droit d’auteur

L’aspiration de sites

L’aspiration des sites web est une technique permettant de récupérer partiellement ou entièrement le site et de l’archiver sur le disque dur de l’ordinateur, cette technique est alors très utilisée en présence d’une mauvaise connexion à l’internet, cela évite alors l’attente et les coupures éventuelles. Mais quels sont les enjeux d’une telle technique face au droit d’auteur ?

Les temps d’attente en connexion et le temps de réponse d’un site peuvent s’avérer longs.

La solution consiste à  » aspirer  » le site désiré grâce à un logiciel dit  » aspirateur de site », qui présente l’avantage de récupérer partiellement ou entièrement le site et de l’archiver sur le disque dur de l’ordinateur.

Ce site ainsi  » aspiré  » s’ouvre comme n’importe quel fichier, hors connexion, sans attente ni risque de coupure.

Les logiciels tel que Mémoweb permettent de récupérer le images, les sons, de préserver les liens entre les pages, et offrent de multiples capacités de traitement supplémentaires (mise à jour automatique des sites et des changement s éventuels, comparaison périodique de pages…).

L’aspiration de sites devient donc un nouvel enjeu au regard du droit d’auteur.

Deux conceptions s’affrontent: la première consiste à considérer l’aspiration comme la  » pré-visualisation  » des pages dans un navigateur qui n’affiche pas mais se contente de mémoriser.

Une telle utilisation serait donc conforme au droit d’auteur.

La seconde voit dans l’aspiration une atteinte au droit moral de l’auteur ( droit au nom et à la paternité de l’œuvre, droit de divulgation et de retrait, droit au respect de l’intégrité de l’œuvre) et non pas au droit d’auteur dans sa conception financière.

 

I. Mais cette pratique pose le problème de l’atteinte aux droits d’auteur du créateur du site.

En effet, même si l’usage d’un navigateur hors-ligne ne semble pas interdit, certains usages d’un tel outil pourraient l’être.

Il semble exister une confusion entre un outil et ses usages possibles. Or, en matière juridique, les conséquences démontrées de l’intention priment sur la technique utilisée.

Mais tout ce qui est techniquement possible n’est pas juridiquement incontestable pour autant.

Cependant, l’utilisateur qui respecte les obligations généralement associées à d’autres médias (audiovisuels et papier) demeure à l’abri de risques de poursuites.

Il est clair que l’aspiration du site peut générer un manque à gagner financier, puisque la connection raccourcie est susceptible d’entraîner la perte des redevances de certaines régies publicitaires.

Mais étant donné que la publication d’une oeuvre suppose le droit pour le destinataire d’en prendre connaissance de toute manière qu’il le souhaite, il appartiendra à l’auteur d’établir l’étendue de son préjudice.

 

II. L’auteur bénéficie d’une protection élevée en France et en Europe en application des droits qui lui sont conférés par le CPI ainsi que par la directive CE 2001/29 du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information.

Titulaire du droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction et la représentation de ses œuvres, il peut mettre en place des moyens techniques.

Dans le cas contraire, on pourrait considérer qu’il autorise la captation de l’œuvre à titre privé.

Il est certain que présumer que l’on a le droit d’utiliser un aspirateur de sites sur tout site Web est particulièrement risqué, tout comme l’est le fait d’imaginer que tel ou tel usage non strictement privé des reproductions faites est licite si l’on ne dispose pas de l’autorisation explicite et préalable de l’auteur et des ayants-droits.

L’esprit du CPI incite à croire que l’obtention de l’autorisation de reproduire ou d’exploiter une œuvre pèse sur l’usager, à condition que la qualification d’œuvre de l’esprit soit retenue.

Le CPI exige 2 critères essentiels :

– Tout d’abord la création doit présenter un caractère d’originalité. Cela signifie que la création doit porter l’empreinte de son auteur. La cour de cassation, dans un arrêt du 7 mars 1986, a précisé à ce sujet qu’ il fallait aller au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante, la matérialisation de l’effort de création résidant dans une structure individualisée. Pour la Cour, la création suppose un choix subjectif entre différents modes de présentation et expression.

– L’œuvre doit être fixée sur un support, peut importe sa nature.

Ces critères s’appliquent aux œuvres multimédia depuis qu’un jugement du Tribunal de commerce de Paris (9 février 1998), a attribué au contenu des pages web la qualité d’œuvre protégeable au titre des droits d’auteur.

Quoi qu’il en soit, un webmaster aura généralement la possibilité de savoir si son site a été aspiré, et par qui il l’a été, sauf si le copiste tente activement de se dissimuler . (cf cnil)

Mais si certains sites web peuvent être considérés comme des bases de données dont la copie privéeest prohibée par le CPI, et qu’ à ce titre le producteur peut en interdire les extractions, la majorité d’entre eux ne le sont pas.

La raison est qu’ils ne répondent pas à la définition de  » recueil d’œuvres, de données, ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique.  »

En effet, si un site de compilation de données (un annuaire en ligne par exemple ou un site portail) constitue certainement une base de données, un site classique (site plaquette ou site commercial) ne semble pas pour autant pouvoir revêtir cette qualification ; dans le cas de ce dernier, l’assemblage d’images, de sons et de texte n’a rien ni d’une disposition systématique, ni d’un recueil de données.

Mais que sont ces  » autres éléments indépendants  » ? Que signifie l’expression  » disposés de manière systématique ou méthodique  » ?

Les éléments indépendants pourraient être des images, des sons…

Quant à la disposition « systématique » elle peut être interprétée comme guidée par l’objet même de la base (un annuaire par exemple), contrairement à une disposition « méthodique » qui serait elle plus  » réfléchie « .

En ce qui concerne les bases de données dites vendues, la loi de 1998, en conférant au producteur de la base un droit d’interdire une extraction substantielle (articles L342-1 et s du CPI), ne permet pas leur copie intégrale, même pour un usage strictement privé.

Si, malgré cette interdiction, le site est aspiré, pourrait on considérer qu’il y a intrusion au sens de la loi Godfrain du 5 janvier 1988 relative aux délits contre les systèmes de traitement automatisé de données ?

L’aspiration sera tout d’abord condamnable au titre de l’article L 353-3 du CPI qui prévoit 2 ans d’emprisonnement et 153 000 € d’amende (loi n°95-597 du 1er juillet 1992).

En ce qui concerne la loi Godfrain, elle ne couvre que les systèmes qui font l’objet d’une protection technique c’est à dire ceux dont l’accès est interdit aux tiers.

Ainsi, le propriétaire d’un site dont l’interdiction d’accès n’est pas techniquement assurée, ne pourra pas considérer l’aspiration comme une intrusion illégale au sens de l’article 323-1 du Nouveau Code Pénal issu de la loi de 1988. Il en sera de même si le fichier robot n’interdit pas de se promener dans l’arborescence du site.

En revanche, en présence de dégâts constatés et à la condition de rapporter la preuve du lien de causalité existant entre l’intrusion présumée et le plantage du serveur, le préjudice pourra être réparé sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle.

Pour une base mise à la disposition de public, qui y a donc licitement accès, la même loi donne au contraire le droit à tout un chacun d’en réaliser une extraction, même substantielle ; elle interdit ainsi au producteur d’y mettre une quelconque restriction.

Cela dit il semble que la philosophie de la loi de 1998 et de la directive  » bases de données « de mars 1996 qu’elle transpose est bien de protéger les investissements consacrés à la réalisation d’ensembles de données. C’est à ce titre que la définition de la base de données est très large.

Evaluer l’investissement consacré à la réalisation d’un site web serait alors le point déterminant pour l’application ou non des dispositions de la loi de 1998.

ARTICLES EN RELATION

La preuve de l’antériorité du droit d’auteur

Le droit d’auteur est un droit essentiel pour la protection des œuvres, cependant une condition doit être remplie afin que l’œuvre soit protégée : l’antériorité de l’œuvre, or la preuve de l’antériorité n’est pas chose simple.

La preuve de l’antériorité du droit d’auteur Lorsqu’il y a conflit sur l’existence d’un droit, la question principale qui se pose est de savoir qui a la charge de la preuve. Il existe un principe fondamental du droit selon lequel c’est à celui qui invoque l’existence ou l’absence d’un droit de le prouver : « actori incombit probatio ».

Dans certaines hypothèses, la loi a admis l’existence de présomptions légales (l’admission d’un fait par la loi à partir d’un autre fait qui fait présumer l’existence du premier). Il y a alors renversement de la charge de la preuve.

Il appartiendra au défendeur de prouver le contraire de ce qui est admis par la présomption. Le droit français fait une très large place à la prévention, en matière civile. La loi a prévu une présomption de la qualité d’auteur (art. L 113-1). La qualité d’auteur appartient sauf preuves contraires à celui ou ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée.

Cette présomption peut être invoquée par tous les autres auteurs dont le nom a été porté à la connaissance du public d’une manière quelconque. Elle peut être combattue par tout moyens. La preuve de la qualité d’auteur est libre, les juges peuvent tenir compte de toutes présomptions. En jurisprudence, la qualité d’auteur est caractérisée par un apport spécifique de création intellectuelle qui ne se conçoit pas sans une forme matérialisée.

Le droit d’auteur désigne l’ensemble des droits dont jouissent les créateurs sur leurs oeuvres littéraires et artistiques. En droit français, l’œuvre est protégée du seul fait de sa création. L’article L.111-1 du CPI dispose « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ». Le mot « œuvre » étant un terme juridiquement assez faible, il y a très peu de cas où cette qualité a été refusée en jurisprudence.

Les oeuvres protégées par le droit d’auteur comprennent notamment les oeuvres littéraires (romans, poèmes, pièces de théâtre, ouvrages de référence, journaux et logiciels), les bases de données, les films, les compositions musicales et chorégraphiques, les oeuvres artistiques telles que les peintures, dessins, photographies et sculptures, architecture, et les créations publicitaires, cartes géographiques et dessins techniques. Dès lors que l’œuvre est mise en forme, son originalité est présumée. Le problème va se poser en terme de preuve : qui a l’antériorité de la création de l’œuvre ?

En théorie, il n’y a donc aucune formalité à remplir pour faire valoir ses droits. En pratique, il est essentiel de déposer l’œuvre pour pouvoir, en cas de litige, faire la preuve de son antériorité. Le dépôt offre l’avantage d’apporter une date certaine. En effet, le dépôt donne la preuve qu’à la date où il a été effectué, le déposant était en possession de l’œuvre, objet du dépôt.

Il permet en cas de conflit de faire jouer une antériorité de création devant un juge et aide à démontrer qu’un tiers à divulgué l’œuvre sans autorisation. Toutefois, certaines oeuvres sont soumises au dépôt légal, tant pour constituer et enrichir un patrimoine culturel, pour assurer l’information de certaines autorités administratives que pour offrir à l’auteur lui-même un moyen de preuve d’antériorité.

Le régime du dépôt légal est organisé par la loi 92-546 du 20.6.92 et le décret 93-1429 du 31.12.93. Il est applicable aux documents imprimés, graphiques, photographiques, sonores, audiovisuels, multimédia, quel que soit leur procédé technique de production, d’édition et de diffusion, dès lors qu’ils sont mis à la disposition du public.

L’obligation du dépôt légal incombe aux personnes physiques et morales qui éditent, produisent ou importent les documents visés. On est en présence d’un dépôt administratif, obligatoire, à la bibliothèque nationale, au centre national de la cinématographie ou à l’institut national de l’audiovisuel et concerne  » tous documents  » « dès lors qu’ils sont mis à la disposition d’un public ».

Pour les oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, il existe un registre spécial, le registre public de la cinématographie et de l’audiovisuel qui avait été initialement créé par une loi du 22 février 1944. Pour protéger sont droit il est indispensable de mettre en place une procédure visant à conserver des preuves matérielles de l’antériorité de la marque, de la création ou des modèles : enregistrement des dates de création par voie d’huissier, conservation des documents datés liés à l’objet à protéger (factures, extraits de presse, correspondance commerciale, etc.).

Ce dépôt permet d’avoir la date précise de la création de l’œuvre. Les dépôts les plus utilisés sont.:

I.  Le dépôt auprès d’une société d’auteur (Société des Compositeurs et des Auteurs Multimédias, Société des Auteurs Compositeurs Dramatiques, Société Nationale des Auteurs Compositeurs).

Aucune société d’auteurs n’est pas investie d’un pouvoir d’apporter « preuve certaine » au même titre qu’un officier ministériel (huissier ou notaire). C’est en fait un service que rendent les sociétés d’auteurs à leurs membres (ou non membres). Mais sur un plan juridique il s’agit d’une preuve simple, tout aussi contestable en cas de litige devant un juge que toute autre.

Elle n’a aucune force supérieure. L’intérêt de ces dépôts, réside en ce que l’on peut déposer des documents parfois volumineux. En cas de dépôt d’œuvres de collaboration, il convient de bien mentionner tous les auteurs, et de préciser que le manuscrit ne pourra être retiré que par une démarche conjointe des coauteurs, ceci afin d’éviter que l’un des coauteurs ne retire seul le dépôt et supprime ainsi la preuve de la collaboration.

II.  Dépôt auprès d’un notaire ou huissier.

Ce mode de dépôt est possible, mais il a l’inconvénient d’être onéreux.

 

III. L’envoi à soi même d’un courrier recommandé cacheté.

Il s’agit d’envoyer à des personnes de confiance et/ou à soi-même par la poste et en objet recommandé un exemplaire de l’œuvre créée. Il convient à sa réception de ne pas ouvrir l’enveloppe.

En cas de contestation de paternité (c’est-à-dire dans la plupart des cas, d’antériorité de preuve) on fera ouvrir l’enveloppe restée inviolée devant huissier. La date de la poste faisant foi, sauf à prouver une complicité avec un agent des postes, cette preuve acquiert date quasi-certaine.

 

IV. Le système de l’enveloppe Soleau.

Il est fondé sur le décret du 10 mars 1914 et avait pour but à l’origine, d’établir la date de création de dessins et modèles, selon la loi du 14 juillet 1909 et l’arrêté du 9 mai 1986. Mais, rapidement, les inventeurs l’ont utilisée pour établir la date certaine de conception de leur invention en attendant qu’elle soit suffisamment au point pour permettre le dépôt d’un brevet.

L’enveloppe Soleau est envoyée par poste à l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI). Il s’agit d’un mécanisme pratique, peu onéreux et qui a l’avantage d’offrir une garantie étatique au dépôt, dans la mesure où il consiste en un dépôt géré par l’INPI.

Il est effectué au moyen d’une enveloppe double que l’on achète à l’INPI, ou auprès des greffes des tribunaux de commerce. On insère dans chacun des volets de l’enveloppe le document que l’on entend protéger (maximum de 7 pages) et on l’envoie à l’INPI par la poste en recommandé avec accusé de réception. L’enveloppe est perforée à son arrivée à l’INPI, et se voit octroyer un numéro d’ordre. L’un des volets est renvoyé au déposant, l’autre est conservé par l’INPI pendant une période de cinq années, qui peut être prorogée.

En cas de problème, le volet conservé à l’INPI est transmis au juge chargé de statuer sur le conflit. L’INPI renvoie un des volets au demandeur et conserve l’autre pendant 5 ans, renouvelables une fois par paiement d’une nouvelle taxe de 10 €. Après 10 ans, le premier volet est restitué au demandeur qui doit le conserver intact (de même que le second volet), car sa valeur de preuve serait encore acceptable par un Tribunal en cas de litige.

L’ensemble de ces droits est codifié en France dans le Code de la Propriété Intellectuelle (partie législative: loi 92-597 du 1.7.92, partie réglementaire: décret 95-385 du 10.4.95) qui abroge et remplace les lois du 11.3.57 et du 3.7.85. Les autres méthodes utilisées par des auteurs pour prouver l’antériorité de leur œuvre sont : le visa des documents par la Gendarmerie ou le Commissariat de Police ; la gravure sur CD-ROM ou DVD-ROM non-réenregistrable ; l’enregistrement à date certaine de microfilms ou microfiches par les services de l’Enregistrement de la D.G.I. (Direction Gén. des Impôts) et une demande de brevet déposée puis retirée avant publication, conservée en archives à l’I.N.P.I., (normalement pendant 25 ans).

ARTICLES EN RELATION :