3 RAISONS DE FAIRE UN PROCES EN DIFFAMATION

La diffamation ne se constitue que grâce aux faits qu’elle révèle . Elle ne peut être reconnue lorsqu’elle porte sur des faits déjà révélés antérieurement, même si les propos diffusés comportent des affirmations tendancieuses ou mensongères.

La publication d’un propos diffamatoire constitue un délit prévu et réprimé par différents articles de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. La structure de ce délit est très originale. En effet, la diffamation publique n’est qu’une infraction de presse parmi d’autres. Toutes ces infractions se consomment de la même façon : par la publication.

Cette publication est définie, d’une manière générale, à l’article 23 de la loi. Elle peut s’effectuer directement (“par des discours, cris ou menaces proférées dans des lieux ou réunions publics”) ou nécessiter un support de communication (“soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposé dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposées au regard du public soit par tout moyen de communication au public par voie électronique”).

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L’essentiel est qu’il y ait communication à des personnes non liées entre elles par une communauté d’intérêts. L’infraction consiste dans ce fait matériel de publication, accompagné d’une intention coupable le plus souvent présumée.

Le propos incriminé doit énoncer ou viser un fait précis et déterminé. Il doit pouvoir faire l’objet d’un débat sur la preuve de la vérité. En cela, la diffamation se distingue de l’injure, appréciation péjorative non susceptible de preuve, et ne pouvant dès lors faire l’objet d’un débat probatoire.

Si les faits sont suffisamment circonstanciés pour faire l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire, c’est la qualification de diffamation qui doit être adoptée.

La diffamation ne se constitue que concomitamment aux faits qu’elle révèle. Elle ne peut être reconnue lorsqu’elle porte sur des faits déjà révélés antérieurement, même si les propos diffusés comportent des affirmations tendancieuses ou mensongères.


 

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Avant d’exposer trois raisons pour lesquelles il faille intenter un procès en diffamation, il faudrait identifier les personnes visées.

I. Identification des personnes visées

A) Personne physique ou morale

La diffamation visant une personne ne peut rejaillir sur une autre que dans la mesure où les imputations diffamatoires lui sont étendues, fût-ce de manière déguisée ou dubitative, ou par voie d’insinuation. Les propos visant le dirigeant d’une société ne visent donc pas nécessairement cette personne morale.

Lorsqu’une personne est visée par des propos diffamatoires, il importe peu qu’elle n’ait pas été nommément ou expressément désignée, dès lors que son identification est rendue possible.

En effet, la diffamation est constituée dès lors que la personne est identifiable même par des circonstances extrinsèques qui rendent évidente sa désignation, même par un public limité et même si elle est présentée sous forme déguisée ou par voie d’insinuation. A contrario, il n’y aura pas diffamation si la personne visée n’est pas clairement identifiable.

S’il s’agit d’un groupe sans personnalité, les membres qui le composent ne peuvent s’estimer atteints par la diffamation sauf si la dimension de ce groupe est réduite, permettant facilement l’identification des personnes qui le composent. En revanche, une profession visée dans son ensemble ne constitue pas une personne déterminée au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881.

Les membres d’une communauté ne sont pas recevables à agir en diffamation, lorsque les propos incriminés ne permettent pas de les identifier personnellement. La Chambre criminelle a jugé au visa des articles 29, alinéas 1 et 31, alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 que les propos en cause ne visaient pas des personnes formant un groupe suffisamment restreint pour qu’un soupçon plane sur chacun de ses membres et les parties civiles n’étaient donc pas en droit de demander réparation du préjudice résultant de l’infraction dénoncée.

B) Groupe de personnes et cas de la diffamation

La première proposition de loi contre le racisme a été déposée à l’Assemblée nationale en 1959 et c’est le 1er juillet 1972 qu’une loi a été adoptée, modifiant et le Code pénal et la loi de 1881 sur la presse. La diffamation et l’injure sont plus sévèrement sanctionnées dès lors que sont impliquées des considérations raciales.

Ainsi, l’article 32 de la loi de 1881 dispose-t-il que la diffamation commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement.

Ces peines assez lourdes sont applicables à la diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap (L. 29 juill. 1881, art. 32). Outre l’affichage ou la diffusion de la décision, un stage de citoyenneté est envisageable (L. 29 juill. 1881, art. 32).

Il est à noter que compte tenu de la nature de cette infraction et des faits qui sont visés, le prévenu ne peut rapporter la preuve de la vérité des imputations diffamatoires.

II. Raisons de faire un procès en diffamation

A) Une allégation ou imputation

La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommé, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés (L. 29 juill. 1881, art. 29).

Ainsi, le caractère diffamatoire d’un propos ou d’une expression peut être constitué même si celle-ci est présentée sous forme déguisée ou dubitative ou par voie d’insinuation. Des faits ou des propos présentés de telle sorte qu’ils laissent supposer que la personne déterminée est responsable d’actes répréhensibles sans aucune preuve à l’appui, caractérisent la diffamation. Des imputations diffamatoires peuvent découler de simples insinuations dès lors qu’elles révèlent une véritable intention de nuire de leurs auteurs.

Peu importe donc que la forme employée par le journaliste soit affirmative, dubitative ou interrogative, peu importe encore une rectification ultérieure.

B) Reprise d’une imputation diffamatoire

En réalité, c’est au visa du seul article 29, alinéa 1 de la loi sur la presse qu’il est désormais jugé que « la reprise d’une imputation diffamatoire constitue elle-même une diffamation qui implique l’intention de nuire ».

Cette reprise implique l’intention de nuire, cette présomption ne pouvant disparaître qu’en présence de faits justificatifs de nature à faire admettre la bonne foi.

L’élément intentionnel peut également être caractérisé lorsque les propos diffamatoires sont repris à plusieurs reprises dans le journal.

De la même façon, le rappel de condamnations amnistiées est passible de sanctions pénales et la bonne foi ne peut justifier la publication de ces condamnations.

 C) Atteinte à l’honneur ou à la considération

L’imputation doit porter atteinte à l’honneur de la personne ou à sa considération, la réputation de la personne étant souvent assimilée à ces deux notions.

L’imputation qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime doit se présenter sous la forme d’une articulation précise des faits pouvant alors faire l’objet d’un débat contradictoire.

Mais l’utilisation de certains mots pouvant avoir un sens négatif dans l’esprit du lecteur ne constitue pas à elle seule une diffamation comprise comme une atteinte à l’honneur et à la considération : en l’espèce, à propos du mot « collaborer »). Les tribunaux ont dès lors le devoir d’apprécier l’atteinte à l’honneur ou à la considération de façon objective, en se référant à des considérations indifférentes à la sensibilité particulière de la personne visée.

Cependant, l’intérêt général d’un sujet traité et le sérieux de l’enquête conduite par un journaliste d’investigation autorisent les propos et les imputations de ce dernier, s’ils ne dépassent pas les limites de la liberté d’expression.

En outre, le délit de diffamation n’est pas constitué lorsque les propos visent les produits ou services d’une société et non la société elle-même.

Dans ce cas, il s’agit plus justement de dénigrement. Le dénigrement, qui constitue une pratique de concurrence déloyale, est sanctionné par le mécanisme de la responsabilité délictuelle des articles 1382 et 1383 du Code civil, et vise les produits ou les services d’une société et non la société elle-même. C’est d’ailleurs ce qui le distingue de la diffamation visée par l’article 29 de la loi de 1881 sur la presse, qui est une allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne.

De même, les propos tenus par une société sur sa concurrente afin de détourner une partie de la clientèle à son profit, constituent un dénigrement fautif.

Par ailleurs, la distinction doit être faite entre des imputations diffamatoires et la fausseté de renseignements ou d’informations, ce qui ne sous-entend nullement la constitution d’un délit de faux susceptible de caractériser un acte de diffamation.

Enfin, les abus de langage ne sont pas nécessairement constitutifs de diffamation, si l’information elle-même se révèle exacte.

En revanche, si les propos tenus concernent un sujet d’intérêt général, mais sont dépourvus de prudence et constituent des attaques personnelles excédant les limites admissibles de la polémique politique, ils sont diffamatoires.

III. Sanctions relatives aux diffamations

La diffamation commise par l’un des moyens énoncés à l’article 23 de la loi de 1881 envers les cours, les tribunaux, les armées de terre, de mer ou de l’air, les corps constitués et les administrations publiques, sera punie d’une amende de 45 000 € (L. 29 juill. 1881, art. 30).

Sera punie de la même peine, la diffamation commise par les mêmes moyens, à raison de leurs fonctions ou de leur qualité, envers le Président de la République, un ou plusieurs membres du ministère, un ou plusieurs membres de l’une ou de l’autre Chambre, un fonctionnaire public, un dépositaire ou agent de l’autorité publique, un ministre de l’un des cultes salariés par l’État, un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public temporaire ou permanent, un juré ou un témoin, à raison de sa déposition (L. 29 juill. 1881, art. 31).

En effet, le Président de la République est dorénavant concerné par ce délit, le délit d’offense envers sa personne ayant été supprimé par la loi n° 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France (L. n° 2013-711, 5 août 2013).

La diffamation commise envers les particuliers par l’un des moyens énoncés en l’article 23 sera punie d’une amende de 12 000 €.

La diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée sera punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement.

Sera punie des peines prévues à l’alinéa précédent la diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation ou identité sexuelle ou de leur handicap.

Le tribunal pourra en outre ordonner l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l’article 131-35 du Code pénal, mais également la peine de stage de citoyenneté prévue à l’article 131-5-1 du même Code (L. 29 juill. 1881, art. 32).

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SOURCES :

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