercial

A) Le droit à l’indemnité de cessation du contrat d’agent commercial

Conformément à l’article. L 134-12 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec son mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi à cette occasion.

Cette indemnité résulte du fait que le contrat d’agent commercial est un mandat d’intérêt commun comme cela ressort de l’article L 134-4 du Code de commerce qui dispose que « Les contrats d’agents intervenus entre les agents « commerciaux et leurs mandants sont conclus dans l’intérêt commun des parties. »

Si un tel contrat est rompu par le mandant, cela signifie que l’agent commercial est ipso facto privé de la valeur patrimoniale acquise par le contrat grâce au travail de l’agent commercial.

L’indemnité de cessation de contrat d’agent commercial a donc pour objet de remédier à cette situation, c’est-à-dire à cette perte de valeur pour l’agent commercial. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une indemnité de clientèle.

La lecture combinée des articles L 134-12, L 134-13 et L 134-16 du Code de commerce fait apparaître qu’en cas de cessation du contrat d’agent commercial, cette indemnité est le principe et le non-versement de cette indemnité l’exception. En effet, l’article L 134-12 est rédigé comme suit :

« En cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi. L’agent commercial perd le droit à réparation s’il n’a pas notifié au mandant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits. Les ayants droit de l’agent commercial bénéficient également du droit à réparation lorsque la cessation du contrat est due au décès de l’agent. »

Cette indemnité de cessation de contrat est due que le contrat d’agent commercial ait été conclu à durée indéterminée ou à durée déterminée.

Le même raisonnement est privilégié en cas de rupture du contrat d’agent commercial à durée déterminée par le mandant avant le terme dudit contrat en l’absence de faute grave de l’agent commercial.

Les ayants droit de l’agent commercial bénéficient également du droit à cette indemnité de cessation de contrat d’agent commercial lorsque la cessation du contrat d’agent commercial est due au décès de l’agent commercial.

Les seules exceptions à ce principe du droit à l’indemnité de cessation de contrat de l’agent commercial sont limitativement énumérées par l’article L 134-13 du Code de commerce.

Ainsi, au regard de l’article L 134-13 du Code de commerce, les seules exceptions à ce droit à indemnité correspondent aux cas suivants :

  • Si la cessation du contrat d’agent commercial est provoquée par la faute grave de l’agent commercial,
  • Si la cessation du contrat d’agent commercial résulte de l’initiative de l’agent commercial à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial, par suite desquelles la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée,
  • si, selon un accord avec le mandant, l’agent commercial cède son contrat.

Aucune dérogation aux règles rappelées ci-dessus n’est autorisée. Ainsi, le droit à indemnité de cessation de contrat de l’agent commercial est le principe. Les seules exceptions à ce droit à l’indemnité de cessation de contrat sont celles prévues par l’article L 134-13 du Code de commerce.

Pour rappel, l’article L 134-16 du Commerce dispose que « Est réputée non écrite toute clause ou convention (…) dérogeant, au détriment de l’agent commercial, aux dispositions (…) des articles L. 134-12 et L. 134-13 ».

Par conséquent, l’agent commercial ne peut d’avance renoncer à son indemnité de fin de contrat et le montant de l’indemnité de cessation de contrat ne peut être fixé d’avance dans le contrat.

En outre, le fait de prévoir contractuellement une majoration de la commission revenant à l’agent pendant l’exécution de son contrat et qu’en contrepartie celui-ci ne pourra prétendre à une indemnité de rupture de contrat ne peut pas davantage empêcher l’agent commercial de réclamer une telle indemnité in fine (Cass.Com. 17 juin 2003, Bull. Civ. IV, n°99, D. 2003, p. 2428, obs. D. F., RJDA décembre 2003, n° 1170, p. 1018),

B) La faute grave de l’agent commercial

La faute grave est l’un des rares événements prévus par l’article L 134-12 du Code de commerce comme privatif du droit à l’indemnité de fin de contrat. Toutefois, la notion de faute grave de l’agent commercial n’est pas aisée à appréhender du fait de l’absence de définition légale.

Les dispositions relatives à l’indemnisation de l’agent commercial en cas de rupture du contrat d’agent commercial par le mandant étant d’ordre public, les parties ne peuvent pas convenir d’une définition de la faute grave dans leur contrat. Dans ce contexte, la définition de la faute grave est donc une œuvre essentiellement jurisprudentielle.

Par conséquent, le contrat d’agent commercial ne peut valablement stipuler qu’un comportement déterminé de l’agent commercial constituera une faute grave.

  1. La définition de la faute grave de l’agent commercial

En principe, est considérée comme faute grave la faute qui constitue un manquement important aux devoirs d’un bon professionnel, apprécié en considération du propre comportement du mandant, portant atteinte à la finalité du contrat d’agence.

En effet, le contrat d’agent commercial est un mandat d’intérêt commun dont l’objet est de maintenir, voire développer une part de marché dont la valeur est commune au mandant et au mandataire. Pour qu’il y ait faute grave, il faut donc que, par les faits reprochés, l’agent commercial ait porté atteinte à cette valeur commune.

Pourront ainsi, notamment, être constitutifs de fautes graves, dans des conditions bien précises à apprécier au cas par cas :

  • Des faits de concurrence de la part de l’agent commercial, sous réserve, toutefois, que le mandant n’ait pas eu connaissance de tels faits et ne les ait pas tolérés ;
  • La diffusion par l’agent commercial d’informations erronées ou le dénigrement par l’agent commercial du mandant et/ou de ses produits ;
  • Une baisse anormale de chiffre d’affaires résultant d’une insuffisance manifeste d’activité de l’agent commercial et non de la conjoncture économique.
  1. La preuve de la faute grave de l’agent commercial

C’est au mandant qu’il appartient de rapporter la preuve de la faute grave de l’agent commercial. Le mandant doit ainsi prouver que l’agent commercial a commis une faute grave, en proposant des griefs précis aux juges qui doivent y répondre. À défaut de rapporter la preuve des faits reprochés, la faute grave de l’agent commercial n’est pas caractérisée.

Il appartient au mandant de prouver que la résiliation du mandat de l’agent commercial a été justifiée par la faute de l’agent commercial.

En outre, les faits retenus comme constitutifs de la faute grave ne peuvent être valablement retenus lorsque le mandant en a eu connaissance et les a tolérés jusqu’à la rupture du contrat d’agence sans avoir à aucun moment fait état de la faute grave.

Enfin, si la faute de l’agent commercial, même prouvée, a été provoquée par la propre faute du mandant, cela en diminuera la gravité.

  1. Le moment de la faute grave de l’agent commercial

L’article L 134-13 n’exclut le droit à indemnité de l’agent commercial que si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial, le mandant qui aura rompu le contrat de l’agent sans invoquer de faute grave ne pourra invoquer ultérieurement une faute grave de l’agent commercial, qui plus est commise pendant le préavis.

Ce cas vise l’hypothèse où l’agent commercial décide de mettre fin au contrat d’agent commercial de son propre chef, sans y être contraint par le comportement de son mandant. Dans ce cas, la décision de l’agent commercial est l’équivalent de la démission du salarié.

Toutefois, l’agent commercial ne perd pas son droit à l’indemnité de cessation de contrat si, au contraire, il est contraint de mettre fin à son contrat du fait du comportement de son mandant.

En effet, l’article L 134-3 du Code de commerce prévoit expressément que l’agent commercial ne perd pas son droit à indemnité de cessation de contrat si la rupture intervient à son initiative, mais du fait de « circonstances imputables au mandant ».

Ainsi :

  • Le mandant qui ne respecte pas la clause d’exclusivité dont bénéficie l’agent et qui ne le commissionne pas sur toutes les opérations conclues sur son secteur exclusif crée les circonstances qui lui rendent imputable la rupture du contrat à l’initiative de l’agent.
  • En cas de prise d’acte de la rupture de son contrat par l’agent du fait d’une modification unilatérale de celui-ci par son mandant, ce dernier prend également le risque que la rupture lui soit imputée. Telle sera notamment le cas en cas de modification unilatérale du secteur confié à l’agent.
  • En cas de défaut de paiement des commissions à l’agent commercial, le mandant prendra également le risque d’une prise d’acte de la rupture du contrat par l’agent imputable au mandant.

Prudence, l’agent commercial ne devra pas prendre à la légère la décision de rompre son contrat aux torts de son mandant, car si les griefs invoqués par l’agent commercial contre son mandant ne sont pas fondés, l’agent commercial sera réputé démissionnaire et ne pourra alors prétendre à aucune indemnité.

La troisième exception au droit à l’indemnité de cessation de contrat de l’agent commercial vise le cas où l’agent commercial cède son contrat. L’agent commercial ne peut à la fois céder son contrat et donc, percevoir à ce titre une contrepartie financière de la part de son successeur qui se substituera à lui, et en même temps prétendre à l’indemnité de fin de contrat.

C) Le montant de l’indemnité compensatrice de cessation du contrat

Le montant de l’indemnité varie notamment en fonction de la durée de l’ancienneté des relations contractuelles et du montant du chiffre d’affaires réalisé avec le mandant.

Sauf circonstances particulières, l’usage fixe à deux ans de commissions brutes le montant de l’indemnité due à l’agent commercial par le mandant.

L’indemnité est généralement calculée sur base des deux dernières années de rémunération ou sur la moyenne des trois dernières années, multipliée par deux. Les rémunérations de toutes natures versées à l’agent en exécution de son activité de représentation sont prises en compte sans distinction entre les clients créés ou préexistants.

En cas de rémunération fixe et de commissions, l’indemnité de cessation de contrat devra également être calculée sur la base de l’ensemble de ces éléments de rémunération

D) Le délai de réclamation de l’indemnité de cessation de contrat

L’indemnité de cessation de contrat de l’agent commercial doit impérativement être réclamée dans le délai d’un an à compter de la cessation du contrat d’agent commercial.

En effet, passé ce délai, l’agent commercial perd désormais son droit à réparation. En effet, aux termes de l’article L 134-1 du Code de commerce, l’agent commercial perd son droit à indemnité « s’il n’a pas notifié à son mandant dans un délai d’un an à compter de la cessation de son contrat qu’il entend faire valoir ses droits. »

Pourlire uneversion plus complète de l’article sur la rupture de contrat d’agent commercial, cliquez

SOURCES :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000005634379&idArticle=LEGIARTI000006220456&dateTexte=&categorieLien=cid
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000005634379&idArticle=LEGIARTI000006220492
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006220397&cidTexte=LEGITEXT000005634379&dateTexte=20000921
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006077735&dateTexte=20000920

MANQUEMENT CONTRACTUEL ET RESPONSABILITE A L’EGARD DES TIERS

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L’exécution normale d’un contrat peut être l’origine d’un préjudice pour des tiers qui sont fondés à obtenir réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Il en va a fortiori de même dans le cas où le manquement à une obligation contractuelle cause un dommage à un tiers.

Les clients du maître de l’ouvrage, victimes d’un dommage lié aux travaux sous-traités, peuvent ainsi rechercher la responsabilité délictuelle de l’entrepreneur principal pour défaut de vérification du travail du sous-traitant.

La possibilité pour un tiers à un contrat de rechercher la responsabilité délictuelle d’une partie à ce contrat, en cas d’inexécution des obligations découlant de celui-ci, est reconnue depuis longtemps par la jurisprudence. Cependant, un doute subsistait quant au point de savoir si l’engagement de la responsabilité délictuelle était subordonné à l’existence d’une faute délictuelle propre, distincte de la faute contractuelle, ou si l’inexécution contractuelle suffisait, en tant que telle, à caractériser la faute délictuelle.


 

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Cour de cassation assemblée plénière du 13 janvier 2020.

Alors que la chambre commerciale de la Cour de cassation exigeait la preuve d’un manquement au devoir général de ne pas nuire à autrui, les chambres civiles admettaient dans l’ensemble l’identité des fautes contractuelle et délictuelle. L’assemblée plénière de la Cour de cassation s’est prononcée en faveur de cette seconde thèse dans un arrêt rendu en matière de baux commerciaux.

Le tiers a donc simplement à rapporter la preuve de son dommage et du lien de causalité avec l’inexécution fautive du contrat. Il n’a pas à prouver une faute autre que celle résultant de l’inexécution du contrat.

Le tiers à un contrat peut donc invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci a causé un dommage.

Est cassé l’arrêt d’appel qui déboute l’épouse de l’acquéreur d’un lot immobilier de sa demande tendant à mettre à la charge du vendeur, auteur d’un manquement à l’origine de la résolution de la vente, le montant des intérêts de l’emprunt qu’elle avait souscrit afin de permettre le financement des actes notariés au seul motif qu’elle n’était pas partie à ceux-ci.

Néanmoins, les juges restent tenus de relever que le manquement contractuel constitue une faute délictuelle ou quasi délictuelle. Un couple avait acheté une villa et avait fait réaliser des travaux. À la suite de l’apparition de fissures, une expertise judiciaire avait été diligentée. Des travaux de reprise avaient été réalisés et le couple avait vendu le bien. Un problème de fondations à l’origine des fissures ayant été diagnostiqué, l’acquéreur avait assigné les vendeurs en garantie des vices cachés, lesquels s’étaient retournés contre l’expert.

Les juges d’appel avaient fait partiellement droit à cette demande, laissant à la charge des vendeurs la moitié de la condamnation prononcée contre eux. Ils avaient, en effet, estimé que les vendeurs avaient eux-mêmes concouru à leur propre dommage en ne révélant pas à l’acquéreur l’existence de la procédure antérieure et la cause possible des fissures récurrentes et en ne lui donnant pas les informations pertinentes, les privant par leur propre faute du bénéfice de la clause de non-garantie. L’arrêt est cassé. Les juges ne pouvaient statuer ainsi sans rechercher si le manquement contractuel qu’ils relevaient constituait une faute quasi délictuelle à l’égard de l’expert.

La Cour de cassation réitère la position adoptée en assemblée plénière : le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. Autrement dit, les fautes contractuelle et délictuelle sont identiques.

I. Faits et procédure

En l’espèce, deux sociétés B… et S…, ayant pour objet la fabrication et la commercialisation du sucre de canne, ont conclu, le 21 novembre 1995, un protocole aux fins de concentrer le traitement industriel de la production cannière de l’île sur deux usines, protocole en exécution duquel chaque usine était amenée à brasser des cannes dépendant de son bassin cannier et de celui de l’autre.

À cet effet, les sociétés ont conclu, le 31 janvier 1996, une convention de travail à façon déterminant la quantité de sucre à livrer au commettant et la tarification du façonnage. Antérieurement, le 8 novembre 1995, avait été conclue une convention d’assistance mutuelle en période de campagne sucrière entre les deux usines « en cas d’arrêt accidentel prolongé de l’une des usines ». Par la suite, dans la nuit du 30 au 31 août 2009, un incendie s’est déclaré dans une usine électrique de la centrale thermique exploitée par une autre société qui alimentait en énergie l’usine productrice de la société B…, entraînant la fermeture de cette dernière pendant quatre semaines.

L’autre usine a donc assuré une partie du traitement de la canne qui aurait dû l’être par l’usine sinistrée. L’assureur de la société S… ayant indemnisé son assurée de ses pertes d’exploitation a donc, dans l’exercice de son action subrogatoire, saisi un tribunal à l’effet d’obtenir la condamnation de la société exploitant l’usine sinistrée et de la Compagnie thermique à lui rembourser l’indemnité versée. Les recours en paiement à l’encontre de la société B… et de la Compagnie thermique ayant été rejetée par un arrêt de la cour d’appel de Saint-Denis du 5 avril 2017, l’assureur se pourvut en cassation.

A) Le premier moyen

Critiquant le rejet de l’action en paiement contre la société B…, ne trouva pas grâce aux yeux de la Cour de cassation, approuvant cette solution au motif que « la cour d’appel a, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’interprétation du protocole et de la convention d’assistance, jugé que ces deux conventions procédaient entre les deux sociétés sucrières de la même démarche de collaboration et, recherchant la commune intention des parties, a retenu que celles-ci s’étaient entendues pour la mise en œuvre de l’une et de l’autre de ces conventions à la suite de l’arrêt complet de l’usine B… privée d’alimentation en énergie ».

La Cour de cassation ajoute « qu’une telle entraide conduisait à la répartition des cannes à brasser prévue au protocole en cas de difficulté technique et s’exécutait à l’aune de la convention d’assistance mutuelle, elle a pu en déduire, par une décision motivée, que la société QBE, qui ne détenait pas plus de droits que son assurée, ne pouvait utilement invoquer une faute contractuelle imputable à la société B… ».

B) Le second moyen

Faisant grief à l’arrêt de rejeter les demandes de l’assureur dirigées contre la Compagnie thermique, fit mouche : après une motivation enrichie, l’assemblée plénière considéra, au visa de l’article 1165 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l’article 1382, devenu 1240, du même code, qu’« en statuant ainsi, alors que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, la cour d’appel, qui a constaté la défaillance de la Compagnie thermique dans l’exécution de son contrat de fourniture d’énergie à l’usine B… pendant quatre semaines et le dommage qui en était résulté pour la société S…, victime de l’arrêt de cette usine, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ». La décision des juges du fond est donc censurée, contre l’avis de l’avocat général, qui avait préconisé le rejet du pourvoi.

II. La preuve d’une faute n’est pas nécessaire

 A) Confirmation d’un principe dogmatique

Ce faisant, l’assemblée plénière réitère mot pour mot la solution consacrée dans un célèbre arrêt du 6 octobre 2006, volontiers dénommé Boot shop ou encore MYR « Ho, qu’elle prend d’ailleurs la peine de citer (Conseil d’État du 11 juillet 2011, n° 339409 : “les tiers à un contrat administratif, hormis les clauses réglementaires, ne peuvent en principe se prévaloir des stipulations de ce contrat ; que, dès lors, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en retenant que la qualité de tiers au contrat du 27 août 1990 de Mme A… faisait obstacle à ce que cette dernière se prévale d’une inexécution du contrat dans le cadre d’une action en responsabilité quasi-délictuelle”), ce que la Cour déplore dans la présente décision, considérant que ces arrêts créent “des incertitudes quant au fait générateur pouvant être utilement invoqué par un tiers poursuivant l’indemnisation du dommage qu’il impute à une inexécution contractuelle, incertitudes qu’il appartient à la Cour de lever”.

La solution se trouve donc à nouveau consacrée et même confortée, puisqu’elle a vocation à s’appliquer en présence d’une obligation de résultat, comme le souligne la note explicative relative à l’arrêt (“L’arrêt apporte un enseignement supplémentaire : en appliquant le principe énoncé par l’arrêt Boot shop à une situation où le manquement dénoncé portait sur une obligation de résultat et non, comme dans ce précédent arrêt, sur une obligation de moyens, l’assemblée plénière ne retient pas la nécessité d’une distinction fondée sur la nature de l’obligation méconnue”). Au demeurant, l’on sait que l’ordonnance n° 2016-131 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations n’a pas consacré la distinction des obligations de moyens et de résultat.

Cette solution sera certainement à nouveau critiquée par une partie importante de la doctrine, estimant qu’il conviendrait de distinguer les fautes contractuelle et délictuelle. Mais elle se justifie néanmoins, nous semble-t-il : sur le plan juridique, il est vrai que le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties en vertu de l’effet relatif des contrats, consacré par l’ancien article 1165 du Code civil, devenu l’article 1199 à la faveur de la réforme opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

Mais il ne faut pas oublier que le contrat est opposable aux tiers et que ces derniers peuvent également s’en prévaloir, solution désormais clairement consacrée par l’article 1200 du Code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 10 février 2016 : “Les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat. Ils peuvent s’en prévaloir notamment pour apporter la preuve d’un fait”.

Dès lors, pourquoi ne pas admettre qu’un tiers puisse invoquer le manquement d’un contractant s’il lui cause un dommage ? Encore faut-il, naturellement, que le tiers établisse le lien de causalité entre ce manquement et le dommage qu’il subit, la Cour affirmant à cet égard que “le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu’il subit n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement”.

La note explicative relative à l’arrêt est également éclairante : “En réalité, l’arrêt rendu subordonne le succès de l’action en indemnisation du tiers à la preuve du lien de causalité qu’il incombe à celui-ci de rapporter entre le manquement contractuel qu’il demande de reconnaître et le préjudice dont il justifie et invite, par conséquent, les juges du fond à continuer de privilégier dans leur examen cet aspect essentiel du litige qui permet de distinguer le préjudice indemnisable de celui qui ne l’est pas”. Certains auteurs avaient d’ailleurs déjà perçu l’importance de la causalité dans ce débat.

La solution se justifie également en opportunité, en ce qu’elle permet de faciliter l’indemnisation du tiers, ce que la Cour de cassation affirme expressément : après avoir considéré que “le manquement par un contractant à une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait illicite à l’égard d’un tiers au contrat lorsqu’il lui cause un dommage”, elle proclame qu’« il importe de ne pas entraver l’indemnisation de ce dommage ».

B) Quid du projet de réforme de l’article 1234 du Code civil ?

Toutefois, cette solution devrait être, en apparence, remise en cause si le projet de réforme de la responsabilité civile  aboutit. En effet, l’article 1234 de ce projet prévoit certes, en son alinéa 1er, que, « lorsque l’inexécution du contrat cause un dommage à un tiers, celui-ci ne peut demander réparation de ses conséquences au débiteur que sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, à charge pour lui de rapporter la preuve de l’un des faits générateurs visés à la section II du chapitre II », ce qui semble briser la jurisprudence de la Cour de cassation.

Mais l’alinéa 2 du même texte apporte un tempérament important à cette règle en prévoyant que, « toutefois, le tiers ayant un intérêt légitime à la bonne exécution d’un contrat peut également invoquer, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage.

Les conditions et limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les contractants lui sont opposables. Toute clause qui limite la responsabilité contractuelle d’un contractant à l’égard des tiers est réputée non écrite ». Or, dès lors qu’un tiers à un contrat souhaite obtenir réparation d’un dommage causé par l’inexécution de ce contrat, cela ne révèle-t-il pas qu’il avait nécessairement un intérêt légitime à la bonne exécution de celui-ci ?

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SOURCES :

CORONAVIRUS ET CONTRATS EN COURS

L’état d’urgence sanitaire a été décrété par la loi du 23 mars 2020 (L. n° 2020-290 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, 23 mars 2020, JO 24 mars) pour une durée de deux mois.

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Les conséquences de la propagation du coronavirus sont multiples et ont déjà des répercussions économiques et financières concrètes.

A priori, une épidémie apparaît indépendamment de la volonté de chacun. La propagation rapide et mondiale inédite du Coronavirus ou Covid-19 laisse peu de doute sur le caractère extérieur, inévitable et insurmontable de l’événement.

Les situations devront donc être évaluées au cas par cas selon un nombre de critères et de préalables à prendre en considération.

I – Les vérifications préalables à faire sur le contrat en cours

Tout d’abord, le contrat doit avoir a été conclu avant la crise du COVID 19, soit avant la déclaration du ministre de l’Économie et des Finances le 28 février 2020 annonçant l’application de la force majeure pour les entreprises.


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Ensuite les obligations du contrat en cours doivent être impactées par la réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus, notamment par le décret du 16 mars 2020.

Il ne suffit pas que les obligations contractuelles soient impossibles, il est nécessaire de vérifier en amont s’il existe d’autres moyens d’exécuter les obligations contractuelles en cause ou si des mesures peuvent d’ores et déjà être prises pour anticiper les potentielles conséquences futures de la crise COVID 19.

En outre, il est important de vérifier les clauses contractuelles définissant et régissant contractuellement la force majeure, l’imprévision, l’exception d’inexécution, l’exception pour risque d’inexécution, les clauses pénales, les clauses de déchéance, de forclusion, les mécanismes contractuels déclenchés par tel ou tel délai (délais d’option, de mise en jeu d’une GAP etc.), les clauses résolutoires, les clauses sanctionnant l’inexécution d’une obligation, les clauses de médiation, de conciliation, d’arbitrage (clauses compromissoires).

De même, il faut identifier les clauses prévoyant des délais de réalisation de conditions suspensives ou résolutoires, les mécanismes qu’elles prévoient, notamment lorsque l’évènement de la condition en cause est l’obtention d’une autorisation, d’un permis, d’un agrément ou de toute autre mesure administrative ou juridictionnelle susceptible ou devant survenir durant la période de crise COVID 19, les mesures conservatoires, d’enquête ou d’instruction contractuellement définies.

Cela permettra dans un second temps de vérifier les conséquences possibles d’un éventuel manquement contractuel ou d’une éventuelle inexécution contractuelle.

Dans ces circonstances, il est conseillé de rechercher au préalable à l’inexécution ou au manquement les différents mécanismes juridiques pour parer les conséquences.

II- les mesures prises par le gouvernement pendant la période du Covid-19

A) L’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de Covid-19

Conformément à l’article 1er de cette ordonnance, sont éligibles au fonds de solidarité créé par l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020, toutes les petites entreprises, en ce compris les indépendants et les professions libérales qui :

  • Ont moins de 10 salariés,
  • Réalisent un chiffre d’affaires inférieur à un million d’euros et présentent un bénéfice imposable inférieur à 60 000 euros,
  • subissent une fermeture administrative ou qui auront connu une perte de chiffre d’affaires de plus de 70 % au mois de mars 2020 par rapport au mois de mars 2019.

Ces conditions sont cumulatives.

L’article 4 de l’ordonnance prévoit que le non-paiement des échéances de loyers commerciaux, par les personnes éligibles au fonds de solidarité, durant l’état d’urgence sanitaire et jusqu’à deux mois après le terme de celui-ci, n’est pas susceptible de sanction.

Attention toutefois, il ne semble pas que le texte prévoit une annulation des échéances, mais certainement d’un simple report. La question se pose alors de la date d’exigibilité des échéances reportées.

L’article 3 de l’ordonnance 2020-316 du 25 mars 2020 prévoit expressément un report d’échéances de paiement dans les termes suivants « Le paiement des créances dues à ces échéances ainsi reportées est réparti de manière égale sur les échéances de paiement des factures postérieures sur six mois, à partir du mois suivant la date de fin de l’état d’urgence sanitaire. »

Les entreprises non éligibles au fonds de solidarité, sans pour autant être dispensées du paiement des sommes contractuellement dues ou de l’exécution de leurs autres obligations contractuelles, sont protégées des effets d’une clause pénale, d’une clause de déchéance, d’une clause résolutoire et/ou des pénalités susceptibles de courir durant la période de confinement.

Les effets et sanctions de ces clauses, en cas d’inexécution, n’ont donc pas cours pendant la période définie. Ceci s’applique donc aux délais prévus à peine de déchéance pour exécuter telle obligation ou pour faire valoir tel droit.

B) Que faire pour les contrats arrivant à terme pendant la période de crise sanitaire

L’article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prévoit le cas des arrivées à terme des contrats à durée déterminée et délais à respecter en vue de leur résiliation ou renouvellement.

Lorsqu’une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu’elle est renouvelée en l’absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période où ce délai sont prolongés s’ils expirent durant la période définie au I de l’article 1er, de deux mois après la fin de cette période.

III- les recours prévus par le droit commun

A) Le recours à la force majeure

L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a reconnu que « les conditions d’une urgence de santé publique de portée internationale étaient réunies » et que cette épidémie constituait un « événement extraordinaire ».

Dans le même sens, la crise sanitaire a été prévue par le législateur et le COVID 19 est considéré par les pouvoirs publics comme un cas de force majeure selon l’annonce du vendredi 28 février 2020 du ministre de l’Économie et des Finances.

Cela suffira-t-il pour permettre aux cocontractants d’invoquer la force majeure pour suspendre l’exécution de leurs obligations contractuelles durant la période de crise sanitaire ?

L’article 1218 du Code civil définit la force majeure comme suit : « Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un évènement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».

En outre, la jurisprudence récente ayant statué sur des cas de virus – dont l’impact et la propagation n’ont certes pas nécessité la mise en œuvre des mesures sanitaires que nous connaissons actuellement – a écarté la force majeure.  (Cour d’appel de Besançon 8 janvier 2014 n° 12/02291 relative à la grippe H1N1) et (Cour d’appel de Basse Terre, 17 décembre 2018 n° 17/00739 relative au chikungunya)

Dans un premier temps, il faut rappeler que les obligations de bonne foi et de loyauté demeurent (article 1104 du Code civil). La seule existence du Covid-19 ne suffit donc pas à lui seul à permettre la non-exécution du contrat.

Par ailleurs, le critère de l’imprévisibilité pourrait ne pas être rempli pour les contrats conclus postérieurement, notamment ceux signés après le début de la diffusion massive des informations sur le virus et sur sa propagation, car les parties ne pourront plus dire « qu’elles ne savaient pas ».

Dans un second temps, il faut s’assurer de l’existence de la clause sur la force majeure dans le contrat, car il est possible que les parties aient décidé de l’écarter puisque ce n’est pas une disposition d’ordre public.

En l’absence de mise à l’écart de la force majeure dans le contrat et de clause la définissant, ainsi que de clause gérant la suspension du contrat, il faudra s’en remettre aux dispositions de l’article 1218 ainsi qu’à la jurisprudence prise en application de ce texte.

L’analyse se fera par le juge au cas par cas. Il devra donc évaluer l’impossibilité d’exécuter l’obligation, mais également s’il y avait une possibilité de l’exécuter par d’autres moyens.

Là encore, le cocontractant n’ayant pas exécuté son obligation contractuelle ne pourra pas se contenter d’une simple inexécution liée à la crise sanitaire et de demander l’application de plein droit de la force majeur devant les tribunaux.

L’utilisation de ce recours devra donc se faire de manière avertie et ne pourra faire l’objet d’un recours systématique même en cette période de crise sanitaire.

C) Le recours à l’imprévision

Conformément à l’article 1195 du Code civil, « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation.

En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe. »

Contrairement à la force majeure, l’imprévision ne nécessite pas que l’exécution du contrat ait été impossible, mais qu’elle soit, du fait du cas d’imprévision, rendue excessivement onéreuse.

Le critère « excessivement onéreux » est subjectif et apprécié au cas par cas par le juge qui dispose d’un pouvoir souverain.

Contrairement également à la force majeure, l’imprévision ne permet pas de suspendre ou d’arrêter l’exécution d’obligations contenues dans le contrat qu’elle affecte.

Pour que l’imprévision permette au débiteur de s’affranchir de l’exécution totale ou en partie de ses obligations, il faut l’accord de son cocontractant ou une décision du juge, ne l’oublions pas.

Le recours à l’imprévision nécessite l’accompagnement d’un avocat permettant d’étudier son éventuelle applicatio

D) Le recours à l’exception d’inexécution

Prévue par l’article 1219 du Code civil, l’exécution d’inexécution permet à une partie de U refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Il est nécessaire qu’il y ait réellement une inexécution de la part du contractant. Cette condition peut être difficile dès lors que pendant la période de crise sanitaire du Covid-19, beaucoup d’entreprises ont l’obligation de rester fermées. Par exemple, qu’en est-il d’un preneur à bail commercial qui ne peut plus ouvrir son commerce pendant la période d’épidémie de covid-19 ? Cette circonstance ne semble pas caractériser une inexécution du bailleur de son obligation de mise à disposition des locaux et ne pourrait donc permettre au preneur de ne pas payer les loyers pendant la durée de la crise.

E) Le recours à l’exception pour risque d’inexécution

Conformément à l’article 1220 du Code civil, « Une partie peut suspendre l’exécution de son obligation dès lors qu’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle. »

Ainsi, le cocontractant doit être quasiment certain que l’autre cocontractant ne respectera pas ses engagements et devra le prouver.

Que ce soit dans le cadre de l’exception d’inexécution ou de l’exception pour risque d’inexécution, celui qui s’en prévaudra devra réunir tous les éléments de preuve justifiant la suspension de l’exécution de ses engagements.

En outre, il devra également prouver que le manquement est sur le point de se produire, qu’il n’y a pas d’autre moyen de l’éviter, que cette situation le conduirait à devoir exécuter ses propres obligations sans contrepartie, du moins, sans la contrepartie essentielle attendue pour que l’économie du contrat ne soit pas ruinée.

Ces dispositions n’étant pas d’ordre public, il est nécessaire au préalable de vérifier les clauses du contrat avant d’opter pour tel ou tel recours.

Pour lire une version plus complète de cet article sur le coronavirus et les contrats  en cours, cliquez sur le lien

SOURCES :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000032041431&cidTexte=LEGITEXT000006070721&dateTexte=20161001
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006436930&cidTexte=LEGITEXT000006070721
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006436912&cidTexte=LEGITEXT000006070721
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041755842&categorieLien=id
https://www.vie-publique.fr/discours/273763-bruno-le-maire-28022020-coronavirus
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000041737584&categorieLien=id

Le pacte d’associés

Le modèle de la société à responsabilité limitée (« SARL ») s’est largement imposé en France, constituant aujourd’hui la forme d’entreprise la plus répandue. Le succès de ce type de société est notamment justifié par des règles peu contraignantes. Le pacte d’associés, permettant une gestion des plus adaptées de l’entreprise pour les parties signataires, est un atout qui contribue à cette souplesse.

Le pacte d’associés est un document juridique qui va permettre de réguler de manière souple l’organisation de la société, son fonctionnement, ou encore les prérogatives dont dispose chacun des signataires.

En effet, le pacte a pour objectif de définir « les relations entre les associés et permet de résoudre les conflits et de protéger les intérêts communs » .

De même que le pacte d’actionnaires pour les sociétés anonymes, le pacte d’associés offre une marge de manœuvre favorable à de telles entreprises, et compte « parmi les solutions les plus simples pour démarrer et se structurer de façon optimale » .

Il convient donc, pour saisir tout l’intérêt du pacte d’associés (I), de se pencher sur les règles permissives constituant son cadre légal (II).

I. L’intérêt du pacte d’associés

Le pacte d’associés permettra aux parties de diriger de façon précise certains aspects de la société, sans se soucier des éventuelles contraintes formelles (A) et juridiques (B) liées aux statuts.

A) Une gestion sans la contrainte formelle des statuts

Le pacte d’associés est un document ayant, par nature, une fonction complémentaire aux statuts d’une SARL.

On parle ici d’acte extra-statutaire : les parties au pacte ne sont pas soumises à l’obligation de publication qui concerne les statuts. En effet, le pacte d’associés est un document confidentiel, seulement connu de ses signataires.

Dès lors, les parties ne seront tenues d’aucune démarche administrative particulière relative à la publication du document, qui n’a pas vocation à être consulté par les tiers.

Il convient également de préciser que le pacte d’associés, contrairement aux statuts, n’a pas à être signé par l’intégralité des associés : il peut lier certains d’entre eux, et n’aura pas à être porté à la connaissance des autres.

Les possibilités qu’offre le pacte d’associés vont permettre, pour les parties signataires, d’encadrer la direction, l’organisation et le contrôle de la société  d’une manière qui n’aurait pu être expressément prévue par les statuts.

Le pacte d’associés, à la manière d’un règlement, sera d’ailleurs souvent doté d’un préambule exprimant la volonté poursuivie par les rédacteurs du texte.

Tout l’intérêt d’un tel acte, de fait, réside dans les possibilités offertes quant à son contenu.

B) Une gestion sans la rigidité juridique des statuts

Le pacte d’associés, à la différence des statuts, va être modulable à travers l’insertion de différentes clauses.

Ces clauses peuvent porter sur plusieurs points, aussi bien concernant le fonctionnement de la société à proprement parler, que la gestion du capital et des droits des associés.

Ainsi, des clauses relatives au droit de vote vont par exemple permettre d’accorder un droit de veto à un ou plusieurs associés, une obligation d’accord unanime concernant certaines décisions et même la possibilité d’une renonciation à l’exercice d’un tel droit, chose qui n’est pas permise à travers les statuts.

De même, peuvent être prévues les obligations de consultation et de concertation de certains associés préalablement à des décisions importantes. Ces décisions peuvent également tenues par des clauses d’accord unanime.

Concernant le capital et l’actionnariat, les clauses de répartition du résultat, de préemption et d’agrément comptent parmi les principaux exemples de gestion des titres que l’on peut trouver au sein des pactes d’associés : la première permet notamment « d’assurer aux minoritaires une rémunération convenable »  quand les deux autres encadrent la cession d’actions dans le cas d’une sortie d’un associé, ou de l’arrivée d’un nouveau signataire.

De nombreuses clauses supplémentaires peuvent être prévues, comme la clause de contrôle des cessions, la clause d’inaliénabilité, la clause de limitation des participations, la clause de « buy or sell », la clause de non-concurrence.

La liste n’est pas limitative, et les possibilités tiennent de la volonté des parties : c’est là tout l’intérêt d’un cadre aussi souple que celui du pacte d’associés.

 

II. Le cadre du pacte d’associés

Le pacte d’associés, malgré toute sa souplesse, répond quand même à certains standards, aussi bien quant à sa création et sa modification (A) que quant à sa rupture (B).

A) Les règles relatives à sa création et sa modification

Pour rappel, le pacte d’associés est un document contractuel. Par définition, il lie donc les parties signataires, et ne peut être opposable en principe aux tiers non-signataires, en vertu de l’effet relatif des contrats.

L’article 1199 du Code civil prévoit en effet expressément que « le contrat ne crée d’obligations qu’entre les parties. Les tiers ne peuvent ni demander l’exécution du contrat ni se voir contraints de l’exécuter » .

De même, la modification d’un tel contrat peut être effectuée par avenant, contrairement à la modification des statuts soumise à un formalisme strict et coûteux. L’avenant permettra aux associés signataires de prendre rapidement les mesures qu’ils jugent nécessaires à la bonne gestion de la société, le pacte d’associé ayant cet avantage « de pouvoir être amendé de façon simple et rapide » .

Néanmoins il convient de souligner qu’à la différence des statuts, dont la modification nécessite seulement la majorité qualifiée, le pacte d’associés est régi en ce sens à l’unanimité des signataires.

B) Les règles relatives à sa rupture

Les associés peuvent convenir d’une durée limitée pour le pacte.

En effet, et comme pour tous les contrats, la durée de celui-ci pourra être prévue de manière précise dans le temps ou conditionnée à la survenance d’un événement.

A l’inverse, le pacte peut également être à durée indéterminée. Dans ce cas, tout signataire dispose du droit de le rompre  unilatéralement, à tout moment.

De même, en vertu de la souplesse de ce pacte, les associés signataires pourront prévoir que la violation d’une disposition (comme tout autre motif d’ailleurs) entraîne la rupture de celui-ci.

Néanmoins, il convient de souligner qu’une décision non conforme au pacte, mais conforme aux statuts ne peut être annulée, le pacte ayant « une force juridique inférieure aux statuts ».

Toutefois, une telle violation peut conduire à la réparation du préjudice subit, aussi bien envers les parties qu’envers tout tiers ayant subi un dommage, pourvu que les conditions de la responsabilité du fait personnel soient réunies.

L’article 1240 du Code civil rappelle effectivement que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause un dommage à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Une faute, un dommage et le lien de causalité devront donc être établis.

Si le pacte d’associés est donc juridiquement moins contraignant que les statuts au regard des obligations des associés, il n’en demeure pas moins un outil efficace permettant une gestion rationnelle et méticuleuse de la société.

Pour une version plus détaillée de cet article cliquer sur pacte d’associé

SOURCES :
(1) http://www.journaldunet.com/management/guide-du-management/1201277-le-pacte-d-associes/
(2) https://www.village-justice.com/articles/pacte-associes-une-mise-plat-%20tous-les-enjeux,23458.html
(3) https://www.captaincontrat.com/articles-creation-entreprise/clauses-pacte-associes
(4) https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006436739
(5) https://www.l-expert-comptable.com/dossiers/le-pacte-d-associes.html
(6) https://www.lecoindesentrepreneurs.fr/le-pacte-dassocie/
(7) https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006437044