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LA CONTREFAÇON DE BREVET EN FRANCE

Le brevet est une branche primordiale de la propriété intellectuelle, qui est protégé depuis de nombreuses années par le droit français. C’est un droit qui permet à l’inventeur de voir sa création protégée et de bénéficier d’un monopole d’exploitation pour une durée de 20 ans. Le droit français punit la contrefaçon de brevet.

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Le brevet fait partie des branches de la propriété intellectuelle qui permet la protection d’une innovation technique et garantit à son titulaire un monopole d’exploitation pour une durée maximale de 20 ans. Un droit exclusif d’exploitation est conféré à son titulaire grâce au brevet.

Un titre de propriété industrielle peut être conféré au déposant grâce au droit des brevets. La Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle (CNCPI) rappelle que ce droit garantit au déposant « le droit de jouir de l’invention et d’interdire ou d’autoriser son exploitation par d’autres personnes ».

De ce fait, la contrefaçon de brevets est définie telle que l’atteinte portée aux droits du breveté. En effet, l’article L. 615-1 du Code propriété intellectuelle (CPI) dispose que : « Toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu’ils sont définis aux articles L. 613-3 à L. 613-6, constitue une contrefaçon ». En principe, si un tiers qui n’a pas le consentement du titulaire du brevet, exploite de manière directe ou indirecte l’invention telle que définie par une des revendications du brevet, il y a contrefaçon.


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En France, le tribunal judiciaire est la juridiction compétente en matière de contrefaçon de brevet et décide également de la validité des brevets.

Par ailleurs, il faut qu’il existe un brevet français ou européen en vigueur et que les actes constitutifs de contrefaçon soient réalisés en France, afin que la contrefaçon soit caractérisée en France.

La contrefaçon de brevet est donc jugée par rapport au droit de l’État dans lequel le brevet produit ses effets et où une contrefaçon a été commise. Le breveté peut-il efficacement se défendre contre la contrefaçon ? Oui, grâce à l’action en contrefaçon de brevet (1), qui regorge de quelques subtilités (2).

 

I. L’action en contrefaçon de brevet

Les actes constitutifs de contrefaçon (A) sont réprimés en France par le tribunal judiciaire (B).

A) Les actes constitutifs de contrefaçon

L’article L 613-3 du CPI liste les différents actes constitutifs de contrefaçon.

Les actes de contrefaçon directe, énoncés dans cet article, sont l’importation, la fabrication de produits, l’offre de produits brevetés en France, la mise dans le commerce ainsi que l’utilisation de tels produits.

De plus, il en est de même pour l’utilisation d’un procédé breveté et pour l’offre d’un tel procédé, en connaissance de cause à des tiers.

A l’opposé, les actes de contrefaçon indirecte sont la livraison ou l’offre de livraison, en France, à des tiers non autorisés, de moyens en vue de réaliser ou obtenir l’invention brevetée, lorsque ces moyens spécifiques se rapportent à un élément essentiel de l’invention et qu’il est flagrant qu’ils permettent de réaliser ou obtenir l’invention. La preuve de la connaissance de l’acte délictuel doit ici être rapportée.

Le délit de fabrication est la réalisation matérielle d’un objet.

La fabrication peut concerner l’objet même du brevet quand le brevet contrefait est un brevet de produit, ou l’objet dans lequel se matérialise le procédé dans le cas du brevet de procédé.

D’après la loi du 1er juillet 1992 sur la codification du Code de la propriété intellectuelle, le délit de fabrication concerne les actes de fabrication du produit contrefaisant sur le territoire français. La fabrication en Allemagne par exemple n’est pas réprimée.

De simples actes de réparation sont permis par la jurisprudence, tant qu’ils n’aboutissent pas à la reconstruction du produit breveté (TGI Paris, 9 novembre 2004). Si la réparation concerne l’ensemble des éléments essentiels, il y a délit de fabrication et donc contrefaçon.

L’utilisation d’objets contrefaits est définie comme le fait de faire usage du produit breveté, sans autorisation et indépendamment de toute fabrication.

Ainsi, l’usage peut porter sur le produit breveté, le procédé breveté et aussi sur un produit non breveté obtenu par un procédé breveté.

L’usage doit être réalisé à titre commercial, en permettant à la clientèle de jouir de telle sorte que le détenteur des objets contrefaits en retire une source de bénéfice pour son exploitation, afin de caractériser un acte de contrefaçon (Cour cass, 29 avril 1982).

Néanmoins, l’auteur ne doit pas avoir nécessairement la qualité de commerçant (Cour cass, 15 avril 1964).

Peu importe la qualité du contrefacteur pour la mise dans le commerce, l’offre en vente et l’exposition de produits contrefaits.

Ainsi, le contrefacteur peut avoir la qualité de commerçant ou non.

Tant que le contrat de vente a été conclu en France, cela n’a pas d’importance que l’objet contrefait ne pénètre pas en France et soit expédié d’un pays étranger vers un autre.

L’intention du tiers de méconnaître les droits du breveté se manifeste par l’offre en vente. La diffusion de prospectus, de catalogues, ou toute offre accessible sur un site internet en France, sont par conséquent des actes de contrefaçon.

Le fait de détenir le produit contrefait dans le but de l’utiliser ou de le mettre dans le commerce caractérise la détention d’objet contrefait.

La livraison ou l’offre de livraison ne doit pas nécessairement porter sur la totalité des moyens de mise en œuvre de l’invention brevetée.

La livraison doit seulement concerner des moyens qui se rapportent à un élément essentiel de mise en œuvre.

Par ailleurs, si l’offre ou la livraison a eu lieu sur le territoire français et des moyens ont été mis en œuvre en France, la fourniture de moyens constitue une contrefaçon.

Le principe de la territorialité du brevet permet d’expliquer le délit d’introduction en France d’objets contrefaits.

L’importateur est réputé commettre l’infraction, le fournisseur étranger qui a participé à l’introduction en France est également réputé commettre l’infraction si il a eu connaissance de la destination des produits (TGI Paris, 17 janvier 1989).

Une poursuite sans mise en garde préalable est possible à l’encontre du présumé contrefacteur qui importe ou fabrique en France le produit argué de contrefaçon. C’est aussi le cas pour la fabrication ou l’importation en France de produits fabriqués à l’étranger selon un tel procédé.

Toutefois, une lettre de mise en garde est primordiale afin d’informer de l’existence du brevet au préalable, le présumé contrefacteur qui ne fait que vendre, utiliser ou mettre sur le marché les produits argués de contrefaçon, ou qui fournit les moyens permettant la fabrication de tels produits. La poursuite de ces actes pourra être qualifiée de contrefaçon qu’à partir de la réception de cette mise en garde.

B) Les sanctions de la contrefaçon

En France, c’est le tribunal judiciaire qui est compétent en matière de contrefaçon de brevet et qui décide simultanément de la validité des brevets.

La responsabilité civile de l’auteur est engagée par l’action en contrefaçon, cette action permet au breveté d’obtenir la sanction des actes d’exploitation non autorisés par lui.

Des mesures provisoires permettant de stopper la contrefaçon sans attendre l’issue d’un contentieux qui dure souvent des années, peuvent être ainsi demandées par le demandeur.

En effet, le Président du tribunal, à la requête d’une personne admise à agir en contrefaçon, peut ordonner en référé au présumé contrefacteur de cesser provisoirement l’activité considérée comme illicite, lorsqu’il existe des indices graves de contrefaçon.

Il y a deux types de mesures provisoires ouvertes pour le demandeur.

La première mesure est la procédure d’interdiction de contrefaçon de brevet qui permet au breveté d’obtenir du président du tribunal judiciaire saisi du litige, l’arrêt immédiat des actes de contrefaçon jusqu’à la décision finale sur le fond de l’affaire.

La deuxième mesure est la retenue en douane des marchandises arguées de contrefaçon.

Si l’action en contrefaçon est reconnue comme fondée, le tribunal condamne le contrefacteur :

– à la cessation définitive de la contrefaçon ; et

– au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé au demandeur.

Une astreinte peut être assortie à l’ordre de cessation.

La publication du jugement ou d’un extrait de celui-ci dans un ou plusieurs journaux, aux frais du contrefacteur, peut être ordonnée par le tribunal.

Le tribunal peut ordonner la confiscation, respectivement la destruction des objets reconnus contrefaits et des instruments, dispositifs ou moyens spécialement destinés à la réalisation de la contrefaçon, sur demande de la partie lésée et si la mesure s’avère nécessaire.

Concernant les biens à confisquer, la confiscation peut être ordonnée peu importe où ces biens se trouvent, même entre les mains d’un tiers.

Des sanctions pénales contre la contrefaçon sont prévues par la législation actuelle en vigueur sur les brevets.

Une action au pénal, bien qu’assez rare, peut sanctionner la contrefaçon.

Le délit de contrefaçon est un délit sanctionné par une peine de trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. Lorsque ces faits sont commis en bande organisée, sur un réseau de communication au public en ligne, sur des marchandises dangereuses pour la santé, la sécurité de l’homme ou l’animal, ou en cas de récidive, les peines sont plus lourdes, en vertu des articles L 615-14 et L 615-14-1 CPI.

L’octroi de dommages et intérêts est possible et évalué selon le préjudice subi par le titulaire des droits et les gains obtenus. Par ailleurs, la Cour de cassation a considéré que les fournisseurs d’accès à internet et de moteurs de recherche devaient prendre en charge les mesures de blocage et de déréférencement des sites de streaming ou de téléchargement de contenus contrefaisants (Cour cass. 1re, 6 juill. 2017).

II. Les subtilités de l’action en contrefaçon de brevet

La saisie-contrefaçon en matière de contrefaçon de brevet opère une saisie réelle des produits ou services présumés contrefaisants (A). La bonne foi est inopérante (B).

A) La saisie-contrefaçon en matière de brevet

En matière de brevet, l’huissier réalise la saisie-contrefaçon, dont l’objectif est d’apporter la preuve de la contrefaçon présumée par une description détaillée des produits ou procédés litigieux, avec le cas échéant une saisie réelle.

Dans un arrêt du 1er juillet 2003, la Cour de cassation a considéré que les procédures de saisie-contrefaçon en matière de brevet, qui opèrent une saisie réelle, doivent de manière impérative être suivies d’une action au fond engagée dans les 15 jours à peine de nullité.

En l’espèce, « le titulaire d’un brevet couvrant un système propulsif bi-liquide d’un satellite et l’utilisation de ce système pour assurer l’éjection du satellite » avait fait pratiquer deux saisies-contrefaçon (6 décembre 1991 et 5 mars 1992) estimant que trois satellites acquis par France Télécom par l’intermédiaire du CNES auprès de la société Matra Marconi space reproduisaient les caractéristiques de son brevet. À défaut d’assignation au fond dans le délai imparti, les procès-verbaux comportant les photocopies des documents originaux recueillis dans les locaux du CNES et de la société Matra furent annulés par un jugement du 10 mars 1994.

Ensuite, à l’occasion de l’acquisition d’un quatrième satellite identique par France Télécom, le titulaire du brevet fut autorisé à effectuer une nouvelle saisie réelle (21 avril 1994), qui permit de récupérer lesdites photocopies auprès du greffe du Tribunal. Cette dernière saisie-contrefaçon fut annulée, car fondée sur des constats et descriptions eux-mêmes dépourvus de force probante, puisque déclarés nuls par le jugement précédemment cité. En cas de saisie réelle, le demandeur a en effet l’obligation d’assigner sous quinzaine le responsable, sous peine de nullité de la saisie-contrefaçon et d’une éventuelle condamnation en dommages et intérêts.

Le constat et le rapport de l’expert effectués lors de la saisie réelle ne peuvent donc pas être utilisés pour caractériser la contrefaçon, il n’y a que la saisie descriptive qui subsiste.

Toutefois, concernant la validité de la saisie-contrefaçon, on n’exige pas une nouvelle assignation dans le délai de quinzaine, si la saisie-contrefaçon est réalisée en cours d’instance (TGI Paris, 9 juillet 2004).

Le choix de la saisie appartient au saisissant et l’huissier chargé de procéder à la saisie doit signifier l’ordonnance au saisi.

Une copie de l’ordonnance doit être remise.

Lorsque le saisi peut rapporter la preuve d’un préjudice subi en raison du défaut de remise de l’ordonnance, cette omission peut être une cause de nullité.

Si l’ordonnance le prévoit, l’ordonnance peut être faite en tout lieu.

Cependant, lorsque l’ordonnance est exécutée, ses effets sont épuisés.

Par conséquent, le titulaire du brevet n’a pas le droit de faire procéder à une nouvelle saisie en vertu de la même ordonnance sinon la deuxième saisie est nulle et n’a aucune force probante.

Une saisie-contrefaçon peut être demandée par toute personne ayant qualité à agir en contrefaçon, selon  l’article L 615-5 du CPI.

Une saisie-contrefaçon peut être demandée par le titulaire du brevet et le licencié exclusif (Cour d’appel de Rennes, 2e ch. com., 24 février 2009).

Même lorsqu’un acquéreur vient tout juste d’acquérir un brevet, il peut aussi demander une saisie-contrefaçon pour des actes antérieurs à l’acquisition du brevet (TGI de Paris, 3e ch., 1re sect., 17 décembre 2015).

Lorsque le brevet en question fait l’objet d’un litige concernant sa titularité, le titulaire actuel peut tout de même demander une saisie-contrefaçon (TGI de Paris, 3e ch., 1re sect., 11 février 2016).

B) La bonne foi : inopérante en matière de contrefaçon de brevet

En matière de contrefaçon de brevet, il n’est pas rare que le présumé contrefacteur invoque sa bonne foi pour échapper à une condamnation financière, c’est très fréquent notamment lorsque son activité est du négoce. Malheureusement, cette croyance est fausse, comme le démontre un jugement du 27 novembre 2009 rendu par le Tribunal de grande instance de Paris.

En l’espèce, la société Moulages Plastiques du Midi a fait assigner en contrefaçon de brevet la société Leroy Merlin. Leroy Merlin conteste uniquement la contrefaçon du brevet et non sa validité. Pour échapper à une condamnation pour contrefaçon, elle excipe de sa bonne foi compte tenu de son activité nécessitant la gestion d’un nombre de références produits considérables.

Le Tribunal exclut l’argument dans les termes suivants : « attendu que cette description suffit à démontrer que les boîtiers de connexion reproduisent [les revendications du brevet] et en constituent la contrefaçon, la bonne foi invoquée par la société Leroy Merlin France, à la supposer établie, étant inopérante en la matière. »

En vertu de l’article 1240 du Code civil, il est constant en matière de responsabilité civile délictuelle qu’une faute non intentionnelle puisse caractériser une faute délictuelle et engager la responsabilité civile de son auteur, la position du TGI n’est donc pas surprenante. La règle selon laquelle l’intention est indifférente régit la contrefaçon de brevet fondée sur la responsabilité civile délictuelle, qui ne peut ainsi pas s’y soustraire. Leroy Merlin n’a pas pu se dérober à une condamnation pour contrefaçon de brevet, car cette règle s’applique.

Enfin, la Cour d’appel dans un arrêt du 27 juin 2017, applique également cette règle constante. En l’espèce, deux sociétés ont été assignées par la société Vorwerken en contrefaçon de son brevet. Ces deux sociétés invoquent leur bonne foi pour s’exonérer de toute responsabilité, mais la Cour d’appel de Paris rappelle qu’en matière de contrefaçon la bonne foi est inopérante devant les juridictions civiles, et déboute les deux sociétés de leurs demandes. La bonne foi est inopérante en matière de contrefaçon de brevet, cette jurisprudence reste constante.

Pour lire une version plus complète de cet article sur la contrefaçon de brevet en France : sans contrefaçon !, cliquez

Sources :

Code civil
Code de la propriété intellectuelle
https://www.sedlex.fr/brevets-en-france/mise-en-oeuvre-des-droits/les-actes-de-contrefacon/ #la_fabrication
https://www.dalloz.fr/documentation/Document?id=DZ%2FOASIS%2F000279
https://www.sedlex.fr/brevets-en-france/mise-en-oeuvre-des-droits/la-preuve-de-la-contrefacon/
https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAPARIS-21062017-15_18784

Propriété intellectuelle, stockage de l’œuvre. Quels droits donnent un NFT ((jeton non fongible)) ?

Le cas des œuvres numériques est évoqué à l’article R. 122-3 du Code de la propriété intellectuelle, qui vise les « créations plastiques sur support audiovisuel ou numérique dans la limite de douze exemplaires »…

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L’approche retenue est clairement axée sur le support, qui reste l’élément déterminant de l’application du droit de suite. Cela correspond au demeurant aux pratiques du marché : pour la plupart des créations numériques qui passent en vente, les acquéreurs se voient remettre le support de stockage, éventuellement numéroté et signé. Le support contrebalance l’ubiquité des objets numériques et pourvoit la rareté recherchée par les acquéreurs.

L’arrivée sur le marché de l’art d’œuvres entièrement dématérialisées renouvelle la question. L’œuvre étant duplicable à l’infini, son appréhension par le droit de suite ne va pas de soi. Les technologies de blockchain permettent cependant de recréer les caractères du support matériel, en associant l’œuvre à un jeton non fongible (NFT), infalsifiable, unique et non interchangeable. L’œuvre Everydays : The First 5000 Days de l’artiste Beeple, vendue par Christie’s en mars 2021 pour un montant de 69 millions de dollars en offre un bel exemple.


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« Les NFT, une technologie aux usages divers, à fort potentiel économique,,, » (1) . Par cette affirmation, le Conseil des ventes volontaires mettait en lumière le succès très remarqué des Non Fungible Tokens (NFT) ou des jetons non interchangeables ces derniers temps. Le marché des NFT a connu une croissance exponentielle en 2021, se chiffrant en dizaines de milliards de dollars. L’exemple le plus significatif reste la vente aux enchères de la photo numérique « Everyday : the first 5 000 days » de l’artiste américain « Beeple » (Mike Winkelmann), sous forme de NFT, à 69,3 millions de dollars le 11 mars 2021. Au regard de l’essor actuel des NFT, il devient important pour les entrepreneurs de savoir à quoi correspond cette technologie.

Les NFT sont intimement liés à la technologie de blockchain, puisqu’ils sont inscrits sur celle-ci. C’est la raison pour laquelle il convient de présenter brièvement la blockchain. D’après un rapport de l’Assemblée nationale de 2018, « une blockchain est un registre, une grande base de données qui a la particularité d’être partagée simultanément avec tous ses utilisateurs, tous également détenteurs de ce registre, et qui ont également tous la capacité d’y inscrire des données, selon des règles spécifiques fixées par un protocole informatique très bien sécurisée grâce à la cryptographie ».

Le modèle économique d’une blockchain repose avant tout sur une promesse de sécurité optimale. Les échanges successifs sont enregistrés sous forme de blocs de transactions, d’où le nom « blockchain » ou « chaîne de blocs ». Chaque bloc est relié à ceux qui le précèdent et le suivent. Les blocs confirment l’heure et la séquence exactes des transactions. Il est impossible de modifier un bloc ou d’insérer un nouveau bloc entre deux blocs.

Comme tout marché émergent dans le domaine du luxe, du sport et de l’art, l’univers des « NFT » n’est pas épargné par les problématiques de fraude.

Comme souvent, le droit arrivera à rebours pour réguler ce nouveau marché et dans l’intervalle, il conviendra de composer avec la législation existante afin de l’interpréter, de l’étendre et ainsi d’assurer la protection des titulaires de droits de propriété intellectuelle.

I. Qu’est-ce qu’un NFT (jeton non fongible) ?

Les NFT sont par définition des unités de valeur non interchangeables avec d’autres. Ils constituent une sorte de certificat numérique inscrit sur une blockchain et attestant de l’authenticité d’un bien ou d’une œuvre, physique ou numérique.

La création d’un NFT nécessite que soit généré un « smart contract » : un programme informatique qui exécute un ensemble d’instructions ou de règles prédéfinies par le créateur du smart contract. C’est ensuite ledit smart contract qui est déployé et exécuté sur une blockchain (via un processus dit de « minting »).

Le NFT n’est donc pas l’œuvre numérique ou le produit marqué en lui-même. L’acquéreur du NFT acquiert seulement un « jeton » auquel certains droits sont associés et qui présente des caractéristiques déterminées dans le smart contract qui a donné lieu à sa création.

Ce NFT correspond donc à une sorte de certificat d’authenticité de cette œuvre ou de cet objet, ledit certificat étant inscrit sur la blockchain et permettant ainsi, en principe, de garantir le caractère unique et l’authenticité du fichier numérique y étant associé ainsi que l’identité de son propriétaire.

Il s’agit donc de l’acquisition d’un bien incorporel : le « jeton » ou NFT. L’œuvre numérique ou le fichier numérique représentant le bien sur lequel est apposée une marque reste quant à lui stocké hors de la blockchain (sur un serveur, dans un cloud, sur un serveur décentralisé de type IPFS) et est accessible via l’URL figurant dans le smart contract.

II. Qui peut consentir à la création d’un NFT ?

Pour répondre à cette question, il convient au préalable de déterminer « sur quoi porte le NFT ».

Ce qui fait la valeur du NFT, c’est la communauté qu’il intéresse. Cette communauté est classiquement formée autour de la notoriété d’un artiste, d’une célébrité, d’un sportif, d’une marque de luxe, de sport, d’un jeu vidéo, etc.

Ce qui donne lieu à la création d’un NFT peut ainsi être l’image d’une personne, une œuvre visuelle ou audiovisuelle, une création d’art appliqué (un modèle de sac à main, de chaussures, etc.) revêtue d’une marque de renommée, une bouteille de vin, etc.

Par conséquent, compte tenu de sa nature protéiforme, le NFT est susceptible de donner prise à différents types de droits : droit d’auteur, droit des marques, droit des dessins et modèles, droit à l’image.

C’est la raison pour laquelle il est indispensable de disposer des droits patrimoniaux d’auteur, du droit d’exploitation des marques ou des dessins et modèles ou des droits à l’image concernée pour pouvoir autoriser la création d’un NFT reproduisant ou renvoyant à l’« objet de droit » concerné.

C’est ce qu’ont découvert à leurs dépens les créateurs de la plateforme américaine HitPiece se décrivant comme une plateforme dédiée aux NFT musicaux. Cette plateforme a ainsi créé un très important catalogue de NFT d’œuvres musicales d’artistes très connus tels que John Lennon, les Rolling Stones. Or, la plateforme à peine lancée, cette création de NFT à partir de leur musique et sans autorisation a été massivement dénoncée par les artistes via les réseaux sociaux. La plateforme a finalement été fermée après avoir reçu une mise en demeure de la puissante Recording Industry Association of America (RIAA).

III. Quels droits acquiert-on lorsqu’on achète un NFT ?

L’acquisition d’un NFT ne permet d’acquérir juridiquement que les droits prévus au smart contract à l’origine dudit NFT.

Ainsi, sauf à ce que cela soit expressément prévu au smart contract, l’acquisition d’un NFT ne permet en aucun cas, d’acquérir de manière automatique ou implicite, les droits patrimoniaux

d’auteur sur une œuvre numérique, des droits d’exploitation d’une marque, d’un dessin ou d’un modèle ou encore, un droit d’exploitation de l’image d’une personne physique.

A notre sens, les principes de droit positif en matière de cession et d’exploitation des droits de propriété intellectuelle trouvent ici pleinement à s’appliquer sans qu’il ne soit nécessaire ou indispensable que le Code de la propriété intellectuelle (le « CPI ») fasse expressément référence à la notion de « NFT ».

A. Le titulaire des droits de propriété intellectuelle bénéficie-t-il d’un « droit de suite » ? Le cas échéant, ce droit de suite est-il légal ou contractuel ?

  1. Le droit de suite au sens du CPI

Le droit de suite tel que défini par le CPI ne trouve à s’appliquer que s’agissant d’une œuvre graphique ou plastique.

L’article L. 122-8 du CPI reconnaît aux auteurs d’œuvres originales graphiques et plastiques le droit de percevoir un pourcentage du prix de toute vente de l’œuvre après la première cession opérée par eux-mêmes ou par leurs ayants droit, lorsqu’un professionnel du marché de l’art intervient en tant que vendeur, acheteur ou intermédiaire.

Ainsi les conditions d’application du droit de suite au sens de l’article L. 122-8 du CPI peuvent être résumées comme suit :

Il doit porter sur une œuvre graphique ou plastique telles que des tableaux, collages, peintures, dessins, gravures, estampes, lithographies, sculptures, tapisseries, céramiques, verreries ou encore photographies. Cette liste n’est pas exhaustive et la jurisprudence admet que le droit de suite s’applique aux œuvres d’arts appliqués .

En outre, l’article R. 122-3 du CPI prévoit expressément que donnent prise au droit de suite les « créations plastiques sur support audiovisuel ou numérique dans la limite de douze exemplaires ».

Seule la revente de l’original d’une œuvre graphique ou plastique donne prise au droit de suite.

Ce droit de suite s’exerce dès la première revente qui intervient à la cession initiale de l’œuvre originale par l’artiste, sous réserve que cette vente fasse intervenir un professionnel du marché de l’art. Les ventes entre particuliers sans intervention d’un professionnel du marché de l’art ne donnent donc pas lieu à l’application du droit de suite.

Le prélèvement du droit de suite sur le prix de revente s’applique dès lors que ce prix excède 750 euros. Le taux est dégressif, le montant étant plafonné à 12 500 euros.

Il est en outre utile de rappeler que le droit de suite est d’ordre public et que s’agissant d’un droit inaliénable, l’auteur ne peut ni le céder ni y renoncer.

Ainsi, l’application de ce droit tel que prévu par l’article L. 122-8 du CPI devrait a priori trouver à s’appliquer en cas de revente d’un NFT associé à une création plastique sur support numérique par le biais d’une plateforme ou, comme cela semble désormais possible, par le biais d’une vente publique aux enchères.

L’application de ce droit devrait également être automatique dès lors que le NFT créé porte sur une œuvre plastique.

Mais que se passe-t-il si le smart contract en cause n’y fait pas référence ? Dans ce cas, le versement de ce droit ne sera pas automatiquement réalisé par l’inscription d’une nouvelle transaction portant sur la revente du NFT sur la blockchain concernée. Cependant, l’auteur bénéficiera de la transparence et de la traçabilité des transactions successives pour requérir l’application de ce droit.

  1. Le droit percevoir des redevances sur les reventes successives aménagées contractuellement par les smart contracts

En matière de NFT, il est fait référence de manière récurrente à l’existence d’un « droit de suite » mis en place sur les plateformes de création et de vente de NFT, telles que Opensea, Rarible, Nifty Gateway, etc.

Or, comme nous l’avons vu précédemment, un NFT peut porter sur d’autres « objets de droit » que sur des œuvres au sens du Code de la propriété intellectuelle.

Ainsi, l’usage de la notion de « droit de suite » pour en réalité faire état d’un droit aménagé contractuellement prête à confusion. En effet, il s’agit là d’un droit purement contractuel de percevoir des redevances sur les reventes successives. Ce droit est prévu au smart contract à l’origine du NFT et ce, peu important que le NFT porte sur une œuvre, sur un dessin et modèle, sur un produit marqué ou sur tout autre objet/élément non couvert par un droit de propriété intellectuelle.

L’avantage de la technologie blockchain est qu’elle permet d’assurer une traçabilité de ces reventes successives du NFT et d’assurer une forme d’automaticité du reversement de ces redevances au titulaire des droits (au sens contractuel du terme).

Mais cette prérogative contractuelle est bien différente du droit de suite de l’article L. 122-8 du CPI dont l’application est légalement limitée.

Peut-on alors imaginer que les auteurs d’œuvres plastiques sur support numérique seraient en droit de réclamer le cumul du droit de suite légal prévu par l’article L. 122-8 du CPI avec le « droit de suite contractuel » prévu dans le smart contract si rien n’est spécifié ? La jurisprudence aura sans nul doute l’occasion de trancher cette question, mais, selon nous, rien ne s’y opposerait à notre sens.

B. La revente du NFT donne-t-elle prise à un droit de distribution ou de communication au public ?

La revente d’un NFT portant sur une œuvre protégée par le droit d’auteur relève-t-il du droit de distribution ou du droit de communication au public ?

Cette question est importante pour déterminer si le propriétaire acquéreur d’un NFT est libre d’en assurer la revente ou s’il devrait plutôt prendre la précaution de requérir l’autorisation préalable du titulaire des droits d’auteur.

Dans le monde corporel, la règle de l’épuisement du droit de distribution (art. L. 122-3-1 du CPI) veut que le titulaire de droits de propriété intellectuelle perde toute possibilité d’invoquer lesdits droits pour s’opposer à la libre circulation d’un exemplaire de son œuvre (livre, CD, DVD, poster, etc.) dès lors que le bien en cause a été commercialisé et mis sur le marché par le titulaire du droit ou avec son consentement au sein de l’Espace économique Européen.

  • La question s’est posée de savoir si cette règle pouvait être librement transposée au monde numérique

Dans l’arrêt Usedsoft, la CJUE a répondu à la question de savoir si l’utilisateur d’un logiciel pouvait librement revendre la copie de la licence qu’il a acquise licitement, à d’autres utilisateurs. La Cour, par une décision très critiquée par la doctrine française, a répondu par l’affirmative. Elle a considéré que l’éditeur de logiciels n’est plus en mesure de s’opposer à la revente de la copie de ses logiciels, ses droits d’auteurs susceptibles d’y faire obstacle, devant être considérés comme épuisés par la première mise à disposition de la copie. Cette décision était rendue sur le fondement de la Directive 2009/24/CE concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur.

Dans l’arrêt Tom Kabinet, la CJUE a cette fois adopté une position différente concernant la revente d’occasion d’ebooks dématérialisés en considérant que la notion de droit de distribution ne s’appliquait qu’aux objets tangibles et relevait du droit de « communication au public » prévu par la directive 2001/29/CE.

Cette solution se fonde sur le fait que dans l’univers numérique, les fichiers contenant l’œuvre se transmettent par le biais d’une reproduction et que les copies numériques dématérialisées, à l’inverse des livres sur un support matériel, ne se détériorent pas avec l’usage de sorte que les copies d’occasion constituent des substituts parfaits des copies neuves. Ainsi, le détenteur du fichier incluant une œuvre peut en revendre une parfaite copie sans pour autant se dessaisir de son propre fichier initial.

Dans cet arrêt, la CJUE a pris le soin de préciser qu’il ne s’agit pas d’un revirement par rapport à l’arrêt UsedSoft, mais que les deux directives en cause aboutissent en réalité à des solutions distinctes. Ainsi, seuls les biens dématérialisés entrant dans le champ d’application de la directive sur les programmes d’ordinateur sont susceptibles d’épuisement.

  • Concernant les NFT, la question n’est pas simple à trancher pour deux raisons

Tout d’abord, car certains NFT sont associés à la fois à une œuvre numérique, mais également à un bien corporel. Par exemple, le groupe de rock Kings of Leon a lancé la commercialisation de NFT permettant d’accéder à la fois à l’écoute de son dernier album, mais aussi de bénéficier de places de concert. Or, il ne fait aucun doute qu’une place de concert une fois acquise peut librement être revendue, car relevant de la qualification d’objet tangible.

Ensuite, s’agissant des NFT portant uniquement sur une œuvre numérique, l’importante nouveauté apportée par cette technologie est que le NFT permet de garantir l’authenticité et l’unicité de l’œuvre numérique à laquelle il renvoie via une URL (l’œuvre étant stockée hors chaîne sur un serveur ou via un stockage décentralisé de type IPFS). Ainsi, à la différence de la copie numérique classique d’une œuvre que tout à chacun pouvait aisément réaliser sans qu’il ne soit ensuite possible techniquement de distinguer la copie de l’original, le NFT permet de garantir cette unicité du fichier numérique.

On pourrait donc vraisemblablement considérer que la vente d’un NFT, par les garanties qu’apporte la technologie blockchain, est assimilable à la vente d’un exemplaire matériel dans la mesure où il s’agit de la vente d’un jeton unique non fongible, lequel donne lieu à une dépossession du créateur du NFT tant du jeton en lui-même que du support fichier de l’œuvre numérique dont l’authenticité est traçable.

Cependant, le doute est permis sur l’appréciation qu’en fera la jurisprudence au regard de ce qui avait été retenu dans l’arrêt Tom Kabinet, la Cour considérant que « l’intention à la base de la proposition de directive 2001/29/CE était de faire en sorte que toute communication au public d’une œuvre, autre que la distribution de copies physiques de celle-ci, relève non pas de la notion de « distribution au public », visée à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29, mais de celle de « communication au public », au sens de l’article 3, paragraphe 1, de cette directive ».

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Sources :

Aurore SAUVIAT (Avocate IP, Digital & Data DPO Certifiée IAPP)
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000020085905#:~:text=Les%20oeuvres%20exécutées%20en%20nombre,autre%20manière%20par%20l%27auteur.https://www.doctrine.fr/d/TGI/Paris/2011/FR7DD8EBAF9403032AE437
https://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?num=C-128/11&language=FR
https://curia.europa.eu/juris/liste.jsf?language=fr&td=ALL&num=C-263/18

COMMENT IDENTIFIER L’AUTEUR D’UN COMPTE FACEBOOK DIFFAMANT ?

En publiant des messages sur les réseaux sociaux, le titulaire d’un compte est par principe responsable du contenu publié, il est directeur de publication au sens de la loi de la presse. Cette qualification est déterminante : le titulaire d’un compte répondra comme auteur principal de tout ce qui est publié sur le compte.

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Cependant, il est parfois difficile de déterminer qui est le titulaire du compte, qui est l’auteur des propos potentiellement répréhensibles.

Un de ses habitants est titulaire d’une page Facebook consacrée à cette ville. Il lui est reproché, en qualité de directeur de la publication, d’avoir diffusé des propos diffamatoires à l’encontre du maire. Or, il conteste avoir cette qualité.

Néanmoins, suite à une ordonnance sur requête, la société Facebook Ireland Limited a communiqué les données de création du compte, dont un numéro de téléphone vérifié qui correspond bien au titulaire du compte.

Pour valider la création d’un compte, il faut confirmer le numéro de mobile par un chiffre envoyé par SMS. Pour s’opposer à ces éléments, il prétend, sans le prouver, que quelqu’un lui aurait emprunté à son insu son portable pour effectuer cette opération.

Le tribunal a rejeté cet argument au motif suivant : « il résulte de ces éléments, qu’il est établi que M. Y. est à l’origine de la création de la page Facebook et à ce titre dispose de tous les éléments utiles à sa gestion et notamment les publications qui y figurent. Par conséquent, il y a lieu de le considérer comme directeur de publication ».


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La diffamation étant établie, il est condamné, en sa qualité de directeur de la publication, à payer une amende de 500 €. Il est par ailleurs tenu de retirer le post litigieux sous astreinte de 1 000 € et de publier le dispositif du jugement pendant trois mois.

Il doit de plus verser au maire de la ville 1 000 € de dommages-intérêts au titre du préjudice moral et 1 500 € au titre des frais engagés pour se défendre (TJ Fontainebleau, 6 déc. 2021, M. X. c./ M. Y., Legalis).

I. La création de la page Facebook

A. Directeur de publication

Rappelons la teneur de l’article 93-2 :

« Tout service de communication au public par voie électronique est tenu d’avoir un directeur de la publication.

Lorsque le directeur de la publication jouit de l’immunité parlementaire dans les conditions prévues par l’article 26 de la Constitution et par les articles 9 et 10 du protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des communautés européennes, il désigne un codirecteur de la publication choisi parmi les personnes ne bénéficiant pas de l’immunité parlementaire et, lorsque le service de communication est assuré par une personne morale, parmi les membres de l’association, du conseil d’administration, du directoire ou les gérants, suivant la forme de ladite personne morale.

Le codirecteur de la publication doit être nommé dans le délai d’un mois à compter de la date à partir de laquelle le directeur de la publication bénéficie de l’immunité mentionnée à l’alinéa précédent.

Le directeur et, éventuellement, le codirecteur de la publication doivent être majeurs, avoir la jouissance de leurs droits civils et n’être privés de leurs droits civiques par aucune condamnation judiciaire. Par dérogation, un mineur âgé de seize ans révolus peut être nommé directeur ou codirecteur de la publication réalisée bénévolement. La responsabilité des parents d’un mineur âgé de seize ans révolus nommé directeur ou codirecteur de publication ne peut être engagée, sur le fondement de l’article 1242 du Code civil, que si celui-ci a commis un fait de nature à engager sa propre responsabilité civile dans les conditions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Toutes les obligations légales imposées au directeur de la publication sont applicables au codirecteur de la publication.

Lorsque le service est fourni par une personne morale, le directeur de la publication est le président du directoire ou du conseil d’administration, le gérant ou le représentant légal, suivant la forme de la personne morale.

Lorsque le service est fourni par une personne physique, le directeur de la publication est cette personne physique » (L. no 82-652, 29 juill. 1982, JO 30 juill., art. 93.2).

Quant à l’article 93-3 qui organise la « cascade », dans sa rédaction actuelle, il se présente ainsi :

« Au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public.

À défaut, l’auteur, et à défaut de l’auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal. Lorsque le directeur ou le codirecteur de la publication sera mis en cause, l’auteur sera poursuivi comme complice.

Pourra également être poursuivi comme complice toute personne à laquelle l’article 121-7 du Code pénal sera applicable.

Lorsque l’infraction résulte du contenu d’un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s’il est établi qu’il n’avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message ».

B. Mise en œuvre

Plusieurs « acteurs » sont donc concernés par les textes cités.

1º) Le directeur de publication, comme en droit de la presse traditionnel, est le responsable de premier rang.

La jurisprudence en donne de bien simples illustrations. C’est par exemple la Cour de Montpellier jugeant qu’un directeur de publication ou un administrateur de blog peut voir sa responsabilité pénale recherchée dès lors que, tenu à un devoir de vérification et de surveillance, il se doit de contrôler les articles publiés sur son site et qu’il peut les filtrer et les retirer du site s’il estime qu’ils sont susceptibles de tomber sous le coup de la loi pénale (CA Montpellier, 3e ch. corr., 23 nov. 2015, Juris-Data no 2015-031812).

Ou celle de Paris qui, rappelant que « les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec intention de nuire, mais (qu’) elles peuvent être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi », condamne, comme tel, le directeur de publication d’un site internet (appartenant au demeurant à un organe de presse connu) pour des affirmations figurant sur ledit site (CA Paris, pôle 2, 7e ch., 26 mai 2021, no 20/01994, LexisNexis).

A même été considéré comme directeur de publication le propriétaire d’un téléphone portable utilisé pour créer un compte Facebook à partir duquel était diffusé des propos diffamatoires à l’encontre du maire d’une commune (TJ Fontainebleau, ch. corr., 3 janv. 2022, <legalis.net>).

On ajoutera que ce directeur ne doit pas être un directeur fantoche et qu’il faut chercher la réalité derrière l’apparence. L’article 6 VI 2 de la loi no 82-652 du 29 juillet 1982 prévoit d’ailleurs qu’« est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende le fait, pour une personne physique ou le dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale exerçant l’activité définie au III. de ne pas avoir respecté les prescriptions de ce même article », les personnes morales pouvant également faire l’objet de sanctions pénales.

C’est donc sans surprise que, dans une affaire intéressant le site d’une association tournée vers des discours racistes et de haine, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi contre l’arrêt qui avait condamné à une peine de trois mois de prison avec sursis et de 5 000 € d’amende le président de l’association en cause (Cass. crim., 22 janv. 2019, RLDI 2019/157 no 5363, Juris-Data no 2019-000642 ; et l’article Legris-Dupeux C., Soral directeur du site Egalité et Réconciliation : suite et fin de la saga judiciaire, RLDI 2019/159, no 5390).

Celui-ci n’avait rien trouvé de mieux que de désigner comme directeur et directeur adjoint de la publication du site, deux délinquants « non seulement incarcérés, mais [dont] l’enquête [avait] permis d’établir qu’ils n’étaient pas en contact avec l’extérieur de la maison centrale où ils purgent leur peine, n’ayant pas accès à internet et ne recevant pas ou plus de visites depuis longtemps » (pour reprendre les motifs de l’arrêt d’appel) !

Le fait est que, si à la qualité de directeur de publication répond à un statut propre, la détermination de qui est directeur est pour une large part factuelle.

2º) L’auteur vient ensuite.

A cet égard, un arrêt de la Cour de cassation de janvier 2020 insiste sur le pouvoir d’appréciation des juges du fond qui peuvent relaxer le directeur de publication et sanctionner « l’auteur » au sens du texte (Cass. crim., 7 janv.r 2020, Juris-Data no 2020-000154) :

« L’arrêt, après avoir rappelé que l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle dispose que le directeur de la publication sera poursuivi comme auteur principal lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public et, qu’à défaut, l’auteur des propos sera poursuivi comme auteur principal, énonce que le directeur de la publication a été relaxé, de sorte que le tribunal a pu condamner en qualité d’auteur principal de l’infraction de diffamation M. B., initialement poursuivi comme complice en qualité d’auteur dudit message ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, et dès lors que, d’une part, la juridiction correctionnelle a le pouvoir d’apprécier le mode de participation du prévenu aux faits spécifiés et qualifiés dans l’acte de poursuite, les restrictions que la loi sur la presse impose aux pouvoirs de cette juridiction étant relatives uniquement à la qualification du fait incriminé, d’autre part, l’auteur du propos poursuivi, non pas comme complice de droit commun au sens de l’alinéa 4 de l’article 93- 3 précité et des articles 121-6 et 121-7 du Code pénal, mais en qualité de complice au sens de l’alinéa 3 du premier de ces articles, aux côtés du directeur de la publication poursuivi en qualité d’auteur principal, est, en cas de relaxe de ce dernier, susceptible d’être condamné en qualité d’auteur principal de l’infraction, la cour d’appel a fait une exacte application des textes susvisés ».

II. Diffamation

A. Élément matériel

La diffamation exige la réunion de quatre éléments : une allégation ou une imputation ; un fait déterminé ; une atteinte à l’honneur ou à la considération ; une personne ou un corps identifié ; la publicité.

l’allégation consiste à reprendre, répéter ou reproduire des propos ou des écrits attribués à un tiers contenant des imputations diffamatoires ; l’imputation s’entend de l’affirmation personnelle d’un fait dont son auteur endosse la responsabilité ;

l’imputation ou l’allégation doit porter sur un fait déterminé, susceptible de preuve ;

l’atteinte à l’honneur consiste à toucher à l’intimité d’une personne, en lui imputant des manquements à la probité ou un comportement moralement inadmissible ; l’atteinte à la considération consiste à troubler sa position sociale ou professionnelle, attenter à l’idée que les autres ont pu s’en faire ;

la diffamation doit viser une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours ou écrits ;

la publicité résulte de l’utilisation de l’un des moyens énoncés par l’article 23 ; elle suppose une diffusion dans des lieux ou réunions publics.

B. Élément moral et sanction

Il consiste en l’intention de porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps diffamé et il est classiquement présumé.

Diffamation envers les corps ou personnes désignés par les articles 30 et 31 : amende de 45 000 €.

Diffamation envers les particuliers : amende de 12 000 € (un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende si la diffamation a un caractère racial, ethnique ou religieux, ou a été commise à raison du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou du handicap, le tribunal pouvant ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision et la peine de stage de citoyenneté).

Diffamation non publique : amende de 38 € (750 € si elle est raciste ou discriminatoire).

Pour lire une version plus complète de cet article  sur comment trouver l’auteur d’un article diffamant sur Facebook , cliquez

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030381677
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042372058?init=true&page=1&query=19-82.124&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000039307169?init=true&page=1&query=17-86.605&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041701611?init=true&page=1&query=18-85.418&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036930201?init=true&page=1&query=17-82.663+&searchField=ALL&tab_selection=all

La qualification juridique du contrat des conducteurs Uber et VTC

De nombreuses affaires ont eu lieu ces dernières années concernant le statut des chauffeurs VTC. Une véritable bataille juridique est née entre les chauffeurs et les plateformes, notamment contre la société Uber. Ces plateformes permettent la mise en relation de chauffeur avec les clients pour exercer un service de transport. L’objectif étant pour ces chauffeurs d’obtenir une requalification de leur contrat de travail et ainsi pouvoir bénéficier des avantages d’un salarié.

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 Classiquement, le contrat de travail se définit comme étant « une convention par laquelle une personne s’engage monnayant rémunération pour accomplir une prestation au profit d’une autre personne, physique ou morale, sous la subordination de laquelle elle se place »

 La détermination de ce contrat se base donc sur différents critères. A savoir, la réalisation d’une prestation par un travailleur contre une rémunération. Cette prestation doit être réalisée pour le compte d’une autre personne avec laquelle un lien de subordination doit exister.

L’entreprise Uber existe dans près de 800 villes à travers le monde. L’application compte plus de 118 millions de clients chaque mois. Le chiffre d’affaires de l’entreprise est estimé à environ 6 milliards de dollars. Enfin, la plateforme compte près de 10 000 nouveaux chauffeurs VTC par an au niveau mondial.


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La plateforme a également de nombreux procès à son actif. Entre 2009 et 2016, aux États-Unis, l’entreprise a été condamné dans 170 procès et a dû verser près de 160 millions de dollars.

L’entreprise est aussi dans le viseur de plusieurs pays, dont la France. Ces litiges ont conduit à des grèves mener par les chauffeurs de taxi en raison de concurrence déloyale.  Les chauffeurs de la plateforme dénoncent quant à eux des «  « des conditions de travail indignes » .

Récemment, le juge européen s’est prononcé en faveur d’une réglementation nationale à laquelle devra se plier l’entreprise. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne (“CJUE“) a affirmé, ce 20 décembre 2017, que la société Uber propose bien un “service de transport“.

La décision rendue par la CJUE à de nombreuses conséquences, elle demande aux législations nationales de s’affirmer (I) et permet donc à des pays comme la France de continuer sur sa lancée en la matière en règlementant de manière plus stricte ce domaine. (II)

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Pour rappel la société américaine Uber, anciennement UberCab, permet depuis 2010 la mise en contact d’un particulier avec un conducteur, dans le cadre de services de transport.

Les enjeux liés à la définition du statut des conducteurs Uber sont d’autant plus importants qu’aujourd’hui, l’entreprise s’est développée dans plus de 310 villes à travers le monde, pour un chiffre d’affaires annuel de plus de 6 milliards de dollars, et 10 000 nouveaux chauffeurs de VTC en plus chaque année au niveau mondial (https://www.lesechos.fr/11/10/2015/lesechos.fr/021395598585_uber—dans-les-coulisses-d-une-machine-de-guerre-juridique.htm).

Récemment, le juge européen s’est prononcé en faveur d’une réglementation nationale à laquelle devra se plier l’entreprise. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne (« CJUE« ) a affirmé, ce 20 décembre 2017, que la société Uber propose bien un « service de transport« .

Cette décision n’est pas sans conséquence pour la qualification des chauffeurs des plateformes de VTC : en renvoyant la balle dans le camp des législations nationales (I), elle permet définitivement à des pays comme la France d’asseoir une réglementation plus stricte en la matière (II).

I) Le feu vert donné par la CJUE aux législations nationales

L’arrêt Uber Systems Spain, en ce qu’il renvoie à la législation nationale en la matière (A), permet aux droits nationaux de venir répondre à des litiges surabondants (B).

A) L’arrêt Uber Systems Spain

Cette affaire concentre les questions autour de la qualification des activités et du cadre légal applicable à l’entreprise Uber, questions auxquelles la CJUE s’est efforcée de répondre.

Pour rappel, une plainte avait été déposée en 2014, par une association professionnelle de chauffeurs barcelonais, devant le tribunal de commerce de la ville aux motifs de « pratiques trompeuses » et « concurrence déloyale » de la filiale espagnole « Uber Systems Spain« .

A la suite d’une question préjudicielle, la CJUE a finalement répondu « qu’un service d’intermédiation tel que celui en cause doit être considéré comme étant indissociablement lié à un service de transport » et que « en l’état actuel du droit, il revient aux États membres de réglementer les conditions de prestation de tels services ».

Par son arrêt du 20 décembre 2017, elle affirme donc que les services proposés par Uber relèvent de la politique commune des transports urbains et doivent donc être soumis aux « licences et agréments requis par le droit national » . Les règles applicables aux taxis s’appliquent désormais à Uber.

B) Une réponse adaptée aux différents droits nationaux

De nombreux mouvements nationaux avaient déjà commencé pour aller dans ce sens.

Dans une décision du 10 novembre 2017, le tribunal du travail de Londres a estimé que la société Uber devait considérer les chauffeurs comme de véritable salarié et par conséquent, les rémunérer au salaire minimum et leur octroyer des congés payés. Ce sont donc 70 000 chauffeurs britanniques qui ont reçu le statut de travailleur.

Pour rendre cette décision, la cour s’est appuyée sur le fait que “les chauffeurs seraient obligés d’accepter 80 % des courses que l’application leur envoie“, excluant de fait toute qualification possible de travailleur indépendant.

Egalement, le tribunal de grande instance de Paris dans un arrêt rendu le 12 octobre 2017 a décidé de requalifier la relation entre un chauffeur VTC autoentrepreneur  et la société LeCab de contrat de travail.

Aux États-Unis, de nombreux litiges ont également eu lieu avec la plateforme Uber, la justice, à titre d’exemple, a refusé l’accord proposé par Uber en août 2016 du versement de 100 millions de dollars à d’anciens chauffeurs ayant agi en justice en nom collectif dans le but de voir leur contrat requalifié en contrat de travail. Ce refus s’explique notamment par le fait que le préjudice s’estimait ici à plus de 850 millions de dollars, et que la somme proposée par l’entreprise ne pouvait justifier l’abandon de la plainte par les requérants, étant « inadéquate » au préjudice subi.

Toujours aux États-Unis, en Californie une loi votée en 2019 avait finalement considéré que les chauffeurs Uber devaient avoir le statut de salarié. La plateforme Uber avait répliqué avec un référendum. La juge a finalement déclaré le 20 août 2021, que ce référendum était inconstitutionnel.

La décision rendue par la Cour de justice de l’Union européenne devrait donc permettre de clarifier la qualification accordée aux liens contractuels entre les conducteurs et leur employeur.

 


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II) Une décision accompagnée par le droit français

La loi Grandguillaume, entrée en vigueur le premier janvier 2018 (A), constitue une nouvelle étape dans l’établissement d’une qualification pertinente des contrats des conducteurs (B).

A) La loi Grandguillaume

La « Loi Grandguillaume », du 29 décembre 2016 est venue réguler le secteur du transport en France.

Elle a notamment pour finalité de « pacifier les relations entre taxis et VTC, réguler l’activité de transport public de personnes [ou encore] interdire aux capacitaires LOTI l’utilisation de plateforme type Uber » (https://www.rhinfo.com/thematiques/gestion-administrative/code-du-travail/vtc-loti-uber-et-la-loi-grandguillaume).

Il faut savoir que le statut de capacitaire LOTI, issu du 30 décembre 1982, nécessite normalement le transport d’au moins deux personnes. On parle ici de transport « collectif« , et non pas de transport « public particulier ».

Mais ce statut fait débat en ce qu’il est de plus en plus utilisé par les chauffeurs affiliés aux plateformes de VTC, qui incitent fortement leurs prestataires à agir en tant qu’indépendants, ce qui contrevient à l’essence même de la loi.

La loi Grandguillaume est désormais applicable, et met fin au détournement du statut LOTI, en imposant aux chauffeurs d’exercer soit comme taxi, soit comme VTC. Du 1er janvier 2017 au 1er janvier 2018, la loi avait d’ailleurs prévu une période transitoire durant laquelle les conducteurs pouvaient effectuer les démarches pour obtenir la licence de leur choix.

Par conséquent, les conducteurs n’ayant pas entamé les démarches administratives avant le 1er janvier 2018, ne peuvent aujourd’hui plus exercer.

Egalement, la loi vient intensifier la lutte antifraude. Elle impose certaines obligations comme la détention d’une carte professionnelle par les chauffeurs, ou encore la présence obligatoire du macaron sur les véhicules. Elle modifie également les conditions d’accès à la licence VTC, en remplaçant les 3 semaines de formations par un examen en deux parties, écrite et pratique.

Ainsi, par ce biais, le droit français vient renforcer  le cadre juridique des différents statuts, en unifiant les règles applicables en la matière.

B) Les enjeux d’une requalification

Le débat lié à la qualification des contrats entre les chauffeurs et la société de transport n’est pas nouveau.

Dans un arrêt « Labanne » en date du 19 décembre 2000, la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de requalifier un contrat de « location de véhicule équipé taxi » en contrat de travail.

La Cour de cassation s’est notamment appuyée sur les critères de qualification dégagés dans l’arrêt société Général de 1996. Les critères sont donc les suivants : l’existence d’une prestation de travail, d’une rémunération et d’un lien de subordination.

Différents indices, laissent penser qu’aujourd’hui une telle qualification pourrait être opérée sur le fondement de ces critères, et notamment du lien de subordination : en effet les chauffeurs sont soumis à un système de notation et peuvent dès lors se voir écartés, pratiques pouvant s’apparenter à une forme de licenciement.

De plus, les tarifs applicables ne sont pas choisis par les chauffeurs. En effet ces derniers sont  imposés par la société, ce qui demeure paradoxal au regard de leur statut d’autoentrepreneur.

Cette requalification s’accompagne de nombreuses conséquences pour les chauffeurs Uber conformément au droit du travail : congés payés, SMIC, mutuelle d’entreprise, visites médicales et arrêts maladie, respect des durées maximales de travail et droit au repos, ou encore indemnités de licenciement sont de ces dispositions qui relèvent du régime juridique du contrat de travail, et dont pourront bénéficier les salariés.

Cette jurisprudence a abouti à un arrêt du 4 mars 2020 venant confirmer un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 10 janvier 2019, où le contrat entre le chauffeur et la plateforme Uber a été requalifié en contrat de travail. Pour obtenir cette requalification, la Cour a utilisé la méthode du faisceau d’indices pour démontrer le lien de la subordination entre le chauffeur et la plateforme.

Ces indices étant l’absence de clientèle propre au chauffeur, l’absence de contrôle du chauffeur sur ses tarifs et ses conditions d’exercice de sa prestation. De plus, la Cour a retenu la subordination en raison de l’existence de cette clause « Uber se réserve également le droit de désactiver ou autrement de restreindre l’accès ou l’utilisation de l’Application Chauffeur ou des services Uber par le Client ou un quelconque de ses chauffeurs ou toute autre raison, à la discrétion raisonnable d’Uber ».
Les conditions du lien de subordination, pour déterminer s’il y a un contrat de travail, étant la direction, le contrôle et le pouvoir de sanction. Or ces trois conditions sont des pouvoirs de la plateforme Uber et non au chauffeur donc la Cour de cassation dispose que le statut d’indépendant des chauffeurs Uber est fictif. Cependant, tous les chauffeurs Uber n’ont pas vu leur contrat requalifié en contrat de travail, pour cela il faut passer devant le juge.

Cet arrêt s’inscrit dans la jurisprudence récente, en effet, dans l’arrêt de la CJUE du 22 septembre 2020 concernant la plateforme Airbnb, la CJUE a autorisé l’application par les États membres de la législation sur les hôtelleries aux personnes louant leur logement sur la plateforme Airbnb. L’intérêt étant d’aboutir à une régulation des plateformes numérique de travail.

On retrouve la même bataille concernant les coursiers travaillant pour les entreprises tels que Uber. Dans  arrêt rendu en 2018, nommé « Take eat easy », la Cour de cassation avait estimé que l’existence d’un lien de subordination était en l’espèce bien caractérisé notamment en raison du pouvoir de sanction et de contrôle exercé par Uber. Ainsi, le contrat devait être requalifié.

Egalement, dans un arrêt rendu le 19 avril 2022, la Cour de cassation a maintenu sa position stricte envers ces plateformes de livraison et a condamné la société Delivroo France à 375 000 euros d’amendes pour travail dissimulé. Et a attribué le statut de salarié aux livreurs.

Les batailles menées contre les plateformes basées sur le modèle Uber n’ont donc pas fini d’exister.

Pour lire l’article dans une version plus complète, cliquez sur les mots  VTC, UBER et contrat de travail

SOURCES :