Vie quotidienne

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QUE FAIRE EN CAS DE DISCRIMINATION RELIGIEUSE ?

Cette question particulière est souvent posée par les victimes de discrimination religieuse ou les personnes qui pensent être victimes de discrimination religieuse. La discrimination peut se définir comme l’action de distinguer des êtres vivants à partir de critères ou caractères distinctifs. Si on applique la discrimination à la religion, la distinction réalisée sera faite uniquement au regard de la religion de l’individu.

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Regroupant plusieurs religions différentes, la France est un pays dans lequel plusieurs personnes se disent victime de discrimination religieuse. La question de savoir que faire en cas de discrimination religieuse est donc importante et a un sens particulier. Il faut savoir que la discrimination religieuse est interdite par la loi, la victime de discrimination religieuse doit donc agir contre l’auteur de ladite discrimination.

Tout d’abord, il convient de répondre à la question : que faire en cas de discrimination religieuse. La réponse à la question que faire en cas de discrimination religieuse vous sera donnée dans cet article. Plusieurs décisions jurisprudentielles ont été prises et plusieurs textes adoptés pour pouvoir lutter contre la discrimination religieuse, la réponse à cette question existe donc et n’est pas très difficile à trouver. Avant de commencer notre développement, il faut noter que la discrimination religieuse se remarque souvent au niveau du droit du travail.

C’est la raison pour laquelle la réponse à « que faire en cas de discrimination religieuse ? » touchera au droit du travail, mais également au droit pénal, car le droit pénal est une autre alternative pour agir contre une discrimination religieuse.


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Force est de constater que plusieurs textes internationaux proclament la liberté religieuse et l’égalité de tous devant la loi sans évoquer précisément la discrimination fondée sur la religion (articles 7 et 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme). La plupart des textes internationaux sont faiblement contraignants et/ou ne peuvent fonder une action en justice (comme le Pacte international relatif aux Droits civils et politiques ou la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction de 1981 des Nations Unies).

Les textes européens et communautaires sont plus contraignants pour les États. La victime d’une discrimination religieuse peut utilement alléguer la violation de l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme ou de l’article 13 du traité CE qui étend les compétences de l’Union en matière de discrimination fondée sur les croyances religieuses.

Si la discrimination a eu lieu dans le domaine du travail, il est également possible de se référer à la directive 2000/78/CE portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Si la lutte contre la discrimination raciale a fait l’objet de nombreuses initiatives communautaires, la lutte contre la discrimination religieuse est limitée au seul domaine du droit du travail, car le consensus est plus difficile à obtenir sur cette question et parce qu’il semble parfois difficile de distinguer dans la pratique la discrimination fondée sur l’origine et celle sur la religion.

Les dispositions nationales affirment le principe d’égal traitement des citoyens ou de liberté de culte (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, loi de Séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905…).

La discrimination notamment fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une religion est sanctionnée en vertu des articles L225-1 et suiv. du Code pénal. En effet, l’article L1132-1 du Code du travail interdit la discrimination à l’embauche, réprime les sanctions prises sur le fondement des convictions religieuses du salarié et plus généralement, interdit tout comportement discriminatoire. Enfin, l’article 6 de la loi du 13 juillet 1983 portant statut des fonctionnaires leur garantit le droit de ne pas être discriminé pour leurs convictions religieuses.

I. LA DÉFINITION DE LA DISCRIMINATION RELIGIEUSE

Les victimes de discriminations agissent la plupart du temps sur le fondement du droit pénal ou droit du travail.

A. Par le droit pénal

La discrimination religieuse désigne la distinction opérée entre les personnes à raison de leur appartenance ou leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une religion déterminée. Cette discrimination peut être directe (c’est-à-dire fondée sur un critère interdit comme les opinions religieuses) ou indirecte (c’est-à-dire se présentant comme basée sur un critère neutre qui entraîne des effets défavorables à l’égard d’une certaine catégorie de personnes).

Si la discrimination religieuse est retenue pour les distinctions fondées sur l’appartenance vraie ou supposée à une religion, l’article 225-1 du Code pénal ne s’applique pas aux différences de traitement fondées sur l’appartenance à des mouvements spirituels qui ne constituent pas de véritables religions (CA Paris, 25 mars 1996, pour « l’église » de Scientologie).

Afin que le délit de discrimination soit constitué, il faut démontrer des agissements interdits et l’intention discriminatoire de leur auteur.

S’agissant la matérialité des faits, le droit pénal ne réprime que la discrimination intervenue dans 5 situations spécifiques :

– refus de fourniture d’un bien ou de service

– entrave à l’exercice normal d’une activité économique

– refus d’embauche, sanction, licenciement

– la subordination de la fourniture d’un bien ou d’un service à un critère discriminatoire

– offre d’emploi, de stage, de formation en entreprise discriminatoire

Concernant l’élément intentionnel, l’auteur des faits doit avoir agi dans une intention discriminatoire, en ayant conscience de se livrer à des agissements réprimés par la loi. Peu importe qu’il ait de l’animosité personnelle ou non à l’encontre de personnes d’une religion déterminée.

B. Par le Code du travail

L’interdiction des pratiques discriminatoires dans les relations de travail est prévue par l’article L1132-1. L’article L1321-3, quant à lui, dispose que le règlement intérieur ne peut comporter de dispositions lésant les salariés dans leur emploi et leur travail en raison de leurs opinions ou confessions. Toute disposition contraire ou toute acte contraire serait nul.

L’article L1121-1 rappelle que « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

La liberté religieuse conférée au salarié ne peut donc nuire au fonctionnement normal de l’entreprise. Ainsi, sauf autorisation spéciale, le salarié ne peut prétendre justifier des absences ou des refus de travail par des exigences religieuses (voir ci-dessus).

I. LA PRISE EN COMPTE DE L’APPARTENANCE RELIGIEUSE

A. La conciliation avec le principe de laïcité ou de neutralité

Il est indéniable que la liberté religieuse doit se concilier avec un autre principe à valeur constitutionnelle, le principe de laïcité de l’État.

Les agents publics et les fonctionnaires sont soumis au principe de laïcité et à l’obligation de neutralité, en vertu desquelles ils ne peuvent manifester leur appartenance religieuse pendant les heures de service. Le port par un agent public de tout signe d’appartenance à une religion s’analyse comme un manquement à ses obligations, susceptible de donner lieu à une sanction disciplinaire voire à la radiation (CAA de Lyon, 27 novembre 2003, Mlle Nadjet Ben Abdallah). Le principe de laïcité des fonctionnaires et des agents contractuels de la fonction publique a été confirmé également par un arrêt du Conseil d’État rendu le 28 juillet 2017. En outre, la Cour de cassation avait affirmé ,dans un arrêt rendu le 25 juin 2014, qu’une personne privée ayant la gestion d’un service public peut imposer l’interdiction de tout signe d’appartenance religieuse en vertu du principe de la neutralité du service public. (1) En revanche, le Conseil d’État considère que les croyances religieuses ne sont pas en soi contraires au devoir de neutralité (CE, 28 avril 1938 Dlle Weiss), mais leur manifestation peut l’être (CE, 3 mai 1950, Dame Jamet).

Bien que les usagers aient en principe le droit d’exprimer leurs convictions religieuses, y compris dans les locaux d’un service public, la jurisprudence a estimé que le principal d’un établissement scolaire qui exclut deux élèves ayant adopté une attitude de propagande religieuse contraire aux principes constitutionnels de laïcité et de neutralité de l’enseignement public ne commettait pas le délit de discrimination religieuse (CA Douai, 3 avril 1991). Aujourd’hui, une telle exclusion serait d’autant plus justifiée que la loi du 15 mars 2004 prohibe le port de signes religieux ostentatoires dans les établissements publics.

B. Les différences de traitement en entreprise

L’employeur ne peut apporter aux libertés individuelles de ses salariés que des restrictions nécessaires et proportionnées à la tâche à accomplir. La liberté religieuse des salariés est donc garantie.

Toutefois, lorsque cette liberté se heurte à des dispositions législatives ou réglementaires impératives, il ne doit pas en être tenu compte. Ainsi, en raison du caractère impératif des dispositions en matière de médecine du travail, le refus d’un salarié de passer la visite médicale du fait de ses convictions religieuses constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cassation, sociale, 29 mai 1986).

D’ailleurs, ne commet aucune faute l’employeur qui demande au salarié d’exécuter la tâche pour laquelle il a été embauché dès l’instant que celle-ci n’est pas contraire à une disposition d’ordre public. En l’espèce, un salarié affecté au rayon boucherie d’un magasin d’alimentation a refusé, après deux ans d’activité, de poursuivre son travail qui impliquait d’entrer en contact avec de la viande de porc (Cassation, Chambre sociale, 24 mars 1998).

La Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 14 avril 2021, affirme que le défaut d’une « clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n’était prévue dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur », le licenciement prononcé en raison du refus d’une salariée de retirer un signe religieux « caractérisait l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée. ».

Il s’agissait, en l’espèce, d’un employeur ayant licencié une salariée dans un magasin de prêt-à-porter pour femmes en raison de son refus d’enlever. La Cour d’appel de Toulouse avait jugé que le licenciement était nul pour discriminations en raison de ses convictions religieuses. Cette décision a été confirmée par la Cour cassation en précisant que la volonté de préserver l’image de l’entreprise ne constituait pas une exigence professionnelle déterminante qui permet d’interdire à une salariée de porter le voile. (2)

Cette décision reprend la position jurisprudentielle da CJUE qualifiant l’interdiction du port d’un signe religieux de discrimination directe en l’absence d’une clause de neutralité. (3)

D’ailleurs, la CJUE vient préciser, dans un arrêt rendu le 15 juillet 2021, qu’une règle interne interdisant le port toute forme visible d’expression des convictions politiques, philosophiques ou religieuses sur le lieu de travail peut être justifiée, sous certaines conditions, par le besoin de l’employeur de se présenter de manière neutre à l’égard des clients ou de prévenir des conflits sociaux. (4)

L’appartenance d’un employé à une religion ne doit pas nuire à la bonne marche de l’entreprise, mais également à la liberté de conscience de ses collègues. Ces derniers peuvent exiger d’être protégés des pressions religieuses. L’employeur est tout à fait justifié à licencier un salarié profitant de ses fonctions de formateur pour faire du prosélytisme (CA Paris, 28 septembre 1993).

C. Les emplois dans les organisations impliquant une communion de foi

Force est de constater que dans les entreprises dites « de tendance », les salariés puissent subissent des restrictions plus grandes à leurs libertés individuelles. Si l’employeur ne peut exiger de son salarié qu’il adhère en son for intérieur à l’objet social de l’institution (aux thèses défendues), une obligation de réserve, même dans la vie personnelle, semble justifiée. Le contrat de travail peut en outre prévoir des clauses imposant un comportement extérieur conforme aux thèses défendues par l’institution.

Ainsi, la Cour de cassation a affirmé que l’ancien article L. 122-45 du Code du travail (devenu article L 1132-1) n’est pas applicable lorsque le salarié, engagé pour accomplir une tâche impliquant qu’il soit en communion de pensée et de foi avec son employeur, méconnaît les obligations résultant de son engagement (Cass. soc., 20 novembre 1986).

Néanmoins, les discriminations à l’embauche doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et être proportionnelles au but poursuivi. C’est pourquoi la jurisprudence considère que la nécessité d’une communion de pensée religieuse ou politique ne saurait autoriser les élus à ne recruter que des affidés (Tribunal correctionnel de Toulon, 5 mai 1998).

III. LA MISE EN ŒUVRE DE LA RÉPRESSION

La victime d’une discrimination religieuse peut porter plainte afin engager la responsabilité pénale de l’auteur des faits. La valeur symbolique d’une condamnation pénale est forte.

Pour faciliter la mise en œuvre de la procédure, la victime peut faire appel à des associations luttant contre la discrimination fondée sur l’appartenance religieuse. Ces associations peuvent non seulement l’aider dans les démarches, mais aussi se substituer à elle.

Si les faits discriminants ont eu lieu dans le cadre du travail, la victime peut saisir le Conseil des Prud’hommes pour obtenir des dommages et intérêts et/ou faire annuler les décisions discriminatoires prises par son employeur.

Il peut être utile de recourir à la médiation proposée par le Défenseur des droits (assurée auparavant par la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité – HALDE) et ce, dans la mesure où la preuve du comportement discriminatoire n’est pas facile à rapporter et que toute procédure judiciaire est longue et éprouvante. Cette médiation peut s’achever par une transaction, évitant aux parties les désagréments d’un procès. Si la médiation échoue, la victime peut toujours saisir les tribunaux.

Pour lire une version plus complète de cet article sur la discrimination religieuse, cliquez

Sources :

  • CE, 28 juillet 2017, n° 390740 ; Cass, 25 juin 2014, n° 13-28.369
  • Soc. 14 avril 2021, n° 19-24.079
  • CJUE 14 mars 2017, aff. C-188/15 Micropole SA
  • CJUE, 15 juillet 2021, aff. C 804-18 et C 341-19

Email au bureau

Aujourd’hui l’email est devenu une mode de communication incontournable notamment au sein de l’entreprise, mais il est alors tentant pour les employeurs de surveiller les correspondances de leurs salariés, mais ces possibilités ont été limitées par le législateur.

Cependant, afin d’éviter des abus, les employeurs peuvent être tentés de placer leurs salariés et leur correspondance sous surveillance.

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Ceci nous pousse à nous interroger à la fois sur le régime légal qui est susceptible de s’appliquer à la surveillance du courrier électronique (I) et sur les sanctions éventuelles d’une surveillance irrégulière (II).

I – Le cadre légal de la « cyber-surveillance »

La surveillance du courrier électronique ne fait l’objet d’aucun texte spécifique, mais seulement de décisions de jurisprudence. Il faut donc se demander quelles règles sont applicables.

A – Les principes fondamentaux

Le législateur a mis en place un certain nombre de principes fondamentaux qui bien que non spécifiques à la surveillance du courrier électronique, trouvent à s’appliquer en l’espèce.


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Ceux-ci sont de deux types, ceux qui sont favorables au salarié et ceux qui sont favorables à l’employeur.

1 – La protection du salarié

Le droit du travail est traditionnellement favorable au salarié, mais d’autres principes sont aussi favorables à ce dernier.

a – Le Code du Travail

Dans son article L.1222-4, le Code du travail dispose qu’aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance.

En outre, l’information et la consultation du comité d’entreprise avant la mise en œuvre dans l’entreprise de moyens et de techniques permettant de contrôler l’activité des salariés sont imposées par l’article L2312-38 du Code de travail.

b – La loi informatique et liberté

Le traitement d’informations sur les salariés si elles sont informatisées, est soumis à déclaration auprès de la C.N.I.L.

Les salariés auront alors un droit d’accès sur les informations les concernant.

Si les informations ont été recueillies sans leur consentement ou leur information

c – Le respect du droit à la vie privée

L’article 9 du Code Civil prévoit un principe général de protection de la vie privée.

Ce principe s’applique évidemment à la vie extraprofessionnelle de l’employé mais aussi dans les rapports de travail.

Certes ce droit est adapté aux nécessités du rapport de travail, mais il n’est pas aliéné par le seul fait du lien de subordination.

L’employeur qui est le cocontractant du salarié doit cependant pouvoir contrôler l’exécution du contrat de travail.

Ce respect du droit à la vie privé constitue une limite aux moyens de surveillance mis en place par l’employeur.

Le problème principal étant de dissocier ce qui relève de la vie privé et ce qui relève du contrôle de l’employeur.

d – Le secret des correspondances

Un des problèmes principaux du courrier électronique est sa nature juridique, en effet aucun texte ne vise expressément le courrier électronique, on s’interrogeait notamment sur l’application éventuelle du secret des correspondances au courrier électronique et notamment à celui transmis sur le lieu de travail.

Un jugement a fixé la position concernant le secret de la correspondance : en effet le tribunal correctionnel de Paris dans un arrêt du 2 novembre 2000 : « Tareg A. » a considéré que la surveillance du courrier électronique par l’employeur était une violation de correspondances effectuées par voie detélécommunication, délit réprimé en l’espèce par l’article L.432-9 du Code Pénal s’agissant d’une personne publique.

Ce délit est réprimé par l’article L.226-15 alinéa 2 du Code Pénal concernant les personnes privées.

Pour la première fois, la Cour de cassation a rendu un arrêt le 2 octobre 2001 sur l’utilisation privée des e-mails au travail. La décision – qui devrait faire jurisprudence – interdit à l’employeur de « prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur ».

En outre, deux arrêts du 26 janvier 2016 et du 7 avril 2016 de la Cour de cassation sont venus pour affirmer que la « messagerie personnelle des salariés, distincte de leur messagerie professionnelle dont ils disposent pour les besoins de leur activité, […] sont couverts par le secret des correspondances ». Les juges de cassation avaient opéré une distinction entre la messagerie personnelle et la messagerie professionnelle quant aux messages litigieux, et ce, pour la détermination de la possibilité de recourir à ces dernières par l’employeur à des fins disciplinaires.

D’ailleurs, la Cour de cassation, dans un arrêt du 23 octobre 2019, était confrontée à une problématique portant sur la messagerie électronique installée sur l’ordinateur professionnel d’un salarié et le contrôle de celle-ci par l’employeur.

En l’espèce, il s’agissait d’une salariée qui avait laissé à son employeur l’accès à son ordinateur professionnel avant de partir en congés. La messagerie instantanée MSN Messenger était installée sur ce dernier. L’employeur consulte cette messagerie et s’aperçoit que la salariée avait transmis à d’autres salariés des documents internes tels que les fiches de paie et le reçu pour solde de tout compte.  Sur la base de ces éléments, l’employeur licencie la salariée pour faute grave. Cette dernière conteste le licenciement en s’appuyant sur l’illicéité du contrôle effectué par l’employeur.

Par cet arrêt, la Cour de cassation affirme pour la première fois que les messages électroniques échangés au moyen d’une messagerie instantanée et qui proviennent d’un courrier électronique personnel installé sur l’ordinateur professionnel sont couverts par le secret des correspondances, et ce, alors même que ces messages ne soient pas identifiés comme personnels.

2 – Les justifications de l’employeur
a – Les risques de responsabilité

Une des justifications de la surveillance du salarié est paradoxalement une disposition légale favorable au salarié.

L’article 1384 alinéa 5 du Code Civil prévoit la responsabilité civile de l’employeur du dommage causé par ses préposés dans les fonctions auxquelles il les a employés.

L’employeur afin d’éviter de voir sa responsabilité engagée du fait de courrier électroniques indélicats de ses employés peut alors souhaiter exercer un contrôle sur ceux-ci.

b – La sécurité de l’entreprise

Une autre justification pourrait être la sécurité de l’entreprise : l’employeur pourrait souhaiter éviter la divulgation d’informations confidentielles, la transmission de virus, … et contrôler les courriers électroniques afin d’éviter ces problèmes.

B – La mise en place d’une surveillance du courrier électronique

1 – Les préalables

L’employeur afin de pouvoir surveiller son salarié devra le mettre au courant de cette surveillance.

Il devra aussi fixer les limites à l’utilisation du matériel de l’entreprise à des fins personnelles, notamment l’utilisation du courrier électronique sur le lieu de travail.

En limitant l’utilisation du courrier électronique au domaine professionnel, il pourra donc légitimement contrôler ces courriers qui ne seront pas des courriers personnels et donc pas susceptibles d’être protégés par le secret des correspondances.

En pratique, toutes ces dispositions seront intégrées au règlement intérieur. Néanmoins une interdiction absolue de l’usage privé de la messagerie de l’entreprise par les salariés (par une charte) est maintenant interdite au vu de l’arrêt de la cour de cassation précité.

2 – La surveillance elle-même

La surveillance étant prévue par le règlement intérieur ne justifie pas toutes les mesures.

La loi impose en effet une proportionnalité entre les justifications de l’employeur et la surveillance.

La jurisprudence a condamné des entreprises qui pratiquaient de manière systématique des alcootests, des fouilles des salariés.

L’employeur doit donc pratiquer des contrôles qui soient appropriés aux finalités de l’entreprise.

On peut donc penser qu’un contrôle systématique des courriers électroniques envoyés ou reçus par les employés serait sanctionné par un juge, sauf à le justifier par des circonstances particulières (par exemple une société tenue à une haute sécurité par son activité de vente de produits militaires, …)

II – Les sanctions d’une surveillance irrégulière

A – Les personnes susceptibles d’être sanctionnées

On peut se demander en cas de surveillance irrégulière, qui peut être sanctionné.

1 – L’entreprise

Depuis 1994, le code pénal prévoit la responsabilité pénale des personnes morales.

Cependant les textes de loi doivent expressément préciser la possibilité d’une telle responsabilité.

Ce n’est pas le cas pour la violation du secret des correspondances.

Pour la responsabilité civile, celle-ci pourra être imputée à l’entreprise pour le paiement des dommages-intérêts.

2 – Le chef d’entreprise

Le chef d’entreprise en tant que responsable de l’entreprise pourra se voir imputer les différentes infractions pénales.

Il pourra aussi, si il a commis une faute, voir sa responsabilité civile engagée.

3 – Le responsable réseau

Le responsable réseau ou informatique de la société qui a mis en place le système de contrôle ou d’interception des courriers électroniques, ou qui aura procédé à ce contrôle, ne pourra pas voir sa responsabilité engagée dans la mesure ou il agit dans le cadre de ses fonctions.

Il pourra cependant voir sa responsabilité engagée s’il n’agit pas dans l’intérêt de l’entreprise et de sa propre initiative.

B – Les sanctions

1 – Sanctions pénales

La violation du secret des correspondances : il s’agit d’un délit pénal prévu par l’article 226-15 du Code Pénal, il est puni d’un an d’emprisonnement et de 300.000 F d’amende.

2 – Sanctions civiles

Les sanctions civiles sont diverses, le préjudice peut être important en fonction du contenu des courriers interceptés.

Si le courrier a été utilisé à des fins de licenciement, le licenciement pourra être requalifié en licenciement abusif et donnera lieu au versement de l’indemnité de licenciement.

3 – Sanctions procédurales

La principale sanction est l’irrecevabilité de la preuve acquise par des moyens irréguliers.

Cette sanction est le résultat d’une jurisprudence célèbre : l’arrêt Neocel rendu par la cour de cassation le 20 novembre 1991.

Il convient de citer également un arrêt rendu le 27 novembre 2019 par la Cour de cassation, dans le cadre duquel les juges de cassation avaient procédé à une application stricte du secret des correspondances en estimant que la preuve résultant de la production de documents ayant été obtenus par un procédé déloyal est irrecevable.

Il s’agissait, en l’espèce, d’une salariée et déléguée syndicale qui, dans le cadre d’une demande d’annulation d’un avertissement et la reconnaissance de discrimination syndicale et d’une situation de harcèlement à l’encontre de son employeur, produit des courriels émanant d’un tiers à l’entreprise.

Dans cette affaire, la Cour affirme que ces courriels portaient atteinte au secret des correspondances et constituaient, naturellement, un moyen de preuve illicite.

On peut noter tout de même que lorsqu’il s’agit d’une matière pénale (par exemple, si dans l’affaire Neocel l’employeur avait agi au pénal pour vol) la preuve n’est pas écartée d’office, il appartient au juge d’en apprécier la valeur (article 427 du Code de procédure pénale).

On peut citer en ce sens un arrêt du 6 avril 1994 relatif à un détournement de fonds par un salarié au moyen d’un dispositif de vidéosurveillance dissimulé.

Pour lire une version plus complète de cet article sur les salariés et les emails, cliquez ici

Sources :

  • : Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 – art. 1
  • : Cass. soc., 26 janv. 2016, no 14-15.360 ; Cass. soc., 7 avr. 2016, no 14-27.949
  • :  Cass.soc., 23 octobre 2019, n° 17-28.448
  •  : Cass. soc., 27 novembre 2019, n° 18-19.237

OBLIGATIONS DE MOYENS ET OBLIGATIONS DE RÉSULTAT

L’inexécution contractuelle s’apprécie au regard de l’intensité de l’obligation souscrite. La distinction d’origine doctrinale entre « obligations de moyens » et « obligations de résultat » prend tout son sens dans ce terrain. En effet, est-ce au créancier de prouver que son partenaire a commis un manquement afin d’engager sa responsabilité pour obtenir des dommages et intérêts, ou à l’inverse, est-ce à celui qui n’a pas rempli son obligation de prouver qu’il en a été empêché par un cas d’impossibilité exclusif de dommages et intérêts ?

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« Toute imputation passe en preuve invincible » : contrairement à ce qu’affirmait Rousseau, le droit français prévoir que la charge de la preuve pèse, en principe, sur celui qui accuse.

En effet, l’article 1353 du Code civil dispose que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver », et réciproquement que « celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

La direction scientifique de Dalloz nous rappelle que « La distinction entre obligation de moyen et de résultat a été forgée par Demogue pour résoudre la contradiction entre les articles 1137 et 1147 du Code civil ».

Néanmoins, en matière contractuelle ainsi qu’en matière de responsabilité, l’article 1147 du Code civil est le texte de référence en la matière : en cas d’inexécution ou de mauvaise exécution de l’obligation, il appartient au débiteur de justifier que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Est présumée donc la responsabilité et la charge de la preuve pèse sur celui qui n’a pas exécuté ou a mal exécuté. Cependant,  il existe d’autres dispositions du Code civil (article 1137) qui prévoient que le créancier de l’obligation doit démontrer que son débiteur n’a pas agi ou a mal agi et a commis une faute. À partir de ces textes, la doctrine a dégagé la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat.


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Au 20e siècle, René Demogue dans son « Traité des obligations en général » propose ainsi de classer les obligations contractuelles par leur objet et démontre une unité entre les responsabilités contractuelles et délictuelles reposant toutes les deux sur l’existence d’une faute qui, tantôt doit être prouvée en établissant une négligence ou une imprudence, tantôt découle du simple fait que le résultat n’est pas atteint.

La jurisprudence a repris cette distinction alors même qu’elle est aujourd’hui souvent contestée en des termes parfois sévères. L’avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription proposait d’intégrer dans le Code civil cette distinction ; suggestion qui n’a pas été reprise dans le projet de réforme du droit des contrats.

Cette distinction repose sur le contenu de l’obligation, sur ce qui a été promis. L’obligation est de résultat lorsque le débiteur s’est engagé à obtenir un résultat déterminé ou pour reprendre les termes de l’article 1149 alinéa 1 de la loi « lorsque le débiteur est tenu, sauf en cas de force majeure, de procurer au créancier la satisfaction promise ». A contrario, il y aura obligation de moyens lorsque le débiteur a promis de mettre son activité au service du créancier, mais sans garantir que tel ou tel résultat sera obtenu, ou selon l’article 1149 alinéa 2 de la loi « lorsque le débiteur est seulement tenu d’apporter les soins et diligences normalement nécessaires pour atteindre un certain but ».

Il convient de rappeler que l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 établissant les éléments de la réforme récente du droit des obligations n’a rien prévu en matière d’obligation de moyens et de résultats. Le législateur n’a ni codifié ni précisé la définition des obligations de résultat et de moyen.

Dès lors, il convient de s’intéresser à la distinction fondamentale entre obligation de moyen et de résultat (I), pour comprendre réellement la portée d’une telle distinction (II).

I- L’intérêt de la distinction entre obligation de moyens et obligation de résultat

La distinction entre ces obligations présente un intérêt en matière probatoire (A) et lorsque les parties n’ont pas précisé ce point dans leur convention, il revient aux tribunaux de déterminer pour chaque type d’obligation si elle est de moyens ou de résultat (B).

A) La charge de la preuve

La distinction de la preuve présente un intérêt qui se manifeste à propos des conditions de la responsabilité éventuelle du débiteur. En effet, si l’obligation est de résultat et que le résultat promis n’a pas été atteint, le débiteur est présumé responsable. À titre d’exemple, si la livraison d’une certaine quantité de marchandises à un moment donné n’a pas été atteinte, la responsabilité est encourue de plein droit. Le débiteur ne peut échapper à cette responsabilité qu’en démontrant que l’inexécution provient d’un cas de force majeure.

Qu’est-ce que la force majeure ? D’après une définition classique, un obstacle ne constitue un cas de force majeure que s’il présente pour le débiteur qui l’invoque trois caractères : l’irrésistibilité, l’imprévisibilité et l’extériorité. Un arrêt de l’assemblée plénière du 14 avril 2006 a défini la force majeure comme « l’événement présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans son exécution ».

Cet arrêt énonce qu’il faut la réunion de ces conditions cumulatives pour qu’il y ait force majeure, conditions appréciées à des moments distincts, alors que l’extériorité demeure incertaine. À l’opposé, lorsque l’obligation est de moyens, il incombe au créancier de démontrer que le débiteur n’a pas mis en œuvre les moyens nécessaires.

Ceci étant, certaines obligations telles que l’obligation de sécurité pesant sur le transporteur de personnes peuvent être soit de moyens, soit de résultat. Pendant la phase d’exécution du contrat proprement dit, il s’agirait d’une obligation de résultat, alors qu’avant et après, il s’agirait d’une obligation de moyens (Cass. Civ., 21 novembre 1911 ; Cass. civ., 1ère, 7 mars 1989).

B) Appréciation par les juges du fond

Dans l’hypothèse d’un désaccord entre les parties sur la portée de l’obligation, il appartient au juge de décider si cette obligation est de moyens ou de résultat. Il arrive que son appréciation évolue dans le temps. En effet, concernant la responsabilité médicale, elle reposait depuis un arrêt de 1936 sur une obligation de moyens, puis, la jurisprudence a admis que pesait sur le médecin une obligation de résultat pour les matériels et les produits qu’il utilise, et pour les maladies nosocomiales. Ces solutions ont été reprises par la loi du 4 mars 2002. L’appréciation du juge va se faire en fonction de différents critères :

– la volonté présumée des parties : peut être le critère déterminant de l’intensité de l’obligation, mais le juge du fond, au titre de son pouvoir d’appréciation et de requalification (article 12 du Code de procédure civile) peut restituer à l’obligation sa véritable qualification ;

– le caractère aléatoire ou non du résultat attendu : si l’obtention du résultat est par essence aléatoire, le débiteur ne peut être tenu à une obligation de résultat. C’est l’application de ce critère qui explique que le médecin ne puisse être tenu, au titre de son obligation principale de soins, à une obligation de résultat. Le résultat de son intervention est toujours aléatoire parce que la science a ses limites et parce que les thérapies les plus éprouvées peuvent ne pas produire les mêmes effets chez tous les patients ;

– le rôle actif ou passif du créancier dans l’exécution de l’obligation : dans l’hypothèse où le créancier est activement impliqué dans le processus d’exécution de l’obligation à laquelle le débiteur est tenu, cette obligation ne peut être qu’une obligation de moyens. Il est, en effet, impossible d’imposer une obligation de résultat là où le créancier n’est pas le seul maître de l’obtention du résultat.

Le juge prend en compte la qualité de l’auteur, la nature du dommage et de l’obligation, la présence d’un aléa et la participation active du créancier ; la combinaison de ces éléments constituant un faisceau d’indices lui permettant de rechercher la volonté des parties.

Les modes de preuve sont libres (témoins, expertises) et si la faute est prouvée, la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle sera établie à moins que l’auteur ne puisse dénier l’existence d’un lien de causalité entre sa faute et le dommage.

Dans un arrêt de la Cour de cassation, rendu le 5 novembre 2020, la troisième chambre civile s’était prononcée sur l’intensité de l’obligation contractuelle de sécurité qui était à la charge de l’entreprise assurant la maintenance et l’entretien de portes automatiques de garage.

En l’espèce, un locataire d’appartement est blessé par la porte automatique du parking de son immeuble. Celle-ci ne s’était pas refermée et le locataire en essayant de la fermer manuellement s’est blessé.

Il va donc assigner l’assureur de son immeuble en réparation des préjudices et la société chargée de la maintenance de la porte est appelée en garantie par l’assureur.

À cet égard, la Cour de cassation énonce que : « celui qui est chargé de la maintenance d’une porte automatique d’accès à un parking est tenu d’une obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité de l’appareil ». (4)

II- La portée de la distinction entre obligation de moyens et obligation de résultat

Prendre exemple sur la responsabilité du médecin et sur celle de l’avocat est intéressant concernant la portée de la distinction (A). Certaines catégories intermédiaires ont également vu le jour (B) (C).

A) L’obligation du médecin

S’agissant des obligations de donner et de ne pas faire (article 1126 du Code civil), il s’agit sans nul doute d’obligations de résultat parce qu’a été promis un résultat absolu, non susceptible de plus ou de moins (exemple : transférer la propriété, ne pas faire concurrence, livraison d’une chose à telle date).

Quant aux obligations de faire, elles peuvent être de moyens ou de résultat. En matière médicale, la question de la nature de l’obligation du médecin s’est posée à plusieurs égards. Les progrès de la médecine ont poussé la jurisprudence à reconnaître de plus en plus une obligation de résultat alors que les aléas de la médecine avaient traditionnellement fait opter les tribunaux pour une obligation de moyens.

En effet, le  médecin s’engage non pas à guérir ; mais à mettre en œuvre tous les moyens afin d’améliorer l’état du patient. Le célèbre arrêt Mercier de 1936 est aujourd’hui repris à l’article L.1142-1 du Code de la santé publique tel qu’il résulte de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

Le principe de responsabilité pour faute est réaffirmé, « les professionnels de santé (…) ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic et de soins qu’en cas de faute ». Toutefois, afin de ne pas pénaliser les patients, la même loi a prévu un système d’indemnisation pour les dommages les plus graves et la Cour de cassation admet des exceptions au principe de responsabilité pour faute pour les infections nosocomiales ainsi que pour les dommages causés par les produits de santé.

Le médecin étant également tenu d’une obligation d’information, la jurisprudence avait d’abord retenu que le patient devait rapporter la preuve de l’inexécution de l’obligation avant de décider en 1997, qu’il lui incombe de prouver qu’il a exécuté cette obligation.

B) Des catégories intermédiaires

Grâce à quelques textes épars concernant le régime de certains contrats spéciaux, la jurisprudence a pu ajouter des catégories intermédiaires d’obligations dans lesquelles le débiteur devrait rapporter simplement la preuve de son absence de faute pour se dégager. Il en est ainsi concernant le contrat d’entreprise, l’article 1789 du Code civil ne rend l’entrepreneur responsable de la chose qui lui a été confiée que si la perte de cette chose est due à sa faute ; la jurisprudence admettant néanmoins que cette faute est présumée et que l’entrepreneur doit, pour se dégager, prouver son absence de faute.

Bien que généralisée dans les contrats de restitution, cette catégorie semble aussi parfois s’appliquer à une obligation de sécurité. Il s’agit là d’une obligation de moyens renforcée, parfois appelée obligation de résultat atténuée : c’est bien au débiteur qu’il incombe de se dégager, mais la preuve exigée est plus aisée que celle de la force majeure.

En outre, il existe une obligation de résultat, renforcée pour laquelle aucune cause d’exonération totale n’est envisageable. Dans ce contexte, la volonté des parties est très importante et le faisceau d’indices évoqués n’a plus d’intérêt. Ces catégories intermédiaires sont en voie de régression. Une partie de la doctrine soutient néanmoins que cette distinction binaire est sans doute trop primaire pour refléter la réalité contractuelle contemporaine et qu’il faudra certainement la reconsidérer.

C) La catégorie des contrats informatiques

Dans le cadre d’un contrat informatique, la nature de l’obligation des parties est inhérente à la détermination du rôle de leur responsabilité. La jurisprudence est plus stricte en la matière, en ce qu’elle considère que le prestataire d’une mission informatique est tenu d’une obligation de résultat.

À titre d’illustration, le tribunal de commerce de Vienne, dans un jugement du 21 janvier 2021, considère qu’un prestataire, qui remet au client un logiciel avec des dysfonctionnements, a manqué à l’obligation de résultat consistant à la livraison d’un logiciel personnalisé et conforme aux attentes de son client.

En outre, la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 17 mai 2017, avait retenu la responsabilité d’un prestataire de service informatique qui s’était engagé à la réalisation d’un site internet en usant la mention « clé en main ».

En effet, à la suite de dysfonctionnements survenus à la mise en œuvre du site, la Cour de cassation avait interprété la mention « clé en main » utilisée par le prestataire informatique comme révélant l’existence d’une obligation de résultat. (1)

Ceci étant, la jurisprudence s’est prononcée en faveur d’une qualification d’obligation de moyen renforcée dans la mesure où la collaboration du client était indispensable. À cet égard, la Cour d’appel de Caen, dans un arrêt rendu le 22 avril 2021, bien qu’elle ait considéré que le prestataire était ténu d’une obligation de résultat concernant la livraison d’un logiciel. La Cour avait considéré que ce dernier était tenu d’une obligation de moyen quant aux prestations de migrations de données qui nécessitaient la collaboration du client. (2)

Cette même position a été adoptée par la Cour d’appel de Lyon, dans un arrêt rendu le 29 octobre 2020. En effet, la Cour avait considéré que le prestataire n’était soumis qu’à une obligation de moyen renforcée puisque la participation active du client dans la réalisation de solution informatique était indispensable. (3)

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Sources :

  • Cass, C. Com, arrêt nº 734 du 17 mai 2017, nº 15-17.948
  • 2ème, 22 avril 2021, nº 19/00629
  • 2ème, 19 novembre 2018, n° 17/03030
  • 3e civ., 5 nov. 2020, n° 19-10.857

UN FAUTEUIL ROULANT ELECTRIQUE N’EST PAS UN VTM !

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Si, à l’origine, le Fonds de garantie n’indemnisait que dans les cas d’accidents de la circulation causés par un véhicule terrestre à moteur, sa compétence a été élargie par la suite, non sans quelques tâtonnements du législateur et de la jurisprudence.

Le cas des dommages causés volontairement avec un véhicule terrestre à moteur a, un temps, provoqué un conflit de compétences. Celle du Fonds a finalement été écartée. Les atteintes à la personne sont prises en charge par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions. Le Fonds de garantie se distingue des autres fonds d’indemnisation par son rôle subsidiaire.

Quand l’auteur du dommage est inconnu, la victime (ou ses ayants droit) peut s’adresser directement au Fonds, alors que, dans le cas contraire, il est nécessaire de déterminer la dette du responsable avant de mettre en jeu la garantie du Fonds. La loi du 5 juillet 1985 a eu un impact sur le processus d’indemnisation, d’une part en soumettant le Fonds de garantie à la procédure d’offre propre aux accidents de la circulation, d’autre part, sur un plan plus général, en légalisant la faculté de transaction entre la victime et le Fonds. Cette législation n’a cependant pas levé l’interdiction d’agir en justice contre le Fonds.

En cas de désaccord entre le Fonds de garantie et l’assureur du responsable sur le bien-fondé d’une exception relative à la garantie du contrat, la victime dispose d’une voie d’indemnisation accélérée dirigée contre l’assureur. L’indemnisation des dommages aux biens relève de dispositions spécifiques.

La loi du 5 juillet 1985 étant d’ordre public, les juges du fond doivent l’appliquer d’office à un accident de la circulation.


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S’agissant de la qualification d’accident, seul un fait volontaire peut l’écarter.

Quant à la notion de circulation, la jurisprudence l’entend largement, car y elle inclut quasiment tout usage du véhicule à l’intérieur d’une propriété privée ou sur une voie publique, qu’il soit en mouvement ou en stationnement. Est également impliqué dans un accident de la circulation le cyclomoteur relevé par un automobiliste qui subit une rupture du tendon du biceps à cette occasion.

Le fait qu’un véhicule, qui a pris feu et communiqué l’incendie, soit stationné dans un parking à l’usage exclusif des résidents, n’écarte pas la fonction de déplacement. Peu importe également que l’incendie se soit produit dans un garage privé individuel.

Il importe cependant, en cas d’immobilisation, que le véhicule ne participe pas à une opération utilitaire étrangère à sa fonction de déplacement, seule susceptible de donner lieu à l’application de la loi de 1985.

Est un accident de la circulation, l’incendie d’un véhicule frigorique ayant pris naissance dans le câblage électrique, dès lors qu’il s’agit d’un organe nécessaire ou utile au déplacement du véhicule, à la différence des éléments d’équipement produisant le froid.

Un fauteuil roulant électrique, dispositif médical destiné au déplacement d’une personne en situation de handicap, n’est pas un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985.

La Cour de cassation ne s’était jamais prononcée sur la qualification d’un fauteuil roulant électrique impliqué dans un accident de la circulation. Seule une réponse ministérielle indiquait qu’un fauteuil roulant électrique était assimilable à un véhicule terrestre à moteur au sens du Code des assurances, à la condition qu’il soit capable de rouler à plus de 6 km.

Dans la présente affaire, elle avait d’ailleurs refusé de transmettre une QPC sur la qualification de fauteuil roulant comme véhicule terrestre à moteur, relevant notamment « l’absence d’interprétation jurisprudentielle constante des dispositions législatives contestées ». M. c/ SAM Areas dommages et a. : JurisData n° 2020-015511 ; V. Resp. civ. et assur. 2020, comm. 206, L. Bloch). Dans un arrêt du 6 mai 2021, qui sera publié au rapport, la Cour de cassation juge qu’un fauteuil roulant électrique est un dispositif médical destiné au déplacement d’une personne en situation de handicap et n’est pas un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985.

La Cour s’appuie sur la loi Badinter de 1985 telle qu’interprétée à la lumière des objectifs assignés aux États par la Convention internationale des droits des personnes handicapées de 2007 (L. n° 85-677, 5 juill. 1985, art. 1er, 3 et 4). Elle rappelle que la loi de 1985 a instauré un dispositif d’indemnisation sans faute des victimes d’accident de la circulation.

Mais le législateur, estime la Cour, prenant en considération les risques associés à la circulation de véhicules motorisés, a entendu réserver une protection particulière à certaines catégories d’usagers de la route : les piétons, les passagers transportés, les enfants, les personnes âgées et celles en situation de handicap.

Elle en déduit donc qu’un fauteuil roulant électrique étant un dispositif médical destiné au déplacement d’une personne en situation de handicap, il ne peut pas être considéré comme un véhicule terrestre à moteur au sens de la loi Badinter. Le conducteur d’un tel engin ne peut donc voir le montant de son indemnisation réduit en raison d’une faute de sa part. lorsqu’il est impliqué dans un accident de la circulation, c’est le régime de la responsabilité sans faute qui doit lui être applicable.

En l’espèce, la requérante a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré, alors qu’elle se déplaçait en fauteuil roulant. Elle a assigné l’assureur qui refusait de l’indemniser de ses blessures subies au motif qu’elle aurait commis une faute exclusive de son droit à indemnisation en réparation de ses préjudices.

La cour d’appel a retenu que le fauteuil étant muni d’un système de propulsion motorisée, d’une direction, d’un siège et d’un dispositif d’accélération et de freinage, il avait vocation à circuler de manière autonome. Il répondait donc à la définition de véhicule terrestre à moteur au sens du Code des assurances ( C. assur., art. L. 211-1 ). Elle avait déduit de cette interprétation que la victime, conductrice du fauteuil roulant électrique, devait voir son droit à indemnisation réduit en raison de la faute qu’elle avait commise.

I. Conditions d’application de la loi du 5 juillet 1985

En premier lieu, la Cour de cassation rappelle l’article 1er de la loi dite Badinter qui énumère les conditions d’application de loi, à l’exception de la condition d’imputabilité du dommage à l’accident ajouté par la jurisprudence, qui ne distingue pas selon la présence ou non d’un contrat liant responsable et victime et qui exclut du champ du régime les véhicules circulant sur une voie propre. Sur ce point, la décision n’appelle pas de remarque particulière.

Elle revient ensuite sur les règles en matière d’opposabilité de la faute à la victime d’un accident de la circulation. Sur ce point, la loi distingue selon la qualité de la victime – conductrice ou non – et selon la nature de l’atteinte subie, à la personne ou au bien.

La victime qui revêt la qualité de conducteur se voit opposer sa faute, quelle que soit l’atteinte subie dans les mêmes conditions qu’en droit commun de la responsabilité (v. art. 4 de la loi).

La victime qui a la qualité de non-conducteur se voit également opposer sa faute simple si elle demande réparation d’une atteinte aux biens (art. 5 de la loi).

En revanche, la faute simple n’est pas opposable aux victimes non conductrices ayant subi un dommage corporel. Dans ce cas, une distinction s’opère entre les victimes « super privilégiées » et les victimes « simplement privilégiées ».

Les premières sont âgées de moins de 16 ans ou de plus de 70 ans ou présentent un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité au moins égal à 80 % : seule leur faute intentionnelle leur est opposable (art. 3, al. 2, de la loi). Les secondes ont entre 16 et 70 ans ou présentent un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité inférieure à 80 % : leur faute intentionnelle (art. 3, al. 3, de la loi) et leur faute inexcusable cause exclusive de l’accident (art. 3, al. 1) leur sont opposables.

On comprend alors l’enjeu pratique de la détermination de la qualité de la victime en l’espèce puisque celle-ci demande réparation de dommages corporels alors qu’elle a commis une faute qui a contribué à son dommage.

De sa qualification dépend l’étendue de son droit à réparation : si elle revêt la qualité de conducteur, la réparation de ses préjudices sera partielle, si elle a la qualité de non-conducteur, la réparation sera intégrale. Afin de savoir à quelle catégorie de victimes elle appartient, il convient donc, en amont, de déterminer si le fauteuil roulant est un VTM ou non.

II. L’exclusion du fauteuil roulant électrique de la définition de VTM au sens de la loi du 5 juillet 1985

La Cour de cassation rappelle que le dispositif d’indemnisation qu’est la loi du 5 juillet 1985 est un régime sans faute.

Elle précise également que le législateur a pris en compte les risques associés à la circulation de véhicules motorisés et a voulu réserver une protection particulière à certaines catégories d’usagers de la route tels que les piétons, les passagers transportés, les enfants, les personnes âgées et celles en situation de handicap.

Elle relève par ailleurs que le fauteuil électrique est un dispositif médical dont l’objectif est de permettre le déplacement d’une personne handicapée, ce qui l’exclut de la catégorie des véhicules terrestres à moteur.

Par voie de conséquence, si le fauteuil roulant n’est pas un véhicule, la personne handicapée qui l’utilise ne peut pas avoir la qualité de conducteur. Il en résulte qu’en application de l’article 3 de la loi, sa faute lui est inopposable.

Pour autant, était-il si évident d’arriver à la conclusion que la victime handicapée qui se déplace sur un tel dispositif ne devait pas être considérée comme conductrice ? Humainement, oui, techniquement, pas forcément.

L’équilibre entre l’application rigoriste de la définition du véhicule terrestre à moteur et la volonté de protéger les victimes d’accident particulièrement vulnérables n’est pas évidente.

Il n’existe pas de définition du VTM dans la loi du 5 juillet 1985. Le législateur semble s’en être remis à la définition du code des assurances. Selon l’alinéa 1er de l’article 211-1, le VTM correspond à « tout véhicule terrestre à moteur, c’est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée ».

Une autre définition se trouve également dans le Code de la route. L’article L. 110-1 dispose que « le terme de “véhicule à moteur” désigne tout véhicule terrestre pourvu d’un moteur à propulsion, y compris les trolleybus, et circulant sur route par ses moyens propres, à l’exception des véhicules qui se déplacent sur rails ».

Notons que le Code de la route envisage la situation des fauteuils roulants et opère une distinction selon que ceux-ci sont manuels ou électriques à l’article R. 412-34, II. Si la personne handicapée qui se déplace en fauteuil manuel est considérée comme un piéton, la personne se déplaçant sur un fauteuil électrique ne l’est que si elle roule « à l’allure du pas ». Dans le cas contraire, elle revêt la qualité de conducteur.

La question se pose alors de savoir si la définition jurisprudentielle du VTM au sens de la loi Badinter est identique à ces définitions légales.

La Cour de cassation, par une démarche casuistique, a adopté, comme souvent en la matière, une conception souple de la notion de VTM. Pour le définir, elle ne tient compte ni de la vitesse à laquelle il circule ni des caractéristiques du conducteur, pas plus qu’elle n’exige que le véhicule soit assuré de façon effective.

Elle a notamment considéré qu’une tondeuse à gazon autoportée et qu’une mini-moto étaient des VTM au sens de la loi.

Une application stricte de la définition du VTM, notamment au regard des définitions légales, aurait pu conduire les juges du droit à reconnaître que le fauteuil roulant électrique était un VTM et que la victime avait la qualité de conductrice. En ayant un moteur et la possibilité de circuler sur la voie publique comme tout autre véhicule, la personne qui le manœuvre participe aux risques de la circulation.

Mais l’esprit de la loi impose, à l’inverse, un rejet de cette solution puisque l’idée du législateur était avant tout de protéger les victimes vulnérables de ce type d’accidents, a fortiori lorsqu’elles sont victimes de dommages corporels. D’ailleurs, le projet de réforme de la responsabilité civile prévoit d’abandonner la distinction de régime en cas de dommages corporels selon que la victime est conductrice ou non.

Le fauteuil roulant, électrique ou manuel, est avant tout un dispositif médical qui vient aider une personne qui a perdu tout ou partie de ses facultés motrices. Plus qu’un véhicule, c’est un moyen de se mouvoir quand il n’est pas possible de le faire avec son corps. En ce sens, ce serait la vulnérabilité de la victime qui primerait sur la nature du moyen utilisé pour se déplacer.

Pour lire un version plus complète de cet article sur les VTC et les fauteuils roulants, cliquez

Sources :

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037196685?init=true&page=1&query=17-19.738++&searchField=ALL&tab_selection=all
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https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000028976985?init=true&page=1&query=13-10.561&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034785496?init=true&page=1&query=16-18.421++&searchField=ALL&tab_selection=all
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https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043105330?init=true&page=1&query=20-14.551&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000043105330?init=true&page=1&query=20-14.551&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007047114?init=true&page=1&query=02-20.208&searchField=ALL&tab_selection=all
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000031375257?init=true&page=1&query=14-13.994&searchField=ALL&tab_selection=all