Droits d’auteur

Responsabilité des forums de discussion

La responsabilité des forums de discussion est une problématique récurrente en droit qu’il est difficile de trancher. Il faut savoir que les forums prennent aujourd’hui une place de plus en plus importante sur internet, en témoigne le forum r/wallstreetbets de la plateforme Reddit qui a provoqué en janvier 2021 une des plus grandes frénésies boursières de la décennie dans l’affaire « GameStop », et il est donc fréquent de se connecter sur certains d’entre eux. Traitant de domaines variés, il arrive que le sujet de conversation prenne des tournures juridiquement réprimandables.

Nous pouvons donc trouver dans les forums de discussion des termes réducteurs, insultants et même diffamatoires ainsi que des atteintes à l’intérêt général ou aux droits d’auteur par exemple. Ainsi, c’est lorsque les propos émis touchent la considération de personnes physiques ou morales que la responsabilité des forums de discussion doit être résolue. 

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Dès lors, existe-t-il une réelle responsabilité des forums de discussion ? Si la responsabilité des forums de discussions s’est vue ajustée par le législateur, elle reste majoritairement traitée par la jurisprudence.

I. Position du problème

La responsabilité des acteurs de l’Internet occupe de plus en plus l’actualité juridique en ce moment.

Après la loi du 1er août 2000 et l’amendement Bloche qu’elle a intégré à celle du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, la responsabilité des animateurs de services interactifs tels que les « chats » et forums de discussions se trouve au centre des débats.


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En effet, la jurisprudence, renforcée par cet amendement, au terme duquel un hébergeur n’est « pénalement ou civilement responsable du contenu diffusé que si, ayant été saisi par une autorité judiciaire, il n’a pas agi promptement pour empêcher l’accès au contenu incriminé », avait permis d’aboutir à une forme d’immunité des prestataires techniques de l’Internet pour les propos tenus sur les pages web et/ou forums de discussion qu’ils hébergent.

Or, s’est rapidement posé le problème du recours ouvert à la victime de propos diffamatoires ou infamants en cas d’impossibilité d’en identifier l’auteur : faut-il alors rechercher la responsabilité du créateur, du modérateur ou de l’administrateur du forum ? C’est précisément sur ce point que les juges français ont dû se prononcer à l’occasion du litige opposant le cybermarchand Père-Noël aux responsables d’un forum de discussion hébergé sur le site Defense-consommateur.org.

Avant de rappeler les faits de cette affaire, précisons qu’il est nécessaire de distinguer selon que l’on se trouve dans le cadre d’un forum de discussion modéré ou non. La responsabilité des forums de discussion est engagée de cette distinction.

Dans le cas d’un forum non modéré, le créateur d’un site met à la disposition des internautes un forum pour qu’ils puissent s’exprimer ; à ce titre, il ne pourra pas être auteur ou co-auteur des propos diffusés.

N’étant qu’un simple prestataire hébergeant un espace où chacun est libre de donner son avis, il ne détient pas la possibilité de contrôler a priori le contenu de cet espace. Son statut d’administrateur ne lui confère qu’un pouvoir de contrôle a posteriori.

En conséquence, il serait peut-être judicieux d’appliquer les dispositions de la loi d’août 2000 à ce type de créateur et de ne pas systématiquement retenir sa responsabilité en cas de publication de messages illicites sauf dans l’hypothèse où il aurait incité les internautes à tenir de tels propos ; le créateur du site pourrait alors voir sa responsabilité recherchée de ma même façon que celle d’un directeur de publication.

Lorsque le forum est modéré, les propos sont validés par l’administrateur du forum avant toute diffusion ; il pourrait donc voir sa responsabilité engagée automatiquement en cas de publication de messages diffamatoires, injurieux ou autres, à l’image de ce qui se fait déjà en matière de presse pour les directeurs de publication.

II. Evolution jurisprudentielle

Le jugement rendu dans l’affaire « Père-Noël » constitue la première position prise par les juridictions françaises sur le problème de la responsabilité des créateurs des sites proposant aux internautes un forum de discussions.

Le TGI de Lyon a, par son jugement du 28 mai 2002, procédé à la condamnation des responsables du site « Defense-consommateur.org » pour diffamation suite à la publication, par des internautes, de propos injurieux et diffamants à l’encontre d’un cybermarchand (Père-Noël) sur le forum de discussions non modéré du site.

Cette condamnation consiste au paiement d’une somme de 80 000 euros (500 000 F) à titre de dommages et intérêts ainsi qu’à la publication de la décision dans la presse et sur le site abritant le forum.

Le juge a retenu la responsabilité civile et pénale des personnes en charge des sites pour l’ensemble des messages publiés sur tous les types de forums, modérés ou non modérés.

Il relève « qu’il est constant que les [responsables] ont pris l’initiative de créer un service de communication audiovisuelle en vue d’échanger des opinions sur des thèmes définis à l’avance et en l’espèce, relatifs aux difficultés rencontrées par certains consommateurs face à certaines sociétés de vente ; qu’ils ne peuvent donc pas opposer un défaut de surveillance des messages qui sont l’objet du présent litige ; qu’ils se considèrent eux-mêmes comme les concepteurs du site incriminé et doivent donc répondre des infractions qui pourraient avoir été commises sur le site qu’ils ont créé. »

Cette solution, surprenante compte tenu de la difficulté d’exercer un contrôle a priori des contenus sur les forums non modérés, a été confirmée par le TGI de Toulouse dans une ordonnance en date du 5 juin 2002 suite à une affaire aux faits similaires.

En l’espèce, une association (DomExpo) fait l’objet de vives critiques sur un site spécialisé dans les maisons, et ce, dans le cadre d’un forum de discussions non modéré.

Cette association obtient de l’hébergeur et du responsable du site la suppression de l’accès au site litigieux et celle des messages incriminés.

Le juge admet que les parties en cause ont rempli leurs obligations telles que découlant de l’article 43-8 de la loi du 1er août 2000 ; cependant, il considère insuffisantes les mesures prises pour faire cesser le trouble.

Le TGI rappelle que les internautes ont tenu des propos « comportant de manière évidente des invectives grossières, des imputations d’escroquerie, de pratiques douteuses qui excèdent les limites de la liberté d’expression pour entrer dans le domaine du dénigrement portant atteinte à l’honneur et ne respectant pas la dignité de celui auquel ils s’adressent ».

La juridiction considère le créateur d’un site comme « responsable du contenu du site qu’il a créé et des informations qui circulent sur le réseau » dans la mesure où il dispose seul du pouvoir réel de contrôler les informations ou diffusions.

Il peut donc voir sa responsabilité civile engagée étant donné qu’il a « l’obligation de respecter les règles légales ou les restrictions ou interdictions qu’imposent le droit et ne peut se retrancher derrière la nature de l’Internet pour mettre devant le fait accompli les personnes auxquelles la divulgation de propos illicites porte préjudice ».

Mais, par cette ordonnance, la juridiction entend également imposer à l’hébergeur technique du forum une « obligation générale de prudence et de diligence », celui-ci devant mettre en œuvre « des moyens raisonnables d’information, de vigilance et d’action ». En cas de violation de ces obligations, l’hébergeur sera donc uniquement civilement responsable.

III. Difficultés résultant des jurisprudences « Père-Noël » et « DomExpo »

Le créateur du site qui propose un forum de discussion est soumis à une obligation de surveillance sur la totalité des contenus diffusés en raison de la maîtrise qu’il possède sur la diffusion des propos. Cette solution semble tout à fait logique dès lors que l’on se trouvera dans l’hypothèse où la diffamation se sera produite sur un forum modéré, l’administrateur du site devant donner son approbation préalablement à la publication des messages.

Or, dans les affaires récemment examinées par les juridictions françaises, la diffamation avait eu lieu sur des forums non modérés.

La responsabilité retenue par ces jugements serait donc fondée sur les articles 1241 (anc. 1383) et 1242 (anc. 1384) du Code civil, le premier posant le principe de la responsabilité du dommage causé par la négligence ou l’imprudence, le second retenant une responsabilité du fait des choses dont a la garde.

Les créateurs d’un forum seraient alors responsables pour l’imprudence d’avoir mis à la disposition des internautes un forum non modéré, mais aussi en raison de la maîtrise qu’ils sont censés exercer sur leur site.

En ce qui concerne les hébergeurs, on peut se demander ce que leur nouvelle obligation implique concrètement étant donné que dans l’affaire « DomExpo » l’hébergeur avait empêché l’accès au site litigieux dès son assignation, pour ne le rétablir qu’après la suppression des contenus diffamants. Il serait donc contraint d’installer des moyens de surveillance afin de prévenir toute mise en cause devant le juge civil ; mais ces moyens apparaissent difficiles à mettre en œuvre.

La loi du 21 juin 2004 dite « pour la confiance dans l’économie numérique » (LCEN) proclame entre autres un régime de responsabilité des intermédiaires techniques de l’Internet dérogeant au principe consacré à l’article 1240 du Code civil puisque ces derniers, désormais notifiés, ne sont alors pas tenus responsables, ni pénalement ni civilement, pour les informations stockées tant qu’ils n’ont pas été informés de leur caractère illicite, excluant la prise en considération de « toute » faute au profit d’une faute spéciale. La catégorie des hébergeurs de forum de discussions tombe sous ce régime de responsabilité.

En 2007, la cour d’appel de Paris a cependant reconnu à l’hébergeur un devoir de « veiller dans la mesure de ses moyens à ce que son site ne soit pas utilisé à des fins répréhensibles ». En 2012, la CJUE a néanmoins reconnu l’impossibilité pour un hébergeur de concevoir et financer un moyen de filtrer en permanence la totalité des informations qu’il stocke en raison de l’évidente incompatibilité d’un tel idéal avec la liberté d’entreprendre. La même année, la Cour de cassation est venue confirmer à trois reprises cette décision, mettant un terme à la doctrine irréaliste soulevée en 2007 par la cour d’appel de Paris.

Conformément au devoir des hébergeurs de répression de l’apologie des crimes contre l’humanité, de l’incitation à la haine raciale ainsi que de la pornographie enfantine consacrée à l’article 6-I-7 de la LCEN, ceux-ci doivent permettre aux utilisateurs de prendre facilement connaissance de ces principes d’intérêt général et doivent également avertir les autorités publiques de telles activités une fois notifiées. L’article 6-II du même texte de loi prévoit que l’hébergeur doit conserver toute donnée permettant d’identifier un utilisateur qui aurait contribué à créer du contenu via le service de l’hébergeur.

Le Conseil constitutionnel a, par ailleurs, laissé savoir dans une décision du 10 juin 2004, que le caractère « manifestement » illicite d’une information stockée par un hébergeur et dénoncée comme tel par un tiers pourrait engager la responsabilité de l’hébergeur.

La jurisprudence a montré certaines difficultés d’application de la loi de 2004, comme dans des cas de condamnations de l’hébergeur n’ayant pas réussi à rendre l’accès impossible à un contenu illicite pourtant retiré, de celui qui a retiré le contenu illicite seulement un mois après notification ou encore de celui qui a rendu inaccessible l’accès pour la France au site d’une entreprise espagnole de services relatifs à la gestation pour autrui.

IV. Conséquences des nouvelles positions jurisprudentielles

Le 28 juin 2002, le tribunal d’Instance de Nantes a entériné un accord conclu le 27 juin 2002 entre le webmaster d’un forum et le président de la CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) et par lequel les deux parties règlent leur différend; le litige qui les opposait était en fait la conséquence de propos injurieux et diffamatoires tenus à l’encontre du second sur ce forum non modéré, mis en place pendant les dernières élections, et qui visait à permettre aux médecins d’exprimer leur mécontentement suite aux amendes infligées par le président de l’organisme à certains de leurs confrères qui avaient pris la décision de facturer leurs consultations au prix de 20 euros au lieu du tarif légal en vigueur inférieur (18,75 euros).

Le webmaster du forum y reconnaît d’ailleurs avoir « failli à son obligation de modération en sa qualité de webmaster ». Condamné à verser un euro symbolique, il a également consenti à régler les frais résultant de la procédure.

Quant à l’hébergeur du site (Nfrance) et au prestataire du système de forums (lhébergeur.net – Twidi.com), ils ont été écartés de la procédure. En effet, ils avaient rempli leurs obligations légales en procédant à la fermeture du forum et à la publication de l’assignation.

Suite à cette affaire, le responsable du site a décidé de fermer son site, regrettant que « le problème de fond posé par les textes de lois qui engagent la responsabilité des webmasters concernant les écrits des forums reste entier ».

Par ailleurs, la cour d’appel de Koblenz en Allemagne a, le 16 mai 2002, jugé responsable un créateur de site à la suite de la publication de messages dits diffamatoires dans un livre d’or.

En 2010, la CJUE a précisé dans l’affaire « Google AdWords » comment déterminer les bénéficiaires du régime de responsabilité atténuée consacré à l’article 14 (al. 1, let. a) de la directive sur le commerce électronique précitée qui, pour rappel, déclare irresponsable des informations stockées l’hébergeur « n’[ayant] pas effectivement connaissance de l’activité ou de l’information illicite ».

Le critère donné par la CJUE dépend de la neutralité de l’hébergeur ; ce dernier, pour pouvoir bénéficier du régime de responsabilité consacré à l’article 14 de la directive européenne sur le commerce électronique précitée, doit avoir eu un comportement « purement technique, automatique et passif, impliquant l’absence de connaissance ou de contrôle de données [stockées] ». Cependant, la CJUE précisera en 2011 que la simple neutralité de l’hébergeur n’est pas suffisante pour bénéficier du régime [d’irresponsabilité] de l’article 14 s’il est prouvé qu’il a manqué à son obligation de diligence.

Dans une décision du 3 octobre 2019, la CJUE a estimé en ce qui concerne les articles 14 et 15 de la directive européenne 2000/31/CE du 8 juin 2000 étant à l’origine de la loi de transposition du 21 juin 2004 d’une part que si le prestataire de service de stockage d’informations (l’hébergeur) est exonéré d’une obligation générale de surveillance et de contrôle des messages, il reste toutefois dans l’obligation (= est tenu) d’intervenir s’il est informé du caractère litigieux de certains messages, et d’autre part que l’obligation de suppression prévue par ces articles doit produire des « effets à l’échelle mondiale ».

En conséquence, refuser d’appliquer aux créateurs de forums la protection de la loi du 1er août 2000, induit la suppression progressive et inéluctable de tous les forums non modérés. La Cour de cassation a retenu cependant plutôt un critère de neutralité vis-à-vis de l’hébergeur, la protection de la LCEN semble profiter à un maximum d’hébergeurs de forums de discussions.

La loi dite Hadopi du 12 juin 2009 prévoit en son article 93-3, alinéa 5, que le directeur de la publication ne pourra voir sa responsabilité pénale engagée que s’il est établi qu’il avait connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il n’a pas agi promptement pour retirer ce message.

Si ce régime de responsabilité ressemble beaucoup à celui qui avait été instauré par la loi LCEN à l’égard des hébergeurs en son article 6-I-2 qui disposait en effet que les hébergeurs ne pouvaient voir leur responsabilité engagée pour un contenu publié sur leur site s’ils n’avaient pas connaissance de son caractère illicite, il s’avère que les hébergeurs peuvent également être exonérés si lorsqu’ils ont eu connaissance de la publication sur leur site d’un contenu illicite ils « ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible ».

Seulement, le responsable de forum de discussions a pour obligation d’empêcher par des moyens de filtrage la communication de ces messages illicites sur leur site. En revanche, s’il n’a pas pu mettre en place un dispositif de modération, alors sa responsabilité ne sera retenue que s’il avait connaissance du contenu illicite et qu’il ne l’a pas retiré dans un délai suffisamment court. Cette responsabilité pour absence de contrôle a priori n’existe pas pour les hébergeurs.

Par ailleurs, l’autre différence entre les deux régimes de responsabilité réside dans le fait qu’un hébergeur ne peut être tenu responsable du contenu qu’il stocke que si ce dernier est « manifestement » illicite. Le responsable d’un forum de discussion en revanche peut être responsable pour la diffusion d’un contenu simplement illicite.

Le terme « manifestement » ayant été ajouté par le Conseil constitutionnel, dans sa décision de 2004 précitée, dans le but de préserver la liberté d’expression, la loi Hadopi n’opérant pas cette distinction, elle impose par conséquent au responsable d’un forum de discussion de supprimer tout contenu illicite sans jugement préalable.

 

SOURCES :

Philippe le Tourneau, Dalloz référence : Contrats du numérique (Dalloz 2021), ch. 422.31-422.36
CJUE, 3ème chambre, 3 octobre 2019, Eva Glawischnig-Piesczek c/Facebook Ireland, C-18/18
TGI Versailles, 1ère chambre, 26 février 2019, n° 16/07633
CJUE, 3ème chambre, 16 février 2012, Belgische Vereniging van Auteurs, Componisten en Uitgevers CVBA (Sabam) c/ Netlog, C-360/10
CJUE, Grande chambre, 12 juillet 2011, L’Oréal c/eBay International, C-324/09
CJUE, Grande chambre, 23 mars 2010, Google c/Louis Vuitton, C-236/08
Loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 dite « favorisant et la protection de la création sur internet »
Paris, 12 décembre 2007, Google c/Benetton
Paris, 4ème chambre, 9 novembre 2007, eBay
TGI Paris, 19 octobre 2007, Zadig production c/Google
Conseil constitutionnel 10 juin 2004, n° 2004-496 DC
Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 dite « pour la confiance dans l’économie numérique » (LCEN)
Forum des droits sur l’Internet, Premier rapport d’activité : année 2002 (La Documentation française, Paris 2003) 32-34
Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information

Les images gifs et le droit d’auteur

Véritable phénomène social, le GIF bouleverse les modes de communications traditionnels jusqu’alors basés sur l’échange de mots.

Ces images animées, issues de séries, de films ou encore de dessins animés, pourraient bien se heurter à la protection des droits d’auteurs.

Depuis l’avènement d’internet, la protection des droits d’auteurs doit perpétuellement être interprétée et ajustée afin de ne pas laisser subsister des zones de non droit.

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Récemment c’est le GIF qui amène les spécialistes du droit à statuer sur l’encadrement de son utilisation.


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Le GIF, acronyme de Graphics Interchange Format, est un format conçu en 1987 pour permettre le téléchargement d’images en couleur. Les images alors assemblées créent une sorte de petits « films » joués en boucle.

L’utilisation du GIF revient en force ces derniers mois et se transforme en véritable phénomène social. Ces fichiers sont une véritable alternative aux smiley et permettent des échanges uniques et surprenants.

En effet, issus d’images de séries, de films, d’émissions ou encore de dessins animés, ils permettent de décrire une situation qu’il est difficile de décrire avec une simple photo. Ils ont une véritable force illustrative et démonstrative.

Cependant, qu’en est-il de la protection droits d’auteurs des œuvres ainsi utilisées ?

Le droit d’auteur correspond à l’ensemble des prérogatives dont dispose une personne sur les œuvres de l’esprit qu’elle a créées. Il est partagé entre le droit patrimonial et le droit moral.

Les droits patrimoniaux se prescrivent 70 ans après le décès de l’auteur, contrairement au droit moral qui est imprescriptible.

Les droits patrimoniaux permettent de contrôler l’utilisation par autrui de l’œuvre créée et, donc, d’en percevoir une contrepartie.

Les droits moraux permettent, quant à eux, de protéger la personnalité de l’auteur exprimée à travers l’œuvre.

Toute utilisation (reproduction, représentation) de l’œuvre protégée est donc normalement soumise à autorisation préalable de l’auteur, sans quoi il y aura contrefaçon.

Le droit moral s’applique également sur Internet. Ainsi un auteur ou ses héritiers (le droit moral étant imprescriptible, il est transmis aux héritiers à cause de mort) pourraient agir contre une personne ayant dénaturé l’œuvre.

Toutefois, certaines exceptions sont prévues afin d’accorder au public une utilisation libre de l’œuvre.

Exception aux droits patrimoniaux

Lorsque l’œuvre est utilisée à des fins strictement privées, simplement citée, ou encore parodiée ou caricaturée, son utilisation échappe aux droits d’auteur.

Le GIF utilise des images tirées d’œuvre de l’esprit. Le nombre d’image utilisé est très faible et forme une animation de très courte durée.

Dès lors, il peut être qualifié juridiquement de courte citation et échapper à la protection des droits d’auteur, selon l’article L.122-5 du Code de la Propriété intellectuelle.

La courte citation est conditionnée à la réunion de trois éléments :

  • La brièveté
  • La mention de la source dans le respect du droit de paternité de l’œuvre originale
  • Le caractère justifiée de l’utilisation de la citation

S’agissant de la brièveté, cette dernière s’apprécie in concreto, c’est-à-dire que le juge va regarder les circonstances particulières de la citation pour déterminer s’il s’agit ou non d’une courte citation, comme il l’a fait dans un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 19 novembre 2019.
Concernant le respect au droit de paternité de l’auteur de l’œuvre originale. Il s’agit d’un droit moral, il est donc imprescriptible. Ainsi l’utilisation d’un GIF, si elle répond à l’exception de citation, est conditionnée à une mention du nom de l’auteur ainsi que la source de l’œuvre, principe rappelé encore une fois dans l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 19 novembre 2019.

Cependant, la dernière condition étant difficile à prouver, puisque le GIF semble être que pur divertissement, la qualification de courte citation peut être facilement écartée.

Cependant, la dernière condition étant difficile à prouver, puisque le GIF semble être que pur divertissement. Or cette exception de citation est en principe, limitée aux fins de critiques, polémiques, pédagogiques, scientifiques ou d’informations. De même l’utilisation d’un GIF par une entreprise à des fins de communication, correspond à une utilisation commerciale, ce qui fut exclu du champ d’application de l’exception de citation par le TGI de Paris le 15 mars 2002. La qualification de courte citation peut donc être facilement écartée.
Le GIF est une sélection d’images bien particulières d’une œuvre audiovisuelle jouées en boucle. Ce mécanisme de répétition et ce choix des images créent tout le succès du GIF.
Le GIF peut alors s’apparenter à une parodie, œuvre seconde à visée ludique ou moqueuse. Autrefois, la parodie était qualifiée que lorsqu’il y avait une portée satirique, aujourd’hui elle peut l’être à la seule recherche du rire.
Pour que l’exception de parodie soit retenue, il faut qu’elle remplisse deux conditions.

Tout d’abord, il faut que la parodie ne crée aucun risque de confusion entre l’œuvre parodiée et sa parodie. Il s’agit d’une condition prévue à l’article L.122-5 4° du Code de la propriété intellectuelle, elle est considérée comme l’élément matériel de l’exception, il s’agit d’une condition constante et nécessaire, encore rappelée dans un arrêt du 22 mai 2019. Le GIF ne reprenant qu’un court passage de l’œuvre originale, il n’existe aucun risque de confusion.

Enfin, il faut que la parodie soit poursuivie dans un but humoristique. Il s’agit là de l’élément moral de l’exception, or la jurisprudence, qui suit une tendance à l’assouplissement de l’exception de parodie, va diminuer l’importance de cette condition. Comme ce fut le cas dans l’arrêt du 22 mai 2019, où la Cour de cassation a appliqué l’exception de parodie à un photomontage, alors que le caractère humoristique n’était que secondaire à un message d’intérêt général. Dans la pratique, les GIF ont principalement un but humoristique, vu qu’il servent à illustrer un propos à travers une courte animation.

Depuis l’arrêt Painer du 1er décembre 2011 rendue par la CJUE, on considère que la parodie n’a pas à porter sur une œuvre originale protégée par le droit d’auteur pour être protégé par l’exception de parodie. Cette jurisprudence nous permet donc d’appliquer l’exception de parodie à tous GIF, même non issus d’une œuvre originale, comme issus d’une émission sportive ou d’un discours politique (La Cour d’appel de Paris le 13 mars 2020 a reconnu l’application de l’exception de parodie à une vidéo militante). Cela permettrait d’assurer une protection uniforme pour ces GIF, indépendamment de leur origine.

Enfin, il convient de se demander si les GIF ne peuvent pas faire l’objet de l’exception de l’usage privé. En effet, les GIF sont la plupart du temps utilisés au cours de discussions avec des amis ou de la famille, leur utilisation serait donc restreinte au cercle de famille. Toutefois, cette exception est limitée, car aujourd’hui ces GIF sont également fréquemment utilisés sur les réseaux sociaux.

Exception aux droits moraux

Les droits moraux emportent l’interdiction de porter atteinte à l’intégrité de l’œuvre. Une telle atteinte peut être caractérisée lorsque l’œuvre est déformée ou diffusée hors contexte.

Or, le GIF diffuse un extrait très bref de l’œuvre qui peut finalement porter atteinte au respect de l’œuvre.

Malgré que cette atteinte puisse être retenue par certains juges, les ayants droits concernés ne semblent pas s’en préoccuper. En effet, l’utilisation de ce format n’a pour le moment amené aucuns contentieux.

Les exceptions, de parodie ou de citation, empêchent également qu’une atteinte aux droits moraux de l’auteur soit retenue.

Toutefois, des applications de bases de données de GIFs commencent à voir le jour entraînant avec elles leur monétisation.

C’est le cas de .GIF, application conçue par deux français, qui compte aujourd’hui plus de 15 000 utilisateurs.

  • Comment est encadrée la distribution des GIF sur ces applications ?

Pour Giphy, moteur de recherche de GIF, et sa nouvelle application d’envoie d’images animées par SMS, (Nutmeg) ce sont ses partenaires (Disney, Game of thrones…) qui donnent aux utilisateurs le droit de distribuer leurs animations.

Mais lorsque le GIF n’appartient pas à un de ces partenaires, Giphy ne paie aucune redevance pour son utilisation et sa distribution.

Les ayants droit qui n’ont, aujourd’hui, aucun intérêt à porter devant la justice la violation de leurs droits pourraient changer d’avis si ce partage se transforme en commerce lucratif.

 

SOURCES
Droit d’auteur et copyright – Broché – 2014 – Françoise Benhamou – Joëlle Farchy
http://www.inpi.fr/fr/l-inpi/la-propriete-industrielle/comment-proteger-vos-creations/le-droit-d-auteur.html
http://vosdroits.service-public.fr/professionnels-entreprises/F23431.xhtml
Article L.122-5 du Code de la Propriété intellectuelle
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000037388886/
Cour d’appel de Versailles du 19 novembre 2019 n° 18/08181
TGI de Paris le 15 mars 2002
Civ. 1ère ch. 22 mai 2019, 18-12.718
https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/premiere_chambre_civile_3169/2019_9122/mai_9285/469_22_42551.html
CJUE 1er décembre 2011 Eva-Maria Painer contre Standard VerlagsGmbH et autres., C-145/10
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A62010CJ0145
CA Paris, 13 mars 2020

Signature électronique

Aujourd’hui beaucoup de contrats se concluent sur internet, c’est ainsi qu’une loi de mars 2000 a précisé que les écrits électroniques ont une valeur probante, de même la validité de la signature électronique a été reconnue. En effet, il a fallu aménager des moyens de sécurisation, de preuve afin de pouvoir contracter librement et sereinement sur internet.

La « signature électronique sécurisée » consiste en  » une signature électronique qui utilise outre un procédé fiable d’identification, qui est propre au signataire, qui est créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif, et qui garantit avec l’acte auquel elle s’attache un lien tel que toute modification ultérieure de l’acte soit détectable« .

Telle est la définition donnée par le décret d’application de la loi portant adaptation du droit de la preuveaux technologies de l’information et relative à la signature électronique.

Publiée au Journal Officiel le 13 mars 2000, la loi prévoit notamment que les écrits électroniques ont une valeur probante devant un tribunal, les contractants peuvent d’élaborer leurs propres règles de preuve privées, la validité de signature électronique est reconnue au même titre qu’une signature manuscrite si  » elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache » et « la fiabilité du procédé est présumée, jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de l’acte garantie, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’Etat« .

Le Gouvernement avait préparé ce projet de décret qu’il a soumis à consultation publique à la fin de l’année 2000. Ce texte avait suscité beaucoup de commentaires, lesquels mettaient en exergue deux soucis majeurs à savoir celui d’assurer un certain niveau de sécurité et celui d’éviter un encadrement trop rigide.

Publié le 31 mars 2001 au Journal Officiel, le décret prévoit que  » la fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée jusqu’à preuve contraire lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique sécurisée, établie grâce à un dispositif sécurisé de création de signature électronique et que la vérification de cette signature repose sur l’utilisation d’un certificat qualifié « .

 

I. Un dispositif sécurisé de création de signature électronique

Un dispositif de création de signature électronique (matériel ou logiciel) sera réputé sécurisé si un certain nombre de garanties sont prévues en ce qui concerne les données de création.

lles doivent être établies une seule fois, leur confidentialité doit être assurée, elles ne peuvent pas être déduites, elles ne peuvent pas être falsifiées, elles sont protégées par le signataire contre toute utilisation par des tiers. De plus, le dispositif ne doit pas altérer le contenu de l’acte à signer et ne pas faire obstacle à ce que le signataire en ait une connaissance exacte avant de le signer.

Pour attester de la sécurisation du dispositif de création de signature électronique, celui-ci devra être évalué et certifié conforme

(1) soit par les services du Premier ministre chargés de la sécurité des systèmes d’information conformément à un arrêté à venir (probablement, la Direction Centrale des Systèmes de Sécurité et de l’Information, la DCSSI)

(2) soit par des organismes qui seront agrées par ces services,

(3) soit par un organisme européeen assimilé. Les services délivreront un certificat de conformité. Le contrôle de la mise en oeuvre de ces procédures d’évaluation et de certification sera assuré par un Comité directeur de la certification, prochainement institué par un arrêté du Premier ministre.

 

II. Un dispositif de vérification de signature électronique

Un dispositif de vérification de signature électronique (c’est-à-dire les éléments, tels que les clés publiques, utilisés pour vérifier la signature électronique) doit être évalué et peut également être certifié conforme. Ce dispositif devra  » permettre de garantir l’exactitude de la signature électronique, de déterminer avec certitude le contenu des données signées, de vérifier la durée et la validité du certificat électronique utilisé, l’identité du signataire etc. « . La vérification de la signature repose sur des certificats électroniques qualifiés.

Pour garantir l’identité du signataire, les certificats électroniques qualifiés devront d’une part comprendre un certain nombre de mentions obligatoires comme notamment  » l’identité du prestataire, le nom du signataire, la période de validité du certificat, les conditions d’utilisation du certificat etc.  » et d’autre part être délivrés par un prestataire de service de certification (PSC), lequel doit offrir un certain nombre de services (annuaire, révocation, horodatage des certificats etc.) et s’engager sur un certains nombre de garanties (délivrance, fiabilité et prévention contre la falsification des certificats, utilisation de systèmes, produits, procédures sécurisés, conservation des données, personnel qualifié etc.).

Un décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 ( JO du 19 avril 2002) a crée une procédure de certification de la sécurité des produits et des systèmes des technologies de l’information.

Elle est effectuée selon les standards internationalement reconnus et s’appuie sur des centres d’évaluation agréés, qui effectuent des contrôles et des tests et rendent compte des résultats obtenus. Au vu de ces résultats, le certificat est délivré par le Premier ministre.

Un arrêté est paru le 31 mai 2002 désignant le Centre français d’accréditation (Cofrac) pour accréditer les sociétés qui évalueront, pour deux ans, les prestataires de certification électronique. Une liste à jour des organismes accrédités sera à la disposition du public. L’évaluation effectuée par ces organismes sera payé par le prestataire de services.

En conclusion, on pourra souligner que ces textes ne sont pas forcément limpides et laissent planer quelques zones d’incertitudes.

Par exemple, qu’entend-on par la notion de « vérificateur » ou n’aurait-on pas plutôt par définir cette notion dès l’introduction, les limitations de responsabilité et de garantie de ces prestataires seront-t-elle possibles en ce qui concerne les certificats, comment se concilie cette réglementation avec celle sur la protection des données personnelles etc. Tant de questions que la pratique mettra rapidement en exergue.

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Le spamming

Le spamming consiste en l’envoi massif de courriers électroniques non sollicités, le plus souvent il revêt un caractère publicitaire. Le spamming suppose alors la collecte préalable d’adresses mails. Comment le droit régit-il le spamming ?

I. Définition et position du problème

Défini par la CNIL comme  » l’envoi massif – et parfois répété- de courriers électroniques non sollicités, le plus souvent à caractère commercial, à des personnes avec lesquelles l’expéditeur n’a jamais eu de contact et dont il a capté l’adresse électronique dans les espaces publics de l’Internet : forums de discussion, listes de diffusion, annuaires, sites Web, etc. « , le spamming, ou  » pollupostage « , constitue une dérive du marketing en ligne qui permet aux entreprises de  » toucher  » rapidement, directement et massivement les internautes par le biais de leur boite aux lettres électronique, et de réduire ainsi considérablement l’ensemble des frais qu’il leur faut engager.

Cependant, utilisée massivement depuis 1997, une telle pratique suppose que les entreprises aient préalablement collectées les adresses, auxquelles elles envoient ces courriers non sollicités, conformément aux dispositions des législations de protection des données (loi  » Informatique et liberté  » du 6 janvier 1978, directives européennes du 25 octobre 1995, du 20 mai 1997 et du 15 décembre 1997).

En effet, l’adresse électronique constitue une donnée personnelle au sens de ces législations. Or, bien souvent, cette collecte se fait de façon sauvage au moyen de  » logiciels aspirateurs  » d’adresses présentes sur les listes de diffusion ou les forums de discussion.

La pratique du spamming pose donc deux problèmes au regard des règles relatives à la protection des données personnelles que constituent les adresses e-mail :

– celui des conditions de collecte et d’utilisation de ces données personnelles à des fins de prospection, notamment quand cette collecte a lieu dans les espaces publics de l’Internet

– celui de l’appréciation des moyens mis en œuvre pour permettre aux personnes prospectées de s’y opposer ( » opt-in  » et  » opt-out « )

 

II. Typologie et conséquences du spamming

Le spamming est susceptible d’affecter trois types de ressources Internet : les forums de discussion, lesmoteurs de recherche et le courrier électronique.

Dans le premier cas, il peut consister en des pratiques de multipostage abusif, Excessive Multi-posting (EMP) et Excessive Cross Posting (ECP), qui vont perturber le fonctionnement des forums de discussion.

Ces pratiques peuvent être identifiées et quantifiées à l’aide d’outils spécifiques, outils permettant de prendre la mesure de la nocivité des envois réalisés en nombre sur les groupes de discussion.

Ainsi, l’envoi d’un même message à plusieurs groupes identifiés pendant une période de 45 jours conduit à retenir la qualification de spamming.

Mais précisons que ce seuil n’est qu’indicatif car d’autres paramètres, tels que la méthode employée ou la quantité de messages envoyés, sont également pris en compte.

Dans une seconde hypothèse, le spamming peut correspondre à une indexation abusive dans les moteurs de recherche. On parle alors d’engine spamming ou de spamdexing.

Pour lutter contre une telle menace, les principaux moteurs de recherche ont mis en place de nombreuses solutions techniques.

A titre d’illustration, le moteur de recherche d’Infoseek procède au déclassement automatique de tout site contenant plus de sept mots identiques.

Enfin, le spamming peut se manifester au travers du courrier électronique qui est devenu le principal vecteur commercial des entreprises actives sur le réseau Internet.

La raison tient simplement au fait que contrairement à la prospection traditionnelle (effectuée par voie postale, téléphonique ou par télécopie) qui faisait peser la totalité des frais de prospection sur l’expéditeur, le courrier électronique ne présente qu’un très faible coût.

Ces entreprises recourent à des techniques aussi diverses que les lettres d’information contenant des hyperliens ou que les messages d’alerte.

En matière de courrier électronique, la qualification de spamming dépendra généralement de deux critères :

– le caractère non sollicité du message envoyé (dont l’objet publicitaire le transforme en message promotionnel non sollicité),

– les charges que ces courriers génèrent au détriment du destinataire et du fournisseur d’accès ( » cost-shifting « ).

Ces spams vont avoir pour conséquences d’engorger le réseau, d’augmenter les délais de connexion lors de la réception des messages et donc les frais supportés par les fournisseurs d’accès forcés de mettre en place un filtrage adapté.

Ceux-ci se retrouvent dans l’obligation de répercuter les coûts sur les offres d’abonnement.

Ainsi, selon une étude commandée par la Commission européenne, les abonnés à l’Internet paieraient, à leur insu, un montant estimé à 10 milliards d’euros par an en frais de connexion, cela uniquement pour recevoir des messages non sollicités.

On comprend donc la nécessité d’une réglementation efficace du spamming.

Le publipostage électronique peut s’effectuer à l’égard de clients ou de visiteurs d’un site web, à l’égard de prospects grâce à des listes d’e-mails fournies par un tiers ou collectées dans les espaces publics de l’Internet.

Seule cette dernière hypothèse pose réellement problème.

Dans le premier cas, la collecte est directe puisque le fichier d’adresse est constitué à partir des mails des internautes avec lesquels le prospecteur s’est trouvé en contact direct. Les règles de protection des données personnelles autorisent alors l’envoi de courriers électroniques de prospection à condition de respecter le droit de chaque internaute de s’opposer à en recevoir ; ceci suppose qu’il ait été informé et mis en mesure d’exercer son droit d’opposition lors de la collecte initiale de ses données personnelles.

Dans le cas où le publipostage se fait à partir de listes d’adresses fournies par un tiers, la collecte est indirecte. L’internaute a communiqué son e-mail à un site qui a ensuite cédé son fichier de mails à un tiers aux fins de prospection.

Là encore, si l’internaute a été informé lors de la collecte initiale de ses données personnelles de cette possibilité et qu’il a été mis en mesure de s’y opposer, alors la collecte sera considérée comme licite.

La dernière hypothèse suppose que l’e-mail de l’internaute ait été capturé dans un espace public (forums de discussion, listes de diffusion…) sans que celui-ci ou le responsable de l’espace diffusant les données n’en ait eu connaissance. Cette collecte déloyale rendrait illicite toute les opérations de traitement ultérieures.

Précisons que la réglementation du spamming est envisagée à travers  » l’opt-in  » (opter pour) et  » l’opt-out  » (opter contre).

L’opt-in oblige les prospecteurs à obtenir le consentement des internautes à recevoir des sollicitations préalablement à tout envoi de courrier électronique.

Quant à  » l’opt-out « , elle est plus avantageuse pour les prospecteurs car ils peuvent directement démarcher les internautes qui ne peuvent s’opposer à l’envoi de sollicitations qu’ a posteriori.

Rappelons les principales législations adoptées en Europe et aux Etats-Unis ainsi que les droits qu’elles accordent aux internautes et obligations qu’elles mettent à la charge des prospecteurs.

 

III. La réglementation : état des lieux et perspectives

Depuis 1997 la réflexion juridique relative au spamming a beaucoup évolué.

La directive CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des données personnelles ne traite pas spécifiquement de la prospection électronique, mais elle s’applique toutefois aux traitements des données personnelles mis en œuvre sur Internet.

Elle reprend en partie le contenu de la loi de janvier 1978 et pose plusieurs principes relatifs à la finalité et à la loyauté de la collecte, à la légitimité du traitement, à l’information des personnes ainsi qu’au droit d’opposition dont elles bénéficient.

Ainsi, son article 6.1(a et b) prévoit que  » les données à caractère personnel doivent être collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement de manière incompatible avec ces finalités « , c’est à dire de façon loyale et licite.

Son article 7 précise qu’un traitement de données ne peut être légitime qu’à la double condition d’être nécessaire au but légitime poursuivi par son responsable et que la personne concernée ait  » indubitablement  » donné son consentement. Ces deux conditions sont appliquées en matière de prospection électronique.

La nature de l’information délivrée aux personnes dans les hypothèses de collecte directe ou indirecte et les droits attachés à chaque type de collecte sont rappelés : finalité et caractère facultatif ou obligatoire de la collecte, destinataires des données collectées, existence d’un droit d’accès et de rectification, existence d’un droit gratuit et sur demande de s’opposer au traitement de ses données à des fins de prospection, possibilité de refuser toute communication ou utilisation de ses données par des tiers.

La directive du 15 décembre 1997 (article 12) complète le dispositif de la directive de 1995 en imposant un consentement préalable exprès des consommateurs pour l’utilisation d’automates d’appels ou de télécopieurs dans des opérations de prospection directe.

Quant aux opérations de prospections autres que celles recourant à des automates d’appels, il appartient aux Etats de choisir entre l’exigence d’un consentement préalable et exprès du destinataire (opt-in) ou un droit d’opposition de la part du destinataire, avec possibilité d’une inscription dans un registre spécifique (opt-out).

Lorsque le choix se porte vers  » l’opt-out « , la directive du 8 juin 2000 impose que des mesures d’accompagnement soient adoptées : identification claire et non équivoque, par l’expéditeur des communications commerciales, de la personne pour le compte de laquelle ces communications sont faites ; identification de la nature commerciale des messages dès leur réception par le destinataire.

La directive européenne du 20 mai 1997, dite  » directive vente à distance « et qui devait être transposée avant ?, consacre le système de  » l’opt-out  » en son article 10 (l’internaute doit choisir de ne pas recevoir de mails), tout en laissant la possibilité aux Etats membres de choisir  » l’opt-in « .

C’est ainsi que l’Allemagne, l’Italie, la Finlande, l’Autriche et le Danemark ont consacré  » l’opt-in  » pour réglementer la pratique du spamming sur leur territoire.

La France n’a d’ailleurs transposé partiellement cette directive que par une ordonnance du 23 août 2001.

Son article 12 introduit un nouvel article L. 121-20-5 du Code de la consommation et consacre le système de  » l’opt-out  » pour la prospection commerciale par courrier électronique non sollicité et dont les modalités d’application seront fixées ultérieurement par un décret pris en Conseil d’Etat.

Cette transposition devance et annule une disposition du projet de loi sur la société de l’information du 18 juin 2001(article 22) qui consacrait  » l’opt-out  » en insérant un nouvel article au Code de la consommation (L. 121-15-1) tout en prévoyant des mesures d’accompagnement.

Cet article 22, reprenant l’article 7 de la directive du 8 juin 2000, exige une identification claire et non équivoque des publicités non sollicitées et des offres promotionnelles adressées par courrier électronique, et cela dès leur réception par leur destinataire.

De plus, sur chaque message non sollicité, une mention doit apparaître et indiquer au destinataire qu’il existe des registres d’opposition lui permettant d’exercer son droit de refuser ces envois.

Enfin, le projet de LSI précise expressément que ces nouvelles dispositions s’appliquent également aux e-mails non sollicités à destination des professionnels.

Le 13 novembre 2001, le Parlement européen adoptait une proposition de directive « concernant le traitement de données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques  » ; il y consacrait le système de  » l’opt-in  » dans son article 13 mais uniquement pour les SMS, se prononçait contre l’emploi des cookies sans le consentement de l’internaute, mais laissait le choix aux Etats quant au système à adopter en matière d’e-mails non sollicités.

Suite à cette proposition, un rapport était rendu mais optait pour le système de  » l’opt-out  » par peur que le système de «  l’opt-in  » ne constitue une entrave au développement du commerce électronique en Europe par rapport aux autres régions du monde.

Le Conseil européen, suite aux vives critiques suscitées par la position du Parlement, a finalement adopté une position commune sur cette directive le 21 janvier 2002 et a pris position en faveur de  » l’opt-in « , les Ministres européens des télécommunications s’étant par ailleurs clairement prononcés pour  » l’opt-in  » le 6 décembre 2001.

Les Etats membres n’ont donc plus le choix entre les deux systèmes.

Selon son article 13  » l’utilisation de (…) courrier électronique à des fins de prospection directe ne peut être autorisée que si elle vise des abonnés ayant donné leur consentement préalable « .

Dès lors que l’adresse de l’émetteur n’est pas clairement précisée ou s’il s’agit d’une fausse adresse, toute communication de cette nature sera formellement prohibée.

Quant aux Etats, ils doivent veiller à ce que les personnes morales soient suffisamment protégées en ce qui concernent les communications non sollicitées.

Néanmoins, le texte prévoit que lorsque les coordonnées électroniques d’un client sont obtenues directement, c’est à dire dans le respect de la directive de 1995, par une personne dans le cadre d’un achat d’un produit ou d’un service, ladite personne peut exploiter ces coordonnées à des fins de prospection directe pour des services ou produits analogues.

Mais il existe une condition : les clients doivent avoir la faculté de s’opposer, sans frais et de manière simple, à une telle exploitation lors de leur collecte ou de chaque message.

Ce texte est le premier à différencier le régime applicable à l’utilisation du courrier électronique à des fins de prospection directe selon que les adresses ont été obtenues directement ou non par l’expéditeur des messages.

Le Parlement européen a réaffirmé le principe de l’opt-in pour l’envoi de « communications non sollicitées effectuées à des fins de prospection directe ».

Le texte doit ensuite passer devant le Conseil des ministres pour être définitivement approuvé puis, il sera publié au Journal Officiel vers fin juillet 2002. Les Etats membres disposeront alors d’un délai de 15 mois pour transposer la directive dans leur législation nationale.

Quant aux Etats-Unis, la situation n’est guère différente. Trois Etats américains (Washington loi du 25/03/1998 ; Californie li du 26/09/1998 et Névada en 1999) prohibent et sanctionnent d’une lourde peine d’amende l’envoi de courriers électroniques à caractère commercial non sollicités par leurs destinataires.

Outre le Telephone Consumer Protection Act (1991)qui prohibe la prospection non sollicitée par voie de télécopie et que certains souhaitent voir étendu aux courriers électroniques, il nous faut évoquer le Unsolicited commercial Eletronic Mail Act of 2000 (17 juin 2000) qui retient le système de  » l’opt-out « .

Notons qu’un projet de loi visant à lutter contre l’envoi de courriers non sollicités sera soumis au vote du Comité du Sénat en charge du Commerce le 16 mai 2002 ; Ce projet prévoit l’obligation pour les entreprises de e-marketing de faire figurer sur ces courriers une adresse e-mail valide, afin de permettre à leurs destinataires de proscrire le cas échéant ce type de messages, et ce sous peine de sanctions pénales.

De même, le projet se prononce en faveur de la prohibition de la pratique qui consiste à faire figurer des titres à caractère trompeur, et sans relation avec le contenu du message, afin d’inciter le destinataire à en prendre connaissance.

Il prévoit également le renforcement des pouvoirs de la Federal Trade Commission (FTC) : elle pourra infliger aux entreprises fautives des amendes pouvant aller jusqu’à $30 par e-mail envoyé, et au maximum de $1 500 000.

Quant aux Procureurs, ils pourront engager des poursuites judiciaires contre ces entreprises.

La législation américaine a décidé d’imposer une amende de 10 $US par pourriel, avec un plafond de 500 000 $US. Une proposition de loi a été votée en mai 2002 par le Sénat américain, et approuvée unanimement par les Démocrates et les Républicains.

 

IV. Jurisprudence récente

A) France

Pour la première fois en droit français la pratique du spam a été condamnée par une ordonnance de référé du TGI de Paris (15 janvier 2002).

Le juge Jean-Jacques Gomez (affaires « Yahoo » et « J’accuse » ) a estimé cette pratique  » déloyale et gravement perturbatrice  » et contrevenant ainsi au contrat passé entre l’auteur du spam et son fournisseur d’accès à internet.

En l’espèce, l’internaute spammeur avait engagé une action contre ses FAI (Free et Liberty-Surf) pour rupture unilatérale de contrat, ces derniers ayant coupé ses accès Internet devant l’importance des spams constatés. L’internaute a donc été condamné à payer la somme de 1524 euros à ses FAI pour procédure abusive.

Cette décision semble s’inscrire dans le cadre de plusieurs directives européennes qui devraient interdire ce type de pratique.

Une affaire dont les faits sont similaires avait déjà été jugée par le TGI de Rochefort sur Mer le 28 février 2001.

En l’espèce, un internaute intentait une action contre son FAI pour rupture unilatérale de son contrat.

Cette rupture faisait suite à la constatation d’un envoi massif de messages publicitaires en direction des forums de discussion, par cet internaute, et dans le but de développer ses activités commerciales; cet envoi fut d’ailleurs dénoncé par de nombreux utilisateurs.

Sommé de respecter les usages en vigueur et de stopper cette pratique sous peine de voir son contrat interrompu «  immédiatement et sans préavis « , l’internaute a pourtant persisté, pensant que le spamming à l’encontre des forums de discussion n’était pas prohibé.

Le tribunal va pourtant débouter le demandeur au motif que l’usage constitue une source de droit et qu’à ce titre il  » s’impose à celui qui se livre à une activité entrant dans son champ d’application  » ; c’est donc à bon droit que le FAI pouvait résilier de façon unilatérale le contrat le liant à son abonné.

Les juges visent l’article l’article 1135 du Code Civil qui prévoit que «  les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation d’après sa nature « .

Notons que contrairement au TGI de Paris, l’internaute n’avait pas été condamné pour procédure abusive par le TGI de Rochefort sur Mer.

B) Etats-Unis et Canada

La Cour supérieure de l’Ontario s’est pour la première fois prononcée sur une affaire traitant du spamming en 1999 (Cour supérieure de l’Ontario, aff. 1267632 Ontario Inc. c. Nexx Online Inc, 09/07/1999).

Dans ce cas, un prestataire de services canadien (Nexx Online) prend la décision de fermer le compte d’hébergement d’une société cliente (Ontario Inc)gérant un site, au motif que ce site avait procédé à un envoi massif de courriers non sollicités (plus de 200 000 par jour) grâce aux service d’un autre prestataire.

Or, le contrat d’hébergement les liant renvoyait expressément aux règles de la  » Netiquette  » qui prohibe une telle pratique.

La société Ontario Inc décide donc de poursuivre son prestataire Nexx Online pour non respect de ses obligations contractuelles. Analysant les termes dudit contrat, le juge constate qu’aucune clause apparente n’interdisait au client de distribuer des courriers commerciaux non sollicités.

Cependant, la Cour relève l’existence de deux clauses par lesquelles le client s’engage par l’une, à respecter la  » Netiquette « , et par l’autre à accepter l’adjonction de nouvelles conditions contractuelles. Or, le prestataire de services avait informé son client, quelques mois avant la constatation de la pratique interdite, qu’il n’accepterait aucune distribution de courriers commerciaux non-sollicités à l’aide de ses services.

La  » Netiquette  » constitue un ensemble de règles de savoir vivre que se doivent de respecter les utilisateurs d’Internet, à savoir  » un code en évolution, non écrit et basé sur les principes de bon voisinage pour un développement ordonné de l’Inforoute.  »

Cette affaire a permis au juge, malgré l’absence de jurisprudence canadienne, de conférer une force juridique aux règles non-écrites de la « Netiquette » en matière de spamming en les déduisant d’un ensemble de documents, dont l’article d’un auteur américain, mais surtout de principes résultant de la jurisprudence dégagée par les tribunaux aux Etats-Unis.

Selon cette jurisprudence, l’envoi de courriers non sollicités en grand nombre s’avère contraire aux principes de la  » Netiquette « , sauf si le fournisseur de services prévoit, par contrat, un tel envoi.

Précisons que 18 Etats ont dores et déjà adopté une législation visant à lutter contre le spamming, la Californie condamnant même les auteurs de spams à une amende de 58 euros par message non sollicité envoyé.

La Cour Suprême californienne a d’ailleurs récemment confirmé que la loi anti-spam en viguer dans cet Etat ne contrevient pas à la Constitution américaine (avril 2002).

Quant à la juridiction canadienne, elle a conclu sur le fait que  » la pratique du spamming, au mépris de la déontologie en vigueur sur le Réseau, a justifié la déconnexion du site.  »

Précisons qu’en application de l’article 1434 du code civil québecois, la  » Netiquette  » pourrait s’imposer aux parties contractantes même en l’absence de clauses y faisant expressément référence.

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