droit à l’image

Une cession de droits de propriété intellectuelle à titre gratuit est une donation

Trois catégories de donations échappent au formalisme de l’article 931 du Code civil et à la nécessité d’un acte authentique : les dons manuels, les donations indirectes et les donations déguisées. Ces trois formes de donations, dites « tacites », obéissent à des règles qui leur sont propres, à la fois sur le plan juridique (notamment quant à leurs conditions de validité) et sur le plan fiscal. Compte tenu de leur grande utilisation pratique, nous insisterons surtout sur les dons manuels.

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La donation d’actions nominatives ne peut valablement être réalisée, en principe, que par un acte notarié en exécution de l’article 931 du code civil ; à défaut, elle est entachée d’une nullité absolue (CA Nancy, 5 juill. 1963, Georges Schwindenhammer c/Papeterie Metenett J. Schwindenhammer et Cie).

Le tribunal judiciaire de Paris a estimé qu’une cession à titre gratuit de droits de propriété intellectuelle constitue une donation, qui doit être passée devant notaire.

TJ Paris, 8 févr. 2022, nº 19/14142, M. B.A.c. / SARL Akis Technology et M. Y D’Z

Deux personnes avaient conçu des antennes permettant la réception de données de balises placées dans les colliers de chiens de chasse. Ils ont déposé ensemble une marque de l’Union européenne semi-figurative et des dessins ou modèles communautaires. Ces produits étaient distribués par deux sociétés dont ils étaient associés et aussi par la société Hermès I distribution dont un seul des deux partenaires était associé et gérant. Les titres de propriété intellectuelle ont été cédés à Hermès I et son gérant a aussi concédé une licence sur les marques ou modèles à deux autres sociétés. Son ex-associé a cependant « dénoncé » la cession des droits de propriété intellectuelle et a assigné son ex-partenaire en nullité du contrat de cession.

Il a invoqué le fait que la cession étant consentie sans contrepartie financière, l’acte s’analyse donc comme une donation qui doit être consentie par un acte authentique. Le tribunal a approuvé cet argument.

Pour se prononcer en ce sens, il rappelle qu’« aux termes de l’article 931 du code civil, tous actes portant donation entre vifs seront passés devant notaires dans la forme ordinaire des contrats ; et il en restera minute, sous peine de nullité. Deux dérogations à ce formalisme sont admises en jurisprudence, la première tenant aux dons manuels, qui imposent la tradition (c’est-à-dire la remise physique) de la chose donnée, la seconde tenant aux donations déguisées ou indirectes, dont les conditions de forme suivent celles de l’acte dont elles empruntent l’apparence. Le code de la propriété intellectuelle ne déroge pas à cette condition formelle des donations, et prévoit seulement, s’agissant des marques, que le transfert de leur propriété doit être constaté par écrit (…) ».

Or il relève que « le contrat daté du 13 juillet 2015 (mais dont la date est manifestement fausse, ne serait-ce que parce qu’y est annexé un certificat établi par l’EUIPO en novembre 2016…) emporte explicitement transfert de propriété de la marque et des modèles « à titre gratuit. Il s’agit donc par définition d’une donation, non dissimulée et portant sur des droits incorporels, comme tels insusceptibles de remise physique »

Il en conclut que « l’acte, qui devait donc être passé devant notaire alors qu’il est constant qu’il a été conclu sous seing privé, est nul ».

La solution retenue par le Tribunal judiciaire de Paris est valable pour l’ensemble des droits de propriété intellectuelle (droit d’auteur, marque, dessins et modèles, brevet) et a vocation à s’appliquer indifféremment aux donataires personnes physiques ou morales.

Il applique ainsi au droit de la propriété intellectuelle strictement le formalisme des donations entre vifs et ce, même si ce régime n’est pas toujours adapté à la pratique de la cession des droits de propriété intellectuelle.

En effet, les cessions à titre gratuit interviennent souvent intra-groupe ou entre un associé, titulaire d’une marque, et sa société, qui souhaite l’exploiter.

Dans cette hypothèse, il sera donc opportun de céder ses droits pour un euro symbolique que gratuitement.

I. Donations notariées

A. Domaine du formalisme notarié

Donations ostensiblesLe domaine du formalisme notarié s’arrête aux frontières de la donation ostensible. La donation faite par acte sous seing privé, sans simulation ou dissimulation, est nulle, sous réserve qu’elle ne révèle pas la volonté du prétendu donateur de disposer de ses biens à cause de mort. La qualification de testament olographe s’avère, en pareil cas, de nature à sauver la libéralité de la nullité. Est entaché de nullité l’acte sous seing privé par lequel un concubin, propriétaire en indivision d’un immeuble avec son compagnon, déclare renoncer et léguer ses droits concernant la maison et ses biens à ce dernier.

Il convient, à l’heure de l’établissement d’un écrit destiné à démontrer un don manuel, de faire preuve d’une vigilance toute particulière. Il n’y a pas don manuel valable lorsque la tradition est intervenue en exécution d’un acte de donation ostensible sous seing privé.

La limite entre la donation ostensible sous seing privé, frappée de nullité, et la donation non solennelle, valable, s’avère parfois ténue et incertaine. La donation ostensible, sous seing privé, nulle en la forme, est pareillement difficile à distinguer du concept de donation déguisée. Il en est ainsi, tout spécialement, de la libéralité effectuée, par le biais d’une reconnaissance de dette, en remerciement de services rendus.

Promesse de donation – La jurisprudence assujettit au formalisme notarié la promesse de donation (CA Besançon, 28 mars 2017, n° 16/00250). Ainsi, une promesse de donation consentie sous seing privé par des parents à leurs enfants sous la condition de l’homologation judiciaire de leur changement de régime matrimonial constitue une promesse de donation, laquelle ne s’analyse pas, en l’absence de respect des formes requises par la loi et de l’acceptation par les donataires, en une donation qui nécessiterait, pour être effective, une simple réitération par acte authentique (CA Paris, pôle 3, ch. 1, 18 juin 2014, n° 13/14370).


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La jurisprudence décide, par ailleurs, que le promettant, qui recourt à un acte sous seing privé en connaissance de cause, engage sa responsabilité civile en créant de faux espoirs dans l’esprit du bénéficiaire de la promesse. La promesse sous seing privé est, en revanche, valable toutes les fois qu’elle s’analyse, non pas comme une promesse de donation, mais comme l’engagement de son auteur d’exécuter un devoir impérieux de conscience. L’établissement et la signature de l’acte transforment alors cette obligation naturelle en une obligation civile.

B. Contenu de la règle de forme

Exigences relatives au rédacteur de l’acte – En dépit de l’article 931, la présence d’un seul notaire est suffisante pour recevoir une donation, dès lors qu’il est territorialement compétent et qu’il n’est pas allié ou parent de l’une des parties, soit en ligne directe, soit en ligne collatérale, jusqu’au degré d’oncle ou de neveu inclusivement ni appelé à bénéficier lui-même de la donation (Code civil, article 1317).

L’acte authentique peut être dressé sur support électronique (Code civil, article 1317, al. 2). En droit international privé, c’est la maxime « locus regit actum » qui est applicable, de sorte que l’authenticité notariale n’est requise que si l’acte de donation est passé dans un pays dont la loi exige la forme notariée.

Exigences relatives à la rédaction de l’acte – L’article 931 du Code civil exige que l’acte de donation soit rédigé en minute. Le notaire recueille le consentement des parties et dresse un acte instrumentaire qui doit être signé par lui et les parties. L’acte, qui doit être daté, peut être passé à deux dates différentes, dès lors que le notaire est présent, à chaque date, pour donner lecture de l’acte et recueillir la signature de la partie concernée. Le défaut de signature de l’une des parties infecte l’acte d’un vice de forme l’entachant de nullité absolue. La signature du notaire est obligatoirement postérieure à celle des parties ; elle peut être apposée après le décès de l’une d’entre elles. Les parties à l’acte de donation peuvent se faire représenter par un mandataire.

Il doit s’agir d’un mandat spécial contenant tous les éléments de la donation : désignation des parties, indication des biens donnés, charges et conditions. Il doit revêtir lui-même la forme authentique, à peine de nullité de l’acte de donation. Le notaire qui dresse la procuration doit en garder minute.

 

II. Sanction de la règle de forme

A. Nullité invoquée du vivant du donateur

Sous peine de nullité, tout acte portant donation est obligatoirement notarié. Il en va de même de l’engagement de signer un acte de donation.

L’article 931 du Code civil n’interdit pas la réalisation de donations non notariées ; il signifie seulement que si un acte qui réalise la donation est établi, cet acte doit être notarié.

En pratique, trois catégories de donations échappent au formalisme de l’article 931 : les dons manuels, les donations indirectes et les donations déguisées. Ces trois types de donations obéissent à des règles qui leur sont propres, à la fois sur le plan juridique (notamment quant à leurs conditions de validité) et sur le plan fiscal.

Les parties doivent signer la donation, sous peine également de nullité.

Du vivant du donateur, la règle de l’authenticité des donations est sanctionnée par la nullité absolue (CA Versailles, 1er déc. 2016, n° 14/08829). S’il a pour finalité de protéger le donateur, le formalisme a aussi pour fonction de garantir l’irrévocabilité de la donation qui est une règle d’ordre public. Il s’ensuit que la nullité peut être invoquée par tout intéressé dans un délai de 5 ans, sauf l’exception de nullité qui est perpétuelle (Code civil, article 2224).

La confirmation de l’acte nul est, par ailleurs, exclue. L’ancien article 1339 est aujourd’hui repris à l’article 931-1 du Code civil. L’alinéa 1er précise que : « En cas de vice de forme, une donation entre vifs ne peut faire l’objet d’une confirmation. Elle doit être refaite en la forme légale ». Une transaction ne peut être considérée comme un acte confirmatif d’une donation nulle en la forme. Il en est de même de la remise matérielle des biens donnés, intervenant en exécutant d’une telle donation nulle.

Pareille tradition ne peut servir de fondement à un don manuel valable. Si elle intervient de manière indépendante de la donation irrégulière, la remise doit être validée au titre d’un don manuel autonome et distinct. La donation peut être pareillement refaite au moyen d’un acte authentique régulier. Il ne s’agit pas d’une confirmation de l’acte nul, mais d’un acte nouveau.

B. Nullité invoquée après le décès du donateur

Après le décès du donateur, la nullité revêt un caractère relatif. L’ancien article 1340 du Code civil énonçait que : « La confirmation ou ratification, ou exécution volontaire d’une donation par les héritiers ou ayants cause du donateur, après son décès, emporte leur renonciation à opposer soit les vices de forme, soit toute autre exception ».

La confirmation de l’acte nul par les héritiers demeurait soumise aux dispositions de l’ancien article 1338 du Code civil. Ces derniers conservaient leur droit d’agir en nullité de la donation, s’ils ne connaissaient pas, au moment de la confirmation, le vice de forme entachant la donation et n’avaient pas l’intention de le réparer. La nullité de la donation irrégulière ne pouvait être invoquée, après le décès du donateur que par les héritiers ou ayants cause du donateur (c’est-à-dire les légataires universels ou à titre universel), auxquels était reconnue la faculté de confirmation. Les créanciers du disposant n’étaient pas admis à invoquer la nullité.

Ces solutions sont reconduites par l’article 931-1. L’alinéa 2 dispose que : « Après le décès du donateur, la confirmation ou exécution volontaire d’une donation par les héritiers ou ayant cause du donateur emporte leur renonciation à opposer les vices de forme ou tout autre cause de nullité ». La confirmation de l’acte nul par les héritiers obéit aux dispositions de l’article 1181, elles aussi issues de la réforme du droit des contrats.

Le prononcé de la nullité entraîne l’anéantissement rétroactif de la donation. Cette dernière ne peut pas recevoir exécution. Si celle-ci est déjà intervenue, le donataire est tenu de restituer les biens qu’il a reçus en vertu de l’acte nul. Les actes de disposition et les constitutions de droits réels qu’il a pu consentir sont rétroactivement effacés. La jurisprudence admet que la donation nulle en la forme puisse valoir testament olographe.

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Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034086845?isSuggest=true
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000025994533?init=true&page=1&query=10-23.352&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000025380560?init=true&page=1&query=11-11.636&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007032593?init=true&page=1&query=92-11.910&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000035807229?init=true&page=1&query=16-24.533&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027948991?init=true&page=1&query=12-15.618&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034086845?init=true&page=1&query=16-14.351+&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037536301?init=true&page=1&query=17-22.021+&searchField=ALL&tab_selection=all

LE DROIT A L’IMAGE DES MORTS

L’article 9 du Code civil confère à toute personne le droit au respect de sa vie privée, de ce principe découle le droit à l’image. Ce dernier est un droit appartenant aux personnes vivantes. En effet, la mort entraîne la fin de la personnalité juridique. Le Droit à l’image est un droit de la personnalité qui s’éteint avec la mort et qui est intransmissible. Cependant, la question du droit à l’image fait tout de même débat.

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Avec le développement des nouvelles technologies, les droits de la personnalité tels que le droit à l’image et à la vie privée sont souvent violés. Les réseaux sociaux, le déploiement de caméras, l’écoute ou la surveillance par les employeurs peuvent bafouer ces droits. Le droit à l’image est mis à rude épreuve constamment sur la toile.

Qu’en est-il lorsque l’image est celle d’une personne qui n’est plus ? Les enjeux qui découlent de cette question sont multiples et méritent par conséquent d’être au cœur d’une réflexion.

Le droit à l’image est une construction jurisprudentielle découlant de l’article 9 du Code civil portant sur le droit au respect de la vie privée. C’est suite à la parution de la photographie d’une actrice décédée dans un journal en 1858 que la question s’est posé du droit à l’image des morts. Les juges s’étaient alors fondés sur le droit à l’image pour condamner la reproduction de la photographie. En estimant notamment que le consentement formel de la famille était nécessaire à cette reproduction.


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Depuis cette première affaire, de nombreux jugements ont été rendus concernant le droit à l’image des morts. Les juridictions s’accordent sur le fait que les droits de la personnalité s’éteignent avec la mort de la personne. Cependant, la question est toujours d’actualité. En effet, nombreuses sont les exceptions. Parmi ces exceptions on retrouve notamment : la dignité de l’être humain, le droit pénal imposant le consentement de la personne pour diffuser la photographie.

En réalité, la seule exception qui tend à s’appliquer est celle de la dignité humaine, en effet, le décès de la personne éteint les droits de la personnalité, par conséquent, on ne peut obtenir de consentement. Les droits patrimoniaux sont transmissibles tandis que les droits de la personnalité cessent avec la mort de la personne.

Ainsi, on peut se demander par quels moyens est-il possible de se protéger malgré tout, des diffusions indésirables de l’image d’une personne après sa mort ?

Tout d’abord, il convient de rappeler que peu importe le moment ou une photographie a été prise, la mort de la personne entraîne l’extinction du droit à l’image (I). Néanmoins, la diffusion de la photographie peut causer un préjudice moral, celui-ci ne s’éteint pas avec la mort de la personne, en effet, l’image est figée. (II)

I – L’extinction du droit à l’image

Le droit à l’image répond au régime plus général des droits de la personnalité. Il n’y a pas d’ambiguïté quant à l’application de ce régime au droit à l’image, alors même que les droits de la personnalité (A) regroupent plusieurs droits spécifiques qui s’éteignent avec le décès des personnes lésées dans ces droits (B).

A – Les droits de la personnalité

Les droits de la personnalité sont des constructions prétoriennes. Ils découlent pour de l’article 9 du Code civil. On retrouve parmi ces droits, le droit au respect de la vie privée et le droit à l’image. Dans les droits de la personnalité, nous retrouvons également le droit moral de l’auteur, cependant celui-ci bénéficie d’un régime particulier.

Pour la doctrine, ces droits ont pour objectif la protection de l’intégrité physique et morale. Il est intéressant de se concentrer sur l’intégrité morale de la personne. En effet, l’intégrité physique demeure même après la mort de l’auteur. Concernant l’intégrité morale, la question est plus épineuse.

Par principe, les droits de la personnalité sont des droits extrapatrimoniaux inhérents à la personne et inaliénables, ces droits ne sont pas transmissibles. Par conséquent, ils s’éteignent avec le défunt.

L’exemple du droit d’auteur est quant à lui particulier. Le droit d’auteur regroupe des droits patrimoniaux et moraux. Concernant la première catégorie, regroupant le droit de représentation et le droit de suite, elle comprend des droits qui sont cessibles et transmissibles et qui perdurent 70 ans après la mort de l’auteur.

La seconde catégorie prévue à  l’article L.121-1 du Code de propriété intellectuelle., regroupe le droit de paternité, le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre, le droit de retrait ainsi que le droit de divulgation. Ces droits sont incessibles, mais sont cependant transmissibles pour cause de mort aux héritiers. Les Droits moraux sont perpétuels et inaliénables. Néanmoins, le droit retrait étant intimement lié à la personne de l’auteur, il cesse avec sa mort.

Par conséquent, les droits de la personnalité, étant directement liés à la personne, doivent s’éteindre avec la personne. Néanmoins, cela peut causer de nombreux problèmes, notamment sur la pérennité de la protection comme c’est le cas avec le droit à l’image.

B – L’extinction des droits de la personnalité

L’article 16-1-1 du Code civil prévoit que le « respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort ».

Ainsi certains droits liés à l’intégrité physique peuvent être invoqués après la mort d’une personne, en effet la protection ne cesse pas avec son décès. Néanmoins, ce n’est pas le cas avec l’intégrité morale.

En effet, les droits en lien avec l’intégrité morale de la personne ne peuvent perdurer après la mort du titulaire de ces droits. À titre d’exemple, la présomption d’innocence n’est pas transmissible et s’éteint avec le décès de la personne, car il n’est pas possible de poursuivre pénalement une personne décédée.

Pour le droit à l’image, c’est similaire. Dans un arrêt rendu le 14 décembre 1999, la Cour de cassation a énoncé que ce droit s’éteint de plein droit avec le décès de la personne à qui appartient ce droit, ce qui rend impossible tout recours de la part des héritiers sur le droit à l’image de la personne décédée.

Position réaffirmée récemment par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 31 janvier 2018 (1). L’image de l’artiste du défunt artiste Henri Salvador avait fait l’objet d’une utilisation commerciale. Son ancienne épouse avait donc formé un recours en se basant sur le droit à l’image. La Cour de cassation vient rappeler que le droit à l’image est un droit extrapatrimonial et non patrimonial et que par conséquent, il ne se transmet pas aux héritiers, car il s’éteint avec le décès du titulaire de ce droit.

Néanmoins, il est tout de même possible pour les héritiers de pouvoir agir pour protéger la diffusion de l’image de la personne décédée si celle-ci leur cause un préjudice moral personnel.

II – Une protection sur le fondement du préjudice moral

Le juge permet tout de même à la famille dans certains cas de pouvoir agir, il permet à cette dernière d’agir sur le fondement du préjudice moral. (A) Cette solution, après avoir été dégagée par la Cour de cassation a été suivie par le Conseil d’État (B)

A – L’image des morts protégées par la responsabilité civile

La Cour de cassation dans un arrêt rendu le 22 octobre 2009 (2), à refuser d’appliquer l’article 9 du Code civil en précisant que le droit à l’image s’éteint avec le décès de la personne qui en est titulaire. Un des enfants d’un auteur décédé avait poursuivi un éditeur et un auteur sur le fondement du droit à l’image, car ces derniers avaient publié un livre retraçant la vie de leur père.

La Cour de cassation a donc appliqué sa jurisprudence et rejeté la demande. Néanmoins, la Cour de cassation est venue offrir une nouvelle voie pour les héritiers. En effet, elle consacre la possibilité de venir rechercher la responsabilité des personnes à l’origine de la publication sur le fondement du préjudice moral. Comme énoncé à l’article 1382 (ancien, actuel 1240) du Code civil «   « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

La Cour énonce que « les proches d’une personne décédée ne peuvent contester la reproduction de son image qu’à la condition d’établir le préjudice personnel qu’ils en éprouvent, déduit le cas échéant d’une atteinte à la mémoire du mort ou au respect qui lui est dû ».

Ainsi, pour pouvoir obtenir une réparation, il faut donc se baser sur le terrain de la responsabilité civile. Il est donc nécessaire que la diffusion de la photographie de la personne décédée cause un préjudice moral aux personnes qui en font la demande.

L’atteinte à la mémoire ou la dignité du corps humain peuvent donc par ricochet causer un préjudice personnel aux proches de la personne décédée, leur permettant d’agir sur le fondement de la responsabilité civile. Néanmoins, il convient de rappeler que dans certains cas, la dignité du corps humain peut être écartée en raison du droit d’information.

Le raisonnement n’est pas dénué de sens, à tel point que le Conseil d’État a repris le raisonnement à son compte en se reconnaissant compétent lors d’une espèce similaire et en faisant application du Code civil.

B – L’application directe des dispositions du Code civil par le juge administratif

Le juge administratif a eu l’occasion de s’exprimer sur ce sujet dans un arrêt rendu le 27 avril 2011. (3) En l’espèce, un entretien entre un psychanalyste et une artiste avait été enregistré et filmé. Cet entretien avait été diffusé lors d’une exposition après le décès du psychanalyste. Les enfants de ce dernier ont formé un recours de plein contentieux pour obtenir réparation suite à la diffusion de cet entretien.

Tout comme les juridictions civiles, le Conseil d’État énonce que « « le droit d’agir pour le respect de la vie privée ou de l’image s’éteint au décès de la personne concernée ». En précisant que  « si les proches d’une personne peuvent s’opposer à la reproduction de son image après son décès, c’est à la condition d’en éprouver un préjudice personnel, direct et certain ».

Néanmoins, l’ancien article 1382 n’est tout de même pas cité par le juge administratif. Mais l’idée est la même, pour obtenir réparation il faut rechercher la responsabilité de l’auteur de la diffusion de l’image du mort. Et il faut que cette diffusion ait causé un préjudice personnel à ceux qui demandent réparation. Le Conseil d’État précise que le préjudice personnel doit être certain et direct.

Pour lire une version plus complète de cet article sur le droit à l’image des défunts, cliquez

Sources :
(1)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000036584709 
(2)https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000021194220/ 
(3)https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000023946420/

Travail : droit à l’image

Mon employeur a décidé de créer un trombinoscope en photographiant chaque individu avec un appareil photo numérique. Pensez-vous que nous sommes obligés de nous soumettre à sa volonté ou peut-on refuser en faisant valoir un texte de loi sur l’utilisation de notre image ou je ne sais quoi d’autre ?
A priori, rien ne vous oblige à poser pour le trombinoscope de votre société. Tout individu jouit d’un droit sur l’exploitation de son image au terme de l’article 9 du Code Civil.

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