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La preuve de l’antériorité du droit d’auteur

Le droit d’auteur est un droit essentiel pour la protection des œuvres, cependant une condition doit être remplie afin que l’œuvre soit protégée : l’antériorité de l’œuvre, or la preuve de l’antériorité n’est pas chose simple.

La preuve de l’antériorité du droit d’auteur Lorsqu’il y a conflit sur l’existence d’un droit, la question principale qui se pose est de savoir qui a la charge de la preuve. Il existe un principe fondamental du droit selon lequel c’est à celui qui invoque l’existence ou l’absence d’un droit de le prouver : « actori incombit probatio ».

Dans certaines hypothèses, la loi a admis l’existence de présomptions légales (l’admission d’un fait par la loi à partir d’un autre fait qui fait présumer l’existence du premier). Il y a alors renversement de la charge de la preuve.

Il appartiendra au défendeur de prouver le contraire de ce qui est admis par la présomption. Le droit français fait une très large place à la prévention, en matière civile. La loi a prévu une présomption de la qualité d’auteur (art. L 113-1). La qualité d’auteur appartient sauf preuves contraires à celui ou ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée.

Cette présomption peut être invoquée par tous les autres auteurs dont le nom a été porté à la connaissance du public d’une manière quelconque. Elle peut être combattue par tout moyens. La preuve de la qualité d’auteur est libre, les juges peuvent tenir compte de toutes présomptions. En jurisprudence, la qualité d’auteur est caractérisée par un apport spécifique de création intellectuelle qui ne se conçoit pas sans une forme matérialisée.

Le droit d’auteur désigne l’ensemble des droits dont jouissent les créateurs sur leurs oeuvres littéraires et artistiques. En droit français, l’œuvre est protégée du seul fait de sa création. L’article L.111-1 du CPI dispose « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ». Le mot « œuvre » étant un terme juridiquement assez faible, il y a très peu de cas où cette qualité a été refusée en jurisprudence.

Les oeuvres protégées par le droit d’auteur comprennent notamment les oeuvres littéraires (romans, poèmes, pièces de théâtre, ouvrages de référence, journaux et logiciels), les bases de données, les films, les compositions musicales et chorégraphiques, les oeuvres artistiques telles que les peintures, dessins, photographies et sculptures, architecture, et les créations publicitaires, cartes géographiques et dessins techniques. Dès lors que l’œuvre est mise en forme, son originalité est présumée. Le problème va se poser en terme de preuve : qui a l’antériorité de la création de l’œuvre ?

En théorie, il n’y a donc aucune formalité à remplir pour faire valoir ses droits. En pratique, il est essentiel de déposer l’œuvre pour pouvoir, en cas de litige, faire la preuve de son antériorité. Le dépôt offre l’avantage d’apporter une date certaine. En effet, le dépôt donne la preuve qu’à la date où il a été effectué, le déposant était en possession de l’œuvre, objet du dépôt.

Il permet en cas de conflit de faire jouer une antériorité de création devant un juge et aide à démontrer qu’un tiers à divulgué l’œuvre sans autorisation. Toutefois, certaines oeuvres sont soumises au dépôt légal, tant pour constituer et enrichir un patrimoine culturel, pour assurer l’information de certaines autorités administratives que pour offrir à l’auteur lui-même un moyen de preuve d’antériorité.

Le régime du dépôt légal est organisé par la loi 92-546 du 20.6.92 et le décret 93-1429 du 31.12.93. Il est applicable aux documents imprimés, graphiques, photographiques, sonores, audiovisuels, multimédia, quel que soit leur procédé technique de production, d’édition et de diffusion, dès lors qu’ils sont mis à la disposition du public.

L’obligation du dépôt légal incombe aux personnes physiques et morales qui éditent, produisent ou importent les documents visés. On est en présence d’un dépôt administratif, obligatoire, à la bibliothèque nationale, au centre national de la cinématographie ou à l’institut national de l’audiovisuel et concerne  » tous documents  » « dès lors qu’ils sont mis à la disposition d’un public ».

Pour les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, il existe un registre spécial, le registre public de la cinématographie et de l’audiovisuel qui avait été initialement créé par une loi du 22 février 1944. Pour protéger sont droit il est indispensable de mettre en place une procédure visant à conserver des preuves matérielles de l’antériorité de la marque, de la création ou des modèles : enregistrement des dates de création par voie d’huissier, conservation des documents datés liés à l’objet à protéger (factures, extraits de presse, correspondance commerciale, etc.).

Ce dépôt permet d’avoir la date précise de la création de l’œuvre. Les dépôts les plus utilisés sont.:

I.  Le dépôt auprès d’une société d’auteur (Société des Compositeurs et des Auteurs Multimédias, Société des Auteurs Compositeurs Dramatiques, Société Nationale des Auteurs Compositeurs).

Aucune société d’auteurs n’est pas investie d’un pouvoir d’apporter « preuve certaine » au même titre qu’un officier ministériel (huissier ou notaire). C’est en fait un service que rendent les sociétés d’auteurs à leurs membres (ou non membres). Mais sur un plan juridique il s’agit d’une preuve simple, tout aussi contestable en cas de litige devant un juge que toute autre.

Elle n’a aucune force supérieure. L’intérêt de ces dépôts, réside en ce que l’on peut déposer des documents parfois volumineux. En cas de dépôt d’œuvres de collaboration, il convient de bien mentionner tous les auteurs, et de préciser que le manuscrit ne pourra être retiré que par une démarche conjointe des coauteurs, ceci afin d’éviter que l’un des coauteurs ne retire seul le dépôt et supprime ainsi la preuve de la collaboration.

II.  Dépôt auprès d’un notaire ou huissier.

Ce mode de dépôt est possible, mais il a l’inconvénient d’être onéreux.

 

III. L’envoi à soi même d’un courrier recommandé cacheté.

Il s’agit d’envoyer à des personnes de confiance et/ou à soi-même par la poste et en objet recommandé un exemplaire de l’œuvre créée. Il convient à sa réception de ne pas ouvrir l’enveloppe.

En cas de contestation de paternité (c’est-à-dire dans la plupart des cas, d’antériorité de preuve) on fera ouvrir l’enveloppe restée inviolée devant huissier. La date de la poste faisant foi, sauf à prouver une complicité avec un agent des postes, cette preuve acquiert date quasi-certaine.

 

IV. Le système de l’enveloppe Soleau.

Il est fondé sur le décret du 10 mars 1914 et avait pour but à l’origine, d’établir la date de création de dessins et modèles, selon la loi du 14 juillet 1909 et l’arrêté du 9 mai 1986. Mais, rapidement, les inventeurs l’ont utilisée pour établir la date certaine de conception de leur invention en attendant qu’elle soit suffisamment au point pour permettre le dépôt d’un brevet.

L’enveloppe Soleau est envoyée par poste à l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). Il s’agit d’un mécanisme pratique, peu onéreux et qui a l’avantage d’offrir une garantie étatique au dépôt, dans la mesure où il consiste en un dépôt géré par l’INPI.

Il est effectué au moyen d’une enveloppe double que l’on achète à l’INPI, ou auprès des greffes des tribunaux de commerce. On insère dans chacun des volets de l’enveloppe le document que l’on entend protéger (maximum de 7 pages) et on l’envoie à l’INPI par la poste en recommandé avec accusé de réception. L’enveloppe est perforée à son arrivée à l’INPI, et se voit octroyer un numéro d’ordre. L’un des volets est renvoyé au déposant, l’autre est conservé par l’INPI pendant une période de cinq années, qui peut être prorogée.

En cas de problème, le volet conservé à l’INPI est transmis au juge chargé de statuer sur le conflit. L’INPI renvoie un des volets au demandeur et conserve l’autre pendant 5 ans, renouvelables une fois par paiement d’une nouvelle taxe de 10 €. Après 10 ans, le premier volet est restitué au demandeur qui doit le conserver intact (de même que le second volet), car sa valeur de preuve serait encore acceptable par un Tribunal en cas de litige.

L’ensemble de ces droits est codifié en France dans le Code de la Propriété Intellectuelle (partie législative: loi 92-597 du 1.7.92, partie réglementaire: décret 95-385 du 10.4.95) qui abroge et remplace les lois du 11.3.57 et du 3.7.85. Les autres méthodes utilisées par des auteurs pour prouver l’antériorité de leur œuvre sont : le visa des documents par la Gendarmerie ou le Commissariat de Police ; la gravure sur CD-ROM ou DVD-ROM non-réenregistrable ; l’enregistrement à date certaine de microfilms ou microfiches par les services de l’Enregistrement de la D.G.I. (Direction Gén. des Impôts) et une demande de brevet déposée puis retirée avant publication, conservée en archives à l’I.N.P.I., (normalement pendant 25 ans).

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Enchères en ligne et photos

Dans un arrêt du 26 juin 2013, la Cour d’appel de Paris a sanctionné un site d’enchères en ligne dans le marché de l’art pour contrefaçon et parasitisme de catalogues et de photographies. Elle retient notamment des éléments de preuves informatiques pour prouver la titularité des droits et l’originalité des photographies (CA Paris, pôle 5, chambre 1, 26 juin 2013, M.B c/ SA Camard et associés, n° RG 10/24329).

La Cour d’appel de Paris considère qu’en reproduisant sans autorisation sur son site internet « artprice.com » les catalogues de la société requérante protégeables au titre du droit d’auteur, la société défenderesse s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon.

En effet, M. B. est un photographe professionnel travaillant notamment pour des maisons de ventes aux enchères dans le but de confectionner des catalogues de vente. La société Camard et associés est une maison de ventes organisant des ventes volontaires aux enchères publiques. La société Artprice.com exploite une base de données en ligne de 25 millions d’indices accessible en cinq langues, laquelle contient de nombreux catalogues de maisons de ventes qui lui sont adressés par ces dernières et qui ont été intégralement numérisés. Revendiquant 1,3 million d’abonnés, elle a développé un service « artprice images ».

M. B. et la société Camard et associés, estimant que la société Artprice.com portait atteinte à leurs droits d’auteur et commettait des actes de concurrence déloyale et parasitaire à leur encontre, ont fait assigner cette dernière en référé devant le Tribunal de grande instance de Paris du fait de la reproduction sans autorisation des catalogues et des photographies les illustrant. Cependant, cette action a été déclarée irrecevable faute d’avoir démontré l’originalité des catalogues en cause. Son jugement est infirmé pour une large part par les juges d’appel.

Ainsi qu’il est rappelé, la société Camard et associés fait valoir que la société Artprice.com a procédé à la numérisation et à la mise à disposition du public de plus de 71 de ses catalogues (années 2004 à 2009) en violation de ses droits d’auteur sur lesdits catalogues.

I- Le débat sur l’originalité des catalogues de vente de la société Camard et associés

La société Camard et associés énonce qu’un catalogue est protégé par le droit d’auteur s’il est suffisamment original et qu’en l’espèce l’originalité résulte des compositions, mises en forme, textes d’accompagnement des objets présentés, présentation des sommaires, positionnement et dimensions des titres, choix des couleurs, choix des typographies utilisées, mise en page de la couverture, etc.

De son côté, la société Artprice.com invoque l’absence d’originalité des éléments informationnels contenus dans les catalogues et, plus généralement, l’absence d’originalité des catalogues pris dans leur ensemble.

Ce n’est donc pas la position de la Cour d’appel de Paris qui rappelle à cette fin que « si toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination sont protégeables au titre du droit d’auteur, elles doivent cependant révéler un effort de création de la part de leur auteur sans lequel la conception matérialisée de sa production intellectuelle ne caractérise pas l’apport original indispensable, seul susceptible de leur conférer le droit de prétendre à la qualification d’œuvre de l’esprit, mais les laisse demeurer dans la catégorie des réalisations banales qui, dépourvues de l’empreinte ou du reflet de la personnalité de l’auteur ou de ses choix créatifs, ne peuvent bénéficier de la protection ».

Elle relève, ensuite, que la société Artprice.com ne revendique pas de droits d’auteur sur les photographies publiées dans ses catalogues mais sur les catalogues eux-mêmes. Ainsi, la Cour d’appel énonce qu’« un catalogue ne peut se voir conférer le caractère d’œuvre protégeable au sens de l’article L. 112-3 du Code de la propriété intellectuelle qu’autant que le travail de sélection, de classement et de présentation reflète la personnalité de l’auteur ».

Or, il s’avère qu’à la suite de l’examen par la Cour de chacun des catalogues litigieux produits aux débats, il apparaît que pour un certain nombre « [ils] présentent des caractéristiques propres à leur accorder la protection au titre du droit d’auteur ».

Elle en conclut que « ces catalogues dont l’originalité se manifeste dans leur composition, la mise en œuvre des lots présentés selon un certain ordre et de façon méthodique, dans le choix des citations, des notices biographiques et leur rédaction, présentent une physionomie propre qui les distingue des autres catalogues de ventes aux enchères et qui traduit un parti pris esthétique empreint de la personnalité de leur auteur ».

Aussi, en reproduisant sans autorisation sur son site internet « artprice.com » les catalogues de la société Camard et associés protégeables au titre du droit d’auteur, la société Artprice.com s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon de droit d’auteur à son préjudice.

II- Le débat sur l’originalité des photographies de M. B.

La société Artprice.com soutient que M. B. a cédé ses droits d’auteur de manière exclusive aux différentes maisons de vente éditrices des catalogues mis en ligne, ne rapportant pas la preuve contraire ; qu’en outre il ne démontre pas ne pas avoir apporté ses droits à la société de gestion collective ADAGP. Or, la société Camard et associés ne revendique pas de droits patrimoniaux sur les photographies de M. B. figurant dans ces catalogues, son action en contrefaçon ne portant que sur les catalogues eux-mêmes ainsi qu’analysé précédemment.

Il n’est donc pas établi que M. B. ait cédé ses droits patrimoniaux aux maisons de vente éditrices des catalogues en cause. Ainsi, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Artprice.com pour absence de qualité pour agir de M. B. Par ailleurs, la société Artprice.com soutient que M. B. n’est pas cité seul en qualité de photographe dans un certain nombre de catalogues et ne justifie pas être l’auteur des photographies y figurant.

Or, M. B. justifie être l’auteur des 12 168 photographies non seulement par la copie informatique de ses factures mais aussi par le fait qu’il est nommément cité comme auteur des photographies revendiquées dans la plupart des catalogues faisant l’objet du litige.

Considérant que pour les photographies où il n’est pas cité comme auteur, M.B. justifie avoir adressé des photographies aux sociétés de ventes volontaires aux enchères pour constituer les catalogues ; qu’il détient en outre non seulement les fichiers numériques JPEG de ces photographies (les dates figurant sur ces fichiers n’étant pas celles de leur création mais de leur dernière modification) mais également les fichiers originaux au format RAW et TIF avant leur transformation en fichiers JPEG.

Sur l’originalité à proprement parler, la société Artprice.com invoque le défaut d’originalité des photographies litigieuses en précisant que le photographe s’était contenté de reproduire les objets d’art de la manière la plus banale possible en respectant uniquement les contraintes techniques imposées par les maisons de vente nécessaires à l’uniformisation de leurs catalogues.

Considérant que M. Stéphane B. réplique qu’une partie importante de ses photographies sont originales et protégées au titre du droit, précisant qu’il ne revendique pas une telle protection pour les photographies essentiellement techniques qu’il fait valoir les choix opérés sur le travail de la lumière et des ombres, la disposition des objets, la lumière, le positionnement des meubles, le fond des photographies, le travail effectué a posteriori sur les photographies.

La Cour rappelle que pour « bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur une photographie doit être une création intellectuelle propre à son auteur, reflétant sa personnalité par ses choix dans la pose du sujet et son environnement, l’angle de prise de vue, le jeu des ombres et de la lumière, le cadrage et l’instant convenable de la prise de vue ». Elle considère ainsi que le photographe « a effectué une recherche particulière non seulement du positionnement de chacun des objets mais également pour certains d’entre eux de son cadrage en retenant arbitrairement un détail particulier de l’objet (notamment pour les objets d’art tels que les sculptures), que le positionnement des objets a fait l’objet de choix esthétiques particuliers, plusieurs objets pouvant figurer sur la même photographie en opposition ou en complémentarité les uns par rapport aux autres (notamment pour des meubles ou des ensembles de table), créant ainsi une dynamique particulière ».

C’est par conséquent une condamnation record contre Artprice pour contrefaçon que prononce la Cour d’appel de Paris. De fait, à la suivre, le préjudice moral subi par la maison de ventes « résulte de la vulgarisation et de la banalisation des catalogues (…) du fait de leur mise en ligne sur internet ». La société Artprice.com s’est d’ores et déjà pourvue en cassation, estimant qu’il serait « inimaginable que la Cour de cassation remette en cause près de cent ans de jurisprudence ».

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Légalité des sites de ventes aux enchères

La vente aux enchères est régulée par les autorités françaises, cependant avec l’arrivée d’internet, un nouveau type de vente aux enchères est apparu : la vente aux enchères en ligne, mais est-ce que les sites de vente aux enchères en ligne sont légaux ?

Jusqu’au vote d’une loi le 10 juillet 2000, la vente aux enchères mobilières faisait l’objet d’une réglementation particulière. Seule est libre la vente aux enchères en gros (faite par lots) lorsqu’elle porte sur des denrées et des matières premières, énumérées par la loi du 28 mai 1858 (laine, céréales, café..) à l’exclusion des produits manufacturés : elle se fait dans une bourse de commerce par le ministère d’un courtier assermenté. Ils ont le monopole complet des ventes en gros dont la liste a été faite en 1858.

Cette liste comprend entre autres: bestiaux et autres animaux vivants, le vin, l’alcool et spiritueux, embarcations et bateaux, navires, filets de pêche, meubles ,matériaux de construction, perles fines, plants d’arbres, arbres.

Les autres marchandises ne peuvent être vendues aux enchères qu’avec l’autorisation du tribunal de commerce (article 2 et 5 de la loi du 25 juin 1841 modifiée le 21 septembre 1943 ou la loi du 3 juin 1861 qui concerne la vente en gros). En matière de ventes mobilières, afin de protéger les commerçants détaillant, la loi du 25 juin 1841 prévoit que seules les marchandises d’occasion peuvent faire l’objet d’une vente aux enchères au détail. De plus la loi impose certaines formalités pour protéger l’acheteur non professionnel.

La loi du 10 juillet 2000, réglemente les ventes aux enchères et a aboli certains articles de la loi de 1841.

Les opérations de courtage aux enchères réalisées par voie électronique ( type aucland, ibazar ..), qui se caractérisent par l’absence d’un tiers dans la réalisation de la vente ne sont pas des enchères publiques et ne sont pas soumises à cette loi, sauf en ce qui concerne la vente à distance de biens culturels, lesdits biens étant définis par le Code des douanes et le droit européen.

Par contre, le fait de proposer, en agissant comme mandataire du propriétaire des biens aux enchères publiques par voie électronique pour l’adjuger constitue une vente aux enchères publique, soumis aux dispositions de cette loi du 10 juillet qui impose un certain nombre de formalités. En particulier, il faudra, pour faire de la vente aux enchères publiques avoir constitué une société qui devra avoir l’agrément d’une commission composée notamment d’anciens commissaires priseurs.

De plus la loi nouvelle n’a pas aboli l’alinéa 1, de l’article 1 de la loi de 1841 . En conséquence, il est impossible de faire de la vente aux enchères publiques, une méthode habituelle de vente.

Conséquence, les sites de ventes aux enchères devront, faire extrêmement attention à la façon dont s’organise la vente : intervention ou non d’un mandataire, adjudication ou non au terme de la vente et transfert de propriété par le site ou non, vente de biens culturels ou non, s’ils veulent éviter de rentrer dans le cadre de cette loi. Des décrets d’application de la loi devront être publié pour en savoir un peu plus.

Qu’en est il des sites de ventes aux enchères situés à l’étranger ? Doivent-ils se conformer à la loi française ?

 

I. Contenu du site : la jurisprudence française

En ce qui concerne les enchères en ligne hébergée à l’étranger mais accessibles en France, une ordonnance va être bientôt rendue, probablement en novembre prochain.

Il s’agit de l’affaire UEJF/Yahoo inc. Sur le site de La société Yahoo.com , accessible à tous les internautes de France, figurait une page « Auctions » (ventes aux enchères) proposant à la vente un millier d’objets nazis. L’UEJF ( Union des étudiants juifs) soutenait que cette exhibition d’objets proposés à la vente constituait non seulement une infraction aux dispositions de l’article R. 645-1 du code pénal.( incitation à la haine raciale)

Le juge a ordonné le 22 mai 2000 :

  • à Yahoo ! Inc de prendre toutes les mesures de nature à dissuader et à rendre impossible toute consultation sur Yahoo.com du service de ventes aux enchères d’objets nazis et de tout autre site ou service qui constituent une apologie du nazisme ou une contestation des crimes nazis ;
  • à Yahoo France de prévenir tout internaute consultant Yahoo.fr, et ce dès avant même qu’il fasse usage du lien lui permettant de poursuivre ses recherches sur Yahoo.com, que si le résultat de sa recherche, soit à partir d’une arborescence, soit à partir de mots-clés l’amène à pointer sur des sites, des pages ou des forums dont le titre et/ou les contenus constituent une infraction à la loi française, ainsi en est-il de la consultation de sites faisant l’apologie du nazisme et/ou exhibant des uniformes, des insignes, des emblèmes rappelant ceux qui ont été portés ou exhibés par les nazis, ou offrant à la vente des objets et ouvrages dont la vente est strictement interdite en France, il doit interrompre la consultation du site concerné sauf à encourir les sanctions prévues par la législation française ou à répondre à des actions en justice initiées à son encontre .

Une deuxième ordonnance a été rendue le 11 août 2000 qui a réitéré l’injonction qui a été faite à la société Yahoo inc. dans l’ordonnance du 22 mai 2000 mais en l’assortissant d’une astreinte de 200 000 F par jour de retard à compter de la signification de compte tenu de la persistance du trouble.

Un collège d’experts a été ensuite constitué afin d’étudier les moyens de filtrage appropriés. et devra rendre son rapport en novembre prochain.

Conclusion :

Que le site soit basé en France ou non, qu’il soit réputé agir dans le cadre d’un droit étranger ou que les enchères soient réputées avoir lieu dans un autre pays ne semble donc pas faire obstacle, selon cette jurisprudence à l’immixtion du juge français appliquant la loi française.

Dans la culture française, il est normal que des enchères portant sur des biens nazis choquent.

Mais l’injonction faite à Yahoo peut surprendre : le site américain, alors qu’il a vocation être diffusé mondialement, voit sa responsabilité engagé en ce qui concerne des biens proposés aux enchères, et se voit condamné à respecter la législation française. Or, les sites français se conforment-ils eux-mêmes à toutes les législations ?

 

II. Application de la loi du 11 juillet 2000 à un site situé à l’étranger

La loi du 11 juillet 2000 a vocation à s’appliquer aux ventes aux enchères publiques , ainsi qu’aux opérations de courtage aux enchères de biens culturels.

Dès lors, il pourrait suffire d’ouvrir un site et de le localiser à l’étranger pour contourner la loi française. En effet, l’adjudication est une des conditions de la vente aux enchères publiques.

Or, la loi ne parle pas de la localisation du coup de marteau lorsqu’il s’agit d’une vente à distance par voie électronique.

De cette localisation semble pourtant dépendre la loi applicable à la vente.

Si, l’établissement du prestataire a vocation à servir de critère de rattachement, l’intérêt pourrait être d’échapper à la fiscalité de certains pays comme la France .

A) En cas de problèmes (non-livraison, non-paiement, matériel ne correspondant pas à la description, etc.) d’un bien acheté sur un site de ventes aux enchères, y-a-t-il des recours ?

Dans la plupart des cas, ces sites ne sont pas soumis à la législation sur les ventes aux enchères publiques d’objets mobiliers.( cf loi du 10 juillet 2000) En effet, ils sont assimilés à des intermédiaires favorisant le rapprochement de particuliers désireux de vendre ou d’acheter des biens. Ainsi, tout litige entre offrant et acquéreur doit se régler entre eux.

Il faut tout de même prêter attention aux conditions générales des différents sites. Enfin, le refus de vente n’existe pas entre particuliers, un contrat de vente étant formé lors de la rencontre entre l’offre et la demande. Tout dépend des conditions générales d’utilisation et de vente du site. En général, ceux-ci déclinent toute responsabilité et conseillent de se retourner contre le vendeur. L’avenir dira si ce type de clause sera considéré comme valable par un tribunal.

En fait, en ce qui concerne le contrat de vente passé à distance par deux personnes qui ne sont pas des professionnels, le principal problème consiste dans la preuve de l’engagement des parties. D’après le droit français, c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de prouver son existence.

En cas d’absence de confirmation écrite des cocontractants, il semble délicat de se baser sur des échanges par voie électronique, du moins pas avant l’adoption de décrets d’application de la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 relative à la signature électronique. Enfin si le contrat est passé avec un incapable mineur, il peut être remis en cause. Reste à savoir si le jeu en vaut la chandelle.

B) Les sites sont-ils responsables de ce qu’il s’y passe ? (arnaques, matériel illégal, etc.) ?

Pour le moment, aucun n’a été considéré comme responsable et leurs conditions générales s de vente et d’utilisation tentent de s’exonérer de tous problèmes.

Les tribunaux pourraient éventuellement considérer qu’ils ont une responsabilité au même titre que celle des hébergeurs de sites qui ont vu leur responsabilité mises en cause par les tribunaux en cas d’hébergement de pages web nuisant à autrui ( pédophilie, droit à l’image : cf affaire Estelle Halliday, affaire Lacoste du 8/12/99 TGI de Nanterre). Ce type de site est trop récent pour qu’il y ait des procès à l’heure actuelle.

Par exemple : un site de vente aux enchères précise qu’il n’exerce aucun contrôle et n’encourt aucune responsabilité concernant la qualité, la sûreté ou la légalité des biens ou services mis aux Enchères entre Particuliers, la véracité ou l’exactitude de leur description dans les listes mises en ligne, la capacité des Vendeurs à vendre lesdits biens ou services, ni la capacité des Membres à payer lesdits biens ou services.

Si un vendeur (qui n’a pas mis de prix de réserve) n’est pas satisfait du montant final de l’enchère, est-ce qu’il est quand même tenu de vendre son objet ? Ou est-ce que rien, légalement, ne l’y oblige ?

En l’absence de textes de lois spécifiques ou de jurisprudence, ce sont les conditions générales du site qui s’appliquent. Quand vous mettez un prix de vente, selon les sites, vous êtes obligés ou non de vendre.

C) Que risque une société à créer un site de vente aux enchères ?

Le régime des ventes aux enchères en ligne vient d’être défini par une loi du 10 juillet 2000.

Le 3 mai 2000, le tribunal de grande instance de Paris a interdit aux sociétés Nart SAS et Nart Inc d’organiser des opérations de ventes aux enchères en ligne réalisées en France, au mépris du monopole des commissaires priseurs qui va disparaitre selon les modalités prévues par la loi du 10 juillet 2000.

Ils ont estimé que les ventes en ligne présentent toutes les caractéristiques des ventes aux enchères publiques. Le site n@rt.com utilisait les services de commissaires priseurs pour une partie des ventes proposées.

Il faut également faire attention à ce qui est mis en vente aux enchères . Ainsi, le Tribunal de Grande Instance de Paris a ordonné le 22 mai 2000 à la societe americaine Yahoo Inc poursuivi par 2 associations françaises (UEJF) pour pratique d’enchères nazis, de rendre impossible la consultation de ce service sur leur site depuis la France. Une expertise est en cours actuellement sur la réalisation technique de cette interdiction.

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Responsabilité des hébergeurs

La responsabilité est l’obligation de réparer le préjudice résultant soit de l’inexécution d’un contrat (responsabilité contractuelle : Art. 1147 C.Civ), soit de la violation du devoir général de ne causer aucun dommage à autrui par son fait personnel (Art. 1382 C.Civ), ou du fait des choses dont on a la garde, ou du fait des personnes dont on répond (Art. 1384 C.Civ) ; lorsque la responsabilité n’est pas contractuelle, elle est dite délictuelle. Quand et qu’elle résulte d’un contrat, elle est dite contractuelle.

Alors que la responsabilité pénale vise à sanctionner une personne qui commet une infraction, la responsabilité civile est l’obligation légale qui incombe à une personne de réparer le dommage causé à autrui.

L’application des principes de responsabilité du Code Civil de 1804 ne se fait pas sans heurts dans le domaine de l’Internet. Le postulat de la liberté, pilier du réseau des réseaux, fait fluctuer les positions de l’irresponsabilité à la responsabilité de principe des acteurs du réseau (les intermédiaires notamment).

La jurisprudence a décidé d’opter pour une sensibilisation des intermédiaires, même passifs, sur leur responsabilité (cf. affaire Estelle Halliday).

L’enjeu étant l’indemnisation, le but de la réflexion est de dégager une hiérarchie des responsabilités, un peu sous la forme du régime de la presse et de sa responsabilité en cascade, afin que tout justiciable puisse  » trouver  » son responsable sur la toile.

Nous nous cantonnerons ici à l’internaute, auteur de contenu informationnel, et à celui qui supporte l’information : le fournisseur d’hébergement, prestataire technique qui héberge un site sur son serveur informatique.

En ce qui concerne Internet, le problème souvent rencontré est plus technique que juridique : comment identifier à coup sûr l’auteur du site hébergé sur un site gratuit tel que Multimania, Ifrance … et une fois identifié, comment sanctionner l’auteur de messages dommageables qui se trouve à des milliers de kilomètres ?

A défaut ou en plus de l’internaute fournisseur de contenu, pourquoi ne pas responsabiliser celui qui lui fournit cette occasion de communiquer à travers le monde de façon liberticide : le fournisseur d’hébergement.

Sanctionner l’intermédiaire à défaut de l’internaute. Responsabiliser à raison de la fonction.

 » Mais participer est une chose, être responsable en est une autre « .

1. LA JURISPRUDENCE

Il y a quelque chose de choquant a priori à se voir dire responsable sans avoir eu de comportement effectivement critiquable. Au civil, dans une logique de responsabilité pour faute, ne doit pas pouvoir voir sa responsabilité engagée celui qui ne pouvait agir ou qui était dans une situation où s’abstenir était légitime.

Si la tendance de bien des intermédiaires est de rechercher à toute force une position d’irresponsabilité qu’on ne saurait accepter, on ne peut davantage tolérer une responsabilité de principe qui serait légitimée par le rôle technique de ces intervenants.

Reconnaître la responsabilité des fournisseurs d’hébergement car ils sont le vecteur de l’information diffusée et permettent les actes délictueux est une aberration.

Dénier toute responsabilité aux intermédiaires car ils n’ont aucun moyen pragmatique de contrôle du contenu est encore un non sens.

Que faire ? Il ne faut pas rester dans l’impasse et choisir la voie de la raison, comme le préconise le professeur VIVANT. Envisager la responsabilité de l’intermédiaire par rapport à cette notion, c’est le rendre responsable , mais aussi l’exonérer de cette responsabilité eu égard aux situations.

N’est fautif que celui qui a la possibilité technique d’intervenir, qui sait qu’il y a matière à intervenir et qui, pour finir, n’est pas intervenu. C’est là le triptyque : pouvoir – savoir – inertie.

L’hébergeur ne verra sa responsabilité engagée qu’à la triple condition :

  • qu’il ait la faculté technique d’intervenir ;
  • qu’il ait eu connaissance du site critiquable ;
  • qu’il ait choisi de ne rien faire.

Ce sont des conditions nécessaires mais pas suffisantes. Quand bien même sa responsabilité pourrait être engagée sur la base du trinôme, encore faut-il apprécier si son comportement emporte ou non la critique (il a pu avoir raison de rester passif).

C’est bien la solution retenue par la jurisprudence dans l’affaire Estelle Hallyday. L’arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 10 février 1999 dans l’affaire Estelle Hallyday contre Valentin Lacambre (Altern) a tranché dans le sens de la responsabilisation des fournisseurs d’hébergement. Le site représentait des photos du mannequin dénudé mis en ligne sans son autorisation, par une personne hébergée sur Altern.

L’ordonnance de référé avait déjà précisé que  » le fournisseur d’hébergement a l’obligation de veiller à la bonne moralité de celui qu’il héberge, au respect par eux des lois et des règlements et des droits des tiers… Il a, comme tout utilisateur de réseau, la possibilité d’aller vérifier le contenu du site qu’il héberge et en conséquence de prendre le cas échéant les mesures de nature à faire cesser le trouble qui aurait pu être causé à un tiers « .

L’arrêt de la Cour d’appel confirme et souligne  » qu’en offrant, comme en l’espèce, d’héberger et en hébergeant de façon anonyme, sur le site Altern.org qu’il a créé et qu’il gère toute personne qui, sous quelque dénomination que ce soit, en fait la demande aux fins de mise à disposition du public ou de catégories de publics, de signes ou de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère de correspondances privées, M. Lacambre excède manifestement le rôle technique d’un simple transmetteur d’informations et doit d’évidence assumer à l’égard des tiers aux droits desquels il serait porté atteinte dans de telles circonstances, les conséquences d’une activité qu’il a, de propos délibérés, entrepris d’exercer dans les conditions susvisées et qui contrairement à ce qu’il prétend est rémunératrice et revêt une ampleur que lui même revendique « .

L’arrêt souligne donc bien que l’hébergement est une activité qui dépasse la simple transmission de données puisque finalement il participe à la diffusion du site, d’autant plus si cet hébergement se fait, comme en l’espèce, de manière anonyme. L’auteur du site n’étant pas identifiable, il parait logique de se retourner contre celui qui le supporte (support physique : disque dur).

Il doit en conséquence supporter la responsabilité de cette activité (d’autant plus quand elle est rémunératrice).

Il ne s’agit pas ici de créer une responsabilité de principe des intermédiaires. Il s’agit d’une responsabilité pour faute, ou comme en l’espèce d’une violation de l’article 9 du Code Civil (atteinte à la vie privée).

Pour s’exonérer de cette responsabilité, le fournisseur d’hébergement devra justifier du respect des obligations mises à sa charge spécialement quant à l’information de l’hébergé sur l’obligation de respecter les droits de la personnalité, le droit d’auteur, de la réalité des vérifications qu’il aura opérées, au besoin par des sondages, et des diligences qu’il aura accomplies dès révélation d’une atteinte aux droits des tiers pour faire cesser cette atteinte. C’est le trinôme : devoir – savoir – inertie . L’hébergeur commet une faute par omission s’il ne vérifie pas le contenu des sites.

Ainsi, une nouvelle décision est venue refuser la condamnation d’un hébergeur sur le fondement de la responsabilité éditoriale définie par la loi du 29 juillet 1982 (responsabilité en cascade). Dans cette affaire, les assurances Axa, victimes de propos diffamatoires publiés sur un site, demandait des dommages et intérêts à l’hébergeur, Infonie. Suite à un rapport d’expertise, les juges ont constaté qu’Infonie n’avait aucun contrôle sur le transfert des données effectué par l’abonné. Le 28 septembre 1999, le Tribunal de grande instance de Puteaux a donc décidé que seule la personne ayant procédé à la mise en ligne du contenu pouvait être tenue pour responsable.

Mais le 8 décembre 1999, trois fournisseurs d’hébergement ont été condamnés pour avoir abrité des photographies d’une ancienne mannequin, Lynda Lacoste.

Le tribunal rappelle que, contrairement au fournisseur d’accès,  » dont le rôle se limite à assurer le transfert des données dans l’instantanéité et sans possibilité de contrôler le contenu de ce qui transite par son service, le fournisseur d’hébergement effectue une prestation durable de stockage d’informations que la domiciliation sur son serveur rend disponibles et accessibles aux personnes désireuses de les consulter «  etqu’il a donc  » la capacité d’y accéder et d’en vérifier la teneur « .

La responsabilité de l’hébergeur est ainsi résumée : il est tenu à une obligation générale de prudence et de diligence, et il lui appartient de prendre les précautions nécessaires pour éviter de léser les droits des tiers.

A cette fin, il doit mettre en oeuvre des moyens raisonnables d’ information, de vigilance et d’ action.

Dans l’affaire jugée, le fournisseur d’hébergement avait bien accompli des diligences pour informer clairement les éditeurs de sites sur le respect du droit des tiers (information) et avait procédé à la fermeture du site illicite dès réception de l’assignation de Lynda Lacoste (action). Mais le tribunal relève qu’en revanche il avait la faculté, en tant que professionnel, de détecter les sites présumés illicites, notamment grâce à des moteurs de recherche (vigilance), et qu’il ne l’a pas fait.

Le tribunal de grande instance de Nanterre a débouté le 24 mai 2000 l’Union des Etudiants juifs de France (UEJF), qui demandait la condamnation du portail internet Multimania pour avoir hébergé un site nazi contenant des textes racistes. Il a estimé que Multimania a satisfait aux obligations definies par la jurisprudence Lacoste.

De plus, la Cour d’appel de Versailles a le 12 juin 2000 infirmé le jugement du tribunal de Nanterre dans l’affaire LACOSTE. La cour a jugé que la société Multimania avait fait les diligences nécéssaires:

 

  • en présentant dans sa page d’accueil-abonnement comme dans la charte qu’elle soumet à l’acceptation de son client lors de la conclusion du contrat, l’obligation de respecter les droits d’autrui, notamment les droits de la personalité, tel le droit à l’image,
  • en effectuant la mise en place d’ outils d’analyse statistiques des sites les plus consultés ou des transferts de fichiers volumineux,
  • en ayant , dés la prise de connaissance de l’illicéité de la diffusion des photographies de Mme Lynda LACOSTE, fermer le compte Frenchcelebs et empêcher la réouverture d’un site avec lesdites photographies.Ontetel avait attaqué Multimania pour ne pas lui avoir communiqué les coordonnées de certains auteurs de sites jugés diffamatoires et hébergés chez Multimania. La loi du 1er août 2000 précise que l’hébergeur ne peut tenu responsable pénalement ou civilement  » du fait du contenu de ces services que si, ayant été saisi par une autorité judiciaire, l’hébergeur n’a pas gai promptement pour empêcher l’accès à ce contenu « .
    Le tribunal a estimé, le 20 septembre 2000, que Multimania  » avait satisfait à ses obligations  » au regard des dispositions de la loi du 1er août 2000. Multimania avait, en effet, dès la réception de l’ordonnance du Tribunal de commerce, décidé de suspendre l’accès aux sites incriminés.

    La SNC VSD et la société Prisma Presse avaient engagé une action en contrefaçon de trois marques VSD contre Monsieur B.P. et Liberty Surf, hébergeur du site http://www.chez.com/webpress.
    Selon le TGI de Paris, l’ordonnance du 12 septembre2001, qui a reconnu des faits de contrefaçon, est opposable à l’hébergeur du site web contrefacteur, et qu’en l’absence de diligences dans le délai fixé par l’ordonnance, la SNC VSD pourra requérir auprès de Liberty Surf la suspension immédiate de l’hébergement du site.

    Est-ce conforme à l’esprit des différents projets de réglementation en la matière ?

    2. FAUT-IL LEGIFERER ?

    Si l’application à l’Internet des principes de responsabilité civile n’est qu’une pure transcription des principes de droit commun, est-il nécessaire de légiférer ?

    L’Assemblée nationale a adopté le 28 juin 2000 la loi sur la réforme de l’audiovisuel.
    Les hébergeurs de sites devraient être exonérés de responsabilité sur le contenu des sites hébergés sauf dans le cas où, saisis par les tribunaux, ils n’auraient pas agi rapidement pour empêcher l’accès au contenu litigieux, ou encore lorsque saisis par un tiers estimant que le contenu hébergé est illicite ou lui est préjudiciable, ils n’auraient pas procédé aux diligences appropriées, le préjudice restant à l’appréciation du juge (article 43-6-2 de la loi).
    Cet extrait pouvait donner la possibilité à n’importe qui d’exiger la fermeture d’un site sans passer forcément par une autorité judiciaire.

    Les termes de diligence renvoyait aux affaires Lacoste et UEJF, face à Multimania.
    En effet, au terme du procès opposant l’Union des Etudiants Juifs de France (UEJF) à Multimania, après la découverte de pages Web pro-nazies, le tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre a conclu que l’hébergeur avait fait preuve de diligence en réagissant rapidement, en proportion de ses moyens.
    Point important, le concept de diligence implique aussi de surveiller les contenus pour devancer les plaintes, par exemple à l’aide d’un personnel dédié et de moteurs spécialisés.

    En outre, le nom du directeur de publication ou d’un responsable de la rédaction, (ce qui implique une déclaration au procureur de la république), devra être indiqué sur les sites. Cette obligation ne pèse pas sur les non-professionnels, à condition cependant que leur identité soit accessible auprès de l’hébergeur.

    Saisi pour statuer sur la constitutionalité de cette loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le Conseil constitutionnel a décidé de censurer le 27 juillet 2000 la disposition relative à la responsabilité pénale des hébergeurs n’ayant pas procédé aux « diligences appropriées », lorsqu’ils ont été saisis par un tiers estimant le contenu illicite.

    Une loi a été promulguée le 1er août 2000 qui a rectifié la loi du 28 juin dernier en supprimant la disposition qui obligeait un fournisseur d’hébergement à fermer, sur requète d’un tiers un site estimé illicite.
    Le fournisseur d’accès est donc actuellement tenu de « d’agir promptement pour enpêcher l’accès au contenu d’un site » , uniquement si un juge lui en donne l’ordre.

    La Directive communautaire du 8 juin 2000 sur le commerce électronique traite également cette question de responsabilité. Elle opte pour l’irresponsabilité ou la quasi-irresponsabilité des professionnels du transport et du stockage de données sur les réseaux télématiques.
    Elle est publiée depuis le 17 juillet 2000. Les Etats membres devront adopter les dispositions nationales nécessaires avant le 17 janvier 2002.

    Elle pose le principe d’une absence d’obligation générale de surveillance et de devoir de recherche active des faits illicites pour les prestataires techniques, sauf sur demande des autorités judiciaires ( article 15).

    Une distinction est faite selon que le stockage est permanent, temporaire ou transitoire.

    L’article 14 institue une limite de responsabilité en ce qui concerne l’activité de stockage permanent des informations fournies par les destinataires du service. L’exonération n’est envisageable que si le fournisseur d’hébergement n’a pas connaissance du caractère illicite de l’activité de la personne hébergée, et, en ce qui concerne une action en dommage, s’il n’a pas connaissance de faits ou de circonstances selon lesquels l’activité illicite est apparente. Il reste exonéré si, dès qu’il en a eu connaissance, a agit promptement pour retirer les informations ou les rendre inaccessibles.

    Quant au projet de loi français sur la société de l’information, il opère une  » distinction entre l’éditeur du service, qui doit être responsable de l’information mise à la disposition du public, et le prestataire technique qui n’est pas en mesure de contrôler systématiquement l’information qu’il n’aura pas élaborée. Les simples intermédiaires techniques ne devront pas voir leur responsabilité engagée en cascade « .

    De plus, il en ressort que  » le Gouvernement est favorable à l’instauration d’un régime de responsabilité tenant compte des rôles spécifiques des différents types d’intermédiaires techniques sur l’internet « . Et il distingue également  » entre les opérateurs de transport qui, dans la continuité du droit des télécommunications, n’ont pas à connaître les contenus qu’ils transportent, et les opérateurs d’hébergement « .

    Enfin, ce projet souhaite que la responsabilité pénale ou civile des intermédiaires d’hébergement puisse être engagée  » s’ils n’ont pas accompli les diligences appropriées, dans le cas d’une intervention de l’autorité judiciaire mais aussi dès qu’ils auront été dûment informés d’un contenu présumé illicite ou portant atteinte aux droits d’autrui « .

    Conclusion :

    L’Internet n’échappe pas à la tendance à la multiplication des responsables afin que la victime puisse obtenir réparation. On en vient à imposer, comme dans le cadre de la législation de la consommation, un devoir de vigilance du professionnel pour décharger l’internaute (profane !). C’est à penser que l’Internet devient un outil de grande consommation, mais il faut garder à l’esprit que la notion de diffusion d’informations implique une responsabilité civique et que moralement, le  » cyber-citoyen  » doit prendre et assumer les décisions qui l’engagent.