A propos de Murielle Cahen

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Articles de Murielle Cahen:

ENTREPRENEUR INDIVIDUEL ET EIRL

L’EIRL est un nouveau type de sociétés avait fait son apparition en 2010. Celle-ci a pour but de fournir une protection efficace à l’entrepreneur individuel. Ce type de société connaît alors un fort succès, car elle permet à l’entrepreneur de séparer son actif et son passif professionnel du reste de son patrimoine personnel. 

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L’EIRL a été introduite en droit français par la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 qui vise avant tout à protéger les biens non professionnels de l’entrepreneur des poursuites des créanciers liés à l’activité professionnelle. L’idée de fournir une telle protection à l’entrepreneur individuel ne date pas d’hier, mais le besoin de cette protection est aujourd’hui accentué par la multiplication des entreprises individuelles induite par la création de l’autoentrepreneur (LME n° 2008-776, 4 août 2008). En outre, en protégeant davantage l’entrepreneur individuel, le législateur espère attirer de nouveaux entrants vers la création d’entreprise.

Il était question de permettre à l’entrepreneur individuel de séparer son actif et son passif professionnel du reste de son patrimoine. C’est particulièrement intéressant pour les entrepreneurs se dirigeant vers ce statut, car elle conduit à la dissociation de l’entreprise et de l’entrepreneur.

L’EIRL permet à tout entrepreneur individuel, créateur ou qui exerce déjà une activité commerciale, artisanale ou agricole, quel que soit son chiffre d’affaire, de protéger ses biens personnels des risques liés à son activité professionnelle (…) « . Il est, par la suite, précisé que  » l’esprit d’entreprise est encouragé, en évitant que la faillite d’une entreprise soit synonyme de ruine personnelle et familiale « . Cependant ce statut, s’il est très permissible et pratique, demeure relativement peu protégé.


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Le régime de l’autoentrepreneur, quant à lui, a été créé par la loi de modernisation de l’économie de 2008. Il permet notamment aux entrepreneurs individuels de bénéficier d’un régime fiscal, comptable et social simplifié. Régime très apprécié, l’INSEE a révélé qu’aujourd’hui plus de la moitié des entrepreneurs français sont soumis à ce statut.

Peu de conditions sont nécessaires pour pouvoir bénéficier d’un tel statut : être une personne physique, créer une entreprise individuelle, exercer une activité artisanale, commerciale ou libérale, et aussi bien à titre principal que complémentaire. Aucune autre qualification n’est requise. L’idée de permettre à l’entrepreneur individuel de séparer son actif et son passif professionnel du reste de son patrimoine est particulièrement intéressante, car elle conduit à la dissociation de l’entreprise et de l’entrepreneur.

D’abord, il conviendra d’exposer le nouveau statut juridique de l’entrepreneur individuel (1), puis de décrire le fonctionnement de son patrimoine d’affectation (2).

I. Vers la création d’un statut juridique de l’entrepreneur individuel

« EIRL » fait référence à « Entrepreneur individuel à responsabilité limitée ». Par conséquent, l’EIRL désigne une personne physique, un entrepreneur individuel (C. com., art. L. 526-6, al. 1er). Comme indiqué précédemment, on peut regretter le mélange des genres réalisé par le législateur. En effet, l’article 2 de la loi du 15 juin 2010 évoque « l’entreprise individuelle à responsabilité limitée ». Alors EIRL, entrepreneur ou entreprise ? Il semble qu’il faille opter pour la première solution.

Il convient de préciser que l’EIRL n’est pas une nouvelle forme juridique pour l’entrepreneur individuel, puisque EIRL ou non, l’exploitation est toujours réalisée en nom propre, sans le relais d’une société. De même, malgré le risque de requalification de l’EIRL en personne morale par le juge, l’article L. 526-6, alinéa 1er indique clairement que l’entrepreneur peut affecter un patrimoine séparé de son patrimoine personnel à une activité professionnelle sans création d’une personne morale.

Ainsi, requalifier l’EIRL pourrait ressembler à un non-respect de la loi par le juge. Par ailleurs, l’article 1832, alinéa 2 du Code civil dispose qu’une société peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une seule personne. Par conséquent, requalifier une EIRL reviendrait également à méconnaître cette disposition légale. Le doute quant à un éventuel risque de requalification par le juge, disparaît donc.

Cela dit, l’’EIRL, qui désigne l’entrepreneur et non formellement l’entreprise, désigne une institution juridique destinée à « tout entrepreneur individuel ». On peut considérer que si la nouvelle loi ne définit pas ce qu’est l’entrepreneur individuel, c’est parce que cela va de soi. Serait concernée toute personne physique qui se livre à une activité d’entreprise (commerciale, agricole, artisanale, libérale) sans recourir à une structure dotée de la personnalité morale ou à une organisation non personnifiée, qui ferait de l’entrepreneur individuel un entrepreneur « collectif ».

Il convient de mentionner que la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 dite PACTE, créant le nouvel article L.526-5-1du Code de commerce, impose désormais aux créateurs d’entreprise l’obligation de choisir pour l’exercice de leur activité entre le statut de l’entrepreneur individuel classique ou celui de l’EIRL.

Néanmoins, une question sensible subsiste, qui est celle de la nécessité de l’exercice à titre professionnel de cette activité d’entreprise. Si c’est une « activité professionnelle » qui est exercée par l’EIRL, l’autoentrepreneur est-il concerné ? Sans doute, dès lors que sont visés aussi, incidemment, des entrepreneurs qui ne sont pas tenus de s’immatriculer à un registre de publicité légale (C. com., art. L. 526-7, 3°). Mais cela concerne-t-il tous les autoentrepreneurs ? La question reste ouverte.

En admettant que l’EIRL ne soit pas une personne morale, il n’est pas inutile de se demander si cette forme sociétale rencontrera le succès escompté. Sans que l’on puisse aller jusqu’à dire que la société unipersonnelle (SASU) est un échec, il apparaît que le nombre d’entrepreneurs individuels est très élevé, alors pourtant que les conditions de constitution et de fonctionnement d’une EURL ou d’une SASU sont aujourd’hui peu contraignantes. Dès lors, n’est-ce pas un pari trop audacieux que de mettre à disposition des entrepreneurs individuels une organisation juridique supplémentaire, s’appréhendant moins facilement encore que la société unipersonnelle ?

Également, les dispositions de l’EIRL sont insérées dans le livre V du Code de commerce, composé d’un titre premier traitant des effets de commerce et d’un titre second relatif aux garanties. Les articles L. 526-6 et suivants font partie du chapitre VI de ce titre, intitulé « de la protection de l’entrepreneur individuel et du conjoint ».

Le législateur, dans ses conditions, n’a-t-il pas manqué l’occasion de créer un véritable statut juridique de l’entrepreneur individuel, affirmant ainsi que le choix de cette forme juridique d’exploitation mise à disposition des entrepreneurs ?

Enfin, le dispositif EIRL concerne aussi bien les commerçants que les artisans, ainsi que toute profession exercée en nom propre. Ne serait-il alors pas possible d’envisager une autre codification, plus large, relative à l’entreprise individuelle commerciale et artisanale ?

 

II. Le fonctionnement du patrimoine de l’EIRL

« Pour l’exercice de son activité en tant qu’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’entrepreneur individuel affecte à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale, dans les conditions prévues à l’article L. 526-7. ». Il s’agit de la nouvelle règle énoncée à l’alinéa 1er de l’article L. 526-6 du Code de commerce issu de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019.

A ce titre, si l’institution de l’EIRL donne naissance à un patrimoine affecté, ou distinct, l’entrepreneur individuel est donc une personne physique placée à la tête de deux patrimoines, voire plus lorsque la possibilité en aura été ouverte, à compter du 1 janvier 2013. L’objectif premier de l’institution de l’EIRL était véritablement de soustraire une partie des biens de l’entrepreneur individuel aux poursuites de ses créanciers.

Il y’a quelques années, la constitution du patrimoine affecté résultait d’une déclaration faite au registre de publicité légale auquel l’entrepreneur est tenu de s’immatriculer ou, à défaut, à un registre ad hoc. Cela dit, avec l’adoption de la loi PACTE du 22 mai 2019, le dépôt formel d’une déclaration d’affectation du patrimoine auprès du registre de publicité légale a été supprimé et remplacé par une simple déclaration (C. com., art. L. 526-7). Ce patrimoine est doté d’un contenu minimum et obligatoire. Il est en effet « composé de l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire, nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle » (C. com., art. L. 526-6, al. 3).

L’entrepreneur individuel peut, au-delà de ce minimum, décider d’affecter au patrimoine professionnel créé par la loi les biens, droits, obligations ou sûretés dont il est titulaire et qui sont utilisés pour l’exercice de son activité professionnelle, sans toutefois être nécessaires à cette activité.

Ainsi, certains biens seront nécessairement inclus dans le patrimoine affecté tandis que d’autres ne le seront que par choix.

Il convient toutefois de s’interroger sur l’impossibilité que des patrimoines affectés soient tenus simultanément d’une même dette, puisqu’une obligation ne peut entrer dans la composition de plusieurs patrimoines affectés.

En cas d’impossibilité pour les créanciers de se satisfaire sur l’un des patrimoines de l’EIRL. la loi nouvelle ne prévoit rien, mis à part que le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de sa publication, les dispositions nécessaires pour adapter au patrimoine affecté de l’EIRL les dispositions du Livre VI du Code de commerce relatives aux difficultés des entreprises, et permettant notamment à l’EIRL de bénéficier des procédures de prévention des difficultés des entreprises, du mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire (Article 8 de la loi).

Il convient de noter que la composition du patrimoine affecté fait par ailleurs l’objet d’un certain nombre de règles contraignantes, pour protéger les intérêts des créanciers de l’EIRL. Le dépôt de la déclaration « constitutive » de l’EIRL doit ainsi comporter un état descriptif du patrimoine affecté, indiquant notamment la nature, la qualité, la quantité et la valeur des biens, droits, obligations ou sûretés qu’il affecte à son activité professionnelle qui y figurent (C. com., art. L. 526-8). Cet article dispose également que « en l’absence de bien, droit, obligation ou sûreté affectés (…), aucun état descriptif n’est établi ». En d’autres termes, il est possible de se déclarer comme EIRL sans affectation de patrimoine. Cette position remet en cause une jurisprudence de la Cour de cassation dans laquelle elle avait considéré que le fait qu’un entrepreneur individuel s’est déclaré EIRL sans avoir indiqué la composition de son patrimoine d’affectation, constituait un manquement grave à ses obligations et justifiant ainsi la réunion de ses patrimoines.

Les biens d’une valeur supérieure à un montant qui sera fixé par décret feront l’objet d’une évaluation par une personne relevant de l’une des catégories visées par la loi : commissaires aux comptes, experts-comptables, associations de gestion et de comptabilité et notaires, ces derniers ne pouvant évaluer que les biens immobiliers (C. com., art. L. 526-9 et -10).

Néanmoins, l’avènement de la loi PACTE du 22 mai 2019, a permis de supprimer l’obligation de faire intervenir un expert en cas d’affectation des biens d’une valeur déclarée supérieure à 30 000 €.

En outre, l’affectation cesse lorsque l’entrepreneur y renonce ou lorsqu’il décède, sauf à ce que l’un de ses héritiers reprenne le patrimoine affecté, sous réserve de respecter les règles successorales.

Par ailleurs, le patrimoine affecté peut faire l’objet d’une cession à titre onéreux, d’une transmission à titre gratuit entre vifs, ou être apporté à une société.

Il est force de constater qu’une partie de la doctrine estime que « l’unité du patrimoine n’existe plus ». À l’opposé, une autre partie de la doctrine se demande si, finalement, le patrimoine d’affectation ainsi envisagé ne serait pas un simple gage limité au profit des créanciers professionnels de l’entrepreneur individuel plus qu’un patrimoine d’affectation ?

Le patrimoine d’affectation tel qu’il est envisagé par la loi du 15 juin 2010 démontre qu’il ne crée pas de cloisonnement absolu, et qu’il n’y a pas d’étanchéité parfaite entre le patrimoine affecté et le patrimoine non affecté.

Le patrimoine d’affection de l’EIRL serait davantage qu’une simple universalité de fait. Cependant, l’analyse de la nature juridique du patrimoine d’affectation n’est pas achevée, et elle reste conditionnée par la publication d’une ordonnance qui devrait intervenir avant fin 2010.

L’adoption de la loi PACTE a assoupli considérablement les règles d’affectation. Désormais, il est possible de créer une EIRL sans l’obligation d’avoir des biens affectés uniquement au patrimoine professionnel. Le fait de ne pas déclarer un patrimoine utilisé uniquement pour l’activité professionnelle n’entraîne pas la suppression du statut EIRL.

Cette loi récente prévoit également l’hypothèse du retrait d’un bien du patrimoine d’affectation pour que celui-ci intègre le patrimoine personnel.

Pour lire une version plus complète de cet article sur l’EIRL, cliquez ici

Sources :

  • : LOI n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises
  • : Cass. com. 7 févr. 2018, n° 16-20352
  • :DELPECH Xavier, Loi PACTE : une nouvelle réforme pour l’EIRL ; https://www.dalloz-actualite.fr/flash/loi-pacte-une-nouvelle-reforme-pour-l-eirl#.YcCLHS3pO3U

LES CLAUSES SENSIBLES DANS UN CONTRAT INFORMATIQUE

Les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité, tout comme des clauses de prescription sont insérées dans la plupart des contrats informatiques. La jurisprudence par un arrêt Oracle Faurécia en 2010 a énoncé une solution claire, mettant fin aux doutes qui régnait en en matière de clause limitative ou exclusive de responsabilité, la clause relative à la prescription quant à elle, a subi une libéralisation grâce à la nouvelle loi sur la prescription.

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Tout d’abord, la clause limitative ou exclusive de responsabilité  a pour objet d’exclure ou de limiter tout ou partie des responsabilités d’une partie à un contrat.

Ces clauses sont valables et il est possible de les insérer dans un contrat informatique. Cependant, la présence d’une telle clause dans un contrat entre un professionnel et un consommateur, étant considérée comme abusive par l’article R212-1 du code de la consommation, sera réputée non écrite. Sur ce point, la Cour de cassation réaffirme, dans un arrêt rendu le 11 décembre 2019, que : « sont irréfragablement présumées abusives et dès lors interdites, les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou réduire le droit à réparation du préjudice subi par le consommateur en cas de manquement par le professionnel à l’une quelconque de ses obligations. ». (1)

Il convient de préciser que ces clauses sont valables si le débiteur commet une faute peu sévère ou ordinaire, mais si le créancier démontre que le débiteur a commis une faute lourde ou dolosive alors la clause ne pourra plus s’appliquer.

L’influence du caractère essentiel de l’obligation peut rendre inefficace la clause limitative ou exclusive de responsabilité. Sur ce point, la Cour de cassation a rendu des décisions reflétant divers points de vue. En effet, par un premier arrêt dit Chronopost I du 22 octobre 1996 la cour de cassation énonce que « spécialiste du transport rapide garantissant la fiabilité et la célérité de son service, la société Chronopost s’était engagée à livrer les plis de la société B. dans un délai déterminé et qu’en raison du manquement à cette obligation essentielle la clause limitative de responsabilité du contrat qui contredisait la portée de l’engagement pris, devait être réputée non écrite ».


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La Cour de cassation, par ce premier arrêt de la série, estime qu’en limitant la réparation au remboursement du prix du transport la clause vidait l’obligation du débiteur de sa substance ; ici il n’était pas question d’une clause limitative de responsabilité, car elle permettait de couvrir une inexécution, il s’agissait alors d’une clause exclusive de responsabilité. Dans cet arrêt, le plafond d’indemnisation fixé par la clause était dérisoire, ce qui permettait alors au débiteur de ne pas exécuter son obligation.

Ensuite, plusieurs arrêts sont intervenus en la matière, mais le plus intéressant, le plus discutable est celui rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation, le 13 février 2007 Oracle Faurécia. Dans cet arrêt la cour énonçait qu’il suffisait qu’une clause aménage la sanction de l’inexécution d’une obligation essentielle pour qu’elle soit réputée non écrite. Avec une telle décision, les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité devenaient compromises, puisqu’il est rare qu’une clause concerne une obligation accessoire au contrat.

Cette jurisprudence n’a pas été épargnée par les critiques par les critiques des doctrinaux. Cela a poussé la Cour de cassation à réaffirmer de manière claire sa position dans un second arrêt Oracle Faurécia du 29 juin 2010, c’est alors cet arrêt qu’il sera opportun d’étudier pour comprendre le fonctionnement de ladite clause, et l’interprétation qu’en a tiré le législateur, notamment à travers l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.

Quant à la clause de prescription, c’est le code civil à l’article 2254 qui énonce les conditions dans lesquelles les parties peuvent aménager de manière conventionnelle la prescription. Les clauses de prescription permettent d’aménager conventionnellement dans un contrat la prescription.

La loi du 17 juin 2008 qui a permis aux parties d’aménager la prescription, elles pourront allonger ou abréger la durée de la prescription, mais aussi ajouter des causes de suspension ou d’interruption de la prescription. La loi souligne le fait que cette clause ne pourra pas s’appliquer pour les actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées, et plus généralement aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à termes périodiques plus courts.

En outre, depuis l’ordonnance du 14 mars 2016, l’article L218-1 du Code de la consommation, , énonce que par dérogations les parties aux contrats conclus entre un professionnel et un consommateur ne peuvent pas même d’un commun accord modifier la durée de la prescription ni même ajouter des causes de suspension ou d’interruption de celle-ci. Cette limitation a pour but de protéger le consommateur , qui pourrait se voir imposer une prescription courte par le professionnel, partie forte au contrat. D’ailleurs, cette limitation est reprise par l’article L114-3 du code des assurances.

Il convient de noter que l’ancien article 2220 du code civil ne permettait pas aux parties d’aménager la prescription, cependant depuis un arrêt de la Cour de cassation du 1er février 1853 il est admis la possibilité d’aménager contractuellement les délais de prescription (Cass. civ., 1er févr. 1853, DP 1853, I, p. 77). Ainsi, la Cour de cassation a pu énoncer « attendu en droit que la disposition de l’article 2220 du Code civil qui défend de renoncer à la prescription et de rendre ainsi les actions perpétuelles, se concilie, loin d’en recevoir aucune atteinte, avec les stipulations qui tendent à renfermer l’exercice de certaines actions dans les limites plus étroites que celles fixées par la loi » (Cass. civ., 4 déc. 1895, DP 1896, I, p. 241).

De surcroît, un arrêt du 25 juin 2002 a admis la possibilité d’ajouter une cause de suspension de la prescription de manière contractuelle (Cass. 1re civ., 25 juin 2002, nos 00-14.590 et 00-14.591, Bull. civ. I, n° 174, D. 2003, p. 155, note Stoffel-Munck Ph.).

Le législateur a introduit une nouvelle disposition libérale concernant la prescription, c’est pourquoi il est tout aussi important d’en étudier l’impact sur le régime contractuel.

A cet égard, il convient tout d’abord d’observer l’impact de la nouvelle jurisprudence Oracle Faurécia sur les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité de son interprétation par le législateur, notamment concernant la faute lourde et l’obligation essentielle dans un contrat informatique (I), pour ensuite étudier les conséquences de la libéralisation faite par la loi de 2008, et reprise par l’ordonnance de 2016,  sur les clauses de prescriptions (II).

I. Les clauses limitatives ou exclusives de responsabilité : l’appréciation de la faute lourde et de l’obligation essentielle du contrat

La Cour de cassation dans l’arrêt Faurécia énonce qu’il faut apprécier la faute lourde de manière subjective (A), de plus celle-ci affirme sa position concernant l’impact de l’obligation essentielle sur la clause limitative ou exclusive de responsabilité (B).

A) La réaffirmation de l’appréciation subjective de la faute lourde

Sachant que la faute lourde permet de rendre inefficace la clause limitative ou exclusive de responsabilité, la Cour de cassation vient confirmer et d’entériner, par cet arrêt, sa position jurisprudentielle selon laquelle la faute lourde doit être appréciée objectivement. La cour énonce sur ce point que « la faute lourde ne saurait résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ».

Ainsi, il semblerait que la faute lourde va dépendre du comportement du débiteur, elle consiste en une erreur grossière, en un écart particulièrement grave de conduite, une négligence d’une extrême gravité. La Cour de cassation adopte une appréciation subjective de la faute lourde, mais pendant longtemps la cour a adopté une appréciation objective de la faute lourde. Ainsi le seul moyen pour ne pas appliquer la clause limitative de responsabilité était d’invoquer la faute lourde ou le dol de son débiteur. Mais l’appréciation de la faute reposait sur l’interprétation de l’article 1150 du Code civil qui énonce que « Le débiteur n’est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu’on a pu prévoir lors du contrat, lorsque ce n’est point par son dol que l’obligation n’est point exécutée ».

Cette appréciation de la faute lourde dépendait plus précisément de deux déformations que subissait cet article : l’article avait été élargi par la cour puisque la faute lourde était devenue l’équivalent du dol, de plus l’inexécution d’une obligation essentielle était qualifiée de faute lourde dite objective.

La faute lourde était assimilée au manquement à une obligation essentielle. C’est par deux arrêts de la chambre mixte de la Cour de cassation du 22 avril 2005 (Cass. ch. mixte, 22 avr. 2005, nos 02-18.326 et 03-14.112) que l’appréciation objective de la faute lourde a été abandonnée : « la faute lourde de nature à tenir en échec la limitation d’indemnisation prévue par le contrat type ne saurait résulter du seul fait pour le transporteur de ne pouvoir fournir d’éclaircissement sur la cause du retard […] seule une faute lourde caractérisée par une négligence d’une extrême gravité confiant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de sa mission contractuelle peut mettre en échec la limitation d’indemnisation prévue au contrat type ».

En adoptant cette position, la cour réaffirme que le simple manquement à une obligation essentielle ne peut pas suffire à soulever une faute lourde, il faut caractériser un comportement grave du débiteur.

En outre,dans arrêt de la Cour d’appel de Versailles, rendu le 3 mai 2018, celle-ci s’est alignée sur la jurisprudence de la Cour de cassation en affirmant que la faute lourde s’apprécie subjectivement en fonction de la gravité du comportement du débiteur et non pas sur la base de la nature de l’obligation violée. Les juges réaffirment que la faute lourde rend inefficace la clause limitative de responsabilité prévue au contrat. (3)

B) Clause limitative ou exclusive de responsabilité et l’obligation essentielle

La Cour de cassation, par un arrêt rendu le 22 octobre 1996, retient qu’en raison d’un manquement à une obligation essentielle la clause limitative de responsabilité qui contredisait la portée de l’engagement devait être réputée non écrite. Cependant au fil des jurisprudences on observe que les juges sont devenus de plus en plus stricts dans l’appréciation de la clause limitative ou exclusive de responsabilité. Ainsi le seul manquement à une obligation essentielle au contrat permettait de rendre nulle la clause.

L’arrêt du 29 juin 2010 Oracle Faurécia corrige les doutes émis concernant le lien existant entre l’obligation essentielle du contrat et la clause limitative de responsabilité.

En l’espèce, une société avait conclu un contrat de licence ,de maintenance , de formation et un contrat de mise en œuvre d’un progiciel avec une société informatique. Une version provisoire a été installée, mais la version définitive n’a jamais été livrée. C’est pourquoi la société n’a pas payé les redevances du prestataire.

Saisie de cette affaire le 31 mars 2005, la cour d’appel de Versailles a reconnu que le prestataire n’avait pas respecté ses obligations, mais la cour retient la validité de la clause limitative de responsabilité qui était insérée dans le contrat, ce qui a alors atténué le montant de l’allocation de dommages et intérêts. Mais la Cour de cassation en 2007 (Cass. Com 13 février 2007) a estimé au contraire qu’il s’agissait d’un manquement à une obligation essentielle qui est alors « de nature à faire échec à l’application de la clause limitative de réparation ».

Il était question de savoir en l’espèce si le manquement à une obligation essentielle suffisait à écarter la clause limitative de responsabilité.

La Cour de cassation dans l’arrêt de 2010 vient mettre un terme à l’hésitation jurisprudentielle en précisant que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ».

En effet, cet arrêt invite le juge à se livrer à une analyse concrète du contenu contractuel afin de savoir si la limitation de responsabilité contredit ou non la portée de l’obligation essentielle du débiteur. En l’espèce la cour considère que le plafond d’indemnisation n’était pas dérisoire et que la limitation de responsabilité avait été calculé en prenant en compte des éléments extérieurs au contrat. Ainsi, la limitation de responsabilité était compensée par d’autres avantages accordés au créancier de l’obligation inexécutée. C’est pourquoi, la limitation de responsabilité ne contredisait pas en l’espèce la portée de l’obligation essentielle.

Ensuite, le législateur est intervenu pour assurer une véritable pérennisation du régime applicable. Sous la consécration de l’article 1170 du Code civil (modifié par l’ordonnance du 10 février 2016), qui précise que « toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite », c’est désormais toute clause portant atteinte à une obligation essentielle du contrat qui est concernée par cette censure : tant que l’existence au sein du contrat d’une obligation essentielle et d’une clause limitative la vidant de sa substance sont prouvées (conditions cumulatives dont les définitions peuvent être tirées des arrêts précités), la sanction pour les clauses portant atteinte à une obligation essentielle du contrat sera celle initialement prévue pour les clauses abusives uniquement : elles seront réputées non écrites.

Dans un arrêt rendu le 28 janvier 2019, la Cour d’appel de Toulouse procède à un contrôle effectif des obligations essentielles du contrat de vente notamment s’agissant de l’obligation de garantie des vices cachés et de l’obligation de délivrance conforme. Les juges rappellent la consistance de l’obligation de délivrance conforme et déduisent l’impossibilité d’usage du bien en question conformément à l’usage attendu en raison des faits litigieux.

La Cour d’appel offre, par cet arrêt, un éclaircissement quant à l’emploi de l’article 1170 du Code civil qui accorde au juge un pouvoir d’immixtion considérable que ce soit sur l’ensemble des contrats ou s’agissant de l’équilibre contractuel. (4)

Cela dit, la clause limitative ou exclusive de réparation n’est pas la seule clause que l’on retrouve souvent dans un contrat informatique, en effet, la clause de prescription y trouve aussi sa place (II).

II. La possible insertion d’une clause de prescription dans un contrat informatique : entre liberté contractuelle et limites légales

La réforme de la prescription consacre la possibilité d’insertion d’une clause de prescription dans un contrat (A), mais certaines limites à cette insertion sont envisageables (B).

A) La consécration de la liberté contractuelle par la loi : la possible insertion d’une clause de prescription dans un contrat informatique

Il est vrai que dans certains types de contrats les parties ne peuvent pas aménager la prescription, ni même organiser la suspension ou l’interruption de la prescription. Toutefois, dans la majorité des contrats cette possibilité est maintenant ouverte depuis la loi de 2008. Celle-ci laisse alors la place à la liberté contractuelle.

L’article 2254 du Code civil énonce en son alinéa premier, le principe selon lequel il est possible de modifier de manière conventionnelle la durée de la prescription : « La durée de la prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties. Elle ne peut toutefois être réduite à moins d’un an ni étendue à plus de dix ans ». Cette durée est encadrée puisqu’elle doit être comprise entre un et dix ans. Cette nouvelle règle est en cohérence avec l’abaissement de la prescription du droit commun qui passe de trente ans, à cinq. Ainsi les parties peuvent librement choisir la durée de prescription qui s’appliquera au contrat, durée qui doit seulement être comprise entre un et dix ans. C’est un espace de liberté donné par le législateur au contractant.

L’article 2224 du Code civil, quant à lui, dispose que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Par cet article, il apparaît alors que le départ de la prescription n’est pas fixe, puisqu’il commence au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits permettant d’exercer l’action.

Le point de départ de la prescription recouvre un aspect subjectif, ce qui donne alors un pouvoir d’appréciation du point de départ de la prescription au juge. La loi reste cependant muette sur la possibilité de retarder le point de départ de la prescription, mais il serait logique puisque le législateur permet de mettre en place des moyens de suspension et d’interruption de la prescription, de permettre la possibilité de retarder le point de départ de la prescription ce qui aurait le même effet que de suspendre ou d’interrompre la prescription : retarder l’acquisition de la prescription. Cela correspondrait alors encore un espace de liberté laissé aux contractants.

Il convient de mettre en exergue que l’article 2254 du Code civil en son alinéa second énonce que « Les parties peuvent également, d’un commun accord, ajouter aux causes de suspension ou d’interruption de la prescription prévues par la loi ». Ainsi, il est encore possible pour les parties d’aménager de manière conventionnelle les causes de suspension ou d’interruption de la prescription. L’évènement interruptif prévu par les parties permettra d’effacer le délai écoulé, et un nouveau délai identique recommencera à courir après cet évènement.

Alors que la suspension empêche le délai de prescription de courir une fois l’obstacle levé, le délai reprendra son cours. Les parties ont alors la possibilité de retarder la fin de la prescription, d’aménager des évènements susceptibles d’interrompre, ou de suspendre la prescription. C’est alors encore une fois un espace liberté laissé aux contractants.

B) Les limites envisageables à la liberté contractuelle concernant la clause de prescription dans un contrat informatique

La liberté d’encadrement de la prescription par les parties est consacrée par la loi de 2008. Toutefois, certaines limites ont été posées par le législateur pour encadrer notamment la durée, et a construit quelques limites concernant le consommateur, ou l’assuré. Mais d’autres limites peuvent aussi s’ériger contre la clause de prescription.

Concernant notamment l’abus de dépendance économique, l’article L 420-2 du code de commerce énonce qu’est « prohibée, dès lors qu’elle est susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises de l’état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. ». (2)

Ainsi, le législateur consacre sa volonté de lutter contre les obligations créant un déséquilibre significatif. Il alors intéressant de s’interroger sur l’impact de l’encadrement contractuel de la prescription, car cette clause apporte indéniablement un avantage à une des parties au contrat.

À titre d’illustration, la dernière prise de position en date résonne dans l’arrêt du 25 janvier 2017, par lequel la Cour de cassation a confirmé que la notion de déséquilibre significatif entendue par l’article 442-6 pouvait porter sur le prix stipulé dans une convention, ouvrant la voie à un pouvoir de contrôle du juge sur ce prix. Ce choix porte néanmoins une nouvelle atteinte considérable au principe de liberté contractuelle.

Une autre limitation peut encore être soulevée, concernant le comportement dolosif du contractant. L’article 2254 du Code civil ne précise pas si le comportement dolosif ou la faute lourde du titulaire de l’action qui profite de l’encadrement contractuel de la prescription peut permettre d’écarter la clause de prescription.

Cependant, la Cour de cassation avait déjà eu à répondre à cette question avant la réforme dans un arrêt du 12 juillet 2004 (Cass. com., 12 juill. 2004, n° 03-10.547) qui énonce que « la disposition contractuelle abrégeant le délai de prescription reçoit application même en cas de faute lourde ». Ainsi pour la Cour de cassation il n’était pas possible d’écarter la clause de prescription en présence d’une faute lourde.

Ceci étant, la faute lourde et le dol constituent des comportements qui selon la Cour de cassation permettent de ne pas appliquer la clause limitative de responsabilité, il serait alors possible de penser que la Cour de cassation pourrait revenir sur sa position et assimiler le régime de la clause de prescription à la clause limitative de responsabilité, et ainsi admettre qu’une faute lourde ou un dol permettraient d’écarter la clause de prescription. Il faudra alors attendre que la Cour de cassation se reprononce sur ce point pour savoir si elle adopte un régime identique aux clauses limitatives de responsabilité, ou si elle maintient sa jurisprudence antérieure à la réforme.

Tout en posant des limites nécessaires afin d’éviter les abus, les évolutions jurisprudentielles et légales permettent d’encadrer plus clairement le droit des contrats, de permettre aux parties d’organiser à leur guise leur contrat.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les clauses sensibles des contrats informatiques, cliquez

Sources :

  • Décret n° 2016-884 du 29 juin 2016 relatif à la partie réglementaire du code de la consommation ; Cass. 1er 11-12-2019 n° 18-21.164
  • Ordonnance n° 2019-698 du 3 juillet 2019
    CA Versailles, 3 mai 2018, n° 17/02576
  • CA Toulouse, 28 janvier 2019, n° 16/03044

Email au bureau

Aujourd’hui l’email est devenu une mode de communication incontournable notamment au sein de l’entreprise, mais il est alors tentant pour les employeurs de surveiller les correspondances de leurs salariés, mais ces possibilités ont été limitées par le législateur.

Cependant, afin d’éviter des abus, les employeurs peuvent être tentés de placer leurs salariés et leur correspondance sous surveillance.

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Ceci nous pousse à nous interroger à la fois sur le régime légal qui est susceptible de s’appliquer à la surveillance du courrier électronique (I) et sur les sanctions éventuelles d’une surveillance irrégulière (II).

I – Le cadre légal de la « cyber-surveillance »

La surveillance du courrier électronique ne fait l’objet d’aucun texte spécifique, mais seulement de décisions de jurisprudence. Il faut donc se demander quelles règles sont applicables.

A – Les principes fondamentaux

Le législateur a mis en place un certain nombre de principes fondamentaux qui bien que non spécifiques à la surveillance du courrier électronique, trouvent à s’appliquer en l’espèce.


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Ceux-ci sont de deux types, ceux qui sont favorables au salarié et ceux qui sont favorables à l’employeur.

1 – La protection du salarié

Le droit du travail est traditionnellement favorable au salarié, mais d’autres principes sont aussi favorables à ce dernier.

a – Le Code du Travail

Dans son article L.1222-4, le Code du travail dispose qu’aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.

En outre, l’information et la consultation du comité d’entreprise avant la mise en œuvre dans l’entreprise de moyens et de techniques permettant de contrôler l’activité des salariés sont imposées par l’article L2312-38 du Code de travail.

b – La loi informatique et liberté

Le traitement d’informations sur les salariés si elles sont informatisées, est soumis à déclaration auprès de la C.N.I.L.

Les salariés auront alors un droit d’accès sur les informations les concernant.

Si les informations ont été recueillies sans leur consentement ou leur information

c – Le respect du droit à la vie privée

L’article 9 du Code Civil prévoit un principe général de protection de la vie privée.

Ce principe s’applique évidemment à la vie extraprofessionnelle de l’employé mais aussi dans les rapports de travail.

Certes ce droit est adapté aux nécessités du rapport de travail, mais il n’est pas aliéné par le seul fait du lien de subordination.

L’employeur qui est le cocontractant du salarié doit cependant pouvoir contrôler l’exécution du contrat de travail.

Ce respect du droit à la vie privé constitue une limite aux moyens de surveillance mis en place par l’employeur.

Le problème principal étant de dissocier ce qui relève de la vie privé et ce qui relève du contrôle de l’employeur.

d – Le secret des correspondances

Un des problèmes principaux du courrier électronique est sa nature juridique, en effet aucun texte ne vise expressément le courrier électronique, on s’interrogeait notamment sur l’application éventuelle du secret des correspondances au courrier électronique et notamment à celui transmis sur le lieu de travail.

Un jugement a fixé la position concernant le secret de la correspondance : en effet le tribunal correctionnel de Paris dans un arrêt du 2 novembre 2000 : « Tareg A. » a considéré que la surveillance du courrier électronique par l’employeur était une violation de correspondances effectuées par voie detélécommunication, délit réprimé en l’espèce par l’article L.432-9 du Code Pénal s’agissant d’une personne publique.

Ce délit est réprimé par l’article L.226-15 alinéa 2 du Code Pénal concernant les personnes privées.

Pour la première fois, la Cour de cassation a rendu un arrêt le 2 octobre 2001 sur l’utilisation privée des e-mails au travail. La décision – qui devrait faire jurisprudence – interdit à l’employeur de « prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur ».

En outre, deux arrêts du 26 janvier 2016 et du 7 avril 2016 de la Cour de cassation sont venus pour affirmer que la « messagerie personnelle des salariés, distincte de leur messagerie professionnelle dont ils disposent pour les besoins de leur activité, […] sont couverts par le secret des correspondances ». Les juges de cassation avaient opéré une distinction entre la messagerie personnelle et la messagerie professionnelle quant aux messages litigieux, et ce, pour la détermination de la possibilité de recourir à ces dernières par l’employeur à des fins disciplinaires.

D’ailleurs, la Cour de cassation, dans un arrêt du 23 octobre 2019, était confrontée à une problématique portant sur la messagerie électronique installée sur l’ordinateur professionnel d’un salarié et le contrôle de celle-ci par l’employeur.

En l’espèce, il s’agissait d’une salariée qui avait laissé à son employeur l’accès à son ordinateur professionnel avant de partir en congés. La messagerie instantanée MSN Messenger était installée sur ce dernier. L’employeur consulte cette messagerie et s’aperçoit que la salariée avait transmis à d’autres salariés des documents internes tels que les fiches de paie et le reçu pour solde de tout compte.  Sur la base de ces éléments, l’employeur licencie la salariée pour faute grave. Cette dernière conteste le licenciement en s’appuyant sur l’illicéité du contrôle effectué par l’employeur.

Par cet arrêt, la Cour de cassation affirme pour la première fois que les messages électroniques échangés au moyen d’une messagerie instantanée et qui proviennent d’un courrier électronique personnel installé sur l’ordinateur professionnel sont couverts par le secret des correspondances, et ce, alors même que ces messages ne soient pas identifiés comme personnels.

2 – Les justifications de l’employeur
a – Les risques de responsabilité

Une des justifications de la surveillance du salarié est paradoxalement une disposition légale favorable au salarié.

L’article 1384 alinéa 5 du Code Civil prévoit la responsabilité civile de l’employeur du dommage causé par ses préposés dans les fonctions auxquelles il les a employés.

L’employeur afin d’éviter de voir sa responsabilité engagée du fait de courrier électroniques indélicats de ses employés peut alors souhaiter exercer un contrôle sur ceux-ci.

b – La sécurité de l’entreprise

Une autre justification pourrait être la sécurité de l’entreprise : l’employeur pourrait souhaiter éviter la divulgation d’informations confidentielles, la transmission de virus, … et contrôler les courriers électroniques afin d’éviter ces problèmes.

B – La mise en place d’une surveillance du courrier électronique

1 – Les préalables

L’employeur afin de pouvoir surveiller son salarié devra le mettre au courant de cette surveillance.

Il devra aussi fixer les limites à l’utilisation du matériel de l’entreprise à des fins personnelles, notamment l’utilisation du courrier électronique sur le lieu de travail.

En limitant l’utilisation du courrier électronique au domaine professionnel, il pourra donc légitimement contrôler ces courriers qui ne seront pas des courriers personnels et donc pas susceptibles d’être protégés par le secret des correspondances.

En pratique, toutes ces dispositions seront intégrées au règlement intérieur. Néanmoins une interdiction absolue de l’usage privé de la messagerie de l’entreprise par les salariés (par une charte) est maintenant interdite au vu de l’arrêt de la cour de cassation précité.

2 – La surveillance elle-même

La surveillance étant prévue par le règlement intérieur ne justifie pas toutes les mesures.

La loi impose en effet une proportionnalité entre les justifications de l’employeur et la surveillance.

La jurisprudence a condamné des entreprises qui pratiquaient de manière systématique des alcootests, des fouilles des salariés.

L’employeur doit donc pratiquer des contrôles qui soient appropriés aux finalités de l’entreprise.

On peut donc penser qu’un contrôle systématique des courriers électroniques envoyés ou reçus par les employés serait sanctionné par un juge, sauf à le justifier par des circonstances particulières (par exemple une société tenue à une haute sécurité par son activité de vente de produits militaires, …)

II – Les sanctions d’une surveillance irrégulière

A – Les personnes susceptibles d’être sanctionnées

On peut se demander en cas de surveillance irrégulière, qui peut être sanctionné.

1 – L’entreprise

Depuis 1994, le code pénal prévoit la responsabilité pénale des personnes morales.

Cependant les textes de loi doivent expressément préciser la possibilité d’une telle responsabilité.

Ce n’est pas le cas pour la violation du secret des correspondances.

Pour la responsabilité civile, celle-ci pourra être imputée à l’entreprise pour le paiement des dommages-intérêts.

2 – Le chef d’entreprise

Le chef d’entreprise en tant que responsable de l’entreprise pourra se voir imputer les différentes infractions pénales.

Il pourra aussi, si il a commis une faute, voir sa responsabilité civile engagée.

3 – Le responsable réseau

Le responsable réseau ou informatique de la société qui a mis en place le système de contrôle ou d’interception des courriers électroniques, ou qui aura procédé à ce contrôle, ne pourra pas voir sa responsabilité engagée dans la mesure ou il agit dans le cadre de ses fonctions.

Il pourra cependant voir sa responsabilité engagée s’il n’agit pas dans l’intérêt de l’entreprise et de sa propre initiative.

B – Les sanctions

1 – Sanctions pénales

La violation du secret des correspondances : il s’agit d’un délit pénal prévu par l’article 226-15 du Code Pénal, il est puni d’un an d’emprisonnement et de 300.000 F d’amende.

2 – Sanctions civiles

Les sanctions civiles sont diverses, le préjudice peut être important en fonction du contenu des courriers interceptés.

Si le courrier a été utilisé à des fins de licenciement, le licenciement pourra être requalifié en licenciement abusif et donnera lieu au versement de l’indemnité de licenciement.

3 – Sanctions procédurales

La principale sanction est l’irrecevabilité de la preuve acquise par des moyens irréguliers.

Cette sanction est le résultat d’une jurisprudence célèbre : l’arrêt Neocel rendu par la cour de cassation le 20 novembre 1991.

Il convient de citer également un arrêt rendu le 27 novembre 2019 par la Cour de cassation, dans le cadre duquel les juges de cassation avaient procédé à une application stricte du secret des correspondances en estimant que la preuve résultant de la production de documents ayant été obtenus par un procédé déloyal est irrecevable.

Il s’agissait, en l’espèce, d’une salariée et déléguée syndicale qui, dans le cadre d’une demande d’annulation d’un avertissement et la reconnaissance de discrimination syndicale et d’une situation de harcèlement à l’encontre de son employeur, produit des courriels émanant d’un tiers à l’entreprise.

Dans cette affaire, la Cour affirme que ces courriels portaient atteinte au secret des correspondances et constituaient, naturellement, un moyen de preuve illicite.

On peut noter tout de même que lorsqu’il s’agit d’une matière pénale (par exemple, si dans l’affaire Neocel l’employeur avait agi au pénal pour vol) la preuve n’est pas écartée d’office, il appartient au juge d’en apprécier la valeur (article 427 du Code de procédure pénale).

On peut citer en ce sens un arrêt du 6 avril 1994 relatif à un détournement de fonds par un salarié au moyen d’un dispositif de vidéosurveillance dissimulé.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les salariés et les emails, cliquez ici

Sources :

  • : Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 – art. 1
  • : Cass. soc., 26 janv. 2016, no 14-15.360 ; Cass. soc., 7 avr. 2016, no 14-27.949
  • :  Cass.soc., 23 octobre 2019, n° 17-28.448
  •  : Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-19.237

LA VENTE DE FONDS DE COMMERCE

Le fonds de commerce est sans doute l’élément central dans la vie d’un commerçant, c’est la raison pour laquelle la vente de celui-ci est une opération d’une grande importance. La cession du fonds de commerce doit respecter des règles de fonds, et de forme. L’acheteur et l’acquéreur doivent respecter toute une série d’obligations en passant de l’obligation du payement du prix à la garantie d’éviction.

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Le fonds de commerce se définit comme un ensemble de biens mobiliers, corporels et incorporels qu’un commerçant personne physique ou morale affecte à une activité commerciale. Ce dernier comporte plusieurs éléments tels que le mobilier commercial, le matériel, l’outillage, la marchandise… on parle ici des éléments corporels composant le fonds de commerce.

Ceci étant, le fonds de commerce ne se résume pas aux seuls éléments mobiliers, puisque l’enseigne, le nom commercial, la clientèle, les droits de propriété industrielle, littéraire et artistique font partie du fonds de commerce en tant qu’éléments incorporels.

La vente du fonds de commerce doit être conforme aux conditions prévues par l’article 1128 du Code civil, c’est-à-dire répondre aux conditions de consentement, de capacité des parties, et « un contenu licite et certain ». La vente du fonds de commerce doit aussi répondre aux conditions posées à l’article 1583 du Code civil qui énonce qu’«Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé », ainsi il est nécessaire que lors de la vente du fonds, le prix soit déterminé ou déterminable, on parle alors des conditions de fond de la vente du fonds de commerce, mais celle-ci doit aussi obéir à des conditions de forme (I). Lors de la cession du fonds, l’acquéreur ainsi que le vendeur doivent respecter une série d’obligations (II).


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I. Les conditions de fonds et les conditions de forme de la vente du fonds de commerce

La vente du fonds de commerce doit non seulement respecter des conditions de fond (A), mais aussi des conditions de formes (B).

A. Les conditions de fond de la vente du fonds de commerce

1. La capacité

a. Le principe

S’agissant de l’exigence de capacité, il convient de préciser que la vente d’un fonds de commerce est un acte de commerce pour le cédant comme pour l’acheteur, il serait même en principe nécessaire que l’acquéreur dispose de la qualité de commerçant lorsque celui-ci souhaite exploiter lui-même le fonds de commerce.

b. Le mineur

La possibilité pour un mineur ou un majeur protégé d’exercer cette cession mérite d’être mise en exergue. Dans un premier temps le mineur non émancipé il ne peut pas exercer l’activité de commerçant, ni même réaliser des actes de commerce, il sera alors dans l’impossibilité d’acquérir un fonds de commerce.

Il aura cependant la possibilité de le vendre, notamment avec l’autorité de ses deux parents sous le régime de l’administration légale simple, et via l’administrateur des biens du mineur avec une autorisation des juges des tutelles sous le régime de l’administration légale sous contrôle judiciaire. Le mineur émancipé, peut quant à lui passer tous les actes de la vie civile, mais les actes de commerce exercés à titre habituel lui sont cependant interdits, il pourra alors avoir la possibilité de vendre ou d’acheter le fonds de commerce, mais ne pourra pas pour autant exercer l’activité de commerçant, c’est alors le régime de la location-gérance qui aura tendance à s’appliquer.

c. Le majeur protégé

S’agissant du majeur sous tutelle, le tuteur pourra vendre le fonds de commerce, mais avec l’autorisation du conseil de famille ou à défaut avec l’accord du juge des tutelles. Le majeur en curatelle quant à lui ne peut pas céder seul son fonds de commerce, il devra recourir à l’aide de son curateur, alors que le majeur sous sauvegarde de justice pourra librement céder ou acquérir seul un fonds de commerce.

2. Le consentement

a. La réalité du consentement

Il est indispensable que les parties soient consentantes, car le seul consentement opère le transfert du fonds. Pour qu’il y ait consentement, il est nécessaire que le vendeur et l’acheteur se soient accordés sur la chose et sur le prix ; c’est alors une condition soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond.

b. Les vices du consentement

A cette phase, il faut s’assurer que le consentement respecte les exigences de l’article 1130 du Code civil, c’est-à-dire qu’il ne soit pas vicié par l’erreur, le dol ou encore la violence.

• L’erreur

S’agissant, tout d’abord l’erreur (article 1132 du Code civil), il y en a de plusieurs types, en effet il existe l’erreur sur la substance, sur la personne ou encore sur la valeur.
Il convient de rappeler que l’erreur sur la substance a été abandonnée, à la suite de l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, au profit de l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation telles que consacrées par les articles 1133 et 1134 du Code civil. (1)

L’erreur sur les qualités essentielles du cocontractant peut elle aussi être une cause de la nullité de la vente, lorsque la considération de la personne a été une des causes principales de la vente. L’erreur sur la personne recoupe aussi bien l’erreur sur l’identité physique, mais aussi de l’identité civile, ou encore de la qualité substantielle de la personne. Mais concernant la vente du fonds de commerce, qui n’est pas conclu intuitu personae l’erreur sur la personne reste rarement invoquée, mais elle reste tout à fait envisageable.
Enfin l’erreur sur la valeur n’est pas admise.

• La violence

La vente du fonds de commerce est soumise à l’article 1140 du Code civil qui énonce « Il y a violence lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable ».
L’article 1142 rajoute que : « La violence est une cause de nullité qu’elle ait été exercée par une partie ou par un tiers. ». Ainsi, il sera possible lorsqu’une partie à extorqué le consentement de la partie cocontractante d’invoquer la nullité de la vente.

• Le dol

Le dol est défini à l’article 1137 du Code civil qui énonce « Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. ».

Le dol peut alors être définit comme une ruse ou une tromperie afin de dissimuler la vérité dans le but d’induire le contractant en erreur et le déterminer à contracter.
La caractérisation du dol est soumise à l’appréciation souveraine des juges du fond, mais une fois celui-ci caractérisé la vente pourra être annulée. Plusieurs types de dols existent : le dol simple, la réticence dolosive peut parfois suffire pour prononcer la nullité il s’agira alors de garder sous silence un fait, qui si le cocontractant l’avait connu n’aurait pas contracté.

Cette réticence dolosive est également consacrée par l’article 1137 du Code civil. Il faut encore souligner que la Cour de cassation admet que les juges du fond prennent en compte la qualité de professionnel de l’acquéreur, afin d’en conclure que le silence du vendeur n’est pas constitutif d’un dol.
D’un autre côté, l’article 1138 du Code civil, consacrant une jurisprudence antérieure, dispose que : Le dol est également constitué s’il émane du représentant, gérant d’affaires, préposé ou porte-fort du contractant. Il l’est encore lorsqu’il émane d’un tiers de connivence. ». Ainsi, ces derniers ne sont plus considérés comme des tiers. (2)

3. Le prix

Concernant le prix, celui-ci est librement fixé par les parties, mais celui-ci ne doit pas être dérisoire ni vil, car cela équivaut en réalité à une absence de prix. Or, en l’absence de prix, la vente perd un élément essentiel, celle-ci encourt alors la nullité. Cependant la vente pour le prix symbolique est tout à fait possible lorsque le passif du fonds de commerce est très important.

Il est encore nécessaire que le prix soit réel et sincère, le fait de dissimuler une partie du prix est réprimé : la contre lettre qui elle prévoit le prix réel est frappé de nullité, s’ajoute à cela une sanction pénale et fiscale .
En plus des conditions de fonds, la vente du fonds de commerce est soumise à des conditions de formes (B).

B. Les conditions de forme de la vente du fonds de commerce

1. L’écrit

Il convient de rappeler que contrairement au droit commun de la vente, la vente d’un fonds de commerce est un contrat qui nécessite l’établissement d’un acte authentique ou d’un acte sous seing privé, cette condition était prévue par l’article L141-1 du Code de commerce, mais ne concernait que le privilège du vendeur. Toutefois, cet article a été abrogé par loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés du 19 juillet 2019. (3)
Ainsi, en réalité l’écrit n’est pas une condition de validité de la vente, même si aujourd’hui une vente de fonds de commerce sans écrit reste exceptionnelle. De plus, la preuve de la vente par l’écrit n’est pas obligatoire, la preuve peut s’établir par tous moyens.

2. Les mentions requises

Les mentions requises dans l’acte de vente étaient diverses. Tout d’abord, le nom du précédent vendeur devait y figurer, la loi exigeait seulement le nom du précédent vendeur. L’ancien article du code de commerce exigeait encore la date à laquelle le vendeur a acquis le fonds de commerce ainsi que la nature de l’acte qui a permis cette acquisition (acte sous seing privé ou acte authentique), le prix auquel le vendeur a acquis le bien devait lui aussi figurer dans l’acte. Lorsque c’est le vendeur qui a créé lui-même le fonds de commerce, ces mentions ne sont bien évidemment pas exigées, il devra simplement l’indiquer dans l’acte de vente.

Cela n’est plus d’actualité, et ce, depuis l’avènement de la loi du 21 juillet 2019. Ainsi, aucune mention n’est expressément requise dans l’acte de vente du fonds de commerce.
Une fois les conditions de formes et de fond remplies, les parties au contrat doivent respecter toute une série d’obligations (II).

II. Les obligations des parties lors de la cession du fonds de commerce

Le vendeur du fonds de commerce devra observer certaines obligations (A), tout comme l’acquéreur du fonds (B).

A. Les obligations du vendeur du fonds de commerce

1. L’obligation de délivrance

Il est important de préciser que l’obligation de délivrance consiste pour le vendeur de mettre à disposition de l’acquéreur tous les éléments corporels et incorporels du fonds de commerce, comme par exemple l’enseigne ou le nom commercial.

Il est nécessaire que cette obligation soit correctement exécutée par le vendeur, c’est pourquoi le fonds de commerce doit « présenter les qualités et caractéristiques que l’acquéreur est en droit d’attendre ». Dans un arrêt de la chambre commerciale du 21 janvier 1992, la Cour de cassation a estimé que le vendeur avait manqué à son obligation de délivrance, en délivrant un fonds de commerce d’hôtellerie sans installation électrique conforme aux normes de sécurité .

Les articles 1606 et 1607 du Code civil régissent l’obligation de délivrance du vendeur. Concernant les éléments mobiliers, c’est l’article 1606 du Code civil qui aura vocation à s’appliquer, en effet celui-ci énonce que « La délivrance des effets mobiliers s’opère : ou par la remise de la chose, ou par la remise des clefs des bâtiments qui les contiennent, ou même par le seul consentement des parties, si le transport ne peut pas s’en faire au moment de la vente, ou si l’acheteur les avait déjà en son pouvoir à un autre titre ».

Les éléments corporels pourront être délivrés de plusieurs façons. Concernant ensuite les éléments incorporels, c’est l’article 1607 du Code civil qui devra s’appliquer, celui-ci énonce que « La tradition des droits incorporels se fait, ou par la remise des titres, ou par l’usage que l’acquéreur en fait du consentement du vendeur ».
Le non-respect de l’obligation de délivrance par le vendeur, entraîne pour ce dernier des sanctions. C’est la date d’entrée en possession qui constitue le point de départ des actions exerçables par l’acheteur pour un défaut dans l’obligation de délivrance.

L’article 1610 du Code civil énonce que si le vendeur manque à son obligation de délivrance, l’acquéreur pourra soit demander la résolution de la vente soit sa mise en possession si le retard ne vient que du fait du vendeur. Ainsi deux actions sont ouvertes à l’acquéreur. Concernant plus précisément la mise en possession, celle-ci consiste pour l’acquéreur à demander la délivrance forcée du fonds. De plus, l’article 1611 du Code civil rappelle que de toute manière le vendeur doit être condamné à des dommages et intérêts, si l’acquéreur a subi un préjudice du fait du défaut de délivrance.

2. L’obligation de garantie

Il existe deux types de garanties qui doivent être respectés par le vendeur : la garantie des vices cachés, et la garantie d’éviction.

a. La garantie des vices cachés

Tout d’abord, la garantie des vices cachés est régie par l’article 1641 du Code civil qui dispose que « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».

Pour éviter cette garantie, le vendeur devra renseigner de manière précise l’acquéreur, car en portant à la connaissance de l’acquéreur le défaut, celui-ci ne pourra alors plus faire l’objet d’une action, car le vice n’est par définition plus caché. Cependant, il faut prendre en compte la qualité de l’acquéreur, en effet, les juges seront plus sévères à l’égard d’un acquéreur professionnel, et notamment lorsqu’ils exercent dans la même spécialité. Dans ce cas il ne pourra pas être reproché (sur certains points) au vendeur le manque d’informations, car l’acquéreur aurait pu de lui-même trouver aisément ces informations.

L’article 1642 du Code civil va s’appliquer dans ce cas ; « le vendeur n’est pas tenu des vices apparents et dont l’acheteur a pu se convaincre lui-même », c’est pourquoi en présence d’un professionnel acquéreur, une présomption simple de connaissance a été posée par la jurisprudence.

L’acquéreur du fonds qui souhaite se prévaloir de la garantie des vices cachés à une option entre l’action rédhibitoire et l’action estimatoire selon l’article 1644 du Code civil qui énonce que «Dans le cas des articles 1641 et 1643, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu’elle sera arbitrée par experts. » . L’action rédhibitoire permet à l’acquéreur de se faire restituer le prix en rendant le fonds de commerce, alors que l’action estimatoire, elle, permet à l’acquéreur d’obtenir une diminution du prix après une expertise de la valeur du fonds.

b. La garantie d’éviction

Concernant la garantie d’éviction, celle-ci recouvre deux aspects, on parle alors de garantie du fait personnel et de garantie du fait du tiers. Celle-ci est prévue par l’article 1626 du code civil qui prévoit que « Quoique lors de la vente il n’ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente ». C’est alors l’adage « qui doit garantie ne peut évincer » qui va s’appliquer ici.

Ainsi concernant tout d’abord la garantie du fait personnel, le vendeur ne pourra pas invoquer un droit sur le fonds de commerce qu’il a transmis, cette garantie empêche aussi le vendeur de porter atteinte à la jouissance du bien par l’acheteur, la chambre des requêtes dans un arrêt du 29 juillet 1908 a estimé que le vendeur d’un fonds de commerce doit s’abstenir de tout acte de nature à détourner la clientèle du fonds cédé.

La garantie d’éviction concerne aussi la garantie du fait du tiers. L’éviction pourra être totale c’est-à-dire qu’un tiers revendique la propriété du fonds de commerce, ou partielle lorsque le tiers ne revendique qu’une partie des droits. Plusieurs conditions doivent être remplies afin que la garantie du fait du tiers puisse jouer ; il faut que le droit du tiers soit antérieur à la vente, que le trouble ne soit pas imputable à l’acheteur, le tiers doit avoir engagé une action en justice (ou l’acheteur), et l’acquéreur doit être de bonne foi.

Cependant, le vendeur n’est pas tenu de restituer le prix lorsque l’acquéreur avait connaissance lors de la vente du danger de l’éviction ou lorsqu’il a acheté le fonds à ses risques et périls.

En cas d’éviction totale, l’acquéreur pourra demander au vendeur la restitution du prix comme l’énonce l’article 1630 du Code civil « Lorsque la garantie a été promise, ou qu’il n’a rien été stipulé à ce sujet, si l’acquéreur est évincé, il a droit de demander contre le vendeur : 1° La restitution du prix », mais aussi « 2° Celle des fruits, lorsqu’il est obligé de les rendre au propriétaire qui l’évince ; 3° Les frais faits sur la demande en garantie de l’acheteur, et ceux faits par le demandeur originaire ; 4° Enfin les dommages et intérêts, ainsi que les frais et loyaux coûts du contrat ». Concernant ensuite l’éviction partielle, l’acquéreur pourra demander la résolution de la vente ou alors la valeur de la partie dont il a été évincé.

B. Les obligations de l’acheteur

1. L’obligation de payer le prix

L’acheteur a lui aussi certaines obligations à respecter, notamment l’obligation de recevoir la livraison du fonds de commerce. L’acquéreur doit encore veiller à ne pas oublier de publier la vente sous quinze jours. Mais il doit principalement payer le prix, l’article 1650 du Code civil précise d’ailleurs que « la principale obligation de l’acheteur est de payer le prix au jour et au lieu réglés par la vente ». En effet, le prix est l’obligation essentielle de l’acquéreur.

En vertu des dispositions de l’article 1593 du Code civil « les frais d’actes et autres accessoires à la vente sont à la charge de l’acheteur », ainsi l’acheteur à la charge des frais annexes de la vente du fonds de commerce. C’est pourquoi les droits de timbre et d’enregistrement, les frais de publications légales, les frais d’inscription du privilège du vendeur, les frais éventuels d’expertises, … seront supportés par l’acquéreur.

Toutefois, dans certains cas l’acheteur ne pourra pas payer le prix du fonds au vendeur, notamment en présence de créancier du vendeur, qui lorsqu’ils ont connaissance de la vente par le biais de la publicité, auront la possibilité de former opposition au payement du prix. Cette opposition empêche l’acheteur de payer le prix du fonds de commerce au vendeur, il devra soit attendre que l’acte soit levé, que le prix soit réparti entre les créanciers, ou alors que le prix soit versé à la Caisse des Dépôts et des consignations.

2. L’action résolutoire de la vente du fonds de commerce en l’absence de payement du prix

Si l’acquéreur refuse de payer le prix, le vendeur pourra alors mettre en œuvre l’action résolutoire, afin d’exiger la résolution de la vente comme le prévoient les articles 1224 et 1654 du Code civil. En effet, l’article 1224 du Code civil énonce que « La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. ». L’article 1654 du Code civil prévoit quant à lui que « Si l’acheteur ne paye pas le prix, le vendeur peut demander la résolution de la vente ».

Afin de demander la résolution de la vente, il faut tout d’abord que le prix n’ait pas été payé par l’acquéreur, mais le non-paiement du prix est compris de manière relativement large par les tribunaux, car le non-paiement d’une partie du prix permet quand même d’engager l’action en résolution.

Cependant comme le prévoit l’article 1228 du Code civil les tribunaux peuvent accorder des délais de payement à l’acquéreur, avant de prononcer la résolution de la vente du fonds de commerce.
En vertu de l’article L141-6 du Code de commerce, toutefois, « L’action résolutoire, établie par l’article 1654 du Code civil, doit, pour produire effet, être mentionnée et réservée expressément dans l’inscription », ainsi pour que l’action résolutoire puisse produire ses effets, il faut que celle-ci soit mentionnée et réservée dans l’inscription du privilège du vendeur.

Malgré le fait qu’une clause dans le contrat de vente prévoit la résolution de plein droit de la vente en cas de non-payement du prix, cela ne dispense pas le vendeur d’établir cette inscription. L’absence d’une telle inscription entraîne pour le vendeur, vis-à-vis des tiers, la perte du bénéfice de l’action en résolution. Ainsi les créanciers inscrits pourront opposer le bénéfice de l’action en résolution du vendeur pour le défaut de publicité.

La résolution du contrat aura naturellement pour effet d’annuler la vente, ainsi le vendeur récupérera en nature le fonds de commerce, et annulera aussi les droits que le tiers auraient pu avoir sur le bien. Le jugement qui prononce la résolution de la vente, prononce l’anéantissement rétroactif de la vente, il s’agit alors de remettre les parties dans le même état où elles se trouvaient avant la vente du fonds. C’est ainsi que la résolution de la vente va permettre d’annuler le bail qui aurait pu être contracté sur le fonds.

Néanmoins, la question concernant la restitution des éléments nouveaux qui ont pu être apportés au fonds de commerce n’est pas encore clairement résolue, certains penchant pour une application littérale de l’article L146-1 du code de commerce qui énonce que « L’action résolutoire, établie par l’article 1654 du Code civil, doit, pour produire effet, être mentionnée et réservée expressément dans l’inscription. Elle ne peut être exercée au préjudice des tiers après l’extinction du privilège.

Elle est limitée, comme le privilège, aux seuls éléments qui ont fait partie de la vente », ainsi la résolution serait limitée aux seuls éléments qui ont fait partie de la vente, et donc les nouveaux éléments apportés au fonds ne pourront pas faire partie de la restitution accordée au vendeur, mais cette position aboutit à un démembrement du fonds de commerce, et à une situation qui n’est pas confortable.

Enfin, le vendeur pourra exiger des dommages et intérêts lorsque le fonds aura perdu de sa valeur, de même il pourra demander la réparation de son préjudice du fait de la résolution de la vente à l’acquéreur.

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Sources :