contrefaçon

1er arrêt de la cour de cassation sur les noms de domaine

Les noms de domaine permettent de faciliter la navigation sur le web en identifiant les pages web, c’est alors un outil très important, cependant celui-ci peut entrer en conflit avec un droit de marque. C’est ainsi que le premier arrêt de la cour de cassation sur les noms de domaine a vu le jour, elle a dû en effet se demander si la reproduction illicite d’une marque protégée utilisée à titre de nom de domaine constitue une contrefaçon.

Les noms de domaine sont généralement attribués selon la règle commune dite du « premier arrivé, premier servi ». Cette règle est indépendante de toute considération juridique tenant à la protection des droits antérieurs.

C’est ainsi qu’un nom de domaine risque de se trouver en conflit avec le monopole d’exploitation consacré par le droit des marques.

Ainsi, il a déjà été jugé et il est de jurisprudence constante que la reproduction illicite d’une marque protégée utilisée à titre de nom de domaine constitue une contrefaçon de marque (TGI Paris Ref. 25 avril 1997).

En effet, une marque déposée est l’objet d’un droit exclusif de propriété au profit de son titulaire (propriété acquise au moyen de la formalité de dépôt / article L 713-1 du Code de la propriété intellectuelle) qui peut donc s’opposer à toute atteinte portée à son droit, sous quelque forme que ce soit, de bonne ou de mauvaise foi.

Cependant, il est également de jurisprudence constante que le principe de spécialité de la marque est à prendre en compte, celui-ci interdisant de radier en l’absence de confusion un nom de domaine identique à une maque, lorsque la société titulaire du nom de domaine et la société titulaire de la marque ont des activités différentes et que la marque antérieure est protégée pour des produits ou des services distincts (CA Paris 14ème Chbre Sect. B 4 décembre 1998).

Du fait de cette jurisprudence, certaines sociétés titulaires d’une marque qu’elles utilisaient à titre de nom de domaine ont cru bon de procéder à son enregistrement en classe 38, l’associant ainsi aux services de communication télématique, bien que la nature réelle des produits et services désignés par ladite marque soit sans rapport direct avec les services de télécommunication.

L’enregistrement de leur marque au sein de cette classe ne trouvait en réalité sa cause que dans le support de diffusion et d’exploitation informatique, matérialisé par l’utilisation de ladite marque à titre de nom de domaine.

Mais en réalité un tel rattachement n’était utilisé que dans le but pour ces sociétés de se prémunir contre la reproduction de leur marque protégée utilisée à titre de nom de domaine par un tiers, bien que les produits et services proposés à ce titre puissent être d’une nature réelle différente ou que l’activité dudit tiers s’inscrive dans un secteur pourtant non similaire.

Et c’est cette pratique que la Cour de Cassation dans son arrêt du 13 décembre 2005 vient de réfuter.

En l’espèce, la société « Le Tourisme Moderne » titulaire de la marque « Locatour » ainsi que d’un site internet utilisant ladite marque à titre de nom de domaine sous la dénomination « locatour.fr », proposait des produits et services dans le secteur d’activités de l’organisation de séjours.

Or, la société « Soficar » titulaire d’un site internet dont le nom de domaine « locatour.com » avait été enregistré postérieurement au dépôt de la marque « Locatour » par la société « Le Tourisme Moderne », possédait un site encore inactif au moment du litige et s’inscrivait dans un secteur d’activités différent, qui lui aurait très certainement imposé lors de l’exploitation effective de son site « locatour.com » de proposer des produits et services de nature différente.

Cependant, la marque « Locatour » avait été déposée en classe 38 par la société « Le Tourisme Moderne », qui arguait donc de la contrefaçon constituée par l’utilisation à titre de nom de domaine de cette marque par la société « Soficar », le mode d’exploitation matérialisé par le support informatique se révélant similaire aux deux sociétés.

Pour la Cour de Cassation un nom de domaine ne peut contrefaire par reproduction ou par imitation une marque antérieure que si la nature réelle des produits et services offerts sur ce site sont soit identiques soit similaires à ceux visés dans l’enregistrement de la marque et de nature à entraîner un risque de confusion dans l’esprit du public.

Peu importe donc que ladite marque soit enregistrée en classe 38 dans le but de désigner son support d’exploitation informatique, cette classe ne représentant pas la nature réelle des produits et services proposés sur ce site.

La nature réelle de produits et services s’inscrivant dans le champ d’enregistrement d’une marque ainsi que la nature similaire ou identique de produits et services proposés par un tiers au moyen de l’utilisation de ladite marque protégée à titre de nom de domaine, crée effectivement un risque de confusion aux yeux du public et est donc constitutive d’un acte de contrefaçon.

En revanche, un identique support de diffusion informatique ne saurait suffire à lui seul à créer un risque de confusion aux yeux du public, peu importe l’enregistrement de la marque protégée en classe 38, lorsque des produits et services de nature différente sont proposés d’une part par le titulaire de ladite marque, d’autre part par un tiers utilisant cette même marque à titre de nom de domaine

Ainsi, bien que la marque « Locatour » ait été déposée en classe 38, l’exploitation de celle-ci par un tiers l’utilisant à titre de nom de domaine au moyen d’un service de télécommunication, ne saurait suffire à lui seul à créer une confusion dans l’esprit du public, d’autant que ce tiers titulaire du nom de domaine « locatour.com » s’inscrit dans un secteur d’activités différent.

De plus, le site objet du litige étant inactif, il est impossible de caractériser la contrefaçon, la nature réelle des différents produits et services proposés par le titulaire légitime de la marque et par le tiers l’ayant utilisée à titre de nom de domaine ne pouvant être comparée en vue d’une application du principe de spécialité.

Bien plus que de confirmer le principe de spécialité, la Cour de Cassation en dessine les contours sur internet et réfute d’y inclure le mode d’exploitation de produits et services s’inscrivant au sein d’une marque.

Pour qu’un enregistrement en classe 38 produise effet au regard du principe de spécialité, il s’avère nécessaire que les produits et services proposés par une marque aient une nature réelle rattachée au domaine des services de télécommunication (vente de modems …).

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Enchères en ligne et photos

Dans un arrêt du 26 juin 2013, la Cour d’appel de Paris a sanctionné un site d’enchères en ligne dans le marché de l’art pour contrefaçon et parasitisme de catalogues et de photographies. Elle retient notamment des éléments de preuves informatiques pour prouver la titularité des droits et l’originalité des photographies (CA Paris, pôle 5, chambre 1, 26 juin 2013, M.B c/ SA Camard et associés, n° RG 10/24329).

La Cour d’appel de Paris considère qu’en reproduisant sans autorisation sur son site internet « artprice.com » les catalogues de la société requérante protégeables au titre du droit d’auteur, la société défenderesse s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon.

En effet, M. B. est un photographe professionnel travaillant notamment pour des maisons de ventes aux enchères dans le but de confectionner des catalogues de vente. La société Camard et associés est une maison de ventes organisant des ventes volontaires aux enchères publiques. La société Artprice.com exploite une base de données en ligne de 25 millions d’indices accessible en cinq langues, laquelle contient de nombreux catalogues de maisons de ventes qui lui sont adressés par ces dernières et qui ont été intégralement numérisés. Revendiquant 1,3 million d’abonnés, elle a développé un service « artprice images ».

M. B. et la société Camard et associés, estimant que la société Artprice.com portait atteinte à leurs droits d’auteur et commettait des actes de concurrence déloyale et parasitaire à leur encontre, ont fait assigner cette dernière en référé devant le Tribunal de grande instance de Paris du fait de la reproduction sans autorisation des catalogues et des photographies les illustrant. Cependant, cette action a été déclarée irrecevable faute d’avoir démontré l’originalité des catalogues en cause. Son jugement est infirmé pour une large part par les juges d’appel.

Ainsi qu’il est rappelé, la société Camard et associés fait valoir que la société Artprice.com a procédé à la numérisation et à la mise à disposition du public de plus de 71 de ses catalogues (années 2004 à 2009) en violation de ses droits d’auteur sur lesdits catalogues.

I- Le débat sur l’originalité des catalogues de vente de la société Camard et associés

La société Camard et associés énonce qu’un catalogue est protégé par le droit d’auteur s’il est suffisamment original et qu’en l’espèce l’originalité résulte des compositions, mises en forme, textes d’accompagnement des objets présentés, présentation des sommaires, positionnement et dimensions des titres, choix des couleurs, choix des typographies utilisées, mise en page de la couverture, etc.

De son côté, la société Artprice.com invoque l’absence d’originalité des éléments informationnels contenus dans les catalogues et, plus généralement, l’absence d’originalité des catalogues pris dans leur ensemble.

Ce n’est donc pas la position de la Cour d’appel de Paris qui rappelle à cette fin que « si toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination sont protégeables au titre du droit d’auteur, elles doivent cependant révéler un effort de création de la part de leur auteur sans lequel la conception matérialisée de sa production intellectuelle ne caractérise pas l’apport original indispensable, seul susceptible de leur conférer le droit de prétendre à la qualification d’œuvre de l’esprit, mais les laisse demeurer dans la catégorie des réalisations banales qui, dépourvues de l’empreinte ou du reflet de la personnalité de l’auteur ou de ses choix créatifs, ne peuvent bénéficier de la protection ».

Elle relève, ensuite, que la société Artprice.com ne revendique pas de droits d’auteur sur les photographies publiées dans ses catalogues mais sur les catalogues eux-mêmes. Ainsi, la Cour d’appel énonce qu’« un catalogue ne peut se voir conférer le caractère d’œuvre protégeable au sens de l’article L. 112-3 du Code de la propriété intellectuelle qu’autant que le travail de sélection, de classement et de présentation reflète la personnalité de l’auteur ».

Or, il s’avère qu’à la suite de l’examen par la Cour de chacun des catalogues litigieux produits aux débats, il apparaît que pour un certain nombre « [ils] présentent des caractéristiques propres à leur accorder la protection au titre du droit d’auteur ».

Elle en conclut que « ces catalogues dont l’originalité se manifeste dans leur composition, la mise en œuvre des lots présentés selon un certain ordre et de façon méthodique, dans le choix des citations, des notices biographiques et leur rédaction, présentent une physionomie propre qui les distingue des autres catalogues de ventes aux enchères et qui traduit un parti pris esthétique empreint de la personnalité de leur auteur ».

Aussi, en reproduisant sans autorisation sur son site internet « artprice.com » les catalogues de la société Camard et associés protégeables au titre du droit d’auteur, la société Artprice.com s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon de droit d’auteur à son préjudice.

II- Le débat sur l’originalité des photographies de M. B.

La société Artprice.com soutient que M. B. a cédé ses droits d’auteur de manière exclusive aux différentes maisons de vente éditrices des catalogues mis en ligne, ne rapportant pas la preuve contraire ; qu’en outre il ne démontre pas ne pas avoir apporté ses droits à la société de gestion collective ADAGP. Or, la société Camard et associés ne revendique pas de droits patrimoniaux sur les photographies de M. B. figurant dans ces catalogues, son action en contrefaçon ne portant que sur les catalogues eux-mêmes ainsi qu’analysé précédemment.

Il n’est donc pas établi que M. B. ait cédé ses droits patrimoniaux aux maisons de vente éditrices des catalogues en cause. Ainsi, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Artprice.com pour absence de qualité pour agir de M. B. Par ailleurs, la société Artprice.com soutient que M. B. n’est pas cité seul en qualité de photographe dans un certain nombre de catalogues et ne justifie pas être l’auteur des photographies y figurant.

Or, M. B. justifie être l’auteur des 12 168 photographies non seulement par la copie informatique de ses factures mais aussi par le fait qu’il est nommément cité comme auteur des photographies revendiquées dans la plupart des catalogues faisant l’objet du litige.

Considérant que pour les photographies où il n’est pas cité comme auteur, M.B. justifie avoir adressé des photographies aux sociétés de ventes volontaires aux enchères pour constituer les catalogues ; qu’il détient en outre non seulement les fichiers numériques JPEG de ces photographies (les dates figurant sur ces fichiers n’étant pas celles de leur création mais de leur dernière modification) mais également les fichiers originaux au format RAW et TIF avant leur transformation en fichiers JPEG.

Sur l’originalité à proprement parler, la société Artprice.com invoque le défaut d’originalité des photographies litigieuses en précisant que le photographe s’était contenté de reproduire les objets d’art de la manière la plus banale possible en respectant uniquement les contraintes techniques imposées par les maisons de vente nécessaires à l’uniformisation de leurs catalogues.

Considérant que M. Stéphane B. réplique qu’une partie importante de ses photographies sont originales et protégées au titre du droit, précisant qu’il ne revendique pas une telle protection pour les photographies essentiellement techniques qu’il fait valoir les choix opérés sur le travail de la lumière et des ombres, la disposition des objets, la lumière, le positionnement des meubles, le fond des photographies, le travail effectué a posteriori sur les photographies.

La Cour rappelle que pour « bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur une photographie doit être une création intellectuelle propre à son auteur, reflétant sa personnalité par ses choix dans la pose du sujet et son environnement, l’angle de prise de vue, le jeu des ombres et de la lumière, le cadrage et l’instant convenable de la prise de vue ». Elle considère ainsi que le photographe « a effectué une recherche particulière non seulement du positionnement de chacun des objets mais également pour certains d’entre eux de son cadrage en retenant arbitrairement un détail particulier de l’objet (notamment pour les objets d’art tels que les sculptures), que le positionnement des objets a fait l’objet de choix esthétiques particuliers, plusieurs objets pouvant figurer sur la même photographie en opposition ou en complémentarité les uns par rapport aux autres (notamment pour des meubles ou des ensembles de table), créant ainsi une dynamique particulière ».

C’est par conséquent une condamnation record contre Artprice pour contrefaçon que prononce la Cour d’appel de Paris. De fait, à la suivre, le préjudice moral subi par la maison de ventes « résulte de la vulgarisation et de la banalisation des catalogues (…) du fait de leur mise en ligne sur internet ». La société Artprice.com s’est d’ores et déjà pourvue en cassation, estimant qu’il serait « inimaginable que la Cour de cassation remette en cause près de cent ans de jurisprudence ».

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Contrefaçon et liens commerciaux

L’arrivée d’internet a permis la mise en place du commerce en ligne, mais pour faciliter les recherches sur le net des moteurs de recherche ont vu le jour. Ceux-ci proposent en plus des facilité de recherche, des liens commerciaux cependant certains acteurs ont contrefait des marques sur les liens commerciaux des moteurs de recherches, mais alors qui est responsable ?

Qui est responsable en matière de contrefaçon de marque sur les liens commerciaux des moteurs de recherche ?

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J’ai acheté une marque :  » saint–james « , et j’ai crée un site internet dénommé : http://www.saint-james.com. Or je suis attaqué devant les tribunaux pour contrefaçon de marques par le propriétaire d’une marque  » saint-john « , disposant d’un site internet : http://www.saint-john.com . Y a t il réellement contrefaçon ?

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