contrefaçon

Protéger votre nom de domaine

Les noms de domaines ont la particularité d’être variés, et chaque pays possède sa propre catégorie de nom de domaine ainsi la France détient les noms de domaine en .fr, cela permet alors de déterminer la provenance du site web. Mais quel est le rapport entre le droit français  et les points net, org et com étranger ?

Un nom de domaine est une adresse textuelle qui permet d’accéder facilement et rapidement à une machine sur internet et en particulier à un site web. Son caractère stratégique pour une entreprise, une organisation ou même un particulier est aujourd’hui reconnu au regard de sa vocation ainsi que de sa finalité distinctive.

Il permet en effet de véhiculer son image sur internet au même titre que la marque. Or, l’acquisition d’un tel nom de domaine est basé sur la règle dite du « premier arrivé, premier servi » et il est donc aujourd’hui habituel que des litiges aient lieu entre les propriétaires de marques et des déposants de noms de domaine. Cependant, une jurisprudence fournie ainsi que de nombreuses procédures de règlement des conflits existent à présent sur ce sujet. Elles ont permis au cours des années de plus facilement et plus rapidement régler ce type de litiges.

I. Le principe du nom de domaine

Sur internet, les ordinateurs (qu’ils soient clients ou serveurs) communiquent entre eux au moyen du protocole IP (Internet Protocol) en utilisant des adresses numériques appelées adresses IP et composées de quatre nombres entiers notés sous la forme xxx.xxx.xxx.xxx. Chaque ordinateur connecté à internet possède au moins une adresse IP propre. Par exemple 198.145.201.45 est une adresse IP fournie sous forme technique. A cet effet, il appartient à l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) d’attribuer des adresses IP publiques, c’est-à-dire les adresses IP des ordinateurs connectés sur le réseau internet.

Cependant, il semble impossible de travailler avec de telles adresses techniques écrites sous forme numérique : elles ne sont ni distinctives, ni mémorisables du point de vue des utilisateurs d’internet. Ainsi, le protocole DNS (Domain Name System) a été inventé dans le but d’associer des noms en langage courant aux adresses numériques. Et l’on appelle résolution de noms de domaine la corrélation entre les adresses IP et le nom de domaine textuel associé. Le nom de domaine est donc la traduction en langage courant d’une simple adresse IP numérique écrite sous forme technique.

II. L’organisation des noms de domaine

Les extensions peuvent être classées selon une hiérarchie au sommet de laquelle on trouve les suffixes de premier niveau (les TLD : Top Level Domains). Eux même sont classés entre les extensions génériques d’une part (les gTLD : Generic Top Level Domains) et les extensions géographiques d’autre part (les ccTLD : Country Code Top Level Domains).

Ce sont donc les deux principales catégories d’extension pour les noms de domaine. Les suffixes génériques, en trois lettres ou plus, sont thématiques et sans attache géographique (.com / .net / .org). Les suffixes géographiques, en deux lettres, correspondant le plus souvent à des pays ou des territoires géographiques (.fr / .de / .jp).

Parmi les gTLD on peut distinguer les extensions de la première génération (.com, .net, .org, .int, .edu, .mil, .gov), les extensions de la seconde génération (.aero, .biz, .coop, .info, .museum, .name, .pro) et les extensions de la dernière génération en date (.cat, .jobs, .mobi, .travel).

Cependant, dans chacune de ces catégories (gTLD et ccTLD) peuvent également être distribuées des extensions de niveaux inférieurs. Ainsi, sous le premier niveau « nomdedomaine.tld » peut se trouver un second niveau (un sLD : Second Level Domain) du type : « nomdedomaine.sld.tld ». Par exemple, sous le .fr il est possible d’obtenir, sous certaines conditions, des sLD tels que .asso.fr / .nom.fr / .presse.fr.

III. L’enregistrement des noms de domaine

Les règles d’enregistrement des noms de domaine en « .fr » et « .re » (Île de la Réunion) ont évolué et se sont simplifiées le 11 mai 2004. Auparavant, toute personne souhaitant enregistrer un nom de domaine se terminant par de telles extensions devait posséder un droit sur le nom de domaine demandé en justifiant par exemple d’une marque déposée, d’une enseigne ou d’une raison sociale.

Cependant, à partir du 11 mai 2004 cette justification a disparu. Il est devenu possible d’enregistrer les noms de domaine de son choix (sauf contraintes syntaxiques et termes attentatoires dits fondamentaux) y compris les noms géographiques et une suite d’au moins deux chiffres …

Il existe un principe de territorialité qui spécifie que tout demandeur doit avoir un lien avec la France pour un « .fr » ou l’Île de la Réunion pour un « .re » (nationalité française, résidence en France, marque déposée en France, etc.).

Il existe également un principe d’identification qui est effectué par l’AFNIC a posteriori et ne nécessite aucune justification de la part du demandeur : tous les titulaires sont identifiés grâce à des bases de données en ligne. Ainsi, il reste toujours possible de pouvoir retrouver et contacter le titulaire d’un nom de domaine.

Etaient concernées pour cette première phase toutes les personnes identifiables sur les bases de données nationales de l’INPI, de l’INSEE et des Greffes, c’est-à-dire : les titulaires d’une marque déposée, les sociétés, les entreprises, les associations immatriculées à l’INSEE (ayant un numéro SIRET – SIREN), les professions libérales, les artisans, les collectivités publiques, etc. Puis le « .fr » s’est enfin ouvert aux particuliers depuis le 20 juin 2006 dans une seconde phase.

En revanche, pour l’enregistrement en « .com » le choix du prestataire est facultatif. Il convient de donner au « Registrar » choisi et / ou à l’interNIC deux Domain Name Servers fournis par le fournisseur d’accès.

Vient alors la signature du contrat de nom de domaine. Tous les Registrars proposent d’acheter directement des noms de domaine sur leurs sites web. Le contrat est signé de facto dés le paiement. A propos du paiement, sauf convention particulière, l’AFNIC facture au prestataire qui répercute le coût au client. De plus, en cas de changement d’hébergement le nom de domaine est attribué à l’entreprise et non au fournisseur d’accès.

Chacune d’elle sera régie par un « Registry » et des règles spécifiques (le Registry est la société chargée de centraliser les informations des noms de domaine: NSI pour les .com, Afnic pour les .fr. Les Registrars sont des ‘clients’ du Registry, et il n’existe qu’un seul Registry par extension).

IV. Les conflits relatifs aux noms de domaine

A. Les procédures administratives

L’AFNIC ne gère pas les contestations. Les contestations sont résolues entre les parties concernées, l’AFNIC n’ayant qu’un rôle d’enregistrement.

Recours contre l’AFNIC : une société a déposé un recours contre l’Afnic qui lui refusait l’enregistrement de . Elle se basait sur le fait que cela constituait un abus de position dominante. Le recours a été rejeté.

L’interNIC et les autres registrants ne peuvent agir ni comme arbitres ni trancher les litiges.

Seul l’OMPI a développé une procédure de médiation et d’arbitrage concernant les litiges relatifs aux noms de domaine. Les décisions rendues par l’Ompi ne sont pas des jugements.

Au-delà de cette procédure de médiation, il faudra agir en justice en respectant les règles classiques de compétence territoriale.

B. La jurisprudence en France

Le nom de domaine n’est pas reconnu en tant que tel par la loi. Il s’est donc posé la question de sa qualification notamment au regard d’autres noms comme le nom de marque ou bien le nom commercial. La jurisprudence ne donne pas la même qualification au nom de domaine et à la marque. Selon la jurisprudence, on observe que le nom de domaine a quasiment la même force juridique qu’une marque déposée.

Par conséquent l’utilisation d’un nom de domaine qui porterait atteinte au propriétaire d’une marque peut être sanctionnée soit pour contrefaçon (Article L 335-2 du code de la propriété intellectuelle) soit pouragissement parasitaire (Articles 1382 et suivants du code civil relatifs à la responsabilité civile).

La jurisprudence est très fournie et sanctionne le dépôt frauduleux de nom de domaine s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public. On peut aussi noter que le nom de domaine, s’il ne doit pas porter atteinte à une marque déposée, ne doit pas non plus utiliser le nom d’une ville, d’une marque notoire, d’une appellation d’origine contrôlée ou d’une personne s’il existe un risque de confusion. Les propriétaires du nom (la commune ou la personne concernée) sont fondées à réclamer la cessation de l’utilisation du nom de domaine.

Cependant, il est également de jurisprudence constante que le principe de spécialité de la marque est à prendre en compte, celui-ci interdisant de radier en l’absence de confusion un nom de domaine identique à une maque, lorsque la société titulaire du nom de domaine et la société titulaire de la marque ont des activités différentes et que la marque antérieure est protégée pour des produits ou des services distincts (CA Paris 14ème Chbre Sect. B 4 décembre 1998).

Du fait de cette jurisprudence, certaines sociétés titulaires d’une marque qu’elles utilisaient à titre de nom de domaine ont cru bon de procéder à son enregistrement en classe 38, l’associant ainsi aux services de communication télématique, bien que la nature réelle des produits et services désignés par ladite marque soit sans rapport direct avec les services de télécommunication.

L’enregistrement de leur marque au sein de cette classe ne trouvait en réalité sa cause que dans le support de diffusion et d’exploitation informatique, matérialisé par l’utilisation de ladite marque à titre de nom de domaine.

Mais en réalité un tel rattachement n’était utilisé que dans le but pour ces sociétés de se prémunir contre la reproduction de leur marque protégée utilisée à titre de nom de domaine par un tiers, bien que les produits et services proposés à ce titre puissent être d’une nature réelle différente ou que l’activité dudit tiers s’inscrive dans un secteur pourtant non similaire.

Cette pratique a été rendue illégale par la Cour de Cassation dans un important arrêt du 13 décembre 2005.

De plus, il est à noter que la réservation d’un nom de domaine en « .com » n’empêche pas l’application de cette jurisprudence.

Dans l’hypothèse où le nom de domaine est déposé antérieurement à la marque, le propriétaire du nom de domaine peut s’opposer à l’enregistrement de la marque. La jurisprudence n’a admis cette opposition que dans des affaires ou la mauvaise foi du dépositaire de la marque était démontrée.

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Contrefaçon : affaire Distrib

Pour permettre l’identification sur l’internet, les noms de domaine ont fait leur apparition, or les noms de domaines obéissent à la règle du « premier arrivé, premier servi ». C’est ainsi que l’on a pu voir apparaitre le cybersquatting, le typosquatting, et tout autre procédés qui permettent de profiter de l’attraction que peut avoir un nom de domaine. Ainsi comme peut l’être une marque, un nom de domaine peut être contrefait.

Le développement des activités commerciales sur le Net est exponentiel, les entreprises réservant de plus en plus leurs Noms Commercial et(ou) leurs Marques comme noms de domaine pour pouvoir être présentes sur ce nouveau média qu’est Internet. La conséquence directe est que les noms de domaine font désormais partie intégrante des moyens d’identification, de communication et de publicité de nombreuses entreprises.

Or, les Noms de domaine obéissent tous à la règle du «Premier arrivé, Premier servi »; qui résulte de la technicité même du réseau Internet. Ainsi, il est impossible pour deux sociétés d’obtenir un même nom de domaine pour une même extension ( .com .fr etc…).

Bien sur, des frictions apparaissent et l’on pense de suite aux pratiques de cybersquatting , des personnes, agissant de mauvaise foi, profitent de l’absence de contrôle préalable pour l’attribution des noms de domaine sur des extensions dites «ouvertes »pour enregistrer délibérément des Marques Notoires ou encore des Noms Patronymiques célèbres dans l’unique but de les revendre au prix fort aux propriétaires légitimes, ou de les rendre indisponibles pour le concurrent, voire d’obtenir un trafic plus conséquent sur le site ainsi nommé.

Les Noms de domaine ayant une extension ouverte sont ceux dont l’attribution ne nécessite la fourniture d’aucun justificatif ( .com .net . org … ) par opposition aux Noms de domaine ayant une extension fermée qui eux font l’objet d’un contrôle a priori ( .fr , .pro …)

Toutefois, dans l’affaire Distrib, il n’y avait ni mauvaise foi, ni cybersquatting: le nom de domaine en cause était en .fr c’est à dire une extension dite «fermée »: l’attribution des noms de domaine en .fr font l’objet d’un contrôle a priori, les réservataires devant fournir un certain nombre de justificatifs démontrant leurs droits sur le nom souhaité ( Extrait Kbis, certificat de dépôt ou d’enregistrement d’une marque …).

Ce système a l’ambition de réduire les cas d’appropriation frauduleux car seuls les titulaires légitimes de Nom peuvent obtenir le Nom de domaine correspondant.

En l’espèce, les protagonistes étaient tous deux légitimement en droit d’obtenir le Nom de domaine distrib.fr. Malheureusement, seul le plus rapide pouvait en disposer en vertu de la règle «premier arrivé , premier servi ».

C’est ainsi qu’en 1999, LA SARL Distrib a réservé, en toute bonne foi, le Nom de domaine distrib.fr pour en faire un portail destiné notamment à proposer des offres d’emploi. Or, deux ans plus tard, la société Agena 3000 réfute cette réservation par le biais d’une action en contrefaçon et souhaite voir transférer ce nom de domaine à son profit. L’argument principal de cette dernière société tenait dans le fait qu’elle dispose d’une Marque déposée antérieurement à la réservation du nom de domaine.

Certes, cet argument avait été retenu dans l’affaire Alice par le TGI Paris, statuant le 12 mars 1998 en référé, qui avait admis que le nom de domaine alice.fr avait été réservé en fraude des droits du titulaire de la marque Alice. Toutefois, cette décision a été très rapidement infirmée en appel et le 23 mars 1999, le TGI de Paris jugeant au fond, estima qu’il était nécessaire de tenir compte du principe de spécialité.

L’affaire Distrib permet de confirmer les conditions requises pour qu’une marque non notoire puisse être opposable à la réservation du même signe en nom de domaine par un tiers àl’aide d’une action en contrefaçon.

Tout d’abord la marque doit être déposée antérieurement à la réservation du nom de domaine. Le 7 septembre 2001, le TGI de Paris a, dans l’affaire Ferrari, jugé que le titulaire de la marque n’était titulaire d’aucun droit de marque du fait que le dépôt a été effectué près de 6 mois après l’enregistrement du nom de domaine.

Dans l’affaire Distrib, l’antériorité de la marque n’a pas soulevé de difficulté, cette dernière ayant été déposée près de 6 ans avant la réservation du nom de domaine.

Ensuite, la marque ne doit pas être déchue. Rappelons qu’une Marque encourt la déchéance dès lors qu’elle n’est pas exploitée pendant une période ininterrompue de 5 ans ( Art.L714-5 CPI). L’affaire Distrib apporte une précision quant à l’exploitation nécessaire pour relever la marque de la déchéance en estimant que l’utilisation de la marque au travers d’un service télématique, quand bien même ce dernier faisait état d’une activité « relativement confidentielle » suffit àcaractériser l’exploitation de la marque.

Enfin, pour que l’antériorité d’une marque soit effectivement susceptible d’être retenue et puisse permettre de faire aboutir une action en contrefaçon, il est nécessaire que l’on se situe à l’intérieur de la sphère de protection accordée par la marque, c’est à dire à l’intérieur du champ de la spécialité. En dehors du champ de la spécialité, le principe du « premier arrivé, premier servi » reprend tous ses droits.

Afin de savoir si l’on se trouve à l’intérieur du champ de la spécialité, il convient de comparer les produits et services visés dans le dépôt de la Marque avec le contenu du site rattaché au nom de domaine en cause.( voir TGI Nanterre 21 janvier 2002 Sté Saveurs )

Dans l’affaire Distrib, le juge a également rappelé expressément que si la marque est reproduite pour des produits ou services similaires, il est nécessaire qu’existe un risque de confusion ( voir art.L713-3 CPI ).

En l’espèce, la SARL Distrib proposait des offres d’emploi en ligne tandis que la société Agena 3000 proposait un service de veille marketing.

Le tribunal a estimé qu’il n’y avait guère de confusion possible entre les deux activités pour un internaute moyennement éclairé.

Ce faisant, l’action en contrefaçon ne peut aboutir. La société Agena 3000, titulaire de la Marque Distrib, n’est pas fondée à obtenir la radiation ou le transfert du nom de domaine réservé par la SARL Distrib.

La règle du Premier Arrivé, Premier Servi trouve donc à s’appliquer au profit de la SARL Distrib qui peut ainsi conserver son nom de domaine.

Gageons que cette affaire Distrib refroidisse quelque peu les ardeurs de certains titulaires de marque n’ayant pas su saisir à temps l’opportunité de leur présence sur le réseau et voulant user de la justice pour rattraper leur retard.

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1er arrêt de la cour de cassation sur les noms de domaine

Les noms de domaine permettent de faciliter la navigation sur le web en identifiant les pages web, c’est alors un outil très important, cependant celui-ci peut entrer en conflit avec un droit de marque. C’est ainsi que le premier arrêt de la cour de cassation sur les noms de domaine a vu le jour, elle a dû en effet se demander si la reproduction illicite d’une marque protégée utilisée à titre de nom de domaine constitue une contrefaçon.

Les noms de domaine sont généralement attribués selon la règle commune dite du « premier arrivé, premier servi ». Cette règle est indépendante de toute considération juridique tenant à la protection des droits antérieurs.

C’est ainsi qu’un nom de domaine risque de se trouver en conflit avec le monopole d’exploitation consacré par le droit des marques.

Ainsi, il a déjà été jugé et il est de jurisprudence constante que la reproduction illicite d’une marque protégée utilisée à titre de nom de domaine constitue une contrefaçon de marque (TGI Paris Ref. 25 avril 1997).

En effet, une marque déposée est l’objet d’un droit exclusif de propriété au profit de son titulaire (propriété acquise au moyen de la formalité de dépôt / article L 713-1 du Code de la propriété intellectuelle) qui peut donc s’opposer à toute atteinte portée à son droit, sous quelque forme que ce soit, de bonne ou de mauvaise foi.

Cependant, il est également de jurisprudence constante que le principe de spécialité de la marque est à prendre en compte, celui-ci interdisant de radier en l’absence de confusion un nom de domaine identique à une maque, lorsque la société titulaire du nom de domaine et la société titulaire de la marque ont des activités différentes et que la marque antérieure est protégée pour des produits ou des services distincts (CA Paris 14ème Chbre Sect. B 4 décembre 1998).

Du fait de cette jurisprudence, certaines sociétés titulaires d’une marque qu’elles utilisaient à titre de nom de domaine ont cru bon de procéder à son enregistrement en classe 38, l’associant ainsi aux services de communication télématique, bien que la nature réelle des produits et services désignés par ladite marque soit sans rapport direct avec les services de télécommunication.

L’enregistrement de leur marque au sein de cette classe ne trouvait en réalité sa cause que dans le support de diffusion et d’exploitation informatique, matérialisé par l’utilisation de ladite marque à titre de nom de domaine.

Mais en réalité un tel rattachement n’était utilisé que dans le but pour ces sociétés de se prémunir contre la reproduction de leur marque protégée utilisée à titre de nom de domaine par un tiers, bien que les produits et services proposés à ce titre puissent être d’une nature réelle différente ou que l’activité dudit tiers s’inscrive dans un secteur pourtant non similaire.

Et c’est cette pratique que la Cour de Cassation dans son arrêt du 13 décembre 2005 vient de réfuter.

En l’espèce, la société « Le Tourisme Moderne » titulaire de la marque « Locatour » ainsi que d’un site internet utilisant ladite marque à titre de nom de domaine sous la dénomination « locatour.fr », proposait des produits et services dans le secteur d’activités de l’organisation de séjours.

Or, la société « Soficar » titulaire d’un site internet dont le nom de domaine « locatour.com » avait été enregistré postérieurement au dépôt de la marque « Locatour » par la société « Le Tourisme Moderne », possédait un site encore inactif au moment du litige et s’inscrivait dans un secteur d’activités différent, qui lui aurait très certainement imposé lors de l’exploitation effective de son site « locatour.com » de proposer des produits et services de nature différente.

Cependant, la marque « Locatour » avait été déposée en classe 38 par la société « Le Tourisme Moderne », qui arguait donc de la contrefaçon constituée par l’utilisation à titre de nom de domaine de cette marque par la société « Soficar », le mode d’exploitation matérialisé par le support informatique se révélant similaire aux deux sociétés.

Pour la Cour de Cassation un nom de domaine ne peut contrefaire par reproduction ou par imitation une marque antérieure que si la nature réelle des produits et services offerts sur ce site sont soit identiques soit similaires à ceux visés dans l’enregistrement de la marque et de nature à entraîner un risque de confusion dans l’esprit du public.

Peu importe donc que ladite marque soit enregistrée en classe 38 dans le but de désigner son support d’exploitation informatique, cette classe ne représentant pas la nature réelle des produits et services proposés sur ce site.

La nature réelle de produits et services s’inscrivant dans le champ d’enregistrement d’une marque ainsi que la nature similaire ou identique de produits et services proposés par un tiers au moyen de l’utilisation de ladite marque protégée à titre de nom de domaine, crée effectivement un risque de confusion aux yeux du public et est donc constitutive d’un acte de contrefaçon.

En revanche, un identique support de diffusion informatique ne saurait suffire à lui seul à créer un risque de confusion aux yeux du public, peu importe l’enregistrement de la marque protégée en classe 38, lorsque des produits et services de nature différente sont proposés d’une part par le titulaire de ladite marque, d’autre part par un tiers utilisant cette même marque à titre de nom de domaine

Ainsi, bien que la marque « Locatour » ait été déposée en classe 38, l’exploitation de celle-ci par un tiers l’utilisant à titre de nom de domaine au moyen d’un service de télécommunication, ne saurait suffire à lui seul à créer une confusion dans l’esprit du public, d’autant que ce tiers titulaire du nom de domaine « locatour.com » s’inscrit dans un secteur d’activités différent.

De plus, le site objet du litige étant inactif, il est impossible de caractériser la contrefaçon, la nature réelle des différents produits et services proposés par le titulaire légitime de la marque et par le tiers l’ayant utilisée à titre de nom de domaine ne pouvant être comparée en vue d’une application du principe de spécialité.

Bien plus que de confirmer le principe de spécialité, la Cour de Cassation en dessine les contours sur internet et réfute d’y inclure le mode d’exploitation de produits et services s’inscrivant au sein d’une marque.

Pour qu’un enregistrement en classe 38 produise effet au regard du principe de spécialité, il s’avère nécessaire que les produits et services proposés par une marque aient une nature réelle rattachée au domaine des services de télécommunication (vente de modems …).

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Enchères en ligne et photos

Dans un arrêt du 26 juin 2013, la Cour d’appel de Paris a sanctionné un site d’enchères en ligne dans le marché de l’art pour contrefaçon et parasitisme de catalogues et de photographies. Elle retient notamment des éléments de preuves informatiques pour prouver la titularité des droits et l’originalité des photographies (CA Paris, pôle 5, chambre 1, 26 juin 2013, M.B c/ SA Camard et associés, n° RG 10/24329).

La Cour d’appel de Paris considère qu’en reproduisant sans autorisation sur son site internet « artprice.com » les catalogues de la société requérante protégeables au titre du droit d’auteur, la société défenderesse s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon.

En effet, M. B. est un photographe professionnel travaillant notamment pour des maisons de ventes aux enchères dans le but de confectionner des catalogues de vente. La société Camard et associés est une maison de ventes organisant des ventes volontaires aux enchères publiques. La société Artprice.com exploite une base de données en ligne de 25 millions d’indices accessible en cinq langues, laquelle contient de nombreux catalogues de maisons de ventes qui lui sont adressés par ces dernières et qui ont été intégralement numérisés. Revendiquant 1,3 million d’abonnés, elle a développé un service « artprice images ».

M. B. et la société Camard et associés, estimant que la société Artprice.com portait atteinte à leurs droits d’auteur et commettait des actes de concurrence déloyale et parasitaire à leur encontre, ont fait assigner cette dernière en référé devant le Tribunal de grande instance de Paris du fait de la reproduction sans autorisation des catalogues et des photographies les illustrant. Cependant, cette action a été déclarée irrecevable faute d’avoir démontré l’originalité des catalogues en cause. Son jugement est infirmé pour une large part par les juges d’appel.

Ainsi qu’il est rappelé, la société Camard et associés fait valoir que la société Artprice.com a procédé à la numérisation et à la mise à disposition du public de plus de 71 de ses catalogues (années 2004 à 2009) en violation de ses droits d’auteur sur lesdits catalogues.

I- Le débat sur l’originalité des catalogues de vente de la société Camard et associés

La société Camard et associés énonce qu’un catalogue est protégé par le droit d’auteur s’il est suffisamment original et qu’en l’espèce l’originalité résulte des compositions, mises en forme, textes d’accompagnement des objets présentés, présentation des sommaires, positionnement et dimensions des titres, choix des couleurs, choix des typographies utilisées, mise en page de la couverture, etc.

De son côté, la société Artprice.com invoque l’absence d’originalité des éléments informationnels contenus dans les catalogues et, plus généralement, l’absence d’originalité des catalogues pris dans leur ensemble.

Ce n’est donc pas la position de la Cour d’appel de Paris qui rappelle à cette fin que « si toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination sont protégeables au titre du droit d’auteur, elles doivent cependant révéler un effort de création de la part de leur auteur sans lequel la conception matérialisée de sa production intellectuelle ne caractérise pas l’apport original indispensable, seul susceptible de leur conférer le droit de prétendre à la qualification d’œuvre de l’esprit, mais les laisse demeurer dans la catégorie des réalisations banales qui, dépourvues de l’empreinte ou du reflet de la personnalité de l’auteur ou de ses choix créatifs, ne peuvent bénéficier de la protection ».

Elle relève, ensuite, que la société Artprice.com ne revendique pas de droits d’auteur sur les photographies publiées dans ses catalogues mais sur les catalogues eux-mêmes. Ainsi, la Cour d’appel énonce qu’« un catalogue ne peut se voir conférer le caractère d’œuvre protégeable au sens de l’article L. 112-3 du Code de la propriété intellectuelle qu’autant que le travail de sélection, de classement et de présentation reflète la personnalité de l’auteur ».

Or, il s’avère qu’à la suite de l’examen par la Cour de chacun des catalogues litigieux produits aux débats, il apparaît que pour un certain nombre « [ils] présentent des caractéristiques propres à leur accorder la protection au titre du droit d’auteur ».

Elle en conclut que « ces catalogues dont l’originalité se manifeste dans leur composition, la mise en œuvre des lots présentés selon un certain ordre et de façon méthodique, dans le choix des citations, des notices biographiques et leur rédaction, présentent une physionomie propre qui les distingue des autres catalogues de ventes aux enchères et qui traduit un parti pris esthétique empreint de la personnalité de leur auteur ».

Aussi, en reproduisant sans autorisation sur son site internet « artprice.com » les catalogues de la société Camard et associés protégeables au titre du droit d’auteur, la société Artprice.com s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon de droit d’auteur à son préjudice.

II- Le débat sur l’originalité des photographies de M. B.

La société Artprice.com soutient que M. B. a cédé ses droits d’auteur de manière exclusive aux différentes maisons de vente éditrices des catalogues mis en ligne, ne rapportant pas la preuve contraire ; qu’en outre il ne démontre pas ne pas avoir apporté ses droits à la société de gestion collective ADAGP. Or, la société Camard et associés ne revendique pas de droits patrimoniaux sur les photographies de M. B. figurant dans ces catalogues, son action en contrefaçon ne portant que sur les catalogues eux-mêmes ainsi qu’analysé précédemment.

Il n’est donc pas établi que M. B. ait cédé ses droits patrimoniaux aux maisons de vente éditrices des catalogues en cause. Ainsi, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Artprice.com pour absence de qualité pour agir de M. B. Par ailleurs, la société Artprice.com soutient que M. B. n’est pas cité seul en qualité de photographe dans un certain nombre de catalogues et ne justifie pas être l’auteur des photographies y figurant.

Or, M. B. justifie être l’auteur des 12 168 photographies non seulement par la copie informatique de ses factures mais aussi par le fait qu’il est nommément cité comme auteur des photographies revendiquées dans la plupart des catalogues faisant l’objet du litige.

Considérant que pour les photographies où il n’est pas cité comme auteur, M.B. justifie avoir adressé des photographies aux sociétés de ventes volontaires aux enchères pour constituer les catalogues ; qu’il détient en outre non seulement les fichiers numériques JPEG de ces photographies (les dates figurant sur ces fichiers n’étant pas celles de leur création mais de leur dernière modification) mais également les fichiers originaux au format RAW et TIF avant leur transformation en fichiers JPEG.

Sur l’originalité à proprement parler, la société Artprice.com invoque le défaut d’originalité des photographies litigieuses en précisant que le photographe s’était contenté de reproduire les objets d’art de la manière la plus banale possible en respectant uniquement les contraintes techniques imposées par les maisons de vente nécessaires à l’uniformisation de leurs catalogues.

Considérant que M. Stéphane B. réplique qu’une partie importante de ses photographies sont originales et protégées au titre du droit, précisant qu’il ne revendique pas une telle protection pour les photographies essentiellement techniques qu’il fait valoir les choix opérés sur le travail de la lumière et des ombres, la disposition des objets, la lumière, le positionnement des meubles, le fond des photographies, le travail effectué a posteriori sur les photographies.

La Cour rappelle que pour « bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur une photographie doit être une création intellectuelle propre à son auteur, reflétant sa personnalité par ses choix dans la pose du sujet et son environnement, l’angle de prise de vue, le jeu des ombres et de la lumière, le cadrage et l’instant convenable de la prise de vue ». Elle considère ainsi que le photographe « a effectué une recherche particulière non seulement du positionnement de chacun des objets mais également pour certains d’entre eux de son cadrage en retenant arbitrairement un détail particulier de l’objet (notamment pour les objets d’art tels que les sculptures), que le positionnement des objets a fait l’objet de choix esthétiques particuliers, plusieurs objets pouvant figurer sur la même photographie en opposition ou en complémentarité les uns par rapport aux autres (notamment pour des meubles ou des ensembles de table), créant ainsi une dynamique particulière ».

C’est par conséquent une condamnation record contre Artprice pour contrefaçon que prononce la Cour d’appel de Paris. De fait, à la suivre, le préjudice moral subi par la maison de ventes « résulte de la vulgarisation et de la banalisation des catalogues (…) du fait de leur mise en ligne sur internet ». La société Artprice.com s’est d’ores et déjà pourvue en cassation, estimant qu’il serait « inimaginable que la Cour de cassation remette en cause près de cent ans de jurisprudence ».

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