A propos de Murielle Cahen

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Avocat à la cour (Paris 5eme arrondissement) J'interviens principalement en droit de la propriété intellectuelle, droit des nouvelles technologies, droit civil & familial, droit pénal, droit de l'immobilier, droit du travail, droit de la consommation Consultation juridique en ligne - Réponse en 24/48h max. (€100 TTC) Titulaire du certificat de spécialisation en droit de l'informatique et droit de l'internet. Editrice du site web : Avocat Online depuis 1999. Droit de l'informatique, du logiciel et de l'Internet. Propriété intellectuelle, licence, presse, cession, transfert de technologie. droit d'auteur, des marques, négociation et arbitrage... Cabinet d'avocats à Paris. Droit internet et droit social, droit des affaires spécialisé dans les nouvelles technologies et lois internet...

Articles de Murielle Cahen:

DIFFAMATION, INJURE ET DENIGREMENT SUR INTERNET

La liberté d’expression se démultiplie grâce à internet. A cet égard, tous les internautes sont libres d’exprimer leurs idées. Toutefois, il s’agit d’un lieu où la diffamation, l’injure ou encore le dénigrement sont répandus. Il est alors important de s’arrêter sur la responsabilité des internautes publiant des injures, des propos diffamatoires ou encore des propos dénigrants.

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L’internet reste susceptible de favoriser certaines infractions et notamment les atteintes à la réputation en dépit de son trait d’accélérateur de progrès.

Ces abus sont réprimés par le droit même lorsqu’ils sont commis sur internet. Le ministère de l’Éducation nationale l’a très bien précisé sur son site (rubrique « Internet responsable »), « la liberté d’expression n’est pas un droit absolu et elle se trouve affectée de nombreuses limites que les internautes ne doivent pas ignorer », comme l’injure, la diffamation ou encore le dénigrement.
Ceci étant, la lecture de cet article en fait indéniablement écho à un autre. Le terme  » sauf  » prend tout son sens ici en ce que, comme le rappelle l’article 4 du texte,  » la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui « .

Au sens de l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la liberté d’expression pour tous, est incontestablement un principe constitutionnel ; il précise que  » la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi « .

Néanmoins, plusieurs régimes juridiques applicables, plus ou moins efficaces, existent afin d’assurer une protection juridique contre ces atteintes, selon que l’infraction en cause constitue un acte de diffamation, d’injure, ou encore de dénigrement.


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Que ce soit le juge ou le législateur, tous deux ont en mené front pour tenter de poser des limites à ces atteintes, en gardant à l’esprit que pour ce faire il demeure nécessaire de mettre en balance ce droit fondamental qu’est la liberté d’expression, et les droits des personnes visées sur internet. C’est pourquoi il demeure essentiel de combiner la mise en place d’un régime strict en matière de délit de presse sur internet (I) avec celle de régimes plus souples (II).

I – L’existence d’un régime strict de sanction des délits de presse sur internet

A – La diffamation et l’injure comme délits de presse sur internet

La diffamation est une allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne physique ou morale, selon l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881.

La jurisprudence apporte des précisions sur la notion de diffamation en la jugeant caractérisée dès lors que l’honneur d’une personne identifiable est publiquement atteint par la divulgation d’une allégation de mauvaise foi. La réunion de cinq conditions cumulatives détermine donc la qualification de diffamation, telle que la sanctionne la loi de 1881.

– L’allégation doit porter sur un fait précis et déterminé.

En pratique, cela suppose que l’allégation soit suffisamment précise de manière à pouvoir faire sans difficulté l’objet de preuves et débats contradictoires. Si son caractère dubitatif est toléré, le fait précis exigé par la loi sur la presse ne saurait être constitué par une simple opinion relevant du débat d’idées.

– L’allégation doit porter sur un fait portant atteinte à l’honneur et à la considération d’autrui.

Ceci étant, le caractère diffamatoire est en principe apprécié in abstracto par les juges.

– L’allégation doit viser une personne déterminée physique ou morale.

Les propos permettent au public d’identifier la personne visée, sachant qu’il suffit que la victime soit identifiable même par un cercle restreint de personne. La jurisprudence ajoute dans un arrêt du 5 janvier 2010 que lorsque la condition d’atteinte personnelle est remplie, l’allégation publiée peut constituer une diffamation « même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation ». Ainsi, peu importe que la personne soit nommément désignée ou non. Si suffisamment d’éléments dans les propos permettent d’identifier précisément une personne, l’atteinte personnelle, élément matériel de l’infraction, est constituée.

– L’allégation doit être faite de mauvaise foi, celle-ci étant présumée.

– Enfin, l’allégation doit être publique.

Le Tribunal d’instance de Strasbourg, dans une décision du 9 juin 2006, a rappelé que le caractère public de la diffamation pouvait faire défaut, même sur internet. En l’espèce, la société « Ami de la 2 CV » s’est plaint de plusieurs messages postés par un internaute sur le forum de discussion sur internet consacré à la voiture selon lesquels l’activité de la demanderesse n’est pas fiable. Du fait qu’il suppose « une identification via un nom d’utilisateur et un mot de passage.

En effet, aucun visiteur anonyme ne pouvait consulter ou poster un message dans les rubriques du forum ». L’élément de publicité faisant défaut, aucune diffamation publique n’est jugée constituée. Il ressort que le critère de publicité de la diffamation ne peut être rempli si le forum de diffusion des propos en cause n’est accessible qu’à des internautes inscrits, et que ceux-ci sont liés par une communauté d’intérêts en raison de leur passion commune.

L’injure est quant à elle définie à l’alinéa 2 du même article 29 (loi du 29 juillet 1881), comme « expression outrageante, terme de mépris ou invective » ne renfermant l’imputation d’aucun fait précis. L’injure est un délit lorsqu’elle est publique, alors qu’elle n’est qu’une contravention dans le cas contraire.

L’injure correspond par exemple à l’hypothèse où une personne reproche publiquement sur Internet au maire de sa ville, de détourner l’argent public à son profit, alors même qu’elle n’apporte aucune preuve tangible à l’appui de ses propos.

De surcroit, il y’a injure lorsque l’information en cause reste dubitative et vise une personne non expressément nommée, mais qu’il est possible d’identifier.

La Cour de cassation dans un arrêt, rendu le 23 juin 2009, affirme que le délit d’injure peut parfois être absorbé par la diffamation. En l’espèce un avocat avait porté plainte pour diffamation publique envers un particulier, en raison de sa mise en cause pour plusieurs propos diffusés sur internet. La Cour d’appel rejette la plainte dans la mesure où elle se fonde sur la qualification de diffamation pour incriminer des propos « insultants et injurieux ». Les juges de cassation tranchent en considérant que les expressions outrageantes et injurieuses sont indivisibles en l’espèce des imputations diffamatoires et peuvent se confondre avec elles.

Un arrêt intéressant est celui de la chambre criminelle de la Cour de cassation, rendu le 7 janvier 2020, où il était question de savoir si le fait de s’exprimer sur les réseaux sociaux derrière un pseudonyme permet à lui seul d’établir l’existence d’une animosité personnelle.

En l’espèce, il s’agissait d’un président de conseil départemental qui était mis en cause sur internet dans les commentaires des internautes. Ces commentaires étaient situés sous un article d’un quotidien régional relatif à son action politique. Le commentaire en question était publié en réaction à un autre commentaire d’internaute et l’auteur de ce dernier utilisait un pseudonyme. Il n’était donc pas identifié.

La Cour a répondu affirmativement et a affirmé que le recours à l’anonymat, qui est fréquent sur le réseau d’internet, ne permet pas d’établir une animosité personnelle. (1)

B – La loi de 1881 comme régime spécial de responsabilité applicable aux délits de diffamation et injure sur internet

Dès l’avènement de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN), les moyens de communication audiovisuelle, auxquels est assimilé le réseau, sont englobés dans la notion de « communication au public par voie électronique ». Sont donc concernés par le cadre législatif applicable à ces formes de communication les messages diffusés par un site web (hors courrier électronique individuel).

Est-ce qu’il faut appliquer, à cette communication au public par voie électronique, le régime spécial de responsabilité en cascade propre à la presse écrite, au sens de la loi du 29 juillet 1881, en lieu et place de la responsabilité civile de droit commun ?

Les juges ont répondu affirmativement à cette question. Ils excluent l’application de l’article 1240 du Code civil aux actions en réparation des abus de la liberté d’expression sur internet, au motif qu’il existe des textes spécifiques applicables contenus dans la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse (arrêt de la Première chambre civile de la Cour de cassation du 27 mars 2005).

En effet, cette jurisprudence constante s’applique tant aux diffamations qu’aux injures, ainsi répréhensibles qu’en vertu des articles R.621-1 et suivants du Code pénal, comme l’affirme la Deuxième chambre civile dans un arrêt du 18 février 2010.

L’effet principal de cette règle est de limiter les possibilités d’action pour diffamation ou injure, la répression des délits de presse étant enfermée dans un délai de prescription très court de trois mois à compter de la première publication (article 65 de la loi du 29 juillet 1881). Les parties doivent dès lors veiller à exercer leur action dans les formes prescrites par la loi du 29 juillet 1881, et son bref délai de trois mois, conformément aux positions du Conseil constitutionnel et de la Cour de cassation.

La LCEN (article 6.V) instaurait à l’origine un délai différent de prescription pour le délit de presse en ligne et pour le délit de presse papier, ce que le Conseil constitutionnel a jugé non conforme à la Constitution dans une décision du 10 juillet 2004, sous l’influence d’arrêts de 2001 de la Cour de cassation. L’article 6.Vde la LCEN dispose désormais que les modalités d’actions, contre les délits de presse, prévues par la loi du 29 juillet 1881, sont applicables aux services de communication au public en ligne, de même que la prescription figurant à l’article 65 de ladite loi.

Ce dernier fixe le point de départ du délai de prescription de l’action à la date du premier acte de publication, c’est-à-dire la date à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs (comme précisé dans une décision du Tribunal de grande instance de Paris, le 21 février 2005, dans une affaire relative à la société Yves Rocher).

S’agissant de l’évaluation du préjudice toutefois, le régime applicable à la diffamation sur internet diffère de celle sur presse écrite, et ce sous l’impulsion de la jurisprudence européenne. Dans un arrêt du 25 octobre 2011, la Cour de Justice de l’Union européenne affirme que la mise en ligne de contenus diffamatoires sur Internet se distingue de la diffusion territorialisée d’un imprimé, du fait de leur consultation instantanée par un nombre indéfini d’internautes dans le monde. Ainsi, le préjudice d’atteinte aux droits de la personnalité est plus grave, et la localisation des lieux de la matérialisation du dommage résultant de ces atteintes rendue plus difficile.

L’effet sur les droits de la personnalité d’une victime est susceptible d’être le mieux apprécié par la juridiction du lieu de sa résidence, la Cour de Justice donne compétence à cette juridiction pour évaluer l’intégralité des dommages causés sur le territoire de l’Union européenne, et non plus sur le seul territoire de la juridiction en cause comme c’est le cas en matière de presse écrite.

Elle rajoute que le principe de la libre prestation de services s’oppose à ce que le prestataire d’un service du commerce électronique soit soumis dans l’Etat d’accueil de l’affaire à des exigences plus strictes que celles prévues par le droit de l’Etat où il est établi.

Concernant le contenu même de ce régime spécial applicable aux délits de presse sur internet, les supports de la diffamation et de l’injure englobant « tout moyen de communication au public par voie électronique » mettent en jeu plusieurs obligations que précise la LCEN.

Elle prévoit que les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs sont tenus par une obligation de mise en place d’un dispositif facilement accessible et visible, qui permet à tous de porter à leur connaissance tout abus de l‘expression sur leur réseau ou site Web.

Ils sont de même soumis à deux obligations générales, dont le manquement est sanctionné par un an de prison et 75 000 euros d‘amende. Il leur incombe, d’une part, une obligation d’information des autorités publiques compétentes de toutes activités illicites, mentionnées aux articles 23 et suivants de la loi de 1881, qu’exerceraient les destinataires de leurs sites. Ils sont d’autre parts tenus de mettre à la disposition du public les moyens qu’ils consacrent à la lutte contre ces activités illicites.

De telles obligations liant les fournisseurs d’accès et hébergeurs sont justifiées du fait de l’existence d’un impératif de garantie du droit de réponse. En effet, outre le droit de réponse prévu par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la LCEN a instauré un droit de réponse propre à internet (article 6.IV), dont le décret d’application est paru le 24 octobre 2007.

Ainsi, la loi prévoit que toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne dispose d’un droit de réponse, sans préjudice des demandes de correction ou de suppression du message qu’elle peut adresser au service.

La demande d’exercice du droit de réponse est adressée au directeur de la publication ou, lorsque la personne éditant à titre non professionnel a conservé l’anonymat, au fournisseur d’accès à internet ou d’hébergement, qui la transmet sans délai au directeur de la publication.

Gratuite, cette demande est présentée au plus tard dans un délai de 3 mois à compter de la mise à disposition au public du message en cause. Le directeur de la publication est tenu d’insérer dans les trois jours de leur réception les réponses de toute personne désignée dans le service de communication au public en ligne, sous peine d’une amende de 3750 euros, sans préjudice des autres peines et dommages et intérêts auxquels l’article pourrait donner lieu.

Cependant, il convient de veiller à ce que la demande d’exercice du droit de réponse précise notamment les références du message initial, sa nature et la longueur de la réponse sollicitée (article 2 du décret d’application du 24 octobre 2007). Une ordonnance rendue par le Tribunal de grande instance de Paris, le 19 novembre 2007, a ainsi pu refuser de faire droit à des demandes parce qu’elles ne comportaient pas la mention des passages contestés.

II – La subsistance de régimes souples en matière de délits de presse sur internet

A – L’exception de vérité et de bonne foi applicable à la diffamation et l’injure

Un auteur poursuivi pour diffamation ou injure a la possibilité de démontrer qu’il a tenu les propos en cause dans un but légitime et exclusif de toute animosité personnelle. Pour ce faire, il doit pouvoir apporter des éléments d’information justifiant ses propos, et prouvant qu’il détient généralement un comportement prudent.

A titre d’exemple, dans trois décisions illustratives du 12 mai 2010, le Tribunal de grande instance de Paris considère que bien que les propos en ligne concernant la condamnation judiciaire de deux hommes politiques sont diffamatoires, il peut être reconnu le bénéfice de la bonne foi au journaliste et donc au directeur de la publication.

Si l’internaute poursuivi pour propos diffamatoire peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant la vérité du fait diffamatoire, conformément à l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 ou en rapportant la preuve de sa bonne foi, la jurisprudence vérifie généralement la réunion de quatre critères cumulatifs :

– la prudence du propos (emploi de termes conditionnels et indirects, de qualitatifs atténuants, utilisation de guillemets) ;

– l’absence de volonté de nuire ;

– un but légitime (à l’image d’une information présentant un intérêt public) ;

– une enquête sérieuse et contradictoire (toutefois souplement appréciée pour un blog).

En effet, la jurisprudence procède à une adaptation de ces critères en fonction du genre de support en cause, ainsi que de la personnalité de l’auteur des propos incriminés. L’exigence de prudence sera ainsi appréciée selon que les propos ont été publiés sur un blog, forum de discussion, ce dernier impliquant par nature une plus grande liberté de ton par exemple.

A cet égard l’auteur d’un blog n’est pas tenu d’avoir, préalablement à la diffusion de ses propos sur internet, effectué une enquête sérieuse et objective, telle qu’elle est attendue d’un journaliste professionnel (décision du TGI de Paris, 17 mars 2006). Un an après il en sera jugé de même pour le journaliste professionnel s’agissant des propos qu’il tient sur son blog personnel.

Il convient de noter que dans l’arrêt mentionné précédemment de la Cour de cassation du 7 janvier 2020, celle-ci avait retenu l’exception de bonne foi en estimant que les propos, qui concerne la critique de l’action publique d’un élu « n’excédaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression ».

Finalement, il a pu être décidé de l’absence de diffamation lorsque les critiques en cause sont susceptibles de protection par la liberté d’expression et le droit à la critique. Dans une affaire jugée par le Tribunal de grande instance de Lyon le 4 juillet 2005, la société Foncia assigne l’Association des responsables de copropriété (ARC) pour diffamation sur son site.

La société est déboutée par le tribunal de sa demande car elle ne démontre pas que les critiques émises par ARC sont dénuées de fondement, alors que celles-ci sont le reflet des questions faites par les adhérents. En les commentant l’ARC « exerce sa liberté d’expression et son droit à la critique qui porte sur des pratiques qui peuvent parfois apparaître préjudiciables pour certains adhérents ».

De surcroit, la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 16 septembre 2021, rappelle que la liberté d’expression n’est pas absolue et qu’elle peut être limitée dans le respect du principe de proportionnalité lorsqu’elle porte atteinte à autrui.

A cet effet la Cour a condamné un actionnaire minoritaire qui, selon elle, avait fait preuve d’un acharnement à l’encontre des gérants d’une société dans sa critique et avait ainsi porté atteinte à sa moralité en installant un doute sur la transparence et la fiabilité de la gestion de la société en question. (2)

B – Le régime de responsabilité de droit commun applicable au dénigrement

Le dénigrement désigne le fait de jeter publiquement le discrédit sur une personne ou une entreprise, par la critique de ses produits ou son travail, dans le but de lui nuire, et ce même en l‘absence de toute situation de concurrence.

Il s’agit d’un acte, en général commis par une personne tierce, à l’image d’un ancien employé ou d’un concurrent déloyal, est répréhensible par la loi et plus précisément par le régime de responsabilité de droit commun dont dispose l’article 1240 (anc. 1382) du Code civil.

En cas d’un dénigrement, le recours à la responsabilité civile de droit commun exclue donc, ici, toute possibilité de poursuite fondée sur la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse, qui s’appliquait à la diffamation et l’injure.

En effet, les juges considèrent que les critiques même excessives touchant les seuls services, produits ou prestations d’entreprise, peuvent être poursuivies sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun, comme en témoigne un arrêt rendu par la Deuxième chambre civile, le 8 avril 2004.

Dès lors, pour apprécier la présence d’un dénigrement, les tribunaux mettent en balance le principe de responsabilité de l’article 1240 du Code civil avec le principe à valeur constitutionnelle de la liberté d’expression. Ils tiennent, de même, compte de la qualité de l’auteur des propos en cause.

La liberté d’expression l’emporte généralement sur les poursuites pour dénigrement, lorsque celui-ci est le fait d’un organe d’expression collective, tel qu’une association, en raison de la légitimité du but poursuivi.

Néanmoins, la jurisprudence tend à réduire la possibilité de recours sur le fondement de l’article 1240 du Code civil en rapprochant la critique de produits de la diffamation. En effet, si les propos incriminés sont suffisamment précis, et qu’ils rendent le fabricant des produits ou services identifiables, le délit de diffamation est susceptible d’être constitué.

La critque des produits et services s’analysant en une diffamation à l’encontre du fabricant, la responsabilité de droit commun de l’article 1240 du Code civil ne s’applique pas à la poursuite, ce que confirme un arrêt rendu par la Première chambre civile, le 27 septembre 2005.

Une action action fondée sur le seul régime de droit commun est ainsi uniquement applicable aux hypothèses de dénigrement de produits et services, et donc lorsqu’il ne peut être établi que le fabricant de ceux-ci est directement visé par les propos incriminés.

Un récent arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 19 janvier 2010 illustre la frontière qui sépare le dénigrement, touchant seulement un produit ou un service, de la diffamation ou l’injure, constituées lorsqu’une personne est visée. L’affaire concerne la publication d’une critique gastronomique d’un restaurant, comparant un vin à « une caricature de piquette chimique ». La société productrice du vin poursuit la directrice de publication du journal pour diffamation publique envers un particulier, mais les juges considèrent que les faits de diffamation ne sont pas établis puisque dans les propos « aucune référence n’est faite à une personne physique ou morale ».

Il convient de préciser que ce critère de distinction a une importance pratique considérable, quand on sait que les régimes de responsabilité applicables diffèrent sensiblement selon qu’il s’agisse de tel ou tel abus de la liberté d’expression sur internet.

De surcroit, concernant la question de la compétence, il convient de mentionner que la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 13 mai 2020, a renvoyé à la Cour de Justice de l’Union européenne une question concernant la compétence dans l’Union en cas de demande la demande de dommages et intérêts formée en réparation de préjudices moraux et économiques à la suite de la publication de propos dénigrants sur des sites et des forums. La Cour saisit la CJUE aux fins de répondre à la question suivante : « les dispositions de l’article 7, point 2, du règlement (UE) nº 1215/2012 doivent-elles être interprétées en ce sens que la personne qui, estimant qu’une atteinte a été portée à ses droits par la diffusion de propos dénigrants sur internet, agit tout à la fois aux fins de rectification des données et de suppression des contenus, ainsi qu’en réparation des préjudices moral et économique en résultant, peut réclamer, devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est ou a été accessible, l’indemnisation du dommage causé sur le territoire de cet Etat membre, conformément à l’arrêt eDate Advertising (points 51 et 52) ou si, en application de l’arrêt Svensk Handel (point 48), elle doit porter cette demande indemnitaire devant la juridiction compétente pour ordonner la rectification des données et la suppression des commentaires dénigrants ? ». A ce titre, la CJUE ne s’est pas encore prononcée sur la question. (3)

Sources

  • : crim., 7 janv. 2020, no 18-85159
  • : CA Paris, 5-9, 16 sept. 2021, no 20/07397
  • : Cass. 1ère, 13 mai 2020, nº 18-24.85

CLAUSES D’AGRÉMENT ENTRE ASSOCIES

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Les clauses d’agrément entre associés désignent clauses qui subordonnent les ventes de valeurs mobilières à l’agrément des associés. Elles servent à contrôler la vente des valeurs mobilières d’une société. Ce contrôle peut être justifié par une volonté de stabilisation de la société ou par la volonté de filtrer les différents entrants dans la société. Le non-respect de telles clauses engendre la nullité de la cession ou de la vente des valeurs mobilières. Les clauses d’agrément entre associés pourront être prévues de deux façons : statutairement ou extra-statutairement. 

Les clauses d’agrément entre associés sont réglementées. Elles ne sont, toutefois, pas globalement admises. Toutes les sociétés n’ont pas de clauses d’agrément entre associés obligatoires. Pour des sociétés unipersonnelles, par exemple, une nécessité d’agrément serait totalement farfelue. Mais les choses ne sont pas aussi claires.

Si ces clauses d’agrément entre associés peuvent être interdites pour un certain type de sociétés et admises pour d’autres, cette interdiction demeure valable que pour les clauses d’agrément prévues dans les statuts. Pourtant, la liberté contractuelle permettra de les conclure en dehors des statuts. La particularité des clauses d’agrément entre associés se distingue sur ce point

Tandis que certains types de sociétés, comme la SARL, comprennent une procédure d’agrément, la plupart des sociétés en sont dépourvues.

Il est tout à fait possible de limiter ou d’encadrer la cession des actions à des tiers dans les sociétés commerciales directement dans les statuts par les clauses d’agrément ou d’incessibilité, bien que les actions d’une société soient en principe librement cessibles et négociables. Ces clauses seront tantôt insérées dans les statuts de la société, tantôt dans des pactes d’actionnaires, le choix étant plus ou moins conditionné en amont par le type de société.

Les clauses d’agrément sont des clauses statutaires permettant aux associés d’agréer a priori une vente d’action. L’article L228-23 du Code de commerce mentionne cette possibilité pour les sociétés par actions et dispose que « dans une société dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, la cession d’actions ou de valeurs mobilières donnant accès au capital, à quelque titre que ce soit, peut être soumise à l’agrément de la société par une clause des statuts ».


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Appelées dans le code de commerce clauses d’inaliénabilité ou dans la doctrine clause de standstill agreement, les clauses d’incessibilité interdisent, sous certaines conditions, la vente d’actions ou de parts sociales d’une société. Elles sont habituellement possibles pour la société par actions simplifiée (SAS) en application de l’article L227-13 du Code de commerce : « les statuts de la société peuvent prévoir l’inaliénabilité des actions pour une durée n’excédant pas dix ans ».

Il convient de noter que ces clauses pouvaient être insérées dans des actes extrastatutaires, consacré par la loi à cet article. Ceci étant, rien n’est dit relativement à cette possibilité pour les autres sociétés commerciales et une première question se pose sur la validité d’une telle clause dans le cadre d’une autre société.

La pertinence du débat est inhérente à la possibilité de prévoir de telles clauses dans les statuts d’une société, ainsi que dans des actes extrastatutaires, comme les pactes d’associés. La liberté contractuelle est le principe s’appliquant à la rédaction des statuts et il est a fortiori d’autant plus important pour les pactes d’actionnaires. En principe, rien ne s’oppose, a priori, à ce que ce type de stipulations se retrouve dans ces actes. L’encadrement juridique des pactes d’actionnaires est moins strict que pour les statuts et des différences s’en ressentent quant aux conséquences de ces clauses.

La problématique repose essentiellement sur la distinction entre le caractère statutaire ou extrastatutaire des deux types de clauses et sur les conséquences qu’elle peut emporter et il convient de déterminer dans quels cas ces clauses sont envisageables ou non.

La principale distinction qui s’opérait jusqu’à présent reposait sur le caractère statutaire ou non des clauses : d’une part, les clauses d’agrément peuvent être statutairement prévues dans le cadre d’une société anonyme (SA) alors que la clause d’incessibilité est expressément prévue par le code de commerce pour la SAS. La situation a récemment changé sous l’influence de la jurisprudence sans remettre en cause complètement l’organisation classique (I). Néanmoins, la nouvelle distinction entre clauses statutaires et extrastatutaires n’est pas négligeable (II).

I – Une organisation classique préservée

En général, il est considéré qu’une partition existe entre les clauses d’agrément qui peuvent être statutairement prévues dans le cadre d’une société de capitaux, comme la SA , alors que les clauses d’incessibilité, ou d’inaliénabilité, ne se rencontrent que dans les statuts de la SAS. Malgré les modifications prétoriennes intervenues il y a quelques années, cette organisation formelle trouve toujours écho aujourd’hui et c’est la raison pour laquelle il convient de rappeler les différences de régime entre les clauses d’agrément telles qu’elles peuvent intervenir dans la SA (A) et les clauses d’incessibilité (B).

A – Les clauses d’agrément statutaires dans la SA

La possibilité d’inclure dans les statuts d’une société par actions une clause d’agrément est une disposition légale prévue par le code de commerce. L’article L 228-23 la prévoit en disposant que : « dans une société dont les actions ne sont pas admises aux négociations sur un marché réglementé, la cession d’actions ou de valeurs mobilières donnant accès au capital, à quelque titre que ce soit, peut être soumise à l’agrément de la société par une clause des statuts ». L’article en limite la possibilité aux sociétés dont les actions ne circulent pas sur un marché réglementé et il impose également d’autres restrictions.

Il est exclu, dans le troisième alinéa, la possibilité de recourir à la clause d’agrément dans un certain nombre de cas, comme la succession, la liquidation du régime matrimonial ou la cession, soit à un conjoint, soit à un ascendant ou à un descendant.

Il faut que le cédant notifie à la société un certain nombre d’informations relatives au cessionnaire et aux actions cédées prévues à l’article L228-24 du Code de commerce. En cas de refus de la part de la société, celle-ci peut trouver un accord amiable ou faire acquérir dans un délai de 3 mois les actions à un prix fixé par expertise.

Il est également possible de recourir à la clause d’agrément dans le cadre d’une SAS, mais les dispositions légales qui y sont, sont plus libérales. Le refus de la société entraîne là aussi le rachat des parts, mais dont les conditions peuvent être déterminées statutairement, ce qu’il est conseillé d’ailleurs de faire.

Finalement, la liberté contractuelle qui transcende la création des statuts d’une société permet un large de choix à la disposition des parties au contrat de société, c’est-à-dire des associés. L’option même entre les types de sociétés en est l’illustration. À l’image de ce qui vient d’être exposé pour la clause d’agrément, la clause d’incessibilité découle-t-elle aussi d’un choix à la base de la société.

, la Cour de cassation, par un arrêt rendu datant du 11 janvier 2017, assouplie le régime des clauses d’agrément dans les sociétés anonymes et apporte des précisions sur la portée de la mention « du prix offert ».

En l’espèce, il s’agissait de deux actionnaires d’une société anonyme (SA) qui ont notifié à celle-ci le projet de cession de leurs actions à une autre société moyennant un certain prix. Plus d’un mois plus tard, ils informent de surcroît leur société par lettre que le prix est provisoire et que le prix définitif ne sera déterminé qu’au moment de la réalisation de la cession, et ce, en application d’une clause de révision. La société anonyme assigne ces deux actionnaires en annulation de la notification sur le fondement de l’article L. 228-24 du Code de commerce, lequel exige que cette notification indique le « prix offert ». Elle invoque que le prix mentionné dans celle-ci n’était pas le prix offert par la société.

La Cour de cassation affirme, dans cet arrêt, le fait que l’indication d’un prix dans le cadre d’une notification d’agrément est suffisante pour que les conditions de l’article L.228-24 susvisé soient remplies. Dès lors que ce prix est déterminable et sincère à la date de la cession, les exigences légales et statutaires sont présumées satisfaites.

La Cour rajoute que l’agrément doit porter sur la personne du cessionnaire et non sur le prix. Ainsi, en cas de désaccord, ce dernier peut être déterminé par voie d’expertise judiciaire. (1)

B – Les clauses d’incessibilité statutaires dans la SAS

Les clauses d’incessibilité ou d’inaliénabilité, en principe, ne sont prévues que pour les SAS lorsqu’elles sont statutaires. Elles sont limitées à une durée de 10 ans, au-delà de laquelle elles deviennent à nouveau cessibles. L’article L227-13 du Code de commerce relatif aux SAS en dispose sans équivoque : « les statuts de la société peuvent prévoir l’inaliénabilité des actions pour une durée n’excédant pas dix ans ».

C’est une faculté réservée aux associés lors de la rédaction des statuts : il n’est pas question d’une obligation et elle ne nécessite aucune justification. La liberté contractuelle étant la règle à la base de la création d’une SAS, la clause d’incessibilité doit être vue comme un outil à la disposition des signataires du contrat de société. Elle a été codifiée dans le code de commerce par la loi du 3 janvier 1994 instituant la société par actions simplifiée qui est venue consacrer en droit un certain nombre de pratiques devenues habituelles autour de la société par actions, mais qui se faisaient essentiellement dans des actes extrastatutaires.

La clause d’inaliénabilité vise à protéger l’actionnariat et permet d’interdire purement et simplement la cession des parts de la société. Elle est limitée dans le temps afin de ne pas conduire à un blocage préjudiciable au sein de la société, car elle s’en trouve fermée pour toute la durée de l’incessibilité. Ajoutant à cela la possibilité d’une clause d’agrément, la SAS peut devenir une forme de société très fermée et protectrice de ses actionnaires, ce qui constitue un avantage certain, mais pose également des problèmes.

Ceci étant, rien ne s’oppose non plus à ce que la clause d’incessibilité soit prévue dans un acte extrastatutaire, alors même que les statuts ne la prévoient pas. En pareil cas, il semblerait que des conditions similaires soient à observer, bien qu’une fois de plus la liberté contractuelle entre en jeu.

Une part de la doctrine soutient que, puisque ces clauses peuvent toujours être prévues dans les actes extrastatutaires, il n’y avait pas de raison de suivre la logique poursuivie pour la SAS et de considérer qu’il serait possible également d’inclure les clauses des pactes d’actionnaires, comme celle d’incessibilité, dans les statuts.

En outre, le haut comité juridique de la place financière de Paris rédigé, le 29 septembre 2019, un rapport concernant le régime juridique de la société par actions simplifiée. Dans ce rapport, le HCJP propose d’allonger de 10 à 15 ans la durée maximale des clauses d’inaliénabilité des actions tel que prévu par l’article L.227-13 du Code de commerce, et ce afin d’aligner leur durée sur la plupart des financements à long terme.

Le comité propose également de préciser l’article L. 227-14 du Code de commerce relatif à la clause d’agrément, et ce, afin d’inciter les associés en question à prévoir les modalités de l’agrément dans leurs statuts, tout en imposant une obligation de rachat non prévue par le texte. (2)

Il convient de rappeler également que, l’ordonnance du 4 mai 2017 supprimé la règle de l’unanimité pour l’adoption ou la modification des clauses d’agrément relatives aux cessions d’actions dans les statuts des SAS. Désormais, les associés d’une SAS ont la possibilité de convenir d’une procédure complètement sur mesure. Tout ce qui relève de la désignation de l’organe compétent pour statuer sur l’agrément, de la définition de la procédure à suivre ainsi qu’en cas de décision collective, des règles de majorité applicables, relève désormais des statuts. (3)

II – L’apport de la jurisprudence à la distinction entre les clauses

Alors même que les auteurs ne s’entendent pas sur la question de la possibilité de prévoir des clauses d’incessibilité dans les statuts d’une SA, il n’en reste pas moins que l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 31 octobre 2007 ouvre la possibilité. Si la solution peut paraître contestable, elle est tout de même limitée dans certains cas. Quoi qu’il en soit, il est possible maintenant de proposer une nouvelle articulation entre les deux types de clauses, mais qui serait fondée sur le caractère statutaire ou non de la clause (A). Le choix entre l’une ou l’autre possibilité repose essentiellement sur le niveau de protection (B).

A – Une nouvelle distinction fondée sur le caractère statutaire ou extrastatutaire

Il convient de rappeler que clauses d’incessibilité dans les SA semblaient jusqu’à récemment inenvisageables pour la majorité des auteurs. Il en va toujours de même pour les sociétés cotées pour lesquelles une telle clause n’est pas viable statutairement puisqu’elle irait à l’inverse du fonctionnement d’une société cotée.

Tandis que,  pour les autres, la Cour de cassation par son arrêt du 31 octobre 2007 semble ouvrir cette possibilité, à condition d’avoir une lecture libérale de l’arrêt. Elle énonce à cette occasion que n’importe quel acte à titre onéreux peut contenir une clause d’incessibilité à condition qu’elle poursuive un intérêt sérieux et légitime. En considérant que le contrat de société entre dans cette qualification, il est alors envisageable d’admettre le caractère statutaire de la clause d’incessibilité pour d’autres types de sociétés que la SAS.

La Cour rajoute qu’elle doit elle aussi être limitée dans le temps. Il n’est pas possible par principe de concevoir des clauses d’incessibilité dans une société qui seraient à durée indéterminée. Il est forcé de constater une proximité de régime avec les dispositions légales de la SAS, qui, on l’a vu, peut à l’inverse faire application des principes des autres sociétés de capitaux.

Bien qu’une lecture extensive de l’arrêt de 2007 soit admise, ce que fait une partie de la doctrine, alors la distinction entre les deux types de clauses reposerait davantage sur leur caractère statutaire ou non puisqu’elles sont toujours concevables dans les actes extrastatutaires. Le caractère statutaire ou extrastatutaire des clauses s’articulerait autour de la liberté contractuelle régissant aussi bien le contrat de société et statuts que le pacte d’actionnaire.

Dans son interprétation large, l’arrêt de 2007 crée une situation libérale et gomme les différences de statuts entre les deux types de sociétés pris en exemple. Il en va d’ailleurs de même par rapport à d’autres types de sociétés, comme la SARL , qui prévoient des mécanismes similaires, mais qui ne sont plus optionnels. Quoi qu’il en soit, la liberté contractuelle prise comme axe directeur de l’articulation entre les deux caractères est dictée par le niveau de protection poursuivi.

B – Le niveau de protection comme critère déterminant dans le choix du type de clause

Cette distinction qui s’opère en pareil cas entre le caractère statutaire et extrastatutaire résulte également d’une différence dans le niveau de protection qu’apportent les deux types d’actes qui en découlent. Un pacte d’associés comportant des clauses d’incessibilité ou d’agrément, ou les deux, leur conférera moins de force que si elles sont statutairement prévues. À l’inverse, la codification opérée par la loi du 3 janvier 1994 était précisément animée par la volonté de codifier des pratiques extrastatutaires afin de les rendre plus efficientes.

Le recours à ces clauses étant prévu par la loi, ceci les rend d’autant plus opposables aux tiers, ce qui est tout à fait l’inverse dans un pacte d’associés. Au contraire, le pacte d’associé présente l’intérêt d’une absence de publicité ce qui compense son inopposabilité aux tiers.

Cela dit, la sanction du non-respect des clauses statutaires demeure plus protectrice envers les actionnaires. À titre d’exemple, l’article 227-15 du Code de commerce prévoit dans le cadre de la SAS la nullité d’une cession intervenue en contradiction avec les statuts : « toute cession effectuée en violation des clauses statutaires est nulle ». Par ailleurs, cette harmonisation des régimes permettra sans doute un changement de type de société plus aisé, au moins pour ces points.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les clauses statutaires d’agrément et les conflits entre associés, cliquez

Sources :

  • : Cass. com., 11 janv. 2017, no 15-13.025
  • : https://www.hcjp.fr/fr/droit-des-societes
  • : https://www.eversheds-sutherland.com/documents/global/france/ODA_Reforme_clauses_dagrement_SAS_Franck_Bourgeois.pdf

EXIGENCE DE DISTINCTIVITE DU SIGNE POUR LE DEPOT D’UNE MARQUE

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Le législateur français accorde une protection spécifique à la marque en France . Néanmoins, des conditions sont énumérées afin de bénéficier de la protection de la marque. Ainsi, il exigé par le législateur, l’existence de distinctivité du signe pour que la marque puisse valablement être déposée.

Le dépôt de votre marque vous permet d’identifier l’origine de vos produits ou services auprès des consommateurs.

Le consommateur identifie ainsi la marque aux produits ou services concernés lors de son achat.

Pour qu’elle soit enregistrée, votre marque doit remplir un certain nombre de conditions.

La marque doit en effet être licite, disponible, et distinctive.

Il convient de s’attacher ici à la condition de distinctivité de votre marque.

Le CNCPI apporte une définition assez claire de cette condition : il précise que « le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services qu’il entend distinguer, et au moment du dépôt de cette marque. En effet, une marque doit permettre de distinguer l’origine d’un produit ou d’un service d’une entreprise ou d’un particulier de ceux de ses concurrents ».

L’ancien article L711-2 du Code de la Propriété intellectuelle s’attachait d’ailleurs à rappeler et encadrer cette définition. La distinctivité d’une marque est sa raison d’être. Le nouvel article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle et l’article 4 du Règlement sur la marque de l’Union européenne réaffirment que celle-ci sert à distinguer les produits et les services.

L’exigence de distinctivité du signe pour le dépôt d’une marque est expliquée par le fait qu’il est impératif qu’aucune personne ne puisse se réserver l’utilisation d’une marque qui serait indispensable ou au moins utile aux concurrents.

Ainsi, les types de marques, non distinctives, doivent rester à la disposition de tous afin de préserver la liberté de la concurrence.


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L’exigence de distinctivité n’existe qu’en relation avec les produits ou services que vous voulez commercialiser.

Il n’est pas nécessaire que le terme que vous choisissez soit nouveau pour que votre signe soit distinctif.

I. Les conséquences de la condition de distinctivité

 A) L’exclusion des marques nécessaires, génériques, usuelles ou descriptives

L’ancien article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle prévoyait l’exigence de distinctivité.Désormais, elle est prévue dans l’article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle. Ce nouvel article dispose que le signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection. À ce titre, certaines questions pourraient se poser, à savoir dans quelle condition une odeur ou un goût utilisé à titre de marque pourrait faire l’objet d’une représentation précise dans le registre.

L’ancien texte énumère les signes que vous ne pouvez pas enregistrer, car ils sont dépourvus de ce caractère distinctif.

Il est vrai que l’article L. 711-2, dans sa version antérieure, prévoyait déjà la majorité des motifs de refus d’enregistrement ou d’annulation d’une marque, la version réformée ajoute à ces motifs l’utilisation d’une dénomination de variété végétale antérieure, d’indication géographique ou d’appellation d’origine.

Le point 4) de l’article, L.711-2 exclut ainsi « une marque composée exclusivement d’éléments ou d’indications devenues usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ».

Même si le texte emploie des qualificatifs différents les juges n’y accordent que peu d’importance, car ceux-ci peuvent se recouper.

Il suffit simplement de retenir que la marque ne doit pas être constituée ni par un signe dont l’utilisation est impérative pour désigner le produit parce qu’elle le désigne, ni par un signe définissant le genre ou la catégorie dont il relève.

Sachez qu’il est indifférent qu’un signe appartienne au langage courant ou professionnel.

C’est dans sa relation avec le produit ou service concerné que le texte s’applique.

Une marque que vous aurez choisie pourra donc être refusée même si le signe en cause ne concerne que votre secteur d’activité.

Cependant, rien ne vous interdit de choisir un signe qui évoque le produit de manière plus ou moins directe ou astucieuse.

À titre d’exemple, la marque Peau d’Ange a été jugée valable pour des produits cosmétiques (CA Paris, 12 janvier 2001).

Le choix d’un signe évocateur peut vous être utile dans le sens où il permettra d’accentuer votre impact psychologique sur le consommateur notamment dans la publicité.

Comme la distinctivité s’apprécie par rapport au langage courant ou professionnel, même un terme peu connu du grand public peut être considéré comme dénué de caractère distinctif s’il est générique dans votre secteur d’activité.

Si vous optez pour des termes étrangers, vous devez vérifier si le signe en cause est entré dans le langage courant ou professionnel et s’il est compris par une large fraction du public concerné.

Si c’est le cas, il ne pourra pas être enregistré en raison de son défaut de distinctivité.

De surcroît, vous ne pourrez pas vous retrancher derrière le fait que vos produits sont uniquement destinés à l’exportation.

L’appréciation se fait au moment de votre dépôt eu égard au public concerné dans le pays auquel vous procédez au dépôt.

S’agissant du cas de la marque communautaire, comme elle a vocation à produire des effets sur tout le territoire de l’Union européenne, il suffit que la marque que vous ayez choisie soit générique dans un seul État membre pour être exclue de l’enregistrement.

Il vous est toujours possible de déposer une marque composée d’un signe générique si vous y rajoutez un nouvel élément.

À titre d’exemple, vous ne pourrez pas déposer le signe Agenda pour désigner des agendas, mais vous pourrez obtenir une protection si vous optez pour une marque telle qu’Agenda XY (Cour cass, 24 janvier 1995).

Néanmoins, il faut savoir que, comme ce type de signe n’est pas doté d’une grande distinctivité, vous ne pourrez pas vous opposer à l’utilisation par vos concurrents de la partie de votre signe considérée comme générique.

Dans le cadre de notre exemple, le titulaire de la marque Agenda XY ne peut pas s’opposer à l’emploi du terme agenda par ses concurrents dans leurs publicités.

Le point 3) du nouvel article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle excluait, lui, les signes « pouvant servir à désigner, dans le commerce, une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation du service ».

Là aussi cette exclusion s’explique par un but d’intérêt général.

Il s’agit d’éviter que vous ou un de vos concurrents puisse se réserver une marque décrivant un trait caractéristique des produits ou services en causes, afin que le signe puisse être librement utilisé par tous ceux qui proposent le même type de produits ou services.

De surcroît, il faut savoir que cette exclusion est applicable même si le signe que vous avez choisi a des synonymes (CA Paris, 12 septembre 2003).

Comme précédemment dans le cas d’une marque communautaire, vous devez choisir un signe que sera descriptif dans aucun État membre.

On pourra vous opposer la nullité de votre marque communautaire pour défaut de distinctivité même si le signe est jugé descriptif dans la langue d’un seul État membre.

Dans un arrêt, rendu le 18 septembre 2019, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) énonce que dès lors que la renommée d’une marque communautaire antérieure est établie sur une partie substantielle du territoire de l’Union, et qui peut, éventuellement, coïncider avec le territoire d’un seul État membre, il est force de constater que cette marque jouit d’une renommée dans toute l’Union européenne.

Ainsi, il ne sera pas exigé du titulaire de cette marque la production de la preuve de cette renommée sur le territoire de l’État membre dans lequel la demande d’enregistrement de la marque nationale postérieur qui l’objet d’une opposition a été déposée. (2)

À cet égard, rien ne vous empêche de choisir un signe qui évoque ou suggère plus ou moins directement une caractéristique d’un produit ou service.

À titre d’exemple, ont été admises les marques Double Douceur pour des produits laitiers (CA Paris, 13 novembre 1996) ou Espace pour un fameux véhicule spacieux (CA Versailles, 10 mars 1995).

B) L’exclusion des marques constituées par la forme du produit

Existe également la possibilité d’enregistrer comme marque des formes tridimensionnelles à condition qu’elle respecte les conditions posées par la loi.

Ainsi, afin d’enregistrer une forme comme marque, celle-ci ne doit pas être imposée par la nature ou la fonction du produit, ou ne pas conférer au produit sa valeur substantielle.

L’exclusion de la forme imposée par la nature ou la fonction du produit était prévue au point 5) du nouvel article L 711-2 du CPI.

Il faut savoir que les juges assimilent à la forme du produit la forme de l’emballage de ceux-ci.

Pour que l’enregistrement soit exclu, cela doit être les caractéristiques essentielles de la forme considérée qui doivent répondre à une fonction technique.

Vous ne pourrez pas échapper à l’exclusion si vous rajoutez des caractéristiques secondaires lorsque les caractéristiques considérées comme essentielles par le juge répondent à une fonction technique.

Le juge décidera souverainement s’il s’agit de caractéristiques essentielles ou non.

Enfin vous serez encore soumis à l’exclusion même si vous démontrez que d’autres formes peuvent mener au résultat technique (Cour cass, 21 janvier 2004).

L’exclusion de la forme conférant au produit sa valeur substantielle est prévue au point 5) de l’article L 711-2.

Par exemple, vous ne pourrez pas enregistrer comme marque la forme d’une montre lorsque vous souhaitez en vendre.

II. L’appréciation de la distinctivité de la marque par le juge

A) Les critères d’appréciation utilisés

Ce sont l’office national de propriété intellectuelle chargée de l’examen de la demande d’enregistrement, ou le juge dans le cadre d’une demande en nullité de votre marque, qui apprécie la distinctivité de votre signe.

L’office national pour la France est l’Institut National de la Propriété intellectuelle (OMPI).

Pour une marque communautaire, l’office compétent est l’Organisation mondiale de la Propriété intellectuelle.

Selon la jurisprudence un signe constitué de plusieurs éléments non distinctifs ne sera soumis à l’exclusion que s’il correspond exactement à la façon dont le public concerné désigne habituellement le produit ou l’une de ses caractéristiques (CJCE, Baby dry 20 octobre 2001).

En effet vous pouvez combiner des éléments qui ne sont pas distinctifs lorsqu’en raison de la combinaison que vous avez effectuée, la marque crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion d’éléments non distinctifs.

Cependant, sachez que si vous optez pour une combinaison d’éléments non distinctifs, votre marque sera considérée comme une « marque faible ».

Comme sa distinctivité restera faible, il sera plus facile pour un concurrent de vous opposer la nullité de votre marque dans le cadre d’une action en contrefaçon, ou encore il vous sera tout simplement plus difficile de prouver la contrefaçon de votre marque.

Enfin, sachez que vous ne pouvez pas arguer du fait que votre marque a été valablement enregistrée une première dans un État membre de la communauté.

En effet chaque office national des pays membres de l’Union européenne est indépendant les uns des autres et obéit à ses propres règles.

Toutefois l’autorité nationale pourra tenir compte de cela mais sans être obligée de suivre la décision du premier office.

On pourrait penser qu’invoquer le principe de l’égalité de traitement permettrait l’enregistrement de votre marque, mais comme ce principe doit être concilié avec le respect de la légalité, cet argument n’est pas pertinent.

En effet le respect de la légalité implique que personne ne peut « invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique ».

B) La possibilité d’acquérir la distinctivité par l’usage de votre marque

Auparavant, l’ancienne version de l’article L 711-2 du CPI prévoyait encore la possibilité d’acquérir la distinctivité pour votre marque grâce à l’usage que vous en faites. La nouvelle version de l’article, quant à elle, réaffirme cela et dispose que : « Dans les cas prévus aux 2°, 3° et 4°, le caractère distinctif d’une marque peut être acquis à la suite de l’usage qui en a été fait ».

C’est l’hypothèse où votre marque était dénuée de distinctivité lors de son enregistrement et qu’un concurrent demande ainsi la nullité de celle-ci.

C’est alors à vous d’établir l’acquisition de la distinctivité lors de l’instance.

Afin de bénéficier de cette disposition, il faut que vous prouviez que, grâce à l’usage que vous avez fait de votre marque, elle a pris une nouvelle signification dans l’esprit du public.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) affirme, dans un arrêt rendu le 25 juillet 2018, la nécessité de démontrer l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage afin d’enregistrer une marque qui était antérieurement dépourvue de ce caractère.

La CJUE énonce également l’impossibilité d’enregistrer en tant que marque de l’Union européenne, un signe dépourvu de caractère distinctif intrinsèque sauf s’il est prouvé qu’il a acquis un caractère distinctif dans la partie de l’Union où il n’avait pas auparavant un tel caractère. (3)

L’acquisition de la distinctivité doit nécessairement être prouvée sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne pour une marque communautaire.

Sachez que pour prouver cette acquisition il faudra vous appuyer notamment sur l’intensité, la durée et l’étendue géographique de votre usage.

Il est possible de se fonder sur la part de marché que vous détenez, l’importance des investissements que vous avez réalisés pour promouvoir votre marque, ou encore la proportion des consommateurs qui identifie votre marque et le produit qui y est attaché.

Néanmoins, même si vous arrivez à démontrer l’acquisition de la distinctivité par l’usage, vous êtes protégés seulement contre une marque dont l’utilisation a débuté après la date à laquelle votre marque a acquis son caractère distinctif.

Cela dit, pendant la période intermédiaire, entre le moment de l’enregistrement de votre marque et celui où vous prouvez sa distinctivité, vous ne pouvez pas agir contre un concurrent en contrefaçon.

Pour lire une version plus complète de cet article sur la distinctivité d’une marque, cliquez

Sources:

ANJ : DÉPÔT DE DOSSIERS DE JEUX EN LIGNE

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La loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne a été votée par le Parlement le 7 avril 2010,

Cette loi énumère plusieurs conditions inhérentes à la faculté pour une personne de proposer des jeux d’argent ou de paris en ligne. Parmis les conditions figure notamment celle faisant obligation à tout opérateur potentiel d’obtenir, avant le début de son activité, un agrément auprès de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).

Le 22 mai 2019, l’avènement de la loi Pacte no 2019-486 va marquer la privatisation de la Française des jeux. Quelques mois plus tard, l’ordonnance du 2 octobre 2019 viendra réformer la régulation des jeux d’argent et de hasard et créer l’Autorité nationale des jeux (ANJ). L’ANJ se caractérise par ses pouvoirs élargis et son pouvoir de régulation considérablement élargi.

Désormais, l’ANJ est compétente pour toutes les composantes des jeux d’argent, notamment les jeux en ligne régulés par l’ARJEL (les hippiques, le poker, les paris sportifs), les jeux de la Française des jeux ou du PMU, tous les hippodromes et tous les casinos à l’exception des questions relatives à la lutte contre le blanchiment et l’intégrité de l’offre des jeux qui relèvent de la responsabilité du ministère de l’Intérieur. (1)

L’obtention de cet agrément nécessite le dépôt préalable d’un dossier auprès de l’ANJ, anciennement l’ARJEL, chargée de vérifier l’aptitude du futur opérateur à respecter les obligations à sa charge au titre de la loi.


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En vertu de l’article 15, alinéa 2, de la loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne : « Les éléments constitutifs de la demande d’agrément sont établis par un cahier des charges approuvé par le ministre de l’Intérieur, le ministre chargé du budget, le ministre chargé de l’agriculture et le ministre chargé des sports, sur proposition de l’Autorité de régulation des jeux en ligne ».

C’est à l’ANJ que revient la tâche d’élaborer et de proposer, aux ministres compétents, un cahier des charges indiquant les éléments qui devront être transmis avec les dossiers de demande d’agrément qui lui seront présentés.

Il convient d’abord d’exposer les dispositions de la loi relative aux jeux en ligne (1), pour ensuite expliquer comment l’on pourra constituer un dossier de candidature auprès de l’ANJ (2).

I. Les mesures issues de la loi relative aux jeux en ligne

La loi prévoyait la création d’une autorité administrative supplémentaire dédiée exclusivement aux secteurs ouverts à la concurrence (paris sportifs, hippiques et poker) afin d’encadrer et de contrôler les jeux sur Internet.

C’est à l’Autorité nationale des jeux qu’incombe la définition un cahier des charges et la délivrance les licences aux nouveaux acteurs.

Il convient alors d’exposer ses objectifs et ses apports (A). La publication sur internet, du cahier des charges par l’ANJ, permet de passer en revue les principaux axes de ce texte (B).

A) Les objectifs et les apports de la loi sur les jeux d’argent en ligne

Le gouvernement souhaitait agir rapidement. En dépit de la pression de la Française des jeux, qui va perdre son monopole, il s’agissait surtout de distribuer les licences avant le début de la dernière Coupe de monde de football qui fut un aspirateur à paris sportifs.

L’objectif est également de faire « le ménage » en France puisqu’actuellement plus de 20 000 sites de jeux d’argent exercent en toute illégalité. Une cinquantaine d’opérateurs devraient ainsi être autorisés, mais on peut se demander ce qui se passera pour les milliers d’autres qui seront désormais illégaux. À ce titre, une infraction d’organisation illégale de jeux et paris en ligne devrait voir le jour.

Les sites dits « illégaux » pourraient alors voir leur accès couper par un juge des référés. Le texte prévoit que ces opérateurs non autorisés pourront se voir condamnés à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende (sept ans et 100 000 euros en bande organisée).

Concrètement, la loi autorise l’exploitation de sites proposant des paris hippiques mutuels (et non à côté), des paris sportifs (à côté et en direct sur des épreuves) et du poker ; exploités par des opérateurs privés.

Les membres, dont le président qui est nommé par décret du Président de la République, deux membres qui sont nommés respectivement par le président de l’Assemblée nationale et par le président du Sénat ainsi que six autres membres nommés par décret. Elle est composée également d’une commission des sanctions dont les pouvoirs n’ont pas été modifiés par l’ordonnance du 2 octobre 2019, des commissions consultatives spécialisées permanentes compétentes pour la prévention du jeu excessif ou pathologique, le contrôle des opérations de jeux et la lutte contre la fraude et le blanchiment des capitaux. Enfin, l’ANJ comporte un médiateur dont les fonctions et les missions ont été renouvelées par l’ordonnance du 2 octobre 2019. (2)

La loi prévoit que les organisateurs de compétitions, les clubs et les ligues nationales sportives vont disposer du « droit d’exploitation commerciale » des paris. Ils pourront ainsi signer directement des accords avec les opérateurs de sites ou déléguer ce droit à leurs fédérations.

Du côté des joueurs, la loi prévoit aussi un plafonnement du taux de retour compris entre 80 % à 85 %.

Sur le total des recettes générées par le secteur, évaluées à 800 millions d’euros, le texte prévoit que 10 millions d’euros seront attribués à la lutte contre l’addiction, 1 % des recettes sur les paris sportifs reviendront au Centre national pour le développement du sport (CNDS) et 15 % de la fiscalité sur le poker sera destinée aux monuments historiques.

Pour exercer sur le marché français, chaque candidat devra en outre répondre à un cahier des charges contraignant.

B) L’analyse du projet de cahier des charges de l’ANJ

Les opérateurs potentiels vont devoir travailler dès à présent pour préparer leur demande de licence française sur la base de ce cahier des charges sans portée normative.

Sa parution demeure une avancée sensible vers l’obtention de licences françaises de jeux d’argent et de hasard en ligne, quand bien même des recours seraient déposés devant le Conseil Constitutionnel et les instances européennes par ses opposants.

Ceci étant, ce cahier des charges sera soumis à l’approbation définitive des ministres de l’Intérieur, du budget, de l’agriculture et des sports. Mais, on peut raisonnablement considérer que la majeure partie des clauses présentées à titre d’information seront définitives.

Les grands principes de la loi sont énoncés au préambule :

« … la politique de l’État en matière de jeux d’argent et de hasard a pour objectif de limiter et d’encadrer l’offre et la consommation des jeux et d’en contrôler l’exploitation afin de :

1° Prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs ;

2° Assurer l’intégrité, la fiabilité et la transparence des opérations de jeu ;

3° Prévenir les activités frauduleuses ou criminelles ainsi que le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ;

4° Veiller au développement équilibré et équitable des différents types de jeu afin d’éviter toute déstabilisation économique des filières concernées ; »

Par ailleurs, le projet de cahier des charges est volumineux. Il comporte 11 rubriques principales que le candidat devra respecter pour obtenir son agrément.

Première condition : ne pas être domicilié dans un paradis fiscal. Il faudra aussi disposer d’une comptabilité spécifique et d’un correspondant permanent en France, exiger une domiciliation bancaire en France pour les joueurs, contrôler leur inscription par un code d’accès, ne pas « anonymiser » les moyens de paiement, ou encore mettre en place des « pop up » (fenêtres) pour dissuader les visites de mineurs… etc.

L’opérateur devra fournir des informations économiques, financières et comptables en outre de son identification complète. Il doit produire une description du site internet de jeu, et détailler le fonctionnement des comptes joueurs, des activités éventuellement sous-traitées, des contrôles et procédures internes mis en place. Les sections relatives à la lutte contre les activités criminelles, l’addiction ou les conflits d’intérêts montrent que ces questions ne sont pas oubliées.

Cela dit, le droit à payer lors du dépôt de la demande d’agrément à l’ANJ variera en fonction du nombre d’agréments demandés par l’opérateur – pour les paris hippiques, – les paris sportifs – et le poker. Si la demande porte sur un seul agrément, il sera de 5 000 € ; pour deux agréments il sera de 8 000 €; pour 3 agréments il sera de 10 000 €.

Il convient de noter qu’un certain nombre d’obligations relevant des exigences légales classiques de mise en conformité, telles que le traitement des données au regard des obligations CNIL, les mentions légales du site, etc. La moitié du cahier des charges étant consacrée à l’architecture technique du système, on pourra souligner l’importance attachée par les pouvoirs publics aux questions de sécurité informatique.

L’ANJ dispose d’un délai de quatre mois maximum à compter du dépôt de la demande d’agrément) pour instruire et se prononcer sur une demande d’agrément et toute modification du cahier des charges remis ferait courir un nouveau délai.

Du surcroît, la transparence sera requise en matière financière (documenter avec précision l’actionnariat des sociétés soumissionnaires), mais aussi en matière judiciaire (l’ANJ sera informée de toute condamnation définitive des sociétés et de ses actionnaires et dirigeants survenue depuis moins de 10 ans).

La solidité financière des opérateurs devra apporter le maximum de garantie aux joueurs pour ne pas perdre leurs mises et leurs gains. En cas de difficultés financières, la présence d’un actionnaire de référence pourrait être de nature à rassurer l’ANJ. Rappelons toutefois que pour les sociétés de capitaux, la présence d’un actionnaire n’oblige pas ce dernier à couvrir les pertes dans la société dont il détient une partie du capital.

En effet, il est conseillé aux opérateurs qui souhaitent faire une demande de licence auprès de l’ANJ de s’engager dans une démarche active de constitution des dossiers, l’objectif étant de faire partie des premiers opérateurs disposant d’un agrément sur le marché français.

II. La constitution d’un dossier de candidature auprès de l’ANJ

Dans un premier temps, il convient ici de présenter la procédure de constitution d’un dossier de candidature à une licence de jeu en France. Une fois que les conditions pour l’obtention d’un agrément seront exposées (A) par l’ANJ, il faudra, dans un second temps en détailler le contrôle (B).

A) Droits et conditions d’entrée

L’agrément sera distinct pour chaque type de jeu (pari hippique/ sportif/ poker), et sera valable pour une durée de 5 ans, renouvelable. Il est payant, et les modalités d’acquittement seront prévues par décret (comptable assignataire de l’ANJ ou service des impôts des entreprises).

La plupart des agréments ont été délivrés par l’ARJEL en 2010, au moment de l’ouverture du marché. L’année 2020 marque la deuxième vague de renouvellement des agréments. À cet égard, parmi les 14 opérateurs actuellement agréés, 10 d’entre eux étaient concernés par le renouvellement de la totalité ou d’une partie de leurs agréments.

L’agrément est délivré par l’ANJ conformément au cahier des charges portant sur les points suivants :

  • Identification de la société (structure juridique, identification et adresse de son propriétaire, état des condamnations pénales, informations comptables générales, montant des dettes et fonds propres, siège social, actionnariat direct et indirect) ;
  • Localisation de la société (l’agrément n’est attribuable qu’aux sociétés ayant leur siège social dans l’UE et n’ayant ni son siège, une filiale ou un équipement dans un État ou un territoire que les instances internationales ont classé dans la liste des paradis fiscaux) ;
  • Modalités d’accès et inscription au site (identification des joueurs, lieu de résidence et âge, etc.) ;
  • Protection des données à caractère personnel et vie privée des joueurs ;
  • Obligations comptables : comptes séparés par jeu et par pays ;
  • Obligations liées à la base de données joueurs (création et approvisionnement des comptes joueurs ultérieurement à l’ouverture du marché) ;
  • Effacement de toute base de données constituées antérieurement à l’obtention de la licence, sous peine de suspension de la demande d’agrément ;
  • Obligations de lutte contre le jeu des mineurs (contrôle de l’âge des joueurs lors de l’ouverture du compte ; vérification que l’identité du joueur correspond à celle du titulaire du compte de paiement ;
  • Fenêtre surgissant pour rappeler que le jeu est interdit aux mineurs; la date de naissance est exigée à chaque visite).

En outre, l’opérateur doit mettre en place un système respectant son obligation de lutte contre l’addiction, pour permettre l’autolimitation des dépôts et des mises par le joueur, un plafonnement du taux de retour aux joueurs (sera fixé par décret entre 75 et 85 %), une indication permanente du solde instantané du compte joueur, la possibilité d’auto exclusion du joueur, l’application au jeu en ligne de la procédure des interdits de jeu et possibilité pour tout opérateur de consulter le fichier des interdits de jeu, et un service online d’information et d’assistance aux joueurs en matière d’addiction au jeu.

B) L’homologation des systèmes de jeu

Les modalités d’exploitation, d’organisation ou de sous-traitance du jeu, ainsi que l’accès au serveur sont contrôlées par l’ANJ. De même que les modalités de paiement et d’encaissement.

En outre, les candidats auront l’obligation que leur site de jeu ait un nom de domaine en .fr et qu’il comporte un mécanisme de redirection de tous les joueurs.

S’agissant des obligations techniques, une homologation et une certification des serveurs et plateformes aura lieu tous les ans.

L’ANJ peut refuser la délivrance ou le renouvellement d’un agrément pour un motif tiré de la sauvegarde de l’ordre public, de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, des nécessités de la sécurité publique et de la lutte contre le jeu excessif ou pathologique ou si l’opérateur en question ne présente pas les capacités techniques, économiques et financières suffisantes pour l’exercice son activité et le respect de ses obligations pendant la période de 5 ans considérée

Le refus d’un agrément est toujours motivé. Il devra par exemple être fondé sur l’incapacité technique, économique, et financière de faire face durablement aux obligations de son activité, ou encore reposer sur des raisons de sauvegarde de l’ordre public. En cas de non-respect de cette loi et de l’ordonnance de 2019, l’ANJ pourra prononcer des sanctions (qui doivent encore être déterminées).

De surcroît, tout exercice illégal d’une activité de jeux d’argent et de hasard en ligne donne lieu à des sanctions pénales. L’article 56 la loi du 12 mai 2010 énonce une peine d’emprisonnement allant jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 90 000 € d’amende.

En ce qui concerne à la publicité, cette dernière prévoit dans son article 57 que faire de la publicité par quelque moyen que ce soit en faveur d’un site de Paris ou de jeux d’argent non autorisé donne lieu à une amende de 100 000 euros. (3)

Pour y faire face, un recours contentieux devant les juridictions administratives et devant le Conseil d’Etat en dernier ressort sera bien entendu envisageable.

Il convient de conclure que tout agrément comporte des caractéristiques spécifiques propres à l’offre de jeu agréé, et toute modification aux informations ou obligations nécessaires à l’octroi devront être portées à la connaissance de l’ANJ.

Par ailleurs, la Commission européenne s’est vu soumettre ce projet et pourrait, selon toute vraisemblance, demander une clarification aux motifs que le respect de la libre prestation des services ne serait pas respecté. Le projet de loi est donc susceptible de faire l’objet d’évolutions importantes si la Commission décidait de rendre un avis défavorable sur le texte qui lui a été notifié.

Finalement, de nombreux renvois à des décrets d’application persistent. Dans l’état actuel, il est effectivement délicat de se prononcer sur les modalités exactes d’octroi de la licence, susceptibles de modifications. Il conviendra donc de rester attentif aux éventuels changements à venir.

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Sources 

  • https://anj.fr/lanj/les-missions
  • https://www-dalloz-fr.ezproxy.univ-paris13.fr/documentation/Document?id=ENCY/POL/RUB000464/2021-06/PLAN/0011 https://anj.fr/lanj/les-missions
  • Loi du 12 mai 2010, n° 2010-47