action en diffamation

Dénigrement et diffamation

Dans un jugement du 22 juin 2022 du tribunal judiciaire de Paris, les juges ont indiqué que l’article 1240 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Même en l’absence d’une situation de concurrence directe et effective entre les personnes concernées, la divulgation, par l’une, d’une information de nature à jeter le discrédit sur les produits, les services ou les prestations de l’autre peut constituer un acte de dénigrement, ouvrant droit à réparation sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.
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Cette divulgation n’entre pas dans les prévisions de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dès lors qu’elle ne concerne pas la personne physique ou morale.

En application des règles régissant la responsabilité délictuelle de droit commun, il appartient toutefois au demandeur de prouver l’existence d’une faute commise par l’auteur des propos, un préjudice personnel et direct subi par lui et un lien de causalité entre cette faute et le préjudice.

En outre, s’agissant d’une restriction au principe fondamental de la liberté d’expression, la responsabilité civile de l’auteur des propos doit s’apprécier strictement.


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Ainsi, lorsque l’information se rapporte à un sujet d’intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, cette divulgation relève du droit à la liberté d’expression, qui inclut le droit de libre critique, et ne saurait être regardée comme fautive, sous réserve que soient respectées les limites admissibles de la liberté d’expression.

En l’espèce, les commentaires dénoncés par la société Raimondi Immobilier dont le caractère public est établi par le constat d’huissier précité, doivent être considérés ensemble dès lors qu’ils ont été mis en ligne dans un court laps de temps sur la page exploitée par la demanderesse et qu’ils se distinguent des autres commentaires puisqu’ils sont les seuls à formuler une critique négative parmi les vingt-sept qui y sont recensés.

Ces messages expriment une critique sévère et sans nuance de la qualité des services et prestations fournis par la société demanderesse sous l’enseigne qu’elle exploite, en remettant en cause le résultat et les conditions de réalisation de travaux de rénovation supposés, tant au travers des termes employés (“pleins de défauts, travail pas finis, qualité du matériel posé bien plus que médiocre la peinture ne tient même pas, les lampes mal accrochées sont tombées en plein service, poignée de porte inexistante”, “qualité du travail indigne”, “expérience client plus que moyenne”) que de la note attribuée à la société selon le barème propre aux avis Google my business, qui est ici, à chaque fois, d’une étoile sur cinq.

Le même constat s’impose s’agissant du sens des messages mis en ligne depuis les comptes « C. G. » et « A. A.», qui, s’ils évoquent “l’entrepreneur” et “M. Y.”, ne visent aucun fait précis de nature à atteindre son honneur ou sa considération, mais prolongent la critique exprimée par les autres messages en stigmatisant le comportement professionnel du président de la société Raimondi Immobilier par la mise en exergue de son manque de “sérieux” et de “professionnalisme” et l’expression d’une déception quant à la manière dont il traite ses clients.

Il est établi que ces avis négatifs ont tous été rédigés par Mme X. et qu’ils revêtent un caractère mensonger, celle-ci ayant admis ne jamais avoir eu recours aux services de la société Raimondi Immobilier et les ayant justifiés par le conflit personnel qui l’oppose à M. Y., son président.

Ainsi, loin de relever du droit à la libre critique de produits ou prestations de services, ces messages frauduleux, qui ne reposent sur aucune base factuelle, procèdent d’une intention de nuire de la demanderesse et caractérisent un dénigrement fautif au sens de l’article 1240 du Code civil au détriment de la société Raimondi Immobilier.

I. Distinction avec la diffamation

Il convient de distinguer le dénigrement de la diffamation.

Est définie comme une diffamation toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne (Loi du 29-7-1881 art. 29). Ainsi, des propos critiques sur une société publiés dans un article de presse relèvent de la diffamation dès lors qu’ils visent la société elle-même et non ses services ou ses produits. L’action en diffamation est possible lorsque celle-ci a visé une personne physique ou morale. Des propos qui atteignent une profession considérée dans son ensemble ne peuvent donc pas être qualifiés de diffamatoires.

Il n’y a pas diffamation lorsque ce sont uniquement des produits ou services qui sont en cause.

Dans un cas où un article de presse s’était livré à une critique sévère de produits pharmaceutiques, il a été jugé qu’il y avait dénigrement et non diffamation. Jugé de même à propos de commentaires négatifs, publiés sur un réseau social, faisant état de l’incompétence des moniteurs d’une auto-école, d’un défaut de pédagogie et d’une recherche de profit au détriment des besoins et de l’intérêt des clients, car ces propos ne portaient pas atteinte à l’honneur ou à la considération de l’exploitant de l’auto-école, mais mettaient en cause la qualité des services proposés dans le but d’inciter une partie de la clientèle à s’en détourner (TGI Nanterre 21-11-2019 :  RJDA 10/20 n° 540).

De même, des propos malveillants tenus à l’encontre du gérant d’une société dont l’activité était concurrente ont été jugés constitutifs d’un dénigrement et non d’une diffamation, car ces propos n’avaient pour objet que de mettre en cause la qualité des prestations fournies par cette société et de détourner sa clientèle, au cas particulier, il avait été soutenu que le gérant d’une société exerçant une activité de prestataire de services auprès des professionnels de l’immobilier établissait de faux certificats et rapports).

Jugé également que les propos tenus par une société à l’encontre d’un de ses concurrents étaient constitutifs de dénigrement dès lors qu’ils portaient sur la façon dont les services étaient rendus par ce concurrent, la qualité de ses produits et services, les pratiques prétendument illicites qu’il mettait en œuvre et les diverses collusions que lui imputait cette société.

De même encore, jugé que le fait, pour une entreprise en relation d’affaires avec une autre, d’avoir divulgué aux clients de celle-ci les difficultés de paiement qu’elle rencontrait avec elle et d’avoir laissé entendre que, par la faute de cette entreprise, les prestations dues aux clients ne seraient pas exécutées, était constitutif de dénigrement et non de diffamation, car cette communication jetait le discrédit sur les services rendus par l’entreprise.

En revanche, lorsque la critique de produits ou services contient des imputations diffamatoires, c’est l’action en diffamation qui doit être exercée.

II. Distinction avec la critique

Il convient également de distinguer le dénigrement de la simple critique qui relève de la liberté d’expression. Toute critique doit pouvoir être librement exprimée dès lors qu’elle ne cherche pas à nuire. De même, la critique n’est pas fautive lorsque les appréciations qui sont portées concernent un sujet d’intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante, sous réserve d’être exprimées avec une certaine mesure.

Dans un cas où une société, dont les modèles de bijoux avaient été contrefaits, avait envoyé une lettre circulaire à ses clients, revendeurs détaillants, leur signalant la copie du modèle et, disait-elle, la distribution de celui-ci par une forme de vente pratiquée par une société concurrente « que nous réprouvons totalement dans l’intérêt de notre réseau de distribution de bijoutiers-joailliers spécialistes », il a été jugé que le fait de critiquer les méthodes commerciales d’une société concurrente ne saurait, à défaut de circonstances particulières constitutives du dénigrement, s’analyser en agissements de concurrence déloyale (CA Paris 15-6-1981 : D. 1983 IR p. 99 note C. Colombet).

Ne caractérise pas non plus un dénigrement le fait d’indiquer sur l’emballage d’un dentifrice que le produit à la propriété d’enlever les taches laissées par le café sur l’émail des dents, dès lors que l’information dont le caractère mensonger n’a pas été soulevé a été donnée en termes mesurés (Cass. com. 15-1-2002 n° 123 :  RJDA 6/02 n° 709).

Jugé que n’était pas fautive la campagne de communication sur le prix des médicaments non remboursés, qui utilisait le dessin d’un verre d’eau dans lequel se dissout une pièce d’un euro à l’image d’un comprimé effervescent, accompagné du slogan « En France, le prix d’un même médicament peut varier du simple au triple : il faut changer de traitement ! ». En effet, cette campagne, exprimée en termes mesurés, visait seulement à remettre en cause le monopole des pharmaciens sans chercher à nuire à leur réputation.

De même, n’a pas dépassé les limites admissibles de la liberté d’expression la société éditrice de publications à caractère médical qui a publié un article critiquant sévèrement un complément en vitamines destinées aux nourrissons, dès lors que cette publication s’inscrivait dans un débat d’intérêt général sur la santé publique et que l’Agence française de sécurité sanitaire avait suspendu la commercialisation de ces vitamines après des malaises de nourrissons.

En revanche, une entreprise excède les limites de la libre critique en laissant croire que les professionnels de l’immobilier en général, dont les agents immobiliers, réalisent des profits excessifs sur le dos des particuliers et usent de procédés délictueux dans l’exercice de leurs activités (CA Paris 9-12-1992 n° 90-22437 : D. 1994 som. p. 223 note Y. Serra).

Ont commis également une faute ouvrant droit à réparation l’éditeur et le directeur de la rédaction d’une revue qui ont publié un article critiquant d’une manière virulente la qualité des pneumatiques distribués par une entreprise sans aucune référence à des études sérieuses et sans que les griefs indiqués soient établis (CA Versailles 28-6-1993 : RJDA 12/93 n° 1109). De même, l’éditeur d’un guide commercial outrepasse son droit de libre critique et se rend coupable de dénigrement en mettant en cause implicitement l’honnêteté de l’exploitant d’un magasin (CA Paris 14-4-1995 : RJDA 10/95 n° 1184).

La critique exercée de façon humoristique ou caricaturale n’est pas répréhensible. Il a ainsi été jugé que n’étaient pas dénigrants les propos mettant en cause les véhicules d’une marque automobile tenus dans le cadre d’une émission satirique diffusée par une entreprise de communication audiovisuelle et qui ne pouvaient être dissociés de la caricature du président-directeur général, de sorte que ces propos relevaient de la liberté d’expression sans créer aucun risque de confusion entre la réalité et l’œuvre satirique.

Toutefois, même humoristique, la critique peut devenir fautive lorsqu’elle outrepasse certaines limites. Ainsi, était constitutive d’un dénigrement la diffusion d’un spot publicitaire destiné à promouvoir une boisson gazeuse à l’orange et sans sucre, présentant le sucre sous la forme d’un personnage ridicule et donnant du produit une image dévalorisante, dès lors qu’à travers cette image il était porté une appréciation péjorative sur le sucre et que le message contribuait à la dégradation, dans l’esprit des consommateurs, de l’image de ce produit.

III. Exactitude des allégations

Des allégations peuvent être constitutives d’un dénigrement même si l’information est de notoriété publique. Peu importe également que celle-ci soit ou non exacte. Il a ainsi été jugé que constitue un acte de dénigrement la diffusion d’une brochure critiquant le produit d’un concurrent même si le procédé de fabrication a été remis en question ultérieurement par celui-ci.

La Cour de cassation a récemment apporté un bémol à cette solution : lorsque les informations divulguées en termes mesurés se rapportent à un sujet d’intérêt général, il n’y a pas dénigrement si elles reposent sur une base factuelle suffisante.

IV. Diffusion des allégations dans le public

Pour constituer un dénigrement, il faut que la critique malveillante soit diffusée dans le public. Il n’est pas nécessaire que cette diffusion présente une certaine ampleur. Par exemple, sont répréhensibles les propos tenus par un dirigeant à l’égard d’une autre société et figurant dans le rapport de gestion déposé au registre du commerce, compte tenu de la violence des termes employés et de la publicité, si réduite soit-elle, dont bénéficie ce rapport. Constitue également un dénigrement le fait d’adresser, sous couvert de demande de renseignements, des informations malveillantes à un seul client du concurrent.

En revanche, ne constitue pas un dénigrement fautif des propos diffusés dans un document à usage interne, par exemple un bulletin destiné exclusivement aux services commerciaux d’une entreprise (CA Paris 21-1-1959 n° 2635, 4e ch. : JCP G 1959 II n° 11334 note A. Chavanne) ou une lettre circulaire adressée par une entreprise à son réseau de distributeurs (CA Paris 3-7-1991 : RJDA 10/91 n° 863).

Mais il peut y avoir abus de langage : des « notes internes » peuvent en fait avoir pour objet la diffusion à l’extérieur des informations qu’elles contiennent ; elles sont alors constitutives de concurrence déloyale. Il en a été jugé ainsi dans un cas où les destinataires d’une note interne avaient été invités à en répercuter le contenu auprès de la clientèle, consigne qui avait été respectée.

En cas d’élaboration de documents commerciaux internes, il convient donc d’attirer clairement l’attention des utilisateurs sur la stricte confidentialité de ces documents.

En définitive, l’infraction de diffamation suppose l’imputation de faits précis caractérisant une atteinte à l’honneur, à la réputation d’une personne, conformément à l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881. Quant au dénigrement, il consiste à jeter le discrédit sur un concurrent en critiquant ses produits ou sa personnalité, afin de détourner sa clientèle. Il constitue un acte de concurrence déloyale. Compte tenu de ces définitions, si des commentaires ne se réfèrent pas à une personne en particulier, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale, ils demeureront non punissables du chef de diffamation.

A cet égard, la Cour de cassation a toujours considéré que lorsque les critiques portent sur des produits ou des services sans concerner une personne, aucune action en diffamation ne peut être retenue, l’action en dénigrement pouvant, à l’inverse, être recevable (Civ. 2e, 5 juill. 2000, Bull. civ. II, n° 109 ; D. 2000. AJ. 359, obs. A. Marmontel ; 8 avr. 2004, Bull. civ. II, n° 182). La différenciation de ces deux actions est alors simple. Elle devient, par contre, plus difficile lorsque les propos sont apparemment diffamatoires et, dans le même temps, créent un dénigrement. Telle était la situation soumise à la Cour de cassation dans l’arrêt rendu par la première Chambre civile le 5 décembre 2006 (Civ. 1re, 5 déc. 2006, Bull. civ. I, n° 532 ; D. 2007. AJ. 17 ; CCC, févr. 2007, Comm. n° 54, note Malaurie-Vignal).

Pour lire une version plus complète de cet article sur diffamation et dénigrement, cliquez

Sources :

Legalis | L’actualité du droit des nouvelles technologies | Tribunal judiciaire de Paris, 17e ch. Presse-civile, jugement du 22 juin 2022
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037474102?isSuggest=true
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007061306?init=true&page=1&query=75-90.239+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007068734?init=true&page=1&query=02-85.113+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027948384?init=true&page=1&query=11-86.311+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007049828?init=true&page=1&query=05-16.437+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007051774?init=true&page=1&query=05-17.710+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041490390?init=true&page=1&query=17-27.778+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043105371?init=true&page=1&query=18-25.204+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007068001?init=true&page=1&query=94-82.647+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037850801?init=true&page=1&query=17-31.758+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032781367?init=true&page=1&query=14-22.710+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037384026?init=true&page=1&query=17-21.457+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007042384?init=true&page=1&query=99-19.004+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007514114?init=true&page=1&query=04-17.203+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007001451?init=true&page=1&query=76-14.793+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028001939?init=true&page=1&query=12-19.790+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007010501?init=true&page=1&query=80-12.819+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041745142?init=true&page=1&query=18-15.651+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007417599?init=true&page=1&query=98-18.352+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000006988101?init=true&page=1&query=71-10.207+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007395915?init=true&page=1&query=96-22.225+&searchField=ALL&tab_selection=all

 

COMMENT IDENTIFIER L’AUTEUR D’UN COMPTE FACEBOOK DIFFAMANT ?

En publiant des messages sur les réseaux sociaux, le titulaire d’un compte est par principe responsable du contenu publié, il est directeur de publication au sens de la loi de la presse. Cette qualification est déterminante : le titulaire d’un compte répondra comme auteur principal de tout ce qui est publié sur le compte.

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Cependant, il est parfois difficile de déterminer qui est le titulaire du compte, qui est l’auteur des propos potentiellement répréhensibles.

Un de ses habitants est titulaire d’une page Facebook consacrée à cette ville. Il lui est reproché, en qualité de directeur de la publication, d’avoir diffusé des propos diffamatoires à l’encontre du maire. Or, il conteste avoir cette qualité.

Néanmoins, suite à une ordonnance sur requête, la société Facebook Ireland Limited a communiqué les données de création du compte, dont un numéro de téléphone vérifié qui correspond bien au titulaire du compte.

Pour valider la création d’un compte, il faut confirmer le numéro de mobile par un chiffre envoyé par SMS. Pour s’opposer à ces éléments, il prétend, sans le prouver, que quelqu’un lui aurait emprunté à son insu son portable pour effectuer cette opération.

Le tribunal a rejeté cet argument au motif suivant : « il résulte de ces éléments, qu’il est établi que M. Y. est à l’origine de la création de la page Facebook et à ce titre dispose de tous les éléments utiles à sa gestion et notamment les publications qui y figurent. Par conséquent, il y a lieu de le considérer comme directeur de publication ».


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La diffamation étant établie, il est condamné, en sa qualité de directeur de la publication, à payer une amende de 500 €. Il est par ailleurs tenu de retirer le post litigieux sous astreinte de 1 000 € et de publier le dispositif du jugement pendant trois mois.

Il doit de plus verser au maire de la ville 1 000 € de dommages-intérêts au titre du préjudice moral et 1 500 € au titre des frais engagés pour se défendre (TJ Fontainebleau, 6 déc. 2021, M. X. c./ M. Y., Legalis).

I. La création de la page Facebook

A. Directeur de publication

Rappelons la teneur de l’article 93-2 :

« Tout service de communication au public par voie électronique est tenu d’avoir un directeur de la publication.

Lorsque le directeur de la publication jouit de l’immunité parlementaire dans les conditions prévues par l’article 26 de la Constitution et par les articles 9 et 10 du protocole du 8 avril 1965 sur les privilèges et immunités des communautés européennes, il désigne un codirecteur de la publication choisi parmi les personnes ne bénéficiant pas de l’immunité parlementaire et, lorsque le service de communication est assuré par une personne morale, parmi les membres de l’association, du conseil d’administration, du directoire ou les gérants, suivant la forme de ladite personne morale.

Le codirecteur de la publication doit être nommé dans le délai d’un mois à compter de la date à partir de laquelle le directeur de la publication bénéficie de l’immunité mentionnée à l’alinéa précédent.

Le directeur et, éventuellement, le codirecteur de la publication doivent être majeurs, avoir la jouissance de leurs droits civils et n’être privés de leurs droits civiques par aucune condamnation judiciaire. Par dérogation, un mineur âgé de seize ans révolus peut être nommé directeur ou codirecteur de la publication réalisée bénévolement. La responsabilité des parents d’un mineur âgé de seize ans révolus nommé directeur ou codirecteur de publication ne peut être engagée, sur le fondement de l’article 1242 du Code civil, que si celui-ci a commis un fait de nature à engager sa propre responsabilité civile dans les conditions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Toutes les obligations légales imposées au directeur de la publication sont applicables au codirecteur de la publication.

Lorsque le service est fourni par une personne morale, le directeur de la publication est le président du directoire ou du conseil d’administration, le gérant ou le représentant légal, suivant la forme de la personne morale.

Lorsque le service est fourni par une personne physique, le directeur de la publication est cette personne physique » (L. no 82-652, 29 juill. 1982, JO 30 juill., art. 93.2).

Quant à l’article 93-3 qui organise la « cascade », dans sa rédaction actuelle, il se présente ainsi :

« Au cas où l’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique, le directeur de la publication ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article 93-2 de la présente loi, le codirecteur de la publication sera poursuivi comme auteur principal, lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public.

À défaut, l’auteur, et à défaut de l’auteur, le producteur sera poursuivi comme auteur principal. Lorsque le directeur ou le codirecteur de la publication sera mis en cause, l’auteur sera poursuivi comme complice.

Pourra également être poursuivi comme complice toute personne à laquelle l’article 121-7 du Code pénal sera applicable.

Lorsque l’infraction résulte du contenu d’un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s’il est établi qu’il n’avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message ».

B. Mise en œuvre

Plusieurs « acteurs » sont donc concernés par les textes cités.

1º) Le directeur de publication, comme en droit de la presse traditionnel, est le responsable de premier rang.

La jurisprudence en donne de bien simples illustrations. C’est par exemple la Cour de Montpellier jugeant qu’un directeur de publication ou un administrateur de blog peut voir sa responsabilité pénale recherchée dès lors que, tenu à un devoir de vérification et de surveillance, il se doit de contrôler les articles publiés sur son site et qu’il peut les filtrer et les retirer du site s’il estime qu’ils sont susceptibles de tomber sous le coup de la loi pénale (CA Montpellier, 3e ch. corr., 23 nov. 2015, Juris-Data no 2015-031812).

Ou celle de Paris qui, rappelant que « les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec intention de nuire, mais (qu’) elles peuvent être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi », condamne, comme tel, le directeur de publication d’un site internet (appartenant au demeurant à un organe de presse connu) pour des affirmations figurant sur ledit site (CA Paris, pôle 2, 7e ch., 26 mai 2021, no 20/01994, LexisNexis).

A même été considéré comme directeur de publication le propriétaire d’un téléphone portable utilisé pour créer un compte Facebook à partir duquel était diffusé des propos diffamatoires à l’encontre du maire d’une commune (TJ Fontainebleau, ch. corr., 3 janv. 2022, <legalis.net>).

On ajoutera que ce directeur ne doit pas être un directeur fantoche et qu’il faut chercher la réalité derrière l’apparence. L’article 6 VI 2 de la loi no 82-652 du 29 juillet 1982 prévoit d’ailleurs qu’« est puni d’un an d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende le fait, pour une personne physique ou le dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale exerçant l’activité définie au III. de ne pas avoir respecté les prescriptions de ce même article », les personnes morales pouvant également faire l’objet de sanctions pénales.

C’est donc sans surprise que, dans une affaire intéressant le site d’une association tournée vers des discours racistes et de haine, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi contre l’arrêt qui avait condamné à une peine de trois mois de prison avec sursis et de 5 000 € d’amende le président de l’association en cause (Cass. crim., 22 janv. 2019, RLDI 2019/157 no 5363, Juris-Data no 2019-000642 ; et l’article Legris-Dupeux C., Soral directeur du site Egalité et Réconciliation : suite et fin de la saga judiciaire, RLDI 2019/159, no 5390).

Celui-ci n’avait rien trouvé de mieux que de désigner comme directeur et directeur adjoint de la publication du site, deux délinquants « non seulement incarcérés, mais [dont] l’enquête [avait] permis d’établir qu’ils n’étaient pas en contact avec l’extérieur de la maison centrale où ils purgent leur peine, n’ayant pas accès à internet et ne recevant pas ou plus de visites depuis longtemps » (pour reprendre les motifs de l’arrêt d’appel) !

Le fait est que, si à la qualité de directeur de publication répond à un statut propre, la détermination de qui est directeur est pour une large part factuelle.

2º) L’auteur vient ensuite.

A cet égard, un arrêt de la Cour de cassation de janvier 2020 insiste sur le pouvoir d’appréciation des juges du fond qui peuvent relaxer le directeur de publication et sanctionner « l’auteur » au sens du texte (Cass. crim., 7 janv.r 2020, Juris-Data no 2020-000154) :

« L’arrêt, après avoir rappelé que l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle dispose que le directeur de la publication sera poursuivi comme auteur principal lorsque le message incriminé a fait l’objet d’une fixation préalable à sa communication au public et, qu’à défaut, l’auteur des propos sera poursuivi comme auteur principal, énonce que le directeur de la publication a été relaxé, de sorte que le tribunal a pu condamner en qualité d’auteur principal de l’infraction de diffamation M. B., initialement poursuivi comme complice en qualité d’auteur dudit message ;

Attendu qu’en se déterminant ainsi, et dès lors que, d’une part, la juridiction correctionnelle a le pouvoir d’apprécier le mode de participation du prévenu aux faits spécifiés et qualifiés dans l’acte de poursuite, les restrictions que la loi sur la presse impose aux pouvoirs de cette juridiction étant relatives uniquement à la qualification du fait incriminé, d’autre part, l’auteur du propos poursuivi, non pas comme complice de droit commun au sens de l’alinéa 4 de l’article 93- 3 précité et des articles 121-6 et 121-7 du Code pénal, mais en qualité de complice au sens de l’alinéa 3 du premier de ces articles, aux côtés du directeur de la publication poursuivi en qualité d’auteur principal, est, en cas de relaxe de ce dernier, susceptible d’être condamné en qualité d’auteur principal de l’infraction, la cour d’appel a fait une exacte application des textes susvisés ».

II. Diffamation

A. Élément matériel

La diffamation exige la réunion de quatre éléments : une allégation ou une imputation ; un fait déterminé ; une atteinte à l’honneur ou à la considération ; une personne ou un corps identifié ; la publicité.

l’allégation consiste à reprendre, répéter ou reproduire des propos ou des écrits attribués à un tiers contenant des imputations diffamatoires ; l’imputation s’entend de l’affirmation personnelle d’un fait dont son auteur endosse la responsabilité ;

l’imputation ou l’allégation doit porter sur un fait déterminé, susceptible de preuve ;

l’atteinte à l’honneur consiste à toucher à l’intimité d’une personne, en lui imputant des manquements à la probité ou un comportement moralement inadmissible ; l’atteinte à la considération consiste à troubler sa position sociale ou professionnelle, attenter à l’idée que les autres ont pu s’en faire ;

la diffamation doit viser une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours ou écrits ;

la publicité résulte de l’utilisation de l’un des moyens énoncés par l’article 23 ; elle suppose une diffusion dans des lieux ou réunions publics.

B. Élément moral et sanction

Il consiste en l’intention de porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps diffamé et il est classiquement présumé.

Diffamation envers les corps ou personnes désignés par les articles 30 et 31 : amende de 45 000 €.

Diffamation envers les particuliers : amende de 12 000 € (un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende si la diffamation a un caractère racial, ethnique ou religieux, ou a été commise à raison du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ou du handicap, le tribunal pouvant ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision et la peine de stage de citoyenneté).

Diffamation non publique : amende de 38 € (750 € si elle est raciste ou discriminatoire).

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Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000030381677
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042372058?init=true&page=1&query=19-82.124&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000039307169?init=true&page=1&query=17-86.605&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000041701611?init=true&page=1&query=18-85.418&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036930201?init=true&page=1&query=17-82.663+&searchField=ALL&tab_selection=all