savoir-faire

Le droit de la preuve peut autoriser la présentation d’information qui sont normalement soumises à la protection du secret des affaires.

Dans un contexte économique mondial où la concurrence est de plus en plus féroce, la question de la protection des informations sensibles au sein des entreprises prend une importance cruciale. En effet, le secret des affaires joue un rôle fondamental pour préserver des atouts stratégiques, tels que des savoir-faire, des procédés de fabrication ou des données clients, qui, s’ils venaient à être divulgués, pourraient gravement compromettre la position d’une entreprise sur le marché.

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu dénigrant ou de contrefaçon en passant par le formulaire !

Cependant, cette nécessité de protection peut parfois se heurter à un autre principe tout aussi essentiel : le droit à la preuve, qui est au cœur des procédures judiciaires et du respect du procès équitable.

L’équilibre entre ces deux impératifs – la préservation du secret des affaires et le droit à la preuve – constitue un enjeu juridique majeur, particulièrement dans le cadre des litiges commerciaux. La jurisprudence contemporaine, notamment l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 février 2025 (pourvoi n° 23-10.953), vient éclairer les conditions dans lesquelles le droit à la preuve peut permettre la levée du secret des affaires. L’article L. 151-8, 3° du Code de commerce établit que le secret des affaires ne peut être opposé lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation de ces informations est justifiée par un intérêt légitime reconnu par la loi, qu’elle soit nationale ou européenne. Cette disposition souligne que, dans certaines circonstances, la nécessité de produire une preuve peut prévaloir sur la protection du secret, mais cela doit être soigneusement encadré.


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de preuve ?

Téléphonez – nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez – nous en cliquant sur le lien


Cette tension entre la protection des informations confidentielles et le droit de chaque partie à faire valoir ses arguments devant un tribunal appelle à une analyse rigoureuse. Les juges sont appelés à examiner si la production d’une pièce protégée par le secret des affaires est réellement indispensable pour établir les faits allégués, comme dans les cas de concurrence déloyale, par exemple. Il incombe également aux juridictions d’évaluer si l’atteinte au secret est proportionnée à l’objectif poursuivi. Cette approche exige une attention minutieuse aux spécificités de chaque affaire, et il est essentiel de se rappeler que la simple nécessité de produire une preuve ne saurait justifier, à elle seule, la levée du secret des affaires. Les implications de cette problématique sont vastes et nécessitent une réflexion approfondie.

D’une part, les entreprises doivent naviguer entre leur besoin légitime de protéger leurs informations sensibles et leur obligation de se conformer aux procédures judiciaires.

D’autre part, les magistrats doivent veiller à rendre des décisions justes en respectant les droits des parties impliquées, tout en préservant l’intégrité du système judiciaire. Ce processus de mise en balance entre le droit à la preuve et la protection du secret des affaires s’avère complexe, mais il est indispensable pour garantir la transparence et la justice dans le cadre des litiges commerciaux. Dans cet article, nous nous attacherons à analyser plus en profondeur les implications de l’arrêt de la Cour de cassation précité, en considérant les conditions dans lesquelles le droit à la preuve peut justifier la levée du secret des affaires.

I. Fondements Historiques et Philosophiques

A. Genèse du Secret des Affaires : De l’Artisanat Médiéval à l’Industrie

  1. Les Corporations Médiévales

Les statuts des guildes, comme ceux des drapiers de Paris en 1268, imposaient le secret sous peine d’exclusion. Le savoir-faire, appelé « mystery » en anglais, était transmis oralement pour éviter la divulgation. Par exemple, les verriers de Murano à Venise, confinés sur une île au XVe siècle pour protéger leurs techniques, illustrent l’ancêtre du secret industriel.

  1. L’Ère Industrielle et la Naissance des Brevets

Le Statute of Monopolies anglais de 1623 marque un tournant en reconnaissant les brevets tout en laissant le secret comme alternative pour les innovations non brevetables. Un cas emblématique est celui de la recette secrète du Coca-Cola, jamais brevetée pour éviter la divulgation, et qui reste protégée depuis 137 ans.

  1. L’Influence des Révolutions Technologiques

Au XXe siècle, les procès sur les secrets industriels, comme celui de DuPont contre Rolfe Christopher en 1970 concernant la photographie aérienne d’usines, posent les bases du droit moderne.

B. Le Droit à la Preuve : Une Garantie de l’Équité Processuelle

  1. Des Origines Romaines à la CEDH

Le principe « actori incumbit probatio », issu du droit romain, structure les systèmes juridiques occidentaux. La CEDH, dans l’affaire Dombo Beheer contre Pays-Bas en 1993, érige le droit à la preuve en composante du procès équitable.

  1. La Philosophie sous-jacente

Pour Jürgen Habermas, dans sa « Théorie de l’agir communicationnel », la transparence judiciaire est un pilier de la démocratie délibérative. À l’inverse, Friedrich Hayek, dans « Droit, Législation et Liberté », souligne les risques d’une intrusion excessive de l’État dans les affaires privées.

II. Cadre Juridique Actuel : Droit Comparé et Harmonisation

A. Le Modèle Français : Un Équilibre Téléologique

  1. L’Article L. 151-8 du Code de Commerce

L’article L. 151-8 du Code de commerce dispose que le secret des affaires n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est nécessaire pour exercer un droit à réparation ou protéger un intérêt légitime.

  • La Cour de cassation, dans son arrêt du 5 février 2025 a partiellement annulé un arrêt de la cour d’appel de Paris dans un litige opposant des franchisés de pizzas. La Cour a confirmé que le guide d’évaluation des points de vente de Domino’s Pizza, marqué « confidentiel », était protégé par le secret des affaires, mais a cassé la condamnation à 30 000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral, estimant que la cour d’appel n’avait pas vérifié si la production de la pièce était strictement proportionnée et indispensable à la défense d’un intérêt légitime. (1)
  • L’arrêt du 23 novembre 2022 de la cour d’appel de Paris concerne une affaire de concurrence déloyale entre la société Agora, franchisée de Speed Rabbit Pizza, et la société Domino’s Pizza France. Agora a reproché à Domino’s et à sa filiale DPFC des pratiques déloyales, tandis que Domino’s a demandé des dommages et intérêts pour violation de son secret des affaires. La cour a jugé que le guide d’évaluation des points de vente, produit par Domino’s, était protégé par le secret des affaires. Cependant, elle a également condamné Agora et SRP à verser 30 000 euros à Domino’s pour préjudice moral. La Cour de cassation a ensuite annulé cette condamnation, estimant que la cour d’appel n’avait pas suffisamment examiné si la production du document était justifiée par un intérêt légitime et si l’atteinte au secret des affaires était proportionnée.
  1. Les Mesures Protectrices Innovantes

Des mesures comme les « Confidentiality Clubs », inspirés du droit anglo-saxon, permettent de limiter l’accès aux informations sensibles à un nombre restreint de personnes, comme dans l’affaire Safran contre Airbus. Les ordonnances de scellement, utilisées dans les litiges spatiaux comme Thales contre SpaceX, protègent les données après l’audience.

B. Le Modèle Américain : Primauté du Trade Secret Act

  1. Le Defend Trade Secrets Act (DTSA, 2016) Le DTSA permet des saisies ex parte de preuves en cas de risque de destruction. Un cas célèbre est celui de Waymo contre Uber en 2017, où des secrets sur les voitures autonomes ont été volés, résolu par un accord de 245 millions de dollars.

  2. La Doctrine du Inevitable Disclosure

Cette doctrine empêche un employé de rejoindre un concurrent si son savoir-faire rend la divulgation inévitable, comme dans l’affaire IBM contre Papermaster en 2008.

C. Le Modèle Allemand : Rigueur Procédurale

  1. Le Gesetz zum Schutz von Geschäftsgeheimnissen (2019) Cette loi exige une motivation détaillée des juges sur la nécessité de la divulgation. Par exemple, la BGH en 2024 a refusé de divulguer un procédé chimique, jugé non indispensable à la preuve d’une contrefaço
  2. D. Le Modèle Japonais : Approche Consensuelle

  3. Les Confidentiality Arbitrations Au lieu d’un procès public, les parties optent pour un arbitrage confidentiel, comme dans le litige Sony contre Panasonic sur les batteries lithium-ion en 2023.

 

III. Études de Cas Approfondies : Stratégies et Enseignements

A. Affaire Volkswagen c. Greenpeace

Dans cette affaire, Greenpeace a demandé l’accès à des rapports internes sur les émissions de CO2, invoquant l’intérêt public environnemental. La CJUE a autorisé la divulgation partielle, sous anonymisation des données techniques critiques, créant un précédent sur la supériorité de l’intérêt public en matière climatique.

B. Affaire Meta c. France

La France a ordonné à Meta de divulguer des algorithmes publicitaires suspectés de discrimination. La CEDH a validé la demande, estimant que la lutte contre les discriminations justifie une atteinte proportionnée. Les algorithmes ont été communiqués sous forme agrégée, sans révéler le code source.

D. Affaire Tesla c. Rivian

Dans cette affaire, Tesla a accusé Rivian de vol de secrets sur les batteries par d’anciens employés. Le tribunal a ordonné une forensic audit des serveurs de Rivian, sous supervision d’un tiers neutre, et a condamné Rivian à 1,2 milliard de dollars pour dommages punitifs.

IV. Défis Contemporains : Technologies et Globalisation

A. L’Intelligence Artificielle : Nouvelle Frontière du Secret

  1. Les Algorithmes Opaques

Les réseaux de neurones profonds sont par nature incompréhensibles. Dans l’affaire HealthAI contre MedTech, le juge a imposé une explicabilité partielle sans divulguer l’algorithme.

  1. L’Apprentissage Fédéré

Les données restent décentralisées, mais les modèles d’IA sont partagés. Dans l’affaire Google Health contre Mayo Clinic, un accord a été trouvé sur des modèles chiffrés accessibles uniquement via une API sécurisée.

B. La Blockchain : Transparence Irréversible vs. Confidentialité

  1. Les Smart Contracts

Un contrat automatisé sur blockchain Ethereum a révélé involontairement des clauses secrètes. Dans l’affaire CodeLaw contre ChainSecure, la divulgation accidentelle a entraîné la perte de protection.

  1. Les NFTs et la Propriété Intellectuelle

Un NFT inclut des éléments protégés par le secret, posant des problèmes de traçabilité et de responsabilité.

C. Le Métavers : Espace Virtuel, Enjeux Réels

  1. Vol de Secrets dans les Espaces Virtuels

Un avatar a espionné une réunion confidentielle dans le métavers MetaWorld, soulevant des questions sur la qualification du vol.

  1. Preuve Électronique et Authenticité

Il est essentiel de garantir l’intégrité des preuves issues du métavers, par exemple en utilisant des timbres blockchain.

V. Perspectives Doctrinales et Réformes

A. Débats Théoriques

  1. École Économique (Posner, Easterbrook)

Le secret doit être protégé comme un bien rival, car sa divulgation réduit sa valeur. Cependant, cette approche peut nuire à l’innovation cumulative, comme dans le cas des logiciels open-source.

  1. École Sociétale (Delmas-Marty, Supiot)

La transparence est un bien commun, et les exceptions au secret doivent être élargies, notamment dans les secteurs stratégiques comme le climat et la santé. Une proposition est de créer un droit à l’audit pour les ONG.

B. Projets de Réforme

  1. Un Registre Mondial des Secrets

Inspiré de l’OMPI, ce registre permettrait une déclaration encadrée sans divulgation, bien qu’il présente des risques de piratage et de centralisation des données sensibles.

  1. Des Cours Spécialisées en Propriété Immatérielle

Sur le modèle de l’Unified Patent Court européen, une juridiction dédiée aux secrets et preuves pourrait être créée.

  1. Législation sur l’IA Explicable

Il est proposé d’imposer des standards d’explicabilité, comme la norme ISO/IEC 24027, pour concilier transparence et protection.

Le droit à la preuve et le secret des affaires ne sont pas des antipodes, mais les deux faces d’une même médaille : celle d’un droit en constante adaptation aux défis de son temps. Les récentes évolutions jurisprudentielles, technologiques et géopolitiques appellent à une refondation équilibrée des principes, où la nécessité et la proportionnalité restent les boussoles du juge. Les innovations procédurales, comme les confidentiality clubs et les audits numériques, pallient les rigidités traditionnelles, tandis que la coopération internationale atténue les conflits de souveraineté. À l’aube de la décennie 2030, le droit est confronté à un impératif : protéger les secrets sans sacrifier la vérité, et garantir la preuve sans étouffer l’innovation. Comme l’écrivait Montesquieu, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » – une maxime qui guide plus que jamais cet équilibre délicat.

Pour lire un article plus complet sur le droit de la preuve , cliquez

Sources :

LE CONTRAT DE FRANCHISE, LE SAVOIR-FAIRE ET LES CLAUSES DE NULLITÉ

Le contrat de franchise, le savoir-faire et les clauses de nullité sont constitutifs de tous les contrats de franchise. Dans l’intérêt des cocontractants, c’est-à-dire franchisé et franchiseur, doivent réunir le trio contrat de franchise, le savoir-faire et les clauses de nullités.  L’existence de clauses de nullité dans un contrat de franchise est conforme à la logique contractuelle. Les clauses de nullités peuvent être édictées par tout contrat à moins que celles-ci ne soient faites pour le bien d’une seule des parties au contrat. Ces clauses sont d’ailleurs interdites. 

NOUVEAU : Utilisez nos services pour faire retirer un contenu de contrefaçon ou rédiger un contrat en passant par le formulaire !

En ce qui concerne le savoir-faire, ce dernier occupe une importance particulière dans le cadre du contrat de franchise. Le savoir-faire fait partie du contrat de franchise. L’existence du contrat de franchise est inhérente à la transmission de savoir-faire.

La notion de savoir-faire sera approfondie ultérieurement. La réunion du trio contrat de franchise, le savoir-faire et les clauses de nullité s’impose dans tous les rapports franchiseur-franchisé. La simplification de la mise en pratique du trio contrat de franchise, savoir-faire et clauses de nullité à nécessiter plusieurs interventions jurisprudentielles.


Besoin de l’aide d’un avocat pour un problème de contrefaçon ou de rédaction de contrat?

Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63

ou contactez-nous en cliquant sur le lien


Ceci étant, le contrat de franchise, selon la Cour de cassation, peut permettre au franchisé de bénéficier « d’une formation sur le tas ». À l’occasion de l’arrêt de la chambre commerciale du 3 mai 2012, le juge de la cassation a eu l’occasion d’approfondir la notion de savoir-faire et son caractère substantiel, résumé par cette formulation originale sous sa plume.

En l’espèce, il s’agissait d’un contrat de franchise avait été conclu entre une société de boulangerie-pâtisserie et un franchisé néophyte dans ce domaine. Les résultats ne sont finalement pas là et le franchisé cherche alors à faire annuler le contrat.

Le franchiseur est assigné en nullité du contrat au motif que le savoir-faire transmis ne présentait aucune originalité par rapport aux techniques classiques de confection de ses produits et qu’il n’apportait aucun avantage en termes de concurrence. Pour accéder à sa demande et réparer son préjudice, la cour d’appel de Paris a estimé en seconde instance que le procédé proposé par le contrat de franchise n’apportait rien de nouveau à l’activité classique d’une boulangerie.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt sur la base d’une analyse différente basée sur une appréciation du caractère substantiel du savoir-faire dans son ensemble.

La Cour était confrontée à la question de la détermination des éléments à prendre en compte pour apprécier le caractère du savoir-faire transmis par le contrat de franchise litigieux.

À cet effet, le juge se livre à une analyse en plusieurs temps des spécificités du contrat en cause. Plusieurs jurisprudences existent déjà quant aux causes de nullité des contrats de franchise. Récemment, la chambre commerciale avait déjà statué sur l’aspect économique du contrat de franchise par un arrêt du 4 octobre 2011, qui trouve écho ici. En revanche, l’exploitation abusive par le franchiseur n’est pas recherchée, malgré une jurisprudence ancienne et confirmée, issue de l’arrêt de la chambre commerciale du 16 décembre 1997.

Le contrat de franchise est spécifiquement limité par les cas de nullités qui s’y attachent (I) comme avec l’exemple de l’appréciation de la notion de savoir-faire de l’espèce (II).

I – Les limites au contrat de franchise par les cas de nullité

Les causes de nullité du contrat de franchise sont multiples et servent aussi bien le franchisé que le franchiseur. En effet, il s’agit là d’un mécanisme de protection de principe du franchisé (A) qui réserve quelques moyens de recours au franchiseur (B).

A – La protection de principe du franchisé

La franchise désigne un contrat par lequel une personne, le franchiseur, transfère à une autre, le franchisé, des droits incorporels comme ici le savoir-faire, ou encore la marque ou l’image. En contrepartie, le franchiseur perçoit des droits pour la durée du contrat. Cette définition impose déjà quelques obligations, comme la transmission de la marque et de l’image, inhérente à tout contrat de franchise. En l’absence d’une telle transmission, le franchisé pourra rechercher la nullité du contrat de franchise.

Le contrat de franchise suppose également des obligations qui reposent sur le franchisé, comme son devoir d’exploitation conforme. Le franchisé tire alors de cette exploitation des bénéfices et supporte une part des risques.

Toutefois, le risque ne semble pas être significatif. En résumé, le contrat de franchise vise à reproduire un succès commercial. En vertu de cet objectif, la chambre commerciale de la Cour de cassation a consacré une cause de nullité pour erreur sur la rentabilité, par un arrêt du 4 octobre 2011. Le franchisé n’a pas à supporter seul un échec commercial dans le cadre du contrat de franchise.

À cet égard, une exploitation abusive de la part du franchiseur, notamment en profitant de la dépendance économique de son franchisé, constitue une cause de nullité depuis l’arrêt précité du 16 décembre 1997.

La Cour de cassation, dans un arrêt récent du 10 juin 2020, s’est prononcée sur l’incidence des comptes prévisionnels insincères sur la validité du contrat de franchise.

En l’espèce, il s’agissait de deux anciens commerçants qui signent un contrat de franchise avec une célèbre enseigne spécialisée dans la vente de chocolats. Trois ans après, leur société est placée sous liquidation judiciaire.

Les franchisés assignent le franchiseur en nullité du contrat de franchise pour vice de consentement en invoquant plusieurs éléments tels que l’absence de communication de l’état du marché local, le loyer excessif du local et la communication de comptes prévisionnels insincères.

Le tribunal de commerce de Meaux, le 8 mars 2016, fait droit à leur demande et prononce la nullité du contrat de franchise pour erreur. Cette solution sera confirmée par la Cour d’appel dans un arrêt dans un arrêt du 23 mai 2018.

Le franchise se pourvoi en cassation. À cet égard, la question de droit qui se pose devant la Cour est de savoir si la fourniture d’un compte d’exploitation prévisionnel insincère au franchisé de la part du franchiseur, altère le consentement du franchisé dans la mesure où cela provoque une erreur sur la rentabilité de l’activité qui justifie l’annulation du contrat de franchise.

La Cour de cassation répond par l’affirmative en énonçant que l’erreur sur la rentabilité économique de l’activité qui résulte des données prévisionnelles touche la substance du contrat de franchise. En effet, cette erreur étant déterminante pour le consentement du franchisé, fonde l’annulation d’un contrat de franchise. (1)

B – Les moyens de protection du franchiseur

Le juge est soucieux de ne pas faire reposer le risque sur le seul franchiseur. Le franchisé recherchait la responsabilité du franchiseur essentiellement du fait du manque de réussite de son commerce. Toutefois, l’erreur sur la rentabilité n’a pas été retenue puisque le contrat de franchise, nous dit le juge, participait effectivement à la réalisation des bénéfices.

La transmission du savoir-faire, autre élément inhérent au contrat de franchise, est également constatée alors même que celui-ci ne revêt pas de caractère original. Là réside une des protections principales du franchiseur.

Le franchiseur dispose d’un second moyen à savoir le mécanisme des clauses de nullité. Il dispose de plusieurs clauses, un genre de boîte à outils, validée par la jurisprudence qui permet de renforcer le contrat de franchise. En matière commerciale, une des premières clauses est bien entendu celle de non-concurrence . Il s’agit d’une clause fréquente dans les contrats de franchise à tel point que certains auteurs y voient un élément inhérent de la franchise.

En outre, le franchiseur a la possibilité de recourir à une cause d’exclusivité d’approvisionnement, qui s’entend aussi bien de l’approvisionnement en produit de la marque objet de la franchise que de produit validé par le franchiseur. Il est même possible, dans des cas restreints, d’insérer une clause d’exclusivité territoriale, sans risquer la nullité. Ainsi en a jugé la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 17 janvier 2006.

II – L’appréciation de la notion de savoir-faire

Le juge se fondait fréquemment sur l’article 1131 (ancien) du Code civil relatif à l’absence de cause. Le savoir-faire répond à cette logique et le juge le considère comme cause du contrat de franchise (A), comme en l’espèce, du fait de ses caractéristiques et de sa substance (B).

A – Le savoir-faire comme cause du contrat de franchise

L’article 1131 (ancien) du Code civil dispose que « l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ». En application de l’article, le juge sanctionne par la nullité les contrats de franchise dont la cause serait constituée par un savoir-faire dépourvu de toute originalité et qui ne se distinguerait pas des règles de l’art que le franchisé peut apprendre par ses propres moyens.

Cette règle ainsi rappelée dans l’arrêt nécessite une remarque. L’absence d’originalité du savoir-faire peut sans doute être un début de fondement à une action en nullité à la condition cumulative qu’il ne se distingue pas des techniques traditionnelles. La formulation semble redondante, mais a l’avantage de limiter le recours à l’argument et limite très fortement la nécessité de recherche un savoir-faire original.

De surcroît, le fait que le franchisé puisse acquérir par ses propres moyens ces techniques s’entend au sens pécuniaire : l’arrêt constate que cet apprentissage aurait été « long et coûteux ». À l’inverse, le franchisé ici bénéficiait d’une formation dont il ne supportait pas les charges, ou des charges réduites, ce qui suffisait à faire la différence.

C’est là où figure tout l’intérêt de l’arrêt. Il faut prendre en compte, dans l’évaluation qualitative du savoir-faire transmis, l’inexpérience du franchisé. De ce fait, une personne qui aurait préalablement été formée aux techniques transmises par le contrat de franchise litigieux aurait eu davantage intérêt à agir.

Dans un arrêt rendu le 9 janvier 2019, la Cour d’appel de Paris s’était prononcée sur la nullité d’un contrat de franchise pour défaut de cause. À cet égard, la Cour a rappelé qu’un contrat est considéré comme dépourvu de cause s’il ne comporte pas une transmission du savoir-faire original et substantiel, si le franchiseur n’apporte pas assistance au franchisé et si un réseau commercial est inexistant à la date de conclusion.

En l’espèce, l’inexistence d’un site pilote était reprochée au franchiseur. À cet égard, la Cour affirme que l’exploitation d’un site pilote au début puis tout au long de l’existence du réseau ne constitue pas une obligation légale ou même une obligation contractuelle. La Cour d’appel avait relevé également que les franchisés étaient informés du caractère récent du réseau dans la phase précontractuelle.

Il est important de préciser que, en dépit de la disparition de la cause du Code civil suite à la réforme du droit des obligations par le biais de l’ordonnance du 10 février 2016, cet arrêt conserve tout son intérêt. (3)

B – Caractéristiques et substance du savoir-faire

Le savoir-faire dans le cadre d’une franchise droit répondre à plusieurs caractéristiques qui sont rappelées dans cet arrêt. Il s’agit d’un ensemble identifié d’informations non brevetées, résultant de l’expérience du franchiseur, à l’exclusion de celle du franchisé donc.

La Cour affirme que ces informations auraient dû être préalablement testées par le franchiseur. La diffusion d’un succès commercial par le contrat s’inscrit dans la logique du contrat de franchise. Ce succès résulte des tests menés par le franchiseur et que l’on peut considérer comme une certaine valeur ajoutée.

Finalement, le savoir-faire est caractérisé par son aspect secret et substantiel, mais pas nécessairement nouveau. Il semble qu’il faille voir dans la condition de secret une cause de nullité là aussi. Un ensemble d’informations qui aurait été communiqué au public au préalable ne pourrait plus faire l’objet d’un contrat de franchise : le franchisé se retrouverait dans une situation absurde où il verserait des droits d’exploitation pour des informations gratuitement accessibles.

La substantialité désigne l’avantage économique du contrat de franchise et l’originalité, citée précédemment, est compensée par l’absence d’exigence de nouveauté.

En effet, l’appréciation du savoir-faire doit se faire au regard, entre autres choses, de l’ignorance du franchisé, ce que le juge considère ici, par une formulation originale, comme des « tâtonnements longs et coûteux ». Le juge est même un peu plus précis en recherchant les éventuelles connaissances ou expériences du franchisé.

Cette appréciation se fait aussi au travers du caractère substantiel du savoir-faire, que le juge définit comme l’ensemble de ces éléments et l’avantage économique. Le caractère est donc à analyser par rapport à un ensemble d’informations pris dans sa globalité. Un seul des éléments constitutifs du savoir-faire et du contrat de franchise ne saurait alors suffire à rechercher sa nullité.

De surcroît, il est fréquent que le franchisé conteste l’existence du savoir-faire du franchiseur afin d’obtenir la nullité du contrat de franchise. Cette notion de savoir-franchise n’est facilement appréhendable.

Dans un arrêt rendu le 8 juin 2017, la Cour de cassation, reprend la définition du savoir-faire telle que définie par le règlement européen d’exemption relatif aux accords de distribution (règlement 330/2010) et le du Code de déontologie en affirmant que le savoir-faire constitue « un ensemble d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du franchiseur et testé par celui-ci, ensemble qui est secret, substantiel et identifié ». (2)

Il est précisé également, par la Cour, que la définition du savoir-faire lequel en énonçant qu’il pourrait être constitué par « un savoir sélectionner », complété par un « savoir vendre ».

Pour lire une version plus complète de cet article sur les contrats de franchise, cliquez

Sources