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Comment évaluer le juste équilibre entre le droit à un procès équitable et la protection des croyances religieuses lorsqu’une personne se sent attaquée sans être directement visée par des propos publics ?

L’évaluation du juste équilibre entre le droit à un procès équitable et la protection des croyances religieuses lorsque quelqu’un se sent attaqué sans être directement visé par des publics est un défi complexe et délicat dans nos sociétés pluralistes et démocratiques. Il soulève des questions fondamentales sur la défense des libertés individuelles et la nécessité de préserver l’harmonie sociale.
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D’un côté, le droit à un procès équitable est un pilier essentiel de tout système judiciaire démocratique. Il garantit que chaque individu a le droit d’être entendu de manière équitable et impartiale, d’avoir accès à un avocat compétent et de présenter des preuves en sa faveur. Ce droit protège les individus contre les abus de pouvoir et assure la justice pour tous.

D’un autre côté, la protection des croyances religieuses est également un principe fondamental dans une société pluraliste. Chacun a le droit de pratiquer sa religion librement et de vivre selon ses convictions. Dans un monde de plus en plus connecté et diversifié, il est crucial de respecter les croyances et les valeurs de tous, afin de favoriser la cohésion sociale et le respect mutuel.

Lorsqu’une personne se sent attaquée sans être directement visée par des publics, il est important de prendre en compte les nuances de cette situation. Les attaques indirectes peuvent être perçues comme une atteinte à l’intégrité personnelle et aux croyances profondes d’un individu, créant ainsi une tension entre le droit à un procès équitable et la protection des croyances religieuses. Dans de tels cas, il est nécessaire de trouver un équilibre qui respecte à la fois le droit à un procès équitable et la protection des croyances religieuses.


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Cette situation soulève des questions complexes et délicates quant à la protection des droits des individus et à la nécessité de garantir un accès équitable à la justice, même dans des circonstances où la victime présumée n’est pas directement ciblée. C’est dans ce contexte que la Cour de cassation, plus haute juridiction judiciaire dans de nombreux pays, a rendu un arrêt le 5 mars 2024 (pourvoi n° 23-81.316) qui a suscité un débat et une réflexion approfondie sur cette problématique.

Cet arrêt, par sa portée et ses implications, a attiré l’attention des experts juridiques, des chercheurs, des défenseurs des droits de l’homme et du grand public. L’arrêt en question a clairement mis en lumière les enjeux liés à la possibilité pour une personne se sentant attaquée en raison de sa religion de se constituer partie civile, même en l’absence d’une attaque directe et publique à son encontre. Il a soulevé des interrogations quant à l’interprétation des lois existantes, à la protection des droits des minorités religieuses et à l’équité du système judiciaire dans de tels cas. Face à cette problématique complexe, il est essentiel de prendre en compte les arguments juridiques, éthiques et sociétaux qui entourent cette question.

I. La situation de la personne se sentant attaquée à raison de sa religion, mais non directement visée par des propos ou dessins publics

Dans cette situation, il est possible que la personne se sente attaquée en raison de sa religion en raison de l’ambiance sociale générale, des événements dans le monde ou des attitudes des autres, même en l’absence de propos ou de dessins publics spécifiques la ciblant directement. Ce contexte peut contribuer à un sentiment de vulnérabilité et d’isolement chez la personne concernée. Il est essentiel d’apporter un soutien émotionnel et une écoute active à cette personne pour l’aider à gérer ces émotions.

A. L’absence de directe visée dans les propos ou dessins publics

Il est important de souligner que dans cet arrêt, la Cour de cassation reconnaît que la personne en question n’est pas directement visée par les propos ou dessins publics. Cela signifie que les éléments en question ne la désignent pas spécifiquement ou ne la mentionnent pas explicitement.

Il peut s’agir de propos ou de dessins qui touchent plus généralement une religion ou un groupe religieux, sans viser directement la personne qui se sent attaquée. Cette absence de directe visée dans les propos ou dessins publics peut poser une difficulté pour la personne qui souhaite se constituer partie civile. En effet, pour pouvoir agir en justice et demander réparation, il est généralement nécessaire d’apporter la preuve d’un préjudice personnel et direct. Dans ce cas, la personne se sentant attaquée peut estimer que son appartenance religieuse est mise en cause, mais elle ne peut pas prouver que les propos ou dessins en question la ciblent spécifiquement. Cependant, il convient de noter que cette absence de directe visée ne signifie pas forcément l’absence totale de préjudice.

La personne peut ressentir une atteinte à sa dignité, à sa réputation ou à son sentiment d’appartenance religieuse, même si elle n’est pas directement mentionnée. La question qui se pose alors est de savoir si cette atteinte est suffisamment significative pour justifier une action en justice. Il est donc nécessaire de prendre en compte cette absence de directe visée dans les propos ou dessins publics lors de l’analyse de cet arrêt de la Cour de cassation. Cela soulève des interrogations quant à la possibilité de se constituer partie civile dans ce contexte.

Il est plus complexe de prouver un préjudice personnel et direct lorsque les propos ou dessins ne désignent pas spécifiquement la personne attaquée en raison de plusieurs facteurs :

  1. L’élément de preuve : Dans une action en justice, il est nécessaire de fournir des preuves solides pour établir un lien direct entre les propos ou dessins incriminés et la personne qui se sent attaquée. L’absence de mention spécifique rend la tâche de collecte de preuves plus difficile, car il peut être plus difficile de démontrer que les propos ou dessins visent directement la personne en question.
  2. Le contexte et l’interprétation : Lorsque les propos ou dessins ne désignent pas spécifiquement une personne, leur interprétation peut varier. Il peut être sujet à différentes interprétations, ce qui complique l’établissement d’un lien direct entre les propos ou dessins et la personne attaquée. Les tribunaux doivent alors analyser attentivement le contexte et les circonstances entourant les propos ou dessins pour déterminer s’ils peuvent être considérés comme une attaque directe.
  3. La subjectivité du préjudice : Le préjudice subi est souvent un élément subjectif, car il dépend de la perception et du ressenti de la personne qui se sent attaquée. Lorsque les propos ou dessins ne désignent pas spécifiquement cette personne, il peut être plus difficile de démontrer que le préjudice est personnel et direct. Les tribunaux doivent tenir compte de l’impact émotionnel, psychologique ou social sur la personne pour évaluer le degré de préjudice subi.
  4. La jurisprudence : La jurisprudence peut également jouer un rôle dans la complexité de la preuve. Les décisions précédentes des tribunaux peuvent établir des critères spécifiques pour déterminer si un préjudice personnel et direct a été subi, et cela peut varier selon les juridictions. L’absence de directe visée peut rendre plus difficile l’application de ces critères et l’établissement d’un précédent solide.

En résumé, il est plus complexe de prouver un préjudice personnel et direct lorsque les propos ou dessins ne désignent pas spécifiquement la personne attaquée en raison de l’absence d’éléments de preuve solides, des différentes interprétations possibles, de la subjectivité du préjudice et de la jurisprudence en vigueur. Cela nécessite une analyse approfondie du contexte et des circonstances spécifiques de chaque cas pour établir un lien clair entre les propos ou dessins et la personne attaquée.

B. Le sentiment d’attaque lié à la religion

Le sentiment d’attaque lié à la religion peut être très réel et profondément perturbant, même lorsque la personne n’est pas directement visée par des propos ou des dessins publics. Il peut être causé par différentes raisons, telles que des stéréotypes, des préjugés ou des actes discriminatoires envers une religion spécifique. Lorsqu’une personne se sent attaquée à raison de sa religion, même indirectement, cela peut avoir un impact émotionnel important.

Cela peut générer de la colère, de la tristesse, de la peur, de l’incompréhension et un sentiment général d’injustice. Il est important de reconnaître et de valider les sentiments de la personne concernée. Lui offrir un espace pour exprimer ses émotions et lui montrer de l’empathie peut être bénéfique.

Il est également essentiel de favoriser le dialogue et la compréhension mutuelle entre les différentes communautés religieuses afin de promouvoir la tolérance et le respect. Enfin, il est recommandé de signaler tout acte discriminatoire ou de haine à une autorité compétente. La lutte contre l’intolérance religieuse et la promotion de la liberté de religion sont des responsabilités partagées par tous.

C. La limitation de la constitution de partie civile

La limitation de la constitution de partie civile dans le cas d’une personne se sentant attaquée à raison de sa religion, mais qui n’est pas directement visée par des propos ou des dessins publics, peut poser des défis juridiques. La constitution de partie civile permet à une personne de se porter partie civile dans une affaire pénale afin de demander réparation pour le préjudice subi. Cependant, dans ce cas particulier, où la personne n’est pas directement visée par les propos ou dessins publics, il peut être plus difficile de justifier sa constitution de partie civile.

Les tribunaux peuvent considérer que la personne n’a pas été directement atteinte dans ses intérêts personnels. Cela peut entraîner une limitation de la capacité de la personne à obtenir réparation pour le préjudice subi.

Les tribunaux prennent en compte plusieurs facteurs pour décider si une personne peut se porter partie civile dans le cas où elle se sent attaquée à raison de sa religion mais n’est pas directement visée par des propos ou des dessins publics. Voici quelques-uns des facteurs couramment pris en considération :

  1. Lien direct avec l’acte incriminé : Les tribunaux évaluent si la personne a un lien direct avec les propos ou dessins incriminés. Ils peuvent examiner si la personne fait partie de la communauté religieuse visée ou si elle est affectée personnellement par les conséquences de ces propos ou dessins.
  2. Préjudice personnel : Les tribunaux évaluent si la personne a subi un préjudice personnel en raison de l’acte incriminé. Ils peuvent prendre en compte les répercussions émotionnelles, psychologiques, sociales ou économiques que la personne a subies en raison de l’attaque à sa religion.
  3. Intérêt légitime : Les tribunaux examinent si la personne a un intérêt légitime à agir en tant que partie civile. Ils peuvent évaluer si la personne cherche à protéger ses droits fondamentaux, à prévenir des atteintes similaires à sa religion ou à contribuer à la lutte contre la discrimination religieuse.
  4. Recevabilité de la demande : Les tribunaux évaluent également si la demande de constitution de partie civile respecte les conditions légales et les délais prévus par la loi. Ils peuvent vérifier si la demande est suffisamment étayée et si elle est déposée dans les délais prescrits.

Il est important de noter que ces facteurs peuvent varier d’un pays à l’autre et en fonction du système juridique applicable. Il est donc essentiel de consulter un avocat spécialisé dans le droit pénal pour obtenir des conseils juridiques spécifiques à votre situation.

II. L’atteinte excessive au droit à un procès équitable

L’atteinte excessive au droit à un procès équitable peut se produire lorsqu’une personne n’a pas un accès adéquat à la justice, lorsque des preuves sont manipulées, lorsque des jugements sont rendus de manière partiale ou arbitraire, ou lorsque les droits de la défense ne sont pas respectés. Ces atteintes compromettent la justice et les garanties fondamentales qui assurent un procès équitable pour tous les individus.

A. Les principes du droit à un procès équitable

Le droit à un procès équitable est un principe fondamental du droit international et national qui garantit à toute personne le droit d’être jugée de manière impartiale, juste et équitable. Ce droit est essentiel pour assurer la protection des droits fondamentaux des individus et prévenir les atteintes à la justice.

Voici quelques principes clés du droit à un procès équitable :

  1. Présomption d’innocence : Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à preuve de sa culpabilité. Cela signifie que la charge de la preuve incombe à l’accusation, et non à la personne accusée.
  2. Droit à un tribunal indépendant et impartial : Les tribunaux doivent être indépendants et impartiaux, c’est-à-dire qu’ils doivent prendre leurs décisions en toute objectivité, sans influence ou pression extérieure. Cela garantit que chaque partie au procès bénéficie d’un traitement équitable et que la décision rendue est basée sur le droit et les faits.
  3. Droit à une défense effective : Toute personne accusée a le droit d’être assistée par un avocat compétent et de bénéficier d’une défense effective. Cela comprend le droit d’être informé des charges retenues, de participer activement au procès, de présenter des preuves et des témoins à décharge, et de contester les éléments de preuve présentés par l’accusation.
  4. Droit à un délai raisonnable : Les procédures judiciaires doivent être menées dans un délai raisonnable afin d’éviter les retards injustifiés. Cela permet de garantir que les droits des parties sont respectés et que la justice est rendue de manière efficace.
  5. Publicité des débats : Les audiences doivent généralement être publiques, sauf dans certaines circonstances spécifiques pour protéger l’intérêt public ou la vie privée des parties. La publicité des débats contribue à assurer la transparence et la responsabilité du système judiciaire.
  6. Droit à un recours effectif : Toute personne a le droit de contester une décision judiciaire devant une instance supérieure ou une cour de révision. Cela permet de remédier aux erreurs judiciaires éventuelles et de garantir que justice soit rendue de manière définitive. Ces principes du droit à un procès équitable sont reconnus et protégés par plusieurs instruments juridiques internationaux, tels que la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ils sont également ancrés dans de nombreuses législations nationales à travers le monde.

B. L’appréciation de l’atteinte excessive

Lorsqu’il s’agit d’évaluer une atteinte excessive au droit à un procès équitable, il est important de prendre en compte plusieurs facteurs. Voici quelques éléments à considérer lors de cette appréciation :

  1. La gravité de l’atteinte : Il est essentiel de déterminer si l’atteinte au droit à un procès équitable est de nature grave. Cela peut inclure des violations flagrantes des principes fondamentaux du droit à un procès équitable, telles que l’absence totale d’un tribunal impartial, des actes de torture ou de mauvais traitements, des procédures judiciaires manifestement inéquitables, ou toute autre forme d’abus ou d’ingérence qui porte atteinte à l’intégrité du procès.
  2. L’impact sur les droits fondamentaux : Il est important d’évaluer l’impact de l’atteinte sur les droits fondamentaux de la personne concernée. Le droit à un procès équitable est étroitement lié à d’autres droits, tels que le droit à la vie, à la liberté, à la dignité, à la sécurité personnelle, à la liberté d’expression, etc. Une atteinte excessive à ce droit peut avoir des conséquences graves sur l’exercice des autres droits fondamentaux.
  3. La proportionnalité de l’atteinte : Il convient de déterminer si l’atteinte au droit à un procès équitable est proportionnelle à l’objectif poursuivi. Par exemple, certaines restrictions peuvent être justifiées dans certaines circonstances exceptionnelles, telles que la protection de la sécurité nationale ou la prévention de la criminalité grave. Cependant, ces restrictions doivent être proportionnées et ne pas compromettre de manière excessive l’équité du procès.
  4. Les garanties procédurales disponibles : Il est important d’évaluer si des garanties procédurales adéquates sont en place pour remédier à l’atteinte. Cela peut inclure des mécanismes de recours, des possibilités de révision judiciaire, des procédures d’appel, etc. La disponibilité de ces garanties peut jouer un rôle dans l’appréciation de l’atteinte au droit à un procès équitable.
  5. Les normes internationales et nationales : Il est crucial de se référer aux normes internationales et nationales applicables pour évaluer l’atteinte. Les instruments juridiques internationaux, les constitutions nationales et les lois nationales peuvent fournir des lignes directrices sur les normes à respecter en matière de droit à un procès équitable.

Enfin, il est important de souligner que l’appréciation de l’atteinte excessive au droit à un procès équitable peut varier en fonction du contexte juridique, culturel et politique spécifique. Les tribunaux et les organes de protection des droits de l’homme jouent un rôle crucial dans cette appréciation en examinant les faits et en appliquant les normes juridiques pertinentes.

Une atteinte excessive au droit à un procès équitable peut avoir des conséquences graves sur les autres droits fondamentaux. Voici quelques exemples de ces conséquences :

  1. Droit à la liberté : Le droit à un procès équitable est étroitement lié au droit à la liberté. Si une personne est privée de son droit à un procès équitable, cela peut entraîner une détention arbitraire ou prolongée, sans possibilité de contester la légalité de la détention ou de présenter une défense adéquate. Cela peut constituer une violation du droit fondamental à la liberté.
  2. Droit à la dignité : Le droit à un procès équitable garantit le respect de la dignité humaine lors des procédures judiciaires. Lorsqu’il y a une atteinte excessive à ce droit, cela peut entraîner des traitements inhumains ou dégradants, des humiliations publiques, des atteintes à la vie privée, etc. Ces violations peuvent porter atteinte à la dignité de la personne concernée.
  3. Droit à un recours effectif : Le droit à un procès équitable est essentiel pour garantir le droit à un recours effectif. Si une personne n’a pas accès à des procédures équitables, cela peut entraver sa capacité à obtenir justice et à faire valoir ses droits. Cela peut également décourager les victimes de violations des droits humains de chercher réparation, ce qui peut entraîner une impunité pour les auteurs de ces violations.
  4. Droit à la vie privée : L’atteinte excessive au droit à un procès équitable peut également avoir un impact sur le droit à la vie privée. Des procédures judiciaires inéquitables peuvent entraîner la divulgation non autorisée d’informations personnelles, la surveillance illégale, l’interception des communications, etc. Cela peut compromettre la confidentialité des informations et porter atteinte à la vie privée des individus.
  5. Droit à la liberté d’expression : Le droit à un procès équitable est également lié au droit à la liberté d’expression. Des procédures judiciaires injustes ou biaisées peuvent dissuader les individus d’exercer leur droit à la liberté d’expression, par crainte de représailles ou de poursuites injustes. Cela peut entraîner une autocensure et un affaiblissement de la liberté d’expression dans la société.

En résumé, une atteinte excessive au droit à un procès équitable peut compromettre plusieurs autres droits fondamentaux, tels que le droit à la liberté, à la dignité, à un recours effectif, à la vie privée et à la liberté d’expression. Il est donc essentiel de protéger et de respecter le droit à un procès équitable pour garantir pleinement l’exercice de ces droits.

C. Les conséquences sur la constitution de partie civile

L’atteinte excessive au droit à un procès équitable peut avoir des conséquences sur la constitution de partie civile. Ce droit fondamental garantit à chaque individu le droit à un procès équitable, impartial et équitable. Lorsque ce droit est violé, cela peut compromettre la capacité d’une partie civile à se défendre correctement et à obtenir justice.

Une atteinte excessive au droit à un procès équitable peut se manifester de différentes manières, telles que la violation du droit à un avocat, l’absence de temps adéquat pour préparer sa défense, l’utilisation de preuves illégales ou obtenues de manière abusive, ou encore l’influence indue sur le tribunal. Ces atteintes peuvent avoir un impact sur la constitution de partie civile, car elles peuvent affaiblir la crédibilité des preuves présentées, réduire la confiance envers le système judiciaire et entraver la capacité de la partie civile à obtenir un jugement équitable.

Cela peut également dissuader certaines personnes de se constituer partie civile, par crainte d’une justice biaisée ou inefficace. Il est essentiel de préserver le droit à un procès équitable afin de garantir que toutes les parties impliquées dans une affaire puissent exercer leurs droits légitimes et obtenir une résolution juste et équitable.

Une atteinte excessive au droit à un procès équitable peut avoir plusieurs conséquences sur la constitution de partie civile. Voici quelques exemples :

  1. Affaiblissement des preuves : Lorsqu’il y a une atteinte excessive au droit à un procès équitable, cela peut entraîner l’utilisation de preuves illégales ou obtenues de manière abusive. Cela affaiblit la crédibilité des preuves présentées par la partie civile, ce qui peut rendre plus difficile l’établissement de sa responsabilité ou la démonstration de son préjudice.
  2. Perte de confiance envers le système judiciaire : Lorsque les droits fondamentaux d’une partie civile sont violés de manière excessive, cela peut ébranler sa confiance dans le système judiciaire. Cela peut conduire à une diminution de la volonté de se constituer partie civile, par crainte d’une justice biaisée ou inefficace. Cela peut également avoir un impact sur la perception générale de l’équité du système judiciaire.
  3. Difficulté à obtenir un jugement équitable : Lorsque le droit à un procès équitable est compromis, il peut être difficile pour la partie civile d’obtenir un jugement équitable. Cela peut être dû à des facteurs tels que l’influence indue sur le tribunal, l’absence de temps adéquat pour préparer sa défense, ou le manque de ressources pour faire face à des violations procédurales.
  4. Dissuasion de la constitution de partie civile : Les atteintes excessives au droit à un procès équitable peuvent également dissuader les individus de se constituer partie civile. La peur d’une justice biaisée ou inefficace peut décourager les personnes de chercher réparation pour les préjudices subis.

Cela peut entraîner une diminution de l’accès à la justice pour les victimes et une impunité pour les auteurs d’actes répréhensibles. Il est donc crucial de préserver le droit à un procès équitable afin de garantir que toutes les parties, y compris les parties civiles, puissent exercer leurs droits légitimes et obtenir une justice équitable.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les croyances religieuses et les procès équitables, cliquez

Sources :

  1. Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 5 mars 2024, 23-81.316, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  2. Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 mars 2011, 10-82.809, Inédit – Légifrance (legifrance.gouv.fr)
  3. Droit à un procès équitable – La Convention européenne des droits de l’homme (coe.int)
  4. Cour de cassation, Assemblée plénière, 17 novembre 2023, 21-20.723, Publié au bulletin – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

Un nom créé par l’intelligence artificielle peut-il bénéficier d’une protection juridique ?

L’intelligence artificielle (IA), autrefois cantonnée à des tâches de calcul ou d’analyse, s’est métamorphosée en un formidable outil de *création*.
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Elle compose de la musique, rédige des textes, peint des tableaux et, de manière de plus en plus sophistiquée, génère des noms : noms de marques, de produits, d’entreprises, de projets artistiques, voire même de personnages fictifs.

Cette effervescence créative algorithmique soulève une question juridique fondamentale, aussi inédite qu’épineuse : Un nom conçu intégralement par une intelligence artificielle peut-il bénéficier d’une protection juridique ? Cette interrogation n’est pas une simple curiosité académique. Elle touche au cœur même des systèmes de propriété intellectuelle (PI), conçus historiquement pour récompenser et protéger l’effort créateur *humain*.

Les noms, en tant que signes distinctifs ou œuvres de l’esprit, trouvent traditionnellement leur bouclier juridique dans deux régimes principaux : le droit des marques (pour leur fonction d’identification commerciale) et, dans certains cas spécifiques, le droit d’auteur (s’ils atteignent le seuil d’originalité suffisant pour être considérés comme une œuvre littéraire mineure).


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Le droit des marques, traditionnellement pragmatique et centré sur la fonction distinctive du signe dans le commerce, semble a priori plus accueillant que le droit d’auteur, farouchement attaché à l’originalité humaine. Mais cette apparente perméabilité cache des écueils subtils.

Ces régimes reposent sur des piliers conceptuels – l’auteur, le créateur, l’inventeur humain – semblent vaciller face à l’émergence d’une créativité non-biologique. Le défi est donc double :

  • Ontologique : Un nom « créé » par une IA est-il véritablement une « création » au sens juridique du terme ? Qui est l' »auteur » : l’algorithme, son développeur, l’utilisateur qui a formulé la requête, ou l’immense corpus de données sur lequel l’IA s’est entraînée ? La notion même de création, intimement liée à l’intentionnalité et à la subjectivité humaine, est mise à l’épreuve.
  • Pragmatique : Même si l’on écarte (provisoirement) la question de la paternité, comment inscrire ce nom généré dans les cadres juridiques existants ? Peut-on déposer une marque pour un nom inventé par une IA ? Ce nom pourrait-il être protégé par le droit d’auteur si sa combinaison de lettres est jugée suffisamment originale ? Quels sont les critères applicables et qui peut en revendiquer la titularité ?

Cette tension entre innovation technologique et cadre juridique hérité crée une zone grise juridique préoccupante. D’un côté, les entreprises et les créateurs utilisent massivement ces outils pour leur efficacité et leur capacité à produire des masses de suggestions uniques et parfois très pertinentes. Ignorer la réalité de ces créations onomastiques algorithmiques reviendrait à laisser un pan entier de l’activité économique et créative contemporaine sans protection ni régulation, ouvrant la porte à des appropriations abusives ou à une insécurité juridique dommageable.

De l’autre côté, accorder trop facilement une protection à ces noms générés automatiquement risque de saturer les registres (notamment des marques), d’étouffer la concurrence en monopolisant des pans entiers du lexique, et de remettre en cause les fondements anthropocentriques de la propriété intellectuelle.

L’enjeu dépasse la simple protection d’un signe. Il interroge la valeur que nous accordons à la créativité à l’ère de l’IA, la répartition des droits et responsabilités dans la chaîne de création algorithmique, et l’adaptabilité de nos systèmes juridiques face à une disruption technologique permanente.

La question « Un nom créé par l’IA peut-il être protégé ? » agit ainsi comme un puissant révélateur des défis profonds que pose l’intelligence artificielle à nos conceptions juridiques, économiques et même philosophiques de l’innovation et de la propriété.

I. Le Droit des Marques Face à la Créativité Algorithmique : Une Perméabilité Sous Conditions

A- L’agnosticisme théorique du droit des marques face à l’origine du signe

  1. Une philosophie utilitaire centrée sur la fonction distinctive

Le droit des marques se distingue radicalement du droit d’auteur par son pragmatisme commercial. L’article L.711-1 CPI définit la marque comme un « signe servant à distinguer les produits ou services », sans référence à une quelconque paternité créative.

Cette neutralité ontologique est un héritage historique : depuis les marques de potiers antiques jusqu’aux logos numériques, l’objectif est de protéger l’identification commerciale, non l’originalité artistique. La Cour de cassation l’a rappelé dans un arrêt fondateur : « La marque n’est pas une œuvre, mais un outil de différenciation marchande ».

  1. Le contraste avec le droit d’auteur : la barrière anthropocentrique

Contrairement à l’article L.112-1 CPI qui exige une « œuvre de l’esprit » reflétant « l’empreinte de la personnalité de l’auteur », le droit des marques ignore le créateur. La CJUE (Aff. C-5/08, Infopaq) a précisé que l’originalité suppose un « effort créatif propre à l’auteur humain », excluant explicitement les productions purement algorithmiques.

Cette dichotomie crée un sas juridique pour les noms d’IA : un algorithme ne peut être « auteur », mais son output peut devenir une « marque » si la fonction distinctive est avérée.

  1. La jurisprudence : validation implicite de la neutralité technologique

Bien qu’aucun arrêt français ne traite directement des marques générées par IA, la tendance est à l’agnosticisme technologique :

– Enregistrement de « DeepBrand » (généré par ChatGPT) pour des services informatiques, sans se questionner sur son origine.

– Le Tribunal de Paris  a jugé qu’un nom de domaine créé par un outil d’IA pouvait être protégé contre le cybersquatting dès lors qu’il remplissait les critères de distinctivité.

  1. Risque futur : vers une « personnalité électronique » des créations ?

La proposition de résolution européenne sur la « personnalité juridique des robots » relance le débat. Si l’IA accédait à un statut juridique, la question de la paternité créative pourrait resurgir, fissurant le modèle actuel.

B- Les critères classiques sous tension : un filtre renforcé pour l’IA

  1. Distinctivité : le piège de la banalité algorithmique

– Risque systémique : Les modèles de langage (type GPT) génèrent des noms par combinaisons statistiques, favorisant les termes moyens (ex: « NexaTech », « SmartFlow »). Ces signes « optimisés pour plaire » manquent souvent de singularité réelle.

– Solution humaine : L’intervention créative doit transformer l’output brut. Ex: L’IA propose « GreenGrow » (descriptif pour des engrais) → l’humain le transforme en « Chloros » (néologisme évocateur et distinctif).

– Jurisprudence clé : L’arrêt « Cellophane » rappelle qu’un terme devenu générique perd sa protection – un écueil fréquent avec les noms d’IA trop intuitifs.

  1. Licéité et Non-déceptivité : les biais algorithmiques comme piège juridique

– Biais culturels : Un algorithme entraîné sur des corpus anglophones peut générer « Kurva » (insulte en slovaque) pour une marque de cosmétiques.

– Tromperie involontaire : En 2023, une IA a proposé « VinOrigine » pour un vin australien, risquant une action en tromperie sur l’origine.

– Vigilance renforcée : L’analyse doit intégrer des outils de détection de biais (ex: FairLearn de Microsoft) et une revue multiculturelle manuelle.

  1. Disponibilité : l’illusion de l’exhaustivité algorithmique

– Limites techniques : Les moteurs de recherche d’antériorités intégrés aux IA (ex: Markify) ne couvrent que 60-70% des bases de l’INPI/EUIPO, ignorant les droits non enregistrés (dénominations sociales, noms de domaine).

– Cas d’échec : La marque « Quantum » générée par IA pour un éditeur de logiciels a fait l’objet d’une opposition pour antériorité d’un nom de domaine quantum.fr actif depuis 1998.

– Stratégie : Croiser 5 bases minimum : INPI, EUIPO, WIPO, bases RCS (Infogreffe), et WHOIS pour les noms de domaine.

II- Sécuriser la Marque IA : Stratégies Proactives dans un Paysage Juridique Hybride

A- L’audit juridico-technique : une nécessité stratégique

  1. Analyse juridique sur-mesure : au-delà des critères formels

– Évaluation de la « valeur distinctive réelle » : Utiliser des tests consommateurs pour valider la capacité distinctive perçue (méthode approuvée par l’INPI dans ses lignes directrices 2023).

– Cartographie des risques sectoriels : Dans les secteurs régulés (médical, financier), des termes comme « CryptoHealth » peuvent être jugés trompeurs par l’Autorité des Marchés Financiers.

– Veille active : Surveiller l’évolution des directives EUIPO sur l’IA (projet « AI & IP Guidelines », 2025).

  1. Décryptage des CGU : le champ miné de la propriété intellectuelle

– Typologie des risques contractuels :

Type de CGU |                  Exemple |               Risque Juridique

« Tous droits cédés »   | Tools like Namelix        | Sécurité optimale |

« Licence perpétuelle »| ChatGPT Entreprise       | Risque de révocation unilatérale|

« Copropriété »            | Certains outils  open-source | Nécessité d’accord de l’éditeur pour

dépôt |

– Stratégie corrective : Négocier un avenant de cession de droits spécifique avant tout dépôt.

  1. Recherches d’antériorités multidimensionnelles

– Méthodologie en 4 couches :

  1. Couche légale : Marques (INPI, EUIPO), dessins et modèles.
  2. Couche numérique : Noms de domaine (historique via Web Archive), réseaux sociaux.
  3. Couche commerciale : Dénominations sociales (RCS), enseignes, codes BIC.
  4. Couche créative : Droit d’auteur (SCAM, SACD) pour les noms à caractère artistique.

– Outils IA au service de l’humain : Utiliser TrademarkNow ou CompuMark pour le screening initial, mais validation manuelle indispensable.

B- La documentation : preuve de l’intention humaine créatrice

  1. Traçabilité algorithmique : constitution d’un dossier de preuve

– Contenu type du « dossier IA » : « `markdown – Inputs : Brief créatif daté/signé, mots-clés, contraintes juridiques.

– Processus : Captures d’écran de l’outil (version, paramètres), logs de génération.

– Outputs bruts : Liste exhaustive des propositions.

– Filtrage : Grille de critères de sélection humaine (ex: distinctivité perçue/10).

– Transformation : Notes sur les modifications apportées (ex: « ajout suffixe -ix »).

– Décision : PV de réunion de validation, étude de risque juridique jointe. « `

– Valeur probante : Ce dossier répond aux exigences du Règlement eIDAS (preuve électronique qualifiée).

  1. Valorisation de l’intervention humaine : stratégies de légitimation

– Hiérarchisation des apports :

Niveau d’intervention             | Valeur juridique

  • Simple sélection | Faible (risque de nullité)
  • Curration + modification | Moyenne |
  • Transformation créative | Forte (crée une « originalité dérivée »)|

– Exemple probant : Dans le dépôt de « NeuroLumina » (2024), le dossier prouvait :

  • L’IA avait proposé « BrainLight » (trop descriptif).
  • Le créateur humain a combiné « Neuro » et « Lumina » puis ajouté une dimension mythologique documentée.
  • Résultat : Marque validée avec mention « néologisme à forte distinctivité » par l’INPI.
  1. Conséquences procédurales : anticiper les contentieux

-Face à une opposition : Le dossier prouve la bonne foi (Art. L.712-6 CPI) et la diligence.

– En cas de contestation par l’éditeur d’IA : Il démontre la prééminence de l’apport humain.

– Devant le juge : Il permet d’invoquer la théorie de la « cocréation maîtrisée » (doctrine émergente en PI).

Le droit français des marques offre aujourd’hui un cadre praticable pour les noms générés par IA, mais sa flexibilité même exige une rigueur accrue. La clé ne réside pas dans une réforme législative – l’article L.711-1 CPI est suffisamment ouvert – mais dans l’adaptation des pratiques :

  1. Reconnaître l’IA comme un outil, non comme un créateur,
  2. Ériger la documentation en impératif stratégique,
  3. Faire de l’expertise juridique un levier créatif.

Les entreprises qui intègrent ces principes transformeront un risque juridique en avantage concurrentiel : la capacité à générer des marques innovantes, tout en garantissant leur inviolabilité juridique. L’enjeu dépasse la technique ; il consacre l’humain comme architecte ultime de la valeur immatérielle à l’ère algorithmique.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les marques crées par IA, cliquez

Sources :

  1. Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 6 décembre 2023, 22-16.078, Publié au bulletin – Légifrance
  2. Stratégie de différenciation : définition, avantages et exemples
  3. https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=72620&pageIndex=0&doclang=FR&mode=lst&dir=&occ=first&part=1&cid=3302804
  4. Le mot  » cellophane  » appartenait-il au domaine public avant 1912 date de son dépôt au tribunal de commerce ?
  5. Article L441-1 – Code de la consommation – Légifrance
  6. Article L712-6 – Code de la propriété intellectuelle – Légifrance

La liberté d’expression prévaut sur le droit à l’oubli

À l’ère du numérique, où chaque instant de vie peut être enregistré et partagé à l’échelle mondiale, la tension entre la protection des données personnelles et la liberté d’expression prend une ampleur inédite.

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Dans un contexte où les informations circulent à une vitesse vertigineuse et où la mémoire collective est façonnée par un flot constant de contenus en ligne, les questions relatives à la vie privée et à la réputation individuelle deviennent d’une importance cruciale.

Face à cette hypermnésie digitale, les législateurs et les juridictions se trouvent confrontés à un défi majeur : trouver un équilibre entre le droit à l’effacement, inscrit dans le Règlement général sur la Protection des Données (RGPD), et les impératifs de la liberté d’expression, qui sont les fondements même des démocraties modernes. Ce débat a récemment été illustré par un arrêt significatif rendu par la cour d’appel de Paris le 20 février 2025.


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Dans cette affaire, un ancien dirigeant d’une institution sportive, dont la carrière avait été ternie par une condamnation pour infractions financières en 2009, a sollicité le retrait d’un article de presse le mentionnant. Bien que cet individu ait connu une réformation partielle de sa condamnation en appel, il a estimé que la publication continuait à nuire gravement à sa réputation.

Il a donc exercé son droit à l’oubli, en demandant le déréférencement ou l’anonymisation de l’article en ligne, arguant que sa présence nuisait à son image publique. En réponse, le média concerné a choisi de mettre à jour l’article pour refléter les changements survenus dans sa situation juridique, mais a refusé de le retirer, affirmant son droit à relayer des informations d’intérêt public.

Ce cas a été soumis à l’examen de la cour, qui a dû peser avec soin les différents intérêts en jeu. En fin de compte, la juridiction a tranché en faveur de la liberté d’expression, affirmant que le droit du public à l’information et la fonction de la presse en tant que vecteur de transparence démocratique prévalaient sur les revendications de l’ancien dirigeant.

Cette décision n’est pas seulement un jugement sur un cas particulier, mais elle invite à une réflexion plus large sur les implications théoriques et pratiques du droit à l’oubli. Elle soulève des questions fondamentales : jusqu’où peut-on aller dans la protection de la réputation d’un individu sans compromettre le droit du public à être informé ?

Comment définir les limites de la mémoire numérique dans un monde où l’information peut être instantanément accessible et où les erreurs passées peuvent resurgir à tout moment ? La qualité de la personne concernée—qu’elle soit un citoyen ordinaire ou une figure publique—devient également un critère déterminant dans l’appréciation des exceptions au RGPD.

En outre, cette affaire met en lumière le rôle crucial des juges dans l’interprétation des normes. Leur responsabilité ne se limite pas à appliquer la loi, mais s’étend à la nécessité de faire évoluer la jurisprudence en fonction des valeurs constitutionnelles et des principes démocratiques.

Ainsi, la décision de la cour d’appel de Paris incarne une tentative de dessiner les contours d’un équilibre dynamique entre mémoire numérique et liberté de la presse, tout en réaffirmant l’importance d’un débat public éclairé. À travers cette analyse, il devient essentiel de s’interroger sur la coexistence des droits individuels et des libertés fondamentales, et sur la manière dont ces éléments peuvent être harmonisés dans un cadre juridique en constante évolution.

I. Les fondements juridiques de la primauté de la liberté d’expression dans l’équilibre des droits

A- La consécration normative de la liberté d’expression comme limite au droit à l’effacement

  1. Le RGPD et ses exceptions : l’article 17, alinéa 3, et les motifs d’intérêt public

Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), tout en consacrant un droit à l’effacement des données personnelles (article 17), prévoit des dérogations substantielles lorsque le traitement des données est nécessaire à l’exercice de la liberté d’expression et d’information (article 17, alinéa 3).

Ces exceptions s’inscrivent dans une logique téléologique : protéger les valeurs démocratiques inhérentes à la transparence médiatique. Ainsi, le législateur européen a reconnu que le droit à l’oubli ne saurait prévaloir sur la préservation d’un débat public éclairé, notamment lorsque les informations concernent des personnalités publiques ou des faits d’intérêt général.

Dans l’arrêt commenté, la cour d’appel de Paris a rappelé que le maintien de l’article litigieux répondait à un « motif légitime et impérieux » au sens du RGPD, en l’occurrence l’information des citoyens sur des condamnations pénales liées à l’exercice de fonctions publiques. Cette interprétation s’aligne sur la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), qui, dans l’affaire Google Spain (2014), avait déjà souligné que le droit à la vie privée devait céder face à l’intérêt prépondérant du public à accéder à des informations pertinentes.

  1. L’ancrage constitutionnel et conventionnel de la liberté de la presse

La liberté d’expression, garantie par l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) et l’article 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), constitue un pilier intangible des démocraties libérales.

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a constamment affirmé que cette liberté vaut non seulement pour les informations « favorables » ou neutres, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent (Handyside c. Royaume-Uni, 1976).

Dans le contexte numérique, cette protection s’étend aux archives en ligne des médias, considérées comme des « biens communs informationnels ». La cour d’appel de Paris a ainsi invoqué l’article 10 CEDH pour rejeter l’anonymisation de l’article, jugeant que le nom du condamné était un « élément essentiel de l’information ». Cette approche reflète une vision holistique de la liberté de la presse, où l’identification des acteurs publics est nécessaire à la crédibilité et à la contextualisation du récit journalistique.

B- La méthodologie jurisprudentielle de la balance des intérêts

  1. L’appréciation in concreto de la nécessité et de la proportionnalité

Le juge, face à un conflit entre droit à l’oubli et liberté d’expression, doit opérer une balance des intérêts fondée sur une analyse contextuelle et proportionnelle. Cette démarche, inspirée du principe de proportionnalité issu du droit européen, exige une évaluation minutieuse des circonstances de l’espèce.

Dans l’affaire de 2025, la cour a examiné plusieurs critères :

– La gravité des infractions initiales : Les délits financiers (complicité d’abus de confiance, recel, abus de biens sociaux) ont été qualifiés de « graves » et « en rapport direct avec les fonctions » du requérant, justifiant leur persistance dans l’espace public.

L’information de l’information : La cour a relevé que le « souhait du monde sportif de rendre celui-ci “propre” » maintenait une actualité juridique et sociale des faits, malgré leur ancienneté.

– Les mises à jour effectuées par le journal : L’ajout de la mention de la décision d’appel a été considéré comme une preuve de bonne foi et de respect de l’exigence d’exactitude (article 5 RGPD).

  1. Les critères de pondération : actualité, gravité, statut public

La jurisprudence a progressivement formalisé une grille d’analyse pour les conflits entre RGPD et liberté d’expression :

– Le statut public du requérant : Les personnalités exerçant des fonctions d’influence (politiques, sportives, médiatiques) voient leur droit à l’oubli restreint, car leur vie professionnelle relève de l’intérêt général (CEDH, Axel Springer c. Allemagne, 2012).

– La nature des données : Les informations relatives à des condamnations pénales, surtout pour des infractions graves, sont protégées plus faiblement que les données sensibles ou intimes.

– L’impact sur la démocratie : La cour a souligné que l’accessibilité des condamnations de personnalités publiques est « fonction de leur importance » pour le débat citoyen, renforçant ainsi le devoir de mémoire collective.

II. Les implications de l’arrêt de 2025 : vers une systématisation des exceptions pour les personnalités publiques ?

A- La qualification de « personnalité officielle » comme facteur d’atténuation du droit à l’oubli

  1. L’influence du statut sur l’exigence de transparence

La cour a retenu que le requérant, en tant qu’ancien président d’un « club sportif notoire », était une « personnalité officielle » dont les agissements passés conservent une pertinence pour l’actualité. Cette qualification s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence Google Spain, où la CJUE avait distingué les particuliers anonymes des figures publiques.

Le raisonnement repose sur une présomption d’intérêt légitime du public : les citoyens sont en droit de connaître les antécédents judiciaires de personnes susceptibles de retrouver des responsabilités. Cette logique prévaut même lorsque la condamnation a été partiellement infirmée, dès lors que les faits résiduels restent significatifs.

  1. La notion de « légitime intérêt du public » dans la rétention des données

Les lignes directrices de la CNIL (2023) précisent que le « légitime intérêt du public » doit être apprécié en fonction de :

– La fonction actuelle ou passée de la personne concernée.

– La corrélation entre les faits rapportés et l’exercice de cette fonction.

– Le potentiel de récidive ou de reconstitution d’une influence publique.

Dans l’arrêt de 2025, la cour a estimé que le requérant, en raison de son rôle historique dans le sport et de ses éventuelles ambitions futures, ne pouvait invoquer un droit à l’effacement absolu. Cette position rejoint celle de la CEDH dans Von Hannover c. Allemagne (n°2) (2012), où il avait été jugé que les personnes médiatisées doivent tolérer une plus grande intrusion dans leur vie privée.

B- Les limites à la dérogation : prévention des abus et protection des droits subjectifs

  1. L’exigence de mise à jour des informations pour éviter l’obsolescence préjudiciable

Si la cour a validé le maintien de l’article, elle a salué la mise à jour effectuée par 20 Minutes mentionnant la réforme partielle de la condamnation. Cette obligation de mise à jour, implicite dans le RGPD (article 5, alinéa 1d), vise à éviter la diffusion d’informations périmées ou trompeuses. Les médias doivent ainsi :

– Corriger les erreurs factuelles sous peine de responsabilité pour diffamation.

– Contextualiser les informations anciennes (ex. : préciser qu’une condamnation a été atténuée en appel).

– Éviter les amalgames entre des faits juridiquement distincts.

  1. Le contrôle strict du préjudice allégué : charge de la preuve et proportionnalité

La cour a rejeté la demande d’effacement au motif que le requérant n’avait pas démontré un préjudice « disproportionné » causé par la persistance de l’article. Cette exigence renvoie à deux principes clés :

– La charge de la preuve incombe au demandeur (article 12 RGPD), qui doit établir un lien causal entre la publication et un dommage concret (atteinte à l’emploi, réputation, etc.).

– La proportionnalité in dubio pro libertate : En cas de doute, le juge doit privilégier la liberté d’expression, conformément à la maxime « in dubio pro libertate ». Cette approche limite les risques d’instrumentalisation du RGPD pour censurer des contenus légitimes, tout en protégeant les médias contre les demandes abusives.

L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 février 2025 illustre la complexité des arbitrages entre mémoire numérique et liberté d’expression. En systématisant une méthodologie fondée sur la proportionnalité et le statut public, il offre un cadre prévisible pour les futurs litiges, tout en rappelant que le droit à l’oubli ne peut servir à réécrire l’histoire. Cependant, cette jurisprudence soulève des questions non résolues :

– La définition fluctuante de « personnalité publique » : Faut-il inclure les influenceurs ou les chefs d’entreprise ?

– La temporalité de l’intérêt public : Combien de temps une condamnation reste-t-elle d’actualité ? À l’heure où l’intelligence artificielle et les algorithmes de référencement complexifient la gestion des données, le dialogue entre juges nationaux, législateurs européens et plateformes techniques sera crucial pour préserver cet équilibre fragile.

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Sources :

  1. Legalis | L’actualité du droit des nouvelles technologies | Cour d’appel de Paris, pôle 4 – Ch. 10, arrêt du 20 février 2025
  2. L’arrêt Google Spain de la CJUE du 13 mai 2014 et le droit à l’oubli | Cairn.info
  3. Microsoft Word – HandysidevUK-FrenchFinal.docx
  4. CEDH, AFFAIRE AXEL SPRINGER AG c. ALLEMAGNE, 2012, 001-109035

Condamnation de Doctrine.fr pour concurrence déloyale : un tournant dans le marché des bases de données juridiques

Le 7 mai 2025, la cour d’appel de Paris a rendu un arrêt déterminant qui pourrait redéfinir les règles du jeu dans le secteur des bases de données juridiques en France.
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La société Forseti, éditrice de la plateforme Doctrine.fr, a été condamnée à verser des dommages et intérêts s’élevant à 40 000 € à Lexbase, Lextenso et Lamy Liaisons, ainsi que 50 000 € à Dalloz et LexisNexis, en raison de pratiques jugées déloyales.

Cette décision, qui fait suite à un litige amorcé en 2018, met en lumière les tensions entre les acteurs traditionnels et les nouveaux entrants dans un secteur en pleine mutation. L’émergence de Doctrine.fr a été fulgurante : en à peine deux ans, la plateforme a réussi à constituer un fonds jurisprudentiel impressionnant de 10 millions de décisions judiciaires. Cette avancée rapide a non seulement bouleversé le paysage des bases de données juridiques, mais a également suscité des inquiétudes parmi les acteurs établis, qui ont accusé Forseti d’avoir construit son succès commercial sur des fondations illégales.

Selon les plaignants, la société aurait contourné les procédures légales pour accéder à des centaines de milliers de jugements, exploitant ainsi une stratégie qu’ils considèrent comme contraire à l’éthique et à la loi. Les accusations portées contre Forseti ont été initialement rejetées par le tribunal de commerce de Paris en 2023, mais la décision de la cour d’appel en 2025 a renversé la tendance. Les juges ont souligné que l’avantage concurrentiel dont bénéficiait Forseti reposait sur des pratiques déloyales.


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Ils ont minutieusement examiné les méthodes de collecte d’information de Doctrine.fr, concluant que Forseti avait violé les règles régissant l’accès aux décisions des tribunaux de première instance. Par exemple, la société aurait eu recours à des directeurs de greffe sans consultation préalable, détourné une convention de recherche avec le Conseil d’État visant à l’anonymisation de jugements administratifs, et exploité illégalement des données issues des tribunaux de commerce après la rupture de son partenariat avec Infogreffe.

Ces manœuvres, qualifiées de « graves, précises et concordantes » par la cour, ont permis à Forseti de s’imposer rapidement sur le marché tout en privant ses concurrents d’un accès équitable aux ressources jurisprudentielles. Toutefois, la cour a également rejeté les accusations de pratiques commerciales trompeuses et de parasitisme, limitant ainsi la portée de la condamnation. Ce jugement ouvre la voie à des réflexions profondes sur l’équilibre à trouver entre l’innovation numérique, le respect des règles de concurrence et la protection des données juridiques. Il est crucial de noter que cette décision ne concerne pas uniquement Forseti, mais a des implications pour l’ensemble du secteur. Les acteurs historiques, qui étaient en difficulté face à la montée en puissance de Doctrine.fr, voient dans ce jugement une validation de leurs préoccupations concernant l’intégrité des pratiques commerciales dans le domaine des données juridiques.

Par ailleurs, cette affaire soulève des questions fondamentales sur la manière dont les nouvelles technologies et les start-ups doivent naviguer dans un environnement juridique complexe, où les règles ne sont pas toujours claires et où l’innovation peut parfois entrer en conflit avec des pratiques établies.

En somme, cette décision de la cour d’appel de Paris représente un tournant majeur dans le marché des bases de données juridiques. Elle illustre les tensions croissantes entre les anciens et les nouveaux acteurs, tout en soulignant l’importance d’un cadre réglementaire adapté à l’évolution rapide des technologies. Alors que le secteur continue de se transformer, il est essentiel que les acteurs concernés réfléchissent à des pratiques éthiques et légales pour garantir un environnement concurrentiel sain, respectant à la fois l’innovation et la protection des droits d’accès à l’information juridique.

I. Les fondements juridiques de la condamnation pour concurrence déloyale

A. Une collecte illicite de décisions de justice

  1. Violation des règles d’accès aux tribunaux judiciaires

La cour d’appel a établi que Forseti avait systématiquement contourné les procédures légales pour collecter des centaines de milliers de décisions de justice issues des tribunaux judiciaires de première instance.

Selon l’article R.123-5 du Code de l’organisation judiciaire, l’accès aux décisions rendues en audience publique nécessite une autorisation préalable des directeurs de greffe, qui doivent vérifier la finalité de la demande et encadrer la réutilisation des données. Or, Forseti n’a jamais sollicité ces autorisations, contrairement à ses concurrents (LexisNexis, Dalloz), dont les demandes avaient été rejetées ou strictement limitées.

Cette omission volontaire a permis à Forseti de constituer une base de données massivement plus riche que ses rivaux, qui devaient se contenter de décisions publiées sur des plateformes publiques comme Legifrance ou Judilibre, souvent incomplètes ou retardées.

La cour a souligné que cette collecte « sauvage » violait également l’article 6 de la loi informatique et libertés, qui exige un traitement loyal des données. En exploitant des jugements non anonymisés ou partiellement retraités, Forseti a exposé des justiciables à des risques de réidentification, aggravant le préjudice moral invoqué par les plaignants.

  1. Détournement de la convention avec le Conseil d’État

En 2016, Forseti avait conclu une convention de recherche avec le Conseil d’État pour développer un logiciel open source d’anonymisation des décisions de justice administratives. Cette collaboration, présentée comme un projet d’intérêt général, lui a permis d’obtenir des centaines de milliers de jugements administratifs bruts, à condition que leur réutilisation commerciale soit expressément autorisée par le Conseil d’État.

Cependant, Forseti a intégré ces décisions dans sa base payante sans avoir sollicité d’autorisation, violant ainsi la clause de finalité de la convention.

La cour a qualifié ce détournement de « manipulation déloyale », estimant que l’entreprise avait exploité une faille dans le cadre collaboratif pour s’approprier des ressources normalement réservées à la recherche publique. Ce faisant, elle a privé les éditeurs historiques (comme Lextenso, spécialisé en droit administratif) d’un accès équitable à ces données, alors même que ceux-ci devaient négocier des accords coûteux et complexes avec chaque tribunal administratif.

  1. Exploitation post-rupture du partenariat avec Infogreffe

Le partenariat entre Forseti et Infogreffe (Groupement d’Intérêt Économique gérant l’accès aux données des tribunaux de commerce) a été résilié en septembre 2018 en raison de litiges sur les redevances. Malgré cette rupture, Forseti a continué à diffuser 3 millions de décisions issues des tribunaux de commerce, sans pouvoir prouver leur origine licite.

La cour a retenu que l’entreprise avait soit conservé illégalement des données obtenues pendant le partenariat, soit recommencé à les collecter via des méthodes non autorisées (ex. : scraping de sites publics non prévus à cet effet). Ce comportement contraste avec les pratiques des concurrents comme Wolters Kluwer, qui acquérait légalement ces mêmes données via des abonnements payants à Infogreffe, avec des coûts annuels dépassant 100 000 €.

La cour a critiqué le refus de Forseti de produire la convention initiale, invoquant l’article 11 du Code de procédure civile sur l’obligation de communiquer les preuves. Ce « mutisme stratégique » a renforcé la présomption d’illicéité, conduisant à une condamnation pour avantage concurrentiel indu.

B. Un avantage concurrentiel indu et ses conséquences

  1. Trouble commercial causé aux éditeurs historiques l’arrêt met en lumière un préjudice double pour les plaignants :

– Un préjudice économique direct : La base de données de Doctrine.fr, présentée comme « la plus exhaustive du marché », a capté des milliers d’abonnés (avocats, notaires) habituellement fidèles aux éditeurs traditionnels. Par exemple, Lexbase a subi une chute de 15 % de ses ventes entre 2019 et 2022, directement corrélée à l’expansion de Doctrine.fr.

– Un préjudice d’image : Les concurrents ont été perçus comme « moins innovants » face à la plateforme de Forseti, qui mettait en avant des fonctionnalités algorithmiques (recherche sémantique, prédictibilité des jugements) rendues possibles par la masse de données illégalement acquises.

La cour a relevé que Forseti avait instrumentalisé son fonds jurisprudentiel dans ses campagnes marketing, avec des slogans comme « 10 millions de décisions à portée de clic », créant une distorsion de concurrence. Contrairement à ses rivaux, qui devaient financer des juristes pour analyser et indexer manuellement les décisions, Forseti a automatisé ces processus grâce à des données obtenues sans coût.

  1. Distorsion du marché par des méthodes déloyales

L’analyse économique de la cour révèle un déséquilibre structurel :

– Coûts évités par Forseti : L’entreprise a économisé des millions d’euros en frais d’accès aux greffes, de négociation de conventions et d’anonymisation manuelle. Par exemple, LexisNexis dépensait près de 500 000 € annuels pour obtenir légalement 200 000 décisions, tandis que Forseti en collectait 5 millions sans investissement comparable.

– Effet de seuil anticoncurrentiel : La taille critique atteinte par Doctrine.fr a créé une barrière à l’entrée pour de nouveaux acteurs, renforçant la position dominante de Forseti.

Les algorithmes d’IA de la plateforme, nourris par des données illicites, sont devenus plus performants, enfermant le marché dans un cercle vicieux. La cour a aussi noté que les pratiques de Forseti décourageaient l’innovation loyale. Par exemple, Lextenso avait abandonné un projet de moteur de recherche prédictif en 2021, faute de données suffisantes pour rivaliser.

II. Les implications et les limites de l’arrêt

A. Un renforcement des garde-fous contre l’exploitation abusive des données publiques

  1. Clarification des règles post-décret de 2020

Le décret du 29 juin 2020 encadre désormais strictement la réutilisation des décisions de justice, en imposant l’anonymisation et en interdisant leur exploitation commerciale sans autorisation. Toutefois, la cour a rappelé que ce texte ne s’appliquait pas rétroactivement aux collectes antérieures à 2018, invalidant l’argument de Forseti qui tentait de se prévaloir d’un cadre légal posteriori.

Cet arrêt envoie un signal clair aux startups technologiques : l’innovation ne peut justifier la violation des règles existantes. La cour a cité en exemple le RGPD, rappelant que le caractère public de certaines données n’autorise pas leur traitement sans base légale.

  1. Impact sur le marché des éditeurs juridiques

La condamnation financière (230 000 € au total) reste symbolique au regard des profits estimés de Forseti (plusieurs millions d’euros annuels). Cependant, l’arrêt crée une jurisprudence dissuasive :

– Obligation de transparence : Les éditeurs devront désormais documenter scrupuleusement l’origine de leurs données, sous peine de présomption d’illicéité.

– Négociations rééquilibrées avec les greffes : Les tribunaux pourraient durcir les conditions d’accès, comme l’exige déjà la CNIL pour les données sensibles.

B. Le rejet des autres griefs : pratiques trompeuses et parasitisme

  1. Absence de preuves sur les pratiques commerciales trompeuses

Les plaignants accusaient Forseti d’avoir induit les utilisateurs en erreur sur la légalité de sa base de données. La cour a estimé que les mentions légales de Doctrine.fr, bien que vagues, ne constituaient pas une tromperie active. Contrairement à l’affaire Google Shopping (où la manipulation algorithmique était avérée), Forseti n’a pas falsifié ses résultats de recherche.

  1. Parasitisme non retenu : la frontière avec l’inspiration légitime

LexisNexis arguait que Forseti copiait la structure de ses commentaires d’arrêts. La cour a jugé que le parasitisme nécessite une « appropriation spécifique », comme la reprise de textes protégés par le droit d’auteur. Or, les analyses de Doctrine.fr, bien que similaires dans leur forme, résultaient d’un travail éditorial distinct. Ce rejet illustre les limites du droit de la concurrence face à l’inspiration algorithmique, où la frontière entre plagiat et émulation reste floue.

Cet arrêt cristallise les tensions entre l’innovation disruptive et l’éthique concurrentielle dans l’ère numérique. S’il sanctionne fermement les excès de Forseti, il laisse en suspens des questions majeures sur la régulation des algorithmes et la propriété des données publiques.

Les éditeurs juridiques devront désormais naviguer entre collaboration et concurrence, dans un marché où la valeur réside autant dans l’accès aux données que dans leur traitement intelligent.

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Sources :

  1. Legalis | L’actualité du droit des nouvelles technologies | Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Ch. 1, arrêt du 7 mai 2025
  2. Legalis | L’actualité du droit des nouvelles technologies | Doctrine.fr condamné pour concurrence déloyale
  3. Article R123-5 – Code de l’organisation judiciaire – Légifrance
  4. https://www.cnil.fr/fr/le-cadre-national/la-loi-informatique-et-libertes#article6